Ars Procès informatif 721

TEMOIN XII – PIERRE ORIOL – 17 août 1863

721 (721) Session 77 – 17 août 1863 à 10h du matin

(722) Juxta primum interrogatorium, monitus testi de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :

Je connais la force et la nature du serment que je viens de faire, et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.


Juxta secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je me nomme Pierre Oriol ; je suis né à Pélussin, diocèse de Lyon ; je suis âgé de quarante neuf ans. Mon père se nommait Jean-Pierre Oriol et ma mère Marie-Anne Vaney. Je suis propriétaire rentier, vivant dans une honnête aisance.



Juxta tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je m’approche très fréquemment des sacrements, je fais ordinairement la sainte communion deux fois par semaine, j’ai eu le bonheur de communier hier.


Juxta quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je n’ai eu à comparaître devant les tribunaux civils que pour défendre mes droits sur mes biens patrimoniaux.


Juxta quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je n’ai jamais encouru ni censures, ni peines ecclésiastiques.


Juxta sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Personne, ni de vive voix, ni par écrit, ne m’a suggéré ce que je devais dire ou passer sous silence. Je n’ai pas lu les articles présentés par le Postulateur de la cause. Je ne dirai que ce que j’ai vu ou entendu moi-même, ou ce que j’ai appris de témoins dignes de foi.



Juxta septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’ai toujours eu une grande affection envers le Serviteur de Dieu, je l’invoque tous les jours avec une grande (723) confiance. Je désire vivement sa béatification ; cependant en cela je ne me propose que la gloire de Dieu et l’honneur de l’Eglise.



Juxta octavum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je sais que le Serviteur de Dieu est né à Dardilly, diocèse de Lyon, dans l’année mil sept cent quatre-vingt-six. Je ne connais rien autre sur cet interrogatoire.



Juxta nonum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’ai appris de personnes dignes de foi que Mr Vianney avait passé son enfance et une partie de son adolescence à Dardilly auprès de ses parents, qu’ensuite il avait fait ses études à Ecully chez Mr Balley.



Juxta decimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’ai appris des mêmes personnes que dans le cours de ses études, Mr Vianney se proposait d’acquérir la science nécessaire au prêtre. Soit pendant son enfance et son adolescence, soit pendant ses études, il a toujours donné de grandes marques de piété.



Juxta undecimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’ai entendu dire bien des fois que Mr Vianney avait dû momentanément abandonner le cours de ses études pour obéir à la loi de la conscription militaire. Par un concours de circonstances que je ne puis bien préciser, il fut conduit dans la paroisse des Noës auprès d’une bonne veuve. Là il travaillait aux champs avec les autres ou bien il faisait l’instruction aux jeunes gens de la paroisse. Il était aimé de tout le monde à cause de sa piété et de son aménité. J’ai vu Mr Vianney recevoir très cordialement le fils de la veuve qui lui avait donné l’hospitalité.



Juxta duodecimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je ne sais rien de précis sur cet interrogatoire.


Juxta decimum tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’ai appris de personnes dignes de foi que Mr Vianney avait été placé comme vicaire à Ecully. J’ignore le temps qu’il y est resté.


Juxta decimum quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je sais d’après le témoignage public (724) que le Serviteur de Dieu, nommé Curé d’Ars, s’efforça de corriger les abus qu’il avait trouvés dans la paroisse. Le principal moyen qu’il employa fut la prière. Mais pour déraciner plus facilement et plus promptement l’abus des danses, il ne craignit pas de donner de l’argent au ménétrier et au cabaretier. Un succès complet couronna ses efforts.


Juxta decimum quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Le Serviteur de Dieu a affilié sa paroisse à l’archiconfrérie de Notre Dame des Victoires, à Paris. Il établit une Providence pour l’éducation des jeunes filles ; il en confia la direction à des personnes pieuses, qu’il avait formées lui-même à la vertu. Il fonda également pour l’éducation des garçons une école qu’il confia aux Frères de la Sainte Famille de Belley. Ce sont les dons de la charité publique qui lui ont permis de faire ces deux établissements. Je ne sais s’il a pris conseil, mais j’ai la conviction qu’il n’a rien fait sans l’assentiment de son Evêque. Je ne sache pas qu’il ait donné des règles particulières. Du reste, sollicité par des personnes graves et qui avaient autorité sur lui, il se décida à confier la direction de la Providence aux Soeurs de Saint Joseph. Ces deux établissements existent encore et continuent à faire beaucoup de bien.



Juxta decimum sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne connais personne qui ait mieux accompli les commandements de Dieu et de l’Eglise et ses autres obligations que Mr le Curé d’Ars. Non seulement il y était parfaitement fidèle, mais encore il les faisait observer aux autres. Je ne sais rien, ni acte, ni parole qui soit contraire à l’exact accomplissement de ses devoirs. J’explique les absences qu’il a faites de sa paroisse par le motif de porter secours aux paroisses voisines. Son peuple ne souffrait pas de ses éloignements momentanés. Il revenait exactement le dimanche. Je n’étais pas ici à l’époque de ses fuites : je crois qu’elles furent des tentations provenant du désir qu’il avait de mener une vie plus retirée. Je me rappelle qu’il me dit un jour à la sacristie d’un air très satisfait : « Monseigneur (725) va venir, je lui demanderai de me retirer pour pleurer ma pauvre vie. »



Juxta decimum septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

Je sais que Mr Vianney a eu à supporter dans son ministère des injures, des contradictions à l’occasion de conversions de certaines personnes. Elles venaient de la part des personnes qui étaient intéressées à ce que ces conversions n’eussent pas lieu. Plusieurs ecclésiastiques à qui on rapportait d’une manière inexacte ce qu’il avait dit ou ce qu’il avait fait le jugèrent défavorablement. Pendant tout le temps que je l’ai connu, je ne crois pas qu’il ait donné aucune occasion à ces injures ou à ces contradictions. Il les a supportées d’une manière héroïque.



Juxta decimum octavum interrogatorium, testis interrogatus respondit :

J’affirme que le Serviteur de Dieu a pratiqué toutes les vertus chrétiennes et qu’il y a persévéré jusqu’à la mort. C’est le bruit de ses vertus qui me fit entreprendre le pèlerinage d’Ars en mil huit cent trente-quatre. L’édification de sa sainte vie m’engagea plus tard, en mil huit cent cinquante-six, à fixer ma résidence à Ars.



Quoad fidem, testis respondit :



Je crois que Mr Vianney a pratiqué la foi au suprême degré. J’ai acquis cette conviction en le suivant pendant ses différentes actions durant mon séjour à Ars. Je n’ai rien de précis sur les premières années du Serviteur de Dieu.



J’ai appris que dès son arrivée à Ars il s’efforça de faire fleurir la piété. Pour cela il combattit les abus qu’il avait trouvés dans sa paroisse. Le dimanche n’était pas sanctifié comme il aurait dû l’être, les travaux avaient lieu presque comme les jours ouvriers. Il vint si bien à bout de déraciner cet abus que non seulement on ne travaillait pas, mais encore qu’on ne vendait et qu’on n’achetait pas. Les voitures publiques elles-mêmes n’arrivaient point à Ars le dimanche et n’en partaient pas ; lorsque plus tard la trop grande affluence des pèlerins eut rendu leur arrivée et leur départ nécessaire, elles s’arrêtaient à l’entrée du village ; on n’aurait pas voulu attrister Mr Vianney, qui n’aimait pas (726) qu’on voyageât le dimanche. Il tenait beaucoup à la sanctification du jour consacré au Seigneur.



Il parvint aussi, grâce à son zèle, à détruire l’usage des danses. J’ai déjà dit que pour cela il n’avait pas craint de faire des sacrifices pécuniaires, en donnant de l’argent soit au ménétrier, soit au cabaretier.



La foi du Serviteur de Dieu le porta à agrandir et embellir son église, à lui procurer de beaux ornements. Il aimait à donner aux cérémonies toute la pompe possible, il s’efforçait de n’omettre aucune de celles que l’Eglise prescrit et de les exécuter avec de grands sentiments de foi. A la manière dont il annonçait la fête du Saint Sacrement, on voyait que cette fête lui était particulièrement chère. Il voulait que les reposoirs fussent très beaux, et quand il avait le bonheur de porter lui-même le Saint Sacrement, sa figure était comme rayonnante et montrait la foi vive qui l’animait.



Quand il célébrait le Saint Sacrifice, il paraissait comme en extase surtout au moment de la consécration et le la communion. Je n’ai jamais vu de prêtre célébrer avec plus de foi. En le suivant pendant cette auguste action, on était porté à croire qu’il voyait souvent Notre Seigneur Jésus-Christ ; c’était là un bruit public, je partageais moi-même cette opinion. Lorsqu’il avait à parler sur la présence réelle, il le faisait dans des termes qui arrachaient des larmes à ses auditeurs. Ce sujet revenait dans presque toutes ses instructions.



Le Curé d’Ars administrait tous les sacrements avec de grands sentiments de foi. J’en ai été particulièrement frappé lorsque j’ai eu le bonheur de lui voir donner la sainte communion à l’église, ou de l’accompagner lorsqu’il administrait les malades. Les quelques mots qu’il avait coutume d’adresser aux malades impressionnaient fortement tous ceux qui l’entendaient.



Il parlait souvent du prêtre dans ses instructions ; il tâchait de faire comprendre aux fidèles l’excellence (727) du sacerdoce. Il disait en particulier : « Si on comprenait bien le prêtre sur la terre, on mourrait, non de frayeur, mais d’amour. »



Le Serviteur de Dieu parlait dans ses catéchismes et ses instructions de Dieu, du Ciel, de l’action du Saint Esprit dans les âmes, de la prière, de la beauté d’une âme en état de grâce, dans des termes qui frappaient vivement ses auditeurs. Ces sujets revenaient très fréquemment, et je puis dire que cependant on ne se lassait pas de l’entendre.



La première fois que je vis Mr le Curé, ce fut à la Providence où il faisait le catéchisme aux enfants. L’auditoire se composait encore de quelques personnes pieuses de la paroisse et d’un certain nombre de pèlerins. La première parole que j’entendis m’alla droit au coeur et me reprocha toute ma vie. Son air vénérable et plein de dignité me frappa. Je remarquai dans ce premier catéchisme ce que j’ai vu dans tous les autres, que Mr Vianney parlait très simplement et familièrement. Pour démontrer la vérité sur laquelle il parlait, il employait des comparaisons simples et à la portée de tous. Néanmoins sa parole faisait impression et portait avec elle la conviction jusqu’au fond du coeur.



La foi paraît avoir été le grand mobile de toutes les actions du Curé d’Ars. Il semblait ne vivre que par elle. J’ai cru le remarquer pendant tout le temps que je l’ai connu.



Quoad spem, testis respondit :



Quant à l’espérance, j’affirme que Mr Vianney l’a portée à un très haut degré. Il ne compta jamais sur lui-même. Malgré les nombreuses difficultés qu’il eut à essuyer, on ne le vit jamais se décourager ou se relâcher dans le genre de vie qu’il avait embrassé. Il avait une très grande horreur du péché ; quand il en parlait, il paraissait comme effrayé et il sentait vivement le malheur qu’il cause aux âmes en les privant de la grâce de Dieu et (728) en les éloignant du Ciel. Au contraire quand il parlait du Ciel, on ne saurait peindre la joie qui brillait sur sa figure. On voyait bien qu’appuyé sur la grâce de Dieu, il comptait y aller un jour. Souvent il revenait sur la grande miséricorde de Dieu et sur la facilité que nous avons d’aller au Ciel. Il disait même : « Dieu nous donne ses grâces avec tant d’abondance, que pour aller au Ciel, il n’y a qu’à le vouloir. » Il ne cessait d’engager les fidèles à travailler au salut de leur âme. Quand on lui parlait des peines qu’on éprouvait, il recommandait de ne pas se laisser aller au découragement ; il avait coutume alors de montrer le ciel, comme pour indiquer que la pensée du Ciel devait nous rendre légères les croix et les peines de la vie. Il savait si bien développer les motifs de l’espérance chrétienne, qu’il faisait renaître le calme dans les âmes troublées et leur inspirait une grande confiance en Dieu.



Pour lui, il ne négligeait point le soin de son salut. Malgré ses nombreuses occupations, il ne perdait point de vue la présence de Dieu et semblait être continuellement en communication avec lui. Dieu permit cependant qu’il fût en butte à des contradictions, et qu’il ressentît des peines intérieures. Il avait une grande crainte de la mort, des jugements de Dieu. Il était tourmenté du désir d’aller dans la solitude pleurer sa pauvre vie, comme il le disait. Il ne perdit point pour cela la confiance en Dieu ; il semblait même que toutes ces peines la rendaient plus vive. Lorsqu’on l’engageait à prendre quelque repos et à apporter quelque adoucissement à son genre de vie, il répondait : « Je me reposerai en paradis. » Je lui ai entendu dire : « Je connais quelqu’un qui serait bien attrapé s’il n’y avait point de paradis. » Il ajouta : « Ah ! je pense souvent que quand même il n’y aurait point d’autre vie, ce serait un assez grand bonheur d’aimer Dieu dans celle-ci, de le servir et de faire quelque chose pour sa gloire. » Lorsqu’il voyait offenser Dieu, il versait des larmes ; mais s’il était témoin de quelque acte de vertu, son coeur semblait de dilater.



(729) Je sais que Mr Vianney a eu beaucoup à souffrir de la part du démon. Je l’ai entendu dire souvent que le diable l’avait bien tourmenté. J’ai appris par le bruit public qu’un jour le démon lui avait dit : « Vianney, Vianney, je t’aurai, je t’aurai » et que le curé lui avait répondu : « Je ne te crains pas bien ».


731 (731) Session 78 – 18 août 1863 à 8h du matin



Et prosequendo decimum octavum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne crois pas qu’il soit possible de porter l’amour de Dieu plus loin que ne l’a fait Mr Vianney. J’ai été singulièrement frappé de sa grande charité pendant tout le temps que je l’ai connu. J’ai souvent entendu dire que les paroissiens d’Ars avaient été profondément touchés en voyant Mr (732) Vianney passer de longues heures à l’église et de temps en temps jeter les yeux sur le tabernacle avec une expression qui indiquait tout son bonheur. Il s’efforça de faire fleurir la dévotion envers le Saint Sacrement et portait les fidèles à la communion fréquente. Il aurait voulu établir l’adoration perpétuelle de jour et de nuit ; néanmoins par ses exhortations il était arrivé à avoir presque continuellement des adorateurs pendant la journée. J’ai remarqué sa profonde émotion lorsque le Saint Sacrement était exposé. On ne pouvait le voir prier ou dire la Sainte Messe sans être touché et attendri jusqu’aux larmes. Lorsque dans son catéchisme il parlait de l’amour de Dieu, il le faisait dans des termes qui nous impressionnaient vivement. Il se tournait de temps en temps avec amour vers le tabernacle qu’il appelait le buffet du bon Dieu, où était la nourriture de notre âme.



Les personnes qui s’adressaient à lui pour la confession, se sentaient portées à aimer Dieu lorsqu’elles l’entendaient les exhorter à l’amour de Dieu. Aucun autre prêtre ne produisait sur elles la même impression. Il arrivait souvent qu’au sortir du confessionnal, les pèlerins disaient : Quel prêtre ! Quant à moi, jamais personne ne m’a autant touché.



Mr Vianney vivait constamment en la présence de Dieu. Je crois que son âme était toujours unie à Dieu et communiquait avec lui, même au milieu des plus grandes occupations. La foule qui l’environnait, et qui très souvent le harcelait, ne pouvait lui faire perdre de vue la présence de Dieu. Sa conversation tout entière était empreinte de la pensée de Dieu. Il ne parlait jamais des affaires ordinaires sans ramener bientôt la conversation à son sujet favori, l’amour de Dieu.



Cette charité envers Dieu si vive et si ardente, il travaillait à la communiquer aux autres. Faire aimer Dieu, tel a été le but de toute sa vie, de ses prédications, de son travail de tous les jours, comme aussi de toutes ses oeuvres. Lorsque dans la foule (733) quelqu’un lui disait : « Mon Père, nous ne nous reverrons plus. – Oh ! si, mon enfant, répondait-il, nous nous reverrons au Ciel. » Et s’il ne pouvait répondre, il montrait le ciel d’un geste si expressif, qu’involontairement les yeux se mouillaient de larmes et que l’on se sentait porté à aimer Dieu.



Sa charité envers le prochain n’était pas moins admirable. Elle parut avec éclat dès son enfance, ainsi que je l’ai entendu dire. Je n’ai pas cependant de détails précis à ce sujet. Je sais qu’il se privait de ce qui pouvait lui faire plaisir pour le donner aux autres. Aux Noës, il sut se faire aimer en se rendant utile au prochain ; il se chargeait volontiers des plus rudes travaux, afin de soulager les autres. J’ai entendu dire qu’à Verrières, il s’était fait remarquer par sa grande charité et sa grande aménité.



Pendant les cinq années que j’ai bien connu Mr Vianney à Ars, j’ai vu par moi-même qu’il consacrait tout son temps au service de Dieu et du prochain. Il ne s’en réservait presque point. J’ai su que dès les commencements, il s’était fait tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. Dans le but d’attirer à Dieu ses paroissiens, il s’était efforcé de remplir tous ses devoirs de curé avec la plus grande édification. Il ne négligea aucun des moyens qui pouvaient faire fleurir la piété dans cette paroisse.



Il prêta volontiers son concours aux confrères qui l’appelaient. J’ai entendu dire qu’à la mission de Trévoux, il avait fait beaucoup de bien. Il ne cessait de gémir sur le sort des pauvres pécheurs. Tous les samedis après sa messe, il disait pour leur conversion les litanies de Sainte Vierge. Dans la même intention, il récitait chaque jour un Pater et un Ave Maria. Son désir de procurer la conversion des pécheurs lui a fait fonder l’oeuvre des missions : c’était là comme son oeuvre favorite. Il se réjouissait dans les derniers temps d’en avoir établi quatre-vingt-dix ; il aurait voulu arriver à la centième. Il me disait : «Quel bien font ces missions ! » Une autre fois, il me dit : « J’ai demandé à Sainte Philomène quelle était celle de mes oeuvres la plus agréable au bon Dieu. – Celle des missions » répondit-elle. Cette oeuvre des missions ne lui faisait pas oublier les autres qu’il avait entreprises pour la gloire de Dieu.



(734) Je puis dire que depuis l’établissement du pèlerinage d’Ars, Mr Vianney a consacré presque tout son temps à entendre les confessions des fidèles. Il ne paraissait jamais si content que lorsque toute la journée, il avait été écrasé par l’affluence des pénitents. Pendant les cinq dernières années de sa vie, je l’ai vu presque continuellement exercer ce ministère. Voici quel était l’ordre de sa journée. A une heure du matin, quelquefois même à minuit, il se rendait à l’église pour entendre les confessions des nombreux pèlerins qui l’attendaient et qui très souvent avaient passé la nuit sous le porche. Il confessait jusqu’à six ou sept heures du matin. Alors, après avoir fait sa préparation devant le Maître-autel, il disait la Sainte Messe. Il bénissait ensuite les objets de piété qu’on lui présentait, et donnait quelques paroles de consolation aux personnes qui pouvaient arriver jusqu’à lui. Il allait prendre à la cure son petit déjeuner, et un quart d’heure après, il revenait au confessionnal où il restait jusqu’à dix heures ou dix heures et demie ; puis il récitait à genoux son bréviaire, et à onze heures faisait son catéchisme. Il confessait encore quelques personnes qui ne pouvaient attendre plus longtemps, visitait ensuite les malades, et rentrait au presbytère pour prendre son modeste repas, suivi d’un petit moment de repos. Il ouvrait sa nombreuse correspondance, rendait visite aux missionnaires et rentrait à l’église pour y réciter son office. Il confessait les femmes jusqu’à quatre ou cinq heures, rentrait cinq minutes à la cure, puis revenait à l’église pour entendre les confessions des hommes jusqu’à sept heures et demie ou huit heures. Il montait en chaire pour réciter le chapelet de l’Immaculée Conception et faire la prière du soir. Après cela il rentrait au presbytère, où il recevait encore quelques personnes avec lesquelles il s’entretenait très agréablement, mais toujours d’une manière édifiante. Il se fermait ensuite seul dans sa chambre. Que faisait-il pendant la nuit ? je l’ignore, mais je crois qu’il en passait encore la plus grande partie à prier. Le lendemain, il recommençait comme la veille et il en a été ainsi pendant tout le temps que je l’ai connu. Il m’a avoué un (735) jour que pendant les quarante ans qu’il a passés à Ars, il n’avait pas eu une demi-journée à lui. Sur la fin de sa vie, ce ministère devait lui être extrêmement pénible. Une toux très aiguë lui déchirait la poitrine ; il ne pouvait presque (pas) dormir la nuit ; cependant quand l’heure était arrivée, il se levait et reprenait gaiement sa longue et rude journée de travail.



Mr Vianney aima toujours beaucoup les pauvres ; il se dépouillait de tout pour les secourir ; ainsi, il donnait son linge, et pour lui en conserver, les personnes qui l’entouraient se virent obligées de le fermer et de ne (le) lui donner qu’au fur et à mesure qu’il en avait besoin. Il vendit ses meubles, son camail de chanoine, et jusqu’à ses dents afin d’avoir de l’argent pour ses pauvres. Jamais il ne refusait l’aumône aux mendiants qui venaient solliciter sa charité ; quand il n’avait rien, il empruntait de l’argent aux personnes qui étaient avec lui, tant il lui en coûtait de laisser partir un pauvre sans lui faire l’aumône. Il donnait généreusement et engageait les fidèles à donner à leur tour. « Les pauvres, disait-il, sont les amis du bon Dieu. » Les provisions que quelques personnes lui faisaient parvenir, il les envoyait presque toujours aux pauvres. Je sais par le bruit public qu’il payait plus de trente loyers. Il méprisait l’argent pour son usage personnel, et ne l’estimait que parce qu’il était le moyen de soutenir ou de fonder les bonnes oeuvres.



Quoad prudentiam, testis respondit :



J’ai vu par moi-même et je tiens de personnes dignes de foi que Mr Vianney était très prudent. J’ai entendu dire que lorsqu’il faisait ses études, il fit un pèlerinage au tombeau de Saint François Régis, afin de demander à ce grand saint un peu plus de facilité pour réussir dans la carrière à laquelle il se croyait appelé.



J’ai su qu’il n’entreprenait rien d’important sans avoir fait une neuvaine ou avoir prié Dieu, et d’après le bruit public, il se donnait la discipline lorsqu’il voulait obtenir une grâce importante. Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai été à même d’admirer sa prudence dans ses paroles, dans ses actions, dans la direction qu’il savait donner. Quand (736) on voulut acheter la maison des missionnaires, il me consulta pour savoir ce que j’en pensais. Je ne lui cachai pas que vu des difficultés particulières, cet achat pourrait devenir l’objet d’un procès. – « Oh ! n’en parlons plus » reprit-il aussitôt. Il courut à l’instant trouver le missionnaire qui lui avait parlé de cette affaire, pour le prier de ne plus y donner suite. Comme le missionnaire y tenait beaucoup, Mr Vianney dit la messe à l’autel de Sainte Philomène, et les difficultés s’aplanirent.



On consultait beaucoup le Serviteur de Dieu. Il répondait à l’instant si la chose était facile, mais si la question lui paraissait délicate, tantôt avant de répondre, il faisait faire une neuvaine au Saint Esprit, à Sainte Philomène ou au Saint Coeur de Marie ; ou bien il disait qu’il y songerait devant le bon Dieu et ne donnait sa réponse qu’après avoir prié et souvent même qu’après avoir dit la Sainte Messe. S’il était question de décider une vocation ou une affaire spirituelle ou temporelle, il faisait faire une neuvaine au Saint Esprit ; quand on demandait la conversion d’un pécheur, il conseillait une neuvaine au Saint Coeur de Marie ; mais si l’on désirait obtenir la guérison du corps, il faisait faire une neuvaine à Sainte Philomène. Quant à moi, je me suis toujours applaudi d’avoir suivi les conseils de Mr Vianney, et j’ai vu un grand nombre de personnes se féliciter de l’avoir consulté et d’avoir fait ce qu’il avait dit. J’ai su que des personnes qui avaient demandé ses conseils et qui ne les avaient pas suivis, avaient eu à s’en repentir.



Quoad justitiam, testis respondit :



J’ai déjà dit qu’il était très exact à remplir tous ses devoirs. Il ne se contentait pas de l’observation des préceptes, il y joignait encore la pratique des conseils évangéliques.



Il était bon et affable envers tout le monde. Sa politesse était pleine de charité et n’avait rien d’affecté. On voyait qu’il ne faisait acception de personne ; il recevait le riche comme le pauvre ; mais dans les marques de politesse, il savait traiter chacun selon son rang. Il portait un grand respect aux prêtres ; il les faisait passer de suite lorsqu’ils réclamaient son ministère. Il se montrait continuellement appliqué à écarter de ceux qui vivaient auprès de lui (737) la plus légère contrariété. Quand il voyait ses collaborateurs un peu fatigués, il s’empressait autour d’eux et les remplaçait pour les prédications en leur recommandant de se soigner et de prendre du repos. Il était très reconnaissant pour les services qu’on pouvait lui rendre ; mais dans les démonstrations de sa reconnaissance, on ne voyait rien d’affecté.



Mr Vianney parlait souvent de sa mère et du bien qu’elle lui avait fait. Il disait fréquemment qu’on ne saurait jamais être assez reconnaissant pour les services que nous avons reçus d’une mère chrétienne. Le nom de Mr Balley était aussi souvent dans sa bouche. Il se rappelait avec plaisir les bons habitants des Noës, qui lui avaient autrefois donné l’hospitalité ; il n’en parlait qu’avec affection.



Quoad obedientiam, testis respondit :



Je suis convaincu que le Serviteur de Dieu a toujours été très obéissant envers ses supérieurs. Je crois que pendant que j’étais à Ars, il n’entreprenait rien d’important sans prendre l’avis de son Evêque. Je n’ai cependant aucun fait à signaler. J’ai vu durant mon séjour à Ars qu’il était plein de respect pour les représentants de l’autorité civile et qu’il leur obéissait dans les choses qui étaient de leur attribution. Quant au fait de la désertion, dont j’ai entendu parler comme tant d’autres, je ne sais comment l’expliquer, mais je ne crois pas qu’il y ait eu de sa part aucune faute.



Quoad religionem, testis respondit :



La religion de Mr Vianney se manifestait par le soin et le zèle qu’il mettait à tout ce qui regarde le culte divin. Il aimait beaucoup les beaux ornements, les autels bien décorés ; il s’efforçait de donner au culte, ainsi que je l’ai dit, toute la pompe possible. Il recherchait les objets de piété, il avait une véritable prédilection pour les saintes reliques. Son église, sa chapelle de la Providence, sa chambre en étaient remplies. Il avait en grande estime toutes les pratiques et les dévotions autorisées par l’Eglise. Il parlait souvent du Saint Esprit, et comme je l’ai dit, faisait faire des neuvaines en son honneur. Il ne passait jamais devant une croix sans faire d’une manière grave et posée le signe de la croix.



(738) En parlant de la foi j’ai déjà fait connaître sa profonde dévotion envers le Très Saint Sacrement. Son office, il le récitait à genoux : il recommandait beaucoup l’exercice du chemin de la Croix. On le faisait tous les jours publiquement.



Très souvent il parlait de la dévotion envers la Sainte Vierge, et il le faisait toujours de manière à convaincre ses auditeurs que lui-même avait pour elle une grande dévotion. Les samedis, il disait la messe à son autel. Quand l’heure sonnait, il se levait, disait un Ave Maria. Un très grand nombre de fidèles avait contracté cette pieuse pratique. Lorsqu’il apprit la définition du dogme de l’Immaculée Conception, il fit éclater sa joie et engagea les fidèles à donner de l’argent pour acheter une magnifique chasuble. « Pour moi, ajouta-t-il, - comme ma soeur me l’a raconté - je me vendrais pour la Sainte Vierge s’il le fallait. » Les fêtes de la Reine des Anges se célébraient à Ars avec beaucoup de dévotion : ce jour-là, les offices avaient lieu comme les dimanches.



Mr Vianney honorait les saints d’un culte particulier, et surtout les Saints Anges, Saint Joseph, Saint Jean l’Evangéliste, Saint François d’Assise, Saint François Régis, Saint Louis de Gonzague, Saint Stanislas Kostka, Saint Louis Roi de France, Sainte Colombe, Sainte Colette, Sainte Reine, Sainte Julie, Sainte Euphémie, Sainte Clémentine. Il avait fait une liste de ces saints et l’avait placée dans son bréviaire. Il conseillait fréquemment la dévotion aux saints, et engageait de s’en servir comme d’avocats auprès de Dieu. Il racontait souvent dans ses catéchismes ou ses instructions des traits tirés de la vie des saints. Il la lisait habituellement, et je crois même qu’il ne se couchait pas sans en avoir lu quelques passages. Un jour, ma soeur lui demanda quels livres elle pourrait lire pour faire quelques progrès dans la vertu : « L’imitation de Jésus-Christ, l’Evangile médité et la vie des saints : ces livres pourront vous suffire. » Telle fut sa réponse !



Il avait voué un culte tout particulier à Sainte Philomène ; il disait souvent la messe à son autel. C’est à elle qu’il attribuait toutes les grâces extraordinaires que l’on obtenait à Ars. Il a avoué un jour qu’il n’avait (739) rien demandé par l’intercession de Sainte Philomène sans avoir été exaucé.



Il engageait fréquemment à prier pour les âmes du purgatoire ; il a fondé pour elles à Ars une octave de messes. Le jour, il offrait ses actions pour la conversion des pécheurs ; ses souffrances de la nuit étaient pour les âmes du purgatoire .



(741) Session 79 – 19 août 1863 à 8h du matin



Et prosequendo decimum octavum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai déjà dit que le Serviteur de Dieu ne perdait point de vue la présence de Dieu et qu’il était continuellement uni à lui. Je ne puis rien dire autre sur son oraison.



Quoad fortitudinem, testis respondit :



Mr Vianney a certainement déployé une grande force pendant tout le cours de sa (742) vie : c’est là ma conviction profonde. Que de fois j’ai admiré pendant les cinq ans que j’ai vécu auprès de Mr Vianney, tout ce qu’il lui a fallu de force, de courage, de constance, et de patience pour continuer le genre de vie si austère et si pénible qu’il s’était prescrit. Je ne crains pas d’affirmer que la force du Serviteur de Dieu a été une des vertus qui m’ont le plus frappé dans lui. Il semblait complètement mort aux choses de ce monde ; il ne comptait et ne s’appuyait que sur Dieu. C’était là, à mon avis, le principe de cette force qui a brillé dans lui avec tant d’éclat.



Mr Vianney avait beaucoup à souffrir, surtout vers la fin de sa vie, d’une toux aiguë. Comme un jour, une personne le plaignait : « Ce n’est rien, répondit-il, je ne regrette que le temps qu’elle me fait perdre. » Il était sujet à plusieurs infirmités ; il avait en particulier une hernie. Je crois que pendant la nuit, il dormait fort peu par suite d’un malaise presque continuel et de la surexcitation des nerfs. Cependant malgré ses souffrances, il n’interrompait pas son travail ; chaque jour, comme je l’ai dit, il le reprenait vers une heure du matin et quelquefois plus tôt. Un jour, après une journée accablante, je l’accompagnai à la cure ; il paraissait si fatigué qu’il me semblait qu’il allait s’affaisser et tomber. Je lui offris mes services, mais lui ne voulut rien accepter ; il alluma lui-même son feu, se mit à causer avec moi et avec les personnes qui l’avaient suivi, comme s’il n’avait pas été fatigué. Ce jour-là, il ne voulut pas me laisser sortir de sa chambre sans m’accompagner jusqu’au bas de l’escalier.



Il ne voulait prendre aucune précaution contre le froid ou la chaleur. On fut obligé d’user de ruse pour mettre une bouillotte sous son confessionnal.



Mr Vianney eut à supporter un bon nombre de contradictions. Il eut surtout beaucoup à souffrir des importunités de la foule qui le harcelait de mille manières, qui le poussait, et quelquefois le faisait tomber. Pour lui, toujours calme et souriant, il paraissait n’y faire aucune attention ; on ne pouvait surprendre (743) en lui la moindre marque d’impatience. Un jour, une personne le retenait par le bras où il avait un cautère ; il se retourna et se contenta de lui dire doucement : « Restez tranquille. » Une autre fois, un prêtre, après s’être confessé ou entretenu longuement à la sacristie avec Mr le Curé, voulut avoir de ses cheveux. Le Serviteur de Dieu se refusa à ses désirs. Le prêtre se mit en devoir de lui en couper de force. Mr Vianney pour l’en empêcher se mit à courir par la sacristie. J’entendis moi-même le bruit de l’église, mais je n’osai entrer parce que c’était un ecclésiastique. Le prêtre ne pouvant avoir des cheveux du bon curé lui arracha son rabat et me le montra en sortant tout triomphant. Mr Vianney, calme comme à l’ordinaire, me pria d’aller au presbytère lui chercher un rabat sans me dire un mot de la scène qui venait de se passer.



Quand il sortait de l’église, la foule le suivait ; elle était quelquefois si nombreuse qu’elle le poussait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Tout le monde voulait le voir, lui parler, lui adresser quelque question ; une personne le remerciait d’une grâce reçue, une autre le priait d’en solliciter une par l’intercession de Sainte Philomène, etc. Pour lui, calme et souriant, il répondait à tout le monde avec un à-propos surprenant. Son air souriant et son regard plein de bonté faisaient plaisir à tout le monde.



Mr Vianney, qui montrait en toute circonstance tant de patience, était cependant d’un tempérament naturellement très vif, comme les personnes qui l’entouraient ont pu le remarquer. Il n’aimait pas les lenteurs dans ceux qui étaient autour de lui. Néanmoins je n’ai jamais entendu sortir de sa bouche une parole d’aigreur ; jamais je n’ai pu surprendre un signe d’impatience ; il était toujours bon, calme, maître de lui-même tout aussi bien devant les importunités de la foule qu’en face des procédés quelquefois pénibles et des paroles dures dont on usait parfois à son égard. Il a avoué à ma soeur qu’il avait travaillé pendant trente ans pour se vaincre lui-même.


744 (744) Quoad temperantiam, testis respondit :



Je crois que Mr Vianney prit un grand soin de mortifier ses passions et de dompter sa chair. Comme pour les autres vertus, je n’ai rien de bien précis sur les premières années de sa vie.



J’ai appris par le bruit public à Ars que le Serviteur de Dieu dès son arrivée dans cette paroisse se livrait à de grandes mortifications. Ainsi, on disait qu’il passait quelquefois plusieurs jours sans manger, qu’il se contentait de prendre pour son repas une ou deux pommes de terre, que d’autres fois il faisait lui-même quelques mate-faims ; qu’il donnait aux pauvres les provisions ou les mets que des personnes charitables lui apportaient, qu’il achetait aux mendiants leur pain noir et grossier afin d’en faire sa nourriture.



J’ai appris aussi par le bruit public qu’il se livrait à d’autres mortifications, qu’il couchait sur un lit fort dur, et quelquefois même au grenier sur un tas de bois.



Durant mon séjour à Ars, j’ai vu par moi-même ou j’ai su de personnes bien informées, que son genre de vie, quoiqu’il y eût apporté quelque adoucissement pour obéir, je crois, à son évêque, était encore extrêmement sévère. Le matin il se contentait de prendre un peu de lait ou de chocolat ; à midi il ne prenait que d’un seul plat. On m’a dit que le soir il ne prenait rien. Il mangeait très peu de pain ; on m’a assuré qu’il ne mangeait qu’une livre de pain par semaine. Je sais qu’il aimait beaucoup les fruits ; il s’en privait par mortification.



Le Serviteur de Dieu se donnait la discipline. Un jour que j’allais dans mon pays, il me chargea de lui acheter une chaînette en fer. Je fis la commission, mais il ne trouva pas la chaînette assez grosse. Quand durant l’hiver nous avions bien arrangé le poêle à la sacristie, il jetait de l’eau sur le feu pour l’éteindre dès qu’il arrivait.



Quoad paupertatem, testis respondit :



Le Serviteur de Dieu montra un grand amour pour la pauvreté. Il n’était jamais si content que lorsqu’il n’avait rien. Il ne s’occupait en aucune façon de ce qui pouvait le concerner. Des personnes pieuses et charitables, touchées de son dénuement, se chargèrent de lui fournir sa (745) nourriture, ses vêtements et ce dont il pouvait avoir besoin. Comme il avait vendu ses meubles, ces mêmes personnes lui en prêtèrent. Ses meubles étaient très pauvres ; il aurait refusé tout ce qui aurait ressemblé tant soit peu au luxe ; ainsi, Mr Pagès lui avait acheté un lit ; il le refusa parce qu’il n’avait pas l’apparence assez pauvre. Sa chambre respirait la plus grande pauvreté, comme on peut le voir encore aujourd’hui.



Ses vêtements indiquaient son amour pour la pauvreté. Bien qu’il aimât l’ordre et la propreté, toutefois par esprit de pénitence et de détachement et par amour pour la pauvreté, il ne voulait avoir qu’une soutane ; il la portait jusqu’à ce qu’elle tombât presque en lambeaux. Il consentait à la laisser raccommoder et laver quand elle en avait trop besoin. Les personnes qui s’occupaient de son vestiaire avaient soin de lui en tenir une prête ; mais elles se gardaient bien de la laisser dans la chambre, lorsqu’on lui avait rendu la vieille, parce qu’il aurait donné la neuve aux pauvres.



Quoad humilitatem, simplicitatem et modestiam, testis respondit :



Ces trois vertus brillaient d’un vif éclat dans Mr Vianney. Que de fois j’ai été frappé de sa grande modestie, de son aimable simplicité et de sa profonde humilité. Chez le Serviteur de Dieu, on ne voyait jamais d’affectation, jamais rien de l’homme qui veut paraître. On remarquait chez lui une simplicité d’enfant jointe à une grande finesse d’esprit qui lui faisait trouver le mot aimable ou l’heureux à-propos. Impossible de surprendre sur son visage l’expression de la gêne ou les traces d’une préoccupation personnelle. On aurait dit que le moi n’existait pas chez lui. De quelques procédés dont on usât à son égard, il paraissait content. Il disait même qu’on avait toujours trop d’attention pour lui. Il semblait indifférent aux éloges, (746) comme aux blâmes. Néanmoins on voyait qu’on lui faisait de la peine, lorsqu’on adressait quelques paroles à sa louange. Je le vis bien clairement un jour : j’avais cru devoir lui dire quelques mots flatteurs, il m’interrompit aussitôt en m’indiquant que ces sortes de conversations ne pouvaient lui plaire. Si on le blâmait, on voyait percer à l’extérieur la joie qu’il en ressentait intérieurement.



La foule des pèlerins l’environnait de grandes marques de respect ; on lui demandait sa bénédiction en se jetant à ses pieds ; on se recommandait à ses prières. Il semble qu’à la vue du concours si extraordinaire qui se faisait autour de lui, il aurait dû être tenté d’orgueil. On n’a jamais cependant pu surprendre un sentiment de retour sur lui-même ; il paraissait n’être pour rien dans tout ce mouvement. Il se disait un mauvais outil entre les mains du bon Dieu et il ajoutait que si Dieu avait trouvé un plus mauvais outil il s’en serait servi à sa place. Si quelquefois il semblait content de voir une grande affluence, c’était uniquement parce qu’il voyait le bien se faire, et les pécheurs se convertir.



Il souffrit de voir son portrait, qu’il nommait son carnaval, s’étaler aux boutiques d’Ars. Il m’avait défendu de le lui présenter pour le bénir avec les autres objets de piété ou mettre au bas sa signature, comme il le faisait pour les images, les petits livres que les pèlerins lui apportaient. Non seulement il pratiquait lui-même l’humilité, mais il désirait encore la faire pratiquer aux autres : aussi parlait-il souvent de cette vertu ; il en faisait un grand éloge et aimait à répéter cette idée que de nous-mêmes, nous ne sommes rien.



Quoad castitatem, testis respondit :



Je suis convaincu que Mr Vianney a toujours pratiqué cette vertu à la perfection. Sa conduite était en tout point irréprochable. Je n’ai jamais entendu dire qu’on ait attaqué sa réputation sous ce rapport. Dans les commencements cependant, quelques personnes malveillantes, comme on (747) me l’a rapporté, osèrent répandre quelques mauvais bruits sur son compte ; mais on n’y ajouta pas foi. Pour lui, il en fut tellement fatigué qu’il voulait quitter Ars, et il l’aurait fait sans doute, si une personne qui l’approchait de près ne lui eût fait comprendre que son départ pourrait les accréditer.



(749) Session 80 – 19 août 1863 à 3h de l’après-midi



Juxta decimum nonum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je pense que le Serviteur de Dieu a pratiqué toutes les vertus chrétiennes au degré héroïque. J’entends par vertu héroïque, celle qui n’est pas ordinaire, celle qui est portée à un haut degré de perfection. Ma déposition renferme les signes, les raisons qui prouvent que réellement Mr Vianney les a pratiquées au degré héroïque. J’ai la conviction qu’il y a (750) persévéré jusqu’à la mort sans jamais se relâcher de sa ferveur et qu’il n’a rien fait qui puisse ternir l’héroïcité de ses vertus.



Juxta vigesimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Le Serviteur de Dieu avait le don des larmes ; il pleurait très facilement lorsqu’il parlait du péché, lorsqu’il voyait un pécheur qui ne voulait pas se convertir. Les larmes étaient alors des larmes de tristesse et de douleur. Il pleurait aussi très fréquemment en parlant de l’amour de Dieu, de la Sainte Eucharistie, de la Sainte Vierge, en disant la messe, en rappelant les vertus des saints ; alors c’étaient des larmes de joie et de pieuse émotion.



2° Il lisait au fond des coeurs. Un jour qu’il confessait un pécheur, celui-ci lui déclara qu’il ne s’était pas confessé depuis vingt ans. « Depuis vingt-quatre, mon ami » lui répondit le Curé. Le pécheur en fut extrêmement étonné, et je l’ai entendu moi-même exprimer sa surprise et son étonnement. Un voleur du département de la Drôme vint se confesser au bon Curé. La confession finie, le Serviteur de Dieu lui dit : « N’avez-vous pas autre chose ? – Non, répondit le pénitent. – Cependant vous ne dites pas telle et telle chose » lui rappelant en termes exprès les vols dont il s’était rendu coupable, les noms des personnes qui en avaient été victimes et les lieux mêmes où il les avait commis. Le pénitent fut atterré, se convertit à l’instant même, fit une bonne confession ; il est devenu l’exemple de la contrée dont il avait été la terreur. Je tiens ces détails d’un prêtre du diocèse de Valence ou de Grenoble à qui le pénitent lui-même avait tout raconté.



3° Il annonçait les choses futures ; j’ai entendu un bon nombre de personnes le dire. Voici un fait arrivé dans ma famille. Mr le Curé d’Ars, consulté par ma soeur cadette sur un envoi de commerce que devait faire un de mes frères, négociant à Saint Chamond, répondit : « Ecrivez vite de ne pas expédier, car tout serait perdu. » Mon (751) frère malheureusement ne tint pas compte de cet avis. Il fit l’expédition et perdit le prix de sa marchandise.



4° Il a opéré un certain nombre de guérisons miraculeuses. J’en ai entendu raconter un grand nombre. En accompagnant journellement Mr Vianney dans les divers exercices de son ministère, j’entendais très souvent des personnes dire à Mr le Curé : « Je suis guéri. » Un jour une personne que je ne connaissais pas, me dit : « Vous ne vous souvenez pas de moi ; je suis celle qui a été si malade, et que vous vouliez faire approcher de Mr le Curé, et je ne le voulais pas. Je suis maintenant guérie et je me porte bien ; je suis venue ici pour remercier Dieu de ma guérison. »



J’ai vu le quatorze août mil huit cent cinquante-huit et les jours précédents, un jeune homme du diocèse de Clermont, marchant très péniblement à l’aide de deux béquilles. Il avait demandé plusieurs fois à Mr Vianney s’il devait quitter ses béquilles. Le quinze août au soir, à une dernière question, le Curé avait répondu : « Eh bien ! oui , si vous avez la foi. » A l’instant le jeune homme quitte ses béquilles, traverse la foule et va les porter à la chapelle de Sainte Philomène au grand étonnement de tout le monde. Le lendemain je l’ai vu marcher sur la place aussi bien que moi.



J’ai vu à Ars une femme du diocèse de Clermont, qui dansa toute la journée en chantant sur la place ; elle faisait pitié. On lui donna à boire de l’eau bénite ; elle devint furieuse ; elle mordait les murs de l’église. Un prêtre étranger qui se trouvait là, la conduisit sur le passage du Curé d’Ars. Mr Vianney en rentrant à la cure lui donna sa bénédiction sur la demande du prêtre. A l’instant cette femme devint calme, parfaitement calme. Son fils qui l’avait accompagnée dit qu’elle était dans ce triste état depuis quarante ans, mais que jamais il ne l’avait vue aussi furieuse qu’à Ars. Il (752) ajouta qu’il la croyait possédée du démon.



5° Il avait un don particulier pour consoler les affligés et convertir les pécheurs. J’ai vu bon nombre de personnes ou consolées, ou converties par lui. Un jour, un homme qui n’avait pas voulu d’abord s’approcher du Curé d’Ars, fut en quelque sorte forcé par nos instances d’entrer dans la sacristie où confessait le Serviteur de Dieu. Après sa première entrevue, il ne parut pas encore changé ; il ne s’était pas confessé. Le lendemain, allant chercher Mr le Curé pour confesser sa femme derrière l’autel, il fut vivement pressé par le Serviteur de Dieu ; il se confessa et au lieu de s’en aller immédiatement comme il en avait le projet, il resta huit jours pour mettre ordre à sa conscience. Il était si heureux à son départ qu’il voulait me donner de l’argent pour me remercier de l’avoir fait parler à Mr le Curé.



Juxta vigesimum primum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne sais rien sur cet interrogatoire.



Juxta vigesimum secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Au mois de mai ou au mois de juin mil huit cent cinquante-neuf, Mr Vianney, dans une homélie qu’il adressa à son peuple, lui rappela que Moïse avant de mourir avait assemblé les enfants d’Israël et qu’après avoir énuméré les bienfaits de Dieu, il les avait exhortés à lui rester toujours fidèles. « De même, mes frères, voyez combien Dieu a été bon pour vous ; vous avez ce que peu de paroisses ont le bonheur d’avoir ( et il détailla les diverses fondations ou oeuvres qui s’étaient faites dans la paroisse), soyez donc bien reconnaissants parce que si vous avez reçu beaucoup, Dieu vous demandera beaucoup. » Il finit par engager ses paroissiens à élever à Sainte Philomène une magnifique église en reconnaissance des grâces qu’on avait reçues d’elle. Le très grand nombre des fidèles qui entendirent ces paroles y virent l’annonce de sa mort prochaine.



Depuis quelque temps, en accompagnant Mr le Curé, je le voyais s’affaiblir et les forces diminuer sensiblement. Je croyais parfois qu’il allait tomber. J’avais remarqué qu’il ne pouvait plus dire son bréviaire à genoux. La toux aiguë dont il souffrait depuis vingt-cinq ans, devenait de jour en jour plus pénible et plus continuelle. La dernière fois qu’il fit son catéchisme, il m’appela à la sacristie et me demanda un peu de vin ; il en prit quelques gouttes dans le creux de sa main et put faire son catéchisme. Le soir il était tellement fatigué, qu’il ne put qu’à grand peine confesser deux personnes de mon pays que je lui adressai. C’était le vendredi vingt-neuf juillet mil huit cent cinquante-neuf. Le samedi matin, il n’eut pas la force de se rendre à l’église comme d’habitude. On s’empressa autour de lui pour lui procurer quelques soulagements. Il ne voulait déranger personne ; il n’acceptait que difficilement les soins qu’on lui prodiguait, les regardant comme inutiles : « C’est ma pauvre fin » disait-il. A peine voulait-il que quelqu’un restât levé la nuit ; on était obligé de veiller dans la chambre en face de la sienne. Il confessa encore plusieurs personnes qui n’avaient pas pu terminer leur confession. J’ai admiré constamment le calme, la résignation du malade au milieu de ses souffrances. Je n’ai rien remarqué du reste d’extraordinaire, si ce n’est le fait suivant : après la première maladie de Mr Vianney, on avait fait un tableau ou ex-voto en l’honneur de Sainte Philomène, à qui on attribuait sa guérison. Mr le curé y est représenté malade dans son lit ; un prêtre lui administre les derniers sacrements. Dans un angle supérieur de la toile, est une image de Sainte Philomène avec un nuage qui environne ses pieds et d’où part un rayon lumineux qui va se reposer sur la tête du malade. Ce rayon, pendant la dernière maladie de Mr Vianney est allé insensiblement en s’affaiblissant, et enfin a complètement disparu. J’affirme ce fait ayant vu le tableau dans les deux états. Ce tableau existe encore.



Le deux août, Mr Beau, curé de Jassans, administra les derniers sacrements à Mr Vianney. J’assistais à cette cérémonie ; la foule était très (754) nombreuse autour du presbytère ; à peine pouvait-on s’ouvrir un passage. Lorsque la cloche annonça qu’on allait lui apporter le Saint Viatique, Mr Vianney était dans un profond recueillement. Il allait, disait-il au Frère Elie, recevoir son Dieu pour la dernière fois ; il se possédait parfaitement, il était calme malgré la violence de ses douleurs. La dernière parole que je lui ai entendu prononcer, est la réponse qu’il fit au notaire lui demandant où il voulait être inhumé : « A Ars, dit-il, mais mon corps n’est pas grand-chose. » Mr Vianney est mort sans agonie et sans effort le jeudi quatre août à deux heures du matin.



Juxta vigesimum tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Le corps du Serviteur de Dieu fut après sa mort exposé dans la salle du presbytère au-dessous de sa chambre. Il se fit autour du corps un immense concours de personnes de toutes conditions et de tous pays. Les cloches des paroisses voisines avaient annoncé sa mort ; le bruit s’en répandit avec la rapidité de l’éclair. Le jour des funérailles quatre ou cinq mille personnes se trouvèrent à Ars. On eut grand peine à défendre contre l’avidité des pèlerins les objets qui avaient appartenu au Curé d’Ars ou qu’il avait seulement touchés. On coupait le bois de sa chaire, de ses confessionnaux, etc. Le jour de la sépulture, on entailla tellement la porte de sa chambre, que si je n’étais accouru, on serait parvenu à entrer.



Juxta vigesimum quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Après la cérémonie des funérailles qu’avait présidée Monseigneur l’Evêque de Belley et à laquelle avaient assisté environ trois cents prêtres ou religieux, le corps fut déposé dans la chapelle de Saint Jean-Baptiste, où il resta environ quinze jours, jusqu’à ce qu’on eût préparé le caveau au milieu de la nef de l’église. Pendant tout ce temps, le concours ne discontinua pas durant le jour ; la nuit, deux ou trois personnes étaient chargées de veiller autour du corps. Quand le caveau fut préparé, on célébra encore une messe pour le repos de l’âme du Serviteur de Dieu, et on descendit son corps dans l’endroit préparé. Une pierre tumulaire sur laquelle on avait gravé seulement ces mots : Jean-Marie Baptiste Vianney, Curé d’Ars, fut mise au-dessus. (755) Des fidèles en grand nombre vinrent s’agenouiller sur son tombeau et solliciter par son intercession quelque grâce particulière. Dans le commencement, les pèlerins déposèrent des couronnes comme on en met sur les tombeaux. On a fini par les faire disparaître ; on a toujours empêché qu’on y plaçât des ex-voto. Je n’ai rien vu qui ressemblât à un culte public.


757 (757) Session 81 – 20 août 1863 à 8h du matin



Juxta vigesimum quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Le Serviteur de Dieu jouissait pendant sa vie de la réputation d’un saint, c’est-à-dire que l’on parlait partout de ses vertus et des merveilles opérées par son ministère. Ce sont des personnes simples et dévotes qui ont commencé à établir sa réputation ; mais les personnes les plus graves par leur caractère, leur âge , leur position, ont fait plus tard écho à ces premiers bruits partis d’Ars et des paroisses voisines. J’ai été bien souvent témoin de l’admiration produite par le spectacle des vertus du Curé (758) d’Ars sur un grand nombre de personnes. Cette réputation n’a fait que grandir. Dans la dernière année de la vie du Serviteur de Dieu le nombre des pèlerins a été à une centaine de mille. Depuis la mort du Curé d’Ars et dans le moment actuel, sa réputation de sainteté grandit toujours ; le pèlerinage est florissant, la multitude des pèlerins, venus de tout pays, vient s’agenouiller sur sa tombe. Des personnes de toute classe et de toute condition se trouvent au nombre de ces pèlerins. On demande avec anxiété si l’on s’occupe du procès d’introduction de sa cause. Je ne sache pas que personne ait écrit, parlé ou agi contre cette réputation. Bien au contraire, un impie de Villefranche disait : « Il est fâcheux que le Curé d’Ars soit venu troubler le dix-neuvième siècle ». Quant à moi, je pense personnellement que le Curé d’Ars est un saint et un grand saint.



Juxta vigesimum sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai répondu par ce que j’ai dit dans le précédent interrogatoire.



Juxta vigesimum septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai entendu parler d’un grand nombre de guérisons obtenues par l’intercession du Curé d’Ars. En voici deux qui me sont personnellement connues. Un jeune homme de Doizieu, diocèse de Lyon, âgé de dix-neuf ans environ, nommé Jean-Marie Jamet, reçut le neuf juillet mil huit cent soixante-deux, un coup de corne d’un boeuf qui lui ouvrit les entrailles. La toile du ventre sortait, les intestins furent déplacés. Un médecin, Mr Humbert, de Saint Paul en Jarez vint visiter le malade, il trouva son état très grave et ne pensa pas qu’il pût aller jusqu’au dimanche. Il sonda la plaie, rejoignit les peaux, les cousit, y mit un peu de crème. Quel fut son étonnement, trois jours après, c’est-à-dire le douze, de voir que la plaie était complètement cicatrisée ! Il m’appela pour me faire partager son étonnement : « C’est bien extraordinaire » disait-il. J’ai appris qu’en sortant de la maison, il était allé chez Mr le Curé et lui avait dit : « Je viens de voir un vrai miracle. » En voici l’explication : ma soeur voyant ce jeune homme qui se désespérait, lui avait dit le jour même de l’accident de prendre confiance au Curé d’Ars et lui avait en même temps remis une médaille portant d’un côté l’effigie de Sainte Philomène et de l’autre celle du Curé d’Ars ; elle lui donna aussi un morceau de sa soutane en lui recommandant de placer le tout sur la plaie. On commença dans la famille une neuvaine au Curé d’Ars et j’écrivis moi-même pour faire dire une messe à Ars et le faire recommander aux prières des pèlerins. A la fin de la neuvaine, le jeune (homme) s’est (759) levé ; il avait un appétit dévorant et pouvait le satisfaire.



Vers la fin d’avril mil huit cent soixante-deux, un nommé Piédagniel d’Hébécrevon, canton Saint Lô, Manche, m’écrivit pour recommander aux prières d’Ars et avoir une messe en faveur de Marie Bernard, si ma mémoire ne me trompe pas. Cette personne avait un cancer sous l’oeil gauche. La messe se célébra le huit mai. Quelques jours après, je reçus une lettre m’annonçant la guérison de la malade mais sans me donner les détails ; le médecin n’avait pas été consulté. Cette personne et sa famille avaient fait une neuvaine en l’honneur du Curé d’Ars.



Juxta vigesimum octavum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai plus rien à dire.



Et expleto examine super interrogatoriis, deventum est ad articulos, super quibus testi lectis, dixit, se tantum scire, quantum supra deposuit ad interrogatoria, ad quae se retulit.



Sic completo examine, integra depositio jussu Rmarum Dominationum suarum perlecta fuit a me Notario a principio ad finem testi supradicto alta et intelligibili voce. Qua per ipsum bene audita et intellecta respondit se in eamdem perseverare, et illam iterum confirmavit.



Sequentia tantum addidit testis :



En parlant du don d’intuition j’ai oublié de dire que Mr Vianney discernait quelquefois dans l’église les personnes qui avaient le plus besoin de lui parler ; c’était l’opinion des pèlerins, qui en général ne se plaignaient pas de voir ces personnes passer avant les autres.



Un jour Mr le Curé me dit à la sacristie, où il était depuis une heure ou deux occupé à confesser : « Faites-moi venir une dame, qui est au fond de l’église. » J’y allai et ne trouvai pas cette dame. Je revins le dire à Mr le Curé qui me répondit : « Courez vite, elle est devant telle maison. » Je cours et je trouve la dame dont il m’avait parlé.






Ars Procès informatif 721