Discours 2005-2013 652

À LA GARDE SUISSE PONTIFICALE Lundi 5 mai 2008



652 Monsieur le commandant,
Chers gardes suisses et chers parents! ù

A l'occasion de la cérémonie annuelle d'assermentation, qui aura lieu demain, je suis heureux de pouvoir vous rencontrer tous ensemble, pour adresser mes meilleurs voeux aux nouvelles recrues et pour renouveler à tout le Corps de la Garde suisse pontificale l'expression de mon affection et de ma reconnaissance. Chers gardes, je salue en particulier le commandant et l'aumônier, en les assurant de ma prière pour leur service exigeant, et j'étends avec joie ma pensée aux Autorités suisses et aux nombreuses familles, qui en ces journées égayent par leur présence votre petit quartier au Vatican. Je suis en particulier heureux d'accueillir de si nombreux enfants, qui sont les fleurs les plus belles de vos familles et qui nous rappellent l'amour privilégié que Jésus nourrissait pour les petits.

Il y a deux ans, en 2006, le cinquième centenaire de la fondation de votre Corps a été célébré par d'importantes manifestations. Cette circonstance fut propice pour observer en perspective votre histoire, en saisissant les profonds changements du contexte social dans lequel, à travers les siècles, le Saint-Siège a été appelé à vivre et à opérer, selon le mandat confié par le Christ à l'apôtre Pierre. En arrière-plan de cette évolution impressionnante, se détache encore davantage ce qui ne change pas, comme l'identité de votre Corps, petit mais qualifié, destiné à veiller sur la sécurité du Souverain Pontife et de sa demeure. Après cinq siècles, l'esprit de foi qui pousse les jeunes Suisses à quitter leur belle terre pour venir prêter service au Pape au Vatican n'a pas changé. L'amour pour l'Eglise catholique, à laquelle vous rendez témoignage, plus que par les paroles à travers vos personnes - qui grâce à l'uniforme caractéristique sont bien reconnaissables aux entrées du Vatican et dans les Audiences pontificales -, est le même. Vos uniformes historiques parlent aux pèlerins et aux touristes de toutes les parties du monde de quelque chose qui malgré tout ne change pas, c'est-à-dire qu'ils parlent de votre engagement à servir Dieu, en servant le "serviteur de ses serviteurs".

Je m'adresse tout particulièrement à vous, les nouveaux hallebardiers. Sachez avant tout assimiler l'esprit chrétien et ecclésial, qui est la base et le moteur de toute l'activité que vous déploierez. Développez toujours votre prière et votre vie spirituelle, mettant pour cela en valeur la présence précieuse de votre Chapelain. Soyez ouverts, simples et loyaux. Sachez aussi apprécier les différences de personnalité et de caractère qui sont parmi vous, parce que, sous l'uniforme, chacun est une personne unique, appelée par Dieu à servir son Règne d'amour et de paix. Comme vous le savez, la Garde suisse est aussi une école de vie, et durant l'expérience au Vatican beaucoup de vos prédécesseurs ont pu découvrir leur vocation: au mariage chrétien, au sacerdoce, à la vie consacrée. C'est un motif de louange à Dieu mais aussi d'estime pour votre Corps.

Chers amis, je vous remercie tous pour la générosité et le dévouement avec lesquels vous oeuvrez au service du Pape. Que le Seigneur vous récompense et vous comble d'abondantes faveurs célestes. Je vous confie à la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, que nous vénérons avec une dévotion particulière en ce mois de mai. A chacun de vous, aux Autorités, aux personnalités présentes, aux familles et à toutes les personnes qui vous sont chères je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.


AU PATRIARCHE ET AUX EVÊQUES D'ANTIOCHE DE GRECS-MELKITES (SYRIE) Jeudi 8 mai 2008



Béatitude,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers Fils et Filles de l’Église grecque-melkite catholique,

Je suis heureux de vous accueillir alors que vous accomplissez un pèlerinage au tombeau des Apôtres. Je salue particulièrement Sa Béatitude Gregorios III, que je remercie de ses aimables paroles qui manifestent la vitalité de l’Église melkite malgré les difficultés de la situation sociale et politique que connaît votre région. J’adresse aussi mon fraternel salut aux Évêques présents, et à vous tous chers amis, venant de divers pays du Moyen Orient et de la diaspora melkite à travers le monde, où vous manifestez ainsi, à votre manière, l’universalité de l’Église catholique.

653 Alors que s’approche l’ouverture de l’année que j’ai voulue consacrer à saint Paul, je ne peux oublier que le siège de votre Patriarcat est établi dans la ville de Damas, sur le chemin de laquelle l’Apôtre a vécu l’événement qui a transformé son existence et qui a ouvert les portes du christianisme à toutes les Nations. Je vous encourage donc pour que, à cette occasion, un travail pastoral intense suscite dans vos diocèses, en chacune de vos paroisses et chez tous les fidèles un élan nouveau pour une connaissance toujours plus intime de la personne du Christ, grâce à une lecture renouvelée de l’oeuvre paulinienne. Cela permettra un témoignage fécond parmi les hommes d’aujourd’hui. C’est un tel élan qui pourra aussi garantir un avenir florissant pour l’Église melkite.

Dans cette perspective, pour assurer le dynamisme évangélique des communautés et leur unité ainsi qu’un bon fonctionnement des affaires ecclésiales dans les Églises patriarcales, le rôle du Synode des Évêques a une importance fondamentale. Il convient donc, chaque fois que le droit le demande, surtout lorsqu’il s’agit de questions qui regardent les Évêques eux-mêmes, de donner à cette vénérable institution, et non seulement au Synode permanent, la place qui lui revient.

Je connais l’activité oecuménique de l’Église melkite catholique et les relations fraternelles que vous avez établies avec vos Frères orthodoxes, je m’en réjouis. En effet, l’engagement pour la recherche de l’unité de tous les disciples du Christ est une obligation urgente, qui découle du désir ardent du Seigneur lui-même. Nous devons donc faire tout notre possible pour abattre les murs de division et de défiance qui nous empêchent de le réaliser. Cependant, nous ne pouvons pas perdre de vue que la recherche de l’unité est une tâche qui concerne non seulement une Église particulière, mais l’Église tout entière, dans le respect de sa nature elle-même. Par ailleurs, comme le souligne l’encyclique Ut unum sint, l’unité n’est pas le fruit de l’activité humaine, elle est d’abord un don de l’Esprit Saint. Prions donc l’Esprit, dont nous célébrerons dans quelques jours la descente sur les Apôtres, afin qu’il nous aide à travailler tous ensemble à la recherche de l’unité.

Béatitude, chers Frères et Soeurs, j’apprécie aussi les bonnes relations que vous entretenez avec les musulmans, avec leurs responsables et avec leurs institutions, ainsi que les efforts réalisés pour résoudre les problèmes qui peuvent se poser, dans un esprit de dialogue fraternel, sincère et objectif. Je me réjouis donc de constater que, dans la ligne du Concile Vatican II, l’Église melkite s’est engagée avec les musulmans à rechercher sincèrement la compréhension mutuelle ainsi qu’à promouvoir et à défendre ensemble, pour le bénéfice de tous, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.

Enfin, accomplissant sa mission dans le contexte agité et parfois dramatique du Moyen Orient, l’Église se trouve confrontée à des situations où la politique joue un rôle qui n’est pas indifférent à sa vie. Il est donc important qu’elle maintienne des contacts avec les Autorités politiques, les institutions et les divers partis. Toutefois, il ne revient pas au clergé de s’engager dans la vie politique. Cela reste le fait des laïcs. Mais l’Église se doit de proposer à tous la lumière de l’Évangile, afin que tous s’engagent à servir le bien commun et que la justice prévale toujours, pour que le chemin de la paix puisse enfin s’ouvrir devant les peuples de cette région bien-aimée.

Béatitude, en concluant notre rencontre, je confie l’Église grecque-melkite catholique à l’intercession de la Vierge Marie et à la protection de tous les saints d’Orient. Demandant à Dieu de donner à votre Église patriarcale la force et la lumière afin qu’elle poursuive sa mission dans la paix et dans la sérénité, je vous accorde, ainsi qu’aux Évêques et à tous les fidèles de votre Patriarcat, une affectueuse Bénédiction apostolique.

CÉLÉBRATION OECUMÉNIQUE PRÉSIDÉE PAR LE SAINT-PÈRE À L'OCCASION DE LA VISITE DE SA SAINTETÉ KAREKIN II, PATRIARCHE ET CATHOLICOS DE TOUS LES ARMÉNIENS


Salle Clémentine Vendredi 9 mai 2008


Votre Sainteté,
Chers frères dans le Christ

C'est avec une joie sincère que je souhaite la bienvenue à Votre Sainteté, ainsi qu'à l'éminente délégation qui l'accompagne. Je salue cordialement les prélats, les prêtres et les laïcs qui représentent la famille du catholicossat de tous les Arméniens, présente dans le monde entier. Nous nous réunissons au nom de Notre Seigneur Jésus Christ, qui a promis à ses disciples que "quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux" (Mt 18,20). Que l'esprit d'amour et de service fraternels, que Jésus a enseigné à ses disciples illumine notre coeur et notre esprit alors que nous nous saluons, que nous conversons et que nous nous réunissons en prière!

654 Je me rappelle avec gratitude la visite du Catholicos Vasken I et du Catholicos Karekin I à l'Eglise de Rome et leurs relations cordiales avec mes vénérables prédécesseurs le Pape Paul VI et le Pape Jean-Paul II. Leur engagement pour l'unité chrétienne a inauguré une nouvelle ère dans nos relations. Votre Sainteté, je me rappelle avec une joie particulière votre visite en 2000 à Rome et votre rencontre avec le Pape Jean-Paul II. La liturgie oecuménique dans la Basilique vaticane, qui célébrait le don d'une relique de saint Grégoire l'Illuminateur, a été l'un des événements les plus mémorables du grand Jubilé à Rome. Le Pape Jean-Paul II a rendu cette visite en allant en Arménie en 2001, où vous l'avez courtoisement accueilli dans la sainte Etchémiadzine. L'accueil affectueux que vous lui avez réservé à cette occasion a accru davantage son estime et son respect pour le peuple arménien. L'Eucharistie célébrée par le Pape Jean-Paul II sur le grand autel extérieur, dans la sainte Etchémiadzine, a représenté un signe supplémentaire d'une acceptation réciproque croissante, dans l'attente du jour où nous pourrons la célébrer ensemble autour d'une unique table du Seigneur.

Demain soir, chacun de nous, selon nos traditions respectives, commencera la célébration de la liturgie de Pentecôte. Cinquante jours après la résurrection de Notre Seigneur Jésus Christ, nous prierons sincèrement le Père, en lui demandant d'envoyer son Esprit Saint, l'Esprit qui a la tâche de nous garder dans l'amour divin et de nous conduire à la vérité. Nous prierons d'une certaine manière pour l'unité de l'Eglise. Le jour de Pentecôte, ce fut l'Esprit Saint qui créa à partir des nombreuses langues de la foule réunie à Jérusalem une unique voix pour professer la foi. C'est l'Esprit Saint qui donne l'unité à l'Eglise. Le chemin vers le rétablissement de la communion pleine et visible entre tous les chrétiens peut sembler long et difficile. Il y a encore beaucoup à faire pour guérir les divisions profondes et douloureuses qui défigurent le Corps du Christ. Toutefois, l'Esprit Saint continue à guider l'Eglise par des voies surprenantes et souvent inattendues. Il peut ouvrir les portes fermées, inspirer des paroles oubliées, rétablir des relations interrompues. Si notre coeur et notre esprit sont ouverts à l'Esprit de communion, Dieu peut à nouveau accomplir des miracles dans l'Eglise en rétablissant le lien d'unité. Se prodiguer pour l'unité des chrétiens est un acte de confiance obéissante dans l'oeuvre de l'Esprit Saint, qui conduit l'Eglise à la pleine réalisation du dessein du Père, conformément à la volonté du Christ.

La récente histoire de l'Eglise apostolique arménienne a été écrite avec les couleurs contrastantes de la persécution et du martyre, de l'obscurité et de l'espérance, de l'humiliation et de la renaissance spirituelle. Votre Sainteté, avec les membres de votre délégation vous avez vécu personnellement ces expériences antagonistes dans vos familles et dans votre vie. La restitution de la liberté à l'Eglise qui est en Arménie a été une source de grande joie pour nous tous. Le lourd fardeau de la reconstruction de l'Eglise a été posé sur vos épaules. Je ne peux qu'exprimer ma profonde estime pour les résultats pastoraux importants obtenus en un temps aussi bref, que ce soit en Arménie ou à l'étranger, pour l'éducation chrétienne des jeunes, pour la formation du nouveau clergé, pour l'édification de nouvelles églises et centres communautaires, pour l'assistance caritative aux indigents et pour la promotion des valeurs chrétiennes dans la vie sociale et culturelle. Grâce à votre direction pastorale, la lumière glorieuse du Christ resplendit à nouveau en Arménie et il est possible d'écouter à nouveau les paroles salvifiques de l'Evangile. Bien sûr, vous affrontez encore de nombreux défis aux niveaux social, culturel et spirituel. A ce propos, je dois mentionner les récentes difficultés affrontées par le peuple arménien et exprimer le soutien dans la prière de l'Eglise catholique à sa recherche de justice et de paix et à sa promotion du bien commun.

Dans notre dialogue oecuménique, des progrès importants ont été accomplis pour résoudre les controverses doctrinales qui nous ont traditionnellement divisés, en particulier sur des questions de christologie. Ces cinq dernières années nous avons obtenu de bons résultats grâce à la Commission conjointe pour le dialogue théologique entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales dont le Catholicossat de tous les Arméniens est membre à part entière. Merci, Votre Sainteté, du soutien offert à l'oeuvre de la Commission conjointe et de la précieuse contribution de vos représentants. Prions afin que son activité nous rapproche de la communion pleine et visible et que vienne le jour où notre unité dans la foi rendra possible une célébration commune de l'Eucharistie. En attendant ce jour, nous veillerons à consolider et développer davantage nos liens par des accords sur des questions pastorales, en harmonie avec le niveau d'accord doctrinal déjà atteint. Ce n'est que soutenu par la prière et par une coopération effective, que le dialogue théologique pourra conduire à l'unité que le Seigneur désire pour ses disciples.

Votre Sainteté, chers amis: au XII siècle, Nerses de Lambron s'adressa à un groupe d'évêques arméniens. Il conclut son célèbre discours synodal sur le rétablissement de l'unité chrétienne par des paroles visionnaires qui nous frappent aujourd'hui encore: "Vous n'êtes pas dans l'erreur, vénérables pères: il est méritoire de pleurer sur les jours passés de la discorde. Toutefois, c'est aujourd'hui le jour que le Seigneur a fait, un jour de joie et d'allégresse. (...) Prions afin que Notre Seigneur nous donne une tendresse et une douceur encore plus abondantes et développe cette semence sur la terre, avec la rosée de l'Esprit Saint; peut-être que grâce à sa puissance nous pourrons aussi porter des fruits; pour nous permettre de rétablir la paix de l'Eglise du Christ, aujourd'hui dans les intentions et demain dans les faits". Tel est également mon désir dans la prière à l'occasion de votre visite. Je vous remercie de tout coeur et je vous assure de ma profonde affection dans le Seigneur.


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL ORGANISÉ À L'OCCASION DU 40 ANNIVERSAIRE DE L’ENCYCLIQUE "HUMANAE VITAE" Salle Clémentine Samedi 10 mai 2008

Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

C'est avec une joie particulière que je vous accueille au terme de vos travaux au cours desquels vous vous êtes appliqués à réfléchir sur un problème ancien et toujours nouveau, qui est la responsabilité et le respect pour l'apparition de la vie humaine. Je salue en particulier Mgr Rino Fisichella, Recteur magnifique de l'Université pontificale du Latran, qui a organisé ce Congrès international et je le remercie des paroles de salut qu'il a bien voulu m'adresser. Mon salut s'étend ensuite aux éminents rapporteurs, enseignants et à tous les participants, qui ont enrichi par leur contribution ces journées de travail intense. Votre contribution s'insère de manière valable au sein d'une plus vaste production qui, au cours des décennies, s'est développée sur ce thème si controversé et, toutefois, si décisif pour l'avenir de l'humanité.

Le Concile Vatican II, dans la Constitution Gaudium et spes, s'adressait déjà aux hommes de science en les invitant à unir leurs efforts pour atteindre une unité du savoir et une certitude consolidée autour des conditions qui peuvent favoriser une "saine régulation de la procréation humaine" (GS 52). Mon prédécesseur de vénérée mémoire, le serviteur de Dieu Paul VI, le 25 juillet 1968, publiait la Lettre encyclique Humanae vitae. Ce document devint rapidement un signe de contradiction. Elaboré à la lumière d'une décision difficile, il constitue un geste significatif de courage en réaffirmant la continuité de la doctrine et de la tradition de l'Eglise. Ce texte, souvent mal compris et sujet à des équivoques, fit beaucoup discuter, également parce qu'il se situait à l'aube d'une profonde contestation qui marqua la vie de générations entières. Quarante ans après sa publication, cet enseignement manifeste non seulement sa vérité de façon immuable, mais il révèle également la clairvoyance avec laquelle le problème fut affronté. De fait, l'amour conjugal fut décrit au sein d'une processus global qui ne s'arrête pas à la division entre l'âme et le corps et ne dépend pas du seul sentiment, souvent fugace et précaire, mais qui prend en charge l'unité de la personne et le partage total des époux qui, dans l'accueil réciproque, s'offrent eux-mêmes dans une promesse d'amour fidèle et exclusif qui naît d'un authentique choix de liberté. Comment un tel amour pourrait-il rester fermé au don de la vie? La vie est toujours un don inestimable; chaque fois que l'on assiste à son apparition nous percevons la puissance de l'action créatrice de Dieu qui a confiance en l'homme et, de cette manière, l'appelle à construire l'avenir avec la force de l'espérance.

655 Le Magistère de l'Eglise ne peut pas s'exempter de réfléchir de manière toujours nouvelle et approfondie sur les principes fondamentaux qui concernent le mariage et la procréation. Ce qui était vrai hier, reste également vrai aujourd'hui. La vérité exprimée dans Humanae vitae ne change pas; au contraire, précisément à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques, son enseignement se fait plus actuel et incite à réfléchir sur la valeur intrinsèque qu'il possède. La parole clef pour entrer avec cohérence dans ses contenus demeure celle de l'amour. Comme je l'ai écrit dans ma première Encyclique Deus caritas est: "L'homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l'âme se trouvent dans une profonde unité. (...) Mais ce ne sont ni seulement l'esprit ou le corps qui aiment: c'est l'homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l'âme" (n. 5). En l'absence de cette unité, la valeur de la personne se perd et l'on tombe dans le grave danger de considérer le corps comme un objet que l'on peut acheter ou vendre (cf. ibid.). Dans une culture soumise à la domination de l'avoir sur l'être, la vie humaine risque de perdre sa valeur. Si l'exercice de la sexualité se transforme en une drogue qui veut assujettir le conjoint à ses propres désirs et intérêts, sans respecter les temps de la personne aimée, alors ce que l'on doit défendre n'est plus seulement le véritable concept d'amour, mais en premier lieu la dignité de la personne elle-même. En tant que croyants nous ne pourrions jamais permettre que la domination de la technique puisse nier la qualité de l'amour et le caractère sacré de la vie.

Ce n'est pas un hasard si Jésus, en parlant de l'amour humain, fait référence à ce qui est accompli par Dieu au début de la création (cf.
Mt 19,4-6). Son enseignement renvoie à l'acte gratuit avec lequel le Créateur a voulu non seulement exprimer la richesse de son amour, qui s'ouvre en se donnant à tous, mais également définir un paradigme en fonction duquel doit se décliner l'action de l'humanité. Dans la fécondité de l'amour conjugal, l'homme et la femme participent à l'acte créateur du Père et mettent en évidence qu'à l'origine de leur vie conjugale il y a un "oui" authentique qui est prononcé et réellement vécu dans la réciprocité, en restant toujours ouvert à la vie. Cette parole du Seigneur reste immuable avec sa profonde vérité et ne peut pas être effacée par les différentes théories qui, au cours des ans, se sont succédé et parfois même contredites entre elles. La loi naturelle, qui est à la base de la reconnaissance de la véritable égalité entre les personnes et les peuples, mérite d'être reconnue comme la source à laquelle doit s'inspirer également la relation entre les époux dans leur responsabilité d'engendrer de nouveaux enfants. La transmission de la vie est inscrite dans la nature et ses lois demeurent comme une norme non écrite à laquelle tous doivent se référer. Toute tentative de détourner le regard de ce principe reste elle-même stérile et ne produit pas de fruit.

Il est urgent que nous redécouvrions à nouveau une alliance qui a toujours été féconde, lorsqu'elle a été respectée; celle-ci voit au premier-plan la raison et l'amour. Un maître perspicace comme Guillaume de Saint-Thierry pouvait écrire des paroles que nous ressentons également profondément valable pour notre époque: "Si la raison instruit l'amour et l'amour illumine la raison, si la raison se convertit en amour et l'amour consent à se laisser retenir entre les limites de la raison, alors ceux-ci peuvent accomplir quelque chose de grand" (Nature et grandeur de l'amour, n. 21, 8). Quel est ce "quelque chose de grand" auquel nous pouvons assister? C'est l'apparition de la responsabilité à l'égard de la vie, qui rend fécond le don que chacun fait de soi à l'autre. C'est le fruit d'un amour qui sait penser et choisir en pleine liberté, sans se laisser conditionner outre mesure par l'éventuel sacrifice demandé. C'est de là que naît le miracle de la vie dont les parents font eux-mêmes l'expérience, en ressentant comme quelque chose d'extraordinaire ce qui s'accomplit en eux et à travers eux. Aucune technique mécanique ne peut remplacer l'acte d'amour que deux époux s'échangent comme signe d'un mystère plus grand qui les voit acteurs et co-participants de la création.

On assiste toujours plus souvent, hélas, à de tristes événements qui concernent des adolescents, dont les réactions manifestent une connaissance incorrecte du mystère de la vie et des implications risquées de leurs gestes. L'urgence de la formation, à laquelle je fais souvent référence, voit dans le thème de la vie l'un de ses thèmes privilégiés. Je souhaite vraiment que l'on réserve, notamment aux jeunes, une attention toute particulière, afin qu'ils puissent apprendre le véritable sens de l'amour et se préparent pour cela à travers une éducation adaptée à la sexualité, sans se laisser distraire par des messages éphémères qui empêchent d'atteindre l'essence de la vérité qui est en jeu. Donner de fausses illusions dans le domaine de l'amour ou tromper sur les responsabilités authentiques que l'on est appelé à assumer avec l'exercice de sa propre sexualité ne fait pas honneur à une société qui se réclame des principes de la liberté et de la démocratie. La liberté doit se conjuguer avec la vérité et la responsabilité avec la force du dévouement à l'autre et également avec le sacrifice; sans ces composantes, la communauté des hommes ne grandit pas et le risque de se refermer dans un cercle d'égoïsme asphyxiant reste toujours aux aguets.

L'enseignement exprimé par l'Encyclique Humanae vitae n'est pas facile. Toutefois, il est conforme à la structure fondamentale avec laquelle la vie a toujours été transmise dès la création du monde, dans le respect de la nature et conformément à ses exigences. Le respect pour la vie humaine et la sauvegarde de la dignité de la personne nous imposent de tout tenter pour que tous puissent puissent partager l'authentique vérité de l'amour conjugal responsable, dans une pleine adhésion à la loi inscrite dans le coeur de chaque personne. Avec ces sentiments, je vous donne à tous ma Bénédiction apostolique.


À S.E. M. MORDECHAY LEWY NOUVEL AMBASSADEUR D'ISRAËL PRÈS LE SAINT SIÈGE Lundi 12 mai 2008

Votre Excellence,

Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au début de votre mission et d'accepter les Lettres qui vous accréditent en tant qu'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l'Etat d'Israël près le Saint-Siège. Je vous remercie des paroles cordiales que vous m'avez adressées et je vous demande de transmettre au Président M. Shimon Peres mes saluts respectueux et l'assurance de mes prières pour le peuple de son pays.

Je présente encore une fois mes voeux cordiaux à l'occasion de la célébration par Israël de ses soixante années d'existence en tant qu'Etat. Le Saint-Siège s'unit à vous pour rendre grâce au Seigneur, car les aspirations du peuple juif se sont réalisées et, dans le même temps, il espère que l'on parviendra au plus tôt à une époque de plus grande sérénité, lorsqu'une paix juste résoudra le conflit avec les Palestiniens. En particulier, le Saint-Siège considère comme précieuses ses relations diplomatiques avec Israël, instaurées il y a quinze ans, et il attend avec impatience le développement ultérieur d'un plus grand respect, d'une plus grande estime et d'une collaboration croissante qui nous uniront.

De nombreux domaines d'intérêt réciproque que l'on peut faire fructifier, existent entre l'Etat d'Israël et le Saint-Siège. Comme vous l'avez souligné, l'héritage judéo-chrétien devrait nous pousser à prendre l'initiative de promouvoir de nombreuses formes d'action humanitaire et sociale dans le monde, notamment en combattant toutes les formes de discrimination raciale. Votre Excellence, je partage avec vous l'enthousiasme pour les échanges culturels et académiques qui se déroulent entre les institutions catholiques dans le monde et celles de Terre Sainte, et j'espère moi aussi que ces initiatives connaîtront un plus large développement au cours des prochaines années. Le dialogue fraternel, conduit au niveau international entre chrétiens et juifs, porte beaucoup de fruits et doit se poursuivre avec application et générosité. Les villes saintes de Rome et de Jérusalem sont de très importantes sources de foi et de sagesse pour la civilisation occidentale et, par voie de conséquence, les liens entre Israël et le Saint-Siège ont des répercussions plus profondes que ceux qui dérivent formellement de la dimension juridique de nos relations.

Votre Excellence, je sais que vous partagez ma préoccupation pour le déclin alarmant de la population chrétienne dans les pays du Moyen-Orient, y compris en Israël, à cause de l'émigration. Bien sûr, les chrétiens ne sont pas les seuls à ressentir les effets de l'insécurité et de la violence qui sont les conséquences des différents conflits dans la région, mais, sous de nombreux aspects, ils sont actuellement particulièrement vulnérables. Je prie pour que, grâce à l'amitié croissante entre Israël et le Saint-Siège, l'on puisse mettre en oeuvre tous les moyens pour rassurer les membres de la communauté chrétienne, afin qu'ils puissent nourrir l'espérance d'un avenir sûr et pacifique dans leurs patries ancestrales, sans se sentir obligés de devoir migrer dans d'autres parties du monde pour se construire une nouvelle vie.

656 Les chrétiens en Terre Sainte entretiennent depuis longtemps de bons rapports aussi bien avec les musulmans qu'avec les juifs. Leur présence et le libre exercice de la vie et de la mission de l'Eglise en ce lieu, ont le potentiel de contribuer de manière significative à guérir les divisions entre les deux communautés. Je prie afin qu'il puisse en être ainsi et j'invite votre gouvernement à continuer à élaborer des façons d'utiliser la bonne volonté des chrétiens, aussi bien envers les descendants naturels du peuple qui a le premier entendu la Parole de Dieu, qu'envers nos frères et nos soeurs musulmans qui depuis des siècles vivent et pratiquent leur culte dans la terre que les trois traditions religieuses définissent "sainte".

Je comprends que les difficultés des chrétiens en Terre Sainte sont également liées à la tension permanente entre les communautés juive et palestinienne. Le Saint-Siège reconnaît la légitime nécessité de sécurité et d'autodéfense d'Israël et condamne profondément toutes les formes d'antisémitisme. Il soutient également que tous les peuples ont le droit de recevoir d'égales opportunités de prospérer. C'est précisément pour cela que j'exhorte urgemment votre gouvernement à accomplir tous les efforts possibles pour résoudre les difficultés dont souffre la communauté palestinienne, en lui accordant la liberté nécessaire pour accomplir ses activités légitimes, y compris rejoindre les lieux de culte afin qu'elle puisse jouir de la paix et d'une plus grande sécurité. Il est évident que ces problèmes ne peuvent être affrontés que dans le plus large cadre du processus de paix au Moyen-Orient. Le Saint-Siège accueille l'engagement exprimé par votre gouvernement de soutenir l'élan retrouvé à Annapolis et il prie afin que les espérances et les attentes suscitées en ce lieu ne soient pas déçues. Comme je l'observais dans mon récent discours aux Nations unies à New York, il est nécessaire de parcourir toutes les voies possible de la diplomatie et de prêter attention "au plus petit signe de dialogue ou de désir de réconciliation" si l'on veut résoudre les conflits qui durent depuis de nombreuses années. Lorsque toutes les personnes de Terre Sainte vivront en paix et en harmonie, dans deux Etats souverains indépendants, le bénéfice pour la paix du monde sera inestimable et Israël sera réellement "lumière des nations" (
Is 42,6), un exemple lumineux de résolution du conflit que le reste du monde pourra suivre.

Un grand pas a été accompli en formulant les accords qui ont été signés par Israël et par le Saint-Siège et il est souhaitable que les négociations relatives à des questions économiques et fiscales parviennent à une conclusion satisfaisante. Je vous remercie de vos paroles rassurantes sur l'engagement du gouvernement d'Israël pour une solution rapide et positive des problèmes encore à résoudre. Je sais que je parle au nom de nombreuses personnes lorsque j'exprime l'espérance que ces accords puissent rapidement être intégrés dans le système juridique intérieur d'Israël et constituer ainsi une base pour une coopération féconde. Votre Excellence, en raison de l'intérêt personnel que vous nourrissez pour la situation des chrétiens en Terre Sainte, qui est beaucoup apprécié, je sais que vous comprenez les difficultés causées par les incertitudes incessantes sur leurs droits et leur statut juridiques, en particulier à propos de la question des visas du personnel ecclésiastique. Je suis certain que vous ferez tout votre possible pour faciliter la résolution des problèmes restants de manière acceptable pour toutes les parties en cause. Ce n'est que si l'on surmonte ces difficultés que l'Eglise pourra réaliser ses oeuvres religieuses, morales, éducatives et caritatives dans la terre où elle est née.

Votre Excellence, je prie afin que la mission diplomatique que vous commencez aujourd'hui renforce ultérieurement les liens d'amitié entre le Saint-Siège et votre pays. Soyez assuré que les divers dicastères de la Curie romaine seront toujours prêts à vous offrir leur aide et leur soutien dans l'accomplissement de vos devoirs. Avec mes voeux sincères, j'invoque sur vous, sur votre famille et sur tout le peuple de l'Etat d'Israël, les abondantes Bénédictions de Dieu.



Discours 2005-2013 652