Discours 2005-2013 20309

CÉRÉMONIE DE CONGÉ Aéroport international Nsimalen de Yaoundé Vendredi 20 mars 2009

20309

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs qui représentez les Autorités civiles,
Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l’Épiscopat,
Chers frères et soeurs,

Alors que je m’apprête à quitter le Cameroun, au terme de la première étape de mon voyage apostolique en Afrique, je désire vous remercier tous du généreux accueil que vous m’avez réservé durant ces journées. La chaleur du soleil africain s’est comme reflétée dans la chaleur de l’hospitalité dont vous m’avez gratifiée. Je remercie en premier lieu Monsieur le Président et les membres du Gouvernement pour leur aimable accueil. Je remercie mes frères Évêques et l’ensemble des fidèles catholiques qui ont offert l’exemple si stimulant d’un culte joyeux et vivant durant les liturgies que nous avons vécues ensemble. Je suis heureux également que les membres d’autres communautés ecclésiales chrétiennes aient pu être présents à certains de nos rassemblements, et je leur renouvelle mes souhaits respectueux, ainsi qu’à leurs responsables. Je tiens à dire combien j’ai apprécié le travail important accompli par les Autorités civiles afin d’assurer le bon déroulement de ma visite. Mais par-dessus tout, je veux exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont prié ardemment pour que cette visite pastorale porte des fruits pour la vie de l’Église en Afrique. Et je vous demande de continuer à prier pour que la Seconde Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques soit un temps de grâce pour l’Église à travers tout le continent, un temps de renouvellement et de nouvelle consécration à la mission de porter le message bienfaisant de l’Évangile à un monde blessé.

Beaucoup de réalités dont j’ai été le témoin ici resteront profondément gravées dans ma mémoire. Au Centre Cardinal Léger, il était très émouvant de constater l’attention dont font l’objet les malades et les handicapés, qui sont parmi les membres les plus vulnérables de notre société. Cette compassion, qui est celle du Christ, est un signe assuré d’espérance pour l’avenir de l’Église et de l’Afrique.

Ma rencontre avec les membres de la Communauté musulmane ici au Cameroun a été également un autre moment fort dont je garderai le souvenir. Tandis que nous poursuivons notre route vers une plus grande compréhension mutuelle, je prie pour que grandisse aussi notre respect et notre estime réciproque, et pour que se fortifie notre détermination à travailler ensemble pour proclamer la dignité que Dieu a donnée à la personne humaine, message que notre monde toujours plus sécularisé a besoin d’entendre.

Mon but principal, en venant au Cameroun, était bien sûr de visiter la communauté catholique qui s’y trouve. J’ai eu ainsi la grande joie de vivre quelques moments fraternels avec les Évêques, et de célébrer la liturgie de l’Église avec de très nombreux fidèles. Je suis spécialement venu ici pour partager avec vous ce moment historique que constitue la promulgation de l’Instumentum laboris pour la Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques. C’est véritablement un moment de grande espérance pour l’Afrique et pour le monde entier. Habitants du Cameroun, je vous exhorte à saisir l’instant que Dieu vous a donné ! Répondez à son appel à porter la réconciliation, la guérison et la paix à vos communautés et à votre société ! Travaillez à éliminer l’injustice, la pauvreté et la faim partout où vous les rencontrez ! Et que Dieu bénisse ce merveilleux pays qui est « une Afrique en miniature », qui est une terre de promesse et une terre d’une rayonnante beauté. Que Dieu vous bénisse tous !




CÉRÉMONIE DE BIENVENUE Aéroport international 4 de Fevereiro de Luanda Vendredi 20 mars 2009

20319
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs qui représentez les Autorités civiles et militaires,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis Angolais !


C’est avec des sentiments de déférente amitié que je foule le sol de cette noble et jeune Nation dans le cadre d’une visite pastorale qui, à mes yeux, a comme horizon le continent africain tout entier, même si j’ai dû limiter mes pas à Yaoundé et à Luanda. Tous, nous savons bien que je garde dans mon coeur et ma prière l’Afrique tout entière et le peuple Angolais en particulier auquel je désire offrir mes encouragements cordiaux à progresser sur les chemins de la pacification et de la reconstruction du pays et de ses institutions.

Monsieur le Président, permettez-moi d’abord de vous remercier pour l’aimable invitation que vous m’avez faite à venir visiter l’Angola et pour les mots de cordiale bienvenue que vous venez de m’adresser. Veuillez accepter mes salutations respectueuses et mes voeux les meilleurs, que j’étends aux autres Autorités qui sont venues pour m’accueillir ici. En la personne de ses Évêques ici présents, je salue l’ensemble de l'Église catholique en Angola. Et je vous remercie, vous tous, amis Angolais, pour l’accueil affectueux que vous me réservez. J’assure aussi de mon amitié ceux qui m’écoutent par la radio et la télévision, dans la certitude que le Ciel veille avec bienveillance sur la mission qui nous a été confiée à tous : édifier ensemble une société plus libre, plus pacifique et plus solidaire.

Comment ne pas évoquer ici le souvenir de l’illustre visiteur qui bénit l’Angola au mois de juin de 1992, mon bien-aimé prédécesseur le Pape Jean-Paul II ? Missionnaire infatigable de Jésus Christ, jusqu’aux extrémités de la terre, il a montré le chemin vers Dieu, invitant tous les hommes de bonne volonté à écouter la voix de leur conscience formée dans la droiture, et à construire une société de justice, de paix et de solidarité, dans la charité et le pardon réciproques. Quant à moi, vous le savez, je viens d’un pays dont les habitants ont une haute estime de la paix et de la fraternité, en particulier ceux qui – comme moi – ont connu la guerre et la division entre frères d’une même Nation en raison d’idéologies destructrices et inhumaines qui faisaient peser le joug de l’oppression sous la fausse apparence du rêve et de l’illusion. Vous pouvez donc comprendre combien le dialogue entre les hommes est important à mes yeux, car il permet de dépasser toutes les formes de conflits et de tensions et de faire de chaque Nation – et donc de votre Patrie – une maison de paix et de fraternité. Pour atteindre ce but, vous devez puiser dans votre patrimoine spirituel et culturel les valeurs positives dont l’Angola est riche, et aller sans peur à la rencontre les uns des autres, en acceptant de partager pour le bien de tous les richesses spirituelles et matérielles.

Comment ne pas penser aux populations de la province de Kunene frappées par des pluies torrentielles et des inondations qui ont provoqué de nombreuses victimes et ont laissé tant de familles privées de toit en raison de la destruction de leur maison ? À ces populations éprouvées, je désire en cet instant transmettre l’assurance de ma solidarité ainsi qu’une invitation particulière à la confiance pour reprendre, avec l’aide de tous, une vie normale.

Chers amis Angolais, votre territoire est riche ; votre Nation est forte. Utilisez ces atouts pour favoriser la paix et l’entente entre les peuples, sur une base de loyauté et d’égalité capable de promouvoir en Afrique l’avenir pacifique et solidaire auquel tous aspirent et auquel tous ont droit. Pour cela, je vous en prie, ne vous laissez pas prendre par la loi du plus fort ! Car Dieu a accordé aux hommes le pouvoir de s’élever avec les ailes de la raison et de la foi, au-dessus de leurs inclinations naturelles. Si vous vous laissez emporter sur ces ailes, il ne vous sera pas difficile alors de reconnaître dans l’autre un frère, né avec les mêmes droits humains fondamentaux. À l’intérieur de vos frontières, se trouvent malheureusement encore tant de pauvres qui demandent le respect de leurs droits. Il n’est pas possible d’oublier la multitude des Angolais qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté absolue. Ne décevez pas leurs attentes !

Il s’agit là d’une immense entreprise, qui requiert le plus grand civisme possible de la part de tous. Il y faut l’engagement de la société civile angolaise tout entière ; mais elle doit se présenter à ce rendez-vous plus forte et plus organisée, que ce soit entre ses diverses composantes ou dans le dialogue avec le Gouvernement. Pour donner naissance à une société véritablement soucieuse du bien commun, des valeurs partagées par tous sont nécessaires. Je suis convaincu que l’Angola pourra les trouver aujourd’hui encore dans l’Évangile de Jésus Christ, tout comme cela fut, il y a bien longtemps, avec votre illustre ancêtre, Dom Afonso I Mbemba-a-Nzinga ; grâce à lui, il y a cinq cents ans, fut établi au Mbanza Congo un royaume chrétien qui a subsisté jusqu’au XVIIIe siècle. De ses cendres prit naissance, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, une Église renouvelée qui n’a pas cessé de grandir jusqu’à nos jours ; que Dieu en soit remercié ! C’est là le motif premier qui a conduit mes pas en Angola : aller à la rencontre d’une des plus anciennes communautés catholiques de l’Afrique sub-équatoriale, pour la confirmer dans sa foi en Jésus Christ et pour m’unir aux supplications de ses fils et de ses filles afin que le temps de la paix, dans la justice et dans la fraternité, ne connaisse pas de déclin en Angola, lui donnant ainsi la possibilité d’accomplir la mission que Dieu lui a confiée à l’égard de son peuple et dans le concert des Nations. Que Dieu bénisse l’Angola !



RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS POLITIQUES ET CIVILES AINSI QUE LE CORPS DIPLOMATIQUE Palais présidentiel de Luanda Vendredi 20 mars 2009

20329
Monsieur le Président de la République,
Mesdames, Messieurs qui représentez les Autorités civiles et politiques,
Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Mesdames, Messieurs,

Par un aimable geste d’hospitalité, Monsieur le Président a souhaité nous accueillir dans sa résidence, m’offrant ainsi la joie de vous rencontrer tous, afin de vous saluer et de vous souhaiter le plus grand succès dans les importantes responsabilités que chacun de vous assume au gouvernement, dans le domaine civil ou diplomatique, où il sert sa nation en vue du bien de toute la famille humaine. Monsieur le Président, je vous remercie de votre accueil et des paroles que vous venez de m’adresser, pleines de considération pour le Successeur de Pierre et de confiance vis-à-vis de l’activité de l’Église catholique en faveur de cette Nation tant aimée.

Chers amis, vous êtes les artisans et les témoins d’un Angola qui se relève. Après vingt-sept années de guerre civile qui ont dévasté ce Pays, la paix a commencé à prendre racine, portant avec elle les fruits de la stabilité et de la liberté. Les efforts tangibles du Gouvernement pour mettre en place les infrastructures et rénover les institutions indispensables au développement et au bien-être de la société ont fait refleurir l’espérance parmi les citoyens. Pour soutenir cette espérance, ont été mises en place différentes actions conduites par des agences internationales, décidées à dépasser les intérêts particuliers pour oeuvrer dans la perspective du bien commun. Dans diverses régions du pays, les exemples ne manquent pas d’enseignants, de travailleurs sanitaires et de fonctionnaires qui, avec de faibles revenus, servent avec intégrité et dévouement la communauté humaine à laquelle ils appartiennent. De même le nombre des personnes engagées dans des activités de volontariat au service des plus nécessiteux augmente. Que Dieu bénisse et qu’il multiplie toutes ces bonnes volontés et leurs initiatives au service du bien !

L’Angola sait qu’est arrivé pour l’Afrique le temps d’être le continent de l’espérance. Tout comportement humain droit est espérance en action. Nos actions ne sont jamais indifférentes devant Dieu ; et elles ne le sont pas non plus pour le développement de l’histoire. Chers amis, avec un coeur intègre, magnanime et plein de compassion, vous pouvez transformer ce continent, libérant votre peuple du fléau de l’avidité, de la violence et du désordre en le conduisant sur le chemin indiqué par les principes indispensables à toute démocratie civile moderne : le respect et la promotion des droits de l’homme, un gouvernement transparent, une magistrature indépendante, des moyens de communication sociale libres, une administration publique honnête, un réseau d’écoles et d’hôpitaux fonctionnant de façon adéquate, et la ferme détermination, basée sur la conversion des coeurs, d’éradiquer une fois pour toutes la corruption. Dans le Message de cette année pour la Journée mondiale de la Paix, j’ai voulu attirer l’attention de tous sur la nécessité d’une approche éthique du développement. En effet, plus que de simples programmes et protocoles, les habitants de ce continent demandent à juste titre une conversion profonde, authentique et durable des coeurs à la fraternité (cf. n. 13). Leur exigence vis-à-vis de ceux qui oeuvrent dans la politique, dans l’administration publique, dans les agences internationales et dans les compagnies multinationales est avant tout celle-ci : soyez à nos côtés de façon vraiment humaine, accompagnez-nous, ainsi que nos familles et nos communautés !

Le développement économique et social en Afrique requiert la coordination des actions gouvernementales nationales avec les initiatives régionales et avec les décisions internationales. Une telle coordination suppose que les nations africaines ne soient pas seulement considérées comme les destinataires des plans et des solutions élaborées par d’autres. Les africains eux-mêmes, oeuvrant ensemble pour le bien de leurs communautés, doivent être les premiers acteurs de leur développement. À ce propos, il y a un nombre croissant d’initiatives qui méritent d’être encouragées. Parmi elles, la New Partnership for Africa’s Development (NEPAD), le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands Lacs, le Kimberley Process, la Publish What You Pay Coalition et l’Extractive Industries Transparency Initiative : leur objectif commun est de promouvoir la transparence, la pratique honnête du commerce et la bonne gouvernance. Quant à la communauté internationale dans son ensemble, la coordination des efforts pour affronter la question du changement climatique est d’une urgence décisive, tout comme l’entière et juste réalisation des engagements pour le développement indiqués par le Doha round, ainsi que la concrétisation de la promesse des Pays développés, faite à plusieurs reprises, de consacrer 0,7% de leur PIB (Produit Intérieur Brut) à l’aide officielle au développement. Cette assistance est encore plus nécessaire aujourd’hui avec la tempête financière mondiale qui sévit. Mon souhait est que cette assistance ne soit pas une autre de ses victimes.

Chers amis, je conclus ma réflexion en vous confiant que ma visite au Cameroun et en Angola suscite en moi cette joie humaine profonde qu’on éprouve lorsqu’on se retrouve en famille. Je crois qu’une telle expérience est le don commun que l’Afrique peut offrir à tous ceux qui sont originaires d’autres continents et qui arrivent ici, où « la famille est le fondement sur lequel l’édifice social est construit » (Ecclesia in Africa ). Cependant, comme nous le savons tous, ici aussi les familles subissent de nombreuses pressions : angoisse et humiliation causées par la pauvreté, le chômage, la maladie, l’exil pour n’en citer que quelques-unes. Est particulièrement bouleversant le joug opprimant des discriminations qui pèsent sur les femmes et sur les jeunes filles, sans parler de l’innommable pratique de la violence et de l’exploitation sexuelle qui leur cause tant d’humiliations et de traumatismes. Je dois également mentionner un autre grave sujet de préoccupation : les politiques de ceux qui, dans l’illusion de faire progresser l’« édifice social », en menacent les fondements mêmes. Combien est amère l’ironie de ceux qui promeuvent l’avortement au rang des soins de la santé des « mamans » ! Combien est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie serait une question de santé reproductive (cf. Protocole de Maputo, art. 14)!

Mesdames et Messieurs, vous trouverez toujours l’Église – par la volonté de son divin Fondateur – aux côtés des plus pauvres de ce continent. Je peux vous assurer qu’à travers les activités diocésaines, les innombrables oeuvres éducatives, sanitaires et sociales prises en charge par les différents Ordres religieux, les programmes de développement des Caritas et d’autres organisations, elle continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir les familles – y compris celles qui sont frappées par les effets tragiques du Sida – et pour promouvoir l’égale dignité des hommes et des femmes sur la base d’une harmonieuse complémentarité. Le chemin spirituel du chrétien est celui de la conversion quotidienne. L’Église invite tous les responsables de l’humanité à l’emprunter, afin que cette dernière puisse suivre les chemins de la vérité, de l’intégrité, du respect et de la solidarité.

Monsieur le Président, je vous renouvelle ma vive reconnaissance pour l’accueil que vous nous avez offert dans votre résidence. Je remercie chacun de vous pour son aimable présence et pour son écoute attentive. Comptez sur mes prières pour vous, pour vos familles et pour tous les habitants de cette merveilleuse Afrique ! Que le Dieu du Ciel vous soit propice et vous bénisse tous !



RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES DE L'ANGOLA ET SÃO TOMÉ Chapelle de la nonciature apostolique de Luanda Vendredi 20 mars 2009

20339
Monsieur le Cardinal,
Chers Évêques de l’Angola et de São Tomé,

J’éprouve une joie immense de pouvoir vous rencontrer en ce lieu que l’Angola a réservé au Successeur de Pierre – habituellement en la personne de son Représentant –, afin de manifester visiblement les liens qui unissent vos peuples à l'Église catholique, qui depuis plus de cinq cents ans a la joie de pouvoir vous compter au nombre de ses fils. Que s’élèvent d’un seul coeur nos ferventes louanges à Dieu le Père qui, par son Esprit Saint, ne cesse d’engendrer le Corps mystique de son Fils sous les traits des habitants de l’Angola et de São Tomé, sans pour autant que soit perdues les empreintes juive, romaine, portugaise et tant d’autres acquises auparavant, puisque « vous tous que le baptême a unis au Christ (…) vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (
Ga 3,27 Ga 3,28). Pour faire progresser aujourd’hui ce développement du Christ total par le moyen de la foi et du baptême, Dieu, dans sa bonté, a voulu se servir de moi et de vous, chers Frères ; il n’est donc pas étonnant que les douleurs de l’enfantement se fassent sentir en nous tant que le Christ ne se sera pas complètement formé (cf. Ga 4,19) dans le coeur de votre peuple. Dieu vous récompensera de tous les efforts apostoliques que vous avez menés dans des conditions difficiles, aussi bien pendant la guerre que de nos jours où vous vous trouvez confrontés à tant de contraintes, réussissant cependant à donner à l'Église en Angola et à São Tomé et Principe ce dynamisme que tous lui reconnaissent.

Conscient du ministère que je suis appelé à accomplir au service de la communion ecclésiale, je vous demande de bien vouloir vous faire les interprètes de ma constante sollicitude envers vos communautés, que je salue avec une affection sincère en la personne de chacun des membres de cette Conférence épiscopale. J’adresse un salut particulier à votre Président, Monseigneur Damião Franklin, que je remercie des paroles de bienvenue qu’il a prononcées à mon intention en votre nom. Il a souligné votre souci d’effectuer un discernement éclairé afin de dégager les lignes du plan d’ensemble à mettre en oeuvre dans vos communautés diocésaines pour organiser le peuple saint afin de parvenir « à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4,12 Ep 4,13). De fait, devant un relativisme diffus pour qui rien n’est définitif et qui tend au contraire à ériger le moi personnel et ses caprices comme la mesure de toutes choses, nous proposons, nous, une autre mesure : le Fils de Dieu qui est aussi vrai homme. Il est Lui, la mesure de l’humanisme véritable. Le chrétien dont la foi est adulte et mûre n’est pas celui qui suit la mode et les dernières nouveautés, mais celui qui vit profondément enraciné dans l’amitié du Christ. Cette amitié nous ouvre à tout ce qui est bon et nous offre le critère pour discerner entre l’erreur et la vérité.

Pour l’avenir de la foi et pour le bien de l’ensemble de la vie de la Nation, le domaine de la culture, où l’Église dispose d’institutions académiques de renom, revêt une importance décisive. À ces institutions revient l’honneur de faire en sorte que la voix des catholiques soit toujours présente dans le débat culturel au sein de la Nation, afin que se renforcent les capacités d’élaborer de manière rationnelle et à la lumière de la foi, les multiples questions qui surgissent dans les divers domaines de la science et de la vie. De nos jours, la culture et les modèles de comportement sont toujours plus influencés et imprégnés par les images véhiculées par les moyens de communication sociale ; il est donc bon d’encourager les efforts entrepris en ce domaine par votre Conférence épiscopale afin qu’elle ait des outils de communication lui permettant d’offrir à tous une interprétation chrétienne des événements, des problèmes et des réalités humaines.

La famille est une de ces réalités humaines et elle est, aujourd’hui, confrontée à de multiples difficultés et menaces. Elle a particulièrement besoin d’être évangélisée et de recevoir un soutien concret, car, à la fragilité et à l’instabilité de tant d’unions conjugales, vient s’ajouter la tendance très répandue dans la société et la culture de contester le caractère unique et la mission propre de la famille fondée sur le mariage. Dans votre sollicitude pastorale à l’égard de tous les êtres humains, continuez à élever la voix pour défendre le caractère sacré de la vie humaine et la valeur de l’institution matrimoniale, tout en veillant à la promotion du rôle de la famille dans l'Église et dans la société, demandant des mesures économiques et législatives qui aident les familles à accueillir la naissance d’enfants et les soutiennent dans leur mission éducative.

Je me réjouis de la présence, dans vos pays, de tant de communautés vibrantes de foi, où les laïcs se dévouent en de nombreuses oeuvres apostoliques, et dans lesquelles naît un nombre important de vocations au ministère ordonné et à la vie consacrée, particulièrement à la vie contemplative : c’est un signe authentique d’espérance pour l’avenir. Alors que de plus en plus de prêtres sont autochtones, je désire rendre hommage au labeur accompli avec patience et non sans héroïsme par les missionnaires venus de loin annoncer le Christ et son Évangile et qui ont fait naître les communautés chrétiennes dont vous êtes à présent les responsables. Je vous invite à rester proches de vos prêtres, vous préoccupant de leur formation permanente aussi bien théologique que spirituelle, attentifs à leurs conditions de vie et d’apostolat afin qu’ils soient d’authentiques témoins de la Parole qu’ils annoncent et des Sacrements qu’ils célèbrent. Puissent-ils, dans le don d’eux-mêmes au Christ et au peuple dont ils sont les pasteurs, demeurer fidèles aux exigences de leur état et vivre leur ministère presbytéral comme un véritable chemin de sainteté, désireux d’être saints afin de susciter de nouveaux saints autour d’eux !

Chers Frères, en me confiant à votre fervente intercession auprès du Seigneur, je vous assure, pour ma part, de ma prière particulière à Celui qui est le véritable Époux de l'Église qu’Il aime, qu’il protège et nourrit : à Jésus Christ, notre Seigneur, Fils unique du Dieu vivant. Qu’il soutienne par la force de sa grâce tous vos efforts pastoraux, afin qu’ils deviennent féconds, à l’exemple de la Vierge Mère et sous la protection de son Coeur Immaculé! Dans ces sentiments, j’accorde ma Bénédiction à chacun d’entre vous, ainsi qu’à vos prêtres, aux personnes consacrées, aux séminaristes, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs, membres du troupeau que Dieu vous a confié.



RENCONTRE AVEC LES JEUNES Stade dos Coqueiros - Luanda Samedi 21 mars 2009

21309
Très chers jeunes,

Vous êtes venus très nombreux, sans parler de tous ceux qui vous sont unis spirituellement, pour rencontrer le successeur de Pierre et, avec lui, proclamer devant tous la joie de croire en Jésus Christ et renouveler l’engagement d’être aujourd’hui ses fidèles disciples. Une rencontre semblable avait eu lieu en cette même cité, le 7 juin 1992, avec le bien-aimé Pape Jean-Paul II. Sous des traits un peu différents, mais avec le même amour dans le coeur, voici devant vous l’actuel successeur de Pierre, qui vous prend tous dans ses bras en Jésus Christ qui « est le même, hier et aujourd’hui, et pour l’éternité » (
He 13,8).

Avant tout, je désire vous remercier pour cette fête que vous me faites, pour cette fête que vous êtes vous-mêmes, pour votre présence et pour votre joie. J’adresse un salut affectueux à mes vénérés Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce et à ceux qui animent ce rassemblement. De grand coeur, je remercie et je salue tous ceux qui ont préparé cette rencontre et, en particulier, la Commission épiscopale pour la Jeunesse et les Vocations, ainsi que son Président, Monseigneur Kanda Almeida, à qui j’exprime ma reconnaissance pour les paroles chaleureuses de bienvenue qu’il m’a adressées. Je salue tous les jeunes, catholiques et non-catholiques, qui sont à la recherche d’une réponse à leurs problèmes, dont certains ont été évoqués par vos représentants : j’ai écouté leurs paroles avec gratitude. L’accolade que j’ai échangée avec eux s’étend naturellement à vous tous.

Rencontrer des jeunes est, pour tous, bienfaisant ! Ils ont sans doute beaucoup de problèmes, mais ils portent en eux tant d’espérance, tant d’enthousiasme, tant d’envie de recommencer. Chers jeunes, vous détenez en vous la dynamique de l’avenir. Je vous invite à regarder celui-ci avec les yeux de l’apôtre Jean : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle (…) et j’ai vu descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux. Et j’ai entendu la voix puissante qui venait du Trône divin ; elle disait : ‘Voici la demeure de Dieu avec les hommes’ » (Ap 21,1-3). Chers amis, la présence de Dieu fait la différence. Cela se vérifie en commençant par la sereine intimité entre Dieu et le couple humain présent dans le jardin d’Éden, en passant par la gloire divine qui irradiait la Tente de la Rencontre plantée au milieu du peuple d’Israël durant la traversée du désert, jusqu’à l’Incarnation du Fils de Dieu qui s’est indissolublement uni à l’homme en Jésus Christ. Ce même Jésus reprend la traversée du désert humain en passant à travers la mort et parvient à la résurrection, entraînant avec lui l’humanité entière vers Dieu. Maintenant, Jésus ne se trouve plus situé dans les limites d’un lieu et d’un temps déterminé, mais son Esprit, l’Esprit Saint, vient de Lui et pénètre en nos coeurs, nous unissant ainsi avec Lui et par Lui avec le Père – avec le Dieu un et trine.

Oui, mes chers amis ! Dieu fait la différence… Qui plus est, Dieu nous rend différents, nous refait à neuf ! Telle est la promesse qu’il fait Lui-même : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5). Et cela est vrai ! L’apôtre saint Paul nous le dit : « Si quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2Co 5,17-18). Étant monté au ciel et étant entré dans l’éternité, Jésus Christ est devenu le Seigneur de tous les temps. C’est pourquoi, il peut se faire notre compagnon dans le présent, portant le livre de nos jours dans sa main : en elle, il tient fermement le passé, avec les sources et les fondements de notre être ; en elle, il garde jalousement notre avenir, en nous laissant apercevoir la plus belle aube qu’il fait lever sur notre vie, c’est-à-dire la résurrection en Dieu. L’avenir de l’humanité nouvelle, c’est Dieu, et le commencement de tout cela, c’est son Église. Quand vous en aurez la possibilité, lisez attentivement son histoire : vous vous rendrez compte avec surprise que l’Église, au cours des âges, ne vieillit pas ; elle devient au contraire de plus en plus jeune, parce qu’elle chemine vers le Seigneur, se rapprochant chaque jour de la seule et véritable source d’où jaillissent la jeunesse, la régénération, la force de la vie.

Amis qui m’écoutez, l’avenir, c’est Dieu. Comme nous l’avons entendu il y a peu, « il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus ; il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu » (Ap 21,4). En même temps, je vois présents ici – mais il y en a des milliers d’autres – de jeunes angolais qui sont mutilés à cause de la guerre et des mines, je pense aux torrents de larmes que tant de vous ont versé à cause de la perte de membres de vos familles, et il n’est pas difficile d’imaginer les sombres nuages qui couvrent encore le ciel de vos rêves les plus beaux… Je lis dans vos coeurs un doute, que vous m’objectez : « C’est cela qui est notre réalité. Ce que tu nous dis, nous ne le voyons pas ! La promesse est garantie par Dieu - et nous y croyons -, mais quand Dieu se lèvera-t-il pour renouveler toutes choses ? » La réponse de Jésus est la même que celle qu’il a faite à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? » (Jn 14,1-2). Mais vous, chers jeunes, vous insistez : « D’accord ! Mais quand cela adviendra-t-il ? » À une question semblable faite par ses apôtres, Jésus répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins (…) jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,7-8). Vous le voyez, Jésus ne nous laisse pas sans réponse ; il nous dit clairement une chose : le renouvellement commence en nous ; vous recevrez une force d’En-Haut. La force dynamique de l’avenir se trouve en vous.

Elle se trouve en nous… mais comment ? Tout comme la vie est à l’intérieur d’une semence : ainsi Jésus l’a-t-il expliqué, en un moment décisif de son ministère. Son ministère avait débuté dans l’enthousiasme, puisque les gens voyaient les malades guéris, les démons chassés, l’Évangile annoncé ; mais pour le reste, le monde tournait comme avant : les Romains dominaient encore, la vie était difficile dans la succession des jours, bien qu’il y ait eu ces signes et ces belles paroles. L’enthousiasme était allé en diminuant jusqu’à s’éteindre, au point que plusieurs disciples avaient abandonné le Maître (cf. Jn 6,66), qui prêchait mais ne changeait pas le monde. Et tous se demandaient : au fond, quelle valeur ce message a-t-il ? Qu’est-ce que nous apporte ce Prophète de Dieu ? Alors, Jésus se mit à parler d’un semeur qui semait dans le champ du monde, et il expliqua ensuite que la semence était sa parole (cf. Mc 4,3-20) et les guérisons qu’il avait opérées : en vérité peu de choses en regard des immenses besoins et difficultés de chaque jour. Et pourtant, dans la semence, l’avenir est présent, parce que la semence porte en elle le pain de demain, la vie de demain. La semence semble n’être presque rien, mais elle est la présence de l’avenir, elle est la promesse déjà tangible aujourd’hui ; quand elle tombe dans une bonne terre, elle fructifie trente, soixante et même parfois cent fois pour un.

Mes amis, vous êtes une semence jetée par Dieu sur la terre ; elle porte dans le coeur une force d’En-Haut, la force de l’Esprit Saint. Cependant, pour passer de la promesse de vie au fruit, la seule voie possible est d’offrir sa vie par amour, et de mourir par amour. Jésus l’a dit lui-même : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd, celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle » (Jn 12,24-25). Ainsi Jésus a-t-il parlé, et ainsi a-t-il vécu : sa crucifixion semble être un échec total, mais il n’en est rien ! Jésus, animé par la force de « l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tâche » (He 9,14). Et de cette façon, tombé en terre, Il a pu donner du fruit en tout temps et tout au long du temps. Au milieu de vous se trouve le Pain nouveau, le Pain de la vie qui vient, la sainte Eucharistie qui nous nourrit et fait s’épanouir la vie trinitaire dans le coeur des hommes.

Chers jeunes, semences animées de la force de l’Esprit éternel lui-même, ouvrez-vous au feu de l’Eucharistie, dans laquelle se réalise le testament du Seigneur : Il se donne à nous et nous répondons en nous donnant aux autres par amour pour Lui. C’est là chemin de la vie ; mais il sera possible de le parcourir à la seule condition qu’existe un dialogue constant avec le Seigneur et un dialogue vrai entre vous. La culture sociale dominante ne vous aide pas à vivre la Parole de Jésus ni le don de vous-même auquel il vous appelle selon le dessein du Père. Chers amis, la force se trouve en vous, comme elle était en Jésus qui disait : « Le Père qui demeure en moi (…) accomplit ses propres oeuvres (…) Celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père » (Jn 14,10 Jn 14,12). N’ayez donc pas peur de prendre des décisions définitives. La générosité ne vous manque pas – je le sais ! Cependant, face au risque de s’engager pour toute la vie, que ce soit dans le mariage ou dans une consécration particulière, vous éprouvez de la crainte : « Le monde vit dans un mouvement continuel et la vie est riche de possibilités. Puis-je disposer aujourd’hui de ma vie alors que j’ignore les imprévus qu’elle me réserve ? Par une décision définitive, est-ce que je ne mets pas en jeu toute ma liberté et est-ce que je ne me lie pas les mains ? » Tels sont les doutes qui vous assaillent et la culture individualiste et hédoniste les renforce. Le résultat : vous ne vous décidez pas, et vous risquez ainsi de demeurer d’éternels enfants !

Je vous le dis : Courage ! Osez prendre des décisions définitives parce que ce sont les seules qui ne détruisent pas la liberté, mais qui lui donnent la juste orientation, en permettant d’avancer et de faire quelque chose de grand dans la vie. La vie n’a de valeur que si vous avez le courage de l’aventure et la certitude confiante que le Seigneur ne vous laissera jamais seuls. Jeunesse de l’Angola, libère en toi l’Esprit Saint, la force d’En-Haut ! Confiant en cette force, à l’image de Jésus, risque ce saut dans le « définitif » et, par lui, offre une chance à la vie ! Ainsi naîtront parmi vous des points, puis des oasis et enfin de grandes étendues de culture chrétienne, à travers laquelle deviendra visible cette « cité sainte, qui descend du ciel, d’auprès de Dieu, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux ». Voilà la vie qui mérite d’être vécue et que, de tout coeur, je vous souhaite. Vive la jeunesse de l’Angola !




Discours 2005-2013 20309