Ars Procès informatif 1353

TEMOIN – DENISE LANVIS – 5 août 1864



(1353) Suite de la session 152 – 5 août 1864 à 8h du matin


1360 (1360) Juxta primum interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas la vérité.



Juxta secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Denise Lanvis. Je suis née à Viriat, diocèse de Belley, le vingt-cinq mars mil sept cent quatre-vingt treize. Mon père se nommait (1361) Nicolas Lanvis et ma mère Marie Claudine Percieux. Je suis au service de Mr le Curé de Condeyssiat.



Juxta tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’approche souvent des sacrements et j’ai communié dimanche passé.



Juxta quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais été traduite en justice.



Juxta quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai encouru aucune peine, aucune censure ecclésiastique.



Juxta sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruite de ce que je devais dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun Article ; je ne dirai que ce que je sais.



Juxta septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je désire la Béatification et la Canonisation du Serviteur de Dieu, parce que je le regarde comme un grand saint.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad explicanda quae spectant quosdam strepitus in presbyterio S. Triverii Dumbarum auditos omissis coeteris interrogatoriis, interrogatus fuit super interrogatorio decimo octavo, super ei lecto respondit :



Deux fois j’ai eu l’avantage de voir Mr Vianney à la cure de St Trivier à l’occasion d’un Jubilé et d’une mission. Sa réputation de vertu l’avait précédé dans la paroisse et pendant les quinze jours qu’il prêta son concours à Mr le Curé et aux missionnaires, son confessionnal fut assiégé par les fidèles. Il s’y rendait de grand matin et y restait jusqu’à midi. On accourait à lui de St Trivier et des paroisses environnantes. Jamais malgré les rigueurs de la saison il ne voulut faire usage de chauffe-pieds. S’il l’acceptait par complaisance, il le laissait à côté de lui. A table Mr Chevalon, un des missionnaires, le pressait beaucoup de manger, sans pouvoir obtenir autre chose de lui que la plus modique réfection. J’ai entendu dire que se rendant d’Ars à St (1362) Trivier, étant parti à jeun, il s’égara au milieu des neiges et tomba en défaillance. Les soirées n’étaient pas moins occupées pour entendre les confessions que l’avait été le matin. Mr Vianney en arrivant dans la cure avait prévenu qu’on ne devait pas s’effrayer si on venait à entendre quelques bruits pendant la nuit. C’est ainsi que plus d’une fois déjà se traduisait pour lui l’arrivée de quelque grand pécheur. Des bruits fréquents et prolongés ne tardèrent pas effectivement à se produire et furent suivis de la conversion de grands pécheurs.



Je n’ai point entendu ces bruits moi-même. L’appartement dans lequel je couchais étant trop éloigné de la chambre occupée par Mr Vianney. Mais la soeur de Mr le Curé Grangier et Mr Chevalon, missionnaire, et Mr le Curé lui-même les entendirent parfaitement et en ont parlé fréquemment devant moi. Ces bruits étaient semblables à ceux que produiraient des meubles violemment traînés sur le plancher. La ville de St Trivier et le public, au loin, s’en émurent.



J’ai eu le bonheur de m’adresser plusieurs fois en confession à Mr Vianney et j’ai toujours été pénétrée de vénération pour lui, tant à cause de sa piété profonde que de la sagesse de ses conseils.



Je me suis rendue deux fois au presbytère d’Ars où Mr Vianney daigna lui-même étaler sur sa table et me faire admirer de splendides ornements. En louant leur richesse et leur beauté à différentes reprises, il avait toujours soin de dire en levant la main au ciel : « Mais au Ciel, tout sera plus beau. » Voilà tout ce que je sais.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa strepitus in presbyterio S. Triverii auditos deponeret inductus fuerat, Rmi Judices Delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita, illam in omnibus confirmavit ac postea propria manu, scribere nesciens, signum crucis exaravit, ut sequitur.



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TEMOIN – CLAUDINE VERCHERE – 5 août 1864


(1353) Suite de la session 152 – 5 août 1864 à 8h du matin


1363 (1363) Juxta primum interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas la vérité.



Juxta secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Claudine Verchère, femme Vernu. Je suis née à Ars le cinq février mil huit cent trente. Mon père se nomme André Verchère et ma mère Marguerite Lardet. Ma fortune est très modique.



Juxta tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’approche fréquemment des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie. J’ai communié dimanche passé.



Juxta quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais été traduite en justice.



Juxta quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai point encouru les censures ou les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruite de ce que j’avais à dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun Article du Postulateur. Je ne dirai que ce que je sais.



Juxta septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai toujours eu une grande estime, une grande vénération pour le Serviteur de Dieu. (1364) Je l’invoque avec confiance, je désire sa Béatification parce que je le regarde comme un grand saint. Je me dis souvent : « Si Mr le Curé d’Ars n’est pas un saint, il n’y en a point dans le ciel. »



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad confirmanda seu explicanda quae spectant sanationem pueri cui nomen Devoluet, omissis coeteris interrogatoriis, statim interrogatus fuit super interrogatorio vigesimo, super quo ei lecto respondit :



En mil huit cent cinquante-sept vers le mois de février, je reçus chez moi une pauvre mère portant son enfant dans ses bras ; elle venait le présenter à Mr le Curé pour en obtenir la guérison. Elle était d’autant plus effrayée sur l’avenir de ce cher enfant, qu’une petite fille, son aînée, atteinte du même mal en était demeurée estropiée. Aux premiers symptômes des douleurs ressenties par son fils, elle fut empressée de recourir aux médecins qui avaient soigné sa fille. Pour toute consolation on ne lui laissa que trop entrevoir que le sort de sa fille estropiée serait celui de son jeune frère, les mêmes causes produisant les mêmes effets.



Le premier soin de la mère Devoluet fut de présenter son enfant à Mr le Curé d’Ars en le conjurant de vouloir bien le guérir. Mr Vianney lui dit qu’elle pouvait être tranquille et qu’elle pouvait s’en retourner ; elle rentra chez moi toute désolée, pensant qu’il n’y avait rien à espérer et que son pauvre enfant serait estropié. Je lui conseillai de demeurer au moins deux ou trois jours et de continuer ses instances auprès de Mr le Curé. Le lendemain elle retourne auprès du Serviteur de Dieu et le prie avec larmes de prendre pitié d’elle et de son enfant. Mr Vianney la rassure de nouveau et lui dit de porter son enfant à Ste Philomène et de commencer une neuvaine. Elle obéit, puis rentre à la maison et dépose sur une chaise son pauvre infirme. Une jambe était complètement paralysée. J’approchai une seconde chaise pour soutenir sa jambe. L’enfant prend dans sa poche des globules de marbre avec lesquels il s’amuse. Pendant ce temps sa pauvre mère, rentrée à l’église, priait avec foi, suivant les (1365) conseils du saint Curé. J’étais moi-même occupée dans la maison, quand tout à coup j’entends rouler à terre un des globules du petit infirme. Il faisait des efforts pour ressaisir l’objet. Soudain sa jambe et son pied se raffermissent ; il est debout, s’élance et s’écrie : « Je suis guéri ! je suis guéri ! » Je fus saisie d’étonnement et de joie. Je regardais l’enfant avec émotion qui sautait en venant à moi et répétant : « Je suis guéri ! je suis guéri ! » Pour essayer ses forces, il monta les deux marches d’escalier qui conduisaient à la plate-forme de la maison et les franchit ensuite d’un seul coup. Je me disposais à aller appeler la mère, quand elle rentra. Saisie d’émotion, n’osant croire ni à ce qu’elle voyait, ni à ce qu’elle entendait, tant son coeur était confondu de sentir son enfant rendu à la santé. Le reste de la journée se passa en prières, en action de grâces et le lendemain la mère heureuse rentrait à St Romain avec son enfant qui aujourd’hui encore jouit d’une parfaite santé.



J’avais moi-même en mil huit cent cinquante-neuf une fille de quelques mois. Dès sa naissance mon mari et moi, nous remarquâmes une grosseur osseuse à la naissance de l’index de la main gauche. J’avais connu une femme estropiée par un mal semblable, ce qui redoublait mes frayeurs. Je consultai deux médecins, l’un de Belleville qui conseillait une opération quand ma fille aurait atteint six mois, l’autre de Villefranche qui s’y opposa craignant les suites de l’amputation. Au milieu de ces perplexités, je prends mon enfant dans mes bras, en me disant : « Combien d’autres viennent ici chercher la santé, et la recouvrent auprès de notre St Curé. Je veux solliciter à mon tour une preuve de sa puissance auprès de Dieu. » Arrivée à l’église près de la petite sacristie, où Mr le Curé confessait les hommes, je me vois (1366) arrêtée par la personne qui était chargée de maintenir l’ordre. Au même moment le Serviteur de Dieu ouvrant la porte au pénitent qui se retirait m’aperçut et me fit signe d’aller à lui. Je lui présentai ma fille en ouvrant sa petite main. Le Curé la prit, palpa la grosseur osseuse, se mit à rire et comme je lui demandais s’il fallait faire opérer ma fille, il me dit : « Ce n’est rien ; portez-la vers Ste Philomène et commencez une neuvaine. » Je lui offris l’honoraire d’une messe en le priant de vouloir bien la dire le lendemain. « Je ne le puis, me répondit-il, ma messe est promise, mais je vous promets d’avoir une intention particulière pour elle. » Je me retirai confiante aux paroles du Serviteur de Dieu, y conformant ma conduite. Je priai des pauvres qui se trouvaient à la porte de l’église de s’unir à moi pendant la neuvaine. Après deux ou trois jours regardant la main de ma fille, je vis avec autant de bonheur que de surprise qu’il ne restait pas de trace de la grosseur. J’appelai mon mari qui vérifia lui-même la grâce que nous venions d’obtenir du bon Dieu. La main de notre enfant est restée jusqu’à ce jour parfaitement guérie.



Il est aussi à ma connaissance qu’une femme, qui par suite d’un dépôt de lait à la jambe ne marchait que très difficilement avec des béquilles, a été heureusement guérie à Ars. Comme nous la voyions passer, mon mari étranger à la localité me dit : « Pour celle-là si elle guérit, il en guérira bien d’autres. »



Qua responsione accepta, omissis coeteris interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi (1367) Judices delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, in eadem perseveravit, illamque in omnibus confirmavit.



Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur



Ita pro veritate deposui



Moi Claudine Verchère femme Vernu





TEMOIN – ABBE JEAN CAMELET – 6 août 1864

1371 (1371) Session 153 – 6 août 1864 à 8h du matin



(1372) Juxta primum interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationiis, respondit :



Je connais parfaitement la nature et la force du serment que j’ai fait et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas la vérité.



Juxta secundum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Joseph Camelet. Je suis né le douze novembre mil huit cent neuf à Meximieux, diocèse de Belley. Mon père se nommait Pierre Camelet et ma mère Madeleine Georges. Je suis prêtre et supérieur des Missionnaires du diocèse.



Juxta tertium interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Ayant le bonheur d’être prêtre je dis la Messe tous les jours.



Juxta quartum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais comparu devant aucun tribunal.



Juxta quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne sache pas avoir encouru les censures ou les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruit de ce que j’avais à dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun des Articles du Postulateur. Je ne dirai que ce que je sais très bien.



Juxta septimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai toujours eu une haute idée de la sainteté de Mr le Curé d’Ars et depuis que j’ai eu le bonheur de le connaître, je l’ai aimé tendrement. Depuis sa mort je l’invoque comme un des plus grands saints que le bon Dieu ait donné à son église. Je désire ardemment sa Béatification et sa Canonisation pour la gloire de Dieu et de l’Eglise.



(1373) Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad confirmanda seu explicanda quae spectant quaedam facta circa virtutes, dona supernaturalia et famam sanctitatis, omissis coeteris interrogatoriis, statim interrogatus fuit super interrogatoriis decimo octavo super quo ei lecto respondit :



Mes premiers rapports avec le Serviteur de Dieu remontent à l’année mil huit cent cinquante-deux, époque à laquelle je fus appelé à Ars pour les exercices du jubilé. Le succès de ma mission fut satisfaisant. Il est difficile de dire le bonheur du Saint Curé en voyant l’élan de sa paroisse. Il m’exprima à différentes reprises le regret de n’avoir pas pu apprécier plus tôt le bienfait des missions, ajoutant que s’il l’avait connu plus tôt, il aurait procuré bien souvent cette faveur à sa paroisse. Depuis ce moment il fut pris d’un grand zèle pour recueillir des fonds destinés à établir des missions dans le diocèse. Dès mil huit cent quarante-neuf il avait commencé cette oeuvre et à sa mort il eut la consolation d’en avoir fondé plus de quatre-vingts. L’impulsion donnée à cette oeuvre n’a pas cessé. Depuis sa mort vingt-sept missions ont été fondées.



Mgr Chalandon, conformément à la pensée de son vénérable prédécesseur Mgr Devie, ayant fait choix des missionnaires du diocèse comme prêtres auxiliaires à Ars, Mr Vianney ne tarda pas à les honorer de sa confiance et de ses plus vives sympathies. Un jour étant en conversation avec lui et lui disant que la position des missionnaires à Ars était propre à exciter l’humilité et le désintéressement, parce que ce n’était pas pour eux qu’on venait à Ars, parce qu’ils ne confessaient que les personnes que ne pouvait pas confesser Mr le Curé lui-même, Mr le Curé fit cette réflexion empreinte d’une douce malice : « Quand Mr Raymond vint pour me seconder, il disait : Tout le monde vient pour Mr le Curé d’Ars ; mais dans six mois on viendra pour moi autant que pour lui. Mais pour vous, Mr le Supérieur, il ne faudra pas si longtemps. »



Dans une autre conversation, lui parlant des persécutions dont il avait été l’objet, je lui demandais quelle conduite il avait tenue. Il me répondit : (1374) « Je redoublais de politesse et de prévenance envers eux et je fis des aumônes plus abondantes à ceux que j’avais l’habitude de secourir. Par ce moyen je m’en suis fait des amis. »



Les premiers jours que j’étais avec lui, il me pria de le reprendre, de le corriger et de lui faire apercevoir ses défauts en me disant : « Toute ma vie j’ai été malmené et je m’en suis bien trouvé. » Comme je n’acquiesçais pas à ses désirs, il me dit quelque temps après : « Vous ne me dites rien, vous ne me reprenez pas ; je ne m’en trouve pas aussi bien qu’auparavant. »



Dans une circonstance où j’étais sous le poids d’un profond découragement, je lui fis part de mon intention de donner ma démission et de demeurer avec lui et je le priai de consulter le bon Dieu à ce sujet. « Oui, mon ami, j’y penserai demain à la Messe. » Le lendemain il me dit que ce n’était pas la volonté de Dieu. « Comment savez-vous, Mr le Curé, que ce n’est pas la volonté de Dieu ? – En pensant à votre projet pendant la Messe, j’ai éprouvé un délabrement dans tout mon corps. C’est là une marque que le bon Dieu ne le veut pas. »



La vivacité de ses manières et le feu de son regard trahissant un tempérament naturellement ardent, je lui disais que pour arriver à cette patience admirable qui nous édifiait si profondément, il avait dû se faire de grandes violences : « Oh ! oui, mon ami, Dieu seul sait ce qu’il m’en a coûté. – Mais, Mr le Curé, ne vous est-il pas arrivé quelquefois de céder à la tentation, de donner des marques d’impatience ? – Oh ! si, un jour j’ai poussé cette table plus vivement que de coutume. »



Dans une autre circonstance je lui demandais s’il n’avait pas eu beaucoup à combattre l’amour-propre à la vue du bien qui se faisait autour de lui et du grand concours qui lui arrivait de tous les points de la France et de l’étranger. « Non, mon ami, ce n’est point là ma tentation ; je n’ai pas de peine à me persuader que ce n’est pas moi qui fais tout cela. Je suis un pauvre ignorant ; j’ai gardé les moutons. C’est le bon Dieu et Ste Philomène qui font tout cela. Ma tentation c’est le désespoir. J’ai peur d’être trouvé hypocrite devant Dieu. »



(1375) Une autre fois il disait qu’il ne voulait pas mourir curé parce qu’il ne connaissait aucun saint qui fût mort curé. « Je voudrais avoir deux ans devant moi pour me préparer à la mort en pleurant ma pauvre vie. Il me semble que j’aimerais bien le bon Dieu. »



J’ai toujours remarqué que ses conversations avaient pour objets Dieu, la religion, la conversion des pécheurs, le salut des âmes. Je l’ai trouvé un soir à dix heures récitant dévotement son office ayant devant ses yeux les reliques de plusieurs saints, notamment celle du saint dont on faisait l’office. J’en fus profondément touché.



Juxta vigesimum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Un jour je le faisais parler des visites du démon pour avoir occasion de savoir s’il voyait Notre seigneur, la Ste Vierge, Ste Philomène, comme beaucoup de personnes le croient. Je lui dis : « Le bon Dieu doit vous dédommager de ces vilaines visites par d’autres plus agréables. » Alors quittant son sourire et prenant un air sérieux, il me répondit : « Oh ! pour ça, n’en parlons pas. » Je regardai cette réponse comme une affirmation.



Un autre jour je lui demandais comment il pouvait savoir des choses qu’il ne pouvait connaître naturellement. « Je le sais comme si quelqu’un me l’avait dit. » Je n’allai pas plus loin.



Une religieuse m’a raconté le fait suivant : « Etant dans un établissement non loin d’Ars, j’eus l’idée d’aller à Ars pour trois motifs : pour voir Mr le Curé que je ne connaissais pas, pour prier dans la chapelle de Ste Philomène, et pour admirer les ornements de l’église d’Ars. Lorsque j’arrivais à Ars Mr le Curé venait de sa cure à l’église et ce fut lui qui me donna de l’eau bénite. « Soeur une telle, me dit-il, suivez-moi. » Il me mena dans la chapelle de Ste Philomène et après une petite prière il me conduisit à la sacristie où il étala tous les ornements devant moi. Puis il me dit : « Ma Soeur, vous êtes venue ici pour prier Ste Philomène, je vous ai menée dans sa chapelle ; pour admirer les ornements, ils sont sous vos yeux ; pour voir le Curé d’Ars, il est devant vous. Vous êtes entièrement satisfaite ; je vous salue bien. »



Je lui demandais un jour quels moyens il employait pour convertir les pécheurs et opérer des conversions si éclatantes. Il me répondit qu’il priait beaucoup et faisait pénitence pour eux.



(1376) Dans une mission je confessais un employé subalterne des chemins de fer. Comme il me frappa par des habitudes religieuses peu communes aux hommes de sa profession, je lui en demandai la raison. Il me répondit : « C’est le Curé d’Ars qui m’a converti. Depuis que je suis dans ce pays j’ai entendu parler souvent du Curé d’Ars ; j’ai voulu savoir par moi-même ce qu’il en était. Je suis donc allé dans ce pays il y a quelque temps et je n’avais pas bien l’intention de me confesser. Cependant je fus tellement impressionné par la vue de cet homme que l’idée m’en vint. J’entrai donc à la sacristie. « Depuis combien de temps, mon ami, ne vous êtes-vous pas confessé ? – Ma foi, mon Père, il y a si longtemps que je ne m’en souviens plus. – Examinez bien, il y a vingt-huit ans. – Vingt-huit ans…vingt-huit ans…oui, c’est bien ça. – Et encore, vous n’avez pas communié, vous avez seulement reçu l’absolution. » C’était encore vrai…A ces mots j’ai senti ma foi se réveiller si fortement que j’ai fait je crois une confession bien sérieuse et que j’ai promis à Dieu (de) ne plus abandonner ma religion.



Juxta vigesimum quintum interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je déclare que pendant sa vie on regardait le Serviteur de Dieu comme un saint, qu’on ne l’appelait que le St Père. Depuis sa mort, ce sentiment ne s’est pas effacé ; bien au contraire il va en grandissant de jour en jour. On est tout étonné qu’à l’anniversaire de sa mort on se serve encore d’ornements noirs et qu’on fasse des prières pour le repos de son âme. Je puis constater qu’il s’est vendu depuis deux ans quatorze mille exemplaires de sa vie en deux volumes et qu’il s’est fait trois traductions, l’une en anglais, l’autre en allemand et la troisième en italien.



Mr le Curé me dit un jour qu’il avait trouvé un matin un tonneau de vin dans sa cave. « Mais, Mr le Curé, quelqu’un vous l’avait donné ? votre cave a pu s’ouvrir pendant la nuit. – Oh ! non, je suis bien sûr que la clé est demeurée dans ma chambre et qu’aucune personne n’a pu l’ouvrir. – Au moins, lui dis-je en souriant, le vin était excellent ; la Providence a dû bien vous servir. – Ne plaisantons pas, mon ami, la chose est bien comme ça. »



(1377) Qua responsione accepta, omissis coeteris interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices Delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit.



Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur.



Ita pro veritate deposui



Joseph Camelet



TEMOIN - JEAN COTTON – 6 août 1864

1379 (1379) Session 154 - 6 août 1864 à 3h de l’après midi.



(1381) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit:



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’appelle Jean Cotton; je suis né à Beauregard, diocèse de Belley, le trois juin mil huit cent un. Mon père se nommait Benoît Cotton et ma mère Laurence Biche( ?).Je suis propriétaire à St Barnard.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’approche régulièrement des sacrements deux fois par an, à Pâques et à Noël. Ma dernière communion a eu lieu à Pâques.



(1382) Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai jamais dû comparaître en justice devant aucun tribunal.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai encouru ni peine ni censure ecclésiastique.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruit de ce que je devais déposer dans cette cause. Je n’ai lu aucun des Articles du Postulateur. Je ne dirai que l’exacte vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



J’avais une grande estime pour le Serviteur de Dieu; je le regardais comme un saint. Depuis sa mort je l’invoque avec confiance; je le prie tous les jours. Je désire pour la gloire de Dieu sa béatification.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad explicanda quae spectant stropitus in presbyteris vici Ars auditos, omissis coeteris Interrogatoriis, statim interrogatus fuit super Interrogatoris decimo octavo, super quo ei lecto, respondit:



J’étais jardinier en mil huit cent vingt-cinq chez Mademoiselle d’Ars. Comme on parlait beaucoup de bruits nocturnes, qui se faisaient entendre au presbytère, elle m’envoya coucher à la cure, sur la demande qu’en avait faite Mr le Maire et son fils m’accompagna. La nuit précédente, les bruits avaient été si effrayants, que les personnes qui avaient veillé au presbytère ne voulurent plus y retourner. Pour nous pendant trois semaines, nous n’entendîmes aucun bruit. Il n’en était pas de même de Mr le Curé qui couchait dans un appartement voisin; plus d’une fois il fut troublé dans son sommeil et nous interpella en disant: « Mes enfants, n’entendez vous rien? » Nous lui répondîmes qu’aucun bruit n’arrivait jusqu’à nous. Dans une circonstance, j’entendis un bruit semblable à celui que produiraient les coups répétés d’une lame de couteau avec laquelle on frapperait un pot à eau. C’était vers le matin et le pot à eau était dans la chambre de Mr le Curé. (1383) J’étais seul, je crois, quand ces bruits se firent entendre. Il me souvient que Mr le Curé en nous appelant, nous a plus d’une fois fait connaître les bruits qui se faisaient entendre; ils ressemblaient tantôt à ceux que produirait un animal grimpant contre les rideaux, les agitant, ou tirant les couvertures; tantôt au bruit de montres pendues à une glace et vivement agitées. Ce dernier bruit s’est reproduit par nos montres qui étaient suspendues à la glace de sa chambre; Mr le Curé en nous en parlant nous dit: « Je suis bien étonné que vos montres ne soient pas cassées. »



J’ai entendu dire aussi que des bruits semblables se produisirent au presbytère de St Trivier lorsque l’année suivante Mr Vianney y alla pour les exercices du jubilé.



C’était pendant le carême de mil huit cent vingt-cinq que nous couchions au presbytère; nous nous y rendions au sortir de la prière du soir. Témoin de la collation plus que frugale de Mr Vianney, je dis à Mlle d’Ars que le Serviteur de Dieu ne buvant point de vin, ne mangeant presque point de pain, se contentant d’un oeuf cuit dans les cendres ou d’un morceau de fromage sec avec de l’eau, je ne comprenais pas que cet homme pût vivre comme ça. Mlle d’Ars me dit alors de lui porter une bouteille de vin.



Qua responsione accepta, omissis coeteris interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit.



Jean Cotton


TEMOIN – COLOMBE BIBOST – 6 août 1864


(1379) Suite de la Session 154 - 6 août 1864 à 3h de l’après midi


1384 (1384) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis da vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit:



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’appelle Colombe Bibost; je suis née à Ecully, diocèse de Lyon en mil sept cent quatre vingt treize. Mon père se nommait Jean Bibost et ma mère Claudine Jomard. Je suis dans une honnête aisance.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’approche assez souvent des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie. J’ai eu le bonheur de communier ce matin.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai jamais dû comparaître en justice devant aucun tribunal.



Juxta quintum Interrogatorium, testis respondit:



Je n’ai encouru ni les censures, ni les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Personne de vive voix ou par écrit ne m’a instruite de ce que j’avais à dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun Article du Postulateur. Je ne dirai que ce que je sais très bien.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



J’ai toujours eu une très grande estime pour le Serviteur de Dieu. J’ai été grandement édifiée des exemples de vertu qu’il m’a donnés. Je le regarde comme un grand saint. Je désire vivement sa béatification pour la gloire de Dieu.



Juxta octavum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je sais que le Serviteur de Dieu est né à Dardilly de parents chrétiens.



Juxta nonum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



C’est auprès de ses parents qu’il a passé tout le temps qui a précédé ses études. Dès son enfance il aimait la prière; j’ai entendu dire bien des fois que pendant qu’il gardait les

troupeaux de son père, ou qu’il travaillait aux champs il invitait ses compagnons à prier avec lui.



Juxta decimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



C’est à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans que le Serviteur de Dieu commença ses études pour la carrière ecclésiastique. Il logeait chez un de ses oncles nommé Humbert et allait étudier auprès de Mr (1385) Balley, curé d’Ecully. Je l’ai alors connu d’une manière particulière, parce que la maison de mon père était près de la cure et que Mr Vianney entrait souvent chez nous. Il nous a alors donné des marques frappantes d’une grande piété, d’une grande douceur, d’une grande patience et d’une grande mortification.



Juxta undecimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Quand arriva le moment de la conscription, on oublia de le porter sur les registres comme étudiant ecclésiastique. Quand la chose fut connue et qu’il se vit dans l’obligation de partir, il conjura ses parents de lui faire un remplaçant. Son père s’y refusa en alléguant que déjà il en avait fait un pour son frère aîné. Au moment de la révision il fut trouvé bon pour le service; mais il tomba malade et resta quelques jours à l’hôpital de Lyon. Ma mère alla le voir avec d’autres personnes, ses parents surtout. Quand il fut rétabli il se mit en route pour rejoindre le régiment. Il tomba malade à Roanne et passa quelques jours dans l’hôpital de cette ville, où de nouveau il reçut la visite de ses parents et d’autres personnes. Enfin les forces lui étant rendues il quitta Roanne, et chemin faisant il s’arrêta dans un bois pour se reposer et aussi pour se cacher, s’en remettant à la Providence. Bientôt il entendit les pas d’un homme qui s’approchant de lui, lui dit: « Jeune homme, que faites-vous là? vous êtes déserteur? - Oui, je ne ferai jamais qu’un mauvais soldat. - Levez-vous, suivez moi, je suis le maire de la Commune; je vous placerai chez une bonne veuve et quand les perquisitions qui se font trois fois la semaine auront lieu, vous viendrez chez moi où vous serez en sûreté. » Mr Vianney le suivit. Placé chez la veuve que le maire lui avait indiquée il put continuer ses études. Il écrivit à ma mère qu’il se trouvait très bien et qu’elle ne devait pas être inquiète à son sujet. Je tiens les détails précédents de la bouche même de Mr Vianney. Les recherches actives du gouvernement forcèrent son père à faire un remplaçant, mais il fut jugé impropre au service et le frère cadet de Mr Vianney partit à sa place. Après cela il put rentrer à Ecully et continuer ses études sous la direction de Mr Balley.



Juxta duodecimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je me rappelle deux choses sur cet interrogatoire, que Mr Vianney avait passé une (1386) année au petit séminaire de Verrières et qu’il avait reçu les ordres à Grenoble. Pendant le temps de ses études toute la paroisse d’Ecully avait admiré sa piété, sa modestie et sa grande bonté.



Juxta decimum tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



L’opinion favorable que Mr Vianney avait fait concevoir de lui comme élève ne fit que s’accroître, quand ses supérieurs, sous la demande de Mr Balley, consentirent à l’y envoyer en qualité de vicaire. Au confessionnal, en chaire, dans ses rapports avec les fidèles, il se montra non seulement prêtre pieux, mais véritablement homme de Dieu, ne respirant que le salut des âmes. Jeune élève, ses conversations étaient déjà édifiantes; elles ne roulaient que sur les choses de Dieu et sur les exemples des saints. Prêtre, il parlait avec plus d’onction encore des choses de Dieu. Les austérités de sa vie qui se traduisaient par tout son extérieur étaient pour ma mère et pour moi plus frappantes que pour tout autre. Nous lui avons fait de nos mains le gilet de crin qu’il portait sur sa chair. Tant de vertus attirèrent un grand nombre de personnes à son confessionnal, heureuses de s’inspirer de sa foi et de suivre ses conseils. On remarqua qu’un certain nombre de personnes qui jusque là n’avaient pas été l’édification de la paroisse, changèrent de conduite après s’être adressées à lui en confession. Il avait un grand amour pour la pauvreté; on le voyait à tout son extérieur. Toutes les ressources dont il pouvait disposer, il s’en servait pour secourir les pauvres. Il était très aimé de tout le monde; on était heureux de recevoir ses visites. Mr Balley l’affectionnait d’une manière toute particulière. Après la mort de Mr Balley, les familles riches et chrétiennes de la paroisse s’empressèrent de lui dire qu’il pouvait en toute confiance s’adresser à elles pour secourir les pauvres. Le nouveau curé d’Ecully, n’ayant pas les habitudes austères de son prédécesseur, quoique excellent prêtre et acceptant les invitations qu’on lui faisait, Mr Vianney se montra toujours très difficile à l’accompagner. Comme un jour le curé le pressait à ce sujet, il avoua ingénument qu’il n’avait pas d’autre soutane que celle qu’il portait, et il faut convenir qu’il ne pouvait pas paraître avec ce vêtement dans une société honorable.



(1387) Qua responsione accepta, omissis coeteris interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices Delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, in eadem perseveravit, illamque in omnibus confirmavit.



Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur



Ita pro veritate deposui



Colombe Bibost




Ars Procès informatif 1353