Discours 2005-2013 833

833 Chers frères, je loue le Seigneur et je vous suis profondément reconnaissant pour le bien que vous accomplissez, en exerçant votre ministère épiscopal en pleine fidélité au magistère. Je vous assure de mon souvenir quotidien dans la prière. A travers vous, que mes remerciements parviennent aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et aux laïcs, qui collaborent avec vous au service du Christ et de son Evangile. J'invoque l'intercession maternelle de la bienheureuse Vierge Marie et des Apôtres Pierre et Paul sur vous et sur vos programmes pastoraux, et je donne de tout coeur une Bénédiction apostolique à chacun de vous, en l'étendant avec affection aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, et à la communauté catholique tout entière qui témoigne du Christ parmi les populations de la Fédération russe.


AU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE À L'OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE JUDICIAIRE Salle Clémentine Jeudi 29 janvier 2009



Illustres juges, officiaux et collaborateurs
du Tribunal de la Rote romaine!

L'inauguration solennelle de l'activité judiciaire de votre Tribunal m'offre cette année également la joie d'en recevoir aujourd'hui les membres éminents: Monseigneur le doyen, que je remercie de sa noble adresse de salut, le Collège des prélats-auditeurs, les officiaux du Tribunal et les avocats du "Studio Rotale". Je vous adresse à tous mon salut cordial, ainsi que l'expression de ma satisfaction pour les tâches importantes dont vous vous occupez, en tant que fidèles collaborateurs du Pape et du Saint-Siège.

Vous attendez du Pape, au début de votre année de travail, une parole qui soit pour vous une lumière et une orientation dans le déroulement de vos tâches délicates. Les thèmes que nous pourrions aborder en cette circonstance pourraient être nombreux, mais vingt ans après l'allocution de Jean-Paul II sur l'incapacité psychique dans les causes de nullité matrimoniale du 5 février 1987 (AAS 79 [1987], PP 1453-1459) et du 25 janvier 1988 (AAS 80 [1988], PP 1178-1185), il semble opportun de se demander dans quelle mesure ces interventions ont été accueillies comme il se doit dans les tribunaux ecclésiastiques. Le moment n'est pas venu de tracer un bilan, mais aux yeux de tous apparaissent les éléments d'une question qui continue à être d'une grande actualité. Dans certains cas, on peut malheureusement ressentir encore vivement l'exigence dont parlait mon vénéré prédécesseur: celle de préserver la communauté ecclésiale "du scandale de voir, en pratique, détruite la valeur du mariage chrétien par la multiplication exagérée et presque automatique des déclarations de nullité dans le cas d'échec du mariage, sous prétexte d'une quelconque immaturité ou faiblesse psychique des contractants" (Allocution à la Rote romaine, 5.2.1987, cit., n. 9, p. 1458).

Au cours de notre rencontre d'aujourd'hui, j'ai à coeur de rappeler l'attention des agents du droit sur l'exigence de traiter les causes avec la profondeur qui leur est due, requise par le ministère de vérité et de charité qui est propre à la Rote romaine. En effet, à cette exigence de la rigueur de la procédure, les allocutions susmentionnées, sur la base des principes de l'anthropologie chrétienne, fournissent les critères de fond non seulement pour les examens des expertises psychiatriques et psychologiques, mais également pour la définition judiciaire même des causes. A cet égard, il est opportun de rappeler encore quelques distinctions qui tracent la ligne de démarcation tout d'abord entre "une maturité psychique qui serait le point d'arrivée du développement humain", et "la maturité canonique, qui est par contre le point minimum de départ pour la validité du mariage" (ibid., n. 6, p. 1457); en deuxième lieu, entre les incapacités et les difficultés, dans la mesure où "seule l'incapacité et non pas la difficulté à donner son assentiment et à réaliser une vraie communauté de vie et d'amour rend nul le mariage" (ibid., n. 7, p. 1457); en troisième lieu, entre la dimension canonique de la normalité, qui s'inspirant de la vision intégrale de la personne humaine "comprend également des formes modérées de difficultés psychologiques", et la dimension clinique qui exclut du concept de celle-ci toute limitation de maturité et "toute forme de psychopathologie" (Allocution à la Rote romaine, 25.1.1988; cit., n. 5, p. 1181); enfin, entre la "capacité minimum, suffisante pour un assentiment valable" et la capacité idéalisée "d'une pleine maturité en vue d'une vie conjugale heureuse" (ibid., n. 9, p. 1183).

De plus, en raison du rôle des facultés intellectuelles et de la volonté dans la formation de l'assentiment au mariage, le Pape Jean-Paul II, dans l'intervention mentionnée du 5 février 1987, réaffirmait le principe selon lequel une véritable incapacité "peut être hypothétisée seulement en présence d'une sérieuse forme d'anomalie qui, quelle que soit la façon dont on la définit, doit attaquer substantiellement la capacité de comprendre et de vouloir" (Allocution à la Rote romaine, cit., n. 7, p. 1457). A cet égard, il semble opportun de rappeler que la norme du Code de Droit canonique sur l'incapacité psychique, en ce qui concerne son application, a été enrichie et complétée également par la récente Instruction Dignitas connubii du 25 janvier 2005. Celle-ci, en effet, pour pouvoir prendre acte d'une telle incapacité, requiert, déjà à l'époque du mariage, la présence d'une anomalie psychique particulière (art. 209, 1) qui perturbe gravement l'usage de la raison (art. 209, 2, n. 1; can. 1095, n. 1), ou la faculté critique et de choix en relation à de graves décisions, en particulier en ce qui concerne le libre choix de l'état de vie (art. 209, 2, n. 2; can. 1095, n. 2), ou qui provoque chez le contractant non seulement une grave difficulté, mais également l'impossibilité de faire face aux devoirs inhérents aux obligations essentielles du mariage (art. 209, 2, n. 3; can. 1095, n. 3).

En cette occasion, toutefois, je voudrais également reprendre en considération le thème de l'incapacité à contracter un mariage, qui est traité au canon 1095, à la lumière de la relation entre la personne humaine et le mariage et rappeler certains principes fondamentaux qui doivent éclairer les agents du droit. Il faut tout d'abord redécouvrir de manière positive la capacité qu'en principe, chaque personne humaine possède de se marier, en vertu de sa nature même d'homme ou de femme. Nous courons en effet le risque de tomber dans un pessimisme anthropologique qui, à la lumière de la situation culturelle actuelle, considère presque impossible de se marier. A part le fait que cette situation n'est pas uniforme dans les différentes régions du monde, on ne peut pas confondre avec la véritable incapacité de consentement les difficultés réelles que connaissent beaucoup de personnes, en particulier les jeunes, qui en arrivent à considérer que l'union matrimoniale est normalement impensable et impraticable. Au contraire, la réaffirmation de la capacité humaine innée au mariage est précisément le point de départ pour aider les couples à découvrir la réalité naturelle du mariage et l'importance qu'il possède sur le plan du salut. Ce qui est en définitive en jeu est la vérité même sur le mariage et sur sa nature juridique intrinsèque (cf. Benoît XVI, Allocution à la Rote romaine, 27.1.2007, AAS 99 [2007], PP 86-91), présupposé incontournable pour pouvoir accueillir et évaluer la capacité nécessaire pour se marier.

Dans ce sens, la capacité doit être mise en relation avec ce qu'est essentiellement le mariage, c'est-à-dire "la communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple [...] fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur" (Concile oecuménique Vatican II, Const. past. Gaudium et spes GS 48), et, de manière particulière, avec les obligations essentielles qui lui sont inhérentes et que les époux doivent assumer (can. 1095, n. 3). Cette capacité n'est pas quantifiable par rapport à un degré déterminé de réalisation existentielle ou effective de l'union conjugale à travers l'accomplissement des obligations essentielles, mais par rapport à la volonté efficace de chacun des contractants, qui rend possible et active cette réalisation dès le moment du pacte nuptial. Le discours sur la capacité ou l'incapacité n'a donc de sens que dans la mesure où il concerne l'acte même de contracter le mariage, car le lien mis en acte par la volonté des époux constitue la réalité juridique de l'una caro biblique (Gn 2,24 Mc 10,8 Ep 5,31 cf. Ep 1061,1), dont la subsistance valable ne dépend pas du comportement successif des conjoints au cours de leur vie matrimoniale. Inversement, dans l'optique réductionniste qui méconnaît la vérité sur le mariage, la réalisation effective d'une véritable communion de vie et d'amour, idéalisée sur un plan de bien-être purement humain, ne devient essentiellement dépendante que de facteurs accidentels, et non pas en revanche de l'exercice de la liberté humaine soutenue par la grâce. Il est vrai que cette liberté de la nature humaine, "blessée dans ses propres forces naturelles" et "inclinée au péché" (Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 405) est limitée et imparfaite, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'est pas authentique et insuffisante pour réaliser cet acte d'autodétermination des contractants qu'est le pacte conjugal, qui donne vie au mariage et à la famille fondée sur celui-ci.

834 Assurément, certains courants anthropologiques "humanistes", tournés vers l'autoréalisation et l'autotranscendance égocentrique, idéalisent tellement la personne humaine et le mariage qu'ils finissent par nier la capacité psychique de nombreuses personnes, en la fondant sur des éléments qui ne correspondent pas aux exigences essentielles du lien conjugal. Face à ces conceptions, les spécialistes du droit ecclésial ne peuvent pas ne pas tenir compte du sain réalisme auquel faisait référence mon vénérable prédécesseur (cf. Jean-Paul II, Allocution à la Rote romaine, 27.1.1997, n. 4, AAS 89 [1997], p. 488), car la capacité fait référence au minimum nécessaire afin que les futurs époux puissent donner leur être masculin et féminin pour fonder ce lien auquel la plus grande majorité des êtres humains est appelée. Il s'ensuit que les causes de nullité pour incapacité psychique exigent, comme ligne de principe, que le juge se serve de l'aide d'experts pour établir l'existence d'une véritable incapacité (can. 1680; art. 203, 1, D.C.), qui est toujours une exception au principe naturel de la capacité nécessaire pour comprendre, décider et réaliser le don de soi-même, à partir duquel naît le lien conjugal.

Vénérés membres du Tribunal de la Rote romaine, voilà ce que je désirais vous exposer en cette circonstance solennelle et qui est toujours un plaisir pour moi. En vous exhortant à persévérer avec une profonde conscience chrétienne dans l'exercice de votre tâche, dont la grande importance pour la vie de l'Eglise ressort également de ce qui vient d'être dit, je forme le voeu que le Seigneur vous accompagne toujours dans votre délicat travail par la lumière de sa grâce, dont la Bénédiction apostolique que je donne à chacun avec une profonde affection, veut être le gage.


À LA RÉUNION DE LA COMMISSION MIXTE INTERNATIONALE POUR LE DIALOGUE THÉOLOGIQUE ENTRE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES ÉGLISES ORTHODOXES ORIENTALES 30 janvier 2009

30109
Salle du Consistoire Vendredi 30 janvier 2009



Chers frères dans le Christ,

Je vous souhaite une chaleureuse bienvenue, membres de la Commission mixte internationale pour le Dialogue théologique entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales. Au terme de cette semaine de travail intense, nous pouvons rendre grâces ensemble au Seigneur pour votre engagement constant à la recherche de la réconciliation et de la communion dans le Corps du Christ, qui est l'Eglise.

En effet, chacun de vous apporte à cette tâche non seulement la richesse de sa propre tradition, mais également l'engagement des Eglises participant à ce dialogue en vue de surmonter les divisions du passé et de renforcer le témoignage commun des chrétiens face aux immenses défis que les croyants doivent affronter aujourd'hui.

Le monde a besoin d'un signe visible du mystère d'unité qui lie les trois Personnes divines et qui nous a été révélé, il y a deux mille ans, avec l'Incarnation du Fils de Dieu. La réalité concrète du message de l'Evangile est exprimée parfaitement par Jean, lorsqu'il déclare son intention d'annoncer ce qu'il a entendu, ce que ses yeux ont vu et ce que ses mains ont touché, afin que tous puissent être en communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ (cf.
1Jn 1,1-4). Notre communion, à travers la grâce de l'Esprit Saint dans la vie qui unit le Père et le Fils, possède une dimension perceptible au sein de l'Eglise, Corps du Christ, "la plénitude de Celui qui est rempli, tout en tout" (Ep 1,23), et nous avons tous le devoir d'oeuvre afin que cette dimension essentielle de l'Eglise se manifeste au monde.

Votre sixième rencontre a accompli des progrès importants précisément dans l'étude de l'Eglise en tant que communion. Le fait même que le dialogue se soit poursuivi au fil du temps et soit accueilli chaque année par l'une des nombreuses Eglises que vous représentez est en soi un signe d'espérance et d'encouragement. Il suffit de tourner notre esprit vers le Moyen Orient - d'où un grand nombre d'entre vous proviennent - pour voir que les véritables semences de l'espérance sont nécessaires et urgentes dans un monde blessé par la tragédie de la division, du conflit et de l'immense souffrance humaine.

La Semaine de prière pour l'unité des chrétiens vient de se conclure par la cérémonie dans la Basilique dédiée au grand apôtre Paul, à laquelle un grand nombre d'entre vous étaient présents. Paul a été le premier grand champion et le théologien de l'unité de l'Eglise. Ses efforts et ses combats ont été inspirés par l'aspiration constante à maintenir une communion visible, pas uniquement extérieure, mais réelle et pleine parmi les disciples du Seigneur. C'est pourquoi, à travers l'intercession de Paul, j'invoque les bénédictions de Dieu sur vous tous, ainsi que sur les Eglises et les peuples que vous représentez.


AUX RESPONSABLES DE LA CONFÉDÉRATION ITALIENNE DU SYNDICAT DES TRAVAILLEURS (CISL) Salle Clémentine Samedi 31 janvier 2009

31109

Mesdames et Messieurs!

C'est avec un vif plaisir que j'accueille à travers vous et que je salue cordialement les membres du groupe de la direction de la Confederazione Italiana Sindacale Lavoratori (cisl): je salue en particulier le secrétaire général, et je le remercie pour les paroles qu'il m'a adressées au nom de tous. Il a rappelé qu'il y a précisément 60 ans, la cisl faisait ses premiers pas en prenant part activement à la fondation du syndicat libre international et apportait à cette institution naissante la contribution de l'enracinement dans les principes de la doctrine sociale de l'Eglise et la pratique d'un syndicalisme libre et autonome vis-à-vis des courants politiques et des partis. Ce sont ces mêmes orientations que vous entendez aujourd'hui réaffirmer, en souhaitant continuer à tirer du magistère social de l'Eglise l'inspiration pour votre action visant à protéger les intérêts des travailleurs, des travailleuses et des retraités italiens. Comme l'a rappelé de manière opportune le secrétaire général, le grand défi et l'opportunité que la crise économique préoccupante du moment invite à saisir, est de trouver une nouvelle synthèse entre bien commun et marché, entre capital et travail. Et dans ce domaine, les organisations syndicales peuvent apporter une contribution significative.

Dans le plein respect de la légitime autonomie de toute institution, l'Eglise, experte en humanité, ne se lasse pas d'offrir la contribution de son enseignement et de son expérience à ceux qui souhaitent servir la cause de l'homme, du travail et du progrès, de la justice sociale et de la paix. Son attention à l'égard des problématiques sociales s'est développée au cours du siècle dernier. C'est précisément pour cette raison que mes vénérés prédécesseurs, attentifs aux signes des temps, n'ont pas manqué de fournir d'opportunes indications aux croyants et aux hommes de bonne volonté, en les éclairant dans leur engagement en vue de la sauvegarde de la dignité de l'homme et des exigences réelles de la société.

A l'aube du XX siècle, avec l'encyclique Rerum novarum, le Pape Léon XIII défendit de façon poignante la dignité inaliénable des travailleurs. Les orientations idéales, contenues dans ce document, contribuèrent à renforcer l'animation chrétienne de la vie sociale; et cela se traduisit, entre autres, par la naissance et le renforcement d'un grand nombre d'initiatives d'intérêt civil, comme les centres d'études sociales, les sociétés ouvrières, les coopératives et les syndicats. Il y eut également un élan important vers une législation du travail respectant les attentes légitimes des ouvriers, en particulier des femmes et des mineurs, et l'on connut aussi une amélioration sensible des salaires et des conditions de travail elles-mêmes. Cette encyclique a eu "le privilège" d'être commémorée par différents documents pontificaux successifs et Jean-Paul II voulut donner une certaine solennité à son centième anniversaire en publiant l'encyclique Centesimus annus, dans laquelle il notait que la doctrine sociale de l'Eglise, notamment dans la période historique actuelle, considère l'homme comme inséré dans un réseau complexe de relations, qui est typique de la société moderne. Les sciences humaines, pour leur part, contribuent à permettre à l'homme de se comprendre toujours mieux lui-même, en tant qu'être social. "Mais seule la foi - souligne mon vénéré prédécesseur - lui révèle sa véritable identité, et elle est précisément le point de départ de la doctrine sociale de l'Eglise qui, en s'appuyant sur tout ce que lui apportent les sciences et la philosophie, se propose d'assister l'homme sur le chemin du salut" (n. 54).

Dans sa précédente encyclique sociale Laborem exercens de 1981, consacrée au thème du travail, le Pape Jean-Paul II avait souligné que l'Eglise n'a jamais cessé de considérer les problèmes du travail dans le cadre d'une question sociale qui a progressivement pris des dimensions mondiales. Au contraire, le travail - insiste-t-il - doit être envisagé comme "une clé essentielle" de toute la question sociale, parce qu'elle conditionne le développement non seulement économique, mais aussi culturel et moral, des personnes, des familles, des communautés et de toute l'humanité (cf. n. 1). Toujours dans cet important document doivent être mis en lumière le rôle et l'importance stratégique des syndicats, définis comme "un élément indispensable de la vie sociale, particulièrement dans les sociétés modernes industrialisées" (n. 20).

Un autre élément revient fréquemment dans le magistère des Papes du xx siècle, c'est le rappel à la solidarité et à la responsabilité. Pour surmonter la crise économique et sociale que nous vivons, nous savons qu'un effort libre et responsable est nécessaire de la part de tous; c'est-à-dire qu'il faut dépasser les intérêts particuliers et de secteur, afin d'affronter ensemble et unis les difficultés qui envahissent tous les domaines de la société, en particulier le monde du travail. Jamais comme aujourd'hui l'on a ressenti une telle urgence; les difficultés que connaît le monde du travail engagent à une concertation effective et plus étroite entre les composantes multiples et diverses de la société. Le rappel à la collaboration trouve des références significatives également dans la Bible. Par exemple, dans le livre du Qohélet, nous lisons: "Mieux vaut être deux que seul, car ainsi le travail donne bon profit. En cas de chute, l'un relève l'autre; mais qu'en est-il de celui qui tombe sans personne pour le relever?" (4, 9-10). On peut donc souhaiter que de la crise mondiale actuelle naisse la volonté commune de donner vie à une nouvelle culture de la solidarité et de la participation responsable, conditions indispensables pour construire ensemble l'avenir de notre planète.

Chers amis, que la célébration du 60 anniversaire de la fondation de votre organisation syndicale soit une raison de renouveler l'enthousiasme des débuts et de redécouvrir encore davantage votre charisme originel. Le monde a besoin de personnes qui se consacrent de manière désintéressée à la cause du travail dans le plein respect de la dignité humaine et du bien commun. L'Eglise, qui apprécie le rôle fondamental des syndicats, est proche de vous hier comme aujourd'hui, et elle est prête à vous aider, pour que vous puissiez remplir au mieux votre devoir dans la société. Aujourd'hui, en la fête de saint Jean Bosco, je souhaite enfin confier l'activité et les projets de votre syndicat à cet apôtre des jeunes qui, avec une grande sensibilité sociale, fit du travail un instrument précieux de formation et d'éducation des nouvelles générations. J'invoque, en outre, sur vous et sur vos familles la protection de la Vierge et de saint Joseph, bon père et travailleur expert qui prit quotidiennement soin de la famille de Nazareth. Pour ma part, je vous assure de mon souvenir dans la prière, tout en vous bénissant avec affection, vous tous ici présents et tous les membres inscrits à votre confédération.

Février 2009



AUX ÉVÊQUES DE TURQUIE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Lundi 2 février 2009


Chers Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce,

Je suis heureux de vous recevoir ce matin, alors que vous accomplissez votre pèlerinage sur les tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, signe éloquent de votre communion avec le Successeur de Pierre. Je remercie le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Luigi Padovese, Vicaire Apostolique d’Anatolie, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom. À travers votre présence, ce sont vos communautés aux multiples visages qui viennent aussi à la rencontre de l’Église de Rome, manifestant ainsi l’unité profonde qui les rassemble. À votre retour chez vous, saluez affectueusement en mon nom les prêtres, les religieux et les religieuses et tous les fidèles de vos diocèses. Dites-leur que le Pape, dans le souvenir toujours présent à son coeur de son pèlerinage en Turquie, demeure proche de chacun d’eux, de leurs préoccupations et de leurs espérances.

836 Votre visite, qui se déroule providentiellement en cette année consacrée à saint Paul, prend une importance particulière pour vous qui êtes les Pasteurs de l’Église catholique en Turquie, cette terre où est né l’Apôtre des Nations et où il a fondé plusieurs communautés. Comme je l’ai déclaré dans la Basilique où se trouve sa tombe, j’ai voulu promulguer cette année paulinienne « pour écouter et pour apprendre à présent de lui, qui est notre maître, ‘la foi et la vérité’, dans lesquelles sont enracinées les raisons de l’unité parmi les disciples du Christ » (Basilique Saint-Paul hors-les-Murs, 28 juin 2008). Je sais que dans votre pays, vous avez voulu donner un éclat particulier à cette année jubilaire et que de nombreux pèlerins visitent les lieux chers à la tradition chrétienne. Je souhaite que l’accès à ces lieux significatifs pour la foi chrétienne, ainsi que la célébration du culte, soient toujours mieux facilités aux pèlerins. Par ailleurs, je me réjouis vivement de la dimension oecuménique qui a été donnée à cette année paulinienne, manifestant ainsi l’importance de cette initiative pour les autres Églises et communautés chrétiennes. Puisse cette année permettre de nouveaux progrès sur le chemin vers l’unité de tous les chrétiens !

L’existence de vos Églises locales, dans toute leur diversité, se situe dans le prolongement d’une riche histoire marquée par le développement des premières communautés chrétiennes. Tant de noms, si chers aux disciples du Christ, demeurent attachés à votre terre, depuis saint Jean, saint Ignace d’Antioche, saint Polycarpe de Smyrne et tant d’autres illustres Pères de l’Église, sans oublier le concile d’Éphèse où la Vierge Marie fut proclamée « Théotokos ». Plus récemment, le Pape Benoît XV et le bienheureux Jean XXIII ont aussi marqué la vie de la nation et de l’Église en Turquie. Et je voudrais encore faire mémoire de tous les chrétiens, prêtres et laïcs, qui ont témoigné de la charité du Christ, parfois jusqu’au don suprême de leur vie, comme le Père Andrea Santoro. Que cette histoire prestigieuse soit pour vos communautés, dont je connais la vigueur de la foi et l’abnégation dans les épreuves, non seulement le souvenir d’un passé glorieux, mais un encouragement à poursuivre généreusement sur la voie tracée, en témoignant parmi leurs frères de l’amour de Dieu pour tout homme.

Chers Frères, les Conciles de Nicée et de Constantinople ont donné au Credo son expression définitive. Que ce soit pour vous et pour vos fidèles, une incitation pressante à approfondir la foi de l’Église et à vivre avec toujours plus d’ardeur de l’espérance qui en découle. Le peuple de Dieu trouvera un soutien efficace à sa foi et à son espérance dans une authentique communion ecclésiale. En effet, « l’Église est une communion structurée, qui se réalise dans la coordination des divers charismes, ministères et services, et est ordonnée à l’obtention du but commun qui est le salut » (Pastores gregis ), et les évêques sont les premiers responsables de la réalisation concrète de cette unité. La profonde communion qui doit régner entre eux, dans la diversité des rites, s’exprime notamment par une réelle fraternité et une collaboration mutuelle qui leur permet d’accomplir leur ministère dans un esprit collégial et de renforcer l’unité du Corps du Christ.

Cette unité trouve une source vitale dans la Parole de Dieu, dont le récent Synode des Évêques a remis en lumière l’importance dans la vie et dans la mission de l’Église. Je vous invite donc à former les fidèles de vos diocèses, afin que la sainte Écriture ne soit pas une Parole du passé, mais qu’elle éclaire leur existence et leur ouvre un authentique accès à Dieu. Dans ce contexte, il m’est agréable de rappeler que la méditation de la Parole de Dieu par le Patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomeos Ier, a été un moment important de cette Assemblée synodale.

Permettez-moi aussi de saluer les prêtres et les religieux qui collaborent avec vous pour l’annonce de l’Évangile. Venant pour un grand nombre d’autres pays, leur tâche est souvent éprouvante. Je les encourage à être toujours mieux insérés dans les réalités de vos Églises locales, afin de pouvoir donner à tous les membres de la communauté catholique l’attention pastorale nécessaire, sans oublier les personnes les plus faibles et les plus isolées. Le petit nombre de prêtres, souvent insuffisant pour l’étendue du travail, ne peut que vous inciter à développer une vigoureuse pastorale des vocations.

La pastorale des jeunes est l’une de vos préoccupations majeures. Il est en effet important qu’ils puissent acquérir une formation chrétienne qui les aide à consolider leur foi et à la vivre dans un contexte souvent difficile. Dans la même perspective, la formation des laïcs doit aussi leur permettre d’assumer avec compétence et efficacité les responsabilités qui leur sont demandées au sein de l’Église.

La communauté chrétienne de votre pays vit dans une nation régie par une Constitution qui affirme la laïcité de l’État, mais dont la plus grande partie des habitants est musulmane. Il est donc très important que chrétiens et musulmans puissent s’engager ensemble pour l’homme, pour la vie, ainsi que pour la paix et la justice. Par ailleurs, la distinction entre la sphère civile et la sphère religieuse est certainement une valeur qui doit être protégée. Toutefois, dans ce cadre, il revient à l’État d’assurer de manière effective aux citoyens et aux communautés religieuses la liberté de culte et la liberté religieuse, rendant inacceptable toute violence à l’égard des croyants, quelle qu’en soit la religion. Dans ce contexte, je connais votre désir et votre disponibilité pour un dialogue sincère avec les Autorités, afin de trouver une solution aux différents problèmes qui se posent à vos communautés, dont celui de la reconnaissance juridique de l’Église catholique et de ses biens. Une telle reconnaissance ne peut qu’avoir des conséquences positives pour tous. Il est à souhaiter que des contacts permanents puissent être établis, par exemple par l’intermédiaire d’une Commission bilatérale, pour étudier les questions qui ne sont pas encore résolues.

Chers Frères, au terme de notre rencontre, je voudrais vous redire ces paroles d’espérance adressées aux Églises d’Éphèse et de Smyrne dans le livre de l’Apocalypse : « Tu ne manques pas de persévérance, car tu as beaucoup supporté pour mon nom, sans jamais te lasser. …Sois sans aucune crainte pour ce que tu va souffrir. …Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de la vie », (
Ap 2,3 Ap 2,10). Que l’intercession de saint Paul et de la Théotokos, vous donne de vivre dans cette espérance qui nous vient du Christ Ressuscité et vivant parmi nous. De grand coeur, je vous adresse une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, et à tous les fidèles de vos diocèses.

XVII JOURNÉE MONDIALE DU MALADE

MESSE POUR LES MALADES DE L'UNITALSI

ET LES PÈLERINS DE L'OEUVRE ROMAINE DES PÈLERINAGES


LORS DE LA RENCONTRE AVEC LES MALADES Fête de Notre-Dame de Lourdes Basilique Vaticane, mercredi 11 février 2009

Chers malades,
837 Chers frères et soeurs!

Notre rencontre prend une valeur et une signification particulière: elle a lieu à l'occasion de la Journée mondiale du malade, célébrée aujourd'hui, fête de la Bienheureuse Vierge de Lourdes. Ma pensée va à ce sanctuaire où, à l'occasion du 150 anniversaire des apparitions à sainte Bernadette, je me suis rendu moi aussi; et je conserve un vif souvenir de ce pèlerinage, centré en particulier sur le contact que j'ai pu avoir avec les malades rassemblés à la Grotte de Massabielle. C'est avec plaisir que je suis venu vous saluer en conclusion de la célébration eucharistique, qui a été présidée par le cardinal Javier Lozano Barragán, président du Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, à qui j'adresse une pensée cordiale. Avec lui, je salue les prélats présents, les prêtres, les religieux et les religieuses, les volontaires, les pèlerins, en particulier les chers malades et ceux qui s'occupent d'eux chaque jour. Il est toujours émouvant de revivre en cette circonstance, ici, dans la Basilique Saint-Pierre, ce climat typique de prière et de spiritualité mariale qui caractérise le sanctuaire de Lourdes. Merci donc de votre manifestation de foi et d'amour à Marie; merci à ceux qui l'ont promue et organisée, en particulier à l'unitalsi et à l'OEuvre romaine des pèlerinages.

Cette journée invite à faire sentir avec une plus grande intensité aux malades la proximité spirituelle de l'Eglise, qui, comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, est la famille de Dieu dans le monde, à l'intérieur de laquelle personne ne doit souffrir du manque du nécessaire, et surtout du manque d'amour (cf. n. 25 b). Dans le même temps, nous avons aujourd'hui l'opportunité de réfléchir sur l'expérience de la maladie, de la douleur et, plus en général, sur le sens de la vie à réaliser pleinement, même lorsqu'on est malade. Dans le message pour la célébration d'aujourd'hui, j'ai voulu placer au premier plan les enfants malades, qui sont les créatures les plus faibles et sans défense. C'est vrai! Si l'on reste déjà sans paroles devant un adulte qui souffre, que dire lorsque le mal frappe un petit innocent? Comment percevoir, également dans des situations aussi difficiles, l'amour miséricordieux de Dieu, qui n'abandonne jamais ses enfants dans l'épreuve?

Ce sont des interrogations fréquentes et parfois inquiétantes, qui en vérité sur le plan simplement humain ne trouvent pas de réponses adaptées, car la douleur, la maladie et la mort demeurent, dans leur signification, insondables pour notre esprit. La lumière de la foi nous vient cependant en aide. La Parole de Dieu nous révèle que ces maux aussi sont mystérieusement "embrassés" par le dessein divin de salut; la foi nous aide à considérer la vie humaine belle et digne d'être vécue en plénitude, même lorsqu'elle est affaiblie par le mal. Dieu a créé l'homme pour le bonheur et pour la vie, alors que la maladie et la mort sont entrées dans le monde comme conséquence du péché. Mais le Seigneur ne nous a pas abandonnés à nous-mêmes; Lui, le Père de la vie, est le médecin par excellence de l'homme et il ne cesse de se pencher avec amour sur l'humanité qui souffre. L'Evangile montre Jésus qui "chasse les esprits par sa parole et guérit tous les malades" (
Mt 8,16), indiquant la voie de la conversion et de la foi comme conditions pour obtenir la guérison du corps et de l'esprit, qui est la guérison toujours voulue par le Seigneur. C'est la guérison intégrale, du corps et de l'âme, c'est pourquoi elle chasse les esprits par sa parole. Sa parole est parole d'amour, parole purificatrice: elle chasse les esprits de la peur, de la solitude, de l'opposition à Dieu, pour purifier ainsi notre âme et lui donner la paix intérieure. Ainsi, il nous donne l'esprit de l'amour et la guérison qui naît de l'intérieur même. Mais Jésus n'a pas seulement parlé; il est Parole incarnée. Il a souffert avec nous, et est mort. Avec sa passion et sa mort, Il a assumé et transformé jusqu'au bout notre faiblesse. Voilà pourquoi - selon ce qu'a écrit le serviteur de Dieu Jean-Paul II dans la Lettre apostolique Salvifici doloris - "souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu, offertes à l'humanité dans le Christ" (n. 23).

Chers frères et soeurs, nous nous rendons compte toujours davantage que la vie de l'homme n'est pas un bien disponible, mais un écrin précieux à conserver et à soigner avec toutes les attentions possibles, de ses débuts jusqu'à sa fin ultime et naturelle. La vie est un mystère qui en soi exige responsabilité, amour, patience, charité, de la part de tous et de chacun. Il est encore plus nécessaire d'entourer d'attentions et de respect ceux qui sont malades et qui souffrent. Cela n'est pas toujours facile; nous savons cependant où pouvoir puiser le courage et la patience pour affronter les vicissitudes de l'existence terrestre, en particulier les maladies et tous types de souffrance. Pour nous chrétiens, c'est dans le Christ que se trouve la réponse à l'énigme de la douleur et de la mort. La participation à la Messe, comme vous venez de la vivre, nous plonge dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Chaque célébration eucharistique est le mémorial éternel du Christ crucifié et ressuscité, qui a vaincu le pouvoir du mal avec la toute-puissance de son amour. C'est donc à l'"école" du Christ eucharistique qu'il nous est donné d'apprendre à toujours aimer la vie et à accepter notre impuissance apparente face à la maladie et à la mort.

Mon vénéré et bien-aimé prédécesseur Jean-Paul ii a voulu que la Journée mondiale du malade coïncide avec la fête de la Vierge Immaculée de Lourdes. En ce lieu sacré, notre Mère céleste est venue nous rappeler que nous ne sommes que de passage sur cette terre et que la véritable demeure définitive de l'homme est le Ciel. Nous devons tous tendre vers cet objectif. Que la lumière qui vient "d'en-Haut" nous aide à comprendre et à donner un sens et une valeur également à l'expérience de la souffrance et de la mort. Nous demandons à la Vierge de tourner son regard maternel sur chaque malade et sur sa famille, pour les aider à porter avec le Christ le poids de la Croix. A Elle, Mère de l'humanité, nous confions les pauvres, les personnes qui souffrent, les malades du monde entier, avec une pensée spéciale pour les enfants malades. Avec ces sentiments, je vous encourage tous à avoir toujours confiance dans le Seigneur et je vous bénis tous de tout coeur.



Discours 2005-2013 833