Augustin, lettres - LETTRE CXXVI. (Année 411)

LETTRE CXXVII. (Année 411)

Un illustre personnage, Armeutarius, et sa femme, Pauline, qu'il ne faut pas confondre avec la sainte dame Pauline, épouse de Pammaque et louée par saint Jérôme, avaient fait voeu de continence; c'étaient des amis de saint Augustin; en apprenant ce voeu, l'évêque d'Hippone écrivit la lettre suivante à Armentarius et à Pauline pour les fortifier dans leur résolution. Le monde retentissait alors de la chute de Rome et des ravages des Barbares; saint Augustin, sous les coups de ces vastes malheurs, fait remarquer que la vie humaine a perdu de son charme et que les joies du temps sont devenues trop peu de chose pour qu'on n'en fasse pas aisément le sacrifice à Dieu. On trouve dans cette lettre des pensées ingénieuses et profondes sur notre passage ici-bas.

AUGUSTIN AUX EXCELLENTS SEIGNEURS, A SES HONORABLES ET CHERS ENFANTS ARMENTARIUS ET PAULINE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

l. Un homme éminent, mon fils Ruférius, votre allié, m'a instruit du voeu que vous avez fait au Seigneur; j'ai été heureux de ce qu'il m'a dit, mais, craignant les inspirations mauvaises du tentateur qui depuis bien longtemps n'aime pas de si saintes oeuvres, j'ai cru devoir engager brièvement votre charité, illustre seigneur, honorable et cher fils, à méditer ces divines paroles: «Ne tardez pas à vous convertir au Seigneur, et ne différez pas de jour en jour (1).» J'ai voulu aussi vous engager à vous acquitter de votre veau envers celui qui exige ce qui lui est dû et tient ce qu'il a promis; car il est aussi écrit: «Faites des veaux au Seigneur a votre Dieu et accomplissez-les (2).» Quand même vous n'auriez fait aucun voeu, quel meilleur conseil, quoi de meilleur pour l'homme que de se restituer à celui qui l'a créé, surtout parce que Dieu nous a tant aimés, qu'il a envoyé son fils unique, afin de mourir pour nous. Reste donc à accomplir la parole de l'Apôtre, lorsqu'il dit que le Christ est mort «afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour «eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et «ressuscité pour eux (3).» Peut-on encore aimer

1. Si 5,8 - 2. Ps 75,12 - 3. 2Co 5,15

le monde, brisé par tant de désastres (1), qu'il en a perdu même le fantôme de ses séductions? Autant il fallait louer et exalter ceux qui dédaignaient de briller avec un monde dans son éclat; autant il faut blâmer et accuser ceux qui mettent leurs délices à périr avec un monde périssant.

2. Si on se résigne à tant de travaux, de dangers et de disgrâces pour une vie qui doit finir, si on prend tant de précautions, non point pour ne pas mourir, mais pour mourir un peu plus tard; que ne doit-on pas subir pour cette vie éternelle où des soins prudents ne seront plus nécessaires, afin d'éviter la mort, où la lâcheté honteuse ne la craindra plus, où le sage n'aura plus besoin de sa fermeté, afin d'en supporter l'horreur! elle ne sera plus rien pour personne, parce qu'elle ne sera plus. Soyez donc au nombre des amis de l'éternelle vie. Ne voyez-vous pas combien cette vie si misérable et si pauvre, est ardemment aimée, et par quels noeuds étroits on s'y attache? Ceux qu'elle trouble de ses périls la perdent plus tôt; ils hâtent leur fin par la peur même d'une fin prochaine; ils se précipitent dans la mort en voulant l'éloigner, comme un homme qui, fuyant un voleur ou une bête sauvage, tomberait dans un fleuve et y disparaîtrait. Parfois en mer, sous le coup de la tempête, on jette dans les flots les provisions; et, pour vivre, on jette ce qui fait vivre, de peur que des jours laborieux ne finissent trop vite. Que de peines on se donne pour allonger ses peines! et quand la mort commence à nous menacer, nous nous en préservons de notre mieux pour avoir à la craindre plus longtemps. Que de genres de mort à redouter parmi tant d'accidents auxquels nos jours sont exposés! une fois frappés par un de ces coups, les autres ne sont plus à craindre; et cependant on cherche à échapper à un de ces périls de mort pour avoir à les craindre tous. A quelles tortures ne se soumettent-ils pas, ceux qui livrent leurs membres au traitement, au fer des médecins: est-ce pour ne pas mourir? Non; mais c'est pour mourir un peu plus tard. Ils acceptent beaucoup de tourments certains, dans l'espoir incertain d'obtenir un petit nombre de jours de plus; quelquefois ils meurent tout à coup dans les douleurs violentes auxquelles ils s'étaient résignés par la crainte de la mort; ils n'aiment pas mieux finir leur vie

1. Allusion aux calamiteuses invasions des Barbares.

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pour ne plus souffrir, mais ils aiment mieux souffrir que de finir leur vie, et il arrive qu'ils souffrent et qu'ils meurent. Eussent-ils été guéris, il aurait fallu mourir après toutes ces tortures: la vie, même achetée au prix de tant de souffrances, ne peut pas être éternelle, parce qu'elle est mortelle; elle n'est pas longue, parce qu'une vie entière est encore bien courte; elle ne s'écoule même pas en sûreté dans l'espace rapide qui lui est assigné, parce qu'elle demeure toujours incertaine. Parfois aussi on meurt par la douleur même qu'on avait volontairement acceptée pour ne pas mourir.

3. Il y a un autre mal, un grand mal, un mal fort détestable et horrible dans l'amour excessif de cette vie: plusieurs, en voulant vivre un peu plus longtemps, offensent gravement Dieu, en qui est la source rte la vie, et tandis qu'ils repoussent la pensée d'une fin inévitable, ils s'excluent du lieu où nous attend une vie sans fin. D'ailleurs une vie misérable, quand elle pourrait toujours durer, ne saurait être comparée à une vie heureuse, même très-courte; et cependant le goût d'une vie misérable et fugitive fait perdre celle qui est heureuse et éternelle, lorsqu'on veut, dans celle qu'on aime autrement qu'on ne devrait, ce qu'on perd dans l'autre; car on n'aime pas la misère de la vie présente, puisqu'on veut être heureux; on n'en aime pas la brièveté, puisqu'on ne veut pas arriver à son terme; mais on l'aime parce qu'elle est la vie, et de telle sorte que, malgré sa misère et sa brièveté, on perd souvent, à cause d'elle, celle qui est heureuse et éternelle.

4. Ceci considéré, quelle obligation extraordinaire (éternelle vie impose-t-elle à ses amis, quand elle ordonne qu'on l'aime comme on aime la vie présente? On méprisera tout ce qui charme dans le monde pour retenir un peu plus longtemps une vie qui doit bientôt échapper; et l'on ne méprisera pas le monde pour gagner une vie sans fin dans celui par lequel a été fait le monde! Récemment lorsque Rome, le siège du très-illustre empire, a été dévastée par les Barbares, combien d'amis de cette vie temporelle l'ont rachetée pour la prolonger dans le deuil et le dénûment, non-seulement au prix de ce qui l'embellissait, mais au prix de ce qui en était le soutien nécessaire! Les hommes ont coutume de beaucoup donner à celles à qui ils veulent plaire: dans le sac de Rome, les amis de la vie ne l'auraient pas gardée s'ils ne l'avaient rendue pauvre; ils:ne lui ont pas tout donné, mais plutôt ils lui ont tout ôté, de peur que l'ennemi ne la leur ravît. Je ne les en blâme pas; qui donc ignore qu'ils auraient perdu la vie s'ils n'avaient pas perdu tout ce qu'ils tenaient en réserve pour elle? Quelques-uns, il est vrai, ont d'abord perdu leurs biens et ensuite leur vie, et d'autres, prêts à tout sacrifier pour elle, ont tout d'abord péri. Nous apprenons ici jusqu'à quel point nous devons aimer l'éternelle vie: nous devons mépriser pour elle tout ce qui est superflu, lorsque pour conserver une vie. passagère on a méprisé le nécessaire.

5. Pour garder la vie que nous aimons, nous ne la dépouillons pas comme ces hommes ont 1 dépouillé leur propre vie; nous l'employons à acquérir celle qui est éternelle; elle en est 9 comme la servante, et afin qu'elle fasse mieux son service, nous ne l'enchaînons point dans de vains ornements, nous ne l'accablons pas du poids de nuisibles soucis; nous écoutons le Seigneur nous promettant cette autre vie que nous devons désirer avec la plus grande ardeur, et criant comme dans l'assemblée du monde entier.: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, et qui êtes chargés, je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. (1)» Cette leçon de pieuse humilité chasse de nos coeurs et y éteint en quelque sode cette vaine et inquiète cupidité qui désire ce qui est au delà de notre puissance. La peine est là où l'on aime et l'on recherche beaucoup de choses à l'acquisition et à la possession desquelles la volonté ne suffit point, parce que le pouvoir lui manque. Mais une vie de justice nous arrive du moment que nous la voulons, parce que la vouloir pleinement, c'est la justice, et que la justice pour être parfaite, ne demande rien de plus qu'une parfaite volonté. Voyez s'il y a peine dès qu'il suffit de vouloir. Voilà pourquoi cette divine parole a été prononcée: «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (2).» Là où est la paix, là est le repos; le repus c'est la fin de tout désir et de toute peine. Mais cette volonté, pour être pleine, il faut qu'elle soit, saine; elle le sera si elle ne refuse pas le médecin, dont la grâce seule peut guérir de la

1. Mt 11,28-30 - 2. Lc 2,14

maladie des mauvais désirs. C'est donc le médecin lui-même qui crie: «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués;» il dit que son joug est doux et son fardeau léger. Quand la charité sera répandue dans nos tueurs par le Saint-Esprit, nous aimerons ce qui nous est ordonné; ce joug ne sera ni dur ni pesant si nous ne portons que celui-là et si nous le portons avec une soumission d'autant plus libre qu'elle est plus humble. C'est le seul fardeau dont le poids soulage au lieu d'accabler. Si on aime les richesses, qu'on les place là où elles ne peuvent périr. Si on aime l'honneur, qu'on le mette là où personne d'indigne ne sera honoré. Si on aime la santé, il faut désirer en jouir là où l'on ne craint plus de la perdre. Si on aime la vie, qu'on la possède là où il n'y a plus de mort.

6. C'est pourquoi rendez à Dieu ce que vous lui avez voué, puisque c'est vous-mêmes, et que vous vous rendez à celui par lequel vous existez; rendez-le-lui, je vous en conjure. Ce que vous rendrez n'en sera pas diminué, mais plutôt se conservera et s'accroîtra; car Dieu exige par bonté, non par indigence; il ne s'agrandit pas de ce qu'on lui rend, mais il fait croître en lui ceux qui lui rendent. Ce qu'on ne lui rend pas est perdu; ce qui lui est rendu est une richesse pour celui qui rend: il y trouve sa garantie et sa sécurité. La restitution et celui qui restitue sont la même chose, parce que la dette et le débiteur étaient tout un. Car l'homme se doit lui-même à Dieu, et pour être heureux, il doit se restituer à celui de qui il a reçu l'être. C'est ce que signifient ces paroles du Seigneur dans l'Evangile: «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. (1)» II dit cela lorsque s'étant fait montrer une pièce de monnaie et ayant demandé de qui elle portait l'image, on lui répondit: De César. Il faisait entendre ainsi que Dieu exigeait de l'homme sa propre image dans l'homme lui-même, comme César exigeait l'empreinte de la sienne, sur la pièce de monnaie. Si on doit à Dieu cette image sans l'avoir promise, combien la lui doit-on plus encore lorsqu'on lui en fait la promesse?

7. Je pourrais, mon très-cher fils, selon mes faibles ressources, louer plus au long votre pieuse résolution, et montrer la différence qu'il y a entre les chrétiens qui aiment et les chrétiens qui méprisent le monde, quoique les uns et les autres soient appelés fidèles. Ils ont

1. Mt 22,21.

été purifiés aux mêmes fonts sacrés, sanctifiés et consacrés par les mêmes mystères; ils ont été non-seulement auditeurs mais même prédicateurs du même Evangile, et cependant ils ne participeront pas les uns et les autres au royaume de Dieu et à sa lumière; ils n'auront pas pour héritage l'éternelle vie qui seule est heureuse. Le Seigneur Jésus ne les a pas distingués de ceux qui n'entendent point, mais il a établi de très-grandes différences entre ceux qui entendent sa parole: «Celui qui entend mes paroles, dit-il, et les met en pratique, je le comparerai à un homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre: la pluie est tombée, les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et ont battu cette maison, et elle n'a pas croulé, car elle était fondée sur la pierre. Mais celui qui entend mes paroles et ne les met pas en pratique, je le comparerai à un insensé gui a bâti sa maison sur le sable: la pluie est tombée, les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et battu cette maison, et elle s'est écroulée, et sa ruine a été grande (1).» Ecouter les paroles divines, c'est donc bâtir; en cela, les uns et les autres sont pareils: la différence consiste à pratiquer ou à ne pratiquer pas ce que l'on entend; c'est la différence entre l'édifice bâti sur le fondement de la pierre solide, et l'édifice qui se renverse parce qu'il n'a d'autre fondement que le sable mobile. Toutefois, celui qui n'écoute point ne se met pas davantage en sûreté: en ne bâtissant rien du tout, en restant sans toit, il sera beaucoup plus facilement accablé, saisi et emporté par les pluies, les fleuves et les vents.

8. Je pourrais aussi, selon mes humbles efforts, marquer la diversité des rangs et des mérites parmi ceux-là mêmes qui appartiendront à la droite de Dieu et au royaume des cieux, et montrer la différence entre une religieuse et pieuse vie conjugale, ayant pour but d'engendrer des enfants, et celle dont vous avez fait voeu, si j'avais à vous convier à cette résolution; mais ce voeu est prononcé, il vous lie, il ne vous est pas permis de faire autrement. Avant que vous fussiez engagé, vous étiez libre de rester à un rang inférieur; c'était, d'ailleurs une peu enviable liberté que celle où l'on n'était pas débiteur de ce qu'on paie avec tant de profit. Mais maintenant que votre promesse est engagée envers Dieu, je ne vous invite pas à une, grande justice, je vous détourne d'une

1. Mt 7,24-27.

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grande iniquité. En ne pas accomplissant votre voeu, vous ne seriez pas tel que vous seriez resté si vous n'aviez pris aucun engagement. Alors vous seriez moindre et non pas pis; mais aujourd'hui, ce qu'à Dieu ne plaise, vous manqueriez à votre foi envers Dieu, et vous seriez d'autant plus malheureux que vous auriez été plus heureux en gardant votre promesse. Toutefois ne vous repentez pas de ce voeu, réjouissez-vous au contraire, de ce qu'il ne vous soit plus permis de faire ce qui n'eût servi qu'à votre désavantage. Marchez avec courage, que vos actions répondent à vos paroles; celui qui vous a demandé le voeu, vous aidera à l'accomplir. Heureuse la nécessité qui contraint à ce qu'il y a de meilleur!

9. Il y aurait une seule raison, qui non-seulement ne nous permettrait pas de vous exhorter à l'accomplissement de votre voeu, mais qui nous obligerait à vous interdire d'y donner suite: ce serait le cas où par hasard votre femme s'y refuserait, par faiblesse d'âme ou de chair. Entre personnes mariées, de tels voeux ne doivent se faire que d'un consentement mutuel et d'une volonté commune; et si l'un des deux époux s'est engagé légèrement, mieux vaut qu'il répare sa témérité que de tenir sa promesse. Dieu n'exige pas ce qu'on lui a promis aux dépens d'autrui, mais plutôt il nous défend de disposer de ce qui ne nous appartient pas. Écoutez sur ce point le divin sentiment de l'Apôtre: «Le corps de la femme n'est point en sa puissance, mais en celle du mari; de même le corps du mari n'est point en sa puissance, mais en celle de la femme (1).» Il veut parler ici de l'usage du mariage. Mais j'entends dire que votre femme est si disposée au voeu de continence qu'elle n'est retenue que par la crainte que vous ne réclamiez d'elle le devoir conjugal; acquittez-vous donc tous les deux envers Dieu de ce que vous lui avez promis tous les deux, et faites-lui le sacrifice de ce que vous ne vous demandez plus l'un à l'autre. Si la continence est une vertu, comme c'en est une, pourquoi le sexe le plus faible y est-il le plus disposé? Pourtant la ressemblance du mot l'indique, et c'est du nom latin de l'homme que la vertu tire son nom (2). Homme, soyez donc capable d'une vertu pour laquelle une femme est prête; que votre consentement soit comme une offrande sur

1. 1Co 7,4. - 2. Virtus a viro,

l'autel céleste du Créateur, que la concupiscence soit vaincue, que le lien de l'affection soit d'autant plus fort qu'il sera plus saint. Réjouissons-nous de la grâce abondante du Christ sur vous, ô illustres seigneurs, mes honorables et chers enfants!




LETTRE CXXVIII. (Année 411@)

La lettre suivante, rédigée par saint Augustin, fut adressée au nom des évêques catholiques de l'Afrique au tribun Marcellin, chargé de présider la conférence de Carthage du 1er juin 411, convoquée au nom de l'empereur Honorius. On peut voir dans notre Histoire de saint Augustin un récit complet de cette conférence d'où l'on avait espéré que sortirait la paix de l'Église d'Afrique. Cette lettre était, de la part des catholiques, comme l'acceptation des conditions et des règlements de l'assemblée; en tête figurait le nom d'Aurèle, évêque de Carthage, et le nom de Sylvain, primat de Numidie, qui se trouvait. le plus ancien d'ordination. Les évêques catholiques offraient de renoncer à leurs sièges si les donatistes parvenaient à prouver qu'ils eussent raison; ils consentaient à ce que les évêques de ce parti, s'ils étaient vaincus, gardassent leur dignité en rentrant dans l'unité de l'Église. Ces offres généreuses sont un beau souvenir pour l'Église d'Afrique.

AURÈLE, SYLVAIN ET TOUS LES ÉVÊQUES CATHOLIQUES A LEUR HONORABLE ET TRÈS-CHER FILS, L'ILLUSTRE (1) TRIBUN ET SECRÉTAIRE MARCELLIN.

1. Nous vous déclarons, par cette lettre, comme vous avez bien voulu le demander, que nous acceptons de tout point l'édit de votre excellence, qui assure la tranquillité et la paix des délibérations de l'assemblée et pourvoit aux moyens de manifester et de défendre la vérité; nous souscrivons à ce que vous avez réglé sur le lieu et le temps, et sur le nombre de ceux qui devront être présents. Nous consentons aussi que ceux à qui nous donnons commission de conférer signent leurs discours. Dans l'acte par lequel nous leur imposons cette charge; et promettons de ratifier ce qu'ils auront fait, non-seulement vous aurez nos signatures, mais vous nous verrez signer vous-même. Avec l'aide du Seigneur nous obtiendrons du peuple chrétien, dans l'intérêt du repos et de la tranquillité de l'assemblée, qu'il s'en tienne éloigné et qu'il ne se hâte pas de vouloir apprendre ce qui sera fait au moment même, mais qu'il en attende le récit par écrit, comme vous l'avez promis à tous.

2. Confiants dans la vérité, nous nous

1. Le texte porte: spectabili. C'était un terme de respect et d'honneur dont on usait à l'égard des grands personnages de l'empire à cette époque.

261

obligeons, si ceux avec qui nous avons affaire peuvent prouver que l'Eglise du Christ a tout à coup péri par les crimes de je ne sais qui, et n'est plus restée que dans le parti de Donat, lorsque déjà, selon les promesses de Dieu, les peuples chrétiens couvraient une grande partie de l'univers et s'étendaient pour le remplir tout entier; si, disons-nous, ils peuvent le prouver, nous nous obligeons à ne conserver parmi eux aucun des honneurs de la dignité épiscopale, mais, pour notre salut éternel, nous suivrons le conseil de ceux à qui nous devrons le bienfait insigne de connaître la vraie foi. Si, au contraire, nous parvenons à montrer que l'Eglise du Christ, répandue non-seulement en Afrique, mais encore dans les pays d'outre-mer et au milieu d'un grand nombre de nations, produisant des fruits et croissant dans le monde entier, comme il est écrit (1), n'a pas pu périr parles péchés de quelques hommes; si nous prouvons que c'est une question jugée que celle de ces évêques catholiques accusés mais jamais convaincus par leurs ennemis, et d'ailleurs la cause personnelle de ces évêques n'était pas la cause de l'Eglise; si nous établissons que Cécilien fut innocent et que ses accusateurs furent déclarés coupables de calomnie par l'empereur même dont ils avaient invoqué le jugement; enfin si, en réponse à ce qu'ils ont dit sur de prétendus crimes, nous démontrons l'innocence des accusés à l'aide de témoignages humains, et si nous faisons voir, avec les preuves divines, que l'Eglise du Christ, à la communion de laquelle nous sommes unis, n'a été détruite par les péchés de qui que ce soit, nous consentons qu'en rentrant dans notre unité, les donatistes retrouvent la voie du salut sans perdre les honneurs de l'épiscopat. Nous ne détestons pas en eux les sacrements de la vérité divine, mais les inventions des erreurs humaines; ôtez ces erreurs, nous embrasserons nos frères revenus à nous par la charité chrétienne: maintenant nous sommes séparés d'eux par un schisme diabolique.

3. Chacun de nous se trouvant alors dans son église avec un collègue, nous occuperions tour à tour le premier rang, comme on a coutume de le faire avec un évêque étranger. Les deux évêques possédant tour à tour les mêmes droits dans leur église, ils se préviendraient mutuellement; là où le précepte de la charité

1 Col 1,6.

dilaterait les coeurs, la paix serait aisée à garder; une fois l'un des deux évêques mort, le survivant demeurerait seul et la succession aurait lieu selon l'ancienne coutume. Cette convention ne serait pas une nouveauté; elle a été observée par la charité catholique depuis le commencement du schisme, à l'égard de ceux qui condamnant cette dissension impie sont revenus à la douceur de l'unité, quelque tardif qu'ait été ce retour. S'il arrivait par hasard que les peuples chrétiens aimassent mieux avoir un seul évêque et qu'ils repoussassent comme une chose insolite la présence permanente de deux évêques, quittons notre siège les uns et les autres, et, le schisme condamné et l'unité refaite, que les évêques des églises où il y en aurait un seul en choisissent un, un seul pour chaque église où il s'en serait trouvé deux auparavant. Pourquoi hésiterions-nous à offrir à notre Rédempteur ce sacrifice d'humilité? Il est descendu des cieux et a pris un corps pour que nous soyons ses membres; et nous, pour empêcher que ses membres ne soient déchirés par une cruelle division, nous craindrions de descendre de nos sièges! Il nous suffit, à nous, d'être des chrétiens fidèles et obéissants: soyons-le donc toujours. Nous sommes ordonnés évêques pour les peuples chrétiens, servons-nous de notre épiscopat pour les ramener à la paix. Si nous sommes des serviteurs utiles, pourquoi sacrifier à nos grandeurs temporelles l'éternel avantage du Maître? Si, en déposant la dignité épiscopale, nous réunissons le troupeau du Christ, elle nous sera plus profitable que si nous la conservions en contribuant à la dispersion du troupeau. De quel front attendrions-nous dans le siècle futur les honneurs promis par le Christ, si dans ce siècle-ci nos honneurs empêchaient l'unité chrétienne?

4. Nous avons voulu écrire ces choses à votre Excellence afin que, par vous, elles soient connues de tout le monde. C'est le Seigneur notre Dieu qui nous a inspiré de faire ces promesses; c'est avec son aide que nous avons la confiance de les remplir; nous lui demandons de guérir ou de dompter, par une pieuse charité, avant la réunion de l'assemblée, les coeurs infirmes ou rebelles: nous n'apporterons ainsi qu'un esprit pacifique à la recherche de la vérité, et la concorde précédera ou au moins suivra nos discussions. Si les dissidents se rappellent que les pacifiques sont heureux parce qu'ils seront (262) appelés enfants de Dieu (1), nous ne devons pas désespérer qu'ils trouvent plus digne et plus facile 'de réconcilier le parti de Donat avec l'univers chrétien, que de faire rebaptiser l'univers chrétien par le parti de Donat; nous devons d'autant moins perdre espoir, que les donatistes ont accueilli avec grand amour ceux qui sont revenus de la secte sacrilège de Maximien, secte condamnée par eux et contre laquelle ils avaient appelé les lois des puissances séculières; dans ce fraternel accueil, ils n'ont pas osé annuler le baptême donné par les maximianistes; ils ont reçu dans leurs rangs, sans toucher à leurs dignités, quelques-uns d'entre eux après les avoir condamnés, et ont même pensé que quelques autres n'avaient contracté aucune souillure dans leur communion avec cette secte impie. Leur bon accord entre eux ne nous déplaît pas; mais il faut qu'ils comprennent combien que le tronc catholique a raison de rechercher pieusement la branche dont il est séparé, puisque cette branche elle-même a mis tant de soins à se réunir au petit rameau qui en avait été retranché. (Et d'une autre main:) Nous vous souhaitons, notre fils, de votes bien porter dans le Seigneur. J'ai signé cette lettre, moi, Aurèle, évêque de l'Eglise catholique de Carthage. (Et encore d'une autre main:) J'ai signé, moi, Silvain, l'ancien (2), de l'Eglise de Summa.

1. Mt 5,9. - 2. Le texte porte senex, ancien. Silvain était l'évêque le plus ancien d'ordination, comme nous l'avons déjà fait observer.




LETTRE CXXIX. (Année 411)

Marcellin avait pensé qu'un petit nombre d'évêques choisis de part et d'autre par leurs collègues suffiraient pour une sérieuse et sincère discussion dans la conférence; mais les évêques donatistes demandèrent à y être tous présents. Les catholiques écrivirent à ce sujet à Marcellin; saint Augustin rédigea la lettre; elle va au fond de la question; elle est très-habile, très-forte: c'est une argumentation directe et sans réplique.

AURÈLE, SILVAIN ET TOUS LES ÉVÊQUES CATHOLIQUES A LEUR HONORABLE ET TRÈS-CHER FILS, L'ILLUSTRE TRIBUN ET SECRÉTAIRE MARCELLIN.

1. Nous sommes très-inquiets du manifeste ou de la lettre par laquelle nos frères que nous désirons ramener d'une division funeste à la paix catholique, ont refusé d'accepter l'édit de votre Excellence qui pourvoit à la tranquillité et au repos de nos délibérations; nous craignons non pas que tous ces évêques, mais que quelques-uns d'entre eux ne rendent impossible, par le tumulte ou le bruit de la multitude, une conférence qui doit être calme et pacifique. Plût à Dieu que cette pensée ne fût point dans leur esprit et que nous nous trompassions dans nos soupçons! Plût à Dieu que ces évêques ne voulussent tous assister à la conférence, où nous serions également, que pour en sortir dans une parfaite union avec nous, et pour aller, sur les ruines du schisme, dans les liens fraternels du Christ, rendre grâces à Dieu et le louer tous ensemble dans une même église, avec la charité la plus ardente et la plus éclatante, au milieu de l'admiration et de la joie des gens de bien, ne rencontrant d'autre affliction que celle du démon et de ceux qui lui ressemblent!

2. Si c'est avec un oeil de paix que l'on regarde ce qui nous occupe, si c'est avec une pensée chrétienne qu'on veuille juger, on trouvera tout simple de mettre de côté les accusations vraies ou fausses dirigées contre des hommes, pour chercher l'Eglise dans les saintes Ecritures où le Christ, son Rédempteur, se révèle à nous. De même que nous n'écoutons pas contre le Christ ceux qui disent que son corps a été enlevé du sépulcre par ses disciples, de même nous ne devons pas écouter contre son Eglise ceux qui disent qu'elle n'existe plus que parmi les Africains et le petit nombre de ceux qui leur sont unis. Les chrétiens véritables sont membres du Christ, selon la parole de l'Apôtre (1): Comme donc nous ne croyons pas que le corps mort du Christ ait disparu du sépulcre par le larcin de quelqu'un, ainsi nous ne devons pas croire que, par le péché de qui que ce soit, ses membres vivants aient disparu du monde. Le Christ étant le chef et l'Eglise le corps, il n'est pas difficile de voir dans l'Evangile le chef défendu contre les calomnies des juifs et le corps contre les accusations des hérétiques. On y lit: «Il fallait que le Christ souffrit et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour;» c'est contre ceux qui disent qu'il a été enlevé mort du tombeau. Et aussitôt après: «Et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem (2);» c'est contre ceux qui prétendent que l'Eglise n'est pas répandue dans l'univers: par là, en un seul endroit et en peu de mots, l'ennemi

1. Ep 4,25 - 2. Lc 24,46-47

263

du chef et l'ennemi du corps sont repoussés, et peuvent être ramenés, s'il y a de leur part attention et sincérité.

3. Nous sommes d'autant plus affligés de ces inimitiés de nos frères, qu'ils ont en main comme nous ces mêmes Ecritures qui renferment d'aussi évidents témoignages. Au moins les juifs qui nient la résurrection du Christ ne reçoivent pas l'Évangile; mais nos frères admettent l'autorité dé l'Ancien et du Nouveau Testament; cependant ils veulent nous imputer à crime que l'Évangile ait été livré, et refusent de croire à l'Évangile quand nous le lisons! Mais peut-être que, voulant se préparer à cette conférence, ils ont plus soigneusement scruté les saintes Ecritures; ils y auront trouvé d'innombrables preuves des promesses faites à l'Église qu'elle sera répandue au milieu de toutes les nations, sur toute la terre; on voit ses premiers progrès dans l'Évangile, les Epîtres et les Actes des apôtres, où se lisent les noms des lieux, des cités et des provinces à travers lesquels elle s'est propagée; cette Eglise, commençant par Jérusalem, et s'étendant jusqu'en Afrique, non pas en s'éloignant, mais en grandissant à travers le monde, ils n'ont pas découvert un seul endroit des livres saints où il soit dit qu'elle doive disparaître de la terre pour ne plus être qu'en Afrique dans le parti de Donat; ils auront vu toute l'absurdité qu'il y a à multiplier les témoignages divins en faveur de celle qui doit périr et à ne pas apercevoir le moindre mot en faveur de celle qui, selon eux, plaît au Seigneur: c'est peut-être la pensée de toutes ces choses qui les a déterminés à se réunir tous à la conférence, afin de mettre un terme à des inimitiés vaines et funestes et contraires au salut éternel: au lieu de songer à faire naître un nouveau désordre, ils ne sont occupés qu'à finir d'anciennes divisions.

4. Car, pour ce qui fait. le sujet de leurs récriminations accoutumées, je veux parler des lois contre les hérétiques et les schismatiques portées dans l'intérêt de la paix catholique, par les rois de la terre, dont il est dit depuis si longtemps qu'ils seront soumis au Christ, nous croyons qu'ils ont enfin compris qu'on ne doit pas en faire un crime. Les anciens rois de la nation juive et même des rois étrangers ont défendu à tous leurs peuples, sous des peines très-sévères, non-seulement de ne rien faire, mais même de ne rien dire contre le Dieu d'Israël, c'est-à-dire le vrai Dieu; et les ancêtres des donatistes ont déféré au tribunal de l'empereur Constantin, par le proconsul Anulin, la cause même de Cécilien, d'où est née notre division: il est bien évident qu'ils sollicitaient par là, auprès de l'empereur Constantin, un acte quelconque de son autorité souveraine contre le parti qui serait condamné; ils ont pu voir, dans les registres publics et peut-être ont-ils vu pour les besoins de la conférence, que toute cette cause est depuis longtemps finie; et qu'elle l'est après les jugements ecclésiastiques qui ont absous Cécilien, après la décision de l'empereur lui-même devant qui l'affaire fut d'abord portée et en dernier lieu reportée par eux. Ils ont pu y reconnaître aussi que le proconsul Aelien, jugeant par l'ordre de l'empereur, a pleinement disculpé Félix, évêque d'Aptonge, ordinateur de Cécilien, qu'ils ont appelé dans leur concile la source de tous les maux.

5. Si, de plus, ils ont fait attention aux saintes Ecritures, et c'était bien facile, s'ils y ont remarqué que, dans l'Église du Christ, l'ivraie et le froment, la paille et le grain, les bons et les mauvais poissons doivent se trouver mêlés jusqu'au temps où l'on moissonnera, où l'on vannera, où l'on tirera les filets sur le rivage t; ils auront pensé que, quand même Cécilien et ses collègues auraient eu des torts, ces torts ne seraient pas retombés sur l'univers chrétien, promis jadis à un petit nombre de croyants, et devenu aujourd'hui un spectacle pour tout le monde: à moins que par hasard le péché d'un homme ne soit plus fort contre l'Église que ne peut l'être pour elle le serment d'un Dieu, et que les châtiments de l'iniquité ne l'emportent sur les promesses de la vérité. Peut-être nos adversaires ont-ils déjà vu ce qu'il y aurait d'insensé et d'impie dans un pareil sentiment; ils se seront souvenus qu'après avoir condamné les maximianistes, lesquels avaient condamné Primien, ils les ont chassés de leurs églises au moyen des puissances temporelles; ce récent exemple leur aura prouvé sûrement que l'Église peut sans péché demander aux puissances un appui contre ses enfants révoltés. Ils auront songé que leurs rangs se sont ouverts à quelques-uns de ceux qu'ils avaient condamnés, en même temps qu'ils donnaient à plusieurs un terme pour revenir de la communion schismatique et sacrilège de Maximien, où ils ont dit qu'ils étaient restés sans se souiller; et qu'ils n'ont osé ni annuler ni réitérer le

1. Mt 3,12 Mt 13,24-30,13.

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baptême, donné ostensiblement dans le schisme par ceux qu'ils avaient condamnés ou par leurs adhérents. Ils ont assez compris qu'ils condamnaient par leur propre exemple leurs accusations contre nous, et il faut croire qu'ils reconnaissent ce qu'il y a d'indigne, d'intolérable à s'asseoir sur leurs sièges d'évêques avec les maximianistes, avec Primien lui-même qu'ils ont condamné comme ils ont été condamnés par lui et tout cela pour conserver la paix dans le parti de Donat, pendant qu'à cause de Cécilien ils réprouvent le monde chrétien et troublent la paix et l'unité du Christ!

6. Voilà peut-être les souvenirs et les considérations qui, mêlés à la crainte de Dieu, les portent à vouloir tous assister à la conférence c'est de leur part une pensée de paix et non point un dessein de désordre. Ils ont dit que leur intention, en venant tous à l'assemblée, c'était de montrer leur nombre et de répondre à ceux qui ont menti en parlant de leur petit nombre. Si cela a été dit parmi nous, on a pu le dire avec vérité des lieux où nos évêques, nos clers et nos laïques sont assurément de beaucoup les plus nombreux, surtout dans la province proconsulaire, quoique, la Numidie consulaire exceptée, nous soyons aussi plus nombreux dans les autres provinces de l'Afrique; ou bien, certainement, nous avons raison d'affirmer que les donatistes sont en très-petit nombre, si on les compare à toutes les nations à travers lesquelles s'étend la communion catholique. Si les évêques donatistes veulent se compter à nos yeux, ne pourraient-ils pas le faire avec plus d'ordre et de tranquillité en mettant sous vos yeux leurs signatures au bas de la procuration demandée par votre ordonnance? Pourquoi donc leur désir d'assister tous à la conférence? Car s'ils n'arrivent pas avec des pensées de paix, que ne troubleront-ils pas en parlant, et que feront-ils là en gardant le silence? Supposez qu'il n'y ait pas de cris, le seul bruit des mots dits à l'oreille par beaucoup d'hommes deviendra un assez grand bruit pour empêcher la conférence.

7. Ils ont cru devoir déclarer dans leur manifeste qu'ils sont fondés à vouloir tous assister à la conférence parce qu'on les a tous convoqués. Mais qui donc pouvait choisir le petit nombre de ceux qui devaient prendre part à la discussion, sinon tous les évêques invités à la réunion? c'est en votre présence que tous avaient à désigner leurs mandataires: tous seraient ainsi dans un petit nombre, puisqu'un petit nombre aurait été choisi par tous. Ou c'est au désordre ou c'est à la paix qu'ils aspirent; nous souhaitons l'une de ces choses, nous prenons garde à l'autre; et de peur qu'ils ne se préparent à ce que nous craignons plutôt qu'à ce que nous souhaitons, nous consentons qu'ils assistent tous à la conférence, pourvu toutefois que nous -restions, nous, dans le nombre qui avait paru suffisant à Votre Excellence: s'il y avait du tumulte, il ne serait imputable qu'à ceux qui auraient voulu inutilement se montrer en grand nombre, afin de régler une chose pour laquelle il fallait peu d'hommes seulement. Si, au contraire, ce que nous désirons de tous nos voeux, ce que nous recherchons ardemment, ce que nous demandons humblement au Seigneur, ils ne se réunissent en grand nombre qu'en vue de la paix, nous serons tous présents quand ils le voudront, et à l'aide de Dieu, auteur de cette grâce, nous volerons joyeusement vers un si grand bien, en disant: «Vous êtes nos frères (1),» non plus à ceux qui nous détestent, mais à des frères qui nous embrassent après avoir éteint la haine; c'est ainsi que le nom du Seigneur sera honoré, et ils verront, ils expérimenteront eux-mêmes en partageant notre joie, combien il est bon et doux que les frères habitent ensemble (2)! (Et d'une autre main:) Nous vous souhaitons, notre fils, de vous bien porter en Dieu. (D'une autre main:) Moi., Aurèle, évêque de l'église de Carthage, j'ai signé. (Et encore d'une autre main:) Moi, Silvain, primat de la province de Numidie, j'ai signé.

1. Is 66,5, version des Septante. - 2. Ps 132,1.





Augustin, lettres - LETTRE CXXVI. (Année 411)