Discours 2005-2013 904

904 Tournons maintenant notre attention vers Rome, la Ville éternelle, qui se distingue par sa riche histoire et par sa culture. Notre admiration ne va pas uniquement vers les témoins de l'Antiquité. Dans cette ville, d'une certaine manière, la foi elle-même et la prière de nombreux siècles sont devenues pierres et formes. Cet environnement nous accueille et nous inspire pour prendre comme modèles les innombrables saints qui ont vécu ici et, grâce à eux, nous pouvons avancer dans notre vie de foi.

Dans cette ville de Rome, enfin, dans laquelle se trouve le centre de l'Eglise universelle, nous rencontrons des chrétiens qui viennent du monde entier. L'Eglise catholique est internationale. Mais dans sa multiplicité, elle est toutefois une unique Eglise, qui s'exprime dans la même confession de foi et elle est unie également très concrètement dans son lien à Pierre et à son Successeur, le Pape. L'Eglise réunit des hommes et des femmes de cultures très différentes; tous forment une communauté dans laquelle on vit et on croit ensemble et, dans les choses essentielles de la vie, on se comprend mutuellement. Il s'agit d'une expérience très importante que l'Eglise veut ici vous donner, afin que vous la fassiez vôtre et que vous la communiquiez aux autres - à savoir l'expérience que dans la foi en Jésus Christ et dans son amour pour les hommes, même des mondes aussi différents peuvent ne former qu'un, en créant de cette manière des ponts de paix et de solidarité entre les peuples.

Dans l'espoir que votre séjour à Rome soit spirituellement et humainement édifiant, je vous assure de ma prière et je vous confie à l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et de vos patrons les saints Martin et Sébastien, ainsi qu'au saint protecteur de votre patrie, le frère Nicolas de Flüe. Je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos familles, à vos amis et à tous ceux qui sont venus à Rome à l'occasion de la cérémonie d'assermentation, ma Bénédiction apostolique.

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

ENTRETIEN

ACCORDÉ AUX JOURNALISTES AU COURS DU VOL Vendredi 8 mai 2009



Père Lombardi :

Très Saint-Père, nous vous remercions beaucoup de nous donner cette fois encore l’occasion d’une rencontre avec vous au début d’un voyage si important et si exigeant. C’est pour nous l’occasion de vous souhaiter un bon voyage et de vous assurer que nous nous attacherons à faire connaître les messages que vous chercherez à délivrer. Comme d’habitude, les questions qui sont posées ont été collectées auprès des collègues qui sont ici présents. Je les pose moi-même pour des raisons de commodités logistiques, mais elles sont bien le résultat d’un travail commun.

Q.Sainteté, ce voyage arrive dans une période très délicate pour le Moyen-Orient : il y a de fortes tensions – à l’occasion de la crise de Gaza, on avait aussi pensé que peut-être vous y renonceriez. En même temps, peu de jours après votre voyage, les principaux responsables politiques d’Israël et de l’Autorité Palestinienne, rencontreront aussi le président Obama. Pensez-vous pouvoir apporter une contribution au processus de paix qui semble actuellement s’enliser ?

R. – Bonjour ! Je voudrais tout d’abord vous remercier pour le travail que vous faites et nous souhaiter à tous un bon voyage, un bon pèlerinage, un bon retour. Concernant la question, je cherche certainement à contribuer à la paix non en tant qu’individu mais au nom de l’Église catholique, du Saint-Siège. Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle et cette force spirituelle est une réalité qui peut contribuer aux progrès du processus de paix. Je vois trois niveaux. Le premier : comme croyants, nous sommes convaincus que la prière est une vraie force : elle ouvre le monde à Dieu. Nous sommes convaincus que Dieu écoute et qu’il peut agir dans l’histoire. Je pense que si des millions de personnes, de croyants, prient, c’est réellement une force qui influence et qui peut contribuer à faire progresser la paix. Le deuxième niveau : nous cherchons à aider à la formation des consciences. La conscience est la capacité de l’homme à percevoir la vérité, mais cette capacité est souvent entravée par des intérêts particuliers. Et libérer de ces intérêts, ouvrir le plus possible à la vérité, aux vraies valeurs est un grand engagement : c’est une tâche de l’Église d’aider à connaître les vrais critères, les vraies valeurs, et à nous libérer des intérêts particuliers. Et ainsi – le troisième niveau – nous nous adressons également – c’est ainsi ! – à la raison : justement parce que nous ne sommes pas une partie politique, nous pouvons peut-être plus facilement, aussi à la lumière de la foi, discerner les vrais critères, aider à comprendre ce qui contribue à la paix et parler à la raison, appuyer les positions réellement raisonnables. Et cela nous l’avons déjà fait et nous voulons le faire aussi maintenant et à l’avenir.

Q.Merci, Très Saint-Père. La deuxième question. En tant que théologien, vous avez particulièrement réfléchi sur l’unique racine qui unie chrétiens et juifs. Comme se fait-il que, malgré les efforts de dialogue, il y ait souvent des malentendus ? Comment voyez-vous l’avenir du dialogue entre les deux communautés ?

R. Ce qui est important est que nous ayons la même racine, les mêmes livres de l’Ancien Testament qui sont - aussi bien pour les juifs, que pour nous – Livre de la Révélation. Mais, naturellement, après deux mille ans d’histoire distinctes, et même séparée, il n’y a pas à s’étonner qu’il y ait des malentendus, parce que ce sont créées des traditions d’interprétation, de langage, de pensée très diverses, pour ainsi dire, un « univers sémantique » très différent, si bien que les mêmes paroles pour l’une et l’autre parties ont une signification différente ; et avec l’usage de ces termes, qui au cours de l’histoire ont pris des sens différents, naissent évidemment des malentendus. Nous devons faire tout ce qui est possible pour apprendre les uns et les autres le langage de l’autre, et il me semble que nous faisons de grand progrès. Aujourd’hui, existe la possibilité que les jeunes, les futurs enseignants en théologie, puissent étudier à Jérusalem, à l’Université hébraïque, et les juifs ont des contacts académiques avec nous : ainsi, ces univers sémantiques peuvent-ils se rencontrer. Apprenons les uns des autres et allons de l’avant sur le chemin du vrai dialogue, apprenons l’un de l’autre et je suis sûr et convaincu que nous accomplissons des progrès. Cela favorisera la paix et mieux, l’amour réciproque.

D.Sainteté, ce voyage revêt deux dimensions essentielles dans le dialogue interreligieux, avec l’islam et avec le judaïsme. Ces deux orientations sont-elles totalement séparées l’une de l’autre ou existe-t-il aussi un message commun concernant les trois religions qui remontent à Abraham ?

905 R. – Il existe bien sûr aussi un message commun et nous aurons l’occasion de le souligner. Malgré la diversité de nos origines, nous avons des racines communes car, comme je l’ai déjà dit, le christianisme commence avec l’Ancien Testament et l’Écriture du Nouveau Testament, sans l’Ancien n’aurait pas eu lieu, car le Nouveau Testament se rapporte sans cesse à l’ « Écriture », c’est-à-dire à l’Ancien Testament. De même, l’islam est né dans un milieu où se trouvaient aussi bien le judaïsme que les différentes branches du christianisme : le judéo-christianisme, le christianisme-antiochien, le christianisme byzantin. Toutes ces circonstances se reflètent dans la tradition coranique, c’est pourquoi nous avons un grand nombre de choses en commun depuis les origines et aussi dans la foi en l’unique Dieu. Par conséquent, il est important d’avoir, d’une part, un dialogue bilatéral – avec les juifs et avec les musulmans – et de l’autre, un dialogue trilatéral. J’ai moi-même été le cofondateur d’une fondation pour le dialogue entre les trois religions, dans laquelle des personnalités comme le Métropolite Damaskinos et le Grand Rabbin de France René Samuel Sirat, etc., oeuvrons ensemble et cette fondation a même publié une édition des livres des trois religions : le Coran, le Nouveau Testament et l’Ancien Testament. Le dialogue trilatéral doit donc continuer. Il est très important pour la paix et aussi – disons – pour que chacun vive bien sa propre religion.

D - Une dernière question. Très Saint-Père, vous avez souvent attiré l’attention sur le problème de la diminution des chrétiens dans le Moyen-Orient et plus particulièrement en Terre Sainte. Il s’agit d’un phénomène lié à des causes de divers ordre, politique, économique et social. Concrètement, que peut-on faire pour aider la présence chrétienne dans cette région ? Quelle contribution espérerez-vous apporter à cet égard par ce voyage ? Y-a-t-il pour l’avenir des perspectives d’espoir pour ces chrétiens ? Donnerez-vous un message particulier pour les chrétiens de Gaza aussi qui viendront vous rencontrer à Bethléem ?

R – Sans aucun doute, il y a des espérances, car, comme vous l’avez souligné, nous nous trouvons dans un moment difficile, mais c’est aussi un moment d’espérance, espérance d’un nouveau départ, d’un élan renouvelé sur le chemin vers la paix. Nous voulons surtout encourager les chrétiens en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient à rester, à apporter leur contribution dans leurs pays d’origine : ils représentent une composante importante de la culture et de la vie de ces régions. Concrètement, l'Église, outre les encouragements et la prière commune, a surtout des écoles et des hôpitaux. Il s’agit en ce sens d’une présence dans des réalités très concrètes. Nos écoles forment une génération qui aura la possibilité d’être présente dans la vie d’aujourd’hui, dans la vie publique. Nous sommes en train de créer une Université catholique en Jordanie : il me semble que c’est là une grande perspective, là des jeunes – qu’ils soient musulmans ou chrétiens – se rencontrent, apprennent ensemble; là se forme une élite chrétienne qui se prépare à travailler pour la paix. D’une manière générale, le passage dans nos écoles est un temps décisif pour ouvrir un avenir aux chrétiens, et les hôpitaux mettent en évidence notre présence. Enfin, il y a de nombreuses associations chrétiennes qui soutiennent les chrétiens de diverses manières et par des aides concrètes les encouragent à rester. Ainsi, j’espère vraiment que les chrétiens pourront trouver le courage, l’humilité et la patience pour rester dans ces pays, et offrir leur contribution à l’avenir de ces pays.

P. Lombardi :

Merci très Saint-Père, par ces réponses, vous nous aidez à mettre notre voyage dans sa juste perspective spirituelle, et culturelle et je renouvelle tous nos voeux, ceux de tous les collègues qui sont sur ce vol, ceux des autres qui sont en route vers la Terre Sainte en ce moment, pour participer et apporter leur contribution dans le domaine de l’information à la bonne réussite de votre mission si importante. Bon voyage à Vous, Sainteté, et à tous vos collaborateurs, et bon travail aux collègues !

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international Queen Alia de Amman Vendredi 8 mai 2009



Majestés,
Excellences,
Chers frères Evêques,
Chers amis,

906 C’est avec joie que je vous salue, vous tous ici présents, au moment où je commence ma première visite au Moyen-Orient depuis mon élection au Siège apostolique, et je suis heureux de fouler le sol du royaume hachémite de Jordanie, un pays si riche en histoire, berceau de nombreuses civilisations anciennes, et profondément imprégné de signification religieuse pour les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans. Je remercie Sa Majesté le Roi Abdallah II pour ses aimables paroles de bienvenue et, en cette année qui marque le dixième anniversaire de son accession au trône, je lui présente mes sincères félicitations. Saluant Sa Majesté, j’étends mes voeux chaleureux à tous les membres de la famille royale, au Gouvernement ainsi qu’à l’ensemble du peuple du Royaume. Je salue Sa Béatitude le Patriarche Fouad Twal, Sa Béatitude le Patriarche Théophilos III et tous les Patriarches et les Evêques ici présents, spécialement ceux qui ont des responsabilités pastorales en Jordanie. J’attends avec joie le moment de célébrer avec vous, chers Évêques, et avec de nombreux fidèles confiés à votre sollicitude la liturgie demain soir à la Cathédrale Saint Georges et dimanche au stade international.

Je viens en Jordanie comme un pèlerin pour vénérer les lieux saints où se sont déroulés une partie importante de certains événements clefs de l’histoire biblique. Au Mont Nébo, Moïse a conduit son peuple en ce point d’où il pouvait découvrir la terre qui deviendrait sa patrie ; il y est mort et y fut enterré. A Béthanie, sur l’autre rive du Jourdain, Jean le Baptiste a prêché, et il a témoigné de Jésus et il l’a baptisé dans les eaux de ce fleuve qui donne son nom à votre pays. Dans les prochains jours, je vais visiter ces deux lieux saints et j’aurai la joie de bénir les premières pierres des églises qui seront construites sur le site traditionnel du Baptême de Notre-Seigneur. La possibilité qu’a la communauté catholique jordanienne de construire des édifices publics de culte est un signe du respect de votre pays pour la religion, et en son nom, je veux dire combien cette ouverture est appréciée. La liberté religieuse est, naturellement, un droit humain fondamental, et mon espérance fervente et ma prière sont que le respect des droits inaliénables et de la dignité de chaque homme et femme soit toujours plus affirmés et défendus, non seulement au Moyen-Orient mais partout dans le monde.

Ma visite en Jordanie me donne l’heureuse occasion de dire mon profond respect pour la communauté musulmane, et de rendre hommage au rôle déterminant de Sa Majesté le Roi dans la promotion d’une meilleure compréhension des vertus proclamées par l’Islam. Alors que maintenant plusieurs années ont passé depuis la publication du Message d’Amman et du Message interreligieux d’Amman, nous pouvons dire que ces précieuses initiatives ont obtenues de bons résultats en favorisant la promotion d’une alliance des civilisations entre l’Occident et le Monde musulman, mettant en échec les prédictions de ceux qui considèrent inévitables la violence et les conflits. En effet, le Royaume de Jordanie a été depuis longtemps à l’avant-garde d’initiatives en faveur de la paix au Moyen-Orient et à travers le monde, en encourageant le dialogue interreligieux et en soutenant les efforts qui visent à une juste solution au conflit israëlo-palestinien, en accueillant des réfugiés provenant de l’Irak voisin, et en cherchant à réduire les extrémismes. Je ne peux pas ne pas saisir cette occasion pour rappeler les efforts en faveur de la paix en cette région que feu le Roi Hussein a déployé en véritable pionnier. Que ma rencontre de demain avec les responsables religieux musulmans, avec le Corps diplomatique et avec les Recteurs d’université ait lieu dans la Mosquée qui porte son nom, est hautement symbolique. Puisse son engagement pour la résolution des conflits de la région continuer à porter des fruits visant à promouvoir la paix désirée et la vraie justice pour tous ceux qui vivent au Moyen-Orient.

Chers amis, lors du Séminaire qui s’est tenu à Rome l’automne dernier à l’initiative du Forum catholico-musulman, les participants ont examiné le rôle central joué dans nos traditions religieuses respectives par le commandement de l’amour. J’espère vivement que ma visite et naturellement toutes les initiatives qui visent à favoriser les bonnes relations entre Chrétiens et Musulmans, nous aident à grandir dans l’amour pour le Dieu Très Haut et Miséricordieux et, dans un amour fraternel les uns pour les autres. Je vous remercie de votre accueil. Merci aussi pour votre attention. Que Dieu comble vos Majestés de bonheur et leur accorde une longue vie ! Qu’il bénisse la Jordanie par la prospérité et la paix !

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

VISITE AU CENTRE "REGINA PACIS"

Amman Vendredi 8 mai 2009

Béatitudes,
Excellences,
Chers Amis,

Je suis très heureux d’être ici avec vous cet après-midi, et de saluer chacun de vous ainsi que les membres de vos familles, où qu’ils se trouvent. Je remercie Sa Béatitude le Patriarche Fouad Twal pour ses aimables paroles de bienvenue et de manière particulière je salue la présence parmi nous de Mgr Selim Sayegh, dont l’intuition et le travail pour ce Centre, avec ceux de Sa Béatitude le Patriarche émérite Michel Sabbah, sont aujourd’hui honorés par la bénédiction des nouvelles constructions qui viennent juste d’être réalisées. Je désire également saluer avec grande affection les membres du Comité central, les Soeurs comboniennes et l’équipe dévouée des laïcs en incluant tous ceux qui travaillent dans les nombreux départements et unités de ce Centre. Votre réputation d’excellence pour la compétence professionnelle, pour les soins pleins de compassion et la promotion sans défaillance de la juste place dans la société de ceux qui sont particulièrement dans le besoin, sont bien connus ici et dans l’ensemble du Royaume. Je remercie les jeunes ici présents pour leur accueil chaleureux. C’est une grande joie pour moi d’être parmi vous.

Comme vous le savez ma visite au Centre Notre-Dame de la Paix, ici à Amman, est la première étape de mon pèlerinage. Comme d’innombrables pèlerins avant moi, je peux, à mon tour, satisfaire le désir profond de toucher, de tirer réconfort et de vénérer les lieux où Jésus a vécu, lieux qui ont été sanctifiés par sa présence. Aux temps apostoliques déjà, Jérusalem était le premier lieu de pèlerinage des Chrétiens, mais plus tôt encore, dans l’ancien Proche-Orient, les peuples sémitiques avaient construit des sanctuaires pour marquer et commémorer une présence ou une action divine. Et les gens simples voyageaient vers ces lieux portant une part des fruits de leur pays et du bétail pour les offrir en hommage et en action de grâce.

907 Chers amis, chacun d’entre nous est un pèlerin. Nous sommes tous incités à avancer avec courage sur le chemin de Dieu. Dans nos vies, naturellement, nous avons tendance à regarder en arrière - parfois avec regrets et douleur, souvent avec gratitude et satisfaction – ; nous regardons aussi vers l’avenir - parfois avec impatience ou anxiété, mais toujours avec désir et espérance, sachant aussi que d’autres sont là tout au long du chemin pour nous encourager. Je sais que les chemins qui ont conduit beaucoup d’entre vous vers le Centre « Regina Pacis » ont été marqués par des souffrances ou des épreuves. Certains d’entre vous luttent courageusement avec des handicaps, d’autres ont enduré le rejet et d’autres encore sont venus vers ce lieu de paix simplement pour y chercher encouragement et réconfort. Le grand succès de ce Centre réside, je le sais, dans la promotion de la juste place à accorder aux personnes handicapées dans la société. Pour cela, le Centre propose que des exercices et du matériel adapté soient fournis en vue d’une telle intégration. Pour votre clairvoyance et pour votre détermination vous méritez tous d’être encouragés et grandement loués.

Parfois, il est difficile de trouver une justification à ce qui apparaît seulement comme un obstacle à surmonter ou même comme une souffrance – physique ou émotionnelle – à endurer. Cependant la foi et l’intelligence nous aident à découvrir un horizon au-delà de nous-mêmes et nous permet de nous représenter la vie comme le fait de Dieu. L’amour inconditionnel de Dieu, qui donne vie à chaque être humain, donne un sens et un but à toute vie humaine. C’est un amour sauveur (cf.
Jn 12,32). Comme les chrétiens le confessent, c’est à travers la Croix que Jésus, en fait, nous introduit à la vie éternelle et, ce faisant, il nous indique la voie à suivre – le chemin d’espérance qui guide chacun de nos pas le long de la route, pour que nous devenions ainsi porteurs de cette espérance et de cette charité pour les autres.

Chers amis, à la différence des pèlerins du passé, je ne viens pas avec des présents ou des offrandes. Je viens simplement avec une intention, une espérance : prier plus particulièrement pour le don précieux de l’unité et de la paix très spécialement au Moyen-Orient. Paix pour chaque personne, pour les parents et les enfants, pour les communautés, paix pour Jérusalem, paix pour la Terre Sainte, pour la région, paix pour la famille humaine tout entière ; la paix durable qui naît de la justice, de l’intégrité et de la compassion, la paix qui surgit de l’humilité, du pardon, et du désir profond de vivre en harmonie les uns avec les autres.

Prier, c’est espérer en action. Et, en effet, le vrai sens de toute chose est contenue dans la prière : nous entrons dans un contact d’amour avec le Dieu unique, le Créateur universel, et, ce faisant, nous comprenons la futilité des divisions humaines et des préjugés et nous découvrons les merveilleuses possibilités qui s’ouvrent devant nous lorsque nos coeurs sont convertis à la vérité de Dieu, à Son dessein sur chacun de nous et sur le monde.

Chers jeunes amis, c’est à vous en particulier que je désire dire, étant au milieu de vous, que c’est de Dieu que je tire ma force. Les épreuves que vous avez subies, votre témoignage de compassion et votre détermination à dépasser les obstacles que vous rencontrez, m’encouragent à croire que la souffrance peut apporter des changements dans le sens du bien. A travers nos propres épreuves, et en étant aux côtés des autres dans leurs luttes, nous entrevoyons l’essence de notre humanité, nous devenons, pour ainsi dire, plus humains. A un autre niveau, nous découvrons que même des coeurs endurcis par le cynisme, l’injustice ou le peu de volonté de pardonner, peuvent toujours être rejoints par Dieu, et qu’ils peuvent toujours être ouverts à une nouvelle manière d’être, à une vision de paix.
Je vous exhorte tous à prier chaque jour pour notre monde. Et aujourd’hui, je désire vous demander d’accomplir une tâche spécifique : veuillez, s’il vous plaît, prier pour moi chaque jour de mon pèlerinage ; pour mon renouvellement spirituel personnel dans le Seigneur et pour la conversion des coeurs sur le chemin de pardon et de solidarité que Dieu ouvre afin que mon espérance – votre espérance – pour l’unité et la paix dans le monde porte des fruits abondants.

Que Dieu bénisse chacun de vous et vos familles, ainsi que les enseignants, les soignants, les administrateurs et les bienfaiteurs de ce Centre ! Que Notre-Dame, Reine de la Paix, vous protège et vous guide sur le chemin de Son Fils, le Bon Pasteur ! Merci pour votre attention.

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

VISITE À LA BASILIQUE DU MÉMORIAL DE MOÏSE

Mont Nébo Samedi 9 mai 2009



Père Ministre Général,
Chers amis,

908 En ce saint lieu, consacré à la mémoire de Moïse, je vous salue tous avec affection en Jésus Christ notre Seigneur. Je remercie le Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, le Père José Rodriguez Carballo, pour ses mots chaleureux de bienvenue. Je saisis également cette occasion pour exprimer ma gratitude, et celle de l’Église tout entière, aux Frères de la Custodie pour leur très ancienne présence sur ces terres, pour leur joyeuse fidélité au charisme de saint François, et pour leur généreuse sollicitude dans l’assistance spirituelle et matérielle en faveur des communautés chrétiennes locales et des innombrables pèlerins qui visitent chaque année la Terre Sainte. Je désire rappeler aussi, avec une gratitude particulière, le défunt Père Michele Piccirillo, qui a passé sa vie à l’étude de l’Antiquité chrétienne et qui est enterré dans ce sanctuaire qu’il a tant aimé.

Il est juste que mon pèlerinage puisse commencer sur cette montagne, où Moïse a contemplé de loin la Terre promise. La magnifique perspective qui s’ouvre depuis l’esplanade de ce sanctuaire nous invite à méditer sur cette vision prophétique qui embrassait mystérieusement le grand plan de salut que Dieu avait préparé pour son peuple. C’est en effet dans la vallée du Jourdain qui s’étend sous nos yeux que, à la plénitude des temps, Jean le Baptiste devait venir pour préparer la voie au Seigneur. C’est dans les eaux du Jourdain que Jésus, après son baptême par Jean, a été manifesté comme le Fils bien-aimé du Père et que, consacré par l’Esprit-Saint, il a inauguré son ministère public. Et c’est depuis le Jourdain que l’Évangile progressera, d’abord à travers la prédication et les miracles du Christ, et plus tard, après sa résurrection et le don de l’Esprit à la Pentecôte, jusqu’aux extrémités de la terre par l’oeuvre de ses disciples.

Ici, sur les hauteurs du Mont Nébo, la mémoire de Moïse nous invite à « lever les yeux » pour embrasser du regard avec gratitude non seulement la puissante oeuvre accomplie par Dieu dans le passé, mais aussi pour regarder avec foi et espérance vers l’avenir qu’il nous offre, à nous-mêmes et au monde. Comme Moïse, nous aussi avons été appelés par notre nom, invités à entreprendre un exode quotidien du péché et de la servitude vers la vie et la liberté, et nous avons reçu une promesse irrévocable pour guider notre marche. Dans les eaux du Baptême, nous sommes passés de l’esclavage du péché à une vie nouvelle et à l’espérance. Dans la communion de l’Église, Corps du Christ, nous attendons de voir la cité céleste, la nouvelle Jérusalem, où Dieu sera tout en tous. Depuis cette sainte montagne, Moïse dirige notre regard vers le haut, vers l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu, dans le Christ.

Moïse a contemplé de loin la Terre promise, au terme de son pèlerinage terrestre. Son exemple nous rappelle que nous avons part nous aussi à l’immémorial pèlerinage du peuple de Dieu à travers l’histoire. Dans les pas des prophètes, des apôtres et des saints, nous sommes appelés à poursuivre la mission du Seigneur, à rendre témoignage à la Bonne Nouvelle de la miséricorde et de l’amour universel de Dieu, et à oeuvrer pour l’avènement du Royaume du Christ par notre charité, notre service des pauvres et nos efforts pour être levain de réconciliation, de pardon et de paix autour de nous. Nous savons nous aussi que, comme Moïse, nous ne verrons probablement pas le plein accomplissement du plan divin durant notre vie terrestre. Cependant, nous croyons qu’en assumant la petite part qui nous est confiée, dans la fidélité à la vocation que chacun de nous a reçue, nous aiderons à rendre droits les chemins du Seigneur et à accueillir l’aurore de son Royaume. Et nous savons que le Dieu qui a révélé son nom à Moïse comme le gage qu’il serait toujours à nos côtés (cf. Ex
Ex 3,14) nous donnera la force de persévérer dans une espérance joyeuse même au milieu des souffrances, des épreuves et des tribulations.

Depuis les origines, les chrétiens sont venus en pèlerinage sur les lieux associés à l’histoire du peuple élu, aux événements de la vie du Christ et de l’Église naissante. Cette grande tradition, que mon présent voyage entend poursuivre et confirmer, est fondée sur le désir de voir, de toucher, de goûter dans la prière et la contemplation, les endroits bénis par la présence physique du Sauveur, de sa sainte Mère, des Apôtres et des premiers disciples qui l’ont vu relevé d’entre les morts. Ici, sur les pas des innombrables pèlerins qui nous ont précédés au cours des siècles, nous sommes provoqués à mesurer plus pleinement le don de notre foi et à grandir dans cette communion qui transcende toute frontière de langue, de race et de culture.

L’antique tradition du pèlerinage sur les lieux saints nous rappelle aussi le lien inséparable qui unit l’Église au peuple juif. Depuis le commencement, l’Église sur cette terre a commémoré dans sa liturgie les grandes figures des Patriarches et des Prophètes, comme un signe de sa conscience profonde de l’unité des deux Testaments. Puisse, aujourd’hui, notre rencontre nous inspirer un amour renouvelé pour les écrits de l’Ancien Testament et le désir de dépasser tous les obstacles à la réconciliation des Chrétiens et des Juifs dans le respect mutuel et la coopération au service de cette paix à laquelle la Parole de Dieu nous appelle !

Chers amis, rassemblés en ce lieu saint, que nos yeux et nos coeurs se tournent maintenant vers le Père. Alors que nous nous préparons à redire la prière que Jésus nous a enseignée, demandons-lui de hâter la venue de son royaume afin que nous puissions voir l’accomplissement de son plan de salut, et faire l’expérience, avec saint François et tous les pèlerins qui nous ont précédés marqués du signe de la foi, du don de l’indicible paix – pax et bonum – qui nous attend dans la Jérusalem céleste.

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

BÉNÉDICTION DE LA PREMIÈRE PIERRE

DE L’UNIVERSITÉ DE MADABA DU PATRIARCHE LATIN


Madaba Samedi 9 mai 2009



Chers frères Évêques,
Chers amis,

909 C’est pour moi une grande joie de bénir cette pierre de fondation de l’Université de Madaba. Je remercie Sa Béatitude Mgr Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, pour ses aimables paroles de bienvenue. Je désire exprimer aussi ma particulière reconnaissance à Sa Béatitude le Patriarche émérite Michel Sabbah, à l’initiative et aux efforts duquel, joints à ceux de Mgr Salim Sayegh, cette nouvelle institution doit beaucoup. Je remercie également les autorités civiles, les Évêques, les prêtres, les religieux, les fidèles ainsi que toutes les personnes qui sont rassemblées pour cette importante cérémonie.

A juste raison, le Royaume de Jordanie a donné la priorité à la tâche de développer et de perfectionner l’éducation. Je n’ignore pas que dans ce noble objectif Sa Majesté la Reine Rania est spécialement impliquée et que son engagement est une source d’inspiration pour beaucoup. Alors que je salue les efforts des personnes de bonne volonté qui se consacrent à l’éducation, je relève avec satisfaction la participation compétente et culturellement qualifiée des institutions chrétiennes, spécialement catholiques et orthodoxes, dans cet effort général. C’est ce climat qui a poussé l’Église catholique, avec le soutien des autorités jordaniennes, à consacrer des efforts au développement de l’enseignement universitaire ici et ailleurs. Cette initiative répond aussi à la requête de nombreuses familles qui, heureuses de la formation donnée dans les écoles tenues par les autorités religieuses, souhaitent qu’une option analogue sur le plan universitaire soit offerte.

Je rends hommage aux promoteurs de cette nouvelle institution pour leur courageuse confiance qu’une bonne éducation est un point d’appui essentiel pour l’épanouissement personnel et pour la paix et le développement de la région. Dans ce contexte, l’Université de Madaba conservera sûrement à l’esprit trois objectifs importants. En développant les talents et la noblesse de comportement des générations à venir d’étudiants, elle les préparera à servir une communauté plus large et à élever son niveau de vie. En transmettant la connaissance et en diffusant chez les étudiants l’amour de la vérité, elle fortifiera puissamment leur adhésion aux valeurs authentiques et leur liberté personnelle. Enfin, cette même formation intellectuelle aiguisera leur sens critique, dissipera ignorance et préjugés, et aidera à briser l’attrait exercé par des idéologies anciennes ou nouvelles. Le résultat de ce processus est une université qui n’est pas seulement un lieu où se fortifie l’adhésion à la vérité et aux valeurs d’une culture donnée, mais un espace de dialogue et de compréhension. Tout en assimilant leur propre héritage, les jeunes jordaniens et les étudiants des pays voisins seront conduits à une connaissance plus profonde des réussites de l’humanité, seront enrichis par d’autres points de vue et formés à la compréhension, à la tolérance et à la paix.

Cette éducation «plus large», c’est ce que l’on attend des institutions d’enseignement supérieur et de leur environnement culturel, qu’il soit séculier ou religieux. En fait, croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité ; tout au contraire, cela l’encourage. Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à ouvrir leur esprit à « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et mérite des éloges » (
Ph 4,8). Bien sûr, la religion, comme la science et la technologie, comme la philosophie et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être corrompue. La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance et du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne constatons pas seulement une perversion de la religion mais aussi une corruption de la liberté humaine, une étroitesse et un aveuglement de l’esprit. Il est clair qu’une telle issue n’est pas inévitable. En effet, quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons au contraire notre confiance dans le don de la liberté. Le coeur humain peut être endurci par les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les passions. Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à l’intégrité, au choix décisif et fondamental du bien sur le mal, de la vérité sur la malhonnêteté, et elle peut être aidée dans cette tâche.

L’appel à l’intégrité morale est perçu par la personne vraiment religieuse parce que le Dieu de la vérité, de l’amour et de la beauté, ne peut pas être servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement utile à l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et technologie offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont grandement amélioré la qualité de vie des êtres humains. C’est là, sans aucun doute, une des espérances de ceux qui promeuvent cette Université dont la devise est Sapientia et Scientia. En même temps, la science a ses limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent l’homme et son existence. En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. « La nature raisonnable de la personne humaine trouve, et doit trouver, sa perfection dans la sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à rechercher le vrai et le bien » (cf. Gaudium et Spes GS 15). L’usage des connaissances scientifiques requiert la lumière de la sagesse éthique. Telle est la sagesse qui a inspiré le serment d’Hippocrate, ou la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou la Convention de Genève et d’autres louables Traités internationaux. De là, le fait que la sagesse éthique et religieuse, en répondant au questionnement du sens et des valeurs, joue un rôle central dans la formation professionnelle. En conséquence, les universités où la quête de la vérité est liée à la recherche de ce qui est bon et noble, offrent une contribution indispensable à la société.

Dans le prolongement de ces réflexions, j’encourage d’une façon particulière les étudiants chrétiens de Jordanie et des régions voisines, à se consacrer avec sérieux à une formation morale et professionnelle appropriée. Vous êtes appelés à être les bâtisseurs d’une société juste et pacifique composée de personnes de religions différentes et d’origines ethniques diverses. Ces réalités – je désire le souligner une fois de plus – doivent conduire, non à des oppositions, mais à un enrichissement mutuel. La mission et la vocation de l’Université de Madaba sont précisément de vous aider à participer plus pleinement à cette tâche.

Chers amis, je souhaite renouveler mes félicitations au Patriarche latin de Jérusalem et mes encouragements à tous ceux qui ont pris ce projet à coeur, ainsi qu’à tous ceux qui sont déjà engagés dans l’apostolat de l’enseignement dans ce pays. Que le Seigneur vous bénisse et vous soutienne ! Je prie pour que votre rêve puisse devenir bientôt réalité, que vous puissiez voir des générations d’hommes et de femmes bien formés - chrétiens, musulmans et d’autres religions - prendre leur place dans la société, professionnellement aptes, compétents dans leur domaine et éduqués aux valeurs de sagesse, de tolérance et de paix. Sur vous et sur l’ensemble des futurs étudiants, professeurs et membres de l’administration de cette Université ainsi que sur leurs familles, j’invoque l’abondance des bénédictions du Dieu Tout-Puissant. Merci.

Discours 2005-2013 904