Augustin, Sermons 266

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SERMON CCLXVI. POUR LA VEILLE DE LA PENTECOTE. LE MINISTRE DES SACREMENTS.

ANALYSE. - Les Donatistes prétendaient qu'il fallait être saint et pur pour administrer les sacrements, et ils s'appuyaient, en y donnant un sens faux, sur ces paroles de l'Ecriture: «Le juste me reprendra avec compassion et il me corrigera; mais l'huile du pécheur ne m'engraissera pas la tête (1)». Par l'huile du pécheur ils entendaient les sacrements administrés par les pécheurs et qu'on devait refuser. Afin de les réfuter saint Augustin établit d'abord que la grâce des sacrements ne dépend pas du ministre, n'est pas la sienne. C'est indépendamment d'aucun ministre que le Saint-Esprit s'est donné aux Apôtres. Si les Apôtres ont été appelés ensuite à conférer le Saint-Esprit, Dieu a voulu, pour prouver que la grâce du Saint-Esprit ne dépendait pas d'eux, qu'il descendit sans eux et sur l'eunuque d'Ethiopie, et sur le centurion Corneille ainsi que sur tous ceux qui l'accompagnaient quand saint Pierre arriva près de lui. Il est donc bien vrai que par l'huile du pécheur on ne peut entendre ici la grâce des sacrements, car elle vient de Dieu seul. Une interprétation plus sensée de ces paroles consisté à dire que le prophète préfère les reproches salutaires des justes aux dangereuses flatteries des pécheurs.

1. De tous les divins oracles que nous avons entendus pendant le chant de ce psaume, j'ai cru devoir choisir, pour la discuter et l'approfondir avec l'aide du Seigneur, la pensée suivante: «Le juste me reprendra avec bonté et il me corrigera; mais l'huile du pécheur ne m'engraissera point la tête». Plusieurs se sont imaginé que cette huile du pécheur désigne ici ce qui vient de l'homme, attendu que «tout homme est menteur (2)». Cependant le Christ étant absolument sans péché, lors même qu'il permettrait qu'un pécheur distribuât son huile mystérieuse, cette huile ne serait pas l'huile du pécheur; car il faut ici considérer trois choses: Celui de qui vient cette huile, celui à qui il la donne, et celui par qui il la donne. Ne craignons donc, pas l'huile du pécheur; le ministre interposé entre Dieu et nous ne détourne point la grâce du céleste Bienfaiteur.

2. Nous célébrons en ce moment la solennité de la descente du Saint-Esprit. Le jour même de la Pentecôte, et ce jour est déjà commencé, cent vingt âmes étaient réunies dans un même local; à savoir les Apôtres, la Mère du Seigneur et des fidèles de l'un et l'autre sexe, occupés tous à prier et à attendre l'accomplissement de la promesse faite par le Christ, c'est-à-dire l'arrivée de l'Esprit-Saint. Cet espoir et cette attente n'étaient pas vains,

1. Ps 111,5 - 2. Ps 115,11

car la promesse n'était pas fausse. Aussi l'Esprit attendu descendit et il trouva pour le recevoir des coeurs tout purs. «Ils virent alors comme diverses langues de feu, et ce feu se reposa sur chacun d'eux, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler». Si chacun d'eux parlait ainsi toutes les langues, c'était l'indice que l'Eglise se répandrait au milieu de toute les nations. Chacun d'eux, étant une unité, signifiait que dans l'unité entreraient tous les peuples, comme toutes les langues étaient en lui. Tous ceux qui avaient reçu l'Esprit-Saint parlaient donc ces langues; quant à ceux qui ne l'avaient pas reçu, non-seulement ils s'étonnaient, mais ce qui est bien répréhensible, ils joignirent la calomnie à l'étonnement. «Ces hommes sont ivres et pleins de vin doux», disaient-ils. Accusation aussi dépourvue de sens qu'elle était injurieuse!Loin d'apprendre une langue étrangère, l'homme ivre n'oublie-t-il pas la sienne? Reconnaissons toutefois qu'à travers tant d'ignorance et tant d'outrages la vérité se faisait entendre. Oui, ils étaient remplis d'un vin nouveau mystérieux, parce qu'ils étaient devenus des outres neuves (1). Quant à ces outres vieillies, elles s'étonnaient et elles calomniaient, mais sans se rajeunir et sans se remplir. Toutefois ces accusations tombèrent,

1. Mt 9,17

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aussitôt qu'on eût prêté l'oreille aux discours des Apôtres rendant compte du phénomène et prêchant avec la grâce du Christ; car beaucoup en les entendant furent touchés de componction, la componction les changea; une fois changés ils crurent, et, en croyant, ils méritèrent de recevoir ce qu'ils admiraient dans autrui (1).

3. A dater de ce moment l'Esprit-Saint commença à se donner parle ministère des Apôtres. Ils imposaient les mains et il descendait. Etait-il pour cela sous la dépendance des hommes? Qu'aucun ministre ne s'attribue au-delà de ce qui lui convient. L'un donne et l'autre distribue seulement. C'est d'ailleurs ce qu'a enseigné le Saint-Esprit, pour ôter aux hommes la pensée de revendiquer ce qui n'est qu'à Dieu. Dans le dessein d'en imposer par ce moyen et convaincu que c'était à eux qu'on devait rapporter cette faveur, Simon offrit aux Apôtres de l'argent afin d'obtenir de faire descendre lui-même le Saint-Esprit par l'imposition de ses mains. Il ignorait la nature de la grâce, car s'il l'avait connue, il aurait su qu'elle se donne gratuitement; et pour avoir voulu acheter l'Esprit-Saint, il ne mérita point d'être délivré par lui. Pourquoi, malheureux, chercher à t'enfler? Il te suffit d'être rempli sans vouloir te gonfler encore. Etre rempli, c'est être riche; être gonflé, c'est n'avoir rien.

Cependant, poursuit-on, l'Esprit-Saint était donné par la maire des hommes. S'ensuit-il qu'il fût à eux? - Il n'y avait que des saints pour pouvoir le donner. - Eux-mêmes l'avaient-ils reçu par le ministère des saints? Il est vrai, les Apôtres imposaient les mains et l'Esprit descendait. Qui avait imposé les mains quand ils le reçurent les premiers?

4. Voici des faits divins, retenez-les; ils sont puisés dans la parole de Dieu, dans l'Ecriture infaillible; ils viennent d'un, ouvrage qui mérite toute confiance, de l'histoire la plus véridique, où nous devons croire tout ce que nous y lisons.

Les Apôtres ont donné souvent le Saint-Esprit en imposant les mains. Cependant, eux qui le donnaient l'avaient reçu. Quand? Au moment où il y avait cent vingt personnes réunies dans le cénacle. Chacun y priait, et nul n'imposait les mains. Or, pendant que tous priaient, l'Esprit-Saint descendit, il les

1. Ac 2

remplit de lui-même. Après les avoir remplis il fit d'eux ses ministres, et par eux ensuite il se communiquait.

Autre trait: L'Évangéliste Philippe, celui qui prêcha l'Evangile à Samarie, était l'un des sept diacres; vous savez que pour subvenir aux besoins du ministère on avait associé sept. diacres aux douze Apôtres. Philippe, comme je l'ai dit, était l'un d'eux, et ce fut son zèle pour la prédication qui lui fit donner spécialement le titre d'Evangéliste. Quoique tous les autres prêchassent aussi, ce fut lui, je l'ai dit, qui annonça l'Evangile à Samarie, dont beaucoup d'habitants crurent et reçurent le baptême. Dès que les Apôtres en furent instruits, ils leur envoyèrent Pierre et Jean pour imposer les mains à ces baptisés et pour appeler sur eux l'Esprit-Saint tout en priant et en imposant les mains. Etonné d'une telle puissance dans les Apôtres, Simon voulut leur donner de l'argent; comme si les Apôtres mettaient en vente l'Esprit qu'ils invoquaient. Ceux-ci repoussèrent donc Simon, qui s'était montré indigne d'une telle faveur; tandis que les autres reçurent le Saint-Esprit sous la main des Apôtres.

De plus, puisque Simon avait regardé comme dépendant des hommes ce don de Dieu, il était à craindre que les faibles ne conservassent cette idée. Un eunuque de la reine Candace revenant donc de Jérusalem, où il était allé prier, lisait sur son char le prophète Isaïe. L'Esprit-Saint dit alors à Philippe de s'approcher du char. Il s'agit ici de ce même Philippe qui avait baptisé dans la ville de Samarie, mais sans imposer les mains à qui que ce fût, et qui avait envoyé prier les Apôtres de venir et de conférer, par l'imposition de leurs mains, le Saint-Esprit aux fidèles que lui-même avait baptisés. Il s'approcha donc du char et demanda à l'eunuque s'il comprenait ce qu'il lisait. Celui-ci répond qu'il pourrait le comprendre s'il avait quelqu'un pour le lui expliquer; il prie Philippe de monter près de lui. Philippe monte, s'asseoit, et trouve l'eunuque à cette prophétie qui concerne le Christ: «Comme une brebis il a été conduit à l'immolation», et le reste. Il lui demande si c'était de lui ou d'un autre que le prophète disait cela ainsi que tout ce qui précède et ce qui suit dans ce même passage; et profitant de cette ouverture, il lui annonça le Christ qui nous ouvre la porte du salut. Pendant (361) qu'on s'occupe ainsi en poursuivant la route, on rencontre de l'eau. «Voilà de l'eau, dit l'eunuque à Philippe, qui empêche de me baptiser? - Si tu crois, reprit Philippe, cela se peut. - Je crois, répondit l'eunuque que Jésus est le Fils de Dieu». Tous deux descendirent dans l'eau, et Philippe le baptisa. Or, comme ils remontaient, l'Esprit-Saint descendit sur l'eunuque (1). Ce Philippe filait bien celui qui avait donné le baptême aux habitants de Samarie et qui avait ensuite appelé les Apôtres, preuve qu'en baptisant il s'avait point imposé les mains. Mais pour montrer que Simon avait eu tort de s'imaginer que l'Esprit de Dieu était un don fait par les hommes, l'Esprit-Saint descendit spontanément sur l'eunuque et l'affranchit. Dieu véritable, il descendit sur lui et le remplit; comme Notre-Seigneur est descendu parmi nous et nous a rachetés.

5. Un esprit contentieux dira peut-être que Philippe n'était pas le diacre qui baptisa à Samarie, mais l'apôtre Philippe, attendu que parmi les Apôtres il en est un qui porte le nom de Philippe, tandis que celui qui est spécialement surnommé l'Evangéliste est un des sept premiers diacres. A eux de soupçonner ce qui leur plait, voici la question résolue en deux mots. Admettons qu'il soit incertain puisque le texte me le dit pas, si ce Philippe est l'Apôtre ou le diacre. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'à peine sorti de l'eau, l'eunuque reçut le Saint-Esprit (2) sans que personne lui imposât les mains. - Cette réponse peut-être ne suffit pas encore et quelqu'un me dira: Il y a eu imposition des mains, seulement l'Ecriture n'en a point parlé.

6. Que prétends-tu? - Sans doute, quand le Saint-Esprit descendit sur les cent vingt disciples, comme c'était la première fois qu'il descendait, il n'y eut pas imposition dès mains; mais à dater de ce jour il n'est venu sur personne sans que des mains fussent imposées. - As-tu donc oublié le centurion Corneille? Lis avec exactitude et comprends avec sagesse. Le même livre des Actes des Apôtres nous parle de ce centurion Corneille et de l'Esprit-Saint qu'il reçut. Un ange lui fut envoyé, lui donna l'assurance que ses aumônes étaient agréées et ses prières exaucées; qu'en

1. Ac 8 - 2. Tel n'est pas aujourd'hui le texte de la Vulgate. Mais plusieurs exemplaires le portaient anciennement. Voir S. Jérôme, Dial. contre les Lucif. ch. lV.

conséquence il lui fallait envoyer: chercher Pierre, qui habitait à Joppé, chez Simon le corroyeur. A cette époque s'agitait une question importante entre les juifs et les gentils, c'est-à-dire entre les chrétiens convertis du judaïsme et les chrétiens convertis de la gentilité: il s'agissait de savoir s'il fallait admettre à l'Evangile sans qu'on fût circoncis. Il y avait sur ce sujet de grandes hésitations lorsque Corneille députa vers Pierre. Pierre alors reçut un avertissement: c'étaient les affaires du royaume des cieux qui se faisaient ici et là par Celui qui est partout. En même temps en effet que Corneille s'occupait de ce que nous venons de dire, Pierre eut faim à Joppé même, il monta sur le toit, pendant qu'on lui préparait à manger pour prier, et durant sa prière il eut une extase, une extase qui l'élevait de la terre au ciel, qui ne devait point l'égarer, mais lui montrer la voie à suivre.

Devant lui se présenta comme une immense assiette qui s'abaissait du haut du ciel et qui semblait lui offrir des mets célestes pour apaiser sa faim. Cette espèce d'assiette était suspendue par quatre cordons de lin et contenait toute espèce d'animaux, purs et impurs; puis une voix d'en haut se fit entendre à l'Apôtre affamé et lui cria:«Lève-toi, Pierre, tue et mange». Pierre regarda, il aperçut dans ce vase des animaux impurs auxquels il n'avait pas l'habitude de toucher, et il répondit à la voix: «A vous ne plaise, Seigneur, car je n'ai mangé jamais rien d'impur ni de souillé»: Et la voix reprenant: «Ce que Dieu a purifié, ne l'appelle pas impur», dit-elle. Ce n'était pas une nourriture matérielle que le ciel offrait à Pierre; il lui annonçait que Corneille était purifié. Cela se fit jusqu'à trois fois, puis le vase fut retiré dans le ciel.

C'était évidemment un emblème mystérieux. Cette immense assiette représente l'univers; les quatre cordons de lin, les quatre points cardinaux que rappelle l'Ecriture dans ces mots: «De l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi (1)»; les animaux désignent tous les peuples; si l'assiette s'abaisse trois fois, c'est pour honorer la sainte Trinité; Pierre est ici l'Eglise et il a faim comme l'Eglise a faim de la conversion des Gentils; la voix du ciel est le saint Evangile. «Tue et mange»

1. Lc 13,29

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signifie: Détruis ce qu'ils sont et rends-les ce due tu es. Pierre cependant réfléchissait à cet ordre, quand tout à coup on lui annonça que des soldats députés par Corneille demandaient à le voir. «Va avec eux, lui dit aussitôt l'Esprit-Saint, c'est moi qui les ai envoyés». Sans plus douter alors, mais sûr du sens de sa vision, Pierre les suit; puis, comme le disent les Actes, on l'annonce à Corneille qui vient humblement à sa rencontre, humblement se prosterne devant lui, et est relevé. avec plus d'humilité encore. On arrive dans sa demeure, et on y trouve un grand nombre de personnes assemblées. On raconte à Pierre pour quel motif on a envoyé vers lui, et on rend grâces de son arrivée. S'adressant alors à ces gentils incirconcis à propos desquels se débattait cette fameuse question, Pierre se mit à leur prêcher hautement la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Il y avait avec Pierre des fidèles convertis du judaïsme qui pouvaient se scandaliser si on admettait au baptême des incirconcis. L'Apôtre, donc dit alors en propres termes: «Vous savez, mes frères, quelle abomination c'est pour un juif de fréquenter ou d'approcher un gentil; mais Dieu m'a montré à ne traiter aucun homme d'impur ni de souillé». Cet Apôtre affamé avait en vue l'assiette mystérieuse.

7. Et maintenant, car voici pourquoi j'ai rapporté au long cette histoire, où sont ceux qui disaient que c'est une puissance d'homme qui confère l'Esprit-Saint? Pendant que Pierre annonçait l'Evangile, Corneille et tous les gentils qui l'écoutaient avec lui se convertirent à la foi; et tout à coup, avant même de recevoir le baptême, ils furent remplis du Saint-Esprit (1). Que répondra ici la présomption humaine? Ce n'est pas seulement avant l'imposition des mains, c'est même avant le baptême que l'Esprit-Saint est descendu. Ainsi prouve-t-il sa puissance et non sa dépendance. Pour trancher la question relative à la circoncision, il vient avant la purification du baptême. Des esprits chagrins ou ignorants auraient pu dire à l'Apôtre: Tu as mal fait ici de donner le Saint-Esprit. Mais voilà que s'est accomplie, que s'est réalisée clairement cette parole du Seigneur: «L'Esprit souffle où il veut (2)». Voilà qu'il est démontré manifestement et par l'effet même combien le Seigneur

1. Ac 10 - 2. Jn 3,8

a eu raison de dire: «L'Esprit souffle où il veut».

Et pourtant l'hérétique superbe ne renonce pas encore à son esprit d'arrogance, il continue à dire: C'est à moi la grâce, ne la reçois pas de celui-ci, mais de moi. Vainement lui réponds-tu: C'est la grâce de Dieu que je cherche. N'as-tu pas lu, reprend-il: «L'huile du pécheur ne m'engraissera pas la tête?» - Ainsi cette huile est à toi? Si c'est à toi, je n'en veux pas; si elle est à toi, elle ne vaut rien. Si c'était celle de Dieu, même donnée par, toi elle serait bonne. La boue ne souille point les rayons du soleil, et tu souillerais, toi, cette grâce divine? Si tu la possèdes pour ton malheur, c'est que tu es mauvais; c'est qu'en mauvais état tu as reçu cet insigne bienfait de Dieu; c'est qu'étant séparé tu n'as pas recueilli mais dispersé. Ceux qui mangent indignement, mangent et boivent leur condamnation (1); est-ce qu'ils ne mangent pas en mangeant indignement? Judas était bien indigne, et le Christ lui donna une part (2), que le malheureux prit pour sa ruine. Est-ce d'une main coupable qu'il recevait? Est-ce une part mauvaise qu'il recevait? Son crime fut d'avoir reçu en mauvais état ce don sacré d'une main sainte. Ainsi l'huile consacrée pour notre salut n'est pas l'huile du pécheur. Qu'on la reçoive bien, elle est bonne; qu'on la reçoive mal, elle est bonne encore. Malheur à qui reçoit mal ce qui est bon!

8. Considère néanmoins si en interprétant mieux ce texte de l'Ecriture on n'y trouverait pas une leçon pratique: «Le juste «me corrigera avec compassion»; me frappât-il, il m'aime, il me chérit en me reprenant, au lieu que le flatteur me trompe; ainsi l'un a pitié de moi et l'autre me séduit, bien que soit douloureuse la verge qui me frappe, et que pénètre agréablement l'huile qui me flatte; car en répandant l'huile sur ma tête, les adulateurs ne me guérissent pas de mes maux intérieurs. Aime donc qui te reprend, et fuis qui te flatte. Or, en aimant celui qui t'adresse, des réprimandes méritées et en évitant celui qui te comble de fausses louanges, tu peux répéter ce que nous avons chanté, savoir: «Le juste me reprendra avec miséricorde et me corrigera; mais l'huile du pécheur», ses flatteries, «ne coulera point sur

1. 1Co 11,29 - 2. Jn 3,26

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tête». Une tête ainsi engraissée est une tête qui s'enfle, et la tête enflée est une tête remplie d'orgueil. Mieux vaut la santé dans le coeur que l'orgueil dans la tête. Or la santé du coeur provient souvent de la verge qui frappe, au lieu que l'orgueil est produit par l'huile du pécheur, par les flatteries de l'adulateur. Tu t'es rempli la tête d'orgueil? Crains-en la pesanteur et prends garde de rouler dans l'abîme.

Vu le peu de temps qui nous est donné, nous avons suffisamment, je pense, expliqué ce verset du psaume, avec l'aide du Seigneur et pendant qu'intérieurement sa grâce travaillait dans vos coeurs.




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SERMON CCLXVII. - POUR LE JOUR DE LA PENTECOTE. I. L'ESPRIT-SAINT VIVANT DANS L'ÉGLISE.

ANALYSE. - Quand l'Esprit-Saint descendit sur les cent vingt premiers disciples, il leur conféra le don des langues, afin de rendre dès lors son Eglise en quelque sorte universelle. Aujourd'hui que cette universalité est un fait accompli, le don des langues n'est pas nécessaire à qui reçoit le Saint-Esprit; il vient en nous pour être la vie de notre âme, comme l'âme est la vie de notre corps; et de même que l'âme, en faisant vivre tous les membres qui ne sont point séparés du corps, laisse à chacun ses spéciales, ainsi l'Esprit-Saint laisse dans sa vocation particulière chacun des membres du corps mystique animé par lui.

1. La solennité de ce jour nous rappelle la grandeur du Seigneur notre Dieu et la grandeur de la grâce qu'il a répandue sur nous; car si on célèbre une solennité, c'est pour empêcher l'oubli d'un événement accompli. Aussi le mot solennité, solemnitas, vient-il de solet in anno, et signifie par conséquent ce qui se répète chaque année. Quand le lit d'un fleuve ne se dessèche point en été et que ce fleuve coule toute l'année, per annum, on dit que son cours est ininterrompu, en latin perenne; ainsi appelle-t-on solennel, solemne, ce qui se célèbre chaque année, quod solet in celebrari.

Aujourd'hui donc nous célébrons l'avènement du Saint-Esprit: car après avoir promis, sur la terre, le Saint-Esprit, le Seigneur l'a envoyé du haut du ciel. En promettant de l'envoyer du haut du ciel il avait dit: «Si je ne m'en vais, il ne peut venir; mais je vous l'enverrai quand je serai parti». Voilà pourquoi il souffrit, mourut, ressuscita et monta au ciel, où il devait accomplir sa promesse. Accomplissement, attendu des disciples, c'est-à-dire, comme il est écrit, de cent vingt âmes (1), ou du nombre décuplé des Apôtres, car ils avaient été choisis au nombre de douze, et l'Esprit-Saint descendit sur cent vingt. Donc en l'attendant ils étaient réunis dans une mémé demeure et ils y priaient; car c'était la foi qui dès lors inspirait leur désir, leur prière était animée, d'une ferveur toute spirituelle; c'étaient des outres neuves qui attendaient du ciel un vin nouveau et ce vin y descendit, car le raisin mystérieux avait été foulé et la gloire en rayonnait. Aussi bien lisons-nous dans l'Evangile: «L'Esprit n'avait pas été donné encore, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (2)»

2. A leurs supplications, que fut-il répondu? Vous venez de l'entendre; quel prodige! Tous ceux qui étaient la ne savaient qu'une langue; et le Saint-Esprit étant descendu en eux, les ayant remplis, ils parlèrent plusieurs langues, les langues de tous les peuples, sans les avoir sues auparavant, sans les avoir apprises; c'est qu'ils avaient pour Maître celui qu'ils venaient de recevoir; en entrant en eux il

1. Ac 1,46 - 2. Jn 7,39

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les remplit et ils débordèrent; et le signe qu'on avait reçu le Saint-Esprit, c'est qu'aussitôt qu'on en était rempli on parlait toutes les langues (1). Ce phénomène ne, se réalisa pas seulement dans les cent vingt disciples. Le même livre sacré nous apprend qu'une fois devenus croyants, les hommes ensuite recevaient le baptême, puis l'Esprit-Saint, et qu'alors ils parlaient les langues de tous les peuples. Les témoins de ce fait furent frappés de stupeur, et parmi eux les uns se laissèrent aller à l'admiration, les autres à la dérision, jusqu'à dire: «Ces gens sont ivres, ils ont bu du vin nouveau (2)». Dans ce qu'ils disaient en riant il y avait quelque chose de vrai, et les fidèles étaient bien des outres remplies d'un vin nouveau. Ne venez-vous pas d'entendre lire dans l'Évangile: «Nul ne met du vin nouveau dans de vieilles outres (3)?» Un homme charnel ne donne pas entrée en lui aux choses spirituelles. L'homme charnel est le vieil homme, mais la grâce fait l'homme nouveau; et plus un homme est renouvelé, amélioré, plus il reçoit abondamment la vérité qu'il goûte. Le vin nouveau bouillonnait en eux, et de ce bouillonnement jaillissaient des discours dans toutes les langues.

3. Est-ce qu'aujourd'hui, mes frères, on ne reçoit plus le Saint-Esprit? Le croire serait se montrer indigne de le recevoir. Oui, il se donne encore. Pourquoi donc ne parie-t-on pas toutes les langues comme on les parlait alors en recevant l'Esprit-Saint? Pourquoi? Parce que nous voyons réalisé ce que figurait ce don des langues. Que figurait-il? Recueillez vos souvenirs; lorsque nous célébrions le quarantième jour après Pâques, nous vous avons rappelé que Jésus-Christ Notre-Seigneur avait recommandé son Eglise à notre piété immédiatement avant de monter au ciel (4). Les disciples lui ayant demandé quand arriverait la fin des siècles, il leur répondit: «Ce n'est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a réservés en son pouvoir»; puis leur promettant ce qui s'accomplit aujourd'hui. «Vous recevrez, leur dit-il, la vertu de l'Esprit-Saint survenant en vous; et vous rue servirez de témoins a Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre (5)». Réunie. à cette époque dans une seule habitation, l'Église

1. Ac 10,46 - 2. Ac 2,1-13 - 3. Mt 9,17 - 4. Voir ci-dev. serm. CCIXV. - 5. Ac 1,7-8

reçut le Saint-Esprit; elle ne comptait que peu de membres, et elle était répandue au milieu de toutes les langues de l'univers entier. Or ne voyons-nous pas aujourd'hui ce qu'annonçait ce prodige? Pourquoi cette petite Église parlait-elle dès lors les langues de toutes les nations? N'est-ce point parce que du levant au couchant notre grande Eglise se fait entendre aujourd'hui à tous les peuples? Mais voilà tout accompli ce que promettait ce fait. Nous l'avons appris, et nous le voyons de nos leur. «Écoute, ma fille, et vois (1)», a-t-il été dit à cette Reine: «écoute, ma fille, et vois»; écoute ma promesse, vois-en l'accomplissement. Ton Dieu ne t'a pas trompée; tu nus pas été déçue par ton Époux, tu n'es point dupe de Celui qui t'a donné son sang pour dot, ni abusée par Celui qui de laide t'a rendue si belle et qui a fait de toi une vierge, de prostituée que tu étais. C'est toi qu'il te promettait alors, qu'il te promettait quand tu étais peu nombreuse; et dans quelle multitude immense ne te vois-tu pas répandue conformément à sa promesse?

4. Qu'on ne dise donc plus. Puisque j'ai reçu le Saint-Esprit, pourquoi ne parlé-je pas toutes les langues? Si vous voulez recevoir l'Esprit-Saint, écoutez-moi, mes frères. On appelle âme l'esprit qui fait vivre tous les hommes; on appelle âme l'esprit dont vit chacun d'eux. Or, vous voyez ce que fait l'âme dans le corps: c'est elle qui donne la vie à tous les membres; elle voit dans les yeux, entend par les oreilles, flaire par le nez, parle avec la langue, travaille avec les mains et marche dans les pieds; elle est dans toutes membres pour leur communiquer la vie, et en communiquant la vie à tous, elle donne à chacun d'accomplir sa fonction particulière. Aussi n'est-ce pas l'oeil qui entend, ni l'oreille ou la langue qui voit, ni l'oreille encore ou l'oeil qui parle; tous ces organes vivent néanmoins; l'oreille vit comme la langue; les fonctions sont différentes, la vie est commune. Ainsi en est-il dans l'Église de Dieu. Il est des saints en qui elle fait des miracles, il en est d'autres par qui elle annonce la vérité; dans ceux-ci elle garde la virginité, dans ceux-là la pudeur conjugale; chacun d'eux a son don, sa fonction spéciale, mais tous ont la même vie. Ce que l'âme est pour le corps humain, l'Esprit-Saint

1. Ps 44,11

365

l'est pour le corps du Christ ou l'Eglise; l'Esprit-Saint fait dans toute l'Eglise ce que fait l'âme dans tous les membres d'un même corps.

Soyez donc ce que vous avez à redouter, ce que vous avez à faire, ce que vous aurez à éviter. Quand on retranche dans le corps humain ou plutôt du corps humain un membre quelconque, la main, le doigt, le pied, l'âme reste-t-elle dans ce membre coupé? Pendant qu'il restait uni au corps, il avait là vie; une, fois retranché, il ne l'a plus. Ainsi vit le chrétien catholique, tant qu'il puise la vie dans le corps de l'Eglise; une fois qu'il en est séparé, c'est un hérétique, un membre amputé et sans vie. Si donc vous voulez la vie du Saint-Esprit, conservez la charité, aimez la vérité, et tenez à l'unité pour parvenir à l'éternité. Ainsi soit-il.




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SERMON CCLXVIII. POUR LE JOUR DE LA PENTECOTE. II. UNITÉ DE L'ÉGLISE.

ANALYSE. - En accordant aux premiers disciples le don de parler toutes les langues, le Saint-Esprit annonçait que l'Eglise, sans rien perdre de son unité, allait se répandre dans tout l'univers. Aussi l'Esprit-Saint, qui en est la vie, maintient-il en elle cette unité, comme notre âme maintient l'union entre tous les membres de notre corps. Cette même unité n'était-elle pas figurée dans le moment de la création, quand, au lieu de former d'abord un couple humain comme il avait formé deux à deux les autres êtres animés, Dieu forma d'abord Adam seul pour former de lui la femme? Il n'est donc pas étonnant que Jésus-Christ ait insisté comme il l'a fait sur l'unité de l'Eglise, surtout après sa résurrection, au moment de son ascension et en envoyant le Saint-Esprit.

1. La descente de l'Esprit-Saint a fait pour nous de ce jour un jour solennel; c'est le cinquantième jour depuis la résurrection. Si cependant vous multipliez par sept les sept semaines qui se sont écoulées depuis, vous ne trouverez que quarante-neuf jours; on en ajoute un pour montrer le rôle que doit jouer l'unité.

Mais en descendant, qu'a produit le Saint-Esprit lui-même? Comment a-t-il prouvé, manifesté sa présence? Il a donné aux disciples de parler tous toutes les langues. Or, ils étaient dans un même local au nombre de cent vingt: nombre sacré et mystérieux, mais décuplé, des Apôtres du Christ. Est-ce que dire que chacun de ceux qui reçurent l'Esprit-Saint, parlait une langue étrangère différente et que tous réunis parlèrent ainsi les langues de tous les peuples? Non; mais chacun d'eux, chacun d'eux en particulier parlait toutes les langues. Le même homme le faisait comprendre de tous les peuples; et cette unité vivante s'adressant à tous représentait l'unité de l'Eglise au milieu de toutes les nations. Ici donc voilà encore une recommandation en faveur de l'unité de l'Eglise catholique répandue par tout l'univers.

2. Ainsi avoir le Saint-Esprit, c'est faire partie de cette Eglise qui s'exprime dans toutes les langues; et n'en pas faire partie, c'est n'avoir pas le Saint-Esprit. Si effectivement l'Esprit-Saint a daigné se révéler par, ce, don des langues, c'est pour nous apprendre qu'on est son temple quand on vit en union avec cette Eglise qui les parle toutes. «Soyez un seul corps», dit l'apôtre saint Paul, «un seul corps et un seul esprit (1)».

Considérez nos propres membres; il y en a plusieurs dans notre corps, et tous reçoivent la vie d'un même esprit. Regardez, avec cet esprit humain qui fait que je suis un homme, je les mets tous au repos; je leur commande

1. Ep 4,4

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ensuite de se mouvoir, je dis à mes yeux de voir, à mes oreilles d'entendre, à ma langue de parler, à mes mains de travailler, à mes pieds de marcher. Les fonctions sont propres à chaque organe; mais un même esprit les maintient tous; et si nombreux que soient les ordres donnés et les actes accomplis, il n'y a qu'un maître pour tout commander. Or, ce qu'est à nos membres notre esprit ou notre âme, l'Esprit-Saint l'est aux membres du Christ, à son corps où à son Eglise. Aussi l'Apôtre a-t-il eu soin en nommant ce corps, de nous faire entendre que ce n'est pas un corps mort. «Soyez un seul corps», dit-il. Mais, dites-nous, ô Apôtre, si ce corps est vivant? - Il l'est. - Pourquoi? - Parce qu'il y a en lui un esprit: «Et un seul esprit».

Par conséquent, mes frères, en jetant les yeux sur notre corps, plaignez les membres retranchés de l'Eglise. Nos membres, tant que nous avons la vie et la santé, accomplissent toutes leurs fonctions. Un d'entre eux souffre-t-il quelque part? Tous les autres souffrent avec lui. Mais s'il souffre, il ne saurait, expirer tant qu'il reste uni au: corps. Et qu'est-ce qu'expirer, sinon rendre l'esprit D'un autre côté si on retranché ce membre du corps, entraîne-t-il avec lui l'esprit qui l'anime? On reconnaît sans doute encore la nature de ces organes; on voit si c'est un doigt, une main, un bras, une oreille; séparé du corps, il conserve sa forme, mais non sa vie. Ainsi en est-il de l'homme séparé de l'Eglise. Tu cherches en lui les sacrements, ils sont; le baptême, l'y voilà; le Symbole, il y est encore, C'est la forme; mais si l'Esprit ne t'anime intérieurement; c'est en vain qu'extérieurement tu te glorifies de ta forme.

3. Mes très-chers frères, Dieu insiste singulièrement sur l'unité. Voici un trait qui doit vous frapper. Quand, à l'origine du monde, Dieu forma toutes choses, quand il créa les astres dans le ciel, et sur la terre les plantes et les arbres, il dit: «Que là terre produise»; et à l'instant furent produits les arbres et tout ce qui verdit; il dit aussi: «Que la terre produise toute âme vivante de tous les troupeaux et de tous les bestiaux»; ce qui s'accomplit. Dieu a-t-il fait sortir d'un même oiseau tous les autres oiseaux; d'un poisson tous les poissons, d'un cheval tous les chevaux, et d'une bête toutes les bêtes? La terre n'a-t-elle pas produit à la fois plusieurs animaux de même espèce, et ne s'est-elle pas couverte au loin d'une infinité de mêmes plantés? Mais quand il s'est agi de former le genre humain, Dieu n'a créé qu'un homme pour en être la tige; il n'a pas même voulu créer séparément l'homme et la femme, il n'a créé que l'homme pour en tirer la femme (1). Pourquoi cela? Pourquoi le genre humait commence-t-il avec un seul homme, sinon pour inspirer au genre humain l'amour de l'unité? Aussi le Christ Notre-Seigneur est-il né d'une femme seulement; la Vierge est le symbole de l'unité, et, en conservant comme sa virginité, l'unité demeure incorruptible.

4. D'ailleurs il prêche lui-même à ses Apôtres l'unité de l'Eglise. Il se présente à eux, et eux croient voir un fantôme, ils ont peur, ils se raffermissent et lui leur dit: «Pourquoi vous troublez-vous et pourquoi ces pensées montent-elles dans votre coeur? Voyez mes mains, palpez et reconnaissez, car un esprit n'a ni os ni chair comme vous m'en voyez». Comme ils étaient troublés encore, mais de joie, il prend de la nourriture, non qu'il en ait besoin, mais parce qu'il en a le pouvoir, il en prend sous leurs yeux; et, en défendant ainsi contre les impies la réalité de son corps, il soutient l'unité de son Eglise. Que dit-il en effet? «N'avais-je pas raison de vous déclarer, quand j'étais encore avec vous, qu'il fallait que s'accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes? Alors il leur ouvrit l'intelligence», c'est l'Evangéliste qui parle, «pour qu'ils comprissent les Ecritures, puis il leur dit: Ainsi est-il écrit et ainsi fallait-il que le Christ souffrît et ressuscitât d'entre les morts le troisième jour».

Voilà bien notre Chef; voilà le Chef, où sont les membres? Voilà l'Epoux, où est l'épouse? Lis l'acte matrimonial. Ecoute l'Epoux. Tu veux connaître l'épouse? Ecoute-le; personne ne la lui enlève, personne ne la lui remplace par une étrangère. Ou cherches-tu à connaître le Christ? Est-ce dans les fables écrites par les hommes du dans la vérité des Evangiles! L'Epoux a souffert, il est ressuscité le troisième jour, il s'est montré à ses disciples. Le voilà, Mais elle? Interrogeons-le. «Ainsi fallait-il que le Christ souffrît et ressuscitât d'entre les

1. Gn 1,11

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morts le troisième jour». C'est chose faite, on le voit. Parlez encore, Seigneur; parlez, afin que nous ne nous égarions pas. - «Et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés au milieu de tous les peuples, à commencer par Jérusalem (1)». Or la prédication a commencé à Jérusalem et elle est arrivée jusqu'à nous; la vérité est là et ici en même temps; pour arriver jusqu'à os contrées elle n'a pas dû quitter celles-là; elle s'est étendue sans émigrer. Voilà comment le Sauveur prêchait l'unité, aussitôt après sa résurrection.

Mais il vécut ensuite quarante jours avec ses disciples; puis avant de monter au ciel, il leur recommanda de nouveau son Eglise. C'est nu Epoux qui avant de partir recommande à ses amis son épouse; non pour qu'elle s'attache à aucun d'eux, non pour qu'elle en aime aucun comme son Epoux, mais pour qu'elle l'aime, lui, à titre d'Époux, et eux à titre d'amis de l'Époux. C'est d'ailleurs ce que veulent avec ardeur des amis véritables, ils ne souffrent pacque l'épouse se souille d'impurs amours; ils en ont horreur, quand eux-mêmes en sont l'objet. Contemplez ici un ami zélé de l'Époux divin. Il voyait l'épouse se prostituer en quelque sorte à des amis de l'Époux: «J'apprends, dit-il, qu'il y a des scissions parmi vous, et je le crois en partie (2). - J'ai été averti, mes frères, par ceux qui sont de la maison de Chloé, qu'il y a des contestations entre

1. Lc 24,36-47 - 2. 1Co 11,18

vous, et que chacun de vous dit: Moi je suis à Paul, et moi à Apollo, et moi à Céphas, et moi au Christ. Le Christ est-il divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous? ou bien est-ce au nom de Paul que vous avez reçu le baptême (1)?» Oh! le vrai ami! Il repousse loin de lui l'amour de l'épouse d'autrui. Afin de pouvoir régner avec l'Epoux, il ne veut pas être aimé à sa place. Le Christ ainsi leur a recommandé, son Eglise, et, quand il est monté au ciel, voici ce qu'il leur a dit. Eux cherchaient à connaître la fin du monde: «Apprenez-nous, demandaient-ils, quand arriveront ces choses, et quelle sera l'époque de votre avènement (2). - Il ne vous appartient pas, répondit-il, de savoir les temps que le Père a réservés pour sa puissance». Ecoute, ô disciple, ce que veut te faire connaître le Maître. «Mais vous recevrez, poursuit-il, la vertu de l'Esprit-Saint, qui descendra en vous».

C'est ce qui est arrivé. Le quarantième jour il est monté au ciel, et l'Esprit-Saint, descendant aujourd'hui même; remplit tous ceux qu'il trouve réunis et leur fait parler toutes les langues, pour prêcher à tous l'amour de l'unité.

Cette unité nous est donc tout à la fois recommandée par le Seigneur ressuscité et par le Christ montant au ciel, puis recommandée de nouveau par l'Esprit-Saint descendant aujourd'hui.

1. 1Co 1,11-13 - 2.





Augustin, Sermons 266