Ars Procès informatif 1391

TEMOIN – LOUISE PERRET (SOEUR MARIE-FRANCOIS) – 8 août 1864

1391
(1391) Session 155 - 8 août 1864 à 8h du matin



(1393) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit:



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’appelle Louise Perret, en religion soeur Marie François. Je suis née à St Loup le vingt cinq novembre mil huit cent vingt neuf. Mon père se nommait Claude Perret et ma mère Etiennette Triomphe. Je suis religieuse de l’institut des Petites Soeurs de Jésus, du Tiers Ordre de St François d’Assise.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’approche très régulièrement des (1394) sacrements de Pénitence et d’Eucharistie selon la règle. J’ai communié hier.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai jamais dû comparaître en justice.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je ne sache pas avoir encouru les censures ou les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai été instruite par personne de ce que j’avais à dire. Je n’ai lu aucun article du Postulateur. Je ne dirai que la vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je regarde le Serviteur de Dieu Jean-Marie Baptiste Vianney comme un saint. Je demande des grâces par son intercession. Je désire sa béatification pour la plus grande gloire de Dieu.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad explicanda quaedam facta seu dona supernaturalia, omissis coeteris interrogatoriis, statim interrogatus fuit super interrogatorio vigesimo, super quo ei lecto respondit:



J’ai souvent entendu raconter à ma supérieure le fait suivant: La première fois que j’ai vu Mr le Curé d’Ars, je l’ai consulté sur ma vocation. Il me répondit: “Ma fille, vous la saurez dans six mois.” Je désirais vivement me faire religieuse; mais je croyais la chose impossible à cause de ma mauvaise santé. Je pensais que le Curé avait voulu me dire que ma mort arriverait dans six mois et je m’y préparais de mon mieux. Le terme fixé expirait à Pâques.



Pendant la Semaine Sainte, j’allai à Ars pour voir Mr le Curé et recevoir sa bénédiction. J’entrai à l’église; le Curé m’aperçut et me fit signe de le suivre à la sacristie: “Mon enfant, me dit-il aussitôt en souriant, vous pensiez bien mourir ces jours-ci, non, votre carrière n’est pas achevée. Courage, mon enfant, le bon Dieu vous bénira.” J’insistai pour savoir ce que Dieu demandait de moi. “Ah! mon enfant” dit-il, et il se parla comme à lui-même (1395) l’espace de cinq minutes, je ne sais dans quelle langue, toujours est-il que je ne le compris pas. Tout étonnée je le regardai en face; il ne me parut plus le même; il était comme hors de lui. Je crus qu’il voyait le bon Dieu. Me croyant indigne d’être en la présence d’un si grand saint, je me retirai tout effrayée.



Notre vénérée Supérieure retourna dans son pays. Quelques jours après elle vint travailler dans l’atelier où je travaillais moi-même. C’est là que je fis connaissance avec elle. J’ignore si elle avait alors quelques projets. Au bout d’une année à peu près nous fîmes toutes les deux le voyage d’Ars. Il y avait alors autour du Curé une très grande foule. Il nous fit demander par une personne d’Ars. Dès que nous fûmes en sa présence, il nous dit à l’une et à l’autre au confessionnal sans aucune ouverture de notre part: “Le bon Dieu vous veut ensemble: répondez à son amour; il veut vous faire de grandes grâces.”



Nous revînmes à Ars quelque temps après; nous y passâmes quatre jours; il ne nous dit rien d’extraordinaire; mais avant de partir il donna à ma vénérée Supérieure trois francs en lui disant: “Prenez ceci, vous en aurez besoin.” La Supérieure refusait en alléguant qu’elle avait assez d’argent pour le voyage. Elle les accepta cependant sur les instances du bon Curé. Quelle ne fut pas notre surprise en arrivant à Villefranche de ne pas trouver notre bourse au moment de payer la voiture. Les trois francs donnés par Mr Vianney nous étaient nécessaires.



Dans un troisième voyage il dit à notre Supérieure: “Partez vite. - Mais Mr le Curé; nous voudrions auparavant entendre la Ste Messe. - Non, ma fille, partez à l’instant, car l’une de vous va tomber malade. Si vous attendiez, vous seriez obligée de rester ici et vous ne pourriez plus vous en aller.” Ma mère nous accompagnait dans ce voyage. Notre Supérieure quoique très effrayée ne nous dit rien des paroles du Curé et nous fit partir de suite. Deux lieues avant d’arriver j’étais tellement fatiguée que je me vis dans l’impossibilité de continuer la route. Ma Supérieure et ma mère furent obligées de me porter ou de me traîner. Ce fut là le commencement d’une maladie sérieuse qui dura quinze jours.



(1396) Quand nous fîmes la visite dont je viens de parler, nous avions déjà quelques orphelines, mais la Congrégation n’était pas encore établie. Lorsqu’il fut question de la fonder, nous nous trouvâmes en face de grandes difficultés et nous eûmes beaucoup de tribulations. Personne ne nous encourageait. Plusieurs prêtres même des environs loin de nous soutenir disaient que notre projet était une folie, que nous étions des présomptueuses et des entêtées. L’entreprise était en effet bien difficile, nous n’avions point de ressources. Notre Supérieure au milieu de ces contradictions résolut d’aller prendre conseil auprès du Curé d’Ars. Quand elle entra à l’église il faisait son catéchisme. Dès qu’il l’eut fini, il se rendit à son confessionnal dans la chapelle de Ste Philomène et dit à notre Supérieure: “Mon enfant ne vous découragez pas, c’est le démon qui parle par la bouche de ceux qui vous désapprouvent. Le bon Dieu veut votre oeuvre. Aimez bien vos enfants; apprenez-leur bien à aimer le bon Dieu.” Ces paroles rendirent la force et le courage à notre Mère, qui depuis ce moment a poursuivi sans hésiter l’oeuvre quelle avait commencée. Cette oeuvre a prospéré. Nous avons trois orphelinats; nous avons des Soeurs dans deux orphelinats de garçons. La maison principale est à St Sorlin, diocèse de Lyon, et renferme de cent soixante à cent quatre-vingts orphelines. Nous sommes quatre-vingt religieuses et trente prétendantes. Il n’y a que sept ans que le Curé d’Ars a daigné encourager cette oeuvre.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato dominationum suarum Rmarum, perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit.



Soeur Marie François





TEMOIN – JEAN-BAPTISTE SAUNIER – 8 août 1864

(1391) Suite de la session 155 - 8 août 1864 à 8h du matin

1397 (1397) Juxta primum Interrogatorium, testis interrogatus et monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis respondit:



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’appelle Jean Baptiste Saunier. Je suis né à Blacé, diocèse de Lyon, le seize mars mil huit cent trois. Mon père se nommait Jean Baptiste Saunier et ma mère Antoinette Brossette. Je suis docteur médecin à Ste Euphémie.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je m’approche des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie une fois par an, au temps de Pâques.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je n’ai jamais dû comparaître en justice.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Je ne sache pas avoir encouru les censures ou les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



Personne ne m’a instruit de vive voix ou par écrit de ce que j’avais à dire dans cette cause. Je n’ai lu aucun des articles du Postulateur. Je ne dirai que l’exacte vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:



J’avais pour le Serviteur de Dieu une grande estime et une grande vénération. Je le regarde comme un grand saint. Je l’invoque tous les jours avec confiance. Je désire sa Béatification et sa Canonisation pour la plus grande gloire de Dieu.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad explicanda quae spectant sanguinem asservatum Servi Dei, omissis (1398) coeteris interrogatoriis statim interrogatus fuit super Interrogatorio vigesimum septimum, super quo ei lecto respondit:



J’ai été appelé à donner des soins à Mr Vianney pendant les dix-sept dernières années de sa vie. Mes rapports avec le Serviteur de Dieu étaient ceux de l’intimité. Jamais je n’ai vu en lui qu’un modèle accompli de toutes les vertus. Je n’hésite pas à dire qu’il poussait la mortification au point le plus élevé et que le peu de nourriture qu’il prenait ne pouvait pas lui donner les forces nécessaires à l’exercice de son ministère. Dieu le faisait vivre de lui-même par la seule force de son sang.



J’ai pratiqué des saignées à différentes époques à Mr le Curé. En mil huit cent quarante-sept, je voulus recueillir dans un flacon de forme ronde une certaine quantité du sang du Serviteur de Dieu. En mil huit cent cinquante-trois ayant été appelé pour saigner de nouveau Mr le Curé, quelques-uns de Messieurs les Missionnaires et le Fr. Athanase voulurent à leur tour conserver une partie du sang tiré à Mr Vianney. Depuis mil huit cent quarante-sept et mil huit cent cinquante-trois le sang s’est conservé et se conserve parfaitement liquide, coloré, brillant comme au moment même de la saignée. Le fait m’a toujours paru extraordinaire et opposé à ce qui se passe ordinairement.



Mon opinion personnelle est que Mr Vianney était d’un sang très riche, d’un tempérament fort, nerveux, et que la patience admirable que tous ont remarqué en lui ne pouvait être que le résultat de la grâce et des plus persévérants efforts.



Je conserve précieusement deux certificats signés par les personnes les plus honorables qui attestent que depuis mil huit cent quarante-sept et mil huit cent cinquante-trois, le sang de Mr Vianney en ma possession reste dans un état parfait de conservation. J’atteste qu’aucun mélange n’a été fait au sang de Mr Vianney.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa sanguinem Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene (1399) audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit.



Ita pro veritate deposui



Jean Baptiste Saunier





TEMOIN – ABBE ETIENNE CARRIER – 8 août 1864

1403
(1403) Session 156 – 8 août 1864 à 3h de l’après-midi



(1404) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Etienne Carrier. Je suis né à Drom, diocèse de Belley, le neuf octobre mil huit cent deux. Mon père se nommait Jean-François Carrier et ma mère Monique Buffavant. Je suis curé de la paroisse de Mizérieux, paroisse voisine de celle d’Ars.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai le bonheur d’être prêtre et je dis la Messe tous les jours.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai dû comparaître devant aucun tribunal.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je ne sache pas avoir encouru ni peines ni censures ecclésiastiques.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai été instruit par personne de ce que j’avais à dire. Je n’ai lu aucun des Articles du Postulateur ; je ne dirai que ce que je sais bien.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je regarde le Serviteur de Dieu comme un saint. Je demande des grâces par son intercession. Je désire sa béatification pour la plus grande gloire de Dieu.



Et quoniam praedictus testis dixit nihil scire(1405) circa vitam Servi Dei usque dum vici Ars parochus institutus fuerit, omissis coeteris Interrogatoriis, statim interrogatus fuit circa virtutes, id est, super Interrogatorio decimo octavo, super quo ei lecto, respondit :



J’ai connu Mr Vianney dès mil huit cent vingt-quatre et j’ai eu le bonheur de l’avoir pour directeur de ma conscience pendant trois ans. Il m’a toujours paru un modèle accompli de toutes les vertus sacerdotales.



On peut avec vérité lui appliquer les paroles qui sont dites du juste par l’Esprit-Saint : ‘Justus meus ex fide vivit’. Sa foi me paraissait surtout admirable dès qu’il entrait en communication avec Dieu par la récitation du saint Office ou par tout autre exercice de piété. On remarquait toujours en lui une attitude pénétrée et recueillie. Dans ses catéchismes la foi inspirait, animait toutes ses paroles.



Il manifesta toute sa vie les craintes les plus vives de la mort et des jugements de Dieu. Etant tombé malade, les directrices de la Providence me prièrent de dire une neuvaine de Messes en l’honneur de Ste Philomène pour le rétablissement de sa santé. Le mal fit en peu de jours tant de progrès qu’on crut devoir l’administrer. Je vins lui rendre visite le lendemain, et comme je lui demandais des nouvelles de sa santé, lui annonçant que j’allais dire la Messe pour continuer la neuvaine, il me dit : «Je vais mieux, je suis guéri, offrez le Saint Sacrifice en action de grâces. » On m’a rapporté qu’il avait dit : « J’ai cru entendre le démon se réjouir cette nuit en s’écriant : Nous le tenons, nous le tenons, il est à nous.»



Souvent, en allant voir les malades de ma paroisse pendant la nuit, il m’est arrivé à une heure et à deux heures du matin d’entendre sonner l’Angélus d’Ars, ce qui annonçait que le Serviteur de Dieu commençait le travail de son infatigable dévouement au salut des âmes. Ses aumônes n’avaient d’autres limites que celles de ses ressources ; il donnait à quiconque lui demandait, sans attention le plus souvent, aux sommes qu’il donnait. Sa conversation était toujours dans le Ciel ; on ne pouvait s’entretenir avec lui sans qu’il parlât des anges, des saints ou de Dieu. Le Serviteur de Dieu m’a toujours paru pratiquer la charité envers Dieu et envers les hommes à un degré extraordinaire.



Une prudence éclairée le dirigeait dans toute sa conduite (1406) et dans les conseils qu’il donnait à la foule innombrable de personnes de tout sexe, de tout âge et de toute condition, qui de toutes parts venaient s’adresser à lui. Je n’ai jamais douté qu’il ne remplît avec zèle et piété tous ses devoirs envers Dieu et envers ses semblables. Pour les moindres services qu’il m’est arrivé quelquefois de lui rendre, je l’ai toujours vu se confondre en remerciements.



L’esprit d’obéissance dont il fut toujours animé le porta à sacrifier jusqu’à la fin ses goûts de solitude, pour rester, malgré ses répugnances, dans l’exercice du saint ministère, conformément à la volonté de ses supérieurs. Zélé serviteur de la Mère de Dieu et de Ste Philomène, il ne négligea rien pour inspirer une grande dévotion à la Ste Vierge et une grande confiance à l’égard de Ste Philomène à toutes les personnes qui venaient se placer avec tant d’empressement sous sa direction. J’ai remarqué qu’il aimait avec passion les reliques, les images, tout ce qui pouvait nourrir en lui l’amour de Dieu et des saints. Les nombreuses fondations de Messes faites par lui en faveur des âmes du purgatoire prouvent combien il leur était dévoué. Sa vertu inflexible ne se démentit jamais dans le service de Dieu ; il alla au contraire à mon avis de vertu en vertus, et la force de son amour augmenta jusqu’à sa mort.



Au milieu de la foule qui l’entourait, le pressait, se le disputait à l’envie, on ne vit jamais sa patience inaltérable se démentir. Sa bonté, son affabilité, sa douceur m’ont toujours paru d’autant plus extraordinaires que le feu de ses regards, la vivacité de son tempérament, trahissaient en lui des dispositions naturellement vives et nerveuses. Comme on parlait un jour devant lui de quelques saints qui avaient passé huit jours sans manger, un missionnaire lui dit : «Mr le Curé, vous en avez bien fait autant. – Oh ! non, mon ami, répondit-il, se laissant surprendre, je ne suis jamais allé au-delà de trois jours.» J’ai entendu dire qu’il vivait pendant des semaines entières de pommes de terre cuites à l’eau. C’était au commencement de son ministère à Ars. Plus d’une fois j’ai eu le bonheur de m’asseoir à sa table ; afin de m’engager à manger, il me paraissait enfreindre un peu ses habitudes de frugalité (1407) excessive ; encore faut-il ajouter que jamais il ne parut plus de deux plats sur sa table. Dans les premières années de son ministère, il suivait régulièrement les conférences ecclésiastiques ; les plus grandes instances de ses confrères ne parvinrent jamais à lui faire accepter plus de deux légères portions. Le concours de fidèles allant en augmentant, il ne tarda pas à se retirer de nos réunions dès que les matières théologiques avaient été traitées, refusant obstinément de prendre part au repas.



Son amour pour la pauvreté était tel, que des sommes considérables que la confiance ou le repentir versaient entre ses mains, il ne garda jamais rien ; simple et pauvre dans sa tenue, il demeurait cependant propre et décent dans tout son extérieur.



Il était d’une grande humilité et à l’arrivée de Mgr ou dans de grandes réunions, je l’ai toujours vu chercher à se faire oublier. Il ne fuyait rien tant que l’éclat.



Juxta decimum nonum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



J’ai toujours cru que l’amour de Dieu, le zèle pour le salut des âmes, l’esprit de mortification, la patience, la douceur et l’humilité, avaient été pratiqués à un degré héroïque par le Serviteur de Dieu. Par vertu héroïque, j’entends la vertu pratiquée à un degré de perfection aussi grand qu’il est possible de l’atteindre avec le secours de la grâce et l’immolation de la nature.



Super aliis Interrogatoriis, dum proponerentur, nihil aliud dixit testis nisi ea quae sequuntur :



J’atteste que l’opinion commune, dans ma paroisse et dans les localités environnantes, regardait Mr le Curé d’Ars comme un saint et avait la plus grande confiance en sa puissance auprès de Dieu. Dans les afflictions on était empressé de recourir à lui. Depuis sa mort, cette confiance envers le Serviteur de Dieu ne s’est pas démentie. J’ai pu constater par moi-même que le pèlerinage continue sur sa tombe.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, (1408) completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa quaedam facta Servi Dei deponeret inductus fuerat, Rmi Judices Delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa, a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit



(1409) Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur.



Ita pro veritate deposui.



Stephanus Carrier



TEMOIN – ANNE TORIN (DEVOLUET) – 9 août 1864

1411 (1411) Session 157 – 9 août 1864 à 8h du matin



(1414) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je connais la nature et la force du serment que je viens de faire et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Anne Torin, femme Devoluet. Je suis née à la Chapelle de Guinchay, diocèse d’Autun, au mois de décembre mil huit cent vingt-deux. Mon père se nomme Benoît Torin et ma mère Anne Chanay. Je vis du travail de mes mains.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’approche des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie aux très grandes fêtes. Ma dernière communion a eu lieu à Pâques.



Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai jamais été traduite devant aucun tribunal.



Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je n’ai pas encouru les censures ou les peines ecclésiastiques.



Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Personne ne m’a instruite de ce que j’avais à dire. Je n’ai lu aucun Article. Je ne dirai que la vérité.



Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je désire la béatification du Curé d’Ars, mais c’est uniquement pour la gloire de Dieu.



Et quoniam praedictus testis accitus fuit ad (1415) explicanda quae spectant sanationem Joannis Mariae Devoluet ejus filii, omissis coeteris Interrogatoriis statim interrogatus fuit super Interrogatorio vigesimo, super quo ei lecto, respondit :



A l’âge de huit ans, Jean-Marie Devoluet, mon second enfant, se sentit pris de douleurs très vives de la hanche au genou, après un accès de fièvre, absolument comme sa pauvre soeur Marie, ma fille aînée, qui aujourd’hui encore est estropiée par suite de ce mal affreux. Mon premier soin en voyant tomber malade mon pauvre enfant, fut d’aller à Thoissey auprès de Mme Prévost qui a une certaine réputation pour la cure des enfants. Elle me dit : « Ce sera comme votre fille, il n’y a pas de remède.» Mr le docteur Lardet de Thoissey, chez lequel je me rendis ensuite, me tint le même langage. J’allai à Romanèche chez Mr Foyard, médecin âgé et maire de la commune, qui après avoir examiné mon enfant, sans trop me donner d’espérance, me remit une fiole avec laquelle il me prescrivit de faire des frictions sur la partie malade du corps de mon enfant. Plus je frottais le pauvre affligé, plus il souffrait. Sa pauvre soeur revenue estropiée de Lyon, nous jetait dans le plus grand découragement, mon mari et moi. Voyant que depuis seize jours Jean-Marie ne pouvait mettre le pied à terre et ressentait des douleurs de plus en plus aiguës, son père me conseilla de le conduire à Ars.



Je partis, la désolation dans le coeur, ne sachant trop où j’irais, si je me rendrais à Lyon pour consulter encore les médecins ou si j’irais auprès du Saint Curé d’Ars. Mon mari avait apporté l’enfant jusqu’au bateau. Sur le ponton, je me décide à prendre mon billet pour Ars. Durant le trajet du bateau jusqu’au port de Frans, les souffrances du pauvre enfant redoublèrent d’intensité, il se plaignait et pleurait ; je soutenais sa jambe, cherchais à pouvoir le consoler sans lui rendre courage. Dans l’omnibus, nous fîmes l’heureuse rencontre d’un monsieur religieux, qui nous remit un petit tableau du Curé d’Ars que nous conservons pieusement encore. L’enfant, comme nous étions seuls, fut couché sur une banquette et parut moins souffrir. Arrivés à Ars le Mercredi des Cendres mil huit cent cinquante-sept, nous logeâmes chez Vernu. Après quelques (1416) instants de repos, je portai mon enfant à l’église ; il ne me fut pas possible d’y demeurer longtemps, le pauvre affligé pleurait et demandait à se coucher. Je rentrai pour le mettre au lit ; puis je revins à l’église prier, et je passai la nuit avec quelques autres personnes sous le clocher, attendant l’heure matinale où il me serait possible d’approcher du Serviteur de Dieu. Pendant la nuit, j’allai de temps en temps écouter si mon enfant dormait.



Longtemps avant le jour, Mr le Curé venant à l’église, s’adresse à moi et me dit : « Venez la première ; vous êtes la plus pressée. » Je me confesse au saint Curé sans lui parler de mon enfant. Mon action de grâces finie, je reviens à mon enfant, et lassée, je me couche quelques instants auprès de lui. A mon réveil, je le prends dans mes bras et je le porte à l’église. C’était l’heure de la Messe du saint Curé ; je me place au côté gauche de l’autel, asseyant mon enfant sur une chaise près de la sacristie. Après la Messe, grande fut la difficulté d’arriver au Serviteur de Dieu. Les pèlerins étaient nombreux, je me sentais pressé de part et d’autre ; on ne voulait laisser entrer personne à la sacristie près du Serviteur de Dieu. Enhardie par le prix de la grâce que je voulais obtenir, je place mon pied entre le seuil et la porte au moment où on voulait la fermer, et j’oppose la plus ferme résistance. Les sacristains qui avaient servi la Messe de Mr le Curé me pressaient de me retirer en disant qu’il ne recevait pas. Pendant ce temps, le saint vieillard m’aperçut et dit au frère sacristain de me laisser entrer avec mon enfant que j’avais sur les bras.



A peine en présence du Serviteur de Dieu, je me jette à genoux pendant qu’il quitte les ornements sacerdotaux. On lui remet son surplis ; il se tourne alors vers moi et s’adressant à mon enfant, il lui dit : « Mon enfant, tu es trop grand pour te faire porter à ta mère. » Puis il me dit : « Levez-vous. » Il me donna même le bras pour m’aider à me relever. Il ajouta : « Mettez votre enfant à terre. – Il ne le peut pas ; il n’a qu’une jambe. » Le Serviteur de Dieu se mit à rire. « Il marchera ; il guérira votre enfant. Vous avez la foi ; ayez confiance à Ste Philomène. » Je me remis à genoux, soutenant mon enfant debout près de moi ; Il place sur sa tête le livre des (1417) Evangiles, et pendant qu’il récite les prières, il lui arrache quelques cheveux, tantôt d’un coté, tantôt d’un autre ; il m’a semblé que c’était en forme de croix.



Quand il eut fini ses prières, il me recommanda de faire une neuvaine en l’honneur de Ste Philomène. Je le priai de vouloir bien la faire lui-même, prétextant que je n’étais qu’une ignorante, il me refusa : « Je ne le puis : faites-la vous-même ». Je lui remis alors deux francs pour une Messe ; il les accepta en me disant : « Demain matin, ma Messe sera pour vous. » Il déposa un baiser sur le front de mon enfant et me dit : « Allez prier devant Ste Philomène, elle vous le guérira. » Comme je prenais mon enfant pour le porter, il me dit : « Laissez-le aller, il marchera. » Je soutenais mon enfant ; il marcha, et avec de grands efforts, arriva à l’autel de Ste Philomène. Là il se mit à genoux de lui-même, ce qu’il n’avait pas pu faire jusque-là. J’en fus frappée. Il resta très longtemps à genoux, près de trois quarts d’heure, jetant tour à tour les regards sur la statue de Ste Philomène et sur un petit livre de prières que je lui avais donné. J’étais émue à ne savoir plus où j’en étais, versant des larmes, ne priant pas ; voyant mon enfant immobile, je croyais qu’il devenait fou et je ne puis trop dire en quel état je me trouvais moi-même.



Enfin, mon pauvre affligé se lève tout seul et me dit : « J’ai faim. » Nous sortons de la chapelle en lui donnant la main ; mais à la fin, il marchait seul, il m’avait échappé. Arrivé le premier à la porte de l’église, il voit qu’il pleut et s’écrie : « Tu vois bien, si tu m’avais apporté mes sabots. – Oh ! mon enfant, tu n’as pas besoin de sabots. » Je ne pouvais croire à sa guérison. Comme il y avait de la boue, je le prends dans mes bras et je le porte chez Vernu. A la maison, il marche, il saute et me demande des sabots. Mr Vernu me dit : « Il est bien facile d’avoir des sabots. » Je le porte chez le sabotier qu’on m’indique ; il prend des sabots, je les paye, il est déjà dans la rue qui court et s’amuse avec les autres. Je manquais d’expression pour exprimer mon bonheur et témoigner ma reconnaissance envers Dieu. J’appelle mon enfant, nous rentrons à l’église, nous allons prier successivement devant tous les autels. Mon enfant marche bien et sans peine.



Un des Frères vint nous chercher pour nous prier d’aller à la sacristie, où se trouvait le vicaire de Mr le Curé (1418) qui nous demanda nos noms et prit des notes sur la grâce extraordinaire que Dieu venait de nous faire.



Je passai encore quelques jours à Ars, et mon enfant et moi nous ne laissions échapper aucune circonstance de voir Mr le Curé, qui à chaque rencontre ne cessait de nous recommander, le sourire sur les lèvres, d’être bien sages en reconnaissance de la grâce qui venait de nous être accordée. Il eut même la bonté de remettre à mon enfant une poignée de médailles en lui recommandant d’en donner à ses amis. Au bout de sept jours, comme je me présentais à lui pour lui faire bénir des chapelets, il me dit : « Retournez dans votre famille, on a besoin de vous ; vous finirez votre neuvaine chez vous. » Nous étions à peine sortis du bateau qui nous ramenait à St Romain, que mon enfant plein de joie me devance et s’en va courant à la maison. Les voisins, témoins de ce spectacle ne peuvent en croire leurs yeux, se disputent, les uns disant : « C’est bien le petit Devoluet », les autres disant : « Mais non, ce n’est pas possible ». La foule suit l’enfant et quand j’arrive à la maison, elle était pleine. Mon mari pleurait de reconnaissance et d’attendrissement.



Je raconte la guérison de mon enfant pour l’édification de tous et telle qu’elle a eu lieu. Depuis ce moment, mon enfant a toujours joui et jouit encore de la plus belle santé.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, qui aliunde ut circa sanationem ejus filii deponeret inductus fuerat, Rmi Judices Delegati decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita et intellecta, illam in omnibus confirmavit.





Anne Torin (Devoluet)



(1419) Quibus peractis, injunctum fuit praedicto testi, ut se subscriberet, prout ille statim, accepto calamo se subscripsit ut immediate sequitur.



Ita pro veritate deposui.



Testis scribere nesciens signum crucis fecit, ut sequitur



+



TEMOIN – JEAN-MARIE DEVOLUET – 9 août 1864

1423 (1423) Session 158 – 9 août 1864 à 3h de l’après-midi



(1424) Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit :



Je comprends parfaitement le serment que je viens de faire, aussi je ne dirai que la vérité.



Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’appelle Jean-Marie Devoluet. Je suis né à St Romain, diocèse d’Autun, le seize août mil huit cent quarante-neuf. Mon père se nomme Etienne Devoluet et ma mère Anne Torin. Je suis auprès de mes parents, occupé aux travaux des champs.



Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit :



Je m’approche de temps en temps des sacrements de pénitence et d’Eucharistie. J’ai communié une fois depuis Pâques.



Et quoniam praedictus testis neque unquam inquisitus fuit, aut obnoxius censuris et poenis Ecclesiasticis, neque instructus ab aliquo circa ea quae deponere debet, et aliunde accitus fuit ad confirmandam sanationem quam anno millesimo octingentesimo quinquagesimo septimo obtinuit, statim interrogatus fuit super Interrogatorio vigesimo, super quo ei lecto, respondit :



Je sais, pour l’avoir entendu répéter souvent à mes parents, qu’après seize jours de maladie, on me conduisit à Ars. Je me rappelle bien que ma mère et moi nous prîmes le bateau jusqu’au port de Frans. Dans l’omnibus qui conduisait à Ars, nous rencontrâmes un monsieur qui me donna un tableau du saint Curé que je garde religieusement dans ma chambre. Il me souvient qu’après la messe, le Serviteur de Dieu me mit un livre sur la tête, et qu’après les prières faites sur moi, nous allâmes, ma mère et moi, à la chapelle de Ste Philomène. Là je pus me mettre à genoux tout seul ; j’y demeurai longtemps, les regards (1425) tournés vers la statue de la Sainte. A la fin, je me levai et je dis à ma mère que j’avais faim. J’étais guéri. Nous rentrâmes chez Vernu et je descendis seul les escaliers de l’église. Ma mère m’acheta des sabots et je me mis à courir dans la rue. Pendant les jours qui suivirent, nous revîmes Mr le Curé et les traits de sa figure restent profondément gravés dans mon esprit et dans mon coeur. Il me souvient qu’avant de quitter Ars, le Serviteur de Dieu me donna une grande poignée de médailles. Au milieu de la foule des pèlerins, une femme m’ayant tiré le bras, les médailles tombèrent à terre. On se les disputa, je pus en recueillir trois que je conserve pieusement. Depuis ce moment, je conserve et je conserverai toute ma vie la plus grande confiance envers le Saint Curé d’Ars, mon bienfaiteur. Jamais je n’ai eu depuis ni douleur ni indisposition, et je jouis de la plus parfaite santé.



Qua responsione accepta, omissis coeteris Interrogatoriis, completum esse examen praedicti testis, Rmi Judices Delegati, qui perfectam fuisse sanationem non sine admiratione agnoverunt, decreverunt, et per me Notarium Actuarium, de mandato Dominationum suarum Rmarum perlecta fuit eidem testi integra depositio ab ipso emissa a principio usque ad finem, qua per ipsum bene audita, illam in omnibus confirmavit, ac postea propria manu se subscripsit, ut sequitur.

Jean-Marie Devoluet



Ita pro veritate deposui.



Devoluet Jean-Marie




Ars Procès informatif 1391