Discours 2005-2013 779

779 Par ailleurs, la raison sent et découvre que, outre ce qu'elle a déjà atteint et conquis, il existe une vérité qu'elle ne pourra jamais découvrir en partant d'elle-même, mais seulement recevoir comme un don gratuit. La vérité de la Révélation ne se superpose pas à celle qui est atteinte par la raison; elle purifie plutôt la raison et l'élève, lui permettant ainsi d'élargir ses propres espaces pour s'insérer dans un domaine de recherche insondable comme le mystère lui-même. La vérité révélée, dans la "plénitude des temps" (Ga 4,4), a pris le visage d'une personne, Jésus de Nazareth, qui apporte la réponse ultime et définitive à la question de sens que se pose chaque homme. La vérité du Christ, dans la mesure où elle touche chaque personne à la recherche de joie, de bonheur et de sens, dépasse de beaucoup toute autre vérité que la raison peut trouver. C'est donc autour du mystère, que la fides et la ratio trouvent la possibilité réelle d'un parcours commun.

Au cours de ces journées, se déroule le synode des évêques sur le thème: "La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise". Comment ne pas voir la coïncidence providentielle de ce moment avec votre congrès. La passion pour la vérité nous pousse à rentrer en nous-mêmes pour saisir dans l'homme intérieur le sens profond de notre vie. Une vraie philosophie devra conduire chaque personne par la main et lui faire découvrir combien il est fondamental pour sa dignité de connaître la vérité de la Révélation. Devant cette exigence de sens, qui ne donne pas de trêve tant qu'elle ne débouche pas en Jésus Christ, la Parole de Dieu révèle son caractère de réponse définitive. Une Parole de révélation qui devient vie et qui demande à être accueillie comme source intarissable de vérité.

Alors que je souhaite à chacun de ressentir toujours en soi cette passion pour la vérité, et de faire ce qui est en son pouvoir pour en satisfaire les exigences, je désire vous assurer que je suis avec satisfaction et sympathie votre engagement, en accompagnant votre recherche également par ma prière. Pour confirmer ces sentiments, je donne volontiers à vous tous qui êtes ici présents et à vos proches, ma Bénédiction apostolique.


À L'OCCASION DE LA PROJECTION DU FILM "TESTIMONIANZA" (TÉMOIGNAGE) SUR LE PONTIFICAT DE JEAN-PAUL II Salle Paul VI Jeudi 16 octobre 2008



Messieurs les cardinaux,
chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
mesdames, messieurs!

La projection à laquelle nous venons d'assister, nous fait revenir par la pensée à cette fin de soirée du 16 octobre 1978 il y a 30 ans, demeurée gravée dans notre coeur à tous. Comme aujourd'hui, et presque à la même heure, le nouveau Pape face aux milliers de fidèles réunis place Saint-Pierre dit: "Si je me trompe, vous me corrigerez". C'était la première rencontre du nouvel Evêque de Rome à peine élu, venu - comme il le dit - de loin, avec la Ville et avec le monde. Le cardinal Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie, choisit de s'appeler Jean-Paul ii, se plaçant ainsi dans la continuité de son prédécesseur, le Pape Albino Luciani, qui a avait conduit l'Eglise pendant seulement 33 jours.

Nous pourrions dire que le pontificat du Pape Jean-Paul II est contenu entre deux expressions. La première - "Ouvrez les portes au Christ! N'ayez pas peur" - fut vibrante, et elle impressionna et remua l'opinion publique, elle retentira d'ailleurs sur ses lèvres de nombreuses fois encore au fil des années suivantes; l'autre - "Laissez-moi aller à la Maison du Père" - le Pape la prononça faiblement sur son lit de mort, au terme d'un long et fructueux pèlerinage terrestre. A écouter les premières, ils étaient très nombreux; pour recueillir les dernières seuls les proches étaient présents, dont son fidèle secrétaire don Stanislas, à présent archevêque métropolitain de Cracovie. Dans son livre "Une vie avec Karol", qui est devenu un film intitulé "Testimonianza" (Témoignage), il a voulu raconter sa longue familiarité avec ce grand Pape, d'abord à Cracovie, puis à Rome, en reparcourant les moments de joie et de tristesse, d'espérance et d'audace apostolique. En révélant des épisodes inédits, le film laisse transparaître la simplicité humaine, le courage décidé et enfin la souffrance du Pape Wojtyla, affrontée jusqu'au bout avec le tempérament du montagnard et la patience de l'humble serviteur de l'Evangile.

Cet émouvant récit cinématographique vient s'ajouter aux très nombreuses publications sur ce Pape, qui a marqué l'histoire de l'Eglise et du monde dans la dernière partie du xx siècle et au début du troisième millénaire. Grâce à ce film, constitué à la fois de matériel documentaire et de reconstructions narratives d'épisodes historiques, le spectateur qui n'a pas connu Jean-Paul ii a la possibilité d'en deviner l'esprit et la passion évangélique. A nous, qui l'avons connu, le film offre l'opportunité de revivre avec une profonde émotion certains moments de sa vie avec des interprétations originales qui reprennent le contenu du livre en l'enrichissant d'éléments nouveaux. Le film nous offre également la possibilité de mieux connaître la patrie du Pape Wojtyla, la Pologne, et ses traditions culturelles et religieuses; il nous permet de reparcourir des événements ecclésiaux et civils connus et des épisodes inconnus du plus grand nombre. Tout cela est raconté - nous l'avons vu - avec l'affection de qui a partagé ces événements de près, dans le sillage de cette personnalité de premier plan.

780 Comment ne pas adresser alors un remerciement particulier à qui a contribué à la réalisation de cette nouvelle oeuvre cinématographique? Mes remerciements sincères vont tout d'abord au cardinal Stanislaw Dziwisz, à qui j'exprime ma gratitude pour ce livre et cette réalisation. Elle nous fait réellement revivre cette époque et revoir notre cher Pape Jean-Paul ii qui, du Ciel en ce moment, est certainement avec nous. Je remercie le réalisateur Pawel Pitera et les autres collaborateurs - il serait vraiment long de les citer tous - qui ont travaillé avec une grande maestria sur ce livre, et sur son adaptation cinématographique. Je salue également avec affection tous ceux qui sont venus ce soir, à commencer par messieurs les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses, jusqu'aux très nombreux hommes et femmes laïcs présents qui ont admiré et aimé mon grand Prédécesseur. En cet instant, nous voulons notamment nous souvenir de son invitation à ne pas avoir peur. En suivant son exemple, nous voulons nous aussi rendre avec courage notre témoignage au Christ. Avec ce souhait, je renouvelle mes remerciements à tous ceux qui ont oeuvré à ce film et ont collaboré à l'organisation de cette soirée. Je vous donne à tous ma Bénédiction.

VISITE PASTORALE

AU SANCTUAIRE PONTIFICALE DE POMPÉI

BENOÎT XVI

ANGELUS Esplanade du sanctuaire pontifical de Pompéi Dimanche 19 octobre 2008

Chers frères et soeurs,

Après la célébration eucharistique solennelle et la traditionnelle supplique à la Vierge de Pompéi, nous tournons encore une fois, comme chaque dimanche, notre regard vers Marie, avec la prière de l'Angélus, et nous lui confions les grandes intentions de l'Eglise et de l'humanité. Nous prions en particulier pour l'assemblée ordinaire du synode des évêques, qui se déroule à Rome et qui a pour thème: "La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise", afin qu'il puisse porter des fruits de renouveau authentique dans chaque communauté chrétienne. La célébration, aujourd'hui, de la Journée mondiale des missions nous offre une autre intention spéciale de prière. A l'occasion de l'Année paulinienne, cette journée propose à notre méditation une expression célèbre de l'Apôtre des nations: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1Co 9,16). En ce mois d'octobre, mois des missions et du rosaire, combien de fidèles et de communautés offrent le rosaire pour les missionnaires et pour l'évangélisation! Je suis donc heureux de me trouver précisément, aujourd'hui, en cette fête, ici à Pompéi, dans le plus important sanctuaire dédié à la Bienheureuse Vierge du Rosaire. Cela me permet en effet de souligner avec plus de force que le premier engagement missionnaire de chacun de nous est justement la prière. C'est d'abord en priant que l'on prépare la route à l'Evangile; c'est en priant que les coeurs s'ouvrent au mystère de Dieu et que les âmes se préparent à accueillir sa Parole de salut.

Il y a aussi, en ce jour, une autre heureuse coïncidence: c'est précisément aujourd'hui, à Lisieux que sont proclamés bienheureux Louis Martin et Zélie Guérin, parents de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, déclarée patronne des missions par Pie xi. Ces nouveaux bienheureux ont accompagné et partagé, par leur prière et leur témoignage évangélique, le chemin de leur fille appelée par le Seigneur à se consacrer à Lui sans réserve entre les murs du Carmel. Ce fut là, dans le secret de la clôture, que la petite Thérèse a réalisé sa vocation: "Dans le coeur de l'Eglise, ma mère, je serai l'amour" (Manuscrits autobiographiques, Lisieux 1957, 229). En pensant à la béatification des époux Martin, je voudrais rappeler une autre intention, qui me tient très à coeur: la famille, dont le rôle est fondamental dans l'éducation des enfants à un esprit universel, ouvert et responsable envers le monde et ses problèmes, ainsi que dans la formation des vocations à la vie missionnaire. Et alors, comme en poursuivant idéalement le pèlerinage que de nombreuses familles ont accompli il y a un mois à ce sanctuaire, invoquons la protection maternelle de la Vierge de Pompéi sur toutes les familles du monde, en pensant déjà à la vi Rencontre mondiale des familles qui aura lieu en janvier 2009 à Mexico.

En cette Journée mondiale des missions, nous nous unissons particulièrement aux pèlerins réunis à Lisieux pour la béatification de Louis et de Zélie Martin, parents de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, la patronne des missions. Par leur vie de couple exemplaire, ils ont annoncé l'Evangile du Christ. Ils ont vécu ardemment leur foi et l'ont transmise dans leur famille et dans leur entourage. Que leur prière commune soit source de joie et d'espérance pour tous les parents et toutes les familles.

VISITE PASTORALE

AU SANCTUAIRE PONTIFICALE DE POMPÉI

HOMÉLIE Esplanade du sanctuaire pontifical de Pompéi Dimanche 19 octobre 2008

Chers frères et soeurs,

En suivant les traces du Serviteur de Dieu Jean-Paul II, je suis venu en pèlerinage aujourd'hui à Pompéi pour vénérer, avec vous, la Vierge Marie, Reine du Rosaire. Je suis en particulier venu pour confier à la Mère de Dieu, dans le sein de laquelle le Verbe s'est fait chair, l'assemblée du synode des évêques en cours au Vatican sur le thème de la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise. Ma visite coïncide également avec la journée mondiale des missions: en contemplant chez Marie celle qui a accueilli en elle le Verbe de Dieu et l'a donné au monde, nous prierons au cours de cette messe pour ceux qui, dans l'Eglise, prodiguent leurs énergies au service de l'annonce de l'Evangile à toutes les nations. Chers frères et soeurs, je vous remercie de votre accueil! Je vous embrasse tous avec une affection paternelle, et je vous suis reconnaissant des prières que, d'ici, vous élevez sans cesse au Ciel pour le successeur de Pierre et pour les besoins de l'Eglise universelle.

781 J'adresse en premier lieu un salut cordial à Mgr Carlo Liberati, prélat de Pompéi et délégué pontifical pour le sanctuaire, et je le remercie des paroles avec lesquelles il s'est fait l'interprète de vos sentiments. Mon salut s'étend aux autorités civiles et militaires présentes, de manière particulière au représentant du gouvernement, le ministre pour les Biens culturels, et au maire de Pompéi, qui a mon arrivée a voulu m'adresser des paroles déférentes de bienvenue au nom de toute la population. Je salue les prêtres de la prélature, les religieux et les religieuses qui offrent leur service quotidien au sanctuaire, parmi lesquels j'ai plaisir à mentionner les soeurs dominicaines filles du Saint Rosaire de Pompéi et les frères des Ecoles chrétiennes; je salue les volontaires engagés dans divers services et les apôtres zélés de Notre-Dame du Rosaire de Pompéi. Et comment ne pas penser, en ce moment, aux personnes qui souffrent, aux malades, aux personnes âgées seules, aux jeunes en difficulté, aux détenus, à tous ceux dont les conditions de pauvreté et de difficultés sociale et économique s'aggravent? Je voudrais assurer chacun de ma proximité spirituelle et faire parvenir à tous le témoignage de mon affection. Je vous confie tous, chers fidèles et habitants de cette terre, et vous aussi, qui êtes spirituellement unis à cette célébration à travers la radio et la télévision, à Marie et je vous invite à être toujours assurés de son soutien maternel.

Laissons-la à présent, Elle qui est notre Mère et notre Maîtresse, nous guider dans la réflexion sur la Parole de Dieu que nous avons écoutée. La première lecture et le Psaume responsorial expriment la joie du peuple d'Israël pour le salut donné par Dieu, un salut qui est libération du mal et espérance d'une vie nouvelle. L'oracle de Sophonie s'adresse à Israël, qui est désignée par les appellations de "fille de Sion" et "fille de Jérusalem" et elle est invitée à la joie: "Pousse des cris de joie... une clameur d'allégresse... réjouis-toi!" (
So 3,14). C'est le même appel que l'ange Gabriel adresse à Marie, à Nazareth: "Réjouis-toi, comblée de grâce" (Lc 1,28). "Sois sans crainte, Sion!" (So 3,16), dit le prophète; "Sois sans crainte, Marie" (Lc 1,30), dit l'Ange. Et le motif de la confiance est le même: "Yahvé ton Dieu est au milieu de toi / héros sauveur!" (So 3,17), dit le prophète; "le Seigneur est avec toi" (Lc 1,28), assure l'Ange à la Vierge. Le cantique d'Isaïe se conclut lui aussi ainsi: "Pousse des cris de joie, des clameurs, habitante de Sion / car il est grand, au milieu de toi, le Saint d'Israël" (Is 12,6). La présence du Seigneur est source de joie, car, là où Il se trouve, le mal est vaincu et la vie et la paix triomphent. Je voudrais souligner, en particulier, la merveilleuse expression de Sophonie qui, s'adressant à Jérusalem, dit: le Seigneur "te renouvellera par son amour" (3, 17). Oui, l'amour de Dieu a ce pouvoir: de renouveler chaque chose, à partir du coeur humain, qui est son chef-d'oeuvre et où l'Esprit Saint accomplit au mieux son action transformatrice. Avec sa grâce, Dieu renouvelle le coeur de l'homme en pardonnant son péché, il le réconcilie et lui communique l'élan pour le bien. Tout cela se manifeste dans la vie des saints, et nous le voyons ici de manière particulière dans l'oeuvre apostolique du bienheureux Bartolo Longo, fondateur de la nouvelle Pompéi. Et nous ouvrons ainsi en cet instant également notre coeur à cet amour rénovateur de l'homme et de toutes choses.

Dès ses débuts, la communauté chrétienne a vu dans la personnification d'Israël et de Jérusalem en une figure féminine un rapprochement significatif et prophétique avec la Vierge Marie, qui est précisément reconnue comme "fille de Sion" et archétype du peuple qui "a trouvé grâce" aux yeux du Seigneur. C'est une interprétation que nous retrouvons dans le récit évangélique des noces de Cana (Jn 2,1-11). L'évangéliste Jean met symboliquement en lumière que Jésus est l'époux d'Israël, du nouvel Israël que nous représentons tous dans la foi, l'époux venu apporter la grâce de la nouvelle Alliance, représentée par le "bon vin". Dans le même temps, l'Evangile souligne également le rôle de Marie, qui est appelée au début "la mère de Jésus", mais que son Fils lui-même appelle ensuite "femme" - et cela a un sens très profond: cela implique en effet que Jésus, à notre grande joie place avant le lien de parenté le lien spirituel, selon lequel Marie personnifie précisément l'épouse aimée du Seigneur, c'est-à-dire le peuple qu'il a choisi pour faire rayonner sa bénédiction sur toute la famille humaine. Le symbole du vin, uni à celui du banquet, repropose le thème de la joie et de la fête. En outre, le vin, comme d'autres images bibliques de la vigne et du sarment, fait métaphoriquement allusion à l'amour: Dieu est le vigneron, Israël est la vigne, une vigne qui trouvera sa réalisation parfaite dans le Christ, dont nous sommes les sarments; et le vin est le fruit, c'est-à-dire l'amour, car l'amour est précisément ce que Dieu attend de ses enfants. Et prions le Seigneur qui a donné à Bartolo Longo la grâce d'apporter l'amour sur cette terre, afin que notre vie et notre coeur aussi portent ce fruit de l'amour et renouvellent ainsi la terre.

L'apôtre Paul exhorte lui aussi à l'amour dans la deuxième Lecture, tirée de la Lettre aux Romains. Nous trouvons défini dans cette page le programme de vie d'une communauté chrétienne, dont les membres ont été renouvelés par l'amour et qui s'efforcent de se renouveler sans cesse, pour discerner toujours la volonté de Dieu et ne pas retomber dans le conformisme de la mentalité du monde (cf. 12, 1-2). La nouvelle Pompéi, malgré les limites propres à chaque réalité humaine, est un exemple de cette nouvelle civilisation, qui est née et s'est développée sous le regard maternel de Marie. Et la caractéristique de la civilisation chrétienne est précisément la charité: l'amour de Dieu qui se traduit en amour pour le prochain. Or, quand saint Paul écrit aux chrétiens de Rome: "Ne brisez pas l'élan de votre générosité, mais laissez jaillir l'Esprit; soyez les serviteurs du Seigneur" (12, 11), la pensée se tourne vers Bartolo Longo et les nombreuses initiatives de charité qu'il mit en oeuvre pour ses frères les plus indigents. Poussé par l'amour, il fut en mesure de projeter une ville nouvelle, qui s'éleva ensuite autour du sanctuaire marial, comme une sorte de rayonnement de sa lumière de foi et d'espérance. Une citadelle de Marie et de la charité, qui n'était cependant pas isolée du monde, non pas comme l'on pourrait dire une "cathédrale dans le désert", mais insérée dans le territoire de cette vallée pour le racheter et le promouvoir. Grâce à Dieu, l'histoire de l'Eglise est riche d'expériences de ce genre, et aujourd'hui aussi on en compte beaucoup dans toutes les parties de la terre. Ce sont des expériences de fraternité, qui montrent le visage d'une société différente, placée comme un ferment au sein du contexte civil. La force de la charité est irrésistible: c'est l'amour qui fait vraiment avancer le monde!

Qui aurait pu penser qu'ici, à côté des vestiges de l'antique Pompéi, serait né un sanctuaire marial de rayonnement mondial? Et tant d'oeuvres sociales ayant pour but de traduire l'Evangile en service concret pour les personnes le plus en difficulté? Là où Dieu arrive, le désert fleurit! Le bienheureux Bartolo Longo, à travers sa conversion personnelle, donna lui aussi un témoignage de cette force spirituelle qui transforme l'homme intérieurement et le rend capable d'accomplir de grandes choses selon le dessein de Dieu. L'histoire de sa crise spirituelle et de sa conversion apparaît aujourd'hui de grande actualité. En effet, pendant la période de ses études universitaires à Naples, influencé par les philosophies immanentistes et positivistes, il s'était éloigné de la foi chrétienne devenant un militant anticlérical et s'adonnant également à l'invocation des esprits et aux pratiques superstitieuses. Sa conversion, avec la découverte du véritable visage de Dieu, contient un message très éloquent pour nous, car malheureusement de telles tendances ne manquent pas de nos jours. En cette Année paulinienne, j'ai plaisir à souligner que Bartolo Longo, comme saint Paul, fut lui aussi transformé de persécuteur en apôtre: apôtre de la foi chrétienne, du culte marial et, en particulier, du Rosaire, où il trouva une synthèse de tout l'Evangile.

Cette ville, qu'il refonda, est donc une démonstration historique de la façon dont Dieu transforme le monde: en comblant de charité le coeur d'un homme et en le transformant en "moteur" de renouveau religieux et social. Pompéi est un exemple de la façon dont la foi peut agir dans la cité de l'homme, en suscitant des apôtres de charité qui se mettent au service des petits et des pauvres, et qui agissent afin que les derniers aussi soient respectés dans leur dignité et trouvent accueil et promotion. Ici, à Pompéi, on comprend que l'amour pour Dieu et l'amour pour le prochain sont inséparables. Ici, le peuple chrétien authentique, les personnes qui affrontent la vie avec des sacrifices quotidiens, trouvent la force de persévérer dans le bien sans accepter de compromis. Ici, aux pieds de Marie, les familles retrouvent ou renforcent la joie de l'amour qui les garde unies. En préparation à ma visite d'aujourd'hui, un "pèlerinage des familles pour la famille" spécial a donc opportunément été accompli, il y a exactement un mois, pour confier cette cellule fondamentale de la société à la Vierge. Que la Sainte Vierge veille sur chaque famille et sur tout le peuple italien!

Que ce Sanctuaire et cette ville continuent en particulier à être toujours liés à un don singulier de Marie: la prière du Rosaire. Quand, dans la célèbre peinture de la Madone de Pompéi, nous voyons la Vierge Mère et l'Enfant Jésus qui remettent leur chapelet respectivement à sainte Catherine de Sienne et à saint Dominique, nous comprenons immédiatement que cette prière nous conduit, à travers Marie, à Jésus, comme nous l'a également enseigné le Pape Jean-Paul II dans la Lettre Rosarium Virginis Mariae, dans laquelle il fait explicitement référence au bienheureux Bartolo Longo et au charisme de Pompéi. Le Rosaire est une prière contemplative accessible à tous: grands et petits, laïcs et clercs, personnes cultivées ou peu instruites. C'est un lien spirituel avec Marie pour rester unis à Jésus, pour se conformer à Lui, en assimiler les sentiments et se comporter comme Il s'est comporté. Le Rosaire est une "arme" spirituelle dans la lutte contre le mal, contre toute violence, pour la paix dans les coeurs, dans les familles, dans la société et dans le monde.

Chers frères et soeurs, dans cette Eucharistie, source intarissable de vie et d'espérance, de renouveau personnel et social, nous remercions Dieu car en Bartolo Longo il nous a donné un témoin lumineux de cette vérité évangélique. Et nous tournons encore une fois notre coeur vers Marie avec les paroles de la Supplique, que nous réciterons d'ici peu: "Toi, notre Mère, tu es notre avocate, notre espérance, aies pitié de nous... Miséricorde pour tous, ô Mère de Miséricorde!". Amen.

RÉCITATION DU CHAPELET PAROLES


Esplanade du sanctuaire pontifical de Pompéi Dimanche 19 octobre 2008



Vénérés frères dans l'épiscopat
782 et dans le sacerdoce,
chers religieux et religieuses,
chers frères et soeurs!

Avant d'entrer dans le Sanctuaire pour réciter avec vous le chapelet, je me suis brièvement arrêté devant la châsse du bienheureux Bartolo Longo, et tout en priant, je me suis demandé: "Ce grand apôtre de Marie, d'où a-t-il tiré l'énergie et la constance nécessaires pour mener à bien une oeuvre aussi impressionnante, connue désormais dans le monde entier? N'est-ce pas justement du Rosaire, qu'il a accueilli comme un véritable don du coeur de la Vierge?". Oui, il en a véritablement été ainsi! L'expérience des saints en témoigne: cette prière mariale populaire est un moyen spirituel précieux pour grandir dans l'intimité avec Jésus, et pour apprendre, à l'école de la Sainte Vierge, à toujours accomplir la volonté divine. Elle est la contemplation des mystères du Christ en union spirituelle avec Marie, comme le soulignait le serviteur de Dieu Paul vi dans l'Exhortation apostolique Marialis cultus (n. 46), et comme ensuite mon vénéré prédécesseur Jean-Paul ii l'a amplement illustré dans la Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, que je remets à nouveau idéalement à la communauté de Pompéi et à chacun de vous. Vous qui vivez et oeuvrez ici à Pompéi, en particulier vous, chers prêtres, religieuses, religieux et laïcs engagés dans cette portion particulière de l'Eglise, êtes tous appelés à faire vôtre le charisme du bienheureux Bartolo Longo et à devenir, dans la mesure et avec les moyens que Dieu concède à chacun, d'authentiques apôtres du Rosaire.

Mais pour être des apôtres du Rosaire, il faut faire l'expérience personnelle de la beauté et de la profondeur de cette prière, simple et accessible à tous. Il est nécessaire avant tout de se laisser conduire par la main par la Vierge Marie pour contempler le visage du Christ: un visage joyeux, lumineux, douloureux et glorieux. Celui qui, comme Marie et avec Elle, conserve et médite assidûment les mystères de Jésus, assimile toujours davantage ses sentiments et se conforme à Lui. Je voudrais, à cet égard, citer une belle réflexion du bienheureux Bartolo Longo: "De même - écrit-il - que deux amis qui se retrouvent souvent ensemble finissent par se ressembler également dans la manière de vivre, de même, nous aussi, en parlant familièrement avec Jésus et avec la Vierge, par la méditation des Mystères du Rosaire, et en formant ensemble une même vie par la Communion, nous pouvons devenir, autant que notre petitesse le permet, semblables à eux et apprendre par leurs exemples sublimes à vivre de manière humble, pauvre, cachée, patiente et parfaite" (Les quinze samedis du Très Saint Rosaire, 27 édition, Pompéi, 1916, p. 27: cité in Rosarium Virginis Mariae
RVM 15).

Le chapelet est une école de contemplation et de silence. A première vue, il pourrait sembler une prière qui accumule des paroles, et donc difficilement conciliable avec le silence qui est justement recommandé pour la méditation et la contemplation. En réalité, cette répétition cadencée de l'Ave Maria ne dérange pas le silence intérieur mais au contraire le requiert et le nourrit. De la manière que pour les Psaumes, lorsque l'on prie la Liturgie des Heures, le silence affleure à travers les paroles et les phrases, non comme un vide, mais comme une présence de sens ultime qui transcende les paroles elles-mêmes et parle avec elles au coeur. Ainsi, en récitant les Ave Maria, il faut faire attention à ce que nos voix ne "couvrent" pas celle de Dieu, qui parle toujours à travers le silence, comme "le bruit d'une brise légère" (1R 19,12). Combien il est alors important de prendre soin de ce silence rempli de Dieu, tant dans la récitation personnelle que communautaire! Même lorsqu'il est prié, comme aujourd'hui, par de grandes assemblées, et comme vous le faites chaque jour dans ce Sanctuaire, il est nécessaire de percevoir le chapelet comme une prière contemplative, et cela ne peut pas advenir sans un climat de silence intérieur.

Je voudrais ajouter une autre réflexion, relative à la Parole de Dieu dans le chapelet, particulièrement opportune en cette période où se déroule au Vatican le synode des évêques sur le thème: "La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise". Si la contemplation chrétienne ne peut pas se passer de la Parole de Dieu, le chapelet également, pour être une prière contemplative, doit toujours naître du silence du coeur comme une réponse à la Parole, sur le modèle de la prière de Marie. A bien y regarder, le chapelet est tout entier tissé d'éléments tirés de l'Ecriture. Il y a tout d'abord l'énonciation du mystère, faite de préférence comme aujourd'hui, avec des paroles tirées de la Bible. Suit le Notre Père: en imprimant à la prière son orientation "verticale", elle ouvre l'esprit de celui qui récite le chapelet à la juste attitude filiale, selon l'invitation du Seigneur: "Lorsque vous priez, dites: Notre Père..." (Lc 11,2). La première partie de l'Ave Maria, elle aussi tirée de l'Evangile, nous fait à chaque fois écouter à nouveau les paroles avec lesquelles Dieu s'est adressé à la Vierge à travers l'Ange, et les paroles de bénédiction de sa cousine Elisabeth. La seconde partie de l'Ave Maria résonne comme une réponse des fils qui, s'adressant suppliant à la Mère, ne font rien d'autre qu'exprimer leur adhésion au dessein salvifique, révélé par Dieu. Ainsi la pensée de celui qui prie reste toujours ancrée à l'Ecriture et aux mystères qui sont présentés en elle.

Nous souvenant, enfin, que nous célébrons aujourd'hui la journée mondiale des missions, je voudrais rappeler la dimension apostolique du chapelet, une dimension que le bienheureux Bartolo Longo a vécue de manière intense en en tirant inspiration pour entreprendre sur cette terre de très nombreuses oeuvres de charité et de promotion humaine et sociale. En outre, il voulut ce Sanctuaire ouvert au monde entier, comme un centre de rayonnement de la prière du chapelet et un lieu d'intercession pour la paix entre les peuples. Chers amis, ce sont ces deux finalités: l'apostolat de la charité et la prière pour la paix que je désire confirmer et confier à nouveau à votre engagement spirituel et pastoral. A l'exemple et avec le soutien du vénéré Fondateur, ne vous lassez jamais de travailler avec passion dans cette partie de la vigne du Seigneur à laquelle la Vierge a montré qu'elle était particulièrement attachée.

Chers frères et soeurs, le moment est venu de prendre congé de vous et de ce beau Sanctuaire. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et surtout de vos prières. Je remercie l'archevêque prélat et délégué pontifical, ses collaborateur et tous ceux qui ont travaillé pour préparer au mieux ma visite. Je dois vous quitter, mais mon coeur demeure proche de cette terre et de cette communauté. Je vous confie tous à la Bienheureuse Vierge du Saint Rosaire, et je donne à chacun et de tout coeur, la Bénédiction apostolique.
* * *


Avant de quitter Pompéi, le Pape a adressé un salut aux fidèles réunis à l'extérieur du sanctuaire:

783 Chers frères et soeurs,

Le moment de prendre congé est arrivé, mais comme je l'ai dit, je reste toujours proche de vous avec le coeur, proche de ce très beau Sanctuaire, de ces personnes emplies de foi, d'enthousiasme et de charité. Je vous bénis tous au nom de Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit. Au revoir! Merci!

XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE

DU SYNODE DES ÉVÊQUES

XXIII CONGRÉGATION GÉNÉRALE

SALUTATION

À L'ISSUE DU DÉJEUNER AVEC LES PÈRES SYNODAUX Atrium de la salle Paul VI Samedi 25 octobre 2008



Chers frères dans l'Episcopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

le synode est sur le point de prendre fin mais la marche commune sous la conduite de la Parole de Dieu se poursuit. Dans ce sens, nous sommes aussi toujours en "synode", en chemin, ensemble, vers le Seigneur sous la conduite de la Parole de Dieu.

Le Document de travail (Instrumentum laboris) avait parlé de la polyphonie des Ecritures Saintes. Et il me semble que nous pouvons dire que, maintenant, dans les contributions à ce synode, nous avons également écouté une belle polyphonie de la foi, une symphonie de la foi, avec de nombreuses contributions y compris de la part des délégués fraternels. Nous avons ainsi réellement ressenti la beauté et la richesse de la Parole de Dieu.

Cette assemblée a été également une école de l'écoute. Nous nous sommes écoutés les uns les autres. Il s'est agi d'une écoute réciproque. Et justement en nous écoutant les uns les autres, nous avons mieux appris à écouter la Parole de Dieu. Nous avons vu combien est vraie la parole de saint Grégoire le Grand: l'Ecriture croît avec celui qui la lit. C'est seulement à la lumière des différentes réalités de notre vie, dans la confrontation avec la réalité de chaque jour que se découvrent les potentialités, les richesses cachées de la Parole de Dieu. Nous voyons que, vis-à-vis de la réalité, s'ouvre de manière nouvelle également le sens de la Parole qui nous est donnée dans les Saintes Ecritures.

Ainsi, nous nous sommes réellement enrichis. Nous avons vu qu'aucune méditation, aucune réflexion scientifique ne saurait par elle-même tirer de cette Parole de Dieu tous les trésors, toutes les potentialités qui se découvrent seulement dans l'histoire de chaque vie.

Je ne sais pas si ce synode a été plus intéressant ou plus édifiant. Dans tous les cas, il a été émouvant. Nous sommes enrichis par cette écoute mutuelle. En écoutant l'autre, nous écoutons également mieux le Seigneur lui même. Et dans ce dialogue de l'écoute, nous apprenons ensuite la réalité plus profonde, l'obéissance à la Parole de Dieu, la conformation de notre pensée, de notre volonté à la pensée et à la volonté de Dieu. Une obéissance qui n'est pas une attaque à la liberté mais développe toutes les possibilités de notre liberté.


Discours 2005-2013 779