Augustin sur Jean 29

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VINGT-NEUVIÈME TRAITÉ

Jn 7,14-18

L'HOMME-DIEU.

DEPUIS CET ENDROIT DE L'ÉVANGILE: "ET COMME LA FÊTE ÉTAIT DÉJÀ À DEMI PASSÉE", JUSQU'À CET AUTRE: "CELUI QUI L'A ENVOYÉ, CELUI-LÀ EST VÉRIDIQUE, ET IL N'Y A POINT D'INJUSTICE EN LUI".


En entendant le Christ, les Juifs, qui ne voyaient en lui qu'un homme, ne pouvaient s'expliquer comment il savait si bien l'Ecriture sans avoir rien appris. S'ils avaient eu la foi, ils auraient compris qu'il était Dieu et Verbe du Père, que, par conséquent, il en était l'organe, et que de là venait sa science étonnante; mais ils ne croyaient pas en lui, ni la foi ni la charité ne les animait; aussi ses humiliations, au lieu de leur faire reconnaître son infinie grandeur, ne leur laissaient-elles apercevoir que son humanité.

1. On a lu aujourd'hui, et, par conséquent, nous devons aussi étudier la suite de l'Evangile; nous l'expliquerons selon que Dieu nous en fera la grâce. Hier, on vous a donné lecture du texte sacré, jusqu'à l'endroit où l'Evangéliste mentionne les discours que les Juifs tenaient au sujet de Jésus, quoiqu'ils eussent passé une partie de la fête sans le voir paraître dans le temple: "Les uns disaient: Il est bon; les autres répondaient: Non, mais il séduit la foule (1)". Ces discours étaient destinés à consoler les futurs prédicateurs de la parole divine, car ils devaient être considérés en même temps, et comme des séducteurs, et comme des hommes sincères (2). Si séduire, c'est tromper, ni le Christ ailes Apôtres n'ont été des séducteurs; aucun chrétien ne doit mériter ce nom. Mais si vous entendez par séduire, se servir de la persuasion pour conduire quelqu'un d'un endroit à un autre, il faut voir ce que l'on fait quitter à cet homme, et ce à quoi on le mène. Le porter du mal au bien, c'est être un bon séducteur; l'entraîner du bien au mal, c'est le fait d'un séducteur mauvais. Puisse-t-on nous appeler tous, puissions-nous être réellement des séducteurs, en ce sens que nous décidions les hommes à quitter le mal pour revenir au bien!

2. Le Sauveur "monta" donc ensuite à la fête, "lorsqu'elle était déjà à demi passée, et il enseignait. Et les Juifs s'étonnèrent, disant: Comment celui-ci sait-il lire, puisqu'il n'a point appris?" Celui qui se cachait,

1. Jn 7,12. - 2Co 6,8.

enseignait: il parlait en public, et personne ne mettait la main sur lui. Il ne se faisait pas connaître, afin de nous servir d'exemple; et si personne ne s'emparait de lui, c'était l'effet de sa puissance. Quand il enseignait, "les Juifs s'étonnaient". A mon avis, tous s'étonnaient; mais tous ne se convertissaient pas. D'où venait leur étonnement? Le voici. Beaucoup savaient où il était né, comment il avait été élevé; jamais ils ne l'avaient vu apprendre les Ecritures; pourtant, ils l'entendaient disserter sur la loi, citer à l'appui des passages de la loi, que personne ne pouvait citer sans les avoir lus, et que personne ne pouvait lire sans avoir appris la lecture. Ils s'étonnaient donc. Leur étonnement fut, pour le divin Maître, l'occasion de leur insinuer des vérités plus hautes. Le Sauveur prit occasion de leur étonnement et de leurs paroles, pour leur adresser des paroles profondes et dignes d'être étudiées et discutées avec le soin le plus minutieux. C'est pourquoi je demande instamment à votre charité deux faveurs: l'une pour vous, c'est de nous écouter; l'autre pour nous, c'est de nous aider de vos prières.

3. Que répond le Sauveur à ces hommes qui se demandaient avec étonnement comment il pouvait savoir lire sans avoir appris à le faire? "Ma doctrine", leur dit-il, "ne vient pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé". Voici le premier mystère que je rencontre dans ces paroles, c'est que dans ce peu de mots sortis de la bouche de Jésus, il semble se trouver une contradiction; car il ne dit pas:546

Cette doctrine n'est pas la mienne; mais il dit: "Ma doctrine ne vient pas de moi". Si cette doctrine ne vient pas de vous, comment est-elle la vôtre? Et si elle est la vôtre, comment se fait-il qu'elle ne vienne pas de vous? Vous dites pourtant l'un et l'autre: "C'est ma doctrine, elle ne vient pas de moi". Si Jésus avait dit: Celte doctrine n'est pas la mienne, il n'y aurait aucune difficulté. Mais, mes frères, examinez d'abord la difficulté, puis attendez-en la solution raisonnée; car celui qui ne comprend pas bien l'état de la question, est-il à même d'en bien saisir la solution? Voici donc l'état de la question. Le Sauveur dit: "Ma doctrine ne vient pas de moi"; ces mots: "Ma doctrine", semblent être en contradiction avec ces autres: "Ne vient pas de moi". Rappelons-nous bien ce que l'écrivain sacré dit au commencement de son Evangile: "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu (1)". De là sort la solution de la difficulté. Quelle est la doctrine du Père, sinon son Verbe? Le Christ est donc la doctrine du Père, s'il en est le Verbe; mais parce que le Verbe est la propriété de quelqu'un, parce qu'il est impossible qu'il n'appartienne à personne, il s'est appelé lui-même sa doctrine, et il a dit qu'elle ne vient pas de lui; car il est le Verbe du Père. Y a-t-il, en effet, quelque chose qui t'appartienne plus que toi-même? Y a-t-il rien qui t'appartienne moins que toi-même, situ tiens d'un autre ce que tu es?

4. Le Verbe est donc Dieu; il est aussi le Verbe, l'expression d'une doctrine stable, qui ne passe point et ne s'évanouit nullement avec des mots, mais qui demeure avec le Père. Puissent des paroles qui passent nous instruire de cette doctrine! Puissions-nous en subir la bienfaisante influence! Ces sons passagers ne frappent point nos oreilles pour nous appeler à des choses transitoires; elles nous engagent à aimer Dieu. Toutes les paroles que je viens de vous adresser sont dei mots: elles ont frappé et fait vibrer l'air, pour arriver jusqu'à vous par le sens de l'ouïe; elles ont passé en faisant du bruit; mais ce que je vous ai dit, par leur intermédiaire, ne doit point passer; car celui que je vous ai recommandé d'aimer, ne passe pas; et quand, excités par des sons d'un moment

1. Jn 1,1.

vous vous serez portés vers lui, vous ne passerez pas non plus, car vous serez unis d'une manière permanente à Celui qui demeure toujours. Dans un enseignement, ce qui est grand, élevé et éternel, c'est ce qui dure; voilà où nous appelle tout ce qui passe dans le temps, pourvu qu'il s'y attache un sens vrai, et non une signification menteuse. Tout ce que nous donnons à entendre par les sons de notre voix a une signification distincte de ces sons matériels. Ainsi, les deux syllabes dont se compose le mot Dieu, Deus, ne sont pas Dieu; nous ne rendons aucun culte à ces deux syllabes, nous ne les adorons pas; ce n'est pas jusqu'à elles que nous désirons parvenir: on a fini de les entendre, pour ainsi dire, avant d'avoir commencé, et il n'y a place pour la seconde que quand la première est passée. Le son de voix par lequel nous disons: Dieu, ne dure pas, mais il y a, pour demeurer toujours, quelque chose de grand, c'est le Dieu dont on fait retentir le nom. Tel est le point de vue sous lequel vous devez envisager la doctrine du Christ; ainsi parviendrez. vous jusqu'au Verbe de Dieu; et quand vous y serez parvenus, rappelez-vous que "le Verbe était Dieu", et vous verrez que cette parole: "Ma doctrine", est vraie. Rappelez-vous aussi de qui le Christ est le Verbe, et vous comprendrez toute la justesse de cette autre parole: "Ne vient pas de moi".

5. Je le dis donc brièvement à votre charité: il me semble que par ces paroles: "Ma doctrine ne vient pas de moi", le Seigneur Jésus s'est exprimé dans le même sens que s'il avait dit: Je ne viens pas de moi-même. En effet, quoique nous disions et croyions le Fils égal au Père; quoique nous reconnaissions qu'il n'y a entre eux aucune différence de nature et de substance; quoique enfin l'éternité appartienne aussi bien au Fils engendré qu'au Père son générateur, nous disons, cette réserve faite et bien entendue: Ce qu'est le Père, le Fils l'est aussi: le Père n'existe pas sans le Fils, comme le Fils n'existe pas sans le Père. Le Fils est Dieu, et il vient du Père; le Père est Dieu, mais il ne vient pas du Fils. Il est le Père du Fils, mais il n'est pas Dieu venant du Fils; tandis que le Fils est le Fils du Père; il est Dieu venant du Père, car on appelle Notre-Seigneur Jésus-Christ Lumière de Lumière. La Lumière qui ne vient pas de la Lumière, et la Lumière [547] égale à la Lumière, et qui en vient, ne sont ensemble qu'une seule et même Lumière, et non pas deux Lumières.

6. Si nous avons bien compris, que Dieu en soit loué; si quelqu'un n'a pas parfaitement saisi ces vérités, il est allé aussi loin que les forces humaines le lui ont permis, et il doit considérer ce qui surpasse son intelligence, comme l'objet de ses espérances immortelles. Pareils à des ouvriers, nous pouvons bien extérieurement planter et arroser; mais à Dieu seul il appartient de donner l'accroissement (1). "Ma doctrine", dit le Sauveur, "ne vient pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé". Qu'il écoute le conseil du Maître, celui qui dit: Je n'ai pas compris. Car, après avoir dit cette grande et mystérieuse chose, le Sauveur Jésus vit bien que tous ne saisiraient pas un enseignement aussi profond; il leur donna donc immédiatement un conseil. Veux-tu comprendre? Aie la foi; car le Seigneur a dit par la bouche du Prophète: "Si vous ne croyez, vous ne comprendrez point (2)". A cela revient ce qu'ajouta ensuite le Sauveur: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il saura de ma doctrine si elle vient de Dieu, ou si je parle de moi-même". Qu'est-ce que cela: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu?" Moi j'avais dit: Si quelqu'un croit, et j'avais conseillé de croire. Si tu n'as pas compris, je le répète, aie la foi; car l'intelligence est la récompense de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre, afin de croire; mais crois, afin de comprendre, parce que "si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas". Pour vous rendre capables de comprendre, je vous avais indiqué, comme moyen, l'obéissance de la foi, et j'avais dit que le Sauveur Jésus nous a recommandé le même moyen, dans la phrase suivante; et néanmoins nous l'entendons nous dire: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il saura de ma doctrine". "Il saura", c'est-à-dire il comprendra; et ces paroles: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu", signifient: Si quelqu'un veut croire. Mais puisque ces mots: "Il saura", veulent dire comprendre, tous comprennent; et ces autres: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu", signifiant la même chose que croire, nous avons besoin, pour mieux comprendre, que Notre-Seigneur lui-même

1. 1Co 3,6. - 2 Is 7,9 selon les Septante.

nous instruise; il faut qu'il nous dise si réellement l'accomplissement de la volonté de son Père est corrélatif à la foi. Quelqu'un ignore-t-il qu'accomplir la volonté de Dieu, c'est faire son oeuvre, ou, en d'autres termes, ce qui lui plaît? Le Sauveur dit formellement ailleurs: "C'est l'oeuvre de Dieu que vous croyiez en Celui qui m'a envoyé (1)". "Que vous croyiez en lui", et non pas que vous croyiez à lui. Si vous croyez en lui, croyez à lui; mais quiconque croit à lui, ne croit pas par cela même en lui; car les démons croyaient à lui sans croire en lui,. Nous pouvons, de même, dire de son Apôtre: Nous croyons à Paul, et non pas, nous croyons en Paul: nous croyons à Pierre, et non, nous croyons en Pierre. "Lorsqu'un homme croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (2)". Qu'est-ce donc que croire en lui? C'est l'aimer, c'est le chérir, c'est tendre vers lui, c'est s'incorporer à ses membres, et tout cela, par la foi. La foi, voilà donc ce que Dieu exige de nous, et voilà, néanmoins, ce qu'il ne peut trouver en nous, à moins qu'il ne l'y mette lui-même par sa grâce. De quelle foi est-il ici question, sinon de celle dont l'Apôtre a si bien tracé le caractère, quand il a dit: "La circoncision et l'incirconcision ne servent de rien; la foi seule qui agit par la charité, sert à quelque chose (3)". Il ne s'agit pas d'une foi quelconque, mais de celle "qui agit par la charité". Puisse-t-elle se trouver en toi, et tu auras l'intelligence de sa doctrine. Que comprendras-tu? Que "cette doctrine n'est pas la mienne, mais qu'elle vient de Celui qui m'a envoyé"; en d'autres termes, tu sauras que le Christ est le Fils de Dieu, qu'il est la doctrine du Père; il n'est pas à lui-même son principe, mais il est le Fils de Dieu.

7. Cette parole renverse de fond en comble l'hérésie de Sabellius. Les Sabelliens ont osé dire que le Fils n'était autre que le Père: ce sont deux noms différents appliqués à une seule et même chose. S'il n'y avait qu'une seule personne désignée sous deux noms, il ne serait pas dit: "Ma doctrine ne vient pas de moi". Certes, Seigneur, si votre doctrine ne vient pas de vous, et s'il n'existe pas une autre personne dont elle émane, de qui vient-elle? Ce que vous avez dit, les Sabelliens ne l'ont pas compris: au lieu de reconnaître

1. Jn 6,29. - 2. Rm 15,5. - 3. Ga 5,6.

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la Trinité, ils se sont laissé conduire par les illusions erronées de leur coeur. Pour nous, qui adorons la Trinité, l'union du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et une seule substance divine, comprenons bien que la doctrine du Christ ne vient pas de lui. Il a dit qu'il ne parlait pas de lui-même, parce que le Christ est le Fils du Père, que le Père est le Père du Christ, que le Fils est Dieu, engendré de Dieu le Père, et que si le Père est Dieu, il n'est pas Dieu engendré de Dieu le Fils.

8. "Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire". Tel sera celui qu'on appelle l'antéchrist: "Il s'élèvera", selon l'expression de l'Apôtre, "au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou ce qui est adoré" . Le Sauveur annonce en ces termes aux Juifs, que l'antéchrist cherchera sa propre gloire, et non celle du Père: "Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu; un autre viendra en son propre nom, et vous le recevrez (2)". Il voulait dire par là qu'ils recevraient l'antéchrist; l'antéchrist occupé à rechercher la gloire de son propre nom; l'antéchrist enflé par l'orgueil, et noua pas nourri par la charité; l'antéchrist destiné, par conséquent, non pas à durer toujours, mais à périr bientôt. Pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, il nous a donné un grand exemple d'humilité. En effet, il est égal à son Père. "Au commencement était "le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu". Il a dit lui-même, et ses paroles étaient l'expression de la pure vérité: "Je suis avec vous depuis si longtemps, et vous ne me connaissez pas encore? Philippe, celui qui me voit voit, aussi mon

1. 2Th 2,4. - 2. Jn 5,43.

Père". Il a dit encore, et en toute vérité: "Mon- Père et moi, nous sommes une même chose (1)". Il est donc une même chose avec le Père, égal au Père, Dieu de Dieu, Dieu en Dieu, coéternel avec lui, et, comme lui, immortel, immuable dès avant le temps, créateur et dispensateur de ce même temps. Toutefois, il est venu dans le temps, s'est revêtu de la forme d'esclave et a été reconnu pour homme par tout ce qui a paru en lui: il cherche donc la gloire de son Père et non pas la sienne. Alors, ô homme, que dois-tu faire, toi qui cherches ta propre g1oire, quand tu fais un peu de bien, et qui penses à accuser Dieu lorsque tu as quelque épreuve à supporter? Réfléchis à ce que tu es; tu es une créature, reconnais donc ton Créateur; tu es un serviteur, ne méprise donc pas ton Maître. Tu as été adopté, mais non pas en raison de tes mérites; cherche donc la gloire de Celui qui a bien voulu t'adopter pour Son enfant,et à la gloire de qui a travaillé son Fils unique par nature. "L'homme qui cherche la gloire de Celui qui l'a envoyé, est véridique, et il n'y a point d'injustice en lui". Dans l'antéchrist ne se trouvent ni la justice, ni la vérité, parce qu'il cherche sa propre gloire, au lieu de chercher la gloire de Celui qui l'a envoyé, mais il n'a pas été envoyé; il lui a seulement été permis de venir. Tous ceux d'entre nous qui appartiennent au corps du Christ, doivent donc ne pas chercher leur gloire personnelle, afin de ne point tomber dans les pièges de l'antéchrist; et si le Sauveur a cherché la gloire de Celui qui l'a envoyé, qu'à bien plus juste titre nous devons chercher la gloire de Celui qui nous a créés!

1. Jn 14,9. - 2. Jn 10,30.




30

TRENTIÈME TRAITÉ

Jn 7,19-24

IMPARTIALITÉ.

DEPULS CE PASSAGE: "MOÏSE NE VOUS A-T-IL PAS DONNÉ LA LOI, ET NUL DE VOUS NE L'ACCOMPLIT", JUSQU'À CET AUTRE: "NE JUGEZ PAS SELON L'APPARENCE, MAIS JUGEZ AVEC UN JUGEMENT DROIT".

A la vue du miracle opéré par Jésus-Christ le jour du sabbat, les Juifs s'étaient scandalisés. Moïse, leur dit Jésus, vous a commandé la circoncision pour le huitième jour, et vous la pratiquez sans scrupule le Jour du sabbat, et vous me défendez de guérir un homme La circoncision était ta figure de la guérison spirituelle, et vous trouvez mauvais que je délivre une âme du péché! Vous buvez et mangez pour l'entretien de votre santé, et il me serait interdit de rendre la santé à un malade! Jugez donc impartialement des hommes et des choses.

1. La leçon qu'on a lue aujourd'hui dans le saint Evangile suit immédiatement celle dont nous avons naguère donné l'explication à votre charité. Le Sauveur parlait à un auditoire qui était formé par ses disciples et par des Juifs. Pour écouter les enseignements de la vérité, il y avait des hommes sincères et des menteurs; les discours de la charité frappaient des oreilles amies et des oreilles mal disposées: des bons et des méchants entendaient les paroles que leur adressait Celui en qui se trouvait la perfection même. Ils l'écoutaient, et Jésus connaissait les secrètes dispositions de leurs coeurs: il voyait et prévoyait à qui ses paroles profitaient pour le moment, et seraient plus tard utiles. Ecoutons donc l'Evangile, comme si le Seigneur nous parlait en personne; gardons-nous de dire: Heureux les hommes qui ont pu le voir! Plusieurs de ceux qui l'ont vu l'ont aussi mis à mort; et par contre, quoique nos yeux ne l'aient point contemplé, il en est beaucoup parmi nous pour avoir cru en lui. Les paroles si précieuses tombées des lèvres de Jésus-Christ, on les a écrites pour nous, on nous les a conservées, on nous en a fait lecture pour nous instruire,et nos arrière-neveux, jusqu'à la fin du monde, en auront aussi connaissance de la même manière. Le Sauveur est au ciel, mais, par la vérité, il habite toujours parmi nous. Le corps ressuscité du Sauveur se trouve nécessairement en un seul endroit; mais sa vérité est répandue eu tous lieux. Le Sauveur nous parle, écoutons-le donc, et parlons nous-mêmes de ce qu'il nous dit, selon la mesure de sa grâce.

2. "Moïse", dit-il, "ne vous a-t-il pas donné la loi? Et nul d'entre vous n'accomplit la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir?" La raison pour laquelle vous cherchez à me faire mourir, c'est que nul d'entre vous n'accomplit la loi; car si vous l'accomplissiez, vous reconnaîtriez que ces saintes Ecritures ont annoncé clairement le Christ, et, pendant son séjour au milieu de vous, vous ne le feriez point mourir. Et ils lui répondirent: "La foule lui répondit". Elle lui répondit à la manière d'une foule en tumulte; elle lui fit une réponse qui respirait, non le calme, mais l'agitation. Quoi qu'il en soit, voyez ce que répondit cette foule agitée: "Tu es possédé du démon: qui est-ce qui cherche à te faire mourir?" Dire à Jésus: "Tu es possédé du démon", n'était-ce pas un procédé pire que de le faire mourir? C'était, en effet, affirmer que celui qui chassait les démons en était lui-même l'esclave. Que pouvait dire de plus une multitude furieuse? Un cloaque infect, remué jusque dans ses dernières profondeurs, a-t-il jamais exhalé odeur plus nauséabonde? Cette multitude était troublée: par quoi? Par la vérité. L'éclat de la lumière a blessé une foule d'yeux malades, car les yeux affaiblis ne peuvent supporter la vue de la lumière.

3. Pour le Sauveur, il ne se troubla nullement, mais il demeura calme et tranquille dans sa vérité; il ne rendit ni le mal pour le mal, ni la malédiction pour la malédiction (1). Il aurait pu leur répondre: C'est vous qui êtes possédés du démon, et, en cela,

1. 1P 3,9.

550il n'aurait dit que l'exacte vérité; car ils n'eussent point tenu à la vérité un pareil langage, s'ils n'avaient subi l'influence de l'esprit de mensonge. Aussi, que leur répondit-il? Ecoutons-le tranquillement, et que ses paroles si calmes descendent en nos coeurs comme un bienfaisant breuvage. "J'ai fait une oeuvre, et vous vous en êtes étonnés". C'était comme s'il leur disait: Que serait-ce donc si vous contempliez toutes mes oeuvres? Toutes les merveilles de l'univers étaient sorties de ses mains, ils les voyaient, et, cependant, ils ne le reconnaissaient pas, lui qui en était l'auteur. Il n'a fait qu'une oeuvre en leur présence, il a guéri un homme le jour du sabbat, et ils sont tombés dans le trouble. Si un malade relevait de son infirmité le jour du sabbat, tiendrait-il sa guérison d'un médecin autre que Celui au sujet de qui ils s'étaient scandalisés, pour l'avoir vu guérir un homme à pareil jour? La guérison d'un malade peut-elle venir d'ailleurs que de la santé même, que de celui qui donne aux animaux une vigueur pareille à la vigueur rendue par lui à cet homme? Il avait opéré une guérison corporelle. La santé du corps se répare et finit par disparaître sous les coups de la mort; rétablissez-la, vous éloignez la mort pour un moment, mais vous ne lui ôtez pas ses droits. Toutefois, mes frères, la guérison vient toujours de Dieu lui-même, n'importe par qui soit rendue la santé. Qu'elle soit réparée, rétablie et rendue par celui-ci ou par celui-là, elle n'en vient pas moins, en définitive, de Celui qui est la source de toute santé, selon cette parole du Psalmiste: "Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux selon votre grande miséricorde, ô mon Dieu". Parce que vous êtes Dieu, vos infinies miséricordes vont jusqu'à faire vivre le corps de l'homme, et même les animaux qui ne peuvent proclamer vos louanges: vous donnez aux hommes et aux animaux un principe de vie pareille; mais ne réservez-vous pas aux hommes une vie plus particulière, plus spéciale? Oui, il est un autre genre de vie que les brutes ne partagent pas avec les hommes, qui ne sera pas non plus réservé également aux bons et aux méchants. Après avoir parlé de l'existence que Dieu accorde aussi bien aux bêtes qu'aux hommes, le Psalmiste appelle notre attention sur cette autre vie, que doivent espérer les hommes seuls, non pas encore tous les hommes, mais uniquement les hommes vertueux; c'est pourquoi il continue et ajoute: "Les enfants des hommes espèrent à l'ombre de vos ailes; ils seront enivrés de l'abondance de votre maison; vous les abreuverez du torrent de vos délices; car en vous est la source de la vie, et, dans votre lumière, nous verrons la lumière (1)". Voilà la vie réservée aux bons, à ceux qu'il désignait sous le nom d'enfants des hommes, quand il disait d'abord: "Seigneur, votre Providence gardera les hommes et les animaux". Eh quoi, en effet? De ce que ces paroles: "Pour les enfants des hommes", viennent après celles-ci: "Les hommes", s'ensuit-il que les hommes n'étaient pas les enfants des hommes, comme si par le mot "hommes", il fallait entendre toute autre chose que par ceux-ci: "Les enfants des hommes?" Je ne suppose pas néanmoins qu'en s'exprimant ainsi, le Saint-Esprit n'ait voulu mettre aucune différence entre la signification de l'un et la signification de l'autre. Celui-là: "Les hommes", a trait à Adam; ceux-là: "Les enfants des hommes", au Christ; car peutêtre "les hommes" sont-ils les descendants d'Adam; et les enfants des hommes sont-ils les fidèles disciples du Christ.

4. "Je n'ai fait qu'une oeuvre, et vous en "êtes tout étonnés". Immédiatement après, il ajoute: "Moïse vous a donné la circoncision". Il est juste que vous ayez reçu de Moïse le précepte de la circoncision, "non qu'elle soit venue de lui, mais parce qu'elle "est venue des patriarches"; Abraham l'a reçue le premier de Dieu lui-même (2). "Et vous donnez la circoncision au jour du sabbat". Par là Moïse vous condamne. La loi vous oblige de circoncire un enfant huit jours après sa naissance (3): la même loi exige que vous vous reposiez le septième jour (4); mais si l'octave de la naissance de votre enfant tombe au jour du sabbat, que ferez-vous? Vous reposerez-vous pour observer le septième jour, ou bien donnerez-vous la circoncision, pour ne point omettre la cérémonie sacrée de l'Octave? Mais, dit-il, je sais ce que vous faites: "vous donnez la circoncision à l'enfant". Pourquoi? parce qu'elle exprime une certaine idée de salut, et qu'au jour du

1. Ps 35,7-10. - 2. Gn 17,10. - 3. Lv 12,3. - 4. Ex 20,10.

551

sabbat les hommes doivent travailler à leur salut. Ne vous irritez donc pas non plus contre moi parce que j'ai guéri un homme le jour du sabbat; si un homme reçoit, ce jour-là, la circoncision, sans que la loi de Moïse soit violée (car, par l'établissement de la circoncision, Moïse a voulu contribuer en quelque chose au salut de ceux qui la recevraient), pourquoi vous indigner contre moi, lorsqu'en ce jour je travaille au salut d'un homme?

5. Peut-être, en effet, la circoncision était-elle une figure du Sauveur, contre lequel les Juifs s'indignaient parce qu'il soignait et guérissait un malade au jour du sabbat. Il était prescrit de circoncire un enfant le huitième jour après sa naissance; or, qu'est-ce que recevoir la circoncision, sinon se dépouiller de sa chair? la circoncision signifiait donc l'action d'ôter de son coeur tous les désirs de la chair. C'est par un homme que la mort est venue; c'est aussi par un homme que vient à résurrection des morts (1). Le péché est entré dans ce monde par un seul homme, et la mort par le péché (2). Chacun vient au monde avec le prépuce, parce que chacun naît avec le péché originel, et Dieu ne nous purifie soit du péché, dont nous naissons coupables, soit des fautes que nous y ajoutons par notre mauvaise conduite, qu'au moyen du couteau de pierre qui est Jésus-Christ, Notre-Seigneur. Car le Christ était la pierre (3). Des couteaux de pierre servaient chez les Juifs à donner la circoncision; et, en se servant d'instruments de pierre, ils préfiguraient le Christ, ils l'avaient sous les yeux, et pourtant ils ne le reconnaissaient pas: ils désiraient même le faire mourir. Mais pourquoi la circoncision se pratiquait-elle le huitième jour? Sans doute parce que le Sauveur est ressuscité le dimanche, c'est-à-dire après le jour du sabbat, qui est le septième. La résurrection de Jésus-Christ, qui s'est faite, à la vérité, le troisième jour après sa passion, a eu lieu précisément le huitième jour, dans l'ordre des jours de la semaine: elle nous a donc aussi circoncis. L'Apôtre nous parle de ceux en qui la véritable Pierre a pratiqué la circoncision; écoute-le, voici ses paroles: "Si donc vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez les choses du ciel, où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu; n'ayez de goût que pour

1. 1Co 15,21. - 2. Rm 5,12. - 3. 1Co 10,4.

les choses d'en haut, et non pour celles d'ici-bas (1)". Il s'adresse à des circoncis le Christ est ressuscité; il vous a dépouillé des désirs de la chair; il vous a délivrés des passions désordonnées; il vous a enlevé ce superflu que vous aviez apporté avec vous en venant au monde, et cet autre, encore plus déplorable, que vous y aviez ajouté par votre mauvaise vie: vous avez été circoncis au moyen de la Pierre, pourquoi donc avoir encore du goût pour les choses de la terre? Enfin, puisque Moïse vous a donné la loi, et qu'en conséquence vous donnez vous-mêmes la circoncision le jour du sabbat, voyez-y la figure et l'annonce de la bonne oeuvre que j'ai accomplie à l'égard de cet homme en lui rendant ce même jour la santé; car je l'ai guéri de telle manière qu'il a recouvré la vigueur de son corps, et que, par la foi, il a obtenu le salut de son âme.

6. "Ne jugez point avec acception de personnes, mais jugez avec un jugement droit". Qu'est-ce à dire? Le jour du sabbat, vous pratiquez la circoncision en vertu de la loi de Moïse, et vous ne vous irritez nullement contre ce saint législateur, et vous vous irritez contre moi parce que, ce jour-là, j'ai rendu la santé à un homme; vous jugez selon les personnes, mais faites donc attention à la vérité. Je ne me préfère pas à Moïse, dit le Seigneur, qui était le Maître de Moïse lui-même. Nous sommes deux hommes différents; regardez-nous comme tels; jugez entre nous, mais jugez équitablement et avec droiture ne condamnez pas Moïse pour m'honorer; comprenez-le bien et honorez-moi. C'était le langage que le Sauveur avait tenu aux Juifs dans une autre circonstance: "Si vous croyiez à Moïse, vous me croiriez aussi, car c'est de moi qu'il a écrit (2)". Mais dans l'occasion présente, il ne voulut point leur parler de la sorte, parce qu'il aurait semblé paraître devant eux avec Moïse comme accusé. En vertu de la loi de Moïse, vous pratiquez la circoncision, même quand le huitième jour coïncide avec le sabbat, et vous ne prétendez pas que ce jour-là je sois libre de me montrer bienfaisant et de rendre la santé aux infirmes? Parce que le Seigneur est tout à la fois l'auteur de la circoncision et du sabbat,, il est, par là même aussi, l'auteur de la santé. Il vous a défendu les oeuvres serviles au jour du

1 Col 3,1-2. - 2. Jn 5,46.

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sabbat; mais parce que vous comprenez bien en quoi elles consistent, vous donnez la circoncision sans crainte d'offenser votre Dieu; car "celui qui commet le péché est l'esclave du péché (1)". Mais est-ce bien une oeuvre servile que guérir un homme le jour du sabbat? Vous mangez et vous buvez (j'emprunte cette manière de m'exprimer à l'instruction même et au discours adressés aux Juifs par le Sauveur); vous mangez et vous buvez le jour du sabbat, pourquoi? évidemment par le motif que cette action est nécessaire à votre santé. Par là, vous en donnez la preuve convaincante; il n'est pas prescrit d'omettre ce qui a trait à notre santé: "Ne jugez" donc "pas avec acception de personnes, mais jugez avec un jugement droit". Regardez-moi comme un homme, regardez aussi comme tel votre Législateur, et si vous jugez selon la vérité, vous ne condamnerez ni Moïse ni moi, et par la connaissance que vous aurez acquise de la vérité, vous reconnaîtrez que je suis la vérité (2).

7. Il est très-difficile d'éviter ici-bas le grave inconvénient que le Sauveur nous signale en cet endroit, l'inconvénient de juger avec acception de personnes, au lieu de juger avec impartialité et droiture. C'était sans doute aux Juifs que Jésus adressait cet avertissement; mais nous devons aussi en profiter, c'était son intention: car s'il voulait les convaincre, il prétendait également nous instruire; de ses paroles résultaient pour eux une preuve sans réplique, et pour nous une leçon facile à comprendre. N'allons pas nous imaginer q u'elles ne nous concernent en rien, par cette raison qu'elles ne nous ont pas été directement adressées. Elles ont été écrites, on nous les a lues, pendant qu'on les récitait nous les avons entendues. Il nous semblait qu'elles s'adressaient seulement aux Juifs mais ne nous retirons pas à l'arrière-plan ne les considérons pas comme s'appliquant aux seuls ennemis du Sauveur; ne faisons nous-mêmes rien que la vérité puisse blâmer en nous. Les Juifs jugeaient avec acception de personnes; aussi n'appartiennent-ils pas au Nouveau Testament; aussi ne possèdent-ils point le royaume des cieux en Jésus-Christ, et ne sont-ils pas non plus en union de société avec les saints Anges. Ils demandaient à Dieu les avantages de la terre, car la terre

1. Jn 8,34. - 2. Jn 14,6.

promise, la victoire remportée sur leurs ennemis, la fécondité dans le mariage, le grand nombre des enfants, l'abondance des récoltes, voilà ce que le Seigneur s'était engagé à leur donner; pour leur réserver une pareille récompense, il n'en était pas moins la vérité et la bonté même, car il ne la leur réservait que parce qu'ils étaient des hommes charnels; voilà tout ce qui constitua pour eux l'Ancien Testament. Qu'est-ce que l'Ancien Testament? C'est comme l'héritage destiné au vieil homme. Nous avons été renouvelés, nous sommes devenus l'homme nouveau, parce Jésus-Christ, l'homme nouveau, est venu naître d'une Vierge; se peut-il une chose aussi nouvelle? Parce que la Loi ne pouvait rien renouveler en lui, parce qu'en lui use se trouvait aucun péché, une naissance d'un nouveau genre fut la sienne. En lui donc une naissance nouvelle, en nous un homme nouveau. Qu'est-ce qu'un homme nouveau? Un homme renouvelé de la vieillesse. En quoi? En ce qu'il désire les choses du ciel, en ce qu'il souhaite posséder les choses éternelles, en ce qu'il soupire après la patrie d'en haut, où l'on n'a plus à redouter les attaques de l'ennemi, où l'on ne perd plus ses amis, ou l'on ne craint plus de rencontrer des adversaires, où l'on vit avec toutes les perfections, sans aucun défaut; où personne ne reçoit le bienfait de la vie, parce que personne n'y succombe aux coups de la mort, où nul homme ne réussit parce qu'aucun n'y supporte de pertes; où, enfin, ni la faim ni la soif ne se font sentir, parce qu'on s'y abreuve d'immortalité et que la vérité y tient lieu de nourriture. Tel est l'objet des promesses qui nous ont été faites, nous appartenons au Nouveau Testament, nous partageons le nouvel héritage, nous sommes devenus les cohéritiers du Sauveur lui-même; nous avons donc des espérances bien autres que celles des Juifs; ne jugeons donc pas avec partialité, mais jugeons avec droiture.

8. Quel est celui qui juge impartialement? Celui qui aime autant les uns que les autres. Une charité égale pour tous écarte toute acception de personnes. Si nous n'honorons pas les hommes d'une manière différente, selon la position qu'ils occupent dans le monde, il est à craindre que nous fassions acception de quelqu'un. Quand nous avons à nous prononcer entre deux personnes liées [553] peut-être par la parenté, ce qui arrive à l'égard d'un père et de son fils, soit que le père se plaigne de la mauvaise conduite de son enfant, soit que le fils accuse la dureté de son père, nous conservons, nous ne détruisons pas les droits qu'a le père au respect de son fils; nous n'accordons point à celui-ci la même considération qu'à celui-là; mais si le fils a raison contre sou père, nous lui donnons gain de cause. Le respect dû à la vérité exige que nous soutenions les droits du fils comme nous soutiendrions ceux du père; nous rendrons donc à celui-ci l'honneur qu'il mérite, mais nous ne permettrons pas que la justice perde ses droits. Voilà le profit que nous devons tirer des paroles du Sauveur; sa grâce nous aidera à le faire.





Augustin sur Jean 29