Augustin, du mérite I-II-III - CHAPITRE XXXVI. IGNORANCE DE LA PREMIÈRE ENFANCE; CAUSE DE CE FAIT.

CHAPITRE XXXVI. IGNORANCE DE LA PREMIÈRE ENFANCE; CAUSE DE CE FAIT.


67. Apprécions, oui, les ténèbres étranges de cette âme très-certainement raisonnable, cette nuit dans laquelle les petits enfants, loin de connaître Dieu, luttent contre ses sacrements à l'heure même où ils reçoivent le baptême. Pour quelle raison et à quelle date, je le demande, ont-ils été plongés dans ces ténèbres? Faut-il dire ou qu'ils y sont tombés ici-bas par leur faute, et qu'ils ont oublié Dieu dans leur vie personnelle même et par une négligence criminelle; ou bien au contraire que, jusque dans le sein de leurs mères, ils ont vécu avec une sainte connaissance et une vraie religion? Le dise qui l'ose; l'entende qui (516) veut; le croie qui peut; quant à moi, je pense que ces deux sentiments sont insoutenables pour quiconque n'a pas l'esprit aveuglé par l'entêtement à défendre son opinion.

Par contre, dirons-nous que l'ignorance ne soit point un mal, et par suice qu'on ne doive point le guérir? Mais que signifie cette parole de l'Ecriture: «Oubliez, mon Dieu, mes fautes de jeunesse et mon ignorance (1)?» Certainement les péchés commis en connaissance de cause sont plus condamnables; mais enfin, s'il n'y avait point de péchés d'ignorance, nous ne lirions pas le texte que je viens de citer: «Oubliez, mon Dieu, mes fautes de a jeunesse et mon ignorance». Ainsi, qu'on me réponde: Au sein de ces ténèbres si épaisses de l'ignorance, l'âme de l'enfant nouveau-né, âme humaine bien certainement, âme douée de raison, n'est pas seulement ensevelie sans aucune connaissance, mais dans l'incapacité même de rien apprendre. Pourquoi donc, à quelle date, de quel lieu est-elle ainsi tombée dans la nuit? S'il est dans la nature de l'homme de commencer ainsi, pourquoi Adam n'a-t-il pas été ainsi créé? Pourquoi était-il, dès son premier jour, en état de recevoir un commandement et capable de donner des noms convenables à son épouse et à tous les animaux? A l'une il disait: «Celle-ci s'appellera la femme», et, ajoute le texte sacré, «tous les noms qu'Adam imposa aux créatures vivantes sont bien leurs noms (2)». Le nouveau-né, au contraire, ne sait où il est ni ce qu'il est; il ne sait quel est son créateur ni quels sont ses parents; déjà entaché de péché, bien qu'incapable de recevoir.un précepte; enveloppé et accablé dans les noires profondeurs de l'ignorance, à tel point qu'on ne peut l'éveiller comme d'un sommeil pour lui montrer du moins ces choses et lui en donner connaissance; non, mais il faut attendre le temps pour qu'il digère enfin lentement cette espèce d'ineffable ivresse qui ne dure pas, comme l'ivresse grave, l'espace d'une nuit, mais durant de longs mois et pendant plusieurs années; et jusqu'à ce terme éloigné, les faits qu'on punit dans les grands, dans les enfants on les tolère, et si souvent, qu'on ne pourrait aucunement les compter. Je le demande, ce mal si grand de l'ignorance et de la faiblesse première, supposé que les enfants l'aient contracté depuis leur naissance,


1. Ps 24,7 - 2. Gn 2,19-23

dites où, quand et comment ils ont commis en effet quelque impiété bien grave qui leur a valu d'être ensevelis tout à coup en de pareilles ténèbres?

CHAPITRE XXXVII. PUISQU'ADAM N'A PAS ÉTÉ CRÉÉ TEL QUE NOUS SOMMES EN NAISSANT, POURQUOI JÉSUS-CHRIST, BIEN QU'EXEMPT DE PÉCHÉ, EST-IL NÉ DANS L'ÉTAT D'ENFANCE ET DE FAIBLESSE?


68. Mais, dira-t-on, si notre nature actuelle n'est pas pure; s'il faut y accuser un vice d'origine par la raison qu'Adam n'a pas été créé dans les mêmes conditions que nous, comment expliquer la naissance de Jésus-Christ se révélant au monde dans ce même bas âge, dans ce même état de faiblesse? Il était pourtant, avouez-le, incomparablement excellent, et son enfantement du sein d'une Vierge fut certainement sans aucun péché!

Nous répondons à cette objection: Adam n'a pas été créé tel que naissent les hommes après lui, par la raison que le péché d'un père ne l'ayant pas précédé en ce monde, il n'a pas été créé dans une chair de péché. Pour nous, au contraire, notre condition dès le berceau s'explique par ce motif que son péché nous précède et que nous naissons dans une chair de péché. Quant à Jésus-Christ, lui aussi vient au monde, semblable à nous, parce qu'il est né dans la ressemblance de notre chair de péché, pour condamner ainsi le péché par le péché même.

Au reste, nous ne parlons pas ici d'Adam sous le rapport de sa taille physique; nous ne remarquons pas que, loin d'avoir été créé petit enfant, il a joui immédiatement de toute la force de membres parfaits. On pourrait nous opposer que les animaux sont créés aussi avec la condition de se reproduire par des êtres tout petits à leur naissance, sans que cela soit venu de leur péché. Non, nous n'envisageons pas ainsi la question pour le moment; mais il s'agit de l'âme du premier homme, de ce privilège qu'elle a eu, de cet usage de la raison qui la rendait capable de comprendre aisément le précepte de Dieu et la loi de son commandement, et de pouvoir facilement y obéir, si elle l'eût voulu. Actuellement, au contraire, l'homme vient au monde avec une impuissance absolue en cet endroit, et il faut (517) en accuser l'affreuse ignorance et infirmité, non de sa chair, mais de son esprit. Car, il faut bien l'avouer, l'âme raisonnable d'un petit enfant n'est pas d'une substance différente, elle est substantiellement la même que celle d'Adam; et cependant, telle est en nous l'infirmité de la chair, qu'elle suffit, selon moi, à démontrer je ne sais quel mystérieux châtiment. Elle prête, il est vrai, à cette question: Si le premier couple humain n'avait pas péché, en serait-il sorti des enfants hors d'état de se servir de leur langue, de leurs mains et de leurs pieds? La capacité étroite du sein maternel aurait sans doute exigé qu'en effet les enfants vinssent au monde tout petits. - Mais aussi, l'on répondrait qu'avec une seule côte, faible partie dans le corps humain, Dieu n'a pas voulu cependant créer au premier époux une épouse de taille enfantine; mais il en construisit une femme véritable; la toute-puissance de Dieu pouvait donc aussi, pour les enfants d'Adam, les faire grandir tout d'un coup, aussitôt après leur naissance.

CHAPITRE XXXVIII. IGNORANCE ET FAIBLESSE DE L'ENFANT.


69. Sans insister sur ce point, avouons que Dieu pouvait nous accorder ce qu'il a donné même à plusieurs espèces d'animaux. On voit leurs petits, dès le premier âge, et sans que l'intelligence suive en eux les progrès du corps, parce qu'en effet ils n'ont point une âme raisonnable; on les voit, frêles encore et à peine naissants, courir, reconnaître leurs mères, n'avoir pas besoin de secours étrangers pour prendre la mamelle, mais savoir déjà la trouver avec une admirable facilité dans les parties les plus cachées de ce corps qui les allaite. Au contraire, l'homme naît, et ses pieds sont impropres à la marche, ses mains mêmes inhabiles à saisir un objet; et si la nourrice n'aide les petites lèvres du nourrisson à s'attacher à la mamelle, il ne sent pas même où pose le sein; si proche qu'il en soit, il pleurera de besoin avant de pouvoir le saisir. Cette faiblesse de son corps est donc tout à fait en proportion avec la faiblesse de son intelligence; et la chair de Jésus-Christ n'aurait pas eu cette ressemblance avec notre chair de péché, si le péché, en effet, n'était pas le dominateur de notre chair, dont la pesanteur accable ainsi chez nous l'âme raisonnable. - Quant à notre âme même, est-elle tirée de nos parents? Est-elle créée en eux? Est-elle un souffle d'en haut? C'est une question que j'ajourne pour le moment.

CHAPITRE XXXIX. JUSQU'À QUEL POINT LE PÉCHÉ EST DÉTRUIT PAR LE BAPTÊME, SOIT DANS LES ENFANTS, SOIT AUSSI DANS LES ADULTES; QUEL AVANTAGE RÉSULTE DE CE SACREMENT.


70. Une vérité certaine, c'est que dans les petits enfants la grâce de Dieu opère parle baptême de Celui qui a daigné venir dans la ressemblance de notre chair de péché, et que cette grâce fait disparaître la chair du péché. Elle disparaît, non pas toutefois en ce sens que la concupiscence, imprégnée et innée dans cette chair, soit détruite dès cette vie et n'existe plus; mais seulement que, attachée à l'homme dès qu'il naît, elle ne puisse lui nuire s'il vient à mourir aussitôt après. Et supposé qu'au contraire il vive après son baptême et qu'il parvienne en âge de comprendre le devoir, il trouve cette concupiscence encore pour la combattre ici-bas, mais aussi pour la vaincre, Dieu aidant, pourvu qu'il ne reçoive pas en vain la grâce divine et qu'il se refuse à devenir un réprouvé. Au reste, à moins peut-être d'un miracle ineffable du Créateur tout-puissant, le baptême ne confère pas même aux adultes cette grâce singulière qui éteindrait entièrement et réduirait à néant la loi du péché toujours existante en nos membres et en lutte contre la loi de l'esprit. Non, l'effet de ce sacrement, c'est que tout le mal dont l'homme se sera souillé par actions, paroles ou pensées, pendant que son âme était asservie à cette même concupiscence, se trouve entièrement aboli et regardé comme non avenu; et dès lors, après qu'ont été brisés ces indignes fers sous lesquels le démon retenait cette âme captive, lorsqu'est détruit ce mur de séparation qui isolait l'homme de son Créateur, cette âme elle-même demeure sur le champ de bataille où nous châtions notre corps et le réduisons en servitude (1); et il nous reste le devoir, tantôt de lui accorder une trêve nécessaire en lui permettant d'user des choses licites, tantôt de la dompter par la continence. Mais l'Esprit divin, qui connaît bien mieux que nous le présent, le passé et


1. 1Co 9,27

518

l'avenir de tout le genre humain, sait aussi et nous prédit que toute vie humaine présente un triste caractère: c'est que devant Dieu tous les vivants ne se rendent point justes (1). Aussi arrive-t-il que, par ignorance ou par faiblesse, nous ne déployons pas contre la concupiscence toutes les forces de notre volonté, et que nous lui cédons même en plusieurs choses défendues; aussi nos chutes sont-elles plus lourdes ou plus légères, plus fréquentes ou plus rares, selon que nous sommes pires ou meilleurs nous-mêmes.


1. Ps 142,2

De là une grave question se pose ici. Est-il, sera-t-il, a-t-il jamais été dans cette vie un seul homme exempt de péché personnel? On excepte évidemment Celui qui a dit: «Voici que vient le Prince de ce monde; mais il n'a aucun droit sur moi (1)». - La réponse demande une discussion trop approfondie, pour que nous ne terminions pas ici notre premier livre, et que nous n'en commencions pas un second pour ce nouveau problème.


1. Jn 14,30






LIVRE DEUXIÈME.

TOUS LES HOMMES SONT PÉCHEURS.



Saint Augustin y attaque ceux qui prétendent qu'il est, qu'il a été ou qu'il y aura dans cette vie des hommes absolument exempts de tout péché; et, à ce sujet, il pose et résout quatre questions. Dans la première, il enseigne que l'homme, avec son libre arbitre et la grâce de Dieu, peut se maintenir sans péché dans cette vie. Dans la seconde, il prouve que, de fait, aucun de ceux qui vivent ici-bas n'est exempt absolument de tout péché. Dans la troisième, que ce fait da péché en tous les hommes s'explique par la raison qu'aucun homme ne déploie la volonté qu'exige une telle perfection, soit d'ailleurs parce qu'il ignore ce qui est juste, soit qu'il n'ait pas d'attrait pour l'accomplir. Dans la quatrième, enfin, qu'à l'exception seulement de Jésus-Christ notre médiateur, aucun homme n'est, ne fut ou ne sera jamais exempt de tout péché.

CHAPITRE PREMIER. RÉSUMÉ DES CONSÉQUENCES ACQUISES JUSQU'ALORS; MATIÈRES A TRAITER DANS LE SECOND LIVRE.


1. Notre premier livre, cher Marcellin, me paraît avoir suffisamment traité la question du baptême des petits enfants. On le leur donne, avons-nous dit, pour qu'ils arrivent non-seulement au royaume de Dieu, mais plus simplement et d'abord au salut même et à la vie éternelle, parce qu'il est impossible à qui que ce soit d'acquérir ces deux derniers biens eux-mêmes en dehors du royaume de Dieu et sans l'union intime avec Jésus-Christ notre Sauveur: c'est en cette union seule qu'il nous a rachetés par son sang.

Une autre question se présente. Dans le siècle présent se voit-il, s'est-il vu, se verrat-il jamais un homme exempt absolument de tout péché? On excepte évidemment Jésus-Christ, l'Homme médiateur entre Dieu et les hommes, qui s'est livré lui-même en rédemption pour tous (1). Autant que ce divin Maître veut bien m'en accorder le talent et les moyens, j'ai essayé de discuter et de résoudre ce problème. Si la nécessité ou l'occasion vient mêler en certains endroits à cette étude la question du baptême ou du péché des petits enfants, il ne faudra pas s'en étonner ni éviter de donner, en ces endroits mêmes et selon notre possible, la réponse à toutes les difficultés qui vaudront la peine d'être éclaircies.

CHAPITRE II. CERTAINES GENS FONT TROP LARGE LA PART DU LIBRE ARBITRE. - IGNORANCE ET INFIRMITÉ HUMAINE.


2. La vie de l'homme peut-elle s'écouler sans

1. 1Tm 2,5-6

que le péché vienne jamais s'y glisser ou le surprendre? La solution de ce problème est surtout nécessaire au point de vue de nos prières de chaque jour. Il se voit, en effet, des gens qui présument tellement du libre arbitre accordé à la volonté humaine, que, selon eux, il n'est point nécessaire que Dieu nous aide à ne point pécher, dès là que notre nature est en possession du libre arbitre de sa volonté. La conséquence est claire: nous n'avons donc plus à prier pour ne point entrer dans la tentation, c'est-à-dire pour n'être pas vaincus par la tentation, soit quand elle nous trompe et nous surprend à notre insu, soit quand elle presse et assiégé notre faiblesse. Or, les paroles nous manquent, en vérité, pour dévoiler combien il serait nuisible, pernicieux, contraire à notre salut en Jésus-Christ et à la religion dont nous portons le caractère ineffaçable; combien ce serait chose diamétralement opposée à la piété qui nous fait honorer Dieu, que de cesser nos prières au Seigneur pour obtenir un tel bienfait, que de voir une superfétation dans cette demande de l'oraison dominicale: «Ne nous laissez pas entrer dans la tentation (1)».

CHAPITRE 3. COMMENT DIEU NE NOUS FAIT AUCUN PRÉCEPTE IMPOSSIBLE. - LES OEUVRES DE MISÉRICORDE SONT DES REMÈDES DESTINÉS A EFFACER LES PÉCHÉS.


3. Il est une maxime que certaines gens se flattent d'exprimer finement et habilement, comme si elle était étrangère à, quelqu'un d'entre nous: «Si nous ne voulons pas», disent-ils, «nous ne péchons pas; et Dieu ne ferait jamais à l'homme un commandement qui serait impossible à la volonté humaine».

1. Mt 6,13

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Mais une vérité leur échappe; pour triompher de certains désirs coupables, de certaines terreurs lâches et criminelles, nous avons besoin d'une grande force et même de toutes les forces de notre volonté. Or, les emploie parfaitement et en toutes choses? Dieu a prévu tout le contraire, et a voulu qu'il nous fût dit en toute vérité par le Prophète: «O mon Dieu! tous les vivants ne seront pas justifiés en votre présence (1)!» Aussi, Dieu, prévoyant en cela notre triste avenir, a daigné nous donner, même après le baptême, certains remèdes salutaires qui auront alors grande puissance contre les souillures et les liens du péché; et ces remèdes, ce sont les oeuvres de miséricorde dont il a dit: «Pardonnez et l'on vous pardonnera; donnez et l'on vous donnera (2)». En effet, qui donc sortirait de cette vie avec quelque espoir d'entrer en possession du salut éternel, lorsque toujours se dresse ce redoutable oracle: «Quiconque aura gardé toute la loi, mais l'aura toutefois violée en un seul point, est devenu coupable de tous les points?» Heureusement que bientôt l'écrivain sacré continue: «Réglez donc vos paroles et vos actions, comme devant être jugées par la loi de liberté. Car celui qui n'aura point fait miséricorde sera jugé sans miséricorde; or, la miséricorde s'élèvera au-dessus de la rigueur du jugement (3)».

CHAPITRE IV. COMMENT LA CONCUPISCENCE DEMEURE EN NOUS. - DANS L'HOMME BAPTISÉ, CE N'EST PLUS LA CONCUPISCENCE, C'EST LE CONSENTEMENT SEUL QUI EST NUISIBLE.


4. Aussi bien, la concupiscence est-elle comme une loi de péché qui persévère dans notre corps de mort. Elle naît avec les petits enfants. Sont-ils baptisés? Elle disparaît comme tache et reste pour le combat, sans poursuivre, comme un titre de condamnation, celui qui meurt avant la lutte. Ne sont-ils pas baptisés? Elle les enchaîne comme des coupables, et les traîne à la damnation en qualité d'enfants de colère, quand bien même ils mourraient en bas âge. - Quant aux adultes, comme ils ont l'usage de leur raison, toutes les fois que chez eux l'âme se rend par le péché complice de la concupiscence, il y a là un acte de volonté personnelle; aussi, après que tous leurs

1. Ps 142,2 - 2. Lc 6,37-38 - 3. Jc 2,10-13

péchés sont effacés, lorsqu'a été détruit le lien honteux qui les tenait enchaînés dès leur origine, la concupiscence toutefois demeure encore chez eux pour le combat, sans qu'elle puisse absolument leur nuire en rien, tant qu'ils n'y consentiront point en choses défendues; mais elle persévère ainsi jusqu'à ce que la mort soit absorbée dans sa victoire (1), et qu'après la réalisation parfaite de la paix, il ne reste plus rien à vaincre. Quant à ceux qui lui donnent consentement pour les choses défendues, elle les enchaîne comme coupables dès lors; et, si le Prêtre céleste qui intercède pour nous ne, daigne les guérir par le remède de là pénitence et par les oeuvres de miséricorde, elle les conduira jusque dans la seconde mort et à la damnation. C'est pour cette raison que le Seigneur, nous enseignant à prier, nous avertit de dire entre autres choses: «Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; et ne nous laissez pas entrer dans la tentation; mais délivrez-nous du mal (2)». Car le mal habite notre chair, non d'après une nécessité de cette nature dans laquelle l'homme avait été créé de Dieu, mais par le vice où lui-même s'est précipité volontairement; et comme il a perdu ses forces dans cet abîme, il n'est point guéri avec cette même facilité qui lui valut sa blessure.

Tel est, au reste, le mal dont l'Apôtre nous dit: «Je sais que le bien n'habite point dans ma chair (3)». Tel est le mal auquel il nous recommande de ne point obéir, quand il ajoute: «Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel, de façon à ce que vous obéissiez à ses convoitises (4)». Supposé donc que, cédant au penchant corrompu de notre volonté, nous ayons consenti à ces convoitises de la concupiscence charnelle, pour guérir le mal, nous disons: «Pardonnez-nous «nos offenses», et nous appliquons le remède par une oeuvre de miséricorde, puisque nous ajoutons aussitôt: «Comme nous pardonnons a à ceux qui nous ont offensés». Et pour éviter même de consentir à ce mal, nous implorons le divin secours en ces termes: «Ne nous laissez pas entrer dans la tentation», (ou, comme le portent quelques exemplaires: «Ne nous induisez point en tentation»). Ce n'est pas que jamais tentation de ce genre

1. 1Co 15,51 - 2. Mt 6,12-13 - 3. Rm 7,18 - 4. Rm 6,12

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vienne de Dieu; «car Dieu n'est point capable de nous tenter pour aucun mal; Dieu ne tente personne (1)». Non; mais nous demandons que, si déjà commence contre nous la tentation par l'oeuvre de la concupiscence, Dieu veuille bien ne pas nous priver de son secours, qui nous donnera la possibilité de vaincre et nous arrachera à ses attraits malheureux. Nous terminons par demander ce qui n'aura son accomplissement parfait qu'à la fin des temps, qu'au jour où l'élément mortel sera absorbé par la vie (2): «Mais délivrez-nous du mal». Alors, en effet, alors n'existera plus aucune concupiscence contre laquelle il nous faille combattre et à laquelle nous devions refuser tout consentement. On peut donc rapporter brièvement à trois grâces ce que nous demandons ici dans l'oraison dominicale: Pardonnez-nous en tous les cas où la concupiscence nous a entraînés; secourez-nous de peur que la concupiscence ne nous entraîne; délivrez-nous de la concupiscence.

CHAPITRE V. LA VOLONTÉ DE L'HOMME A BESOIN DU SECOURS DE DIEU.


5. En effet, Dieu ne nous aide point à pécher; mais sans l'aide de Dieu, nous ne pouvons faire les oeuvres justes; ou, en d'autres termes, accomplir dans tous ses points le précepte de la justice. C'est ainsi que l'oeil de notre corps n'est pas aidé par la lumière pour s'exclure de cette lumière même, pour s'en détourner et s'y fermer; il est aidé par elle, afin de voir clair; et il ne peut y voir absolument s'il n'est point aidé par elle. Tel est Dieu par rapport à nous: lumière de l'homme intérieur, il seconde le regard de notre âme, afin qu'en toute espèce de bien nous agissions selon sa justice à lui, et non pas selon notre justice. Nous arrive-t-il de lui tourner le dos? C'est notre affaire, et nous obéissons alors à la sagesse de la chair; nous consentons à la concupiscence de la chair en des choses illicites.

Ainsi, tournés et convertis vers lui, Dieu nous aide; détournés volontairement de lui, il nous délaisse. Il y a plus: il nous aide à nous convertir, et c'est là un effet que la lumière créée ne produit pas en faveur des yeux de notre corps. Aussi, lorsque Dieu nous fait ce précepte: «Convertissez-vous vers

1. Jc 1,13 - 2. 2Co 5,4

moi, et je me convertirai vers vous, moi aussi (1)»; et quand, de notre côté, nous répondons: «O Dieu de nos guérisons, convertissez-nous (2)»; et: «Convertissez-nous, Dieu des vertus (3)», quel est alors le sens de notre prière, sinon: Donnez-nous ce que vous nous commandez? - Quand, encore, son précepte nous dit: «Ayez donc l'intelligence, vous qui parmi mon peuple êtes des insensés (4)», et que nous le supplions en disant: «Donnez-moi l'intelligence pour que je comprenne vos commandements (5)», qu'est-ce à dire sur nos lèvres, sinon: Donnez-nous ce que vous commandez? - Quand sa voix nous dicte une loi comme celle-ci: «N'allez pas à la remorque de vos mauvais désirs (6)», et que nous lui disons à notre tour: «Nous savons que personne n'en peut être le maître, si Dieu ne lui en donne la force (7)»; que signifie notre langage, sinon: Donnez-nous ce que vous commandez? - Quand sa voix nous crie: «Pratiquez la justice (8)», et que nous répondons: «Enseignez-moi vos lois qui justifient (9)», qu'est-ce à dire toujours, sinon: Donnez-nous ce que vous commandez? - Enfin, si Dieu nous dit: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés (10)», à qui devons-nous demander cet aliment et ce breuvage de la justice, sinon à celui qui promet d'en rassasier ceux qui éprouveraient et cette faim et cette soif?


6. Repoussons donc, en leur fermant nos oreilles et nos esprits, ceux qui prétendent qu'une fois pourvus du libre arbitre, nous ne devons plus même prier Dieu pour qu'il nous aide à ne point pécher. Moins profondes étaient même les ténèbres qui aveuglaient l'orgueilleux Pharisien; il se trompait en un point, lorsqu'il se jugeait dispensé d'ajouter à ses vertus acquises, lorsqu'il se croyait en possession d'une justice parfaite; mais, du moins, il rendait grâces à Dieu de ce qu'il n'était pas comme le reste des hommes, injustes, selon lui, ravisseurs, adultères, et spécialement comme ce publicain; de ce qu'il jeûnait deux fois par semaine; de ce qu'il donnait la dîme de tout ce qu'il possédait; ainsi, il ne demandait au Seigneur aucune augmentation de justice, mais il remerciait Dieu, pourtant, des

1. Za 1,3 - 2. Ps 24,5 - 3. Ps 79,8 - 4. Ps 93,8 - 5. Ps 118,73 - 6. Si 18,30 - 7. Sg 8,21 - 8. Is 57,1 - 9. Ps 118,12 - 10. Mt 5,6

522

vertus qu'il avait déjà, avouant ainsi qu'il avait tout reçu de lui. Et néanmoins il fut condamné, pour deux raisons: d'abord, parce qu'il ne demandait plus même les saints aliments qui entretiennent la justice, comme s'il en eût été comblé; ensuite, parce qu'il était heureux de se préférer avec insulte à ce publicain qui en avait faim et soif (1). - Quel sera donc le sort des hommes qui, tout en reconnaissant n'avoir pas la justice, ou du moins n'en avoir pas la plénitude, ont cependant la présomption de croire qu'ils devront l'acquérir par eux-mêmes et non pas l'implorer de leur Créateur gui en est le trésor et la source?

En ce point, cependant, nous ne devons pas nous contenter de voeux et de prières, jusqu'à ne pas y ajouter aussi le concours réel et l'effort de notre bonne volonté. Car Dieu est appelé «notre secours (2)»; or, on ne peut être secouru, si l'on ne fait pas de soi-même quelque effort. Dieu n'opère pas notre salut en nous, comme il opérerait sur des pierres insensibles ou sur ces êtres que la nature a faits sans raison et sans volonté. - Pourquoi, d'ailleurs, Dieu aide-t-il l'un et n'aide-t-il pas l'autre? pourquoi secourt-il celui-ci davantage, et celui-là moins, l'un de cette manière et l'autre d'une façon différente? Dieu, en ceci, garde sa souveraine et parfaite puissance, comme aussi la raison secrète de sa souveraine équité.

CHAPITRE VI. QUATRE QUESTIONS SUR LA PARFAITE JUSTICE. PREMIÈRE QUESTION: L'HOMME PEUT-IL ÊTRE SANS PÉCHÉ DANS CETTE VIE?


7. Certaines personnes prétendent que l'homme, dès cette vie, peut être sans péché: gardons-nous de donner à cette opinion un démenti téméraire et sans réserve ni précaution. En effet, déclarer que cela est impossible, c'est faire injure d'une part au libre arbitre de l'homme, dont la volonté aspire à cette hauteur; et d'autre part, à la puissance ou à la miséricorde de Dieu, dont le secours produit cet effet.

Remarquons plutôt la différence entre ces deux questions: La chose est-elle possible? La chose existe-t-elle? - Et entre ces deux autres: Si la chose n'existe pas, bien qu'elle soit possible, pourquoi le fait ne suit-il pas la possibilité? Et cet homme qui n'aurait jamais

1. Lc 18,10-14 - 2. Ps 61,9

eu absolument aucun péché, est-ce vrai qu'il existe, et se peut-il même qu'il existera un jour, ou qu'il ait jamais existé? Voilà notre sujet divisé en quatre questions.

Supposé donc qu'on me demande d'abord si l'homme peut être sans péché ici-bas? Je réponds qu'il le peut par le concours de la grâce de Dieu avec son libre arbitre. Au reste, et sans ombre de doute, je rapporte le libre arbitre lui-même à la grâce de Dieu, en ce sens que cette liberté humaine est un don de Dieu, à qui elle doit non-seulement d'exister, mais encore d'être bonne, c'est-à-dire de se tourner à l'accomplissement des commandements divins; ainsi la grâce de Dieu ne se borne pas à lui montrer ce qu'elle doit faire, mais elle l'aide encore à faire ce qu'elle lui a montré. Qu'avons-nous, en effet, que nous n'ayons pas reçu (1)? De là encore cette parole de Jérémie: «Je sais, ô mon Dieu, que l'homme ne dispose pas de sa voie, et qu'il a ne lui appartient pas de marcher et de bien diriger ses pas (2)». Aussi bien le fidèle, dans les psaumes, s'adresse à Dieu en ces termes «Vous avez ordonné que vos commandements fussent observés avec une excessive perfection»; mais aussitôt, loin de présumer de ses forces humaines, il témoigne seulement désirer les accomplir: «Puissent mes pas se diriger de façon à garder vos justes observances! alors je ne serai point confondu, quand vraiment j'aurai l'oeil sur tous vos saints préceptes». Désire-t-on ce qu'on possède en plein pouvoir, ce qu'on peut faire sans aucun aide? Mais de qui désire-t-il obtenir cette faveur? Ce n'est ni de la fortune, ni du destin, ni d'aucune autre puissance que de Dieu; il le déclare assez évidemment dans les paroles qui suivent: «Dirigez mes démarches selon votre parole, et que jamais l'iniquité ne domine sur moi (3)». - Les hommes délivrés de cette domination exécrable et de ce servage sont ceux à qui le Seigneur Jésus a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, parce qu'ils lui font accueil (4). Cette domination horrible et honteuse, il a dû en affranchir ceux auxquels il dit: «Si le Fils vous délivre, alors vraiment vous serez libres (5)». D'après ces témoignages et une infinité d'autres encore, je ne puis pas douter de deux points essentiels: le premier, c'est

1. 1Co 4,7 - 2. Jr 10,23 - 3. Ps 118,4-6 - 4. 1Jn 1,12 - 5. 1Jn 8,36

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que Dieu n'a fait à l'homme aucun précepte impossible; le second, c'est qu'il n'est rien d'impossible non plus à Dieu en fait d'aide et de secours capables de nous faire accomplir ce qu'il commande; et c'est pourquoi je conclus que l'homme, avec le secours de Dieu, peut, s'il le veut, être sans péché.

CHAPITRE VII. SECONDE QUESTION: EST-IL EN CETTE VIE UN SEUL HOMME SANS PÉCHÉ?


8. Mais, me demande-t-on (c'est la seconde question que j'ai posée moi-même), si, de fait, il existe un homme sans péché? Non, je ne le crois pas, car je crois plutôt à l'Ecriture qui dit: «N'entrez pas en jugement avec votre serviteur, ô mon Dieu, parce que aucun homme vivant ne sera justifié devant vous (1)». Toujours donc nous avons besoin de cette miséricorde de Dieu qui l'emporte sur sa justice, mais quine sera point accordée à celui qui n'aura pas fait miséricorde (2). Remarquez encore cette première parole du Prophète: «J'ai dit: je déclarerai contre moi mon péché devant le Seigneur! et vous m'avez remis, ô mon Dieu, l'impiété de mon coeur». Une seconde parole suit immédiatement: «Et c'est pour une grâce pareille que tous les saints vous prieront en temps opportun (3)». On le voit: le Prophète ne dit pas: Tous les pécheurs, mais: «Tous les saints». Car voici ailleurs l'aveu des saints eux-mêmes: «Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous (4)». Aussi bien, le même apôtre saint Jean nous parle dans l'Apocalypse de ces «cent quarante quatre mille saints qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont demeurés vierges; et sur la bouche desquels le mensonge ne s'est point rencontré, parce qu'ils sont sans reproche (5)»; c'est que, en effet, s'ils sont sans reproche, c'est parce qu'ils se sont fait à eux-mêmes un reproche légitime; le mensonge ne s'est point trouvé sur leurs lèvres, parce que, s'ils s'étaient prétendus exempts de péché, ils se seraient abusés, et la vérité n'eût point été chez eux. Oui, il y aurait eu mensonge dès que la vérité eût été blessée: or, le juste,

1. Ps 51,2 - 2. Jc 2,13 - 3. Ps 31,5-6 - 4. 1Jn 1,8 - 5. Ap 14,4-5

dès le premier mot qu'il prononce, commence par s'accuser lui-même; et en ce point, certes, il n'est pas menteur (1).


9. Il est vrai qu'on nous oppose ce texte «Celui qui est né de Dieu ne pèche pas et ne peut même pécher, parce que la semence de Dieu demeure en lui (2)». Cet oracle et ceux écrits ailleurs dans le même sens ont occasionné une bien grande erreur chez nos adversaires, parce qu'ils ne creusent pas assez les saintes Ecritures, et que, sur ce point en particulier, une remarque importante leur échappe.

En effet, pour devenir l'enfant de Dieu, il suffit de commencer à revêtir un . nouvel esprit, de commencer à être renouvelés dans l'homme intérieur selon l'image de celui qui vous a créés (3). Ce n'est pas, néanmoins, que dès cette heure même où vous recevez le baptême, toute votre vieille infirmité ait disparu; non: la rémission de vos péchés ne fait, que commencer votre rénovation dans la mesure où chacun de vous applique son goût aux choses spirituelles, si déjà ce goût vous est possible. Quant aux effets complets de cette rénovation, ils sont aussi opérés en vous, mais seulement en espérance, jusqu'à ce qu'ils s'achèvent en réalité, c'est-à-dire jusqu'à ce que votre corps lui-même soit renouvelé et changé en cet état meilleur d'immortalité et d'incorruptibilité dont nous serons revêtus à la résurrection des morts.

Car ce que Jésus-Christ appelle régénération: ce n'est pas certes celle qui s'opère déjà dans le baptême; mais bien celle où le principe qui commence à nous renouveler par l'esprit, achèvera son oeuvre sur le corps en le perfectionnant. «Dans la régénération», dit-il, «quand le Fils de l'homme se sera assis sur le trône de sa majesté, vous vous assiérez, vous aussi, sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël (4)». - Ainsi, dans le baptême, il se fait sans doute une rémission pleine et entière des péchés; mais se fait-il aussi immédiatement un changement plein et entier de l'homme,, qui le renouvelle ainsi pour l'éternité? Est-ce bien là ce qui arrive, je ne dis pas dans le corps même, car il est évident qu'il lui reste toujours sa tendance vers l'antique corruption et vers la mort, et qu'il ne doit être renouvelé que plus tard, à la fin des temps, alors que la

1. Pr 18,17 - 2. 1Jn 3,9 - 3 Col 3,10 - 4. Mt 19,28

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rénovation sera vraiment totale? répétons-le: sans parler du corps, est-ce bien là ce qui se fait dans l'âme même qui est l'homme intérieur? Ah! si le baptême produisait en elle un renouvellement total, l'Apôtre ne dirait pas: «Bien que chez nous l'homme extérieur se corrompe, l'intérieur au contraire se renouvelle de jour en jour (1)». Evidemment, se renouveler ainsi de jour en jour, ce n'est pas avoir acquis déjà l'entière rénovation; et par suite, l'homme reste encore sous le vieil empire dans la mesure de ce qui n'est pas encore en lui renouvelé.

Concluez que, soumis encore en partie à leur vieil et premier état, quoique baptisés, les chrétiens sont encore, par cet endroit même, enfants du siècle. Mais en partie aussi leur état est nouveau; c'est-à-dire que, grâce à la pleine et parfaite rémission de leurs péchés, et dans a mesure aussi du goût qu'ils ont pour les choses spirituelles et du soin qu'ils prennent d'y conformer leur conduite, ils sont les enfants de Dieu. C'est, en effet, notre intérieur qui a dépouillé le vieil homme et revêtu le nouveau, puisque, au baptême, nous déposons le mensonge, nous parlons le langage de la vérité, nous faisons enfin tous les actes que l'Apôtre énumère pour expliquer ce que c'est que dépouiller le vieil homme et revêtir le nouveau, lequel a été créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables (2), saint Paul, bien que s'adressant à des baptisés, à des fidèles, les exhorte encore à se renouveler ainsi; et pourtant, il ne devrait pas les y engager, si cette rénovation était déjà, par le baptême, opérée parfaitement. Il faut donc entendre, d'une part, que cette rénovation s'y est opérée comme déjà nous avons trouvé le salut, «car Dieu nous a sauvés par le bain de la régénération (3)». Mais, d'autre part, dans quelle proportion cet heureux effet est-il produit? L'Apôtre nous l'apprend dans un autre endroit: «Ce ne sont pas seulement les autres hommes, c'est nous aussi, nous-mêmes qui avons pourtant les prémices de l'esprit; oui, nous aussi, nous gémissons en nous-mêmes, dans l'attente de l'adoption qui doit racheter notre corps. Car nous avons été sauvés en espérance. Or, l'espérance de choses qu'on voit n'est plus espérance: espère-t-on, en effet, ce dont on a déjà la vue? Mais

1. 2Co 4,16 - 2. Ep 4,22-21 - 3. Tt 3,5

Puisque nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons par la patience (1)».


Augustin, du mérite I-II-III - CHAPITRE XXXVI. IGNORANCE DE LA PREMIÈRE ENFANCE; CAUSE DE CE FAIT.