Compendium Doctrine sociale 219

b) Le sacrement du mariage


219 La réalité humaine et originelle du mariage est, par institution du Christ, vécue par les baptisés, sous la forme surnaturelle du sacrement, signe et instrument de grâce. L'histoire du salut est parcourue par le thème de l'alliance sponsale, expression significative de la communion d'amour entre Dieu et les hommes et clef symbolique pour comprendre les étapes de la grande Alliance entre Dieu et son peuple.485 Le centre de la révélation du projet d'amour divin est le don que Dieu fait à l'humanité de son Fils Jésus-Christ, « l'époux qui aime et qui se donne comme Sauveur de l'humanité en se l'unissant comme son corps. Il révèle la vérité originelle du mariage, la vérité du “commencement” (cf. Gn Gn 2,24 Mt Mt 19,5) et, en libérant l'homme de la dureté du coeur, le rend capable de la réaliser entièrement ».486 C'est de l'amour sponsal du Christ pour l'Église, qui montre sa plénitude dans l'offrande consumée sur la Croix, que naît le caractère sacramentel du mariage, dont la grâce conforme l'amour des époux à l'Amour du Christ pour l'Église. Le mariage, en tant que sacrement, est une alliance d'un homme et d'une femme dans l'amour.487


220 Le sacrement du mariage assume la réalité humaine de l'amour conjugal avec toutes ses implications et « rend les époux et les parents chrétiens capables de vivre leur vocation de laïcs (...) et donc de “chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu” ».488 Intimement unie à l'Église en vertu du lien sacramentel qui en fait une Église domestique ou petite Église, la famille chrétienne est appelée « à être un signe d'unité pour le monde et à exercer dans ce sens son rôle prophétique, en témoignant du Royaume et de la paix du Christ, vers lesquels le monde entier est en marche ».489

La charité conjugale, qui jaillit de la charité même du Christ, offerte à travers le Sacrement, rend les époux chrétiens témoins d'une socialité nouvelle, inspirée de l'Évangile et du mystère pascal. La dimension naturelle de leur amour est constamment purifiée, consolidée et élevée par la grâce sacramentelle. De la sorte, non seulement les époux chrétiens s'aident mutuellement sur le chemin de la sanctification, mais ils deviennent le signe et l'instrument de la charité du Christ dans le monde. Par leur vie même, ils sont appelés à être témoins et annonciateurs du sens religieux du mariage, que la société actuelle a toujours plus de mal à reconnaître, en particulier quand elle accueille des visions relativistes, notamment du fondement naturel de l'institution matrimoniale.

III. LA SUBJECTIVITÉ SOCIALE DE LA FAMILLE


a) L'amour et la formation d'une communauté de personnes


221 La famille se propose comme espace de la communion, si nécessaire dans une société toujours plus individualiste, dans lequel il faut faire grandir une authentique communauté de personnes 490 grâce à l'incessant dynamisme de l'amour, qui est la dimension fondamentale de l'expérience humaine et qui trouve précisément dans la famille un lieu privilégié pour se manifester: « L'amour amène l'homme à se réaliser par le don désintéressé de lui-même. Aimer signifie donner et recevoir ce qu'on ne peut ni acquérir ni vendre, mais seulement accorder librement et mutuellement ».491

Grâce à l'amour, réalité essentielle pour définir le mariage et la famille, chaque personne, homme et femme, est reconnue, accueillie et respectée dans sa dignité. De l'amour naissent des rapports vécus à l'enseigne de la gratuité, qui « en respectant et en cultivant en tous et en chacun le sens de la dignité personnelle comme source unique de valeur, se transforme en accueil chaleureux, rencontre et dialogue, disponibilité généreuse, service désintéressé, profonde solidarité ».492 L'existence de familles qui vivent dans un tel esprit met à nu les carences et les contradictions d'une société guidée principalement, sinon exclusivement, par des critères d'efficacité et de fonctionnalité. La famille, qui vit en construisant chaque jour un réseau de rapports interpersonnels, internes et externes, apparaît en revanche comme « un apprentissage fondamental et irremplaçable de vie sociale, un exemple et un encouragement pour des relations communautaires élargies, caractérisées par le respect, la justice, le sens du dialogue, l'amour ».493


222 L'amour s'exprime aussi à travers une attention prévenante envers les personnes âgées qui vivent dans la famille: leur présence peut revêtir une grande valeur. Elles sont un exemple de lien entre les générations, une ressource pour le bien-être de la famille et de la société tout entière: « Elles peuvent non seulement témoigner qu'il y a des secteurs de la vie, comme les valeurs humaines et culturelles, morales et sociales, qui ne se mesurent pas en termes économiques et de profit, mais elles peuvent aussi offrir un apport concret dans le domaine du travail et de la responsabilité. Il s'agit en définitive, non seulement de faire quelque chose en faveur des personnes âgées, mais aussi d'accepter ces personnes comme des partenaires responsables, en tenant compte de leurs moyens, et comme des acteurs de projets communs, au niveau de la réflexion, du dialogue et de l'action ».494 Comme le dit l'Écriture Sainte, les personnes « dans la vieillesse portent encore du fruit » (Ps 92,15). Les personnes âgées constituent une importante école de vie, capable de transmettre des valeurs et des traditions et de favoriser la croissance des plus jeunes, qui apprennent ainsi à rechercher non seulement leur propre bien, mais aussi celui des autres. Si les personnes âgées se trouvent dans une situation de souffrance et de dépendance, elles ont non seulement besoin de soins médicaux et d'une assistance appropriée, mais surtout d'être traitées avec amour.


223 L'être humain est fait pour aimer et sans amour il ne peut pas vivre. Quand il se manifeste dans le don total de deux personnes dans leur complémentarité, l'amour ne peut pas être réduit aux émotions et aux sentiments ni, encore moins, à sa seule expression sexuelle. Une société qui tend toujours davantage à relativiser et à banaliser l'expérience de l'amour et de la sexualité exalte les aspects éphémères de la vie et en voile les valeurs fondamentales: il devient on ne peut plus urgent d'annoncer et de témoigner que la vérité de l'amour et de la sexualité conjugale existe là où se réalise un don entier et total des personnes, avec les caractéristiques de l'unité et de lafidélité.495 Cette vérité, source de joie, d'espérance et de vie, demeure impénétrable et impossible à atteindre tant que l'on reste enfermé dans le relativisme et le scepticisme.


224 Face aux théories qui ne considèrent l'identité de genre que comme un produit culturel et social dérivant de l'interaction entre la communauté et l'individu, faisant abstraction de l'identité sexuelle personnelle et sans aucune référence à la véritable signification de la sexualité, l'Église ne se lassera pas de réaffirmer son enseignement: « Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et d'accepter son identité sexuelle. La différence et lacomplémentarité physiques, morales et spirituelles sont orientées vers les biens du mariage et l'épanouissement de la vie familiale. L'harmonie du couple et de la société dépend en partie de la manière dont sont vécus entre les sexes la complémentarité, le besoin et l'appui mutuels ».496Cette perspective fait considérer comme un devoir la conformation du droit positif à la loi naturelle, selon laquelle l'identité sexuelle est indisponible, car elle constitue la condition objective pour former un couple dans le mariage.


225 La nature de l'amour conjugal exige la stabilité du rapport matrimonial et son indissolubilité. L'absence de ces conditions porte préjudice au rapport d'amour exclusif et total spécifique au lien conjugal, avec de graves souffrances pour les enfants et des conséquences néfastes aussi dans le tissu social.

La stabilité et l'indissolubilité de l'union matrimoniale ne doivent pas être confiées exclusivement à l'intention et à l'engagement des personnes impliquées individuellement: la responsabilité de la tutelle et de la promotion de la famille comme institution naturelle fondamentale, précisément en raison de ses aspects vitaux et incontournables, revient plutôt à la société tout entière. La nécessité de conférer un caractère institutionnel au mariage, en le fondant sur un acte public, socialement et juridiquement reconnu, dérive d'exigences basilaires de nature sociale.

L'introduction du divorce dans les législations civiles a alimenté une vision relativiste du lien conjugal et s'est largement manifestée comme une « véritable plaie sociale ».497 Les couples qui conservent et développent les biens de la stabilité et de l'indissolubilité « assument (...) d'une manière humble et courageuse, la tâche qui leur a été donnée, d'être dans le monde un “signe” — signe discret et précieux, parfois soumis à la tentation, mais toujours renouvelé — de la fidélité inlassable de l'amour de Dieu et de Jésus-Christ pour tous les hommes, pour tout homme ».498


226 L'Église n'abandonne pas à eux-mêmes ceux qui, après un divorce, se sont remariés. Elle prie pour eux, les encourage dans les difficultés d'ordre spirituel qu'ils rencontrent et les soutient dans la foi et dans l'espérance. De leur côté, ces personnes, en tant que baptisées, peuvent et même doivent participer à la vie ecclésiale: elles sont exhortées à écouter la Parole de Dieu, à fréquenter le sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à faire croître les oeuvres de charité et les initiatives de la communauté en faveur de la justice et de la paix, à éduquer leurs enfants dans la foi, à cultiver l'esprit et les oeuvres de pénitence pour implorer ainsi, de jour en jour, la grâce de Dieu.

Dans le sacrement de la pénitence, la réconciliation — qui ouvrirait la voie au sacrement eucharistique — ne peut être accordée qu'à ceux qui, repentis, sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l'indissolubilité du mariage.499

En agissant de la sorte, l'Église professe sa fidélité au Christ ainsi qu'à sa vérité; en même temps, elle se comporte avec une âme maternelle envers ses enfants, spécialement envers ceux qui, sans faute de leur part, ont été abandonnés par leur conjoint légitime. Avec une ferme confiance, elle croit que ceux aussi qui se sont éloignés du commandement du Seigneur et qui vivent encore dans cet état pourront obtenir de Dieu la grâce de la conversion et du salut, s'ils ont su persévérer dans la prière, dans la pénitence et dans la charité.500


227 Les unions de fait, dont le nombre a progressivement augmenté, se basent sur une fausse conception de la liberté de choix des individus 501 et sur une vision tout à fait privée du mariage et de la famille. Le mariage n'est pas un simple pacte de vie en commun, mais bien une relation ayant une dimension sociale unique par rapport à toutes les autres, dans la mesure où la famille, pourvoyant au soin et à l'éducation des enfants, se présente comme l'instrument primordial de la croissance intégrale de toute personne et de son insertion positive dans la vie sociale.

La mise éventuelle sur un pied d'égalité de la famille et des « unions de fait » au plan juridique se traduirait par un discrédit du modèle de famille, qui ne peut se réaliser dans une relation précaire entre les personnes,502 mais seulement dans une union permanente engendrée par le mariage, c'est-à-dire par le pacte entre un homme et une femme, fondé sur un choix réciproque accompli librement, qui implique la pleine communion conjugale orientée vers la procréation.


228 Un problème particulier lié aux unions de fait a trait à la demande de reconnaissance juridique des unions homosexuelles, qui fait toujours plus l'objet d'un débat public. Seule une anthropologie répondant à la pleine vérité de l'homme peut donner une réponse appropriée à ce problème, qui présente différents aspects, tant sur le plan social que sur le plan ecclésial.503C'est à la lumière de cette anthropologie « qu'apparaît (...) incongrue la volonté d'attribuer une réalité “conjugale” à l'union entre des personnes du même sexe. En premier lieu s'y oppose l'impossibilité objective de faire fructifier le mariage à travers la transmission de la vie, selon le projet de Dieu inscrit dans la structure même de l'être humain. En outre, l'absence des présupposés pour cette complémentarité interpersonnelle que le Créateur a voulue, tant sur le plan physique et biologique que sur celui éminemment psychologique, entre l'homme et la femme, constitue un obstacle. Ce n'est que dans l'union entre deux personnes sexuellement différentes que peut s'accomplir le perfectionnement de l'individu, dans une synthèse d'unité et de complémentarité psycho- physique mutuelle ».504

La personne homosexuelle doit être pleinement respectée dans sa dignité 505 et encouragée à suivre le plan de Dieu avec un engagement particulier dans l'exercice de la chasteté.506 Un tel respect ne signifie pas la légitimation de comportements non conformes à la loi morale, ni encore moins la reconnaissance d'un droit au mariage entre personnes du même sexe, entraînant l'assimilation de leur union à la famille.507 « Si, du point de vue juridique, le mariage entre deux personnes de sexe différent était considéré seulement comme une des formes de mariage possible, l'idée de mariage subirait un changement radical, et ce, au détriment grave du bien commun. En mettant sur un plan analogue l'union homosexuelle, le mariage ou la famille, l'État agit arbitrairement et entre en contradiction avec ses propres devoirs ».508


229 La solidité du noyau familial est une ressource déterminante pour la qualité de la vie sociale en commun; par conséquent, la communauté civile ne peut pas rester indifférente face aux tendances de désagrégation qui minent à la base ses colonnes portantes. Si une législation peut parfois tolérer des comportements moralement inacceptables,509 elle ne doit jamais affaiblir la reconnaissance du mariage monogamique indissoluble comme unique forme authentique de la famille. Il est donc nécessaire que les autorités publiques, « résistant à ces tendances qui désagrègent la société elle-même et sont dommageables pour la dignité, la sécurité et le bien-être des divers citoyens, s'emploient à éviter que l'opinion publique ne soit entraînée à sous-estimer l'importance institutionnelle du mariage et de la famille ».510

La communauté chrétienne et tous ceux qui ont à coeur le bien de la société ont le devoir de réaffirmer que « la famille, bien plus qu'une simple unité juridique, sociologique ou économique, constitue une communauté d'amour et de solidarité, apte de façon unique à enseigner et à transmettre des valeurs culturelles, éthiques, sociales, spirituelles et religieuses essentielles au développement et au bien-être de ses propres membres et de la société ».511

b) La famille est le sanctuaire de la vie


230 L'amour conjugal est, par nature, ouvert à l'accueil de la vie.512 C'est dans le devoir de procréation que se révèle de façon éminente la dignité de l'être humain, appelé à se faire l'interprète de la bonté et de la fécondité qui descendent de Dieu: « Tout en étantbiologiquement semblables à celles d'autres êtres de la nature, la paternité et la maternité humaines ont en elles-mêmes, d'une manière essentielle et exclusive, une “ressemblance” avec Dieu, sur laquelle est fondée la famille entendue comme communauté de vie humaine, comme communauté de personnes unies dans l'amour (communio personarum) ».513

La procréation exprime la subjectivité sociale de la famille et fait naître un dynamisme d'amour et de solidarité entre les générations qui est à la base de la société. Il faut redécouvrir la valeur sociale d'élément du bien commun inhérent à tout nouvel être humain: chaque enfant « fait don de lui-même à ses frères, à ses soeurs, à ses parents, à toute sa famille. Sa vie devient un don pour les auteurs mêmes de la vie, qui ne pourront pas ne pas sentir la présence de leur enfant, sa participation à leur existence, son apport à leur bien commun et à celui de la communauté familiale ».514


231 La famille fondée sur le mariage est véritablement le sanctuaire de la vie, « le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d'une croissance humaine authentique ».515 Le rôle de la famille est déterminant et irremplaçable pour la promotion et la construction de la culture de la vie 516 contre la diffusion d'une « “contre-civilisation” destructrice, comme le confirment aujourd'hui tant de tendances et de situations de fait ».517

Les familles chrétiennes, en vertu du sacrement reçu, ont la mission particulière d'être témoins et annonciatrices de l'Évangile de la vie. C'est un engagement qui assume dans la société la valeur d'une véritable et courageuse prophétie. C'est la raison pour laquelle « le service de l'Évangile de la vie suppose que les familles, spécialement par leur participation à des associations, s'emploient à obtenir que les lois et les institutions de l'État ne lèsent en aucune façon le droit à la vie, de la conception à la mort naturelle, mais le défendent et le soutiennent ».518


232 La famille contribue de façon éminente au bien social par le biais de la paternité et de la maternité responsables, formes particulières de la participation spéciale des époux à l'oeuvre créatrice de Dieu.519 Le poids d'une telle responsabilité ne peut pas être invoqué pour justifier des replis égoïstes, mais doit guider les choix des époux vers un généreux accueil de la vie: « Par rapport aux conditions physiques, économiques, psychologiques et sociales, la paternité responsable s'exerce soit par la détermination réfléchie et généreuse de faire grandir une famille nombreuse, soit par la décision, prise pour de graves motifs et dans le respect de la loi morale, d'éviter temporairement ou même pour un temps indéterminé une nouvelle naissance ».520 Les motivations qui doivent guider les époux dans l'exercice responsable de la paternité et de la maternité découlent de la pleine reconnaissance de leurs devoirs envers Dieu, envers eux-mêmes, envers la famille et envers la société, dans une juste hiérarchie de valeurs.


233 Quant aux « moyens » de réaliser la procréation responsable, la stérilisation et l'avortement, avant tout, doivent être refusés comme étant moralement illicites.521 Ce dernier, en particulier, constitue un délit abominable et toujours un désordre moral particulièrement grave;522 loin d'être un droit, c'est plutôt un triste phénomène qui contribue gravement à la diffusion d'une mentalité contre la vie, en menaçant dangereusement une vie sociale en commun juste et démocratique.523

Le recours aux moyens contraceptifs sous leurs différentes formes doit également être réfuté:524 ce refus se fonde sur une conception correcte et intégrale de la personne et de la sexualité humaine 525 et revêt la valeur d'une exigence morale pour défendre le véritable développement des peuples.526 Les mêmes raisons d'ordre anthropologique justifient en revanche, comme étant licite, le recours à l'abstinence périodique durant les périodes de fertilité féminine.527 Refuser la contraception et recourir aux méthodes naturelles de régulation des naissances signifie choisir de baser les rapports interpersonnels entre époux sur le respect réciproque et sur l'accueil total, avec des conséquences positives aussi pour la réalisation d'un ordre social plus humain.


234 Seuls les époux peuvent juger de l'intervalle entre les naissances et le nombre des enfants à procréer. C'est leur droit inaliénable, à exercer devant Dieu, en considérant leurs devoirs envers eux-mêmes, envers les enfants déjà nés, la famille et la société.528 L'intervention des pouvoirs publics, dans le cadre de leurs compétences, pour diffuser une information appropriée et adopter des mesures opportunes dans le domaine démographique, doit être effectuée dans le respect des personnes et de la liberté des couples: elle ne peut jamais se substituer à leurs choix;529
les diverses organisations opérant dans ce secteur sont encore moins habilitées à le faire.

Tous les programmes d'aide économique destinés à financer des campagnes de stérilisation et de contraception ou subordonnés à l'acceptation de ces campagnes doivent être moralement condamnés comme des attentats à la dignité de la personne et de la famille. La solution des questions liées à la croissance démographique doit être plutôt recherchée dans le respect simultané aussi bien de la morale sexuelle que de la morale sociale, en encourageant une plus grande justice et une solidarité authentique pour assurer dans tous les cas la dignité à la vie, à commencer par les conditions économiques, sociales et culturelles.


235 Le désir de maternité et de paternité ne justifie aucun « droit à l'enfant », tandis que les droits de l'enfant à naître sont évidents, enfant auquel doivent être garanties des conditions optimales d'existence, grâce à la stabilité de la famille fondée sur le mariage et la complémentarité des deux figures, paternelle et maternelle.530 Le développement rapide de la recherche et de ses applications techniques dans la sphère de la reproduction pose de nouvelles et délicates questions qui interpellent la société et les normes qui régissent la vie sociale en commun.

Il faut réaffirmer comme n'étant pas moralement acceptables toutes les techniques de reproduction — comme le don de sperme ou d'ovocyte, la maternité substitutive, la fécondation artificielle hétérologue — qui prévoient de recourir à l'utérus ou à des gamètes de personnes étrangères au couple conjugal, lésant le droit de l'enfant à naître d'un père et d'une mère qui soient tels du point de vue biologique et juridique, ou qui séparent l'acte unitif de l'acte de procréation en recourant à des techniques de laboratoire, comme l'insémination et la fécondation artificielle homologue, de sorte que l'enfant apparaît comme le résultat d'un acte technique plus que comme le fruit naturel de l'acte humain d'un don total et entier des époux.531 Éviter de recourir aux diverses formes de ce qu'on appelle la procréation assistée, substitutive de l'acte conjugal, signifie respecter — aussi bien chez les parents que chez les enfants qu'ils entendent engendrer — la dignité intégrale de la personne humaine.532 En revanche, les moyens qui se présentent comme une aide à l'acte conjugal ou à la réalisation de ses effets sont licites.533


236 Une question d'une importance sociale et culturelle particulière, en raison des multiples et graves implications morales qu'elle présente, est celle qui se réfère au clonage humain, un terme qui, en soi, dans un sens large, signifie reproduction d'une entité biologique génétiquement identique à celle d'origine. Elle a revêtu, dans la pensée et la pratique expérimentale, différentes significations qui supposent, à leur tour, des procédés divers du point de vue des modalités techniques de réalisation, ainsi que des finalités différentes. Cela peut signifier la simple réplique en laboratoire de cellules ou de portions d'ADN. Mais, plus spécifiquement, aujourd'hui, on entend par là la reproduction d'individus, au stade embryonnaire, par des modalités différentes de la fécondation naturelle et de façon à ce qu'ils soient génétiquement identiques à l'individu dont ils tirent leur origine. Ce type de clonage peut avoir une finalité reproductrice d'embryons humains ou celle soit-disant thérapeutique, tendant à utiliser ces embryons à des fins de recherche scientifique ou plus spécifiquement pour la production de cellules staminales.

Du point de vue éthique, la simple réplique de cellules normales ou de portions d'ADN ne présente pas de problèmes particuliers. Le jugement du Magistère est bien différent sur le clonage proprement dit. Il est contraire à la dignité de la procréation humaine car il est réalisé en l'absence totale de l'acte d'amour personnel entre les époux, ne s'agissant que d'une reproduction agamique et asexuelle.534 En second lieu, ce type de reproduction représente une forme de domination totale sur l'individu reproduit de la part de celui qui le reproduit.535 Le fait que le clonage soit mis en oeuvre pour reproduire des embryons d'où prélever des cellules pouvant être utilisées pour la thérapie n'atténue pas la gravité morale, notamment parce que pour prélever ces cellules, l'embryon doit d'abord être produit puis supprimé.536


237 En tant que ministres de la vie, les parents ne doivent jamais oublier que la dimension spirituelle de la procréation mérite une considération supérieure à celle réservée à tout autre aspect: « La paternité et la maternité représentent une tâche de nature non seulement physique mais spirituelle; car la généalogie de la personne, qui a son commencement éternel en Dieu et qui doit conduire à lui, passe par elles ».537 En accueillant la vie humaine dans l'unité de ses dimensions, physiques et spirituelles, les familles contribuent à la « communion des générations» et apportent de cette façon une contribution essentielle et irremplaçable au développement de la société. Pour cette raison, « la famille a droit à l'aide de la société pour la mise au monde et l'éducation des enfants. Les couples mariés qui ont une famille nombreuse ont droit à une aide appropriée, et ne doivent pas subir de discrimination ».538

c) Le devoir d'éducation


238 À travers l'oeuvre d'éducation, la famille forme l'homme à la plénitude de sa dignité sous toutes ses dimensions, y compris la dimension sociale. En effet, la famille « constitue une communauté d'amour et de solidarité, apte de façon unique à enseigner et à transmettre des valeurs culturelles, éthiques, sociales, spirituelles et religieuses essentielles au développement et au bien-être de ses propres membres et de la société ».539 En exerçant sa mission éducative, la famille contribue au bien commun et constitue la première école de vertus sociales, dont toutes les sociétés ont besoin.540 Les personnes sont aidées en famille à grandir dans la liberté et dans la responsabilité, prémisses indispensables pour remplir toutes sortes de tâches dans la société. En outre, l'éducation permet de communiquer, pour qu'elles soient assimilées et qu'elles deviennent propres à chacun, certaines valeurs fondamentales, nécessaires pour être des citoyens libres, honnêtes et responsables.541


239 La famille joue un rôle tout à fait original et irremplaçable dans l'éducation des enfants.542 L'amour des parents, en se mettant au service des enfants pour les aider à tirer d'eux (« e-ducere ») le meilleur d'eux-mêmes, trouve sa pleine réalisation précisément dans la tâche de l'éducation: « De source qu'il était, l'amour des parents devient ainsi l'âme et donc la norme qui inspirent et guident toute l'action éducative concrète, en l'enrichissant des valeurs de douceur, de constance, de bonté, de service, de désintéressement, d'esprit de sacrifice, qui sont les fruits les plus précieux de l'amour ».543

Le droit-devoir des parents d'éduquer leur progéniture est « quelque chose d'essentiel, de par leur lien avec la transmission de la vie; quelque chose d'original et de primordial, par rapport au devoir éducatif des autres, en raison du caractère unique du rapport d'amour existant entre parents et enfants; quelque chose d'irremplaçable et d'inaliénable, qui ne peut donc être totalement délégué à d'autres ni usurpé par d'autres ».544 Les parents ont le droit-devoir de donner une éducation religieuse et une formation morale à leurs enfants: 545 droit qui ne peut être effacé par l'État, mais respecté et encouragé; devoir primordial, que la famille ne peut ni négliger ni déléguer.


240 Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, mais pas les seuls. Il leur revient donc d'exercer avec responsabilité l'oeuvre éducative, en collaboration étroite et vigilante avec les organismes civils et ecclésiaux: « La dimension même de l'homme, communautaire, civile et ecclésiale, exige et suscite une oeuvre plus vaste et plus complexe qui est le fruit de la collaboration bien ordonnée des diverses instances éducatives. Toutes ces institutions sont nécessaires, même si chacune peut et doit intervenir selon sa compétence et apporter sa contribution propre ».546 Les parents ont le droit de choisir les instruments de formation correspondant à leurs convictions et de chercher les moyens qui peuvent les aider dans leur tâche d'éducateurs, notamment dans le domaine spirituel et religieux. Les autorités publiques ont le devoir de garantir ce droit et d'assurer les conditions concrètes qui en permettent l'exercice.547 C'est dans ce contexte que se situe avant tout le thème de la collaboration entre la famille et l'institution scolaire.


241 Les parents ont le droit de fonder et de soutenir des institutions éducatives. Les autorités publiques doivent faire en sorte que « les subsides publics soient répartis de façon telle que les parents soient véritablement libres d'exercer ce droit sans devoir supporter des charges injustes. Les parents ne doivent pas, directement ou indirectement, subir de charges supplémentaires qui empêchent ou limitent indûment l'exercice de cette liberté ».548 Il faut considérer comme une injustice le refus de soutien économique public aux écoles privées qui en ont besoin et qui rendent service à la société civile: « Quand l'État revendique le monopole scolaire, il outrepasse ses droits et offense la justice. (...) L'État ne peut sans injustice se contenter de tolérer les écoles dites privées. Celles-ci rendent un service public et ont en conséquence le droit à être économiquement aidées ».549


242 La famille a la responsabilité d'offrir une éducation intégrale. De fait, toute éducation véritable vise à « former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l'homme est membre et au service desquels s'exercera son activité d'adulte ».550 L'intégralité est assurée quand les enfants — par le témoignage de vie et par la parole — sont éduqués au dialogue, à la rencontre, à la socialité, à la légalité, à la solidarité et à la paix, en cultivant en eux les vertus fondamentales de la justice et de la charité.551

Dans l'éducation des enfants, le rôle maternel et le rôle paternel sont tout aussi nécessaires.552 Les parents doivent donc oeuvrer conjointement. Ils exerceront l'autorité avec respect et délicatesse, mais aussi avec fermeté et vigueur: elle doit être crédible, cohérente, sage et toujours orientée vers le bien intégral des enfants.


243 Les parents ont une responsabilité particulière dans la sphère de l'éducation sexuelle. Il est d'une importance fondamentale, pour une croissance équilibrée, que les enfants apprennent d'une manière ordonnée et progressive la signification de la sexualité et à apprécier les valeurs humaines et morales qui y sont liées: « En raison des liens étroits qui relient la dimension sexuelle de la personne aux valeurs éthiques, le rôle de l'éducation est de conduire les enfants à la connaissance et à l'estime des normes morales comme garantie nécessaire et précieuse d'une croissance personnelle responsable dans la sexualité humaine ».553 Les parents sont tenus de vérifier les modalités par lesquelles s'effectue l'éducation sexuelle dans les institutions éducatives, afin de contrôler qu'un thème aussi important et délicat soit affronté de façon appropriée.


Compendium Doctrine sociale 219