Discours 2005-2013 817

817 C'est avec un véritable plaisir que j'accueille et que je salue chacun de vous, qui faites partie de l'Institut pontifical d'archéologie sacrée.Je salue tout d'abord le Grand chancelier, le cardinal Zenon Grocholewski, et je le remercie des paroles avec lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments communs. Je salue le recteur, le corps enseignant, les collaborateurs et les étudiants. La rencontre agréable d'aujourd'hui m'offre l'opportunité de manifester ma vive appréciation pour la précieuse et féconde activité culturelle, littéraire et académique que votre Institut accomplit au service de l'Eglise et, plus en général, de la culture.

Je sais, en effet, que dans les milieux traditionnels de l'archéologie, les cours ordinaires et de spécialisation à travers lesquels votre Institut pontifical d'archéologie chrétienne se propose de faire connaître les monuments paléochrétiens, notamment de Rome, tout en faisant largement référence aux autres régions de l'Orbis christianus antiquus sont d'une grande importance scientifique. La "Revue" et l'activité scientifique des professeurs et des anciens élèves, ainsi que la promotion de congrès internationaux visent également, dans vos intentions, à aller à la rencontre des attentes de ceux qui ont à coeur la connaissance et l'étude des riches vestiges historiques de la communauté chrétienne. L'objectif principal de votre institut est précisément l'étude des vestiges de la vie ecclésiale au cours des siècles. Vous offrez l'opportunité, à celui qui choisit cette discipline, d'entrer dans une réalité complexe, qui est précisément celle de l'Eglise des premiers siècles, pour "comprendre" le passé, en le rendant présent aux hommes d'aujourd'hui. Pour vous, "comprendre" revient à s'identifier avec le passé qui réapparaît à travers les domaines typiques de l'archéologie chrétienne: l'iconographie, l'architecture, l'épigraphie et la topographie. Lorsqu'il s'agit de décrire l'histoire de l'Eglise, qui est "signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (
LG 1), la recherche patiente de l'archéologue ne peut éviter de pénétrer également les réalités surnaturelles, sans toutefois renoncer à l'analyse rigoureuse des pièces archéologiques.

En effet, comme vous le savez bien, il n'est pas possible d'obtenir une vision complète de la réalité d'une communauté chrétienne, qu'elle soit antique ou récente, si l'on ne tient pas compte du fait que l'Eglise est composée d'un élément humain et d'un élément divin. Le Christ, son Seigneur, habite en elle et l'a voulue comme "communauté de foi, d'espérance, de charité, en tant qu'organisme visible, à travers lequel elle diffuse pour tous la vérité et la grâce" (LG 8). Dans cette pré-compréhension théologique, le critère de fond ne peut être que celui de se laisser conquérir par la vérité recherchée dans ses sources authentiques, avec une âme libérée des passions et des préjugés, l'archéologie chrétienne étant une science historique, et comme telle fondée sur l'étude méthodique des sources.

La diffusion de la culture artistique et historique dans tous les secteurs de la société fournit aux hommes de notre temps les moyens pour retrouver leurs propres racines et pour y puiser les éléments culturels et spirituels qui les aideront à édifier une société à dimension véritablement humaine. Chaque homme, chaque société, a besoin d'une culture ouverte à la dimension anthropologique, morale et spirituelle de l'existence. Mon voeu fervent est donc que, également grâce au travail de votre Institut digne d'éloges, se poursuive et s'intensifie même la recherche des racines chrétiennes de notre société. L'expérience de votre Institut prouve que l'étude de l'archéologie, en particulier des monuments paléochrétiens, permet d'approfondir la connaissance de la vérité évangélique qui nous a été transmise, et offre l'opportunité de suivre les maîtres et les témoins de la foi qui nous ont précédés. Connaître l'héritage des générations chrétiennes passées permet aux suivantes de rester fidèles au depositum fidei de la première communauté chrétienne et, en poursuivant le même chemin, de continuer à faire retentir à chaque époque et en chaque lieu l'Evangile immuable du Christ. Voilà pourquoi, à côté des résultats importants obtenus dans le domaine scientifique, votre Institut se préoccupe à juste titre d'offrir une contribution fructueuse à la connaissance et à l'approfondissement de la foi chrétienne. S'approcher des "vestiges du peuple de Dieu" est une manière concrète de constater que les contenus de la foi, qui est identique et immuable, ont été accueillis et traduits en vie chrétienne selon les conditions historiques, sociales et culturelles variables, au cours de nombreux siècles.

Chers frères et soeurs, continuez à promouvoir la conservation et l'approfondissement du très vaste héritage archéologique de Rome et des différentes régions du monde antique, conscients de la mission propre à votre Institut, qui est celle de servir l'histoire et l'art en valorisant les nombreux témoignages que la "Ville éternelle" possède de la civilisation occidentale, de la culture et de la spiritualité catholique. Il s'agit d'un patrimoine précieux qui s'est formé au cours de ces deux millénaires, un trésor inestimable dont vous êtes les administrateurs et dont il faut tirer sans cesse, comme le fait le scribe de l'Evangile, du neuf et de l'ancien (cf. Mt 13,52). Avec ces souhaits, à l'approche imminente de Noël, je forme des voeux fervents pour vous et pour les personnes qui vous sont chères, alors que je vous bénis tous de tout coeur.


À LA CURIE ROMAINE À L'OCCASION DE LA RENCONTRE TRADITIONNELLE POUR LES VOEUX DE NOËL Salle Clémentine Lundi 22 décembre 2008



Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Le Noël du Seigneur est aux portes. Chaque famille ressent le désir de se rassembler, pour goûter l'atmosphère unique et irremplaçable que cette fête est capable de créer. La famille de la Curie romaine également se réunit, ce matin, selon une belle habitude grâce à laquelle nous avons la joie de nous rencontrer et de nous échanger nos voeux dans ce climat spirituel particulier. J'adresse à chacun mon salut cordial, empli de reconnaissance pour la collaboration appréciée prêtée au ministère du Successeur de Pierre. Je remercie vivement le cardinal doyen Angelo Sodano qui, avec la voix d'un ange, s'est fait l'interprète des sentiments de toutes les personnes présentes, et également de tous ceux qui travaillent dans les divers bureaux, y compris les représentations pontificales. J'évoquais au début l'atmosphère particulière de Noël. Il me plaît de penser que celle-ci est presque un prolongement de cette joie mystérieuse, de cette exultation intime qui emplit la sainte Famille, les anges et les pasteurs de Bethléem, la nuit où Jésus vit le jour. Je la définirais comme "l'atmosphère de la grâce", en pensant à l'expression de saint Paul dans la Lettre à Tite: "Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri omnibus hominibus" (cf. Tt Tt 2,11). L'apôtre affirme que la grâce de Dieu s'est manifestée "à tous les hommes": je dirais qu'en cela transparaît également la mission de l'Eglise, et, en particulier, celle du Successeur de Pierre et de ses collaborateurs, c'est-à-dire de contribuer à ce que la grâce de Dieu, du Rédempteur, devienne toujours plus visible à tous, et apporte à tous le salut.

818 L'année qui est sur le point de se conclure a été riche de regards rétrospectifs sur les dates importantes de l'histoire récente de l'Eglise, mais également riche d'événements, qui portent en eux des signes d'orientation pour notre chemin vers l'avenir. Il y a cinquante ans mourait le Pape Pie XII, il y a cinquante ans, Jean XXIII était élu Souverain Pontife. Quarante ans se sont écoulés depuis la publication de l'Encyclique Humanae vitae et trente ans depuis la mort de son auteur, le Pape Paul VI. Le message de ces événements a été rappelé et médité de multiples façons au cours de l'année, de sorte que je ne voudrais pas m'y arrêter à nouveau maintenant. Le regard de la mémoire, toutefois, est allé encore plus en arrière, au-delà des événements du siècle dernier, et précisément de cette façon, il nous a renvoyés à l'avenir: la soirée du 28 juin, en présence du patriarche oecuménique Bartholomaios I de Constantinople, et de représentants de nombreuses autres Eglises et communautés ecclésiales, nous avons pu inaugurer dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs l'année de saint Paul, en souvenir de la naissance de l'Apôtre des nations, il y a 2000 ans. Pour nous, Paul n'est pas une figure du passé. Il nous parle encore à travers ses lettres. Et celui qui entre en dialogue avec lui est poussé par lui vers le Christ crucifié et ressuscité. L'année de saint Paul est une année de pèlerinage non seulement dans le sens de chemin extérieur vers les lieux pauliniens, mais également et surtout dans le sens d'un pèlerinage du coeur, avec Paul, vers Jésus Christ. En définitive, Paul nous enseigne également que l'Eglise est le Corps du Christ, que la Tête et le Corps sont inséparables et qu'il ne peut y avoir d'amour pour le Christ sans amour pour son Eglise et sa communauté vivante.

Trois événements spécifiques de l'année qui touche à sa fin sautent particulièrement aux yeux. Il y a eu avant tout la Journée mondiale de la Jeunesse en Australie, une grande fête de la foi, qui a réuni plus de 200.000 jeunes venus de toutes les parties du monde et qui les a rapprochés non seulement extérieurement - sur le plan géographique - mais, grâce au partage de la joie d'être chrétiens, les a rapprochés également intérieurement. A côté de cela, il y a eu les deux voyages, l'un aux Etats-Unis, l'autre en France, à l'occasion desquels l'Eglise s'est rendue visible face au monde et pour le monde comme une force spirituelle qui indique des chemins de vie et, à travers le témoignage de la foi, apporte la lumière au monde. Ce furent en effet des journées qui ont rayonné de lumière; elles ont fait rayonner la confiance dans la valeur de la vie et dans l'engagement pour le bien. Et enfin, il faut rappeler le Synode des Evêques: des pasteurs provenant du monde entier se sont réunis autour de la Parole de Dieu, qui avait été élevée parmi eux; autour de la Parole de Dieu, dont la grande manifestation se trouve dans l'Ecriture Sainte. Ce que nous considérons désormais trop souvent comme acquis dans notre quotidien, nous l'avons saisi à nouveau dans toute sa sublimité: le fait que Dieu parle, que Dieu réponde à nos questions. Le fait qu'Il parle, bien qu'en termes humains, en personne, et que nous puissions L'écouter et dans l'écoute, apprendre à Le connaître et à Le comprendre. Le fait qu'Il entre dans notre vie en la façonnant et que nous puissions sortir de notre vie et entrer dans la vaste étendue de sa miséricorde. Nous nous sommes ainsi à nouveau rendus compte que Dieu à travers sa Parole s'adresse à chacun de nous, parle au coeur de chacun: si notre coeur s'ouvre et que l'écoute intérieure se rend disponible, alors chacun peut apprendre à entendre la parole qui lui est adressée personnellement. Mais précisément si nous entendons Dieu parler de façon si personnelle à chacun de nous, nous comprenons également que sa Parole est présente afin que nous nous approchions les uns des autres; afin que nous trouvions le moyen de sortir de ce qui est uniquement personnel. Cette parole a façonné une histoire commune et veut continuer à le faire. Alors, nous nous sommes à nouveau rendus compte que - précisément parce que la Parole est si personnelle - nous pouvons la comprendre de façon juste et totale uniquement dans le "nous" de la communauté instituée par Dieu: en étant toujours conscients que nous ne pouvons jamais aller jusqu'au bout complètement, qu'elle a quelque chose de nouveau à dire à chaque génération. Nous avons compris que, certes, les écrits bibliques ont été rédigés à des époques déterminées et constituent donc dans ce sens avant tout un livre provenant d'un temps passé. Mais nous avons vu que leur message ne demeure pas dans le passé ni qu'il ne peut être enfermé dans celui-ci: au fond, Dieu parle toujours au présent, et nous n'aurons écouté la Bible pleinement que lorsque nous aurons découvert ce "présent" de Dieu, qui nous appelle actuellement.

Enfin, il était important de ressentir que dans l'Eglise, il existe une Pentecôte également aujourd'hui - c'est-à-dire qu'elle parle dans plusieurs langues et ce, non seulement dans le sens extérieur que toutes les grandes langues du monde sont représentées en elle, mais encore plus dans un sens plus profond: en elle sont présents les multiples modes de l'expérience de Dieu et du monde, la richesse des cultures, et ce n'est qu'ainsi qu'apparaît toute l'étendue de l'existence humaine, et, à partir d'elle, l'étendue de la parole de Dieu. Toutefois, nous avons également appris que la Pentecôte est toujours "en chemin", et encore incomplète: il existe une multitude de langues qui attendent encore la Parole de Dieu contenue dans la Bible. Les multiples témoignages de fidèles laïcs provenant du monde entier, qui non seulement vivent la Parole de Dieu, mais qui souffrent également à cause d'elle, étaient émouvants. Une contribution précieuse a été apportée par le discours d'un Rabbin sur les Ecritures Saintes d'Israël, qui sont précisément également nos Ecritures Saintes. Un moment important pour le Synode, et même pour le chemin de l'Eglise dans son ensemble, a été celui au cours duquel le Patriarche Bartholomaios, à la lumière de la tradition orthodoxe, à travers une analyse pénétrante, nous a ouvert un accès à la Parole de Dieu. Espérons à présent que les expériences et les résultats du Synode influent de manière efficace sur la vie de l'Eglise: sur le rapport personnel avec les Ecritures Saintes, sur leur interprétation dans la Liturgie et dans la catéchèse ainsi que dans la recherche scientifique, afin que la Bible ne demeure pas une Parole du passé, mais que sa vitalité et son actualité soient lues et révélées dans la vaste étendue des dimensions de ses significations.

Les voyages pastoraux de cette année ont également traité de la présence de la Parole de Dieu, de Dieu lui-même dans le moment présent de l'histoire: leur véritable sens ne peut être que celui de servir cette présence. Dans ces occasions, l'Eglise se rend perceptible de façon publique, et avec elle la foi, et donc au moins la question sur Dieu. Cette manifestation en public de la foi interpelle désormais tous ceux qui tentent de comprendre le temps présent et les forces qui oeuvrent en lui. En particulier, le phénomène des Journées mondiales de la Jeunesse devient toujours plus l'objet d'analyses, dans lesquelles on tente de comprendre ce type, pour ainsi dire, de culture des jeunes. Jamais auparavant, l'Australie n'avait vu tant de personnes de tous les continents comme au cours de la Journée mondiale de la Jeunesse, pas même lors des Jeux olympiques. Et si on craignait auparavant que la présence massive de si nombreux jeunes puisse provoquer des troubles de l'ordre public, paralyser la circulation, empêcher le déroulement de la vie quotidienne, conduire à des actes de violences et laisser place à la drogue, tout cela s'est révélé sans fondement. Ce fut une fête de la joie - une joie qui, à la fin, a conquis également les personnes réticentes: à la fin, personne ne s'est senti importuné. Les journées sont devenues une fête pour tous, et c'est même à cette occasion que l'on s'est rendu compte de ce qu'est véritablement une fête - un événement dans lequel tous sont, pour ainsi dire, hors d'eux-mêmes, au-delà d'eux-mêmes et précisément ainsi avec eux-mêmes et avec les autres. Quelle est donc la nature de ce qui a lieu au cours d'une Journée mondiale de la Jeunesse? Quelles sont les forces qui agissent? Des analyses en vogue tendent à considérer ces journées comme une variante de la culture moderne des jeunes, comme une sorte de festival rock en version ecclésiale avec le Pape comme star. Avec ou sans la foi, ces festivals seraient au fond toujours la même chose, et on pense ainsi pouvoir éliminer la question sur Dieu. Il y a également des voix catholiques qui vont dans cette direction, en considérant tout cela comme un grand spectacle, certes beau, mais pas très significatif en ce qui concerne la question sur la foi et la présence de l'Evangile à notre époque. Il s'agirait de moments d'extase joyeuse, mais qui en fin de compte, laisseraient tout comme avant, sans influer de façon profonde sur la vie.

Mais cela n'explique pas toutefois, la spécificité de ces journées et le caractère particulier de leur joie, de leur force créatrice de communion. Il est tout d'abord important de tenir compte du fait que les Journées mondiales de la Jeunesse ne consistent pas seulement en cette unique semaine où elles deviennent publiquement visibles au monde. Elles sont précédées d'un long cheminement extérieur et intérieur qui conduit à celles-ci. La Croix, accompagnée par l'image de la Mère du Seigneur, effectue un pèlerinage à travers les pays. La foi, à sa manière, a besoin de voir et de toucher. La rencontre avec la croix, qui est touchée et portée, devient une rencontre intérieure avec Celui qui, sur la croix, est mort pour nous. La rencontre avec la Croix suscite au plus profond des jeunes la mémoire de ce Dieu qui a voulu se faire homme et souffrir avec nous. Et nous voyons la femme qu'Il nous a donnée pour Mère. Les journées solennelles ne sont que le sommet d'un long chemin, grâce auquel nous allons à la rencontre les uns des autres et sur lequel nous allons ensemble à la rencontre du Christ. En Australie, ce n'est pas un hasard si la longue Via Crucis à travers la ville est devenue l'événement culminant de ces journées. Celle-ci résumait encore une fois tout ce qui s'était produit au cours des années précédentes et indiquait Celui qui nous réunit tous ensemble: ce Dieu qui nous aime jusqu'à la Croix. De même, le Pape n'est pas lui non plus la star autour de laquelle tout tourne. Il est totalement et seulement le Vicaire. Il renvoie à l'Autre qui se trouve au milieu de nous. Enfin, la liturgie solennelle est le centre de l'ensemble, car dans celle-ci a lieu ce que nous ne pouvons pas réaliser et que, toutefois, nous attendons toujours. Il est présent. Il vient au milieu de nous. Le ciel se déchire et cela rend la terre lumineuse. Tel est ce qui rend la vie heureuse et ouverte et unit les uns aux autres dans une joie qui n'est pas comparable à l'extase d'un festival de rock. Friedrich Nietzsche a dit une fois: "L'habileté n'est pas d'organiser une fête, mais de trouver les personnes capables d'en tirer de la joie". Selon l'Ecriture, la joie est le fruit de l'Esprit Saint (cf.
Ga 5,22): ce fruit était abondamment perceptible pendant les journées de Sydney. De même qu'un long chemin précède les Journées mondiales de la Jeunesse, un chemin successif en dérive. Des amitiés se forment qui encouragent à un style de vie différent et le soutiennent de l'intérieur. Les grandes Journées ont, entre autres, le but de susciter ces amitiés et de faire naître de cette façon dans le monde des lieux de vie dans la foi, qui sont en même temps des lieux d'espérance et de charité vécue.

La joie comme fruit de l'Esprit Saint - nous sommes ainsi arrivés au thème central de Sydney qui était, précisément, l'Esprit Saint. Dans cette rétrospective, je voudrais aussi mentionner de manière synthétique l'orientation implicite de ce thème. En gardant à l'esprit le témoignage de l'Ecriture et de la Tradition, on reconnaît facilement quatre dimensions du thème de l'"Esprit Saint".

1. Il y a tout d'abord l'affirmation qu'il vient à notre rencontre dès le début du récit de la création: on y parle de l'Esprit créateur qui plane sur les eaux, qui crée le monde et le renouvelle sans cesse. La foi dans l'Esprit créateur est un contenu essentiel du Credo chrétien. Le fait que la matière contient en soi une structure mathématique, est pleine d'esprit, est le fondement sur lequel reposent les sciences de la nature modernes. Ce n'est que parce que la nature est structurée de manière intelligente, que notre esprit est en mesure de l'interpréter et de la remodeler activement. Le fait que cette structure intelligente provienne du même Esprit créateur, qui nous a donné à nous aussi l'esprit, comporte à la fois un devoir et une responsabilité. Dans la foi envers la création se trouve le fondement ultime de notre responsabilité envers la terre. Celle-ci n'est pas simplement notre propriété, que nous pouvons exploiter selon nos intérêts et nos désirs. Elle est plutôt un don du Créateur qui en a dessiné les structures intrinsèques et qui nous a donné les signes d'orientation auxquels nous en tenir comme administrateurs de sa création. Le fait que la terre, l'univers, reflètent l'Esprit créateur, signifie également que leurs structures rationnelles qui, au-delà de l'ordre mathématique, deviennent presque palpables dans l'expérimentation, contiennent en elles-mêmes également une orientation éthique. L'Esprit qui les a façonnés, est plus que mathématique - c'est le Bien en personne qui, à travers le langage de la création, nous indique la route de la voie juste.

Etant donné que la foi dans le Créateur est une partie essentielle du Credo chrétien, l'Eglise ne peut pas et ne doit pas se limiter à transmettre à ses fidèles uniquement le message du salut. Celle-ci a une responsabilité à l'égard de la création et doit faire valoir cette responsabilité également en public. Et en le faisant, elle ne doit pas seulement défendre la terre, l'eau et l'air comme des dons de la création appartenant à tous. Elle doit également protéger l'homme contre la destruction de lui-même. Il est nécessaire qu'il existe quelque chose comme une écologie de l'homme, entendue d'une juste manière. Il ne s'agit pas d'une métaphysique dépassée, si l'Eglise parle de la nature de l'être humain comme homme et femme et demande que cet ordre de la création soit respecté. Ici, il s'agit de fait de la foi dans le Créateur et de l'écoute du langage de la création, dont le mépris serait une autodestruction de l'homme et donc une destruction de l'oeuvre de Dieu lui-même. Ce qui est souvent exprimé et entendu par le terme "gender", se résout en définitive dans l'auto-émancipation de l'homme par rapport à la création et au Créateur. L'homme veut se construire tout seul et décider toujours et exclusivement tout seul de ce qui le concerne. Mais de cette manière, il vit contre la vérité, il vit contre l'Esprit créateur. Les forêts tropicales méritent, en effet, notre protection, mais l'homme ne la mérite pas moins en tant que créature, dans laquelle est inscrit un message qui ne signifie pas la contradiction de notre liberté, mais sa condition. De grands théologiens de la Scolastique ont qualifié le mariage, c'est-à-dire le lien pour toute la vie entre un homme et une femme, de sacrement de la création, que le Créateur lui-même a institué et que le Christ - sans modifier le message de la création - a ensuite accueilli dans l'histoire du salut comme sacrement de la nouvelle alliance. Le témoignage en faveur de l'Esprit créateur présent dans la nature dans son ensemble et de manière particulière dans la nature de l'homme, créé à l'image de Dieu, fait partie de l'annonce que l'Eglise doit apporter. Il faudrait relire l'Encyclique Humanae vitae à partir de cette perspective: l'intention du Pape Paul vi était de défendre l'amour contre la sexualité en tant que consommation, l'avenir contre la prétention exclusive du présent et la nature de l'homme contre sa manipulation.

2. Je ne donnerai que quelques brèves indications supplémentaires à propos des autres dimensions de la pneumatologie. Si l'Esprit créateur se manifeste tout d'abord dans la grandeur silencieuse de l'univers, dans sa structure intelligente, la foi, outre cela, nous dit une chose inattendue, c'est-à-dire que l'Esprit parle, pour ainsi dire, également avec des paroles humaines; il est entré dans l'histoire et, comme force qui façonne l'histoire, il est également un esprit parlant, il est même la Parole qui, dans les Ecrits de l'Ancien et du Nouveau Testament, vient à notre rencontre. Saint Ambroise, dans l'une de ses lettres, a merveilleusement exprimé ce que cela signifie pour nous: "Même à présent, alors que je lis les divines Ecritures, Dieu se promène au Paradis" (Ep 49,3). En lisant l'Ecriture, nous pouvons aujourd'hui aussi presque nous promener dans le jardin du Paradis et rencontrer Dieu qui s'y promène: entre le thème de la Journée mondiale de la Jeunesse en Australie et le thème du Synode des évêques, il existe un profond lien intérieur. Les deux thèmes "Esprit Saint" et "Parole de Dieu" vont de pair. En lisant l'Ecriture nous apprenons cependant également que le Christ et l'Esprit Saint sont inséparables entre eux. Si Paul, dans une synthèse étonnante, affirme: "Le Seigneur est l'Esprit" (2Co 3,17), non seulement l'unité trinitaire entre le Fils et l'Esprit Saint apparaît en toile de fond, mais surtout leur unité par rapport à l'histoire du salut: dans la passion et dans la résurrection du Christ sont arrachés les voiles du sens purement littéral, et la présence de Dieu qui parle devient visible. En lisant l'Ecriture avec le Christ, nous apprenons à entendre dans les paroles humaines la voix de l'Esprit Saint et nous découvrons l'unité de la Bible.

3. Avec cela nous sommes désormais arrivés à la troisième dimension de la pneumatologie qui consiste, précisément, dans l'aspect inséparable du Christ et de l'Esprit Saint. De la manière peut-être la plus belle, celle-ci se manifeste dans le récit de saint Jean à propos de la première apparition du Ressuscité devant les disciples: le Seigneur souffle sur ses disciples et leur donne ainsi l'Esprit Saint. L'Esprit Saint est le souffle du Christ. Et de même que le souffle de Dieu au matin de la création avait transformé la poussière du sol dans l'homme vivant, le souffle du Christ nous accueille dans la communion ontologique avec le Fils, nous transforme en nouvelle création. C'est pour cette raison que c'est l'Esprit Saint qui nous fait dire avec le Fils: "Abba, Père!" (cf. Jn 20,22 Rm 8,15)

4. Ainsi, comme quatrième dimension, apparaît spontanément la connexion entre Esprit et Eglise. Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens 12 et dans la lettre aux Romains 12, a illustré l'Eglise comme Corps du Christ et précisément ainsi comme organisme de l'Esprit Saint, dans lequel les dons de l'Esprit Saint fondent les individus en un tout vivant. L'Esprit Saint est l'Esprit du Corps du Christ. Dans l'ensemble de ce corps nous trouvons notre devoir, nous vivons les uns pour les autres et les uns dépendant des autres, en vivant dans la profondeur de Celui qui a vécu et souffert pour nous tous et qui, au moyen de son Esprit, nous attire à lui dans l'unité de tous les fils de Dieu: "Veux-tu toi aussi vivre dans l'Esprit du Christ? Alors, sois dans le Corps du Christ", dit Augustin à ce propos (Tr. in Jn 26,13).

819 Ainsi, avec le thème de l'"Esprit Saint", qui orientait les journées en Australie et, de manière plus cachée, également les semaines du Synode, devient visible toute l'ampleur de la foi chrétienne, une ampleur qui, de la responsabilité pour la création et pour l'existence de l'homme en harmonie avec la création, conduit, à travers les thèmes de l'Ecriture et de l'histoire du salut, jusqu'au Christ et, de là, à la communauté vivante de l'Eglise, dans ses ordres et responsabilités, tout comme dans son ampleur et sa liberté, qui s'exprime aussi bien dans la multiplicité des charismes que dans l'image de la Pentecôte de la multitude des langues et des cultures.

Une partie intégrante de la fête est la joie. La fête peut s'organiser, la joie non. Celle-ci peut seulement être offerte en don; et, de fait, elle nous a été donnée en abondance: nous sommes reconnaissants de cela. De même que Paul qualifie la joie de fruit de l'Esprit Saint, dans son Evangile Jean a lui aussi étroitement lié l'Esprit et la joie. L'Esprit Saint nous donne la joie. Et Il est la joie. La joie est le don dans lequel tous les autres dons sont résumés. Elle est l'expression du bonheur, de l'harmonie avec soi-même, ce qui ne peut dériver que du fait d'être en harmonie avec Dieu et avec sa création. Rayonner, être communiquée, fait partie de la nature de la joie. L'esprit missionnaire de l'Eglise n'est rien d'autre que l'impulsion à communiquer la joie qui nous a été donnée. Que celle-ci soit toujours vivante en nous et rayonne sur le monde dans ses épreuves: tel est mon souhait à la fin de cette année. Avec un vif remerciement pour votre travail et votre oeuvre, je souhaite à chacun de vous que cette joie dérivant de Dieu nous soit donnée en abondance également au cours de la nouvelle Année.

Je confie ces voeux à l'intercession de la Vierge Marie Mater divinae gratiae, en Lui demandant de pouvoir vivre les festivités de Noël dans la joie et dans la paix du Seigneur. Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à vous tous et à la grande famille de la Curie romaine ma Bénédiction apostolique.


AU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ PRÈS LE SAINT-SIÈGE POUR LA RENCONTRE TRADITIONNELLE POUR L'ÉCHANGE DES VOEUX Salle Royale Jeudi 8 janvier 2009

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Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Le mystère de l’incarnation du Verbe, que nous revivons chaque année dans la Fête de Noël, nous invite à méditer sur les événements qui marquent le cours de l’histoire. Et c’est précisément dans la lumière de ce mystère plein d’espérance que se place cette rencontre traditionnelle avec vous, illustres membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, qui, au début de cette année nouvelle nous procure une occasion opportune pour échanger des voeux sincères. Je me tourne en premier lieu vers Son Excellence l’Ambassadeur Alejandro Valladares Lanza, lui exprimant ma gratitude pour les souhaits qu’il m’a aimablement présentés, pour la première fois, en qualité de Doyen du Corps diplomatique. Mon salut déférent s’étend à chacun de vous, ainsi qu’à vos familles et à vos collaborateurs et, à travers vous, aux peuples et aux gouvernements des pays que vous représentez. Pour tous, je demande à Dieu le don d’une année qui soit féconde de justice, de sérénité et de paix.

A l’aube de cette année 2009, ma pensée affectueuse va d’abord à tous ceux qui ont souffert à cause de graves catastrophes naturelles, en particulier au Vietnam, en Birmanie, en Chine et aux Philippines, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, en Colombie et au Brésil, ou bien à cause de conflits nationaux ou régionaux sanglants ou encore à cause d’attentats terroristes qui ont semé la mort et la destruction dans des pays comme l’Afghanistan, l’Inde, le Pakistan et l’Algérie. Malgré tants d’efforts, la paix si désirée est encore lointaine ! Face à ce constat, il ne faut pas se décourager ni diminuer l’engagement en faveur d’une culture de paix authentique, mais au contraire redoubler d’efforts en faveur de la sécurité et du développement. Dans ce sens, le Saint-Siège a tenu à être parmi les premiers à signer et à ratifier la « Convention sur les armes à sous-munitions », document qui a aussi l’objectif de renforcer le droit international humanitaire. D’autre part, relevant avec préoccupation les symptômes de crise qui se manifestent dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération nucléaire, le Saint-Siège ne cesse de rappeler que l’on ne peut pas construire la paix quand les dépenses militaires soustraient d’énormes ressources humaines et matérielles aux projets de développement, spécialement des peuples les plus pauvres.

Et c’est vers les pauvres, les trop nombreux pauvres de notre planète, que je voudrais tourner mon attention aujourd’hui, à la suite du Message pour la Journée mondiale de la paix, que j’ai consacré cette année au thème « combattre la pauvreté, construire la paix ». Les paroles par lesquelles le Pape Paul VI engageait sa réflexion dans l’Encyclique Populorum Progressio n’ont rien perdu de leur actualité : « Être affranchis de la misère, trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi stable; participer davantage aux responsabilités, hors de toute oppression, à 1'abri de situations qui offensent leur dignité d'hommes; être plus instruits; en un mot, faire, connaître, et avoir plus, pour être plus: telle est l'aspiration des hommes d'aujourd'hui, alors qu'un grand nombre d'entre eux sont condamnés à vivre dans des conditions qui rendent illusoire ce désir légitime » (n. 6). Pour construire la paix, il convient de redonner espoir aux pauvres. Comment ne pas penser à tant de personnes et de familles éprouvées par les difficultés et les incertitudes que l’actuelle crise financière et économique a provoquées à l’échelle mondiale ? Comment ne pas évoquer la crise alimentaire et le réchauffement climatique, qui rendent encore plus ardu l’accès à la nourriture et à l’eau pour les habitants de régions parmi les plus pauvres de la planète ? Il est urgent désormais d’adopter une stratégie efficace pour combattre la faim et faciliter le développement agricole local, d’autant plus que la proportion de pauvres augmente à l’intérieur même des pays riches. Dans cette optique, je me réjouis que, lors de la récente Conférence de Doha sur le financement du développement, aient été identifiés des critères utiles pour orienter la gouvernance du système économique et venir en aide aux plus faibles. Plus en profondeur, pour rendre l’économie plus saine, il faut bâtir une nouvelle confiance. Cet objectif ne pourra être atteint que par la mise en oeuvre d’une éthique fondée sur la dignité innée de la personne humaine. Je sais combien cela est exigeant, mais ce n’est pas une utopie ! Aujourd’hui plus qu’hier, notre avenir est en jeu, ainsi que le sort même de notre planète et de ses habitants, en premier lieu des jeunes générations qui héritent d’un système économique et d’un tissu social durement compromis.

Oui, Mesdames et Messieurs, si nous voulons combattre la pauvreté, nous devons investir avant tout dans la jeunesse, l’éduquant à un idéal d’authentique fraternité. Durant mes voyages apostoliques de l’année dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de jeunes, surtout dans le cadre extraordinaire de la célébration de la XXIIIème Journée mondiale de la Jeunesse, à Sydney, en Australie. Mes voyages apostoliques, à commencer par la visite aux Etats-Unis, m’ont aussi permis de prendre la mesure des attentes de nombreux secteurs de la société à l’égard de l’Eglise catholique. Dans cette phase délicate de l’histoire de l’humanité, marquée d’incertitudes et d’interrogations, beaucoup attendent que l’Eglise exerce avec courage et clarté sa mission d’évangélisation et son oeuvre de promotion humaine. Mon discours au Siège de l’Organisation des Nations Unies s’insère dans ce contexte : soixante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, j’ai voulu souligner que ce document se fonde sur la dignité de la personne humaine, et celle-ci sur la nature commune à tous qui transcende les diverses cultures. Quelques mois plus tard, me rendant en pèlerinage à Lourdes pour le cent cinquantième anniversaire des apparitions de la Vierge Marie à sainte Bernadette, j’ai voulu souligner que le message de conversion et d’amour qui irradie de la grotte de Massabielle demeure de grande actualité, comme une invitation constante à construire notre existence et les relations entre les peuples sur des bases de respect et de fraternité authentiques, conscients que cette fraternité suppose un Père commun à tous les hommes, le Dieu Créateur. Du reste, une société sainement laïque n’ignore pas la dimension spirituelle et ses valeurs, parce que la religion, et il m’a semblé utile de le répéter durant mon voyage pastoral en France, n’est pas un obstacle, mais au contraire un fondement solide pour la construction d’une société plus juste et plus libre.

Les discriminations et les très graves attaques dont ont été victimes, l’an passé, des milliers de chrétiens, montrent combien ce n’est pas seulement la pauvreté matérielle, mais aussi la pauvreté morale qui nuit à la paix. C’est dans la pauvreté morale, de fait, que de telles exactions plongent leurs racines. Réaffirmant la haute contribution que les religions peuvent donner à la lutte contre la pauvreté et à la construction de la paix, je voudrais répéter en cette assemblée qui, idéalement, représente toutes les nations du monde : le christianisme est une religion de liberté et de paix et il est au service du vrai bien de l’humanité. A nos frères et soeurs victimes de la violence, spécialement en Iraq et en Inde, je renouvelle l’assurance de mon affection paternelle ; aux autorités civiles et politiques, je demande instamment de s’employer avec énergie à mettre fin à l’intolérance et aux vexations contre les chrétiens, d’oeuvrer pour réparer les dommages provoqués, en particulier aux lieux de culte et aux propriétés ; et d’encourager par tous les moyens le juste respect pour toutes les religions, proscrivant toutes formes de haine et de mépris. Je souhaite aussi que, dans le monde occidental, on ne cultive pas de préjugés ou d’hostilité contre les chrétiens, simplement parce que, sur certaines questions, leur voix dérange. Pour leur part, que les disciples du Christ, confrontés à de telles épreuves, ne perdent pas courage : le témoignage de l’Evangile est toujours un « signe de contradiction » par rapport à « l’esprit du monde » ! Si les tribulations sont pénibles, la constante présence du Christ est un puissant réconfort. Son Evangile est un message de salut pour tous et c’est pourquoi il ne peut être confiné dans la sphère privée, mais doit être proclamé sur les toits, jusqu’aux extrémités de la terre.

La naissance du Christ dans la pauvre grotte de Bethléem nous conduit naturellement à évoquer la situation au Moyen-Orient et, en premier lieu, en Terre Sainte, où, en ces jours, nous assistons à une recrudescence de violence qui provoque des dommages et des souffrances immenses aux populations civiles. Cette situation complique encore la recherche d’une issue au conflit entre Israéliens et Palestiniens, vivement désirée par beaucoup d’entre eux et par le monde entier. Une fois de plus, je voudrais redire que l’option militaire n’est pas une solution et que la violence, d’où qu’elle provienne et quelque forme qu’elle prenne, doit être condamnée fermement. Je souhaite que, avec l’engagement déterminant de la communauté internationale, la trêve dans la bande de Gaza soit remise en vigueur, - ce qui est indispensable pour redonner des conditions de vie acceptables à la population -, et que soient relancées les négociations de paix en renonçant à la haine, aux provocations et à l’usage des armes. Il est très important que, à l’occasion des échéances électorales cruciales qui intéresseront beaucoup d’habitants de la région dans les prochains mois, émergent des dirigeants capables de faire progresser avec détermination ce processus et de guider leurs peuples vers la difficile mais indispensable réconciliation. On ne pourra parvenir à celle-ci sans adopter une approche globale des problèmes de ces pays, dans le respect des aspirations et des intérêts légitimes de toutes les populations intéressées. Outre des efforts renouvelés pour la solution du conflit israélo-palestinien, que je viens de mentionner, il faut apporter un soutien convaincu au dialogue entre Israël et la Syrie et, pour le Liban, appuyer la consolidation en cours des institutions, qui sera d’autant plus effective qu’elle s’accomplira dans un esprit d’unité. Aux Iraquiens, qui se préparent à reprendre pleinement en main leur propre destinée, j’adresse un encouragement particulier à tourner la page pour regarder l’avenir afin de le construire sans discrimination de race, d’ethnie ou de religion. En ce qui concerne l’Iran, on ne doit pas se lasser de rechercher une solution négociée à la controverse sur le programme nucléaire, à travers un mécanisme qui permette de satisfaire les exigences légitimes du pays et de la communauté internationale. Un tel résultat favoriserait grandement la détente régionale et mondiale.

Portant le regard sur le grand continent asiatique, je constate avec préoccupation que dans certains pays les violences perdurent et que dans d’autres la situation politique demeure tendue, mais il existe des progrès qui permettent de regarder vers l’avenir avec une plus grande confiance. Je pense, par exemple, à la reprise de nouvelles négociations de paix à Mindanao, aux Philippines, et au nouveau cours que prennent les relations entre Pékin et Taipei. Dans ce même contexte de recherche de paix, une solution définitive du conflit en cours au Sri Lanka ne pourrait être que politique aussi, alors que les besoins humanitaires des populations concernées doivent continuer à être l’objet d’une attention soutenue. Les communautés chrétiennes qui vivent en Asie sont souvent réduites du point de vue numérique, mais elles souhaitent offrir une contribution convaincue et efficace au bien commun, à la stabilité et au progrès de leurs pays, donnant un témoignage de la primauté de Dieu qui établit une saine hiérarchie des valeurs et donne une liberté plus forte que les injustices. La récente béatification de cent quatre-vingt-huit martyrs, au Japon, l’a rappelé de façon éloquente. L’Eglise, comme on l’a dit bien des fois, ne demande pas de privilèges, mais l’application du principe de la liberté religieuse dans toute son étendue. Dans cette optique, il est important que, en Asie centrale, les législations sur les communautés religieuses garantissent le plein exercice de ce droit fondamental, dans le respect des normes internationales.

Dans quelques mois, j’aurai la joie de rencontrer beaucoup de frères et soeurs dans la foi et en humanité qui vivent en Afrique. Dans l’attente de cette visite que j’ai tant désirée, je prie le Seigneur afin que leurs coeurs soient disponibles à accueillir l’Evangile et à le vivre avec cohérence, en construisant la paix par la lutte contre la pauvreté morale et matérielle. Un soin tout particulier est à réserver à l’enfance : vingt ans après l’adoption de la Convention sur les droits des enfants, ceux-ci demeurent très vulnérables. Beaucoup d’enfants vivent le drame des réfugiés et des déplacés en Somalie, au Darfour et dans la République démocratique du Congo. Il s’agit de flux migratoires concernant des millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire et qui surtout sont privées de leurs droits élémentaires et blessées dans leur dignité. Je demande à ceux qui exercent des responsabilités politiques, au niveau national et international, de prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre les conflits en cours et pour mettre fin aux injustices qui les ont provoqués. Je souhaite qu’en Somalie, la restauration de l’Etat puisse enfin progresser, afin que cessent les interminables souffrances des habitants de ce pays. Au Zimbabwe, également, la situation demeure critique et des aides humanitaires considérables sont nécessaires. Les Accords de paix au Burundi ont jeté une lueur d’espoir dans la région. Je forme des voeux afin qu’ils soient pleinement appliqués et deviennent source d’inspiration pour d’autres pays, qui n’ont pas encore trouvé la voie de la réconciliation. Le Saint-Siège, vous le savez, suit avec une attention spéciale le continent africain et est heureux d’avoir établi l’an passé les relations diplomatiques avec le Botswana.

821 Dans ce vaste panorama, qui embrasse le monde entier, je désire également m’arrêter un moment sur l’Amérique Latine. Là aussi, les peuples désirent vivre en paix, affranchis de la pauvreté et exerçant librement leurs droits fondamentaux. Dans ce contexte, il faut souhaiter que les besoins de ceux qui émigrent soient pris en considération par des législations qui facilitent le regroupement familial et concilient les légitimes exigences de sécurité et celles de l’inviolable respect de la personne. Je voudrais aussi louer l’engagement prioritaire de certains gouvernements pour rétablir la légalité et mener une lutte sans compromis contre le trafic des stupéfiants et la corruption. Je me réjouis que, trente ans après le début de la médiation pontificale sur le différend entre l’Argentine et le Chili relatif à la zone australe, les deux pays aient en quelque sorte scellé leur volonté de paix en élevant un monument à mon vénéré prédécesseur le Pape Jean-Paul II. Je souhaite, par ailleurs, que la récente signature de l’Accord entre le Saint-Siège et le Brésil facilite le libre exercice de la mission évangélisatrice de l’Eglise et renforce encore davantage sa collaboration avec les institutions civiles pour le développement intégral de la personne. L’Eglise accompagne depuis cinq siècles les peuples de l’Amérique Latine, partageant leurs espérances et leurs préoccupations. Ses Pasteurs savent que, pour favoriser un progrès authentique de la société, leur tâche propre est d’éclairer les consciences et de former des laïcs capables d’intervenir avec ardeur dans les réalités temporelles, se mettant au service du bien commun.

Portant enfin mon regard sur des nations qui sont plus proches, je voudrais saluer la communauté chrétienne de Turquie, rappelant que, en cette année jubilaire spéciale à l’occasion du deuxième millénaire de la naissance de l’Apôtre saint Paul, de nombreux pèlerins convergent vers Tarse, sa ville d’origine, ce qui souligne encore une fois le lien étroit de cette terre avec les origines du christianisme. Les aspirations à la paix sont vives à Chypre, où ont repris les négociations en vue de justes solutions aux problèmes liés à la division de l’Île. En ce qui concerne le Caucase, je voudrais rappeler une fois encore que les conflits qui intéressent les Etats de la Région ne peuvent pas être résolus par la voie des armes et, pensant à la Géorgie, je souhaite que soient honorés tous les engagements souscrits dans l’Accord de cessez-le-feu du mois d’août dernier -conclu grâce aux efforts diplomatiques de l’Union Européenne- et que le retour des déplacés dans leurs foyers soit au plus tôt rendu possible. S’agissant, enfin, du Sud-Est de l’Europe, le Saint-Siège poursuit son engagement pour la stabilité dans la région, et espère que continueront à se créer les conditions pour un avenir de réconciliation et de paix entre les populations de la Serbie et du Kosovo, dans le respect des minorités et sans oublier la préservation du précieux patrimoine artistique et culturel chrétien, qui constitue une richesse pour toute l’humanité.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, au terme de ce tour d’horizon, qui, dans sa brièveté, ne peut mentionner toutes les situations de souffrance et de pauvreté qui sont présentes à mon esprit, je reviens au Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix de cette année. Dans ce document, j’ai rappelé que les êtres humains les plus pauvres sont les enfants qui ne sont pas nés (n. 3). Je ne peux pas ne pas évoquer, en terminant, d’autres pauvres, comme les malades et les personnes âgées abandonnées, les familles divisées et sans points de repères. La pauvreté se combat si l’humanité est rendue plus fraternelle par des valeurs et des idéaux partagés, fondés sur la dignité de la personne, sur la liberté alliée à la responsabilité, sur la reconnaissance effective de la place de Dieu dans la vie de l’homme. Dans cette perspective, fixons notre regard sur Jésus, l’humble enfant couché dans la mangeoire. Parce qu’Il est le Fils de Dieu, il nous indique que la solidarité fraternelle entre tous les hommes est la voie maîtresse pour combattre la pauvreté et pour construire la paix. Que la lumière de Son amour illumine tous les gouvernants et toute l’humanité ! Qu’elle nous guide tout au long de cette année qui vient de commencer ! Bonne année à tous.


Discours 2005-2013 817