Augustin sur Jean 61

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SOIXANTE ET UNIÈME TRAITE

Jn 13,21-26

JUDAS.

DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR: "EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS DIS QU'UN DE VOUS ME TRAHIRA", JUSQU'À CES AUTRES: "C'EST CELUI À QUI JE DONNERAI DU PAIN TREMPÉ".


Jésus ayant dit à ses Apôtres: Un d'entre vous, c'est-à-dire, l'un de vous, qui ne partage pas vos sentiments, me trahira, ils se regardèrent tous, et sur un signe de Pierre, Jean le bien-aimé demanda qui était celui-là. - C'est celui à qui je vais donner du pain trempé.- Et le Sauveur en donna à Judas Iscariote.

1. A l'occasion de ce passage de l'Evangile qu'on vient de lire, mes frères, et que nous avons à vous expliquer, nous vous dirons encore quelque chose du traître Judas, que Notre-Seigneur désigna assez clairement en lui donnant le morceau de pain qu'il avait trempé. En vous parlant déjà de lui dans notre précédent discours, nous vous avons dit que, sur le point de le faire connaître, Jésus fut troublé en son esprit; il agit peut-être ainsi, quoique je n'en aie rien dit, afin de nous montrer par ce trouble qu'il excita en lui qu'il faut souffrir ses faux frères dans le champ du Seigneur, comme on souffre l'ivraie mêlée au bon grain jusqu'au temps de la moisson (1); et quand, pour une cause pressante, l'Eglise est obligée d'en retrancher quelques-uns de son sein avant ce temps, elle ne le fait point sans en ressentir quelque trouble. C'est ce trouble de ses saints, dont les hérétiques et les schismatiques devaient être la cause, que

1. Mt 13,29-30.

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le Sauveur annonça et figura en lui-même, au moment où Judas, l'homme méchant pardessus tous, était sur le point de sortir et de quitter ouvertement la société du bon grain, au milieu duquel il avait été supporté si longtemps; Jésus alors fut troublé, non dans sa chair, mais dans son esprit. Les gens de bien, à l'occasion de ces sortes de scandales, sont troublés non par malice, mais par charité: ils craignent qu'en séparant l'ivraie, on arrache aussi quelque épi de bon grain.

2. "Jésus fut donc troublé dans son esprit, et il dit ouvertement: En vérité, en vérité, je vous dis qu'un de vous me trahira." "Un de vous", quant au nombre, mais non quant au mérite; par l'apparence, mais non parla vertu; quant à la société extérieure, mais non par les liens de l'esprit; par la réunion des corps, mais non par l'union des coeurs: ce n'est donc pas un homme d'entre vous, mais un homme qui doit sortir d'avec vous. Car, autrement, comment pourrait être vrai ce qu'affirme ici le Seigneur en disant: L'un de vous, si nous devons admettre comme vrai ce que dit dans une de ses épîtres ce même Jean dont nous expliquons l'Evangile "Ils sont sortis d'avec nous, mais ils n'étaient pas d'avec nous; car s'ils eussent été d'avec nous, assurément ils seraient restés avec nous (1)?" Judas n'était donc pas un d'entre eux; car s'il eût été un d'entre eux, il fût resté avec eux. Que signifient donc ces mots: "L'un de vous me trahira", sinon: il en sortira un d'entre vous qui me trahira? Car l'Evangéliste qui nous dit en son épître: "S'ils eussent été d'avec nous, ils fussent restés avec nous", avait dit auparavant: "Ils a sont sortis d'entre nous", et ainsi est-il vrai qu'ils sont d'avec nous et qu'ils ne sont pas d'avec nous. Dans un sens, "ils sont d'avec nous", et dans un autre, "ils ne sont pas d'avec nous"; par la participation aux sacrements "ils sont d'avec nous"; mais par les crimes qui leur sont propres, "ils ne sont pas d'avec nous" .

3. "Les Apôtres se regardaient les uns les a autres, ne sachant de qui il parlait": ils avaient, sans doute, un tendre amour pour leur Maître; mais la faiblesse humaine les portait à se soupçonner les uns les autres. Chacun d'eux connaissait sa conscience, mais celle des autres lui était inconnue; et quoique

1. Jn 11,19.

chacun fût certain de lui-même, il était, pour tous les autres, un sui et de doute; tandis que lui-même soupçonnait tous les autres à son tour.

4. Mais l'un d'eux, que Jésus aimait, "reposait sur le sein de Jésus". Ce que l'Evangéliste a voulu dire par ces mots: "sur le sein", nous est expliqué plus loin; car il y est dit: "sur la poitrine de Jésus". C'était Jean, c'était celui-là même dont nous expliquons l'Evangile, ainsi qu'il le déclare plus bas (1). Voici la coutume de ceux qui nous ont transmis les saintes lettres: lorsque, dans le récit de l'histoire sacrée, ils viennent à parler d'eux-mêmes, ils en parlent comme d'une autre personne; et s'ils se donnent une place dans la suite de leur récit, ce n'est pas pour parler d'eux-mêmes, mais pour raconter les faits. C'est ainsi qu'agit Matthieu dans la suite de son Evangile. Pour parler de lui-même, il dit: "Jésus vit un publicain du nom de Matthieu, assis à son bureau, et lui dit: "Suis-moi (2)". Il ne dit pas: Il me vit et il me dit. Ainsi en a usé le bienheureux Moïse tout ce qu'il raconte de lui-même, il le raconte comme s'il était question d'un autre. Il s'exprime en ces termes: "Le Seigneur dit à Moïse (3)". L'apôtre Paul a fait de même, non dans une histoire qui renferme le récit des événements passés; mais dans une lettre où cette manière est bien plus inusitée, et en parlant de lui-même, il dit: "Je sais un homme en Jésus-Christ, qui fut ravi, il y a quatorze ans, jusqu'au troisième ciel. (Si ce fut avec son corps, je ne le sais pas, Dieu le sait (4)" . C'est pourquoi, lorsque notre bienheureux Evangéliste, au lieu de dire: J'étais couché sur le sein de Jésus, dit: "Un des disciples était couché"; loin d'en être surpris, reconnaissons dans sa manière de parler la coutume des écrivains sacrés. La vérité ne perd rien de son exactitude, le fait est raconté tel qu'il est, et par cette façon de l'exprimer on évite toute vanité: l'Apôtre avait à raconter des choses qui étaient fort à son avantage.

5. Mais que signifient ces mots: "Le disciple que Jésus aimait?" Est-ce qu'il n'aimait pas les autres? Et même Jean ne nous a-t-il pas dit plus haut, en parlant d'eux "Il les aima jusqu'à la fin (5)?" Et le Seigneur lui-même ne dit-il pas: a Nul ne peut avoir un

1. Jn 21,20-24.- 2. Mt 9,9.- 3. Ex 6,1.- 4. 2Co 12,2.- 5. Jn 13,1.

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"plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (1)?" Qui est-ce qui pourrait énumérer tous les passages des saintes Ecritures où le Seigneur Jésus se montra l'ami non-seulement de ce disciple et de tous ceux qui étaient avec lui, mais encore de tous ceux qu'il devait avoir dans la suite pour membres de son corps et aussi de toute son Eglise? Mais, assurément, il y a ici quelque chose de caché, et qui se rapporte au sein sur lequel était couché l'Apôtre qui dit ces paroles. Car le sein signifie ordinairement les choses secrètes; mais nous trouverons ailleurs une occasion plus favorable de parler de ce sujet, et le Seigneur nous fera la grâce de le traiter de façon à vous satisfaire.

6. "Simon Pierre lui fit donc signe et lui dit". Remarquons cette expression: une chose peut se dire non par des mots, mais seulement par des signes. "Pierre fit signe", dit l'Evangile, "et dit"; ce qui signifie: Il lui dit en faisant signe. En effet, si l'Ecriture appelle dit ce qui n'est exprimé que par la pensée, comme en ce passage: "Ils dirent en eux-mêmes (2)"; à plus forte raison est-ce dire que de faire signe, puisque ce qui est conçu dans le coeur s'exprime au dehors par des signes. Qu'est-ce donc que Pierre dit par ces signes? Il ne dit rien autre chose que ceci: "Quel est celui dont il parle?" Telles furent les paroles que Pierre adressa à Jean par ces signes; car il se fit comprendre non par le son de la voix, mais par quelque mouvement du corps. "Celui donc qui reposait sur la poitrine de Jésus", sur ce sein qui était le sanctuaire de la sagesse, "lui dit: Seigneur, qui est-ce? Jésus répondit: C'est celui à qui je donnerai un morceau de pain trempé; et, ayant trempé du pain, il 1e donna à Judas Iscariote, fils de Simon. Et après qu'il eut pris ce pain, Satan entra en lui". Le traître est déclaré, les ténèbres où il se cachait sont dissipées: ce qu'il reçut était bon; mais il le reçut pour son malheur, parce que, étant mauvais, il reçut mal le bien qui lui était donné. Mais il y a beaucoup de choses à dire sur ce pain trempé et donné à ce fourbe, et sur ce qui suit: pour le faire, il nous faut plus de temps qu'il ne nous en reste à la fin de ce discours.

1. Jn 15,13.- 2. Sg 2,1.



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SOIXANTE-DEUXIÈME TRAITÉ

Jn 13,26-34

JUDAS POSSÉDÉ DU DÉMON.

DEPUIS LE PASSAGE OU IL EST ÉCRIT: "ET AYANT TREMPÉ DU PAIN, IL LE DONNA À JUDAS", JUSQU'À CET AUTRE: "MAINTENANT LE FILS DE L'HOMME A ÉTÉ GLORIFIÉ".


Suivant qu'on y apporte de bonnes dispositions ou de mauvaises, ce qu'on reçoit produit le bien ou le mal: aussi, à peine Judas eut-il reçu, de la main du Sauveur, le pain trempé, que Satan s'empara définitivement de lui, et que, sur une parole de Jésus, il sortit du cénacle pour aller le livrer à ses ennemis.

1. Je le sais, mes très-chers, plusieurs seront émus, les bons pour s'y éclairer, les impies pour s'en moquer, de ce que Notre-Seigneur ayant donné du pain trempé à celui qui devait le trahir, Satan entra aussitôt en lui. En effet, il est écrit: "Et quand il eut trempé du pain, il le donna à Judas, fils de Simon Iscariote, et après qu'il eut pris ce morceau de pain, Satan entra en lui". Or, diront les uns et les autres, le pain de Jésus-Christ venant de sa table et donné à Judas, pouvait-il produire cet effet, qu'aussitôt après qu'il fut pris, Satan entra dans le coeur de ce disciple? A cela nous répondons: Voilà une leçon bien capable de nous apprendre avec quel soin nous devons éviter de recevoir les bonnes choses dans des dispositions mauvaises. Car il importe beaucoup de savoir, non ce qu'est la chose qu'on reçoit, mais ce qu'est celui qui la reçoit; non pas quelle est la chose donnée, [710] mais quel est celui à qui elle est donnée; car les bonnes choses nuisent, et les mauvaises sont utiles, selon les dispositions de ceux à qui elles sont données, "C'est le péché", dit l'Apôtre, "qui pour faire paraître sa corruption, m'a donné la mort par une chose qui était bonne (1)". Voilà un mal produit par un bien, parce que ce bien est reçu avec des dispositions mauvaises. Le même apôtre dit encore: "De peur que la grandeur de mes révélations; ne me donne de l'orgueil, un aiguillon a été mis dans ma chair, instrument de Satan, pour me donner comme des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi, et il m'a dit: Ma grâce te suffit, car la force se "perfectionne dans la faiblesse (2)". Voilà un mal qui produit un bien, parce que le mal est reçu avec de bonnes dispositions. Pourquoi nous étonner si le pain de Jésus-Christ, donné à Judas, a livré ce dernier au diable; quand, d'un autre côté, nous voyons l'ange du diable donné à saint Paul, servir à le perfectionner en Jésus-Christ? Ainsi, le bien devient nuisible au méchant, et le mal profite au bon. Rappelez-vous pourquoi il a été écrit: "Quiconque aura mangé le pain ou bu le calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur (3)". Quand il écrivait ces mots, l'Apôtre voulait parler de ceux qui recevaient le corps du Seigneur comme toute autre nourriture, avec négligence et sans discernement. Si donc l'Apôtre blâme celui qui n'apprécie pas le corps du Seigneur, c'est-à-dire quine le distingue pas des autres aliments, quelle condamnation mérite celui qui, en feignant d'être son ami, s'approche en ennemi de sa table? Si le blâme atteint la négligence de celui qui prend part au festin, de quel châtiment sera frappé celui qui vend son hôte? Mais que signifiait ce pain donné au traître? Il était la marque de la grâce, à laquelle Judas répondait par l'ingratitude.

2. Quand ce traître eut pris le pain, Satan entra en lui, afin de posséder en entier celui qui s'était déjà livré à lui, et en qui il était déjà entré pour le tromper. Car, on ne peut en douter, le démon était en lui quand il alla trouver les Juifs, et qu'il convint du prix pour lequel il livrerait le Seigneur. L'évangéliste Luc le témoigne ouvertement par ces

1. Rm 7,13.- 2. 2Co 12,7-9.- 3. 2Co 11,27.

paroles: "Satan entra en Judas, qui était surnommé Iscariote, l'un des douze, et il s'en alla, et il parla aux Princes des prêtres (1)". Par là il paraît bien que Satan était entré dans Judas. Il y était donc d'abord entré, en faisant naître dans son coeur la pensée de livrer Jésus, et Judas était dans cette disposition quand il vint pour faire la cène. Après qu'il eut pris le morceau de pain, Satan entra en lui, non comme chez un étranger, pour le tenter, mais pour se mettre en possession de lui comme de son bien propre.

3. Toutefois il ne faut pas croire, comme font quelques-uns qui lisent avec trop peu d'attention, que Judas reçut à ce moment le corps de Jésus-Christ. Il faut comprendre que déjà Notre-Seigneur avait distribué le sacre. ment de son corps et de son sang à tous ses Apôtres, et que Judas était avec eux (2). Ainsi le rapporte très-clairement Luc, et ensuite on en vint à ce que Jean raconte. Le Seigneur trempa un morceau de pain, et, en le donnant à Judas, il fit connaître celui qui devait le trahir; peut-être, par ce pain ainsi trempé, voulait-il en montrer la fourberie? Car tout ce qu'on trempe, on ne le lave pas, et parfois il suffit de tremper un objet pour lui faire perdre son éclat. Si cette action, qui consistait à tremper ce pain. signifiait quelque chose de bon, Judas lut avec justice puni de son ingratitude pour ce nouveau bienfait.

4. Cependant, si Judas était possédé non du Seigneur, mais du diable, depuis que le morceau de pain entra dans son corps et l'ennemi dans son âme, il était encore libre de faire et de ne pas faire le grand mal qu'il avait conçu dans son coeur,et dont il avait formé le damnable dessein. C'est pourquoi, lorsque Notre-Seigneur, le pain vivant, eut donné du pain à ce mort, et fait connaître par là celui qui devait livrer le pain véritable, il lui dit: "Ce que tu fais, fais-le au plus tôt". Non pas qu'il lui fît un commandement de son crime, mais il pré. dit à Judas son mal, et à nous notre bien. Car pouvait-il y avoir rien de plus funeste pour Judas et de plus utile pour nous que la tradition de Jésus livré à ses ennemis, de Jésus livré par le traître pour sa propre condamnation, livré pour nous, Judas excepté? "Ce que tu fais, fais-le au plus tôt". O parole d'un homme impatient d'endurer les souffrances

1. Lc 22,3-4.- 2. Lc 19-21.

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qu'il a acceptées! ô parole qui ne demande pas le châtiment du traître, mais qui montre le prix de la rédemption! Il dit: "Ce que tu fais, fais-le promptement", non pour en arriver plus vite à punir le perfide, mais pour hâter le salut des fidèles. Car il a été livré à cause de nos péchés (1); il a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle (2). Ce qui a fait dire à l'Apôtre, en parlant de lui-même: "Il m'a aimé et s'est livré lui-même pour moi (3)". Si donc Jésus-Christ ne s'était livré lui-même, personne n'aurait pu le livrer. Que revient-il à Judas, sinon son péché? Car, en livrant Jésus-Christ, il ne pensait pas à notre salut, pour lequel Jésus-Christ se livrait lui-même; il ne songeait qu'au gain de son argent, et il a trouvé la perte de son âme. Il a reçu la récompense qu'il avait désirée; mais sans l'avoir désiré, il a reçu aussi le châtiment qu'il méritait. Judas a livré Jésus-Christ, et Jésus-Christ s'est livré lui-même. Le premier ne travaillait qu'à l'affaire de son marché, Jésus travaillait à notre rachat: "Ce que tu fais, fais-le au plus tôt"; non parce que tu le peux, mais parce que celui qui peut tout, le désire.

5. "Or, aucun de ceux qui étaient à table ne savait pourquoi il lui dit cela; et comme Judas avait la bourse, quelques-uns pensaient que Jésus lui disait: "Achète ce qui nous est nécessaire, pour le jour de la fête, ou donne quelque chose aux pauvres". Le Seigneur avait donc une bourse, et il conservait ce que lui offraient

1. Rm 4,25.- 2. Ep 5,25.- 3. Ga 2,20.

les fidèles, pour subvenir aux besoins de ceux qui le suivaient et des autres indigents. Ce sont les premiers vestiges des biens ecclésiastiques; et par là nous devons comprendre qu'en recommandant de ne pas s'inquiéter du lendemain (1), Notre-Seigneur a voulu non pas défendre à ses fidèles de se réserver de l'argent, mais seulement leur apprendre à ne pas le servir par amour de l'argent, et à ne pas abandonner la justice par la crainte d'en manquer. L'Apôtre usait de cette prévoyance permise, car il disait: "Si quelque fidèle a des veuves, qu'il leur donne ce qui leur est nécessaire, afin que l'Eglise n'en soit pas grevée, et qu'elle puisse suffire à celles qui sont vraiment veuves (2)".

6. "Judas ayant donc reçu ce morceau de pain, sortit aussitôt, et il était nuit". Et celui qui sortit était lui-même la nuit. "Lors donc que fut sorti celui qui était la nuit, Jésus dit: Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié". Le jour, alors adressa la parole au jour, c'est-à-dire Jésus-Christ parla à ses disciples, afin qu'ils l'écoutassent et le suivissent avec amour. Et la nuit apprit à la nuit à le connaître (3), c'est-à-dire Judas parla aux Juifs infidèles, afin qu'ils vinssent à lui et le poursuivissent pour s'en saisir. Mais le discours que le Seigneur adressa à ses fidèles, avant d'être pris par ces impies, demande un auditeur plus attentif; c'est pourquoi il vaut mieux en renvoyer à une autre fois l'explication que le traiter précipitamment.

1. Mt 6,34.- 2. 1Tm 5,16.- 3. Ps 18,3.




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SOIXANTE-TROISIÈME TRAITÉ

Jn 13,31-32

GLORIFICATION DE JÉSUS.

DEPUIS CES PAROLES DU SEIGNEUR: "MAINTENANT LE FILS DE L'HOMME A ÉTÉ GLORIFIÉ", JUSQU'À CES AUTRES: "ET BIENTÔT IL LE GLORIFIERA".


Judas étant sorti du cénacle, et n'y ayant vu que les vrais apôtres, Jésus leur dit que dés lors il était glorifié; car la séparation du traître d'avec ses condisciples figurait la séparation qui doit s'établir entre les bons et les méchants, quand l'heure de la glorification finale aura sonné pour lui; et comme Dieu le Père se trouvait honoré par la soumission de son Fils, au moment de la Passion, il devait le glorifier bientôt lui-même par le prodige de sa résurrection.

1. Tournons notre attention du côté de Dieu, et avec son secours, arrivons jusqu'à lui. Il est dit dans les saints cantiques "Cherchez Dieu, et votre âme vivra (1)". Cherchons-le pour le trouver, cherchons-le même après l'avoir trouvé. Pour le trouver, il faut le chercher, car il est caché; même après l'avoir trouvé, il faut le chercher encore, car il est immense. C'est pourquoi il est dit en un autre passage: "Cherchez son visage toujours (2)". Car il remplit celui qui le cherche en proportion de ce qu'il découvre; et celui qui le trouve devient capable de recevoir davantage, et il cherche de nouveau à se remplir, dès qu'il a commencé à recevoir avec plus d'abondance. En ce sens, ces mots: "Cherchez son visage toujours", marquent le contraire de ce qu'il est dit de quelques-uns qui, "apprenant toujours, n'arrivent jamais à la connaissance de la vérité (3)"; ils s'accordent plutôt avec ce qui est dit ailleurs "Quand l'homme a achevé, c'est alors qu'il commence (4)". Ainsi doit-il en être de nous, jusqu'à ce que nous arrivions à cette vie où nous serons remplis si complètement, que notre capacité sera épuisée, et qu'étant parvenus à la perfection, nous ne pourrons plus faire de progrès. Alors nous sera montré ce qui doit nous suffire. Mais ici-bas, cherchons toujours, et n'attendons pas, comme fruit de nos découvertes, la faculté de mettre fin à nos recherches. Car nous ne disons pas qu'il ne faut pas toujours chercher Dieu, parce qu'on ne peut le chercher qu'ici-bas; mais nous disons qu'ici-bas il faut toujours le chercher, pour nous empêcher de penser que nous

1. Ps 68,33.- 2. Ps 104,4.- 3. 2Tm 3,7.- 4. Qo 18,6.

pouvons cesser de le chercher. Ceux dont il est dit: "Apprenant toujours, ils n'arrivent jamais à la connaissance de la vérité", ne cessent, il est vrai, d'apprendre tant qu'ils sont ici-bas; mais quand ils seront sortis de cette vie, alors ils n'apprendront plus, mais ils recevront la récompense de leur erreur. Il est dit en effet: "Apprenant toujours, ils n'arrivent jamais à la connaissance de la vérité"; c'est comme s'il était dit: Marchant toujours, ils n'arrivent jamais à la bonne voie. Pour nous, marchons toujours dans la voie, jusqu'à ce que nous arrivions où elle conduit; ne nous arrêtons pas en chemin tant qu'elle ne nous aura pas conduits à notre demeure permanente: ainsi, en cherchant, nous avançons; en trouvant, nous arrivons à quelque chose; et en cherchant et en trouvant, nous arrivons à ce qui demeure, à l'endroit où il ne restera plus rien à chercher, et où notre perfection ne nous laissera plus aucun progrès à atteindre. Puisse ce prélude, mes très-chers, rendre votre charité plus attentive au discours que Notre-Seigneur adressa à ses disciples avant sa passion: il est très-profond, en effet, et celui qui est chargé de l'expliquer doit faire bien des efforts; celui qui y assiste ne doit pas l'écouter avec nonchalance.

2. Que dit donc le Seigneur, lorsque Judas fut sorti, pour faire au plus tôt ce qu'il avait à faire, c'est-à-dire pour livrer son Maître? Que dit le jour, quand la nuit fut sortie? que dit le Rédempteur, quand fut sorti le vendeur? "Maintenant", dit-il, "le Fils de l'homme a été glorifié". Pourquoi "maintenant?" Est-ce parce que celui qui doit le livrer est sorti, et que ceux qui doivent se saisir de lui [713] et le mettre à mort vont arriver? "A-t-il" donc "été glorifié maintenant", parce qu'il va être humilié plus profondément; parce qu'il est sur le point d'être lié, jugé, condamné, bafoué, crucifié, mis à mort? Est-ce là une glorification? n'est-ce pas plutôt une humiliation? Pourtant, en nous faisant le récit des miracles que le Sauveur opérait, Jean ne nous a-t-il pas dit de lui: "L'Esprit-Saint n'avait pas été donné, parce que Jésus a n'avait pas encore été glorifié (1)?" Il n'avait pas encore été glorifié lorsqu'il ressuscitait des morts; et maintenant qu'il va être mis lui-même au nombre des morts, est-il glorifié? Il n'avait pas été glorifié, lorsqu'il agissait en Dieu; et il est glorifié lorsqu'il va souffrir comme un autre homme? Il serait bien étonnant que ce fût là ce que le divin Maître voulait nous enseigner et nous apprendre par ces paroles. Pénétrons plus avant dans ce langage du Très-Haut, car il se montre quelque peu, pour que nous le trouvions, et il se cache ensuite pour que nous le cherchions, et que nous nous efforcions, à chaque pas, d'avancer de découvertes en découvertes. J'entrevois quelque chose qui nous figure un grand mystère. Judas est sorti, et Jésus a été glorifié; le fils de perdition est sorti, et le Fils de l'homme a été glorifié. Il était sorti, celui pour qui avaient été dits ces mots: "Vous "êtes purs, mais non pas tous (2)". Celui qui était impur étant sorti, il ne resta que ceux qui étaient purs, et ils demeurèrent avec celui qui les avait purifiés. C'est ce qui arrivera lorsque ce monde, vaincu par Jésus-Christ, aura passé, et que dans le peuple du Christ il ne restera personne d'impur. L'ivraie sera alors séparée du bon grain, et les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (3). Le Seigneur prévoyait qu'il en devait être ainsi, et il voulait nous en montrer l'emblème dans la personne de Judas, qui s'éloignait comme l'ivraie qu'on sépare; et dans celle des Apôtres fidèles, qui restaient comme le bon grain. "Maintenant", dit-il, "le Fils de l'homme a été glorifié". C'est comme s'il disait: Voilà ce qui arrivera au moment de ma glorification; pas un des méchants ne sera admis avec moi, et pas un des bons n'en sera séparé. Il ne dit pas: Voilà l'image de la glorification du Fils de l'homme; mais bien: "Maintenant, le Fils de l'homme

1. Jn 7,39.- 2. Jn 13,10. - 3. Mt 13,43.

a été glorifié". De même que l'Apôtre ne dit pas: La pierre signifiait Jésus-Christ; mais bien: "La pierre était Jésus-Christ (1)", il n'est pas écrit non plus: La bonne semence signifiait les enfants du royaume, ou bien, l'ivraie signifiait les enfants du méchant; mais bien: "La bonne semence, ce sont les fils du royaume et l'ivraie, les fils des méchants (2)". Aussi, comme, dans l'Ecriture, les choses représentées sont ordinairement appelées du nom de celles qui les représentent, le Sauveur s'est exprimé de la sorte, lorsqu'il a dit: "Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié". Alors le méchant s'était éloigné, et les Apôtres fidèles étaient restés seuls avec lui, et par là se trouvait représentée sa glorification, telle qu'elle aura lieu quand, après la dernière séparation des méchants, il restera avec les saints dans l'éternité.

3. Lorsque le Seigneur eut dit: "Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié", il ajouta: "Et Dieu a été glorifié en lui". De fait, la glorification du Fils de l'homme consiste en ce que Dieu soit glorifié en lui. Car s'il ne se glorifie pas en lui-même, mais si Dieu est glorifié en lui, alors Dieu le glorifie en lui-même; c'est ce qu'il explique quand il ajoute et dit: "Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même". C'est-à-dire, "si Dieu a été glorifié en lui", parce qu'il n'est pas venu faire sa volonté, mais la "volonté de celui qui l'a envoyé, Dieu aussi le glorifiera en lui-même", et la nature humaine, dont le Fils de l'homme est participant, et dont s'est revêtu le Verbe éternel, sera gratifiée de l'éternité immortelle. "Et bientôt", dit-il, "il le glorifiera". Par ces mots, il prédit sa résurrection, qui ne devait pas, comme la nôtre, se trouver différée jusqu'à la fin du monde, mais qui devait avoir lieu immédiatement. Telle est cette glorification dont nôtre Evangéliste avait déjà parlé dans un passage que je viens de vous rappeler. L'Esprit-Saint n'avait pas encore été donné à ses disciples de la manière nouvelle dont il devait être donné après sa résurrection à ceux qui croiraient en lui; en voici la raison: c'est que Jésus-Christ n'avait pas encore été glorifié; c'est-à-dire que sa mortalité n'avait pas encore été revêtue d'immortalité, et que sa faiblesse temporelle n'avait pas été

1. 1Co 10,4. - 2. Mt 13,38.

714

changée en force éternelle. On peut encore entendre ce qu'il dit de la glorification: "Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié", en ce sens que le mot "maintenant" se rapporte, non à sa passion qui allait avoir lieu, mais à sa résurrection qui devait la suivre immédiatement. En ce cas, Jésus aurait regardé comme déjà accompli ce qui devait s'accomplir si prochainement. Pour aujourd'hui, que ce que nous avons dit suffise à votre charité. Quand Dieu nous en donnera l'occasion, nous vous entretiendrons de ce qui suit.




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SOIXANTE-QUATRIÈME TRAITÉ

Jn 13,33

PERMANENCE ET DÉPART.

SUR CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR: "MES PETITS ENFANTS, ENCORE UN PEU DE TEMPS JE SUIS AVEC VOUS: VOUS ME CHERCHEREZ, ET COMME J'AI DIT AUX JUIFS, OU JE VAIS VOUS NE POUVEZ VENIR; JE VOUS LE DIS AUSSI A VOUS".


Le Sauveur annonce à ses Apôtres, pour qu'ils ne se désolent pas, que s'il doit être bientôt glorifié par son Père, il restera néanmoins encore un peu avec eux, mais qu'il s'en séparera ensuite pour aller dans le ciel, où ils ne le suivront que plus tard, lorsqu'ils l'auront mérité.

1. Remarquez, mes bien chers frères, la liaison qui existe entre les paroles de Notre-Seigneur. Lorsque Judas fut sorti et se fut séparé, même extérieurement, de la société des saints, Jésus avait dit: "Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui"; il avait ainsi parlé pour annoncer que son royaume commencerait quand les bons seront séparés des méchants, ou pour indiquer que sa résurrection aurait lieu immédiatement, et ne serait pas, comme la nôtre, différée jusqu'à la fin du monde; il avait ensuite ajouté: "Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même, et le glorifiera bientôt"; ce qui marquait, sans aucune ambiguïté, que sa résurrection était proche. Après avoir dit ces choses, il continua en ces termes: "Mes petits enfants, encore un peu de temps, je suis avec vous". Ils pouvaient croire que Dieu était sur le point de le glorifier, de telle façon qu'il ne leur serait plus uni, et qu'il ne converserait plus avec eux sur la terre; aussi leur dit-il: "Encore un peu de temps je suis avec vous"; c'est comme s'il leur disait: Il est vrai que maintenant je vais être glorifié par ma résurrection; mais je ne monterai pas au ciel immédiatement: "Encore un peu de temps je suis avec vous". En effet, par ce qui est écrit aux Actes des Apôtres, nous voyons qu'après sa résurrection il resta avec eux pendant quarante jours, allant et venant, mangeant et buvant (1); non pas qu'il eût faim ou soif, mais pour montrer par là la vérité de sa chair; car si elle n'éprouvait pas le besoin de manger et de boire, elle en avait au moins le pouvoir. C'était donc de ces quarante jours qu'il entendait parler, lorsqu'il disait: "Encore un peu de temps je suis avec vous"; peut-être voulait-il aussi marquer autre chose? En effet, ces paroles: "Encore un peu de a temps je suis avec vous", peuvent vouloir dire: Encore un peu de temps je suis dans l'infirmité de cette chair aussi bien que vous, c'est-à-dire jusqu'à sa mort et à sa résurrection. Après sa résurrection, en effet, Jésus fut bien avec ses disciples pendant quarante jours, les faisant jouir de sa présence corporelle; mais il n'était plus, comme eux, soumis aux infirmités humaines.

2. Il y a encore une autre présence divine, mais qui ne tombe pas sous nos sens mortels; c'est celle dont il dit: "Voilà que je suis

1. Ac 1,3.

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avec vous jusqu'à la consommation des siècles (1)". Mais ce n'est assurément pas celle qu'il désigne par ces mots: a Encore un peu de a temps je suis avec vous a; car ce qui doit durer jusqu'à la fin du monde ne peut s'appeler un peu de temps; ou bien, si l'on considère même cet intervalle comme n'étant qu'un peu de temps (car le temps vole avec rapidité, et aux peux de Dieu, mille ans sont comme un jour ou comme une veille de la nuit (2)), on doit croire que ce n'est pas ce que Notre-Seigneur a voulu dire, car il ajoute: "Vous me chercherez, et, comme j'ai dit aux Juifs, où je vais vous ne pouvez pas venir"; c'est-à-dire: après ce peu de temps où je suis avec vous, "vous me chercherez, et où je vais vous ne pouvez pas venir". Est-ce que, après la fin du monde, les disciples ne pourront pas aller où il va lui-même? Mais alors que signifie ce qu'il doit dire peu après dans le même discours: "Père, je veux que, où je suis, ils soient, eux aussi, avec moi (3)?" Ce n'est donc pas de cette présence, par laquelle il est avec eux jusqu'à la fin du monde, qu'il a voulu parler lorsqu'il a dit: "Encore un peu de temps je "suis avec vous". Il avait en vue le peu d'heures que, dans sa faiblesse et sa mortalité, il devait passer avec eux jusqu'à sa passion; ou bien sa présence corporelle dont il devait les faire jouir jusqu'à sa résurrection. De ces deux sentiments, chacun peut choisir celui qui lui agrée le plus: ils n'ont rien de contraire à la foi.

3. Quelqu'un trouvera peut-être que le sens donné par nous à ces paroles: "Encore un peu de temps je suis avec vous", s'écarte de la vérité, et qu'ainsi Notre-Seigneur n'a pas voulu faire allusion au temps qu'il devait passer avec ses disciples jusqu'à sa passion, dans la communion d'une chair mortelle; celui-là doit remarquer les paroles que Notre-Seigneur prononça après sa résurrection, et que nous trouvons dans un autre Evangéliste: "Je vous ai dit ces choses lorsque j'étais encore avec vous (4)". N'était-il pas alors avec ses disciples assemblés autour de lui, qui le voyaient, le touchaient et lui parlaient? Que veulent donc dire ces mots: "Lorsque j'étais encore avec vous?" Le voici: Lorsque j'étais dans une chair mortelle,

1. Mt 28,20.- 2. Ps 89,4.- 3. Jn 17,24.- 4. Lc 24,41.

comme celle où vous êtes encore; alors en effet il était ressuscité dans la même chair, mais il n'était plus dans la condition mortelle de ses disciples. Quand il était revêtu d'une chair immortelle, il a dit avec vérité: "Lorsque j'étais encore avec vous", et par ces paroles, nous ne pouvons entendre autre chose que ceci: Lorsque j'étais encore avec vous dans une chair mortelle; de même en est-il de l'interprétation à donner à ce passage: "Encore un peu de temps je suis avec vous"; on peut croire, sans tomber dans l'absurde, qu'il a voulu dire: Encore un peu de temps, je suis mortel comme vous l'êtes vous-mêmes. Voyons donc ce qui suit:

4. "Vous me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs, où je vais vous ne pouvez pas venir, je vous le dis aussi à vous présentement". C'est-à-dire, présentement vous ne pouvez pas. Quand il parlait aux Juifs, il n'ajoutait pas le mot: "présentement"; les disciples ne pouvaient donc pas, pour le moment, aller où il allait lui-même; mais ils le pourraient dans la suite. Peu après, Notre-Seigneur le déclara ouvertement à l'apôtre Pierre; ce disciple lui ayant dit: "Seigneur, où allez-vous?" il lui répondit: "Où je vais, tu ne peux pas me suivre présentement, mais tu me suivras un jour (1)". Mais c'est là une question importante, sur laquelle il ne faut point passer- légèrement. Où donc les disciples ne pouvaient-ils pas suivre le Seigneur présentement, tandis qu'ils le pourraient plus tard? Dirons-nous que c'est à la mort? Mais pour l'homme venu au monde, quel est le temps où il n'a pas la facilité de mourir? Tout le temps qu'il a un corps sujet à la corruption, il ne lui est pas plus facile de vivre que de mourir. Ce n'était donc pas que les disciples ne fussent pas encore aptes à suivre Notre-Seigneur jusqu'à la mort; mais c'est qu'ils n'étaient pas encore aptes à le suivre jusqu'à la vie qui ne connaît point la mort. En effet, par sa résurrection d'entre les morts, Notre-Seigneur allait en un endroit où il ne devrait plus mourir, et où la mort n'aurait plus sur lui aucun empire (2). Comment auraient-ils suivi leur Maître qui allait mourir pour la justice, puisqu'ils n'étaient pas encore mûrs pour le martyre? Ou bien, comment auraient-ils suivi leur Maître jusqu'à l'immortalité de la chair, eux qui devaient bien mourir,

1. Jn 13,36.- 2. Rm 6,9.

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mais ne devaient ressusciter qu'à la fin du monde? Enfin, comment auraient-ils suivi leur Maître jusque dans le sein du Père? Leur Maître allait retourner dans le sein de son Père sans les abandonner, comme il était venu à eux sans en sortir; comment l'auraient-ils suivi jusque-là, puisque personne n'est admis dans ce séjour de la félicité, s'il n'est d'abord consommé en charité? Aussi c'est pour leur apprendre comment ils pouvaient se mettre en état de le suivre où il les précédait, qu'il leur dit: "Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres (1)". Voilà sur quelles traces il faut marcher pour suivre Jésus-Christ. Mais il faut remettre à un autre temps d'en parler plus au long.

1. Jn 13,34.




Augustin sur Jean 61