Angelus Benoit XVI 72

72

Dimanche 30 juillet 2006

Chers frères et soeurs!


Il y a deux jours, au terme de mon séjour au Val d'Aoste, je suis venu directement ici, à Castel Gandolfo, où je compte rester jusqu'à la fin de l'été, avec une brève interruption en septembre à l'occasion du voyage apostolique en Bavière. Je désire avant tout adresser mon salut affectueux à la communauté ecclésiale et civile de cette belle ville, où je viens toujours avec plaisir. Je remercie cordialement l'Evêque d'Albano, le curé et les prêtres, ainsi que le Maire et l'administration communale et les autres Autorités civiles. J'adresse une pensée particulière à la direction et au personnel des Villas pontificales, ainsi qu'aux Forces de l'Ordre, que je remercie pour leur service précieux. Je salue en outre les nombreux pèlerins qui, à travers leur présence chaleureuse, contribuent à faire ressortir, dans le climat plus familial de la résidence estivale, l'horizon ecclésial universel de notre rendez-vous à l'occasion de la prière mariale.

En cet instant, je ne peux manquer de pen-ser à la situation, toujours plus grave et tragique, que vit actuellement le Moyen-Orient: des centaines de morts, de très nombreux blessés, une foule immense de sans-abris et de personnes déplacées, des maisons, des villes et des infrastructures détruites, tandis que dans les coeurs de nombreuses personnes semblent croître la haine et la volonté de vengeance. Ces faits démontrent clairement que l'on ne peut rétablir la justice, créer un ordre nouveau et édifier une paix authentique lors-que l'on a recours à l'instrument de la violence. Nous voyons plus que jamais combien est prophétique et, dans le même temps, réaliste la voix de l'Eglise, lorsque, face à la guerre et aux conflits en tout genre, elle indique le chemin de la vérité, de la justice, de l'amour et de la liberté, comme cela est rappelé dans l'Encyclique immortelle du Bienheureux Pape Jean XXIII "Pacem in terris". C'est ce chemin que l'humanité doit poursuivre aujourd'hui également pour atteindre le bien tant désiré de la paix véritable.

Au nom de Dieu, je m'adresse à tous les responsables de cette spirale de violence, afin que toutes les parties déposent immédiatement les armes! Aux responsables des gouvernements et aux Institutions internationales, je demande de n'épargner aucun effort pour obtenir la cessation nécessaire des hostilités et pour pouvoir commencer ainsi à bâtir, à travers le dialogue, une coexistence durable et stable de tous les peuples du Moyen-Orient. Aux hommes de bonne volonté, je demande de continuer et d'intensifier l'envoi des aides humanitaires à ces populations tant éprouvées et dans le besoin. Mais surtout, que continue à s'élever de tous les coeurs la prière confiante à Dieu bon et miséricordieux, afin qu'il accorde sa paix à cette région et au monde entier. Nous confions cette supplication implorante à l'intercession de Marie, Mère du Prince de la Paix et Reine de la Paix, si vénérée dans les pays du Moyen-Orient, où nous espérons voir bientôt régner la réconciliation pour laquelle le Seigneur Jésus a offert son précieux Sang.

Au terme de l'Angelus:

Chers amis francophones venus vous associer à la prière de l'Angelus, je vous salue cordialement. Avec l'intercession de la Vierge Marie, puisse le Christ, qui s'est fait notre nourriture, mettre au coeur de tous les hommes des désirs de paix et de concorde fraternelle. Demandons-lui instamment de faire le don de la paix à toutes les personnes qui vivent sur la terre où lui-même a vécu et dans toute la région du Proche-Orient. Que le Seigneur vous bénisse, ainsi que vos familles.

Aux pèlerins de langue italienne:

Je salue avec affection les pèlerins de langue italienne, en rappelant qu'au cours des prochains jours, nous ferons mémoire de plusieurs grands saints: demain, saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites; le 2 août, saint Alphonse-Marie de' Liguori, fondateur des Rédemptoristes; le 4 août, saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, patron des curés. Que l'exemple et l'intercession de ces témoins lumineux nous aident à progresser sur la voie de la sainteté.

Je souhaite à tous un bon dimanche.


Palais apostolique de Castelgandolfo

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Dimanche 6 août 2006

Chers frères et soeurs,


En ce dimanche, l'évangéliste Marc rapporte que Jésus conduisit avec lui Pierre, Jacques et Jean sur une haute montagne et devant eux, se transfigura, devenant tellement lumineux qu'"aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte" (cf. Mc Mc 9,2-10). C'est sur ce mystère de lumière que la liturgie nous invite aujourd'hui à fixer notre regard. Sur le visage transfiguré de Jésus brille un rayon de la lumière divine qu'Il conservait au plus profond de lui. Cette même lumière resplendira sur le visage du Christ le jour de la Résurrection. Dans ce sens, la Transfiguration apparaît comme une anticipation du mystère pascal.

La Transfiguration nous invite à ouvrir les yeux du coeur sur le mystère de la lumière de Dieu présent dans toute l'histoire du salut. Déjà, au début de la création, le Tout-puissant dit: "Fiat lux - Que la lumière soit!" (Gn 1,2), et la séparation de la lumière d'avec les ténèbres eut lieu. Comme pour les autres choses créées, la lumière est un signe qui révèle quelque chose de Dieu: c'est comme le reflet de sa gloire, qui en accompagne les manifestations. Lorsque Dieu apparaît, "son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains" (Ha 3,3sq). La lumière, dit-on dans les Psaumes, est le manteau dont Dieu se drape (cf. Ps Ps 104,2). Avec le Livre de la Sagesse, le symbolisme de la lumière est utilisé pour décrire l'essence même de Dieu: la sagesse, effusion de la gloire de Dieu, est "un reflet de la lumière éternelle", supérieure à toute lumière créée (cf. Sg 7,27). Dans le Nouveau Testament, c'est le Christ qui constitue la pleine manifestation de la lumière de Dieu. Sa résurrection éliminé pour toujours le pouvoir des ténèbres du mal. A travers le Christ ressuscité, la vérité et l'amour triomphent sur le mensonge et le péché. En lui, la lumière de Dieu illumine désormais de façon définitive la vie des hommes et le chemin de l'histoire: "Je suis la lumière du monde - affirme-t-il dans l'Evangile. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière la vie" (Jn 8,12).

Combien avons-nous besoin, en notre temps également, de sortir des ténèbres du mal, pour faire l'expérience de la joie des fils de la lumière! Que Marie nous obtienne ce don, elle que nous avons rappelée hier avec une dévotion particulière lors de la commémoration annuelle de la dédicace de la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Que la Sainte Vierge veuille en outre obtenir la paix pour les populations du Moyen-Orient frappées par des luttes fratricides! Nous savons bien que la paix est avant tout un don de Dieu, qu'il faut implorer avec insistance dans la prière, mais en ce moment, nous voulons également rappeler que celle-ci constitue l'engagement de tous les hommes de bonne volonté. Que personne ne se soustraie à ce devoir! C'est pourquoi, face à l'amère constatation que jusqu'à présent, les voix qui demandaient un cessez-le-feu immédiat dans cette région martyrisée n'ont pas été entendues, je ressens l'urgence de renouveler mon appel pressant dans ce sens, en demandant à tous d'offrir leur contribution concrète à l'édification d'une paix juste et durable. Je confie cet appel renouvelé à l'intercession de la Très Sainte Vierge.

J'adresse à présent le salut habituel aux pèlerins étrangers qui sont venus ici pour s'unir à notre prière. Je ne peux manquer de rappeler, en ce dimanche de la fête de la Transfiguration, cet autre dimanche analogue où les pèlerins, venus de Castelgandolfo pour l'Angelus dominical, ne purent pas participer à la prière mariale avec le Pape Paul VI, parce que ses conditions de santé s'étaient alors aggravées: le grand Souverain Pontife, comme vous le savez, dans la soirée de ce 6 août 1978, s'endormit dans le Seigneur. Nous le rappelons en cet anniversaire avec une âme reconnaissante à Dieu, qui en a fait don à son Eglise dans les années si importantes du Concile et de l'après-Concile.

A l'issue de l'Angelus

Chers pèlerins de langue française, je vous adresse mes salutations cordiales. En ce jour où l'Eglise fête la Transfiguration, puissiez-vous vous tourner vers le Christ, pour contempler le mystère de son amour pour les hommes. Vous pourrez alors porter au monde d'aujourd'hui le message d'espérance qui rappelle que, avec le Seigneur et à sa suite, la souffrance et la mort ne sont pas la fin de l'existence, mais le passage vers l'éternité bienheureuse. Avec la Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.



Palais apostolique de Castelgandolfo

Dimanche 13 août 2006


74 Chers frères et soeurs,

En cette période estivale, de nombreuses personnes ont quitté les villes et se trouvent dans des localités touristiques ou dans leur pays d'origine pour les vacances. Je leur souhaite que cette pause de repos tant attendue serve à fortifier l'esprit et le corps, soumis chaque jour à une fatigue et à un stress permanents, étant donné le rythme frénétique de l'existence moderne. Les vacances constituent également une occasion précieuse de rester plus longtemps en famille, pour retrouver les proches et les amis, en un mot, pour donner plus d'espace aux contacts humains que le rythme des engagements de chaque jour empêche de cultiver comme on le souhaiterait. Certes, tous ne peuvent pas bénéficier d'un temps de vacances, et nombreux sont ceux qui sont contraints pour diverses raisons d'y renoncer. Je pense en particulier à ceux qui sont seuls, aux personnes âgées et aux malades qui souvent, en cette période, souffrent encore plus de la solitude. Je voudrais manifester à nos frères et soeurs ma proximité spirituelle, en souhaitant de tout coeur qu'aucun d'entre eux ne manque du soutien et du réconfort de personnes amies.

Le temps des vacances devient pour de nombreuses personnes une occasion bénéfique également pour des rencontres culturelles, pour des moments prolongés de prière et de contemplation au contact de la nature ou dans des monastères et des structures religieuses. En disposant de plus de temps libre, on peut se consacrer plus aisément au dialogue avec Dieu, à la méditation des Ecritures Saintes et à la lecture de quelques livres utiles de formation. Ceux qui font l'expérience de ce repos de l'esprit, savent combien il est utile, pour ne pas réduire les vacances à de simples distractions et divertissements. La participation fidèle à la célébration eucharistique du dimanche aide également à se sentir une partie vivante de la communauté ecclésiale, même lorsque l'on est en dehors de sa propre paroisse. Où que nous soyons, nous avons toujours besoin de nous nourrir de l'Eucharistie. C'est ce que nous rappelle la page évangélique du dimanche d'aujourd'hui, en nous présentant Jésus comme le Pain de la vie. Lui-même, selon ce que rapporte l'évangéliste Jean, se proclame "le pain vivant descendu du ciel" (cf. Jn
Jn 6,31), pain qui nourrit notre foi et alimente la communion entre tous les chrétiens.

Le climat des vacances ne nous fait pas oublier le grave conflit en cours au Moyen-Orient. Les derniers développements laissent espérer que cessent les combats et que soit au plus tôt assurée de façon efficace l'assistance humanitaire aux populations. Le souhait de chacun est que prévale enfin la paix sur la violence et sur la force des armes. Pour cela nous invoquons avec une confiance insistante Marie, toujours prête, depuis la gloire céleste à laquelle elle a été élevée, et dans laquelle nous la contemplerons après-demain, à intercéder pour ses fils et à les assister dans leurs nécessités.

A l'issue de l'Angelus

A tous les pèlerins francophones j'adresse mon cordial salut. Comme nous y invite saint Paul dans la liturgie de ce jour, puissiez-vous toujours vous comporter en enfants bien-aimés de Dieu, vivant dans l'amour, comme le Seigneur Jésus qui nous a aimés et qui s'est livré pour nous. Vous trouverez ainsi un authentique chemin de liberté. Que Dieu vous bénisse!

J'assure à chacun mon souvenir dans la prière et, en vous souhaitant un bon dimanche, je vous bénis tous de tout coeur.



SOLENNITÉ DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE

BENOÎT XVI

Palais apostolique de Castelgandolfo

Mardi 15 août 2006

Chers frères et soeurs,


Comme nous le savons, la tradition chrétienne a placé au coeur de l'été l'une des fêtes mariales les plus anciennes et suggestives, la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie. De même que Jésus ressuscita après sa mort et s'éleva à la droite du Père, ainsi, Marie, au terme de son existence terrestre, fut élevée au ciel. La liturgie nous rappelle aujourd'hui cette réconfortante vérité de foi, tandis qu'elle chante les louanges de Celle qui a été couronnée d'une gloire incomparable. "Un signe grandiose - lisons-nous aujourd'hui dans le passage de l'Apocalypse proposé par l'Eglise à notre méditation - apparut au ciel: une Femme! Le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête" (12, 1). En cette femme éblouissante de lumière, les Pères de l'Eglise ont reconnu Marie. Dans son triomphe, le peuple chrétien pèlerin dans l'histoire entrevoit l'accomplissement de ses attentes et le signe certain de son espérance.

75 Marie est un exemple et un soutien pour tous les croyants: elle nous encourage à ne pas perdre confiance face aux difficultés et aux problèmes inévitables de tous les jours. Elle nous assure de son aide et nous rappelle que l'essentiel est de chercher et de penser aux "choses d'en haut, non à celles de la terre" (cf. Col Col 3,2). Pris par les occupations quotidiennes, nous risquons en effet de penser que c'est ici, dans ce monde où nous ne sommes que de passage, que réside le but ultime de l'existence humaine. Au contraire, le Paradis est le véritable objectif de notre pèlerinage terrestre. Comme nos journées seraient différentes si elles étaient animées par cette perspective! Ainsi en a-t-il été pour les saints. Leurs existences témoignent du fait que lorsque l'on vit avec le coeur constamment tourné vers Dieu, les réalités terrestres sont vécues selon leur juste valeur, car elles sont illuminées par la vérité éternelle de l'amour divin.

A la Reine de la paix, que nous contemplons aujourd'hui dans la gloire céleste, je voudrais confier une fois de plus les préoccupations de l'humanité pour chaque lieu du monde déchiré par la violence. Nous nous unissons à nos frères et soeurs qui, en ces mêmes heures, sont rassemblés dans le sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa, pour une Célébration eucharistique présidée par le Cardinal Roger Etchegaray, qui s'est rendu au Liban en tant que mon Envoyé spécial, pour apporter le réconfort et la solidarité concrète à toutes les victimes du conflit et prier pour la grande intention de la paix. Nous sommes également en communion avec les Pasteurs et les fidèles de l'Eglise qui est en Terre Sainte, qui sont réunis dans la Basilique de l'Annonciation à Nazareth, autour du Représentant pontifical en Israël et en Palestine, Mgr Antonio Franco, pour prier pour les mêmes intentions. Ma pensée va également vers la chère nation du Sri Lanka, menacée par l'aggravation du conflit ethnique; vers l'Irak, où l'effroyable et quotidienne effusion de sang éloigne la perspective de réconciliation et de reconstruction. Que Marie obtienne pour tous des sentiments de compréhension, de volonté d'entente et de désir de concorde!

Au terme de l'Angelus

Chers pèlerins de langue française, je vous salue cordialement. En cette fête de l'Assomption de la Vierge Marie, patronne de la France, je vous invite à vous tourner avec confiance vers celle qui est entrée pour toujours dans la gloire de Dieu. Qu'elle vous aide à trouver, comme elle, dans une fidélité généreuse à la volonté du Seigneur, la source de votre joie! Avec la Bénédiction apostolique!

Je souhaite à tous et à chacun de passer dans la joie cette solennelle et populaire fête mariale.
Bonne fête à vous tous, le soleil est apparu, grâce à Dieu!



Palais apostolique de Castelgandolfo

Dimanche 20 août 2006

Chers frères et soeurs,


aujourd'hui, le calendrier cite, parmi les saints du jour, saint Bernard de Clairvaux, grand docteur de l'Eglise, qui a vécu entre le XI et le XII siècle (1091-1153). Son exemple et ses enseignements se révèlent particulièrement utiles à notre époque également. S'étant retiré du monde après une période de profond tourment intérieur, il fut, à l'âge de 25 ans, élu abbé du monastère cistercien de Clairvaux, qu'il dirigea pendant 38 ans, jusqu'à sa mort. La consécration au silence et à la contemplation ne l'empêcha pas de mener une intense activité apostolique. Il fut également exemplaire dans sa manière de lutter pour maîtriser son tempérament impétueux, et par l'humilité avec laquelle il sut reconnaître ses propres limites et ses défauts.

La richesse et la qualité de sa théologie ne résident pas tant dans le fait d'avoir parcouru des voies nouvelles, que dans celui d'avoir réussi à proposer les vérités de la foi avec un style si clair et si pénétrant qu'il fascinait l'auditeur et disposait l'âme au recueillement et à la prière. Dans chacun de ses écrits, on perçoit l'écho d'une riche expérience intérieure, qu'il réussissait à transmettre aux autres avec une étonnante capacité de persuasion. L'amour était pour lui la plus grande force de la vie spirituelle. Dieu, qui est Amour, crée l'homme par amour, et par amour il le rachète; le salut de tous les êtres humains, mortellement blessés par la faute originelle et accablés par les péchés personnels, consiste à adhérer fermement à la charité divine, que le Christ crucifié et ressuscité nous a pleinement révélée. Dans son amour, Dieu guérit notre volonté et guérit notre intelligence malade en les élevant au plus haut degré d'union avec Lui, c'est-à-dire à la sainteté, et également à l'union mystique. Saint Bernard évoque cela, entre autres, dans son bref mais dense Liber de diligendo Deo (De l'amour de Dieu). Je voudrais également signaler un autre de ses écrits, le De consideratione, adressé au Pape Eugène III. Ici, dans ce livre très personnel, le thème dominant est l'importance du recueillement intérieur - et il le dit au Pape -, un élément essentiel de la piété. Il est nécessaire, observe le saint, de se préserver des dangers d'une activité excessive, quelles que soient la situation ou la charge que l'on occupe car - dit-il au Pape de l'époque et à tous les Papes, à nous tous - les nombreuses occupations conduisent souvent à la "dureté du coeur", elles ne font que "tourmenter l'esprit, épuiser le coeur et... faire perdre la grâce" (II, 3). Cette mise en garde vaut pour tout type d'occupations, y compris celles qui sont inhérentes au gouvernement de l'Eglise. La parole que Bernard adresse à ce propos au Souverain Pontife, son ancien disciple à Clairvaux, est provocatrice: "Voilà, écrit-il, où toutes ces maudites occupations qui vous absorbent ne peuvent manquer de vous conduire, si vous continuez... à vous y livrer tout entier, sans rien réserver de vous-même" (ibid.). Combien ce rappel de la primauté de la prière et de la contemplation est utile pour nous également! Que saint Bernard, qui sut concilier l'aspiration du moine à la solitude et au silence du cloître avec l'urgence de missions importantes et complexes au service de l'Eglise, nous aide à concrétiser cette primauté dans notre vie.

76 Confions ce désir difficile de trouver l'équilibre entre l'intériorité et le travail nécessaire à l'intercession de la Vierge Marie, qu'il aima dès son enfance avec une dévotion tendre et filiale, au point de mériter le titre de "Docteur marial". Invoquons-la afin qu'elle obtienne le don de la paix véritable et durable pour le monde entier. Dans un célèbre discours, saint Bernard compare Marie à l'étoile que les navigateurs scrutent du regard pour ne pas faire fausse route: "O vous qui flottez sur les eaux agitées de la vaste mer, et qui allez à la dérive plutôt que vous n'avancez au milieu des orages et des tempêtes, regardez cette étoile, fixez vos yeux sur elle, et vous ne serez point engloutis par les flots... levez les yeux vers l'étoile, invoquez Marie... En suivant Marie, on ne s'égare point... si elle vous protège, vous n'aurez rien à craindre, si elle vous conduit, vous ne connaîtrez point la fatigue, et si elle vous est favorable, vous êtes sûr d'arriver" (Hom. super Missus est, II, 17)

A l'issue de l'Angelus

Aux pèlerins francophones présents ce matin, j'adresse mes cordiales salutations. Comme saint Paul vous y invite dans la liturgie de ce jour, laissez-vous remplir par l'Esprit Saint. Puissiez-vous apprendre à faire la volonté du Seigneur en toutes choses et rendre grâce à Dieu le Père par toute votre vie! Avec ma Bénédiction apostolique.

Je souhaite à tous un bon dimanche.



Palais apostolique de Castelgandolfo

Dimanche 27 août 2006

Chers frères et soeurs,


Nous rappelons aujourd'hui, 27 août, la mémoire de sainte Monique et demain, nous rappellerons celle de son fils saint Augustin: leur témoignage peuvent être d'un grand réconfort et d'une grande aide pour tant de familles à notre époque également. Monique, née à Tagaste, aujourd'hui Souk-Aharàs, en Algérie, au sein d'une famille chrétienne, vécut de façon exemplaire sa mission d'épouse et de mère, aidant son mari Patrice à découvrir la beauté de la foi dans le Christ et la force de l'amour évangélique, capable de vaincre le mal par le bien. Après la mort de celui-ci, survenue de façon prématurée, Monique se consacra avec courage au soin de ses trois enfants, parmi lesquels Augustin, qui au début, la fit souffrir par son tempérament plutôt rebelle. Comme le dira Augustin lui-même par la suite, sa mère l'engendra deux fois; la seconde exigea un long travail spirituel, fait de prière et de larmes, mais couronné à la fin par la joie de le voir non seulement embrasser la foi et recevoir le Baptême, mais également se consacrer entièrement au service du Christ. Combien de difficultés existent aujourd'hui également dans les relations familiales et combien de mères sont préoccupées parce que leurs enfants empruntent de mauvais chemins! Monique, femme sage et solide dans la foi, les invite à ne pas se décourager, mais à persévérer dans leur mission d'épouses et de mères, en conservant fermement la confiance en Dieu et en se raccrochant avec persévérance à la prière.

Quant à Augustin, toute son existence fut une recherche passionnée de la vérité. A la fin, non sans un long tourment intérieur, il découvrit dans le Christ le sens ultime et plénier de sa vie et de toute l'histoire humaine. Au cours de son adolescence, attiré par la beauté terrestre, "il se jeta" sur elle - comme il le confie lui-même (cf. Confessions 10, 27-38) - de façon égoïste et possessive, à travers des comportements qui furent la cause d'une grande douleur pour sa pieuse mère. Mais, à travers un parcours difficile, notamment grâce aux prières de sa mère, Augustin s'ouvrit toujours plus à la plénitude de la vérité et de l'amour, jusqu'à sa conversion, qui eut lieu à Milan sous la direction de l'Evêque saint Ambroise. Il demeurera ainsi le modèle du chemin vers Dieu, Vérité et Bien suprême. "Je vous ai aimée tard - écrit-il dans le célèbre livre des Confessions - beauté si ancienne, beauté si nouvelle, je vous ai aimée tard. Mais quoi! Vous étiez au dedans, moi au dehors de moi-même; et c'est au dehors que je vous cherchais [...] Vous étiez avec moi; et je n'étais pas avec vous... Vous m'appelez, et voilà que votre cri force la surdité de mon oreille, votre splendeur rayonne, elle chasse mon aveuglement" (ibid.). Que saint Augustin obtienne le don d'une rencontre sincère et profonde avec le Christ à tous les jeunes qui, assoiffés de bonheur, la recherchent en parcourant les mauvais sentiers et se perdent dans des voies sans issue.

Sainte Monique et saint Augustin nous invitent à nous adresser avec confiance à Marie, siège de la Sagesse. Nous lui confions les parents chrétiens afin que, comme Monique, ils accompagnent par l'exemple et la prière le chemin de leurs enfants. Nous confions la jeunesse à la Vierge Mère de Dieu, afin que, comme Augustin, elle tende toujours vers la plénitude de la Vérité et de l'Amour, qui est le Christ: Lui seul peut satisfaire les désirs profonds du coeur humain.

Au terme de l'Angelus

77 Je vous salue cordialement, chers pèlerins francophones. Puisse votre séjour à Rome contribuer à affermir votre foi et à faire grandir votre amour pour l'Eglise. Vous pourrez ainsi vous mettre à la suite du Christ avec toujours plus d'ardeur, reprenant vous aussi les mots de Simon-Pierre dans l'évangile de ce jour: "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Tu as les paroles de la vie éternelle".

Je souhaite à tous un bon dimanche.

Première Journée pour la Protection de la création

Le 1 septembre prochain, l'Eglise qui est en Italie célébrera la première Journée pour la Protection de la création, grand don de Dieu exposé à de graves risques issus de choix et de modes de vie qui peuvent la dégrader. La dégradation de l'environnement rend insoutenable en particulier la vie des pauvres de la terre. En dialogue avec les chrétiens des diverses confessions, il faut s'engager à prendre soin de la création, sans dilapider ses ressources, mais en les partageant de façon solidaire. A cette occasion, je suis heureux d'accueillir ce matin des représentants du pèlerinage promu par les ACLI, qui a parcouru l'antique Via Francigena, depuis le Montgenèvre jusqu'à Rome pour sensibiliser au respect de l'environnement.



Palais apostolique de Castelgandolfo

Dimanche 3 septembre 2006



Chers frères et soeurs,

Le calendrier romain fait mémoire, aujourd'hui, 3 septembre, de saint Grégoire le Grand, Pape et Docteur de l'Eglise (v. 540-604). Sa figure singulière, presque unique dirais-je, est un exemple à proposer aussi bien aux pasteurs de l'Eglise qu'aux administrateurs publics: il fut en effet d'abord Préfet, puis Evêque de Rome. Comme fonctionnaire impérial, il se distingua par son sens de l'administration et son intégrité morale, si bien qu'à l'âge de trente ans seulement il assuma la plus haute charge civile de Praefectus Urbis. En lui grandissait toutefois la vocation à la vie monastique qu'il embrassa en 574, à la mort de son père. La Règle bénédictine devint alors le fondement de sa vie. Même lorsqu'il fut envoyé par le Pape comme son représentant auprès de l'Empereur d'Orient, à Constantinople, il conserva un style de vie monastique, simple et pauvre.

Rappelé à Rome, il fut un proche collaborateur du Pape Pélage II, tout en vivant au monastère, et lorsque ce dernier mourut, victime d'une épidémie de peste, Grégoire fut acclamé par tous comme son successeur. Il tenta par tous les moyens de fuir cette nomination mais dut finalement se rendre et, abandonnant le couvent à contrecoeur, il se consacra à la communauté, conscient d'accomplir un devoir et d'être un simple "serviteur des serviteurs de Dieu". "Celui qui est conscient de devoir guider les autres par décret de la volonté divine, mais dédaigne cette prééminence, n'est pas vraiment humble, écrit-il. Si, en revanche, il est soumis aux dispositions divines et étranger au vice de l'obstination, et est déjà doté des dons avec lesquels il peut servir les autres, lorsque la plus haute dignité du gouvernement des âmes lui est imposée, avec le coeur il doit la fuir, mais même contre son gré, il doit obéir" (Règle pastorale, I, 6). C'est une sorte de dialogue que le Pape entretient avec lui-même à ce moment-là. Avec une clairvoyance prophétique, Grégoire eut l'intuition qu'une nouvelle civilisation était en train de naître de la rencontre entre l'héritage romain et les peuples dits "barbares", grâce à la force de cohésion et d'élévation morale du Christianisme. Le monachisme se révélait une richesse non seulement pour l'Eglise mais pour la société tout entière.

De santé fragile mais de fort tempérament moral, saint Grégoire le Grand accomplit une importante action pastorale et civile. Il a laissé une vaste correspondance, d'admirables homélies, un célèbre commentaire du Livre de Job et ses écrits sur la vie de saint Benoît, en plus de nombreux textes liturgiques, célèbres pour la réforme du chant qui, en s'inspirant de son nom, fut appelé "grégorien". Mais son oeuvre la plus célèbre est sans aucun doute la Règle pastorale, qui a eu pour le clergé la même importance que la Règle de saint Benoît pour les moines du Moyen Âge. La vie du pasteur d'âmes doit être une synthèse équilibrée de contemplation et d'action, animée par l'amour qui "atteint des sommets très hauts lorsqu'il se penche, miséricordieux, sur les maux profonds des autres. La capacité de se pencher sur la misère de l'autre est la mesure de la force de l'élan vers le haut" (II, 5). Les Pères du Concile Vatican II se sont inspirés de cet enseignement, toujours actuel, pour définir la figure du pasteur de notre temps. Prions la Vierge Marie afin que l'exemple et l'enseignement de saint Grégoire le Grand soit suivi par les pasteurs de l'Eglise, ainsi que par les responsables des institutions civiles.

Au terme de l'Angelus

78 Je salue avec joie les pèlerins francophones présents ce matin pour la prière de l'Angelus, en particulier les représentants de la commune de Châteauneuf-du-Pape et ceux de la commune de Castelgandolfo, qui se rencontrent chaque année dans le cadre de leur jumelage. Puissiez-vous, comme le demande saint Jacques dans la liturgie de ce dimanche, accueillir humblement la Parole de Dieu semée en vous. Ne vous contentez pas de l'écouter, mettez-la en pratique, rendant ainsi grâce au Seigneur en le servant dans les plus petits de vos frères!

A tous nos frères et soeurs de langue allemande qui sont ici réunis à Castel Gandolfo pour la prière de l'Angelus, je souhaite la bienvenue; parmi eux je salue en particulier les pèlerins de l'Allgäu. Celui qui désire accomplir la volonté de Dieu ne doit pas se limiter à sa conduite extérieure. Dieu interroge le coeur de l'homme. Ouvrons notre intimité au Seigneur; il la rend pure et forte et il nous offre la vie véritable. Je vous souhaite une excellente journée et je me réjouis de retrouver de très nombreux compatriotes la semaine prochaine en Bavière.

Je suis heureux d'accueillir les nombreux jeunes engagés au sein du Mouvement des Focolari, provenant de différents pays. Chers amis, à l'école de la Très Sainte Vierge Marie, soyez de fidèles disciples de Jésus et conduisez à Lui les jeunes de votre âge. Je souhaite à tous un bon dimanche.

Je vous remercie de vos voeux pour mon voyage. Je partirai pour l'Allemagne samedi prochain et je serai de retour jeudi suivant. Nous demeurons toujours unis dans la prière. Je vous souhaite, en ce jour de rencontre entre Châteauneuf-du-Pape et Castel Gandolfo, une bonne journée et un bon dimanche. J'ai su que vous aviez organisé un beau spectacle sur saint François. J'adresse mes meilleurs voeux à tous! Bon dimanche et bonne semaine!



VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE BENOÎT XVI

À MUNICH, ALTÖTTING ET RATISBONNE

(9-14 SEPTEMBRE 2006)

Esplanade de la "Neue Messe", Munich

Dimanche 10 septembre 2006

Chers frères et soeurs!


Avant de conclure par la bénédiction solennelle notre Célébration eucharistique, nous voulons nous recueillir pour la récitation de l'Angelus. En réfléchissant sur les lectures de la Messe, nous nous sommes rendu compte combien il est nécessaire - pour la vie des personnes comme pour la coexistence sereine et pacifique de tous - de considérer Dieu comme le centre de notre vie personnelle. L'exemple par excellence d'une telle attitude est Marie, la Mère du Seigneur. Au cours de toute sa vie terrestre, elle a été la Femme de l'écoute, la Vierge au coeur ouvert à Dieu et aux hommes. Cela, les fidèles l'ont compris dès les premiers siècles du christianisme, et c'est pourquoi, dans tous leurs besoins et difficultés, ils se sont adressés avec confiance à Elle, invoquant son aide et son intercession auprès de Dieu.

C'est ce dont témoignent, ici, sur notre terre bavaroise, les centaines d'églises et de sanctuaires qui lui sont consacrés. Ce sont des lieux vers lesquels, toute l'année, confluent d'innombrables pèlerins pour se confier à l'amour maternel et bienveillant de Marie. Ici à Munich, au centre de la ville, s'élève la Mariensaüle, devant laquelle, il y a précisément 390 ans, la Bavière fut confiée solennellement à la protection de la Mère de Dieu et où, hier, j'ai imploré à nouveau la bénédiction de la Patrona Bavariae pour la ville et le pays.

Et comment ne pas penser de façon particulière au sanctuaire d'Altötting, où je me rendrai demain en pèlerinage? Là, j'aurai la joie d'inaugurer la nouvelle Chapelle de l'Adoration qui, précisément en ce lieu, est un signe éloquent du rôle de Marie: Elle est et demeure la servante du Seigneur qui ne se met pas au centre, mais veut nous guider vers Dieu, veut nous enseigner un style de vie dans lequel Dieu est reconnu comme centre de la réalité et de notre vie personnelle elle-même. C'est à Elle que nous adressons à présent la prière de l'Angelus.





Palais apostolique de Castelgandolfo

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Angelus Benoit XVI 72