Discours 2005-2013 842

AUX MEMBRES DU COLLÈGE PONTIFICAL PIE LATINO AMÉRICAIN DE ROME Salle Clémentine Jeudi 19 février 2009

Vénérés frères dans l'épiscopat,
cher père recteur, chers supérieurs,
religieux et élèves du Collège pontifical pie latino-américain de Rome,

1. Je remercie pour les paroles cordiales que m'a adressées, au nom de tous, Mgr Carlos José Ñáñez, archevêque de Cordoba et président de la commission épiscopale du Collège pontifical pie latino-américain. Je suis heureux de vous recevoir, alors que vous célébrez les 150 ans de la fondation de cette institution de grand mérite.

Le 27 novembre 1858, commença le chemin fécond de ce collège comme précieux centre de formation, d'abord de séminaristes, puis, depuis un peu plus de trois décennies, de diacres et de prêtres. Aujourd'hui, plus de quatre mille élèves se sentent membres de cette grande famille. Ils ont tous nourri pour cette grande alma mater une profonde affection, car elle s'est distinguée dès le début par son atmosphère de simplicité, d'accueil, de prière et de fidélité au magistère du Souverain Pontife, qui contribue fortement à faire en sorte que chez les élèves croissent l'amour pour le Christ et le désir de servir humblement l'Eglise, en cherchant toujours la gloire suprême de Dieu et le bien des âmes.

843 2. Vous êtes, chers élèves du Collège pontifical pie latino-américain, les héritiers de ce riche patrimoine humain et spirituel qu'il faut perpétuer et enrichir à travers une étude sérieuse des diverses disciplines ecclésiastiques et la belle expérience de l'universalité de l'Eglise. Ici, dans cette ville, les apôtres Pierre et Paul proclamèrent avec courage l'Evangile et posèrent les fondements solides pour le diffuser dans le monde entier, en accomplissant le mandat du Maître: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,19-20).

Vous-mêmes êtes le fruit de cette merveilleuse semence du message rédempteur du Christ au cours de l'histoire. En effet, vous provenez de divers pays dans lesquels, il y a plus de cinq cents ans, plusieurs missionnaires valeureux firent connaître Jésus, notre Sauveur. De cette façon, au moyen du Baptême, ces peuples s'ouvrirent à la vie de la grâce qui fit d'eux des fils de Dieu par adoption et en outre, ils reçurent l'Esprit Saint, qui féconda leur culture, en les purifiant et en faisant croître les semences que le Verbe incarné avait placées en elles, les orientant ainsi le long des voies de l'Evangile (cf. Discours lors de la session inaugurale de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, n. 1).

A Rome, près de la Chaire du Prince des Apôtres, vous avez une occasion privilégiée de forger votre coeur de véritables apôtres, dans lequel l'être et l'action soient fermement ancrés dans le Seigneur, qui doit être toujours pour vous la base, la boussole et l'objectif de vos efforts. Le collège vous permet en outre de partager de façon fraternelle votre expérience humaine et sacerdotale et vous offre une opportunité propice pour vous ouvrir de façon permanente à la connaissance des autres cultures et expressions ecclésiales. Cela vous aidera à être d'authentiques disciples de Jésus Christ, et d'intrépides missionnaires de sa Parole, avec largeur de vues et grandeur d'âme. De cette façon, vous serez davantage capables d'être des hommes de Dieu qui le connaissent en profondeur, des ouvriers généreux dans sa vigne et des dispensateurs ardents de la charité de Jésus Christ envers ceux qui sont le plus dans le besoin.

3. Vos évêques vous ont envoyés au Collège pontifical pie latino-américain afin que vous soyez emplis de la sagesse du Christ crucifié, de sorte que, une fois rentrés dans votre diocèse, vous puissiez mettre ce trésor à la disposition des autres dans les diverses fonctions qui vous seront confiées. Pour ce faire, vous devez bien mettre à profit le temps de votre séjour à Rome. La constance dans les études et la recherche rigoureuse, vous feront non seulement connaître les mystères de la foi, et la vérité sur l'homme à la lumière de l'Evangile et de la tradition de l'Eglise, mais encouragera également en vous une vie spirituelle enracinée dans la Parole de Dieu et alimentée toujours par la richesse insondable des sacrements.

4. L'amour et l'adhésion au Siège apostolique sont parmi les caractéristiques les plus importantes des peuples latino-américains et des Caraïbes. Pour cette raison, ma rencontre avec vous me rappelle les jours que j'ai passés à Aparecida, lorsque j'ai assisté avec émotion aux manifestations de collégialité et de communion fraternelle dans le ministère épiscopal des représentants des conférences épiscopales de ces nobles pays. A travers ma présence, j'ai voulu encourager les évêques dans leur réflexion sur un aspect fondamental pour raviver la foi de l'Eglise en pèlerinage sur ces terres bien-aimées: conduire tous nos fidèles à être "disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui" (Jn 14,6).

Je vous invite à vous unir avec enthousiasme à cet esprit, exprimé dans le dynamisme avec lequel tous ces diocèses ont commencé, ou commencent, la "Mission continentale" promue à Aparecida; une initiative qui facilitera l'application de programmes catéchétiques et pastoraux destinés à la formation et au développement de communautés chrétiennes évangélisatrices et missionnaires. Accompagnez ces propositions de votre prière fervente, afin que les fidèles connaissent, se consacrent et imitent toujours davantage Jésus Christ, en participant fréquemment aux célébrations du dimanche de chaque communauté et en lui rendant témoignage, afin de devenir des instruments efficaces de la "nouvelle évangélisation", à laquelle a invité à plusieurs reprises le serviteur de Dieu Jean-Paul II, mon vénéré prédécesseur.

5. En concluant cette rencontre, je désire renouveler mes remerciements cordiaux à toutes les personnes présentes, en particulier à la commission épiscopale pour le collège, qui a la mission d'encourager ses élèves et de renforcer leur sens de la communion et de la fidélité au Souverain Pontife et à leurs pasteurs. Dans le même temps, je désire manifester à travers les supérieurs du Collège ma reconnaissance à la Compagnie de Jésus, à laquelle mon prédécesseur saint Pie X confia la direction perpétuelle de cette éminente institution, ainsi que les religieuses et les personnes qui suivent ces jeunes avec attention et joie. Je pense également avec gratitude à ceux qui apportent une aide financière à travers leur contribution économique et soutiennent par leur générosité et leur prière cette oeuvre ecclésiale.

6. Je vous confie tous, ainsi que vos familles et vos communautés d'origine, à la Très Sainte Vierge Marie, Notre-Dame de Guadalupe, afin que par sa protection maternelle, elle vous assiste avec amour dans vos fonctions et vous aide à vous enraciner profondément dans son Fils, notre Seigneur Jésus Christ, fruit béni de son sein.

Merci.


AUX PARTICIPANTS À LA 31 SESSION DU CONSEIL DES GOUVERNEURS DU FONDS INTERNATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE (FIDA) Salle Clémentine Vendredi 20 février 2009

844 Monsieur le président du Conseil des gouverneurs,
Messieurs les gouverneurs, les représentants permanents des Etats membres, les fonctionnaires du fida,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d'avoir l'opportunité de vous rencontrer tous pour la conclusion des célébrations marquant le trentième anniversaire de la fondation du Fonds international de développement agricole. Je remercie le président sortant, M. Lennart Båge, de ses paroles courtoises et je présente mes félicitations et mes meilleurs voeux à M. Kanayo Nwanze pour son élection à cette charge importante. Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui et je vous assure de mes prières pour le travail important que vous accomplissez pour promouvoir le développement rural. Votre travail est particulièrement crucial à notre époque, en raison des effets négatifs de l'instabilité actuelle des prix des produits agricoles sur la sécurité alimentaire. Cela exige des stratégies nouvelles et à long terme pour combattre la pauvreté rurale et promouvoir le développement rural. Comme vous le savez, le Saint-Siège partage pleinement votre engagement pour vaincre la pauvreté et la faim, et pour venir en aide aux personnes les plus pauvres dans le monde. Je prie afin que la célébration de l'anniversaire du fida vous donne un élan supplémentaire pour poursuivre ces objectifs louables avec une énergie et une détermination renouvelées dans les années à venir.

Dès sa création, le Fonds international a atteint une forme exemplaire de coopération et de coresponsabilité entre les nations à des étapes de développement différents. Lorsque les pays riches et les nations en voie de développement se réunissent pour prendre des décisions communes et pour déterminer des critères spécifiques en vue de la contribution budgétaire de chaque pays au Fonds, on peut véritablement dire que les divers Etats membres se réunissent à égalité, en exprimant leur solidarité les uns avec les autres et leur engagement commun en vue d'éradiquer la pauvreté et la faim. Dans un monde toujours plus interdépendant, les processus de prise de décision en commun de ce type sont essentiels si l'on veut que les questions internationales soient traitées avec équité et clairvoyance.

On peut également se féliciter de l'accent placé par le fida sur la promotion des créations d'emploi dans les communautés rurales, dans la perspective de les rendre capables, à long terme, de devenir indépendantes de l'aide extérieure. L'aide apportée aux producteurs locaux sert à construire l'économie et contribue au développement global de la nation concernée. En ce sens, les projets de "crédit rural", conçus pour aider les petits exploitants agricoles et les travailleurs agricoles qui ne possèdent pas de terre, peuvent donner un élan à l'économie dans son ensemble et accroître la sécurité alimentaire pour tous. Ces projets aident également les communautés autochtones à se développer sur leur propre terre, et à vivre en harmonie avec leurs cultures traditionnelles au lieu que leurs membres soient forcés à se déraciner afin de chercher du travail dans des villes surpeuplées, regorgeant de problèmes sociaux, où ils ont souvent à endurer des conditions de vie misérables.

Cette approche a le mérite particulier de redonner au secteur agricole sa juste place au sein de l'économie et du tissu social des pays en développement. Une contribution précieuse peut être apportée ici par les organisations non-gouvernementales, dont certaines ont des liens étroits avec l'Eglise catholique et sont engagées dans la mise en oeuvre de son magistère social. Le principe de subsidiarité exige que tout groupe au sein de la société soit libre d'apporter sa propre contribution au bien de l'ensemble. Trop souvent, les travailleurs agricoles dans les pays en voie de développement se voient refuser cette opportunité, lorsque leur travail est exploité avec avidité, et que le produit de celui-ci est détourné vers des marchés lointains avec des bénéfices réduits ou inexistants pour la communauté locale elle-même.

Il y a environ cinquante ans, mon prédécesseur le Bienheureux Pape Jean XXIII déclarait à propos du travail de la terre par les agriculteurs: "Il leur est facile de constater la noblesse de leur travail: ils vivent dans le temple majestueux de la Création... Ce travail révèle la dignité de leur profession" (Mater et magistra
MM 130-131). Tout travail humain est une participation à la providence créatrice du Dieu tout-puissant, mais le travail agricole y occupe une place prééminente. Une société véritablement humaine devrait toujours savoir apprécier et récompenser de manière appropriée la contribution apportée par le secteur agricole. S'il est soutenu et équipé de manière correcte, il possède le potentiel pour faire sortir une nation de la pauvreté et poser les fondations d'une prospérité croissante.

Mesdames et Messieurs, au moment où nous rendons grâce pour tout ce qui a été accompli ces trente dernières années, une détermination renouvelée est nécessaire, afin d'agir en harmonie et en solidarité avec les diverses composantes de la famille humaine, en vue d'assurer un accès équitable aux ressources de la terre aujourd'hui et à l'avenir. Et la motivation d'une telle attitude est l'amour: l'amour pour les pauvres, l'amour qui ne peut tolérer l'injustice ou la privation, l'amour qui refuse tout répit tant que la pauvreté et la faim ne seront pas bannies de notre terre. Les objectifs d'éradiquer l'extrême pauvreté et la faim, ainsi que de promouvoir la sécurité alimentaire et le développement rural, loin d'être trop ambitieux ou irréalistes, deviennent, dans ce contexte, des impératifs interpellant toute la Communauté internationale. Je forme la prière fervente que les activités des organisations telles que la vôtre continueront d'apporter une contribution significative en vue d'atteindre ces objectifs. Tout en vous remerciant et en vous encourageant à persévérer dans l'oeuvre bénéfique que vous accomplissez, je vous confie à l'attention constante de notre Père plein d'amour, le Créateur du ciel et de la terre, et de tout ce qu'ils renferment. Que Dieu vous bénisse tous!


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA COMMISSION PONTIFICALE POUR L'AMÉRIQUE LATINE


Salle du Consistoire Vendredi 20 février 2009



845 Messieurs les cardinaux,
Chers frères dans l'épiscopat,

Je salue cordialement les conseillers et les membres de la Commission pontificale pour l'Amérique latine qui, au cours de leur assemblée plénière, ont réfléchi sur "la situation actuelle de la formation sacerdotale dans les séminaires" sur ce continent. Je remercie le président de la Commission, le cardinal Giovanni Battista Re, des paroles qu'il m'a adressées au nom de tous en me présentant les grandes lignes des travaux et les recommandations pastorales élaborées au cours de cette rencontre.

Je rends grâce à Dieu pour les fruits ecclésiaux de cette Commission pontificale depuis sa création en 1958, lorsque le Pape Pie xii vit la nécessité de créer un organisme du Saint-Siège en vue d'intensifier et de coordonner plus étroitement l'oeuvre menée en faveur de l'Eglise en Amérique latine, en raison du nombre réduit de ses prêtres et de ses missionnaires. Mon vénéré prédécesseur Jean-Paul ii soutint et développa cette initiative, afin de souligner la sollicitude pastorale particulière du Successeur de Pierre pour les Eglises en pèlerinage sur cette terre bien-aimée. A l'occasion de cette nouvelle étape de la Commission, je ne peux manquer de mentionner avec une vive gratitude le travail réalisé par celui qui, pendant de longues années, a été son vice-président, Mgr Cipriano Calderón Polo, récemment disparu, dont le travail généreux et le service fidèle à l'Eglise sera récompensé par le Seigneur.

L'année dernière, j'ai reçu un grand nombre d'évêques de l'Amérique latine et des Caraïbes lors de leur visite ad limina. Je me suis entretenu avec eux de la réalité des Eglises particulières qui leur ont été confiées, ce qui m'a permis de connaître de plus près les espérances et les difficultés de leur ministère apostolique. Je les accompagne tous par ma prière, afin qu'ils continuent à exercer avec fidélité et joie leur service au Peuple de Dieu, en promouvant actuellement la "Mission continentale" qui a été lancée au terme de la v Conférence générale de l'épiscopat de l'Amérique latine et des Caraïbes (cf. Document de conclusion, n. 362).

Je garde un souvenir reconnaissant de mon séjour à Aparecida, où nous avons vécu une expérience d'intense communion ecclésiale, avec l'unique désir d'accueillir l'Evangile avec humilité et de le semer généreusement. Le thème choisi - Disciples et missionnaires de Jésus Christ afin que nos peuples aient la vie en Lui - continue d'orienter les efforts des membres de l'Eglise dans ces nations bien-aimées.

Lorsque j'ai présenté un bilan de mon voyage apostolique au Brésil aux membres de la Curie romaine, je me suis demandé: "La rencontre d'Aparecida a-t-elle bien fait, dans la recherche de vie pour le monde, d'accorder la priorité à l'imitation de Jésus Christ et à l'évangélisation? Etait-ce un repli erroné vers l'intériorité?". A cette question, j'ai répondu avec une totale certitude: "Non! Aparacida a pris une juste décision, car c'est précisément à travers la nouvelle rencontre avec Jésus Christ et son Evangile - et seulement ainsi - que sont stimulées les forces qui nous rendent capables d'apporter la juste réponse aux défis de l'époque" (Discours à la Curie romaine, 21 décembre 2007). Cette rencontre personnelle avec le Seigneur, nourrie par l'écoute de sa Parole et par la participation à l'Eucharistie, ainsi que la nécessité de transmettre avec un grand enthousiasme notre expérience personnelle du Christ, continue à être fondamentale.

Nous, évêques, successeurs des Apôtres, nous sommes les premiers à devoir conserver toujours vivant l'appel gratuit et plein d'amour du Seigneur, le même que celui qu'il adressa aux premiers disciples (cf.
Mc 1,16-20). Comme eux, nous aussi, nous avons été choisis pour "être ses compagnons" (cf. Mc 3,14), pour accueillir sa Parole et recevoir sa force et vivre tout comme lui, en annonçant à toutes les nations la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu.

Pour nous tous, le séminaire a été un moment décisif de discernement et de préparation. C'est là, dans le dialogue profond avec le Christ, que s'est renforcé notre désir de nous enraciner profondément en lui. C'est dans ces années-là, que nous avons appris à nous sentir dans l'Eglise comme chez nous, accompagnés par Marie, la Mère de Jésus et Notre bien-aimée Mère à tous, toujours obéissante à la volonté de Dieu. C'est pourquoi, je suis heureux que cette assemblée plénière ait consacré son attention à la situation actuelle des séminaires en Amérique latine.

Pour avoir des prêtres selon le coeur du Christ, il faut s'en remettre à l'action de l'Esprit Saint, davantage qu'aux stratégies et aux calculs humains et demander avec une grande foi dans le Seigneur, "le Seigneur de la moisson", d'envoyer de nombreuses et saintes vocations au sacerdoce (cf. Lc 10,2); en unissant toujours à cette prière l'affection et la proximité à l'égard de ceux qui sont au séminaire en vue des ordres sacrés. Mais par ailleurs, le besoin de prêtres pour affronter les défis du monde d'aujourd'hui ne doit pas conduire à renoncer à un discernement attentif des candidats pas plus qu'à négliger les exigences nécessaires, et même d'une grande rigueur, afin que leur processus de formation contribue à faire d'eux des prêtres exemplaires.

Par conséquent, les recommandations pastorales de cette assemblée doivent être un point de référence indispensable pour éclairer l'oeuvre des évêques de l'Amérique latine et des Caraïbes dans ce domaine délicat de la formation sacerdotale. Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire que les séminaristes, avec une intention droite et sans aucun autre intérêt, aspirent au sacerdoce, mais uniquement par la volonté d'être d'authentiques disciples et missionnaires de Jésus Christ qui, en communion avec leurs évêques, le rendent présent à travers leur ministère et leur témoignage de vie. C'est pourquoi il est extrêmement important de soigner attentivement leur formation humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale, ainsi que le choix adapté de leurs formateurs et professeurs, qui doivent se distinguer par leur préparation universitaire, leur esprit sacerdotal et leur fidélité à l'Eglise, de manière à savoir inculquer aux jeunes ce dont le Peuple de Dieu a besoin et attend de ses pasteurs.

846 Je confie à la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie les initiatives de cette assemblée plénière, en la suppliant d'accompagner ceux qui sont en train de se préparer au ministère sacerdotal dans leur chemin sur les traces de son divin Fils, Jésus Christ, notre Rédempteur. Avec ces sentiments, je vous donne affectueusement ma Bénédiction apostolique.


VISITE AU GRAND SÉMINAIRE PONTIFICAL ROMAIN

À L'OCCASION DE LA FÊTE DE LA VIERGE DE LA CONFIANCE

Vendredi 20 février 2009





Monsieur le cardinal, chers amis,

c'est toujours une grande joie pour moi d'être dans mon séminaire, de voir les futurs prêtres de mon diocèse, d'être avec vous sous le signe de la Vierge de la Confiance. En nous aidant et en nous accompagnant, Elle nous donne réellement la certitude d'être toujours aidés par la grâce divine, et ainsi nous allons de l'avant!

Voyons à présent ce que nous dit saint Paul avec ce texte: "Vous avez été appelés à la liberté". De tout temps, la liberté a été le grand rêve de l'humanité, dès le début, mais particulièrement à l'époque moderne. Nous savons que Luther s'est inspiré de ce texte de la Lettre aux Galates et il en a conclu que la Règle monastique, la hiérarchie et le magistère lui apparaissaient comme un lien d'esclavage dont il fallait se libérer. Par la suite, la période du Siècle des Lumières a été totalement guidée, pénétrée par ce désir de liberté, que l'on considérait avoir finalement atteint. Mais le marxisme s'est lui aussi présenté comme la voie vers la liberté.

Nous nous demandons ce soir: qu'est-ce que la liberté? Comment pouvons-nous être libres? Saint Paul nous aide à comprendre cette réalité compliquée qu'est la liberté en inscrivant ce concept dans un contexte de visions anthropologiques et théologiques fondamentales. Il dit: "Que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair; mais par la charité, mettez-vous au service les uns des autres". Le Recteur nous a déjà dit que "chair" n'est pas le corps, mais "chair" - dans le langage de saint Paul - est l'expression du moi rendu absolu, qui veut être tout et prendre tout pour soi. Le moi absolu, qui ne dépend de rien ni de personne, semble posséder réellement, en définitive, la liberté. Je suis libre si je ne dépends de personne, si je peux faire tout ce que je veux. Mais ce moi rendu absolu est précisément "chair", c'est-à-dire dégradation de l'homme; il n'est pas une conquête de la liberté: le libertinisme, ce n'est pas la liberté, mais plutôt l'échec de la liberté.

Mais Paul ose proposer un paradoxe fort: "Par la charité, mettez-vous au service" (en grec: douléuete); c'est-à-dire que la liberté se réalise paradoxalement à travers le service; nous devenons libres, si nous devenons serviteurs les uns des autres. Et ainsi, Paul place tout le problème de la liberté sous la lumière de la vérité de l'homme. Se réduire à la chair, en s'élevant en apparence au rang de divinité - "Moi seul suis l'homme" - conduit au mensonge. Car en réalité, il n'en est pas ainsi: l'homme n'est pas un absolu, comme si le moi pouvait s'isoler et se comporter selon sa propre volonté. Cela est contre la vérité de notre être. Notre vérité est que nous sommes avant tout des créatures, des créatures de Dieu et que nous vivons dans la relation avec le Créateur. Nous sommes des êtres relationnels. Ce n'est qu'en acceptant notre nature relationnelle que nous entrons dans la vérité, sinon nous tombons dans le mensonge et en lui, à la fin, nous nous détruisons.

Nous sommes des créatures et donc dépendantes du Créateur. Au cours de la période du siècle des Lumières, en particulier l'athéisme, cela apparaissait comme une dépendance dont il fallait se libérer. Toutefois, en réalité, la dépendance fatale ne serait telle que si ce Dieu Créateur était un tyran, et non un Etre bon, uniquement s'il était comme le sont les tyrans humains. Si, au contraire, ce Créateur nous aime et que notre dépendance signifie être dans l'espace de son amour, dans ce cas, la dépendance signifie précisément liberté. De cette façon, en effet, nous sommes dans la charité du Créateur, nous sommes unis à Lui, à toute sa réalité, à tout son pouvoir. Cela est donc le premier point: être créature signifie être aimés du Créateur, être dans cette relation d'amour qu'Il nous donne, avec laquelle il nous entoure. C'est de là que dérive avant tout notre vérité, qui est, dans le même temps, appelée à la charité.

C'est pourquoi voir Dieu, s'orienter vers Dieu, connaître Dieu, connaître la volonté de Dieu, s'inscrire dans la volonté, c'est-à-dire dans l'amour de Dieu signifie entrer toujours plus dans l'espace de la vérité. Et ce chemin de la connaissance de Dieu, de la relation d'amour avec Dieu est l'aventure extraordinaire de notre vie chrétienne: parce que dans le Christ, nous connaissons le visage de Dieu, le visage de Dieu qui nous aime jusqu'à la Croix, jusqu'au don de lui-même.

Mais la nature relationnelle des créatures implique également un deuxième type de relation: nous sommes en relation avec Dieu, mais ensemble, comme famille humaine, nous sommes également en relation l'un avec l'autre. En d'autres termes, la liberté humaine signifie, d'une part, être dans la joie et dans le vaste espace de l'amour de Dieu, mais elle implique également être un avec l'autre et pour l'autre. Il n'existe pas de liberté contre l'autre. Si je me rends absolu, je deviens l'ennemi de l'autre, nous ne pouvons plus coexister et toute la vie se fait cruauté, devient un échec. Seule une liberté partagée est une liberté humaine; c'est en étant ensemble que nous pouvons entrer dans la symphonie de la liberté.

Et cela est un autre point d'une grande importance: ce n'est qu'en acceptant l'autre, en acceptant également la limitation apparente de ma liberté qui découle du respect pour celle de l'autre, ce n'est qu'en m'inscrivant dans ce réseau de dépendance qui fait de nous, en fin de compte, une unique famille, que je me mets en chemin vers la libération commune.

847 Ici apparaît un élément très important: quelle est la mesure du partage de la liberté? Nous voyons que l'homme a besoin d'ordre, de droit, afin que puisse ainsi se réaliser sa liberté, qui est une liberté vécue en commun. Et comment pouvons-nous trouver cet ordre juste, dans lequel personne n'est opprimé, mais chacun peut apporter sa contribution pour former cette sorte de concert des libertés? S'il n'existe pas de vérité commune sur l'homme telle qu'elle apparaît dans la vision de Dieu, seul demeure le positivisme et l'on a l'impression de quelque chose d'imposé même de manière violente. D'où cette rébellion contre l'ordre et le droit comme s'il s'agissait d'un esclavage.

Mais si nous pouvons trouver l'ordre du Créateur dans notre nature, l'ordre de la vérité qui donne à chacun sa place, l'ordre et le droit peuvent être précisément des instruments de liberté contre l'esclavage de l'égoïsme. Se servir les uns les autres devient un instrument de la liberté et sur ce point, nous pourrions parler de toute une philosophie de la politique selon la Doctrine sociale de l'Eglise, qui nous aide à trouver cet ordre commun qui donne à chacun sa place dans la vie commune de l'humanité. La première réalité à respecter est donc la vérité: la liberté contre la vérité n'est pas la liberté. Se servir l'un l'autre crée l'espace commun de la liberté.

Puis Paul poursuit en disant: "Une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude: "tu aimeras ton prochain comme toi-même"". Derrière cette affirmation apparaît le mystère du Dieu incarné, apparaît le mystère du Christ qui dans sa vie, dans sa mort, dans sa résurrection, devient la loi vivante. Immédiatement, les premières paroles de notre lecture - "vous avez été appelés à la liberté" - font référence à ce mystère. Nous avons été appelés par l'Evangile, nous avons été appelés réellement dans le Baptême, dans la participation à la mort et à la résurrection du Christ, et de cette façon, nous sommes passés de la "chair", de l'égoïsme, à la communion avec le Christ. Et ainsi, nous sommes dans la plénitude de la loi.

Vous connaissez probablement tous les belles paroles de saint Augustin: "Dilige et fac quod vis" - aime et fais ce que tu veux". Ce que dit saint Augustin est la vérité, si nous avons bien compris le sens du terme "amour". "Aime et fais ce que tu veux", mais nous devons réellement être entrés dans la communion avec le Christ, nous être identifiés avec sa mort et sa résurrection, être unis à Lui dans la communion de son Corps. Dans la participation aux sacrements, dans l'écoute de la Parole de Dieu, la volonté divine, la Loi divine entre réellement dans notre volonté, notre volonté s'identifie avec la sienne, elles ne deviennent qu'une seule volonté et ainsi nous sommes réellement libres, nous pouvons réellement faire ce que nous voulons, car nous voulons avec le Christ, nous voulons dans la vérité et avec la vérité.

Prions donc le Seigneur pour qu'il nous aide sur ce chemin commencé avec le Baptême, un chemin d'identification avec le Christ, qui se réalise toujours à nouveau dans l'Eucharistie. Dans la troisième prière eucharistique, nous disons: "Dans le Christ, nous devenons un seul corps et un seul esprit". C'est un moment dans lequel, à travers l'Eucharistie et à travers notre véritable participation au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, nous devenons un seul esprit avec Lui, nous sommes dans cette identité de la volonté et ainsi, nous arrivons réellement à la liberté.

Derrière ce terme - la loi s'est accomplie - derrière cette unique parole qui devient réalité dans la communion avec le Christ, apparaissent derrière le Seigneur toutes les figures des saints qui sont entrés dans cette communion avec le Christ, dans cette unité avec sa volonté. Et surtout apparaît la Vierge, dans son humilité, dans sa bonté, dans son amour. La Vierge nous donne cette confiance, nous prend par la main, nous guide, nous aide sur le chemin de l'union à la volonté de Dieu, comme Elle l'a été dès le premier moment et a exprimé cette union dans son "Fiat".

Et enfin, après ces belles choses, encore une fois dans la Lettre, il y a une évocation de la situation un peu triste de la communauté des Galates, lorsque Paul dit: "Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous allez vous entre-détruire... Laissez-vous mener par l'Esprit". Il me semble que dans cette communauté - qui n'était plus sur la voie de la communion avec le Christ, mais de la loi extérieure de la "chair" - ressortent naturellement également des polémiques et Paul dit: "Vous devenez comme des bêtes sauvages, l'un mord l'autre". Il évoque ainsi les polémiques qui naissent là où la foi dégénère en un intellectualisme et l'humilité est remplacée par l'arrogance d'être meilleur que l'autre.

Nous voyons bien qu'aujourd'hui encore, il y a des cas semblables où, au lieu de s'insérer dans la communion avec le Christ, dans le Corps du Christ qui est l'Eglise, chacun veut être supérieur à l'autre et avec une arrogance intellectuelle, veut faire croire qu'il est meilleur. C'est ainsi que naissent les polémiques qui sont destructrices, que naît une caricature de l'Eglise qui devrait être une seule âme et un seul coeur.

Dans cet avertissement de saint Paul, nous devons trouver aujourd'hui également un motif d'examen de conscience: ne pas penser être supérieurs à l'autre, mais nous trouver dans l'humilité du Christ, nous trouver dans l'humilité de la Vierge, entrer dans l'obéissance de la foi. C'est précisément ainsi que s'ouvre réellement également à nous le grand espace de la vérité et de la liberté dans l'amour.

Enfin, nous voulons rendre grâce à Dieu, car il nous a montré son visage dans le Christ, parce qu'il nous a donné la Vierge, il nous a donné les saints, il nous a appelés à être un seul corps, un seul esprit avec Lui. Et nous prions pour qu'il nous aide à être toujours plus introduits dans cette communion avec sa volonté, pour trouver ainsi, avec la liberté, l'amour et la joie.



Au terme de sa visite au grand séminaire pontifical romain, le Saint-Père a partagé le dîner de la communauté dans le réfectoire, et a adressé les paroles suivantes aux séminaristes, avant de prendre congé:

848 On me dit que l'on attend encore un mot de ma part. J'ai peut-être déjà trop parlé, mais je voudrais vous dire ma gratitude et ma joie d'être avec vous. Dans nos conversations ici, à table, j'ai appris de nouvelles choses sur l'histoire du Latran, en commençant par Constantin, Sixte V, Benoît XIV, le Pape Lambertini.

J'ai vu ainsi tous les problèmes de l'histoire et la renaissance toujours nouvelle de l'Eglise à Rome. Et j'ai compris que dans la discontinuité des événements extérieurs se trouve la grande continuité de l'unité de l'Eglise dans tous les temps. Et sur la composition du séminaire également, j'ai compris que celle-ci est une expression de la catholicité de notre Eglise. Venus de tous les continents, nous sommes une Eglise et nous avons en commun l'avenir. Souhaitons seulement que croissent encore les vocations car nous avons besoin, comme l'a dit le Recteur, d'ouvriers dans la vigne du Seigneur. Merci à vous tous!



Discours 2005-2013 842