Augustin, Sermons 329

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SERMON CCCXXIX. POUR UNE FETE DE MARTYRS. IV. PRÉCIEUSE MORT DES MARTYRS.

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ANALYSE. - La mort des saints martyrs est réellement précieuse, 1. parce qu'ils s'y sont voués par reconnaissance, 2. parce que la grâce de Dieu les a aidés à la supporter.

1. Ces oeuvres glorieuses des saints martyrs qui jettent partout un si vif éclat sur l'Église, nous montrent en quelque sorte à l'oeil combien nous avons eu raison de chanter: «Aux yeux du Seigneur est précieuse la mort de ses saints»; elle est réellement précieuse, et à nos yeux, et aux yeux de Celui pour qui ils l'ont endurée.

Or, le mérite de tant de morts vient de la mort d'un seul. Combien de morts a achetées en mourant Celui dont la seule mort a donné au grain de froment de se multiplier? Vous lui avez entendu dire, quand il touchait à sa passion, c'est-à-dire à notre rédemption: «Si le grain de froment tombé à terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits (1)». - Sur la croix, en effet, il a fait comme un grand paiement; là s'est ouvert le trésor qui contenait notre rançon, c'est au moment où le côté du Sauveur a été ouvert par un- coup de lance, et il s'en est répandu la rançon de l'univers entier. Alors ont été rachetés les fidèles et les martyrs; mais la foi des martyrs est une foi éprouvée, leur sang en est la preuve. Ils ont, rendu ce qu'ils avaient reçu, ils ont accompli ce que dit saint Jean: «De même que le Christ a donné sa vie pour nous, ainsi nous devons donner la nôtre pour nos frères (2)». Ailleurs encore il est dit: «Es-tu assis à une grande table? Considère avec soin ce qui t'est présenté, car tu dois en préparer autant. (3)». - La grande table est celle où sert d'aliments le Seigneur même de la table. Nul ne se donne comme nourriture à ses convives, le Seigneur pourtant, le Christ le fait; il est tout à la fois l'invitateur, la nourriture et le breuvage. Pour

1. Jn 22,24-25 - 2. 1Jn 3,16 - 3. Pr 23,1-2

lui rendre ce qu'ils avaient reçu de lui, les martyrs ont donc considéré ce qu'ils mangeaient et ce qu'ils buvaient à sa table.

2. Comment toutefois auraient-ils pu rendre, si pour rendre ils n'avaient reçu encore de Celui qui leur avait donné d'abord? Aussi dans le psaume où nous avons chanté: «Aux yeux du. Seigneur est précieuse la mort de ses saints», quelle. leçon nous est donnée? On y voit un homme qui considère combien il a reçu de Dieu; qui examine tous ces bienfaits du Tout-Puissant, qui l'a créé, qui l'a recherché quand il s'était perdu, qui lui a pardonné après l'avoir retrouvé, qui a soutenu sa faiblesse dans le combat, qui ne lui a point manqué dans le danger, qui l'a couronné après la victoire, et qui s'est donné lui-même pour récompense. Or, après avoir réfléchi à tout cela, cet homme s'écrie: «Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a rendus?» Il ne veut point être un ingrat, il veut, témoigner sa reconnaissance, mais il n'en a pas le moyen.

Pourtant il ne dit pas: «Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a» faits, mais «pour tous les biens qu'il m'a rendus?» Le Seigneur donc ne lui a pas donné, il lui a rendu. S'il nous a rendu, c'est que nous lui avions donné quelque chose. Hélas! nous lui avions donné nos iniquités, et il nous a rendu ses faveurs: c'est ainsi qu'après avoir reçu de nous le mal pour-le bien, il nous rend le bien pour le mal.

Le prophète; cherche donc ce qu'il rendra; il est embarrassé, il ne trouve pas le moyen de s'acquitter: «Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a rendus?» Puis, comme s'il avait trouvé de quoi rendre: «Je prendrai, dit-il, le calice du salut, et j'invoquerai (564) le nom du Seigneur (1)». Mais quoi? Sûrement il songeait à rendre, et le voilà qui demande à recevoir encore: «Je recevrai le calice du salut!». Qu'est-ce que ce calice? C'est l'amer et salutaire calice de la passion; c'est le calice que n'oserait même toucher, le malade, si le médecin ne le buvait d'abord. Voilà quel est ce calice; il est sur les lèvres du Christ quand il dit: «Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi (2)». Ce qui le prouve, c'est que les fils de Zébédée ayant demandé, par l'entremise de leur mère, des places élevées, la faveur de s'asseoir, l'un à la droite, l'autre à la gauche du Fils de Dieu, le Sauveur leur dit: «Pouvez-vous boire le calice, que moi-même je dois boire (3)?» Vous voulez de l'élévation? C'est en traversant la vallée qu'on s'élève sur la montagne. Vous voulez des trônes de gloire? Buvez d'abord le calice de

1. Ps 115,12-15 - 2. Mt 26,39 - 3. Mt 20,22

l'humiliation. Tel est le calice dont les martyrs disaient: «Je recevrai le calice du salut, et j'invoquerai le nom du Seigneur».

Ne crains-tu pas de succomber? - Non. - Pourquoi? Parce que «j'invoquerai le nom du Seigneur». Comment auraient vaincu les martyrs, si n'avait vaincu en eux Celui qui a dit: «Réjouissez-vous, car j'ai vaincu le monde (1)?» C'est l'Empereur du ciel qui dirigeait et leur esprit et leur langue, qui par eux triomphait du diable sur la terre et qui les couronnait comme martyrs dans le ciel. Oh! bienheureux ceux qui ont bu ainsi ce calice! Ils ont mis fin à leurs douleurs et sont couverts d'honneurs.

Réfléchissez-y donc, mes très-chers frères; appliquez toute votre attention et tout votre esprit à ce que vous ne pouvez fixer de l'oeil, et reconnaissez qu' «aux yeux du Seigneur est précieuse la mort de ses saints».

1. Jn 16,33




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SERMON CCCXXX. POUR UNE FETE DE MARTYRS. V. LE RENONCEMENT, A SOI-MÊME.

ANALYSE. - Les martyrs sont de, parfaits modèles de ce renoncement. Or, il nous est avantageux de nous renoncer, comme au laboureur de jeter la semence dans ses sillons, et ne nous renoncer pas c'est nous perdre, puisque c'est chercher dans le monde extérieur, qui ne nous vaut pas, le bonheur qu'il ne saurait nous assurer. Donc, imitons l'enfant prodigue revenant du monde extérieur à son Père, après être rentré en lui-même; imitons le renoncement des martyrs; le renoncement de saint Pierre et de saint Paul.

1. La fête de ces bienheureux martyrs et l'attente où est votre sainteté exigent de nous un discours; et nous comprenons que notre devoir est de traiter ce qui a rapport à cette solennité. Vous le désirez, nous le voulons; à Celui-là de réaliser nos. voeux, de qui nous dépendons, nous et nos paroles. Il nous a donné de vouloir, qu'il nous accorde de pouvoir.

Pourquoi les martyrs ont-ils brûlé d'amour? Enflammés d'ardeur pour les choses invisibles, ils ont dédaigné tout ce qui se voit, Eh! qu'aime-t-on en soi, quand on va jusqu'à se mépriser pour ne se perdre pas? Les martyrs étaient les temples de Dieu, ils sentaient en eux la présence du Dieu véritable; aussi n'adoraient-ils pas les faux dieux. Ils avaient entendu; ils avaient convoité avec ardeur, ils avaient fait pénétrer jusqu'au plus profond de leurs coeurs et avaient en quelque sorte gravé dans leurs entrailles cette maxime du Seigneur: «Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même»; oui, «qu'il se renonce (565) qu'il prenne sa croix et me suive (1)». C'est sur cette sentence que je voudrais vous adresser quelques réflexions. Si l'attente où je vous vois me fait peur, vos prières sont pour moi un ordre.

2. Que signifie, je vous le demande: «Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive?» Nous comprenons ce que c'est que prendre sa croix; c'est supporter les afflictions, car prendre a ici le même sens que porter supporter. Qu'il accepte donc avec patience, dit le Sauveur, ce qu'il souffre à cause de moi. «Et qu'il me suive». Où? Où nous savons qu'il est allé après sa résurrection; au ciel où il est monté, où il est assis à la droite du Père. Là aussi il nous a fait une place; mais il faut l'espérance avant d'arriver à la réalité. Et quelle doit être cette espérance? Ceux-là le savent qui entendent ces mots: «Elevez vos coeurs: Sursum corda».

Examinons maintenant, avec l'aide du Seigneur, considérons, voyons et comprenons, s'il daigne nous ouvrir et nous montrer, expliquons enfin, autant que nous le pourrons, ce qu'il veut nous faire entendre par ces mots: «Qu'il se renonce». Comment se renoncer quand on s'aime? C'est bien là un raisonnement, mais un raisonnement humain, et il faut être homme pour dire: Comment se renoncer quand on s'aime? Aussi le Seigneur. enseigne-t-il, au- contraire, que pour s'aimer il faut se renoncer; car en s'aimant on se perd, et en se renonçant on se retrouve. «Celui; dit-il, qui aime son âme, la perdra (2)». Voilà un ordre émané de Celui qui sait ce qu'il commande; car il sait conseiller puisqu'il sait instruire, il sait aussi restaurer puisqu'il a daigné créer. «Que celui» donc «qui aime, perde». Il est douloureux de perdre ce qu'on aime. Mais le laboureur ne sait-il pas- aussi de temps en temps faire le sacrifice de ses semences? Il les tire de ses greniers, les répand, les jette, les enterre. Iras-tu t'en étonner? Ce dédaigneux, ce prodigue n'est-il pas un avare moissonneur? L'hiver et l'été ont révélé son dessein, et la joie qu'il témoigne au moment de la récolte fait connaître le motif qui l'excitait à semer. C'est ainsi que «celui qui aime son âme, la perdra». Veut-on y trouver du fruit? qu'on la sème. S'il est commandé de se renoncer,

1. Mt 16,24 - 2. Jn 12,25

c'est pour faire éviter de se perdre en s'aimant imprudemment.

3. Il n'est personne qui ne s'aime; mais autant il faut chercher à s'aimer bien, autant on doit éviter de s'aimer mal. S'aimer en laissant Dieu de côté, laisser Dieu de côté pour s'aimer, c'est ne pas même rester en soi, mais en sortir. Oui, on est comme exilé de son coeur en dédaignant la vie intérieure et en s'attachant aux choses extérieures. N'ai-je pas dit la vérité? N'est-il pas certain que tous ceux qui font le mal n'ont que du mépris pour leur conscience? Lors, en effet, qu'on a des égards pour elle, on met fins ses iniquités. C'est ainsi qu'après avoir laissé Dieu pour s'aimer et en s'attachant à l'extérieur, à autre chose qu'à lui, le pécheur arrive à se mépriser lui-même.

Voyez; écoutez l'Apôtre appuyant de son témoignage cette interprétation: «A la fin des temps, dit-il, viendront des moments périlleux». Quand viendront ces moments périlleux? Quand «il y aura des hommes s'aimant eux-mêmes». Voilà la source du mal. Voyons maintenant si ces hommes en s'aimant resteront en eux-mêmes; voyons, écoutons ce qui suit: «Il y aura des hommes s'aimant eux-mêmes, attachés à l'argent (1)». Où es-tu maintenant, ami de toi-même? Dehors, hélas! Mais, dis-moi, je t'en prie: l'argent est-il une même chose avec toi? Ah! en laissant Dieu pour t'aimer et en t'attachant à l'argent tu es allé jusqu'à te laisser toi-même, et en te délaissant, tu t'es perdu; c'est l'amour de l'argent qui t'a perdu. L'argent te fait mentir? «La bouche menteuse donne la mort à l'âme (2)»; et c'est ainsi que tu perds ton âme en convoitant la richesse.

Apporte ici une balance, la balance de la vérité et non celle de la cupidité; apporte-la, je t'en prie, et place sur un plateau la richesse, et ton âme sur l'autre plateau. Mais Quoi! tu veux peser toi-même? la cupidité te met la fraude à la main? tu veux faire incliner le plateau de la richesse? Contente-toi de charger les plateaux, ne soulève pas; tu voudrais frauder à ton désavantage, j'ai découvert ton dessein; tu voudrais que l'argent pesât plus que ton âme, tu voudrais tromper en faveur de l'argent et pour ta propre perte. Mets donc simplement dans les deux plateaux; Dieu même pèsera; il ne sait ni se tromper ni tromper,

1. 2Tm 3,1-2 - 2. Sg 1,11

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à lui de peser. Le voilà qui prend en main la balance, vois-le peser, écoute-le ensuite se prononcer, «Qu'importe à l'homme, dit-il?» C'est ici une parole divine; c'est la parole de Celui qui ne trompe pas: il a pesé, voici le résultat, voici son jugement. Tu as placé ton argent d'un côté et de l'autre ton âme; reconnais bien de quel côté tu as mis ton argent. Que va te dire le divin Peseur, à toi qui as chargé le plateau de la richesse? «Qu'importe à l'homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme (1)?» Tu voulais comparer ton âme à la fortune; mets-la en comparaison avec, le monde. Tu voulais la sacrifier pour gagner un peu de terre; mais elle pèse plus que le ciel et la terre!

Pourquoi agir ainsi? Parce. qu'en laissant Dieu pour, l'amour de toi, tu n'es pas même resté en toi, et te voilà préférant à toi les choses extérieures. Ah! rentre en toi, et une fois que te relevant tu y seras rentré, garde-toi d'y rester. Commence par quitter les choses extérieures pour revenir en toi-même, puis rends-toi à Celui qui t'a créé, qui t'a cherché ensuite quand tu étais perdu, qui t'a retrouvé quand tu fuyais loin de lui, et qui t'a rattaché à lui-même quand tu t'en détournais. Reviens donc à toi et retourne vers Celui qui t'a créé. Imite ce jeune prodigue. N'est-ce pas-toi? Or je m'adresse ici, non pas à un seul homme, mais à tout le peuple; non pas à un seul homme, mais au genre humain tout entier, si ma voix pouvait se faire entendre de tous. Reviens donc, prends modèle sur ce jeune fils, qui après avoir perdu et dissipé tout son bien en vivant dans la débauche, fut réduit à l'indigence, à paître des pourceaux, à souffrir de là faim, et qui alors se réveilla et se rappela le souvenir de son père. Or, que dit de lui l'Evangile? «Et rentré en lui-même». Il s'était donc quitté. Mais une fois rentré en lui-même, voyons s'il y reste. «Et rentré en lui-même il dit: Je me lèverai». Il était donc tombé. «Je me lèverai, poursuit-il, et j'irai vers mon père», Le voyez-vous qui se quitte, après s'être retrouvé? Comment se quitte-t-il, se renonce-t-il? Ecoutez: «Et je lui dirai: Mon Père, j'ai péché, contre le ciel et contre vous». Voilà le renoncement. «Je ne mérite plus d'être appelé votre fils (2)».

C'est ce qu'ont fait les saints martyrs. Ils

1. Mt 16,26 - 2. Lc 15,11-19

ont méprisé toutes les choses extérieures; attraits du siècle, égarements et menaces, tout ce qui pouvait les intimider ou les charmer, ils ont tout dédaigné, tout foulé aux pieds; pénétrant ensuite en eux-mêmes, ils se sont regardés; en se voyant ils se sont déplu, et ils se sont élancés vers Dieu pour acquérir en lui quelque beauté, recouvrer en lui la vie, demeurer en lui, faire périr en lui ce que par leur action propre ils avaient commencé à devenir, et conserver ce que lui-même avait formé en eux. C'est en cela que consiste le renoncement à soi-même.

4. L'apôtre saint Pierre ne pouvait comprendre encore cette doctrine, lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ, prédisant sa passion, il lui dit: «A vous ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point». Il craignait que la Vie même ne vînt à mourir. Il n'y a qu'un instant encore, pendant la lecture du saint Evangile, vous avez, remarqué cette réponse de Pierre an Sauveur, pendant que le Sauveur prédisait et annonçait, en quelque sorte, la passion que pour nous il devait endurer. Hélas! c'était le captif qui faisait opposition à son libérateur. Que fais-tu, Pierre? comment oses-tu le contredire? comment oses-tu t'écrier: «Cela n'arrivent point?» Tu neveux donc pas de la passion du Seigneur. L'enseignement de la croix est pour toi un scandale souviens-toi que pour les réprouvés c'est une folie. Tu as besoin d'être racheté, et tu repousses ton Rédempteur? Laisse-le souffrir: il sait ce qu'il a à faire, il sait pourquoi il est venu; il sait comment il doit et te chercher et te trouver. Voudrais-tu instruire ton Maître? Recueille plutôt ta rançon dans son côté ouvert; écoute plutôt ses réprimandes et garde-toi de lui en faire: ce serait mal, ce serait l'ordre renversé. Prête l'oreille à ce qu'il dit: «Arrière». Puisqu'il l'a dit, je le répète; je ne dissimulerai point cette parole du Seigneur, et pourtant je n'outragerai point l'Apôtre. Le Seigneur, le Christ lui dit donc. «Arrière, Satan (1)». - Pourquoi Satan? - Parce que tu veux me devancer. Ne veux-tu pas être Satan? Marche derrière moi. En marchant derrière moi, tu me suivras; en me suivant, tu porteras ta croix, et loin de me conseiller, tu m'écouteras en disciple fidèle. Pourquoi as-tu tremblé quand ton Seigneur prédisait sa passion?

1. Mt 16,22-23

567

Pourquoi as-tu tremblé, sinon dans la de mourir avec lui? Cette crainte de la mort n'est pas le renoncement à toi-même; c'est pour toi cet amour déréglé qui t'a porté à renier ton Dieu.

Ajoutons que plus tard, après avoir renié son Seigneur jusqu'à trois fois, le bienheureux apôtre saint Pierre effaça cette faute par ses larmes; puis, le Seigneur ressuscité, il se sentit raffermi, rétabli, et mourut pour lui, pour lui que la crainte de la mort l'avait porté à renier. Ainsi, en le confessant; il trouva la mort, mais dans cette mort il embrassa la vie. Et maintenant, Pierre ne meurt plus; c'en est fait de toutes les craintes, de toutes les larmes pour toujours; tout cela est passé; il ne reste à l'Apôtre que son bonheur dans l'union avec le Christ. Il a foulé aux pieds tout ce qui est extérieur, séductions, menaces, frayeurs; il crainte s'est renoncé; il a porté sa croix et a suivi le Seigneur.

Ecoute aussi comment se renonce l'apôtre Paul: «Loin de moi, dit-il, la pensée de me glorifier, sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est pour moi un crucifié, et moi un crucifié pour le monde (1)!» Ecoute-le encore parler de son renoncement: «Je vis, mais ce n'est pas moi». Renoncement manifesté que suit cette noble confession du Christ: «C'est le Christ qui vit en moi (2)». Que signifie donc Renonce-toi? Ne vis plus en toi. Et ne vis plus en toi? Ne fais plus ta volonté, mais la volonté de Celui qui demeure en loi.

1. Ga 6,14 - 2. Ga 2,2




331

SERMON CCCXXXI. POUR UNE FETE DE MARTYRS. VI. RÉCOMPENSE DU MARTYR.

ANALYSE. - L'assurance de retrouver son âme, si on la perd pour Jésus-Christ, a enflammé les saints d'ardeur pour le martyre, c'est-à-dire du désir de mourir pour Jésus-Christ, car ce n'est pas la souffrance même, c'est le motif de la souffrance qui constitue le martyre. Mais que ne reçoivent pas les martyrs en, échange de ce qu'ils donnent à Dieu! C'est Dieu lui-même qui se fait leur récompense. Ah! s'il est des hommes qui se font martyrs pour l'argent, ne conçoit-on pas qu'il y en ait qui se fassent martyrs pour l'amour de Dieu?

1. Excités par ces paroles du Seigneur dans l'Evangile, comme par l'éclat de la trompette: «Qui aime son âme la perdra, et qui la perdra pour l'amour de moi, la retrouvera (1)», les martyrs ont volé au combat, et ils ont remporté la victoire pour s'être appuyés, non sur eux-mêmes, mais sur le Seigneur.

On peut donner deux sens à ces mots: «Qui aime son âme la perdra». Ils signifient: Si tu l'aimes réellement, tu dois la perdre (2); ou encore: Garde-toi de l'aimer, pour ne la perdre pas. Ainsi, d'après, la première signification, si tu l'aimes, perds-la: perds-la, si tu

1. Mt 10,39 Jn 12,25

l'aimes, si tu l'aimes véritablement; sème-la sur la terre, et tu la moissonneras dans le ciel. Si-le laboureur ne sacrifie pas son blé en le semant, c'est qu'il n'aime pas à le récolter au moment de la moisson. - D'après le second sens, on doit dire: Garde-toi d'aimer ton âme, pour ne la perdre pas. On s'imagine l'aimer quand on, craint de mourir. Ah! si les martyrs l'eussent aimée de la sorte, ils l'auraient perdue sans aucun doute. Eh! que servirait de la garder durant la vie présente, et de la perdre dans la vie future? Que servirait de la conserver sur la terre et de la perdre au ciel? Qu'est-ce ensuite que la garder? Combien de temps peut-on la conserver? Si tu la gardes, elle t'échappe; si tu la perds, tu la retrouves (568) en toi. Sans doute les martyrs ont gardé la leur; mais comment seraient-ils martyrs, s'ils l'eussent gardée toujours? Si, d'ailleurs, ils eussent voulu la conserver, leur vie se serait-elle prolongée jusqu'aujourd'hui? S'ils. eussent renié le Christ pour conserver leurs âmes en ce mondé, n'auraient-ils pas depuis longtemps quitté ce monde et perdu sûrement leurs âmes? Au contraire, pour. n'avoir pas renié le Christ, ils ont passé de cette vie auprès du Père. Ils ont recherché le Christ en le confessant, ils l'ont atteint en mourant. Ainsi se sont-ils puissamment enrichis en perdant leurs âmes; pour la paille qu'ils ont sac riflée, ils ont mérité une couronne; oui, ils ont mérité une couronne et sont parvenus à la vie qui ne finit pas.

2. Aussi en eux s'accomplit ou plutôt s'est accompli ce que le Seigneur ajoute: «Et qui perdra son âme pour l'amour de moi, la retrouvera». - «Qui la perdra pour l'amour de moi»: ces derniers mots disent le vrai motif. «Qui la perdra», non pas d'une manière ni pour un motif quelconque, mais «pour l'amour de moi». Aussi bien les martyrs s'étaient-ils écriés déjà par l'organe d'un prophète: «C'est pour l'amour de vous que chaque jour nous endurons la mort (1)». Ce qui fait le martyr, ce n'est donc pas le supplice, mais la cause pour laquelle on l'endure.

Quand le Seigneur fut livré à la mort; il y avait sur le Calvaire trois croix entre lesquelles la cause des souffrances établissait de sérieuses différences. Le Seigneur était crucifié entre deux larrons; ces criminels étaient crucifiés à sa droite et à sa gauche, et lui au milieu. Mais comme si ce gibet eût été un tribunal, le Sauveur condamna alors le larron qui l'insultait, et il couronna celui qui le confessait. Que fera-t-il donc quand il viendra pour juger, lui qui a pu prononcer de tels arrêts au moment même où il était jugé? Ainsi distinguait-il entre les croix. Pourtant, si on ne consultait que le supplice, le Christ ne ressemblait-il pas aux larrons? Mais si on demande à la croix pourquoi le Christ y était attaché, elle répondra: Pour l'amour de vous. Et vous, ô martyrs, dites à voire tour: C'est pour l'amour de vous que nous sommes morts. Il est mort pour nous, et nous pour lui. Il est vrai, lui est mort pour nous assurer

1. Ps 43,22

des grâces; Irais nous, tout en mourant pour lui, nous ne lui avons rien donné. Voilà pourquoi c'est notre intérêt qu'il a eu en vue dans l'un et l'autre cas; le sang qu'il verse arrive jusqu'à nous; à nous revient encore ce que nous faisons pour lui; car c'est de lui que parle ainsi une âme saintement transportée: «J'ai dit au Seigneur: Vous êtes mon Dieu, puisque vous n'avez aucun besoin de mes biens (1)». Que sont effectivement mes biens, sinon des dons de votre main? Or, comment pourrait avoir besoin d'un bien quelconque Celui de qui viennent absolument tous les biens?

3. De lui nous viennent. et la nature ou l'existence, et l'âme ou la vie, et l'esprit ou l'intelligence, et les aliments ou le soutien de notre vie mortelle, et la lumière du ciel et les fontaines qui jaillissent de la terre. Ces dons, néanmoins, sont communs aux bons et aux méchants. Or, si les méchants mêmes reçoivent de lui de tels bienfaits, ne réserve-t-il rien de spécial aux bons? Assurément il tient pour eux quelque chose en réserve. Qu'est-ce donc? «Ce que l'oeil n'a point vu, ce que n'a point entendu l'oreille, ce qui ne s'est point élevé dans le coeur de l'homme»; car ce qui s'élève dans le coeur de l'homme est au-dessous de ce coeur, et ne s'y élève qu'autant que ce coeur est au-dessus. C'est le coeur, au contraire, qui s'élève à ce que Dieu réserve aux bons. Ainsi, Dieu ne te réserve pas ce qui s'élève dans ton coeur, mais ce vers quoi ton coeur s'élève. Ne sois donc pas sourd à ces mots: Elevez vos coeurs. Elevez-les vers ce que l'oeil n'a point vu, ce que n'a point entendu l'oreille, ce qui ne s'élève point dans le coeur de l'homme. vers ce que l'oeil n'a point vu, car ce n'est rien de coloré; vers, ce que n'a point entendu l'oreille, car ce n'est rien de sonore; vers ce qui ne s'est point élevé dans le coeur de l'homme, car ce n'est point une idée terrestre. Tel est le sens de ces mots: «Ce que l'oeil n'a point vu, ce que n'a point entendu l'oreille, ce qui ne s'est point élevé dans le coeur de l'homme, c'est ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (2)».

4. Peut-être me demanderez-vous encore en quoi cela consiste. Demandez-le à Celui qui commence à faire en vous son séjour. Je ne laisserai pourtant pas de vous dire ce que j'en

1. Ps 15,2 - 2. 1Co 2,9

569

pense. Vous voulez savoir ce que Dieu réserve spécialement aux bons, lui qui se montre si généreux envers les bons et les méchants. J'ai dit d'abord qu'il réserve aux bons «ce que l'oeil n'a point vu, ce que n'a point entendu l'oreille, ce qui ne s'est point élevé dans le coeur de l'homme»; mais quelques-uns me demandent encore: En quoi cela même consiste-t-il? Eh bien! voici en quoi consiste ce que Dieu tient en réserve pour les bons, pour les bons que lui-même aura rendus bons; le voici. Un prophète a exprimé en deux mots en quoi consiste notre récompense: «Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple (1)». - «Je serai leur Dieu»; ainsi promet-il d'être lui-même notre récompense. Cherche, en découvriras-tu une autre qui soit préférable à celle-là? Si je te disais: Il nous a promis de l'or, tu serais dans la joie; c'est lui-même qu'il a promis, et je te vois triste? Si le riche ne possède pas Dieu, que possède-t-il? Ne demandez à Dieu que Dieu même, aimez-le gratuitement, et de lui ne désirez que lui. Ne craignez pas de manquer. Quand il se donne à nous, nous avons assez. Ah! qu'il se donne à nous, et sachons nous contenter de lui. Ecoutez l'apôtre Philippe dire dans l'Evangile: «Seigneur, montrez-nous vôtre Père, et cela nous suffit (2)».

5. Pourquoi donc vous étonner, mes frères, si, épris d'amour pour Dieu, les martyrs ont

1. Lv 26,12 2Co 6,16 - 2. Jn 14,8

tant souffert afin d'arriver à le posséder? Voyez ce qu'endurent ceux qui aiment l'or. Au milieu des rigueurs de l'hiver, ils se confient à une frêle embarcation; leur ardeur pour les richesses les enflamme au point qu'ils ne redoutent pas le froid; ils sont ballottés au souffle de la tempête, ils montent et descendent au gré des flots, sont en proie à d'affreux dangers de morts; certes, ils peuvent dire à l'or: «Pour l'amour de toi nous souffrons 1a mort chaque jour». Que les vrais martyrs disent donc eux-mêmes au Christ: «C'est pour l'amour de vous que chaque jour nous souffrons la mort». Les paroles sont les mêmes, mais combien est différente la cause soutenue par les uns et par les autres! Tous ont bien dit, les uns en s'adressant au Christ, et les autres en s'adressant à l'or: «C'est pour vous que chaque jour nous endurons la mort»; mais le Christ répondra à ses martyrs: En mourant pour moi, vous vous retrouverez ainsi que moi; tandis que l'or répondra aux avares: Si pour moi vous faites naufrage, vous vous perdrez avec moi.

Ainsi donc, remplis pour eux d'amour et de zèle à les imiter; remplis, non pas d'un amour stérile, mais d'un amour qui nous porte à les prendre pour modèles, célébrons les fêtes des martyrs, et tempérons par le rafraîchissement de la joie intérieure, ce que ces chaleurs ont d'extrême. Nous régnerons sans fin avec ces bienheureux, si nous avons pour eux, non pas un amour vain, mais un amour fidèle.




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SERMON CCCXXXII. POUR UNE FÊTE DE MARTYRS. VII. L'A CHARITÉ CHRÉTIENNE.

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ANALYSE. - Les martyrs sont les amis de Dieu pour avoir accompli le précepte de la charité chrétienne dans toute sa perfection, en mourant par charité. Demandons à Dieu cette charité; elle sera pour nous un titre qui nous fera recevoir dans la cité sainte, d'où sont bannis les impudiques.

1. Quand nous honorons les martyrs, nous honorons en eux les amis du Christ. Vous voulez savoir comment ils sont devenus les amis du Christ? Le Christ nous l'enseigne lui-même lorsqu'il dit: «Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres». Ne s'aiment-ils pas les uns les autres, ceux- qui se réunissent, soit pour contempler des histrions, soit pour s'enivrer dans les tavernes, soit pour former une association coupable? Aussi, après ces mots: «Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres», le Christ a dû faire connaître la nature spéciale de cet amour. C'est ce qu'il a fait; écoutez-le. Après donc ces paroles: «Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez les uns les autres», il ajoute aussitôt: «Comme je vous ai aimés»; oui, aimez-vous les uns les autres, en vue du royaume de Dieu, en vue de l'éternelle vie; aimez-moi tous ensemble. Ce serait aimer ensemble que d'aimer ensemble un histrion; ensemble aimez davantage Celui qui ne saurait vous déplaire en rien, votre Sauveur.

2. Ce n'est pas tout; le Seigneur a poussé plus loin ses enseignements. Supposant donc que nous lui demandons comment il nous a aimés pour apprendre par là comment à notre tour nous devons aimer: «Il n'y a pas de plus grand amour, dit-il, que de donner sa vie pour ses amis (1)». Aimez-vous donc les uns les autres jusqu'à être prêts à donner chacun votre vie pour autrui. C'est effectivement ce qu'ont fait les martyrs, conformément à ces paroles de saint Jean l'évangéliste

1. Jn 15,12-13

dans son épître: «De même que pour nous le Christ a donné sa vie, ainsi nous devons donner la nôtre pour nos frères (1)».

Vous vous approchez d'une grande table; vous savez, fidèles, quelle est cette table. Eh bien! rappelez-vous ces mots de l'Ecriture: «En t'approchant de la table d'un prince, sache que tu dois te disposer à rendre ce que tu reçois (2)». Quel est ce prince qui t'invite à sa table? C'est Celui qui se donne à toi lui-même et non des aliments préparés avec art; c'est le Christ qui t'invite à t'asseoir à sa table, à te nourrir de lui. Approche et rassasie-toi. Sois pauvre et tu seras rassasié. «Les pauvres mangeront et se rassasieront (3)». - «Sache que tu dois te préparer à rendre ce que tu reçois». Pour comprendre ces mots, écoute l'explication de saint Jean. Peut-être ignorais-tu ce que signifie: «En approchant de la table d'un prince, tu dois te disposer à rendre ce que tu reçois»; écoute le commentateur: «Si le Christ a donné pour nous sa vie, nous devons nous préparer» à en faire autant. A en faire autant? qu'est-ce à dire? «à donner notre vie pour nos frères».

3. Mais tu étais, pauvre quand tu t'es mis à table: comment te disposer à traiter à ton tour? A Celui-là même qui t'a invité, demande de quoi le recevoir. S'il ne te donne, tu ne le pourras. Mais tu as déjà quelque peu de charité? Ne te l'attribue pas: «Qu'as-tu, en effet, que tu n'aies reçu (4)?» Tu as déjà quelque charité? Demande à Dieu de l'augmenter, demande-lui de la perfectionner en toi, jusqu'à pouvoir prendre part à ce banquet qui n'a rien de préférable sur la terre. «Il n'y a

1. 1Jn 3,16 - 2. Pr 23,1-2 - 3. Ps 21,27 - 4. 1Co 4,7

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pas de charité plus grande que de donner sa vie pour ses amis». Tu es venu pauvre, tu retournes riche; ou plutôt tu ne retournes pas, tu restes riche en demeurant. C'est au Seigneur que les martyrs sont redevables d'avoir souffert pour lui, croyez-moi, c'est à lui qu'ils en sont redevables; le Père de famille leur a donné moyen de le recevoir. Puisqu'il est également notre Père, demandons-lui aussi. Ne méritons-nous pas d'être exaucés? demandons par l'entremise de ses amis, de ceux qui lui doivent d'avoir pu le traiter.. Ah! qu'ils le prient de nous donner aussi. Il n'y a, en effet, que le ciel qui, puisse nous accorder plus que nous n'avons. Ecoute ce que dit Jean le précurseur: «L'homme ne peut recevoir que ce qui lui est donné du ciel (1)». Du ciel donc aussi nous tenons ce que nous avons, et pour avoir davantage, c'est du ciel encore que nous devons recevoir.....

4. Telle est la cité qui descend du ciel, et pour y entrer voilà ce que nous devons être. Vous venez de voir, en effet, quels sont ceux qu'on y admet, et quels sont ceux qu'on en exclut. Ah! ne ressemblez pas à ceux qu'on vient de vous faire voir comme n'y devant pas entrer; ne ressemblez pas surtout aux fornicateurs.

En désignant ceux qui n'y seront pas admis, l'Ecriture a nommé les homicides: vous n'avez pas eu peur; elle a nommé les fornicateurs (2); je vous ai entendus vous frapper la poitrine, Oui, je vous ai entendus, je vous ai entendus, je vous ai vus; ce que je n'ai pas vu sur vos couches, je l'ai compris au bruit que vous avez fait, je l'ai vu dans vos coeurs, lorsque vous vous êtes frappé la poitrine. Ah! bannissez-en le péché, car se frapper la poitrine sans se corriger, ce n'est que s'endurcir dans l'iniquité. O mes frères, mes enfants, soyez chastes, aimez la chasteté, embrassez la chasteté, chérissez la pureté; l'auteur même de toute pureté, Dieu la cherche dans son temple, et ce temple c'est vous; de ce temple bannissez

1. Jn 3,27 - 2. Ga 6,19-21

tout ce qui est immonde. Contentez-vous de vos épouses, puisque vous voulez qu'elles se contentent de vous. Tu veux qu'elle ne fasse rien sans toi: ne fais rien sans elle. Il est vrai, tu es le maître, elle, la servante; mais Dieu vous a formés tous deux. «Sara, dit l'Ecriture, obéissait à Abraham, qu'elle appelait son seigneur (1)». Le fait est incontestable, l'évêque a souscrit à ce contrat; vos épouses sont vos servantes, vous en êtes les maîtres. Mais s'agit-il de l'oeuvre conjugale? «La femme n'a pas puissance sur son corps, c'est le mari». Tu tressailles, tu te redresses, tu fais le fier. L'Apôtre à bien dit, ce Vase d'élection a dit merveilleusement: «La femme n'a pas puissance sur son corps, c'est le mari». - Je suis donc le maître? - Tu as applaudi, écoute ce qui suit, écoute ce dont tu ne veux pas et que je te prie de vouloir. Qu'est-ce? Ecoute: «Le mari de même»; le mari, le maître de tout à l'heure; «le mari de même n'a pas puissance sur son corps, c'est la femme (2)». Ecoute cela volontiers. C'est le vice qu'on t'interdit, ce n'est pas l'autorité; on t'interdit l'adultère, on n'élève pas ta femme au-dessus de toi.

Tu es le mari, vir, montre-le; car vir vient de vertu, ou vertu de vir. Tu as de la vertu? Dompte en toi la volupté. «L'homme, dit encore l'Ecriture, est-le chef de la femme (3)». Si tu es son chef, mène-la et qu'elle te suive; mais observe où tu la conduis. Tu es son chef, mène-la où elle peut te suivre, et garde-toi d'aller où tu ne veux pas qu'elle t'accompagne. Ne tombe point dans le précipice, marche dans la droite voie.

Voilà comment vous devez vous préparer à approcher de cette nouvelle épouse, de cette épouse embellie et ornée, pour charmer son mari, non pas de pierres précieuses, mais de vertus. Car si polir approcher d'elle vous êtes bons, saints et chastes, vous aussi vous serez des membres de cette épouse nouvelle, de cette heureuse et glorieuse Jérusalem du ciel.

1. 1P 3,6 - 2. 1Co 7,4 - 3. 1Co 11,3





Augustin, Sermons 329