Christus Dominus 2




SESSION VII 28 octobre 1965



Décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise





Préambule

1 Tout comme le Christ Seigneur, Fils du Dieu vivant, qui est venu pour sauver son peuple de ses péchés 1 et pour sanctifier tous les hommes, a été lui-même envoyé par le Père, de même il envoya ses apôtres 1 2 qu’il sanctifia en leur donnant le Saint-Esprit, pour que, eux aussi, glorifient le Père sur la terre et contribuent au salut des hommes, « en vue de l’édification du Corps du Christ » (Ep 4,12), qui est l’Église.


2 Dans cette Église du Christ, le Pontife romain, en tant que sucesseur de Pierre, à qui le Christ a confié ses brebis et ses agneaux à paître, jouit, par institution divine, du pouvoir suprême, plénier, immédiat et universel pour la charge des âmes. Vu donc que celui-ci a été envoyé, comme pasteur de tous les fidèles, pour pourvoir au bien commun de l’Église tout entière et au bien de chacune des Églises, il détient la primauté du pouvoir ordinaire sur toutes les Églises.

Mais les évêques, eux aussi, établis par le Saint-Esprit, prennent par succession la place des apôtres comme pasteurs des âmes 3, et ensemble avec le Souverain Pontife et sous son autorité, ils ont été envoyés pour assurer la permanence de l’oeuvre du Christ, Pasteur éternel4. En effet, le Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs l’ordre et le pouvoir d’enseigner toutes les nations, de sanctifier les hommes dans la vérité et de les paître. Par conséquent, par l’Esprit Saint qui leur a été donné, les évêques sont devenus de vrais et authentiques maîtres de la foi, pontifes et pasteurs 5.

1 Cf. Mt 1, 21.
2 Cf. Jn 20, 21.
3 Cf. Conc. Vat. I, Session IV, const. dogm. I De Ecclesia Christi, Pastor aeternus, c. 3, D. 1828 (3061).
4 Cf. Conc. Vat. I, Session IV, const. dogm. De Ecclesia Christi, Préambule, D. 1821 (3050).
5 Cf. Conc. Vm. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 21, 24, 25, AAS 57 (1965), p. 24-25, 29-31 (Voir p. 96-98 ; 104-108.)



3 La charge épiscopale, qui est la leur et qu’ils ont reçue par la consécration épiscopale6, les évêques, qui partagent la sollicitude de toutes les Églises, l’exercent, en ce qui concerne le magistère et le gouvernement pastoral, à l’égard de l’ensemble de l’Église de Dieu, en communion avec le Souverain Pontife et sous son autorité, tous étant unis en un collège ou corps.

Ils l’exercent individuellement à l’égard de la portion du troupeau du Seigneur qui leur a été assignée, chacun assumant la charge de l’Église particulière qui lui a été confiée ou quelques-uns pourvoyant parfois conjointement aux besoins communs de diverses Églises locales. C’est pourquoi le saint Concile, prenant également en considération la situation de la communauté humaine qui évolue de nos jours vers un nouvel ordre des choses 7 et ayant l’intention de déterminer de façon plus précise la charge pastorale des évêques, a décidé ce qui suit.

6 Cf. Conc. Vat. II. Const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 21, AAS 57 (1965), p. 24-25 (Voir p. 96-98.)
7 Cf. Jean XXIII, const. apost. Humanae salutis, 25 déc. 1961, AAS 54 (1962), p. 6.


Chapitre I. Les évêques et l’Église tout entière


I. Rôle des évêques à l'égard de l’Église tout entière

4 En vertu de leur consécration sacramentelle et par leur communion hiérarchique avec la Tête et les membres du collège, les évêques sont constitués membres du corps épiscopal 1. « L’ordre des évêques, qui succède au collège des apôtres dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux en qui le corps apostolique se perpétue sans interruption, constitue, lui aussi, en union avec sa Tête le Pontife romain et jamais sans cette Tête, le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur l’Eglise tout entière, pouvoir qui cependant ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain 2. » Ce pouvoir « s’exerce de façon solennelle dans le concile oecuménique3 » ; c’est pourquoi le saint Concile décide que tous les évêques, en tant que membres du collège, ont le droit de participer au concile oecuménique.

« Ce même pouvoir collégial peut être exercé, en union avec le Pape, par les évêques qui se trouvent partout dans le monde, à condition toutefois que la Tête du collège les appelle à agir collégialement ou du moins qu’il approuve ou reçoive librement l’acte commun des évêques dispersés en des lieux différents, en sorte qu’il devienne un véritable acte collégial4. »

1 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 22, AAS 57 (1965), p. 25-27. (Voir p. 98-102.)
2 Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, ibid.
3 Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, ibid.
4 Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, ibid.


5 Des évêques choisis dans les différentes régions du monde apportent au Pasteur suprême de l’Église, selon des modes et des normes établis ou à établir par le Pontife romain, une aide plus efficace dans le cadre d’un Conseil dont l’appellation propre est « Synode des évêques 5 » et qui, du fait qu’il représente tout l’épiscopat catholique, signifie en même temps que tous les évêques participent en une communion hiérarchique à la sollicitude pour l’Église tout entière6.

5  Cf. Paul VI, motu proprio Apostolica Sollicitudo, 15 sept. 1965, AAS 57 (1965), p. 775-780.
6 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 23, AAS 57 965), p. 27-28 (Voir p. 102-104.)


6 En qualité de successeurs légitimes des apôtres et de membres du collège épiscopal, les évêques se sauront toujours unis entre eux et feront preuve de sollicitude pour toutes les Églises, puisque, en vertu de l’institution divine et des devoirs de la charge apostolique, chacun d’entre eux, ensemble avec les autres évêques, est responsable de l’Église 7. Ils seront surtout pleins de sollicitude pour ces régions du monde dans lesquelles la Parole de Dieu n’a pas encore été annoncée ou dans lesquelles, surtout à cause du nombre restreint de prêtres, les fidèles sont exposés au danger de s’éloigner des commandements de la vie chrétienne, bien plus de perdre la foi elle-même.

Qu’ils s’appliquent donc de toutes leurs forces à ce que les fidèles soutiennent et fassent progresser avec empressement les oeuvres d’évangélisation et d’apostolat. De plus, ils veilleront avec soin à ce que soient préparés des ministres sacrés qualifiés ainsi que des auxiliaires, religieux ou laïcs, pour les missions et les régions qui souffrent d’un manque de clergé. Ils prendront également soin que, dans la mesure du possible, quelques-uns de leurs prêtres aillent dans les missions ou les diocèses mentionnés, afin d’y exercer le ministère sacré de façon durable ou du moins pour un temps déterminé.

Par ailleurs, dans l’usage des biens ecclésiastiques, les évêques ne perdront pas de vue qu’il faut tenir compte non seulement des besoins de leur propre diocèse, mais aussi de ceux des autres Eglises particulières, puisqu’elles sont des parties de l’unique Eglise du Christ. Enfin, ils seront attentifs à alléger, autant que possible, les malheurs dont d’autres diocèses ou d’autres régions ont à souffrir.

7 Cf. Pie XII, encycl. Fidei donum, 21 avr. 1957, AAS 49 (1957), p. 237 s ; cf. aussi Benoît XV, lettre ap. Maximum illud. 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 440 ; Pie XI, encycl. Rerum Ecclesiae, 28 févr. 1926, AAS 18 (1926), p. 68 s.


7 Avant tout, ils entoureront d’un amour fraternel ces évêques qui, pour le nom du Christ, sont victimes de calomnies et subissent des tourments, sont détenus en prison ou empêchés d’exercer leur ministère, et ils feront preuve à leur égard d’une sollicitude active et authentique, afin que leurs souffrances soient adoucies et allégées par la prière et le soutien de leurs confrères.


II. Les évêques et le Siège apostolique

8 a. Aux évêques, en leur qualité de successeurs des apôtres, appartient, de soi, dans les diocèses qui leur sont confiés, tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat, requis pour l’exercice de leur charge pastorale, restant sauf toujours et en toutes choses le pouvoir qu’a le Pontife romain, en vertu de sa charge, de se réserver des causes pour lui-même ou de les réserver à une autre autorité.

b. Les évêques diocésains ont chacun la faculté de dispenser de la loi générale de l’Église, en un cas particulier, les fidèles sur lesquels ils exercent leur autorité selon les normes du droit, toutes les fois qu’ils jugent que la dispense contribuera à leur bien spirituel, excepté si une réserve spéciale a été faite par l’autorité suprême de l’Église.


9 Dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église tout entière, le Pontife romain se sert des dicastères de la Curie romaine, qui par conséquent accomplissent leur tâche en son nom et en vertu son autorité, pour le bien de l’Église et le service des pasteurs sacrés.

Cependant, les Pères du saint Concile souhaitent que ces dicastères, qui certes ont apporté au Pontife romain et aux pasteurs de l’Église une aide éminente, soient soumis à une nouvelle organisation, mieux adaptée aux nécessités des temps, des pays et des rites, surtout en ce qui concerne leur nombre, leur dénomination, leur compétence, leurs procédures et la coordination des travaux des dicastères entre eux8. Ils souhaitent également que, compte tenu de la charge pastorale propre aux évêques, la fonction des légats du Pontife romain soit déterminée de façon plus précise.

8 Cf. Paul VI, allocution à la Curie romaine, 21 sept. 1963, AAS 55 (1963), p. 793 s.


10 En outre, du moment que ces dicastères ont été constitués pour le bien de l’Église universelle, il est souhaité que leurs membres, leur personnel et leurs consulteurs, ainsi que les légats du Pontife romain soient, autant que possible, pris en plus grand nombre dans les différentes contrées où est implantée l’Église, de façon que les offices ou organes centraux de l’Église catholique présentent un caractère vraiment universel.

Il est également souhaité que parmi les membres des dicastères soient aussi admis quelques évêques, surtout diocésains, qui puissent présenter au Souverain Pontife des rapports plus complets sur la mentalité, les désirs et les besoins de toutes les Églises.

Enfin, les Pères conciliaires estiment qu’il est très utile que ces dicastères entendent davantage des laïcs, qui se distinguent par leurs qualités, leur science et leur expérience, en sorte que ces laïcs aussi jouent dans les affaires de l’Église le rôle qui leur revient.


Chapitre II. Les évêques et les Églises particulières ou diocèses


I. Les évêques diocésains

11 Un diocèse est une portion du Peuple de Dieu, confiée à un évêque qui doit la paître en collaboration avec son presbyterium, en sorte que le diocèse, lié à son pasteur et rassemblé par lui dans le Saint-Esprit grâce à l’Évangile et à l’Eucharistie, constitue une Église particulière dans laquelle est vraiment présente et agissante l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique.

Chacun des évêques à qui a été confié le soin d’une Église particulière paît ses brebis au nom du Seigneur, sous l’autorité du Souverain Pontife, en tant que pasteur propre, ordinaire et immédiat, exerçant à leur endroit les fonctions d’enseignement, de sanctification et de gouvernement. Lui-même, cependant, reconnaîtra les droits qui appartiennent légitimement aux patriarches ou aux autres autorités hiérarchiques 1.

Que les évêques s’appliquent à leur charge apostolique comme des témoins du Christ devant tous les hommes, non seulement en veillant sur ceux qui suivent déjà le Prince des pasteurs, mais aussi en se dévouant de tout coeur au profit de ceux qui se sont détournés, d’une manière ou d’une autre, du chemin de la vérité ou qui ignorent l’Évangile du Christ et la miséricorde salvifïque de celui-ci, jusqu’à ce que tous enfin marchent « en toute bonté, justice et vérité » (
Ep 5,9).

1 Cf. Conc. Vat. II, décret Orientalium Ecclesiarum, sur les Églises catholiques orientales, 21 nov. 1964, n. 7-11, AAS 57 (1965), p. 79-80 (Voir p. 172-174.)


12 Dans l’exercice de leur charge d’enseigner, ils annonceront aux hommes l’Évangile du Christ - ce qui l’emporte sur les autres charges importantes des évêques 2  -, appelant les hommes à la foi dans la force de l’Esprit ou les confirmant dans la foi vivante ; ils leur proposeront le mystère intégral du Christ, à savoir ces vérités dont l’ignorance équivaut à l’ignorance du Christ, et de même ils leur enseigneront la voie divinement révélée pour glorifier Dieu et obtenir par là même le bonheur éternel 3.

Ils montreront en outre aux hommes que, suivant le dessein du Dieu créateur, les réalités terrestres et les institutions humaines sont aussi ordonnées au salut des hommes, et que, par conséquent, elles peuvent apporter à l’édification du Corps du Christ une contribution non négligeable. Ils enseigneront donc dans quelle estime, conformément à la doctrine de l’Eglise, il faut tenir la personne humaine avec sa liberté et sa vie corporelle elle-même ; la famille et son unité et sa stabilité, ainsi que la procréation et l’éducation des enfants ; la société civile avec ses lois et ses professions ; le travail et les loisirs, les arts et les inventions techniques ; la pauvreté et l’abondance des ressources ; ils présenteront enfin les principes selon lesquels doivent trouver leur solution les très graves questions concernant la possession, l’accroissement et la juste distribution des biens matériels, la guerre et la paix, la vie en commun fraternelle de tous les peuples 4.

2 Cf. Conc. de Trente, Sess. V, décr. De reform., c. 2, Mansi 33,30; Sess. XXIV, décr. De reform., c. 4, Mansi 33, 159 ; Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 25, AAS 57 (1965), p. 29 s. (Voir p. 106.)
3 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. III, n. 25, AAS 57 (1965), p. 29-31 (Voir p. 106-108).
4 Cf. Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11 avr. 1963, passim, AAS 55 (1963), p. 257-304.


13 Les évêques proposeront la doctrine chrétienne d’une manière qui soit adaptée aux besoins du temps, c’est-à-dire qui réponde aux difficultés et aux questions qui inquiètent et angoissent le plus les hommes ; ils veilleront aussi sur cette doctrine, en apprenant à leurs fidèles eux-mêmes à la défendre et à la répandre. En la transmettant, les évêques fourniront la preuve de la maternelle sollicitude de l’Église à l’égard de tous les hommes, qu’il s’agisse de fidèles ou non, et ils s’occuperont avec un soin particulier des pauvres et des petits, auxquels ils ont été envoyés par le Seigneur pour les évangéliser.

Puisqu’il appartient à l’Eglise d’engager le dialogue 5 avec la société humaine au sein de laquelle elle vit, le devoir des évêques est en premier lieu d’aller vers les hommes et de chercher et promouvoir le dialogue avec eux. Pour que la vérité soit toujours unie à la charité, l’intelligence à l’amour, ce dialogue de salut doit se distinguer par la clarté du langage en même temps que par l’humilité et l’aménité, et également par la prudence qui convient, alliée toutefois à la confiance, car celle-ci favorise l’amitié et est donc de nature à unir les esprits 6.

Pour l’annonce de la doctrine chrétienne, ils s’efforceront d’utiliser les moyens variés qui, de nos jours, sont à notre disposition : ainsi, avant tout, la prédication et l’enseignement catéchétique, qui à la vérité tiennent toujours la première place, mais aussi la présentation de la doctrine dans les écoles et les académies, par des conférences et des réunions de tout genre, de même sa diffusion par des déclarations publiques faites à l’occasion de certains événements, par la presse et les divers moyens de communication sociale, qu’il faut absolument utiliser pour annoncer l’Évangile du Christ7.

5 Cf. Paul VI, encycl. Ecclesiam suam, 6 août 1964, AAS 56 (1964), p. 639.
6 Cf. Paul VI, encycl. Ecclesiam suam, 6 août 1964, AAS 56 (1964), p. 644-645.
7 Cf. Conc. Vat. II, décr. De instrumentis communicationis socialis, Inter mirifica, 4 déc. 1963, AAS 56 (1964), p. 145-153 (Voir p. 54-66.)


14 Les évêques veilleront à ce que l’enseignement catéchétique, qui vise à rendre la foi, éclairée par la doctrine, vivante, claire dans sa formulation et agissante, soit donné avec un soin empressé aux enfants et aux adolescents, aux jeunes gens et même aux adultes ; à ce que dans cet enseignement soient respectés un ordre et une méthode adaptés non seulement à la matière traitée, mais aussi au caractère, aux facultés, à l’âge ainsi qu’aux conditions de vie des auditeurs ; à ce que ce même enseignement s’appuie sur l’Écriture sainte, la Tradition, la Liturgie, le Magistère et la vie de l’Église.

En outre, ils prendront soin que les catéchistes soient dûment préparés à leur charge, de façon à connaître exactement la doctrine de l’Église et à acquérir une formation théorique et pratique concernant les lois de la psychologie et les disciplines pédagogiques. Ils s’appliqueront aussi à restaurer ou à mieux adapter le catéchuménat des adultes.


15 Dans l’exercice de leur fonction de sanctification, les évêques se rappelleront qu’ils ont été pris d’entre les hommes et sont établis pour les hommes dans leurs relations avec Dieu, en vue d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Les évêques jouissent, en effet, de la plénitude du sacrement de l’ordre et d’eux dépendent, pour l’exercice de leur pouvoir, les prêtres * d’une part, qui eux aussi ont été consacrés comme vrais prêtres du Nouveau Testament pour être des collaborateurs avisés de l’ordre épiscopal, et les diacres d’autre part qui, ordonnés en vue du ministère, sont au service du Peuple de Dieu en communion avec l’évêque et son presbyterium ; les évêques sont donc les principaux dispensateurs des mystères de Dieu, tout comme ils dirigent, promeuvent et surveillent toute la vie liturgique et veillent sur elle dans l’Église qui leur est confiée 8.

Inlassablement, les évêques s’appliqueront donc à ce que les fidèles connaissent et vivent toujours plus profondément le mystère pascal par l’Eucharistie, en sorte qu’ils forment un seul Corps étroitement lié dans l’unité de la charité du Christ9 ; « assidus à la prière et au ministère de la Parole » (
Ac 6,4), les évêques s’emploieront à ce que tous ceux qui ont été confiés à leur soin soient unanimes dans la prière 10, que par la réception des sacrements ils croissent dans la grâce et soient des témoins fidèles pour le Seigneur.

En tant que guides vers la perfection, les évêques s’attacheront à faire progresser dans la sainteté leurs clercs, les religieux et les laïcs, selon la vocation particulière de chacun  11, ayant conscience d’être eux-mêmes tenus de donner l’exemple de la sainteté par leur charité, leur humilité et la simplicité de leur vie. Qu’ils sanctifient les Églises qui leur sont confiées de telle sorte qu’en elles se manifeste en pleine clarté le sens de l’Église du Christ tout entière. C’est pourquoi ils favoriseront le plus possible les vocations sacerdotales et religieuses, en accordant une attention particulière aux vocations missionnaires.

8 Cf. Conc. Vat. II, const. Sacrosanctum concilium, sur la sainte liturgie, 4 déc. 1963, AAS 56 (1964), p. 97 s. (voir p. 26 s.) ; Paul VI, motu proprio Sacram Liturgiam, 25 janv. 1964, AAS 56 (1964), p. 139 s.
9 Cf. Pie XII, encycl. Mediator Dei, 20 nov. 1947, AAS 39 (1947) p. 521 s. ; Paul VI encycl. Mysterium Fidei, 3 sept. 1965) ; AAS 57 (1965), p. 753-774.
10 Cf. Ac 1, 14 et 2, 46.
11 Cf. Conc. Vut. II, const. dogm. Lumen Gentium, chap. VI, n. 44-45, AAS 57 (1965), p. 50-52 (Voir p. 138-140).


16 Que dans l’exercice de leur fonction de père et de pasteur les évêques soient au milieu des leurs comme ceux qui servent12, qu’ils soient de bons pasteurs qui connaissent leurs brebis et que celles-ci aussi connaissent, qu’ils soient de vrais pères qui se distinguent par leur esprit d’amour et leur sollicitude à l’égard de tous, et dont l’autorité divinement conférée est acceptée par tous avec reconnaissance. Qu’ils rassemblent toute la famille de leur troupeau et la forment de telle sorte que tous, conscients de leurs devoirs, vivent et agissent dans une communion de charité.

Pour pouvoir faire cela de façon plus efficace, les évêques « prêts à toute oeuvre bonne » (
2Tm 2,21) et « supportant tout pour les élus » (2Tm 2,10), organiseront leur vie de façon à la faire correspondre aux besoins de leur temps.

Ils entoureront toujours d’une charité particulière les prêtres, puisque ceux-ci assument pour une part les charges et la sollicitude des évêques et y apportent avec tant de zèle un soin quotidien ; ils les considéreront comme des fils et des amis 13 et, par conséquent, se montreront prêts à les écouter, et dans le cadre de relations confiantes avec eux, ils s’appliqueront à promouvoir la pastorale d’ensemble du diocèse tout entier.

Que les évêques se montrent soucieux des conditions spirituelles, intellectuelles et matérielles dans lesquelles travaillent leurs prêtres, afin que ceux-ci soient en état de mener une vie de sainteté et de piété et d’accomplir leur ministère avec fidélité et fécondité. C’est pourquoi ils favoriseront des institutions et organiseront des rencontres particulières qui permettront aux prêtres de se retrouver de temps en temps, aussi bien pour des exercices spirituels prolongés en vue du renouvellement de leur vie que pour l’acquisition de connaissances approfondies dans le domaine des disciplines ecclésiati- ques, avant tout de l’Écriture sainte et de la théologie, des questions sociales d’importance majeure et aussi des nouvelles méthodes d’action pastorale. Ils s’occuperont avec une active miséricorde des prêtres qui de quelque manière se trouvent en danger ou qui ont connu la défaillance sur certains points.

Afin d’être en état de pourvoir au bien des fidèles d’une manière mieux adaptée à la situation de chacun, les évêques s’efforceront de bien connaître leurs besoins en fonction des conditions sociales dans lesquelles ils vivent, utilisant à cette fin les moyens appropriés, notamment celui de l’enquête sociale. Ils se montreront pleins de sollicitude à l’égard de tous, quels que soient leur âge, leur condition ou leur nationalité, que ce soient des gens du pays ou des immigrés et des gens de passage. Dans l’exercice de cette sollicitude pastorale, ils laisseront à leurs fidèles la part qui leur revient dans les affaires de l’Église et reconnaîtront aussi leur devoir et leur droit de collaborer activement à l’édification du Corps mystique du Christ.

Ils feront preuve d’un amour prévenant à l’égard des frères séparés, en recommandant à leurs fidèles de se comporter aussi à leur endroit avec une grande bienveillance et une grande charité, et en favorisant également l’oecuménisme, tel qu’il est compris par l’Église 14. Même les non-baptisés leur tiendront à coeur, pour que eux aussi voient resplendir la charité du Christ, de qui les évêques sont les témoins devant tous.

12 Cf. Lc 22, 26-27.
13 Cf. Jn 15, 15.
14 Cf. Conc. Vat. II, décr. Unitatis redintegratio, sur l’oecuménisme, 21 nov. 1964, AAS 57 (1965), p. 90-107 (Voir p. 184-208.)


17 Que soient encouragées les différentes formes d’apostolat ainsi que, pour l’ensemble d’un diocèse ou dans des circonscriptions particulières de celui-ci, et sous la direction de l’évêque, la coordination et l’étroite connexion de toutes les oeuvres d’apostolat, grâce à quoi toutes les initiatives et institutions catéchétiques, missionnaires, caritatives, sociales, familiales, scolaires et n’importe quelle autre poursuivant une fin pastorale, concourent à une action concordante, ce qui, en même temps, manifeste plus clairement l’unité du diocèse.

On insistera avec soin sur le devoir d’exercer l’apostolat auquel sont tenus les fidèles, chacun selon sa condition et son aptitude, et on leur recommandera de participer aux différentes oeuvres d’apostolat des laïcs, surtout à l’Action catholique, ou de les soutenir. On cherchera aussi à promouvoir ou à encourager les associations qui visent directement ou indirectement une fin surnaturelle, c’est-à-dire qui se proposent de parvenir à une vie plus parfaite, ou d’annoncer à tous l’Évangile du Christ, ou de promouvoir la doctrine chrétienne ou bien le développement du culte public, ou de poursuivre la réalisation d’objectifs sociaux ou de pratiquer des oeuvres de piété ou de charité.

Les formes d’apostolat seront dûment adaptées aux nécessités d’aujourd’hui, compte tenu des conditions non seulement spirituelles et morales, mais aussi sociales, démographiques et économiques. Pour obtenir des résultats efficaces et féconds sous ce rapport, les enquêtes sociales et religieuses, menées par les instituts de sociologie pastorale, qui sont instamment recommandés, apportent une importante contribution.


18 Doivent être l’objet d’une particulière sollicitude les fidèles qui, à cause de leur situation, ne peuvent bénéficier suffisamment du ministère pastoral commun et ordinaire des curés, ou qui en sont totalement privés, comme c’est le cas pour la plupart des migrants, des exilés, des réfugiés, des marins et des aviateurs, des nomades et autres catégories semblables. Des méthodes pastorales appropriées seront mises en oeuvre pour soutenir la vie spirituelle de ceux qui, pour des motifs de détente, se rendent pour un temps dans d’autres régions.

Les conférences épiscopales, surtout nationales, étudieront soigneusement les questions les plus urgentes qui ont trait aux catégories susdites et, par des moyens et des institutions appropriés, elles chercheront, avec une volonté concordante et en unissant leurs forces, à assurer et à développer cette prise en charge spirituelle, en tenant compte avant tout des normes établies ou à établir par le Siège apostolique 15, tout en les adaptant de façon convenable aux conditions de temps, de lieux et de personnes.

15 Cf. S. Pie X, motu proprio lampridem, 19 mars 1914, AAS 6 (1914), p. 173 s. ; Pie XII, const. ap. Exsul Familia, 1“ août 1952, AAS 44 (1952), p. 649 s. ; Leges Operis ApostolatusMaris, 21 nov. 1957, AAS 50 (1958), p. 375-383.



19 Pour s’acquitter de leur tâche apostolique, qui est ordonnée au salut des âmes, les évêques jouissent, de soi, d’une liberté et d’une indépendance pleines et entières par rapport à tout pouvoir civil. C’est pourquoi il n’est pas permis d’empêcher, directement ou indirectement, l’exercice de leur charge ecclésiastique ni de leur interdire de communiquer librement avec le Siège apostolique ou avec d’autres autorités ecclésiastiques ainsi qu’avec leurs subordonnés.

Assurément, les pasteurs sacrés, du fait même qu’ils pourvoient au bien spirituel de leur troupeau, contribuent aussi, de façon effective, au progrès et à la prospérité dans le domaine social et civil, apportant à cette fin, au titre de leur charge et de la manière qui convient à des évêques, leur concours actif aux autorités publiques et recommandant l’obéissance aux lois justes et le respect des pouvoirs légitimement établis.


20 Puisque la fonction apostolique des évêques a été instituée par le Christ Seigneur et qu’elle poursuit une fin spirituelle et surnaturelle, le saint Concile oecuménique déclare que le droit de nommer et d’instituer des évêques est un droit propre, particulier et de soi exclusif, de l’autorité ecclésiastique compétente.

C’est pourquoi, pour protéger comme de droit la liberté de l’Église et pour promouvoir de façon mieux appropriée et plus aisée le bien des fidèles, le saint Concile forme le voeu que dorénavant ne soient plus accordés aux autorités civiles aucun droit ni aucun privilège pour l’élection, la nomination, la présentation ou la désignation en vue de la charge épiscopale ; quant aux autorités civiles, dont le saint Concile reconnaît avec gratitude et tient en haute estime les dispositions bienveillantes envers l’Église, elles sont très courtoisement priées de bien vouloir renoncer de leur propre gré, après entente avec le Siège apostolique, aux droits et privilèges susdits dont elles jouissent actuellement en vertu d’une convention ou d’une coutume.


21 Puisque la charge pastorale des évêques est d’une si haute importance et d’une telle gravité, les évêques diocésains et tous les autres qui leur sont équiparés en droit, sont instamment priés de donner leur démission, soit de leur propre mouvement soit sur invitation de l’autorité compétente, si, en raison de leur âge avancé et pour un autre motif grave, ils sont moins aptes à accomplir leur tâche. L’autorité compétente, si elle accepte cette démission, veillera à pourvoir aux moyens appropriés de subsistance des démissionnaires et à leur assurer les droits particuliers qui leur reviennent.


II. La délimitation des diocèses

22 Pour qu’un diocèse réalise sa fin propre, il faut que la nature de l’Église se manifeste clairement dans la portion du Peuple de Dieu qui relève de ce diocèse, que les évêques puissent s’acquitter efficacement de leur charge pastorale au bénéfice de celui-ci et qu’enfin le ministère en vue du salut du Peuple de Dieu puisse s’y exercer de la manière la plus parfaite possible.

Or cela demande soit une délimitation convenable des frontières territoriales des diocèses, soit une répartition des clercs et des ressources raisonnable et adaptée aux exigences de l’apostolat. Tout cela contribue non seulement au bien des clercs et des fidèles, directement concernés, mais aussi à celui de l’Église catholique tout entière.

C’est pourquoi, pour ce qui est de la délimitation des diocèses, le saint Concile décrète que, dans la mesure où le bien des âmes l’exige, on procède avec prudence, au plus tôt, à une révision appropriée, en divisant, en démembrant ou en regroupant des diocèses, en modifiant leurs limites ou en fixant un lieu plus approprié pour les sièges épiscopaux, ou enfin, surtout s’il s’agit de diocèses composés de grandes villes, en mettant en place une nouvelle organisation intérieure.


23 Dans la révision des circonscriptions diocésaines, il faut garantir avant tout l’unité organique de chaque diocèse sous le rapport des personnes, des offices et des institutions, à la façon d’un corps vivant harmonieusement agencé. Dans chaque cas, après avoir soigneusement examiné toutes les circonstances, on prendra en considération les critères généraux suivants :

1. Pour la délimitation du territoire diocésain, on tiendra compte, autant que faire se peut, de la composition diversifiée du Peuple de Dieu, ce qui peut grandement contribuer à un exercice mieux approprié de la charge pastorale ; en même temps on prendra soin de conserver, autant que possible, l’unité entre les concentrations démographiques de ce Peuple et les services civils et les institutions sociales qui en constituent la structure organique. C’est pourquoi le territoire de chaque diocèse doit être d’un seul tenant.

Le cas échéant, on sera attentif aux limites des circonscriptions civiles et aux conditions spécifiques des personnes ou des lieux, par exemple d’ordre psychologique, économique, géographique, historique.

2. L’étendue du territoire diocésain ou le nombre de ses habitants seront en général tels que, d’une part, l’évêque, même s’il est aidé par d’autres, soit en mesure d’accomplir personnellement les cérémonies pontificales et de faire convenablement les visites pastorales, de diriger et de coordonner comme il convient toutes les oeuvres d’apostolat dans le diocèse, et surtout de connaître ses prêtres ainsi que les religieux et les laïcs qui apportent leur concours pour les activités diocésaines, et que, d’autre part, soit offert un champ d’action suffisamment vaste et convenable, dans lequel soit l’évêque soit les clercs pourront utilement vouer toutes leurs forces au ministère, en ne perdant pas de vue les besoins de l’Église tout entière.

3. Enfin, pour que le ministère du salut puisse s’exercer dans le diocèse d’une façon mieux appropriée, on retiendra comme règle que chaque diocèse doit avoir à sa disposition des clercs qui, par leur nombre et leurs aptitudes, soient au moins suffisants pour paître comme il se doit le Peuple de Dieu ; que ne manquent pas les services, institutions et oeuvres qui sont propres à une Église particulière et dont la nécessité pour le bon gouvernement et l’oeuvre apostolique est prouvée par l’usage ; enfin que les ressources pour l’entretien des personnes et des institutions soient disponibles ou, du moins, qu’on puisse prévoir en toute prudence que, venant d’ailleurs, elles ne feront pas défaut.

A cette même fin, là où se trouvent des fidèles de rites différents, l’évêque diocésain devra pourvoir à leurs besoins spirituels soit par des prêtres ou des paroisses de même rite, soit par un vicaire épiscopal muni des pouvoirs appropriés et, le cas échéant, revêtu du caractère épiscopal, soit par lui-même en exerçant la charge d’Ordinaire des divers rites. Si, pour des raisons spéciales, tout cela n’est pas possible au jugement du Siège apostolique, une hiérarchie propre sera établie en fonction de la diversité des rites 16.

De même, dans des circonstances semblables, on devra s’occuper des fidèles d’une langue différente, soit par l’intermédiaire de prêtres ou de paroisses de leur langue, soit par l’intermédiaire d’un vicaire épiscopal possédant bien cette langue et, le cas échéant, revêtu du caractère épiscopal, soit enfin grâce à des solutions plus opportunes.

16 Cf. Conc. Vat. II, décr. Orientalium Ecclesiarum, sur les Églises catholiques orientales, 21 nov. 1964, n. 4, AAS 57 (1965), p. 77 (Voir p. 170.)


Christus Dominus 2