Catéchisme Eglise Cath. 1830

III. Les dons et les Fruits du Saint-Esprit

1830 La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du Saint-Esprit. Ceux-ci sont des dispositions permanentes qui rendent l’homme docile à suivre les impulsions de l’Esprit Saint.


1831 Les sept dons du Saint-Esprit sont la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu. Ils appartiennent en leur plénitude au Christ, Fils de David (cf. Is 11,1-2). Ils complètent et mènent à leur perfection les vertus de ceux qui les reçoivent. Ils rendent les fidèles dociles à obéir avec promptitude aux inspirations divines.

Que ton Esprit bon me conduise sur une terre unie (Ps 143,10).

Tout ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu... Enfants et donc héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8,14 Rm 8,17).


1832 Les fruits de l’Esprit sont des perfections que forme en nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire éternelle. La tradition de l’Église en énumère douze : " charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté " (Ga 5,22-23 vulg.).


En bref

1833 La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien.


1834 Les vertus humaines sont des dispositions stables de l’intelligence et de la volonté, qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles peuvent être regroupées autour de quatre vertus cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance.


1835 La prudence dispose la raison pratique à discerner, en toute circonstance, notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir.


1836 La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui lui est dû.


1837 La force assure, dans les difficultés, la fermeté et la constance dans la poursuite du bien.


1838 La tempérance modère l’attrait des plaisirs sensibles et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés.


1839 Les vertus morales grandissent par l’éducation, par des actes délibérés et par la persévérance dans l’effort. La grâce divine les purifie et les élève.


1840 Les vertus théologales disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu pour origine, pour motif et pour objet, Dieu connu par la foi, espéré et aimé pour Lui-même.


1841 Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité (cf. 1Co 13,13). Elles informent et vivifient toutes les vertus morales.


1842 Par la foi nous croyons en Dieu et nous croyons tout ce qu’Il nous a révélé et que la Sainte Église nous propose à croire.


1843 Par l’espérance nous désirons et attendons de Dieu avec une ferme confiance la vie éternelle et les grâces pour la mériter.


1844 Par la charité nous aimons Dieu par-dessus toute chose et notre prochain comme nous-même pour l’amour de Dieu. Elle est le " lien de la perfection " (Col 3,14) et la forme de toutes les vertus.


1845 Les sept dons du Saint Esprit accordés aux chrétiens sont la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu.

Article 8

Le péché


I. La miséricorde et le péché

1846 L’Evangile est la révélation, en Jésus Christ, de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs (cf. Lc 15). L’ange l’annonce à Joseph : " Tu lui donneras le nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1,21). Il en va de même de l’Eucharistie, sacrement de la Rédemption : " Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26,28).


1847 " Dieu nous a créés sans nous, il n’a pas voulu nous sauver sans nous " (S. Augustin, serm. 169, 11, 13 : PL 38, 923). L’accueil de sa miséricorde réclame de nous l’aveu de nos fautes. " Si nous disons : ‘Nous n’avons pas de péché’, nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Il est assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier de toute injustice " (1Jn 1,8-9).


1848 Comme l’affirme saint Paul : " Où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé ". Mais pour faire son oeuvre, la grâce doit découvrir le péché pour convertir notre coeur et nous conférer " la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ Notre Seigneur " (Rm 5,20-21). Tel un médecin qui sonde la plaie avant de la panser, Dieu, par sa Parole et par son Esprit, projette une lumière vive sur le péché :

La conversion requiert la mise en lumière du péché, elle contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On peut y voir la preuve de l’action de l’Esprit de vérité au plus profond de l’homme, et cela devient en même temps le commencement d’un nouveau don de la grâce et de l’amour : " Recevez l’Esprit Saint ". Ainsi, dans cette " mise en lumière du péché " nous découvrons un double don : le don de la vérité de la conscience et le don de la certitude de la rédemption. L’Esprit de vérité est le Consolateur (DEV 31).


II. La définition du péché

1849 Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme " une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle " (S. Augustin, Faust. 22, 27 : PL 42, 418 ; S. Thomas d’A., s. th. I-II 71,6).


1850 Le péché est une offense de Dieu : " Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait " (Ps 51,6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne nos coeurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir " comme des dieux ", connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3,5). Le péché est ainsi " amour de soi jusqu’au mépris de Dieu " (S. Augustin, ). Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l’obéissance de Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2,6-9).


1851 C’est précisément dans la Passion où la miséricorde du Christ va le vaincre, que le péché manifeste le mieux sa violence et sa multiplicité : incrédulité, haine meurtrière, rejet et moqueries de la part des chefs et du peuple, lâcheté de Pilate et cruauté des soldats, trahison de Judas si dure à Jésus, reniement de Pierre et abandon des disciples. Cependant, à l’heure même des ténèbres et du Prince de ce monde (cf. Jn 14,30), le sacrifice du Christ devient secrètement la source de laquelle jaillira intarissablement le pardon de nos péchés.


III. La diversité des péchés

1852 La variété des péchés est grande. L’Écriture en fournit plusieurs listes. L’épître aux Galates oppose les oeuvres de la chair au fruit de l’Esprit : " On sait bien tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables – et je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes là n’hériteront pas du Royaume de Dieu " (Ga 5,19-21 ; cf. Rm 1,28-32 1Co 6,9-10 Ep 5,3-5 Col 3,5-8 1Tm 1,9-10 2Tm 3,2-5).


1853 On peut distinguer les péchés selon leur objet, comme pour tout acte humain, ou selon les vertus auxquelles ils s’opposent, par excès ou par défaut, ou selon les commandements qu’ils contrarient. On peut les ranger aussi selon qu’ils concernent Dieu, le prochain ou soi-même ; on peut les diviser en péchés spirituels et charnels, ou encore en péchés en pensée, en parole, par action ou par omission. La racine du péché est dans le coeur de l’homme, dans sa libre volonté, selon l’enseignement du Seigneur : " Du coeur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. Voilà les choses qui rendent l’homme impur " (Mt 15,19). Dans le coeur réside aussi la charité, principe des oeuvres bonnes et pures, que blesse le péché.


IV. La gravité du péché : péché mortel et véniel

1854 Il convient d’apprécier les péchés selon leur gravité. Déjà perceptible dans l’Écriture (cf. 1Jn 5,16-17), la distinction entre péché mortel et péché véniel s’est imposée dans la tradition de l’Église. L’expérience des hommes la corrobore.


1855 Le péché mortel détruit la charité dans le coeur de l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu ; il détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur.

Le péché véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et la blesse.


1856 Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu’est la charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de Dieu et une conversion du coeur qui s’accomplit normalement dans le cadre du sacrement de la Réconciliation :

Lorsque la volonté se porte à une chose de soi contraire à la charité par laquelle on est ordonné à la fin ultime, le péché par son objet même a de quoi être mortel... qu’il soit contre l’amour de Dieu, comme le blasphème, le parjure, etc. ou contre l’amour du prochain, comme l’homicide, l’adultère, etc ... En revanche, lorsque la volonté du pécheur se porte quelquefois à une chose qui contient en soi un désordre mais n’est cependant pas contraire à l’amour de Dieu et du prochain, tel que parole oiseuse, rire superflu, etc., de tels péchés sont véniels (S. Thomas d’A., s. th.
I-II 88,2).


1857 Pour qu’un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises : " Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré " (RP 17).


1858 La matière grave est précisée par les Dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche : " Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère " (Mc 10,18). La gravité des péchés est plus ou moins grande : un meurtre est plus grave qu’un vol. La qualité des personnes lésées entre aussi en ligne de compte : la violence exercée contre les parents est de soi plus grave qu’envers un étranger.


1859 Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier consentement. Il présuppose la connaissance du caractère peccamineux de l’acte, de son opposition à la Loi de Dieu. Il implique aussi un consentement suffisamment délibéré pour être un choix personnel. L’ignorance affectée et l’endurcissement du coeur (cf. Mc 3,5-6 Lc 16,19-31) ne diminuent pas, mais augmentent le caractère volontaire du péché.


1860 L’ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser l’imputabilité d’une faute grave. Mais nul n’est censé ignorer les principes de la loi morale qui sont inscrits dans la conscience de tout homme. Les impulsions de la sensibilité, les passions peuvent également réduire le caractère volontaire et libre de la faute, de même que des pressions extérieures ou des troubles pathologiques. Le péché par malice, par choix délibéré du mal, est le plus grave.


1861 Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous pouvons juger qu’un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu.


1862 On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement.


1863 Le péché véniel affaiblit la charité ; il traduit une affection désordonnée pour des biens créés ; il empêche les progrès de l’âme dans l’exercice des vertus et la pratique du bien moral ; il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le péché mortel. Cependant le péché véniel ne rompt pas l’Alliance avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu. " Il ne prive pas de la grâce sanctifiante ou déifiante et de la charité, ni par suite, de la béatitude éternelle " (RP 17) :

L’homme ne peut, tant qu’il est dans la chair, éviter tout péché, du moins les péchés légers. Mais ces péchés que nous disons légers, ne les tiens pas pour anodins : si tu les tiens pour anodins quand tu les pèses, tremble quand tu les comptes. Nombre d’objets légers font une grande masse ; nombre de gouttes emplissent un fleuve ; nombre de grains font un monceau. Quelle est alors notre espérance ? Avant tout, la confession ... (S. Augustin, ep. Jo. 1, 6).


1864 " Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis " (Mt 12,31 cf. Mc 3,29 Lc 12,10). Il n’y a pas de limites à la miséricorde de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la miséricorde de Dieu par le repentir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l’Esprit Saint (cf. DeV DEV 46). Un tel endurcissement peut conduire à l’impénitence finale et à la perte éternelle.


V. La prolifération du péché

1865 Le péché crée un entraînement au péché ; il engendre le vice par la répétition des mêmes actes. Il en résulte des inclinations perverses qui obscurcissent la conscience et corrompent l’appréciation concrète du bien et du mal. Ainsi le péché tend-il à se reproduire et à se renforcer, mais il ne peut détruire le sens moral jusqu’en sa racine.


1866 Les vices peuvent être rangés d’après les vertus qu’ils contrarient, ou encore rattachés aux péchés capitaux que l’expérience chrétienne a distingués à la suite de S. Jean Cassien et de S. Grégoire le Grand (mor. 31, 45 : PL 76, 621A). Ils sont appelés capitaux parce qu’ils sont générateurs d’autres péchés, d’autres vices. Ce sont l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, l’impureté, la gourmandise, la paresse ou acédie.


1867 La tradition catéchétique rappelle aussi qu’il existe des " péchés qui crient vers le ciel ". Crient vers le ciel : le sang d’Abel (cf. Gn 4,10) ; le péché des Sodomites (cf. Gn 18,20 Gn 19,13) ; la clameur du peuple opprimé en Egypte (cf. Ex 3,7-10) ; la plainte de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin (cf. Ex 22,20-22) ; l’injustice envers le salarié (cf. Dt 24,14-15 Jc 5,4).


1868 Le péché est un acte personnel. De plus, nous avons une responsabilité dans les péchés commis par d’autres, quand nous y coopérons :

– en y participant directement et volontairement ;

– en les commandant, les conseillant, les louant ou les approuvant ;

– en ne les révélant pas ou en ne les empêchant pas, quand on y est tenu ;

– en protégeant ceux qui font le mal.


1869 Ainsi le péché rend les hommes complices les uns des autres, fait régner entre eux la concupiscence, la violence et l’injustice. Les péchés provoquent des situations sociales et des institutions contraires à la Bonté divine. Les " structures de péché " sont l’expression et l’effet des péchés personnels. Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour. Dans un sens analogique elles constituent un " péché social " (cf. RP 16).


En bref

1870 " Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde " (Rm 11,32).


1871 Le péché est " une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle. Il est une offense à Dieu. Il se dresse contre Dieu dans une désobéissance contraire à l’obéissance du Christ.


1872 Le péché et un acte contraire à la raison. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine.


1873 La racine de tous les péchés est dans le coeur de l’homme. Leurs espèces et leur gravité se mesurent principalement selon leur objet.


1874 Choisir délibérément, c’est-à-dire en le sachant et en le voulant, une chose gravement contraire à la loi divine et à la fin dernière de l’homme, c’est commettre un péché mortel. Celui-ci détruit en nous la charité sans laquelle la béatitude éternelle est impossible. Sans repentir, il entraîne la mort éternelle.


1875 Le péché véniel constitue un désordre moral réparable par la charité qu’il laisse subsister en nous.


1876 La répétition des péchés, même véniels, engendre les vices parmi lesquels on distingue les péchés capitaux.

Chapitre Deuxième

La communaute humaine


1877 La vocation de l’humanité est de manifester l’image de Dieu et d’être transformée à l’image du Fils Unique du Père. Cette vocation revêt une forme personnelle, puisque chacun est appelé à entrer dans la béatitude divine ; elle concerne aussi l’ensemble de la communauté humaine.

Article 1

La Personne et la Société


I. Le caractère communautaire de la vocation humaine

1878 Tous les hommes sont appelés à la même fin, Dieu lui-même. Il existe une certaine ressemblance entre l’unité des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux, dans la vérité et l’amour (cf. GS 24, § 3). L’amour du prochain est inséparable de l’amour pour Dieu.


1879 La personne humaine a besoin de la vie sociale. Celle-ci ne constitue pas pour elle quelque chose de surajouté, mais une exigence de sa nature. Par l’échange avec autrui, la réciprocité des services et le dialogue avec ses frères, l’homme développe ses virtualités ; il répond ainsi à sa vocation (cf. GS 25, § 1).


1880 Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps : elle recueille le passé et prépare l’avenir. Par elle, chaque homme est constitué " héritier ", reçoit des " talents " qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits (cf. Lc 19,16 Lc 19,19). A juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun.


1881 Chaque communauté se définit par son but et obéit en conséquence à des règles spécifiques, mais " la personne humaine est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales " (GS 25, § 1).


1882 Certaines sociétés, telles que la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme. Elles lui sont nécessaires. Afin de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie sociale, il faut encourager la création d’associations et d’institutions d’élection " à buts économiques, culturels, sociaux, sportifs, récréatifs, professionnels, politiques, aussi bien à l’intérieur des communautés politiques que sur le plan mondial " (MM 60). Cette " socialisation " exprime également la tendance naturelle qui pousse les humains à s’associer, en vue d’atteindre des objectifs qui excèdent les capacités individuelles. Elle développe les qualités de la personne, en particulier, son sens de l’initiative et de la responsabilité. Elle aide à garantir ses droits (cf. GS 25, § 2 ; CA 12).


1883 La socialisation présente aussi des dangers. Une intervention trop poussée de l’Etat peut menacer la liberté et l’initiative personnelles. La doctrine de l’Église a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon celui-ci, " une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun " (CA 48 cf. Pie XI, enc. " Quadragesimo anno ").


1884 Dieu n’a pas voulu retenir pour lui seul l’exercice de tous les pouvoirs. Il remet à chaque créature les fonctions qu’elle est capable d’exercer, selon les capacités de sa nature propre. Ce mode de gouvernement doit être imité dans la vie sociale. Le comportement de Dieu dans le gouvernement du monde, qui témoigne de si grands égards pour la liberté humaine, devrait inspirer la sagesse de ceux qui gouvernent les communautés humaines. Ils ont à se comporter en ministres de la providence divine.


1885 Le principe de subsidiarité s’oppose à toutes les formes de collectivisme. Il trace les limites de l’intervention de l’Etat. Il vise à harmoniser les rapports entre les individus et les sociétés. Il tend à instaurer un véritable ordre international.


II. La Conversion et la Société

1886 La société est indispensable à la réalisation de la vocation humaine. Pour atteindre ce but il faut que soit respectée la juste hiérarchie des valeurs qui " subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles " (CA 36) :

La vie en société doit être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droits et accomplissement des devoirs, émulation dans la recherche du bien moral, communion dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions légitimes, disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de soi-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel. Telles sont les valeurs qui doivent animer et orienter l’activité culturelle, la vie économique, l’organisation sociale, les mouvements et les régimes politiques, la législation et toutes les autres expressions de la vie sociale dans sa continuelle évolution (PT 35).


1887 L’inversion des moyens et des fins (cf. CA 41), qui aboutit à donner valeur de fin ultime à ce qui n’est que moyen d’y concourir, ou à considérer des personnes comme de purs moyens en vue d’un but, engendre des structures injustes qui " rendent ardue et pratiquement impossible une conduite chrétienne, conforme aux commandements du Divin Législateur " (Pie XII, discours 1er juin 1941).


1888 Il faut alors faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l’exigence permanente de sa conversion intérieure, afin d’obtenir des changements sociaux qui soient réellement à son service. La priorité reconnue à la conversion du coeur n’élimine nullement, elle impose, au contraire, l’obligation d’apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables pour qu’elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d’y faire obstacle (cf. LG 36).


1889 Sans le secours de la grâce, les hommes ne sauraient " découvrir le sentier, souvent étroit, entre la lâcheté qui cède au mal et la violence qui, croyant le combattre, l’aggrave " (CA 25). C’est le chemin de la charité, c’est-à-dire de l’amour de Dieu et du prochain. La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi : " Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera " (Lc 17,33).


En bref

1890 Il existe une certaine ressemblance entre l’unité des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux.


1891 Pour se développer en conformité avec sa nature, la personne humaine a besoin de la vie sociale. Certaines sociétés, comme la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme.


1892 " La personne humaine est, et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales " (GS 25, § 1).


1893 Il faut encourager une large participation à des associations et des institutions d’élection.


1894 Selon le principe de subsidiarité, ni l’Etat ni aucune société plus vaste ne doivent se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes et des corps intermédiaires.


1895 La société doit favoriser l’exercice des vertus, non y faire obstacle. Une juste hiérarchie des valeurs doit l’inspirer.


1896 Là où le péché pervertit le climat social, il faut faire appel à la conversion des coeurs et à la grâce de Dieu. La charité pousse à de justes réformes. Il n’y a pas de solution à la question sociale en dehors de l’Evangile (cf. CA 3).

Article 2

La participation à la vie sociale


I. L’autorité

1897 " A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient, dans une mesure suffisante, au bien commun " (PT 46).

On appelle " autorité " la qualité en vertu de laquelle des personnes ou des institutions donnent des lois et des ordres à des hommes, et attendent une obéissance de leur part.


1898 Toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei "; enc. " Diuturnum illud "). Celle-ci trouve son fondement dans la nature humaine. Elle est nécessaire à l’unité de la Cité. Son rôle consiste à assurer autant que possible le bien commun de la société.


1899 L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu : " Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attireront la condamnation sur eux-mêmes " (Rm 13,1-2 cf. 1P 2,13-17).


1900 Le devoir d’obéissance impose à tous de rendre à l’autorité les honneurs qui lui sont dus, et d’entourer de respect et, selon leur mérite, de gratitude et de bienveillance les personnes qui en exercent la charge.

On trouve sous la plume du pape S. Clément de Rome la plus ancienne prière de l’Église pour l’autorité politique (cf. déjà
1Tm 2,1-2) :

" Accorde-leur, Seigneur, la santé, la paix, la concorde, la stabilité, pour qu’ils exercent sans heurt la souveraineté que tu leur as remise. C’est toi, Maître, céleste roi des siècles, qui donne aux fils des hommes gloire, honneur et pouvoir sur les choses de la terre. Dirige, Seigneur, leur conseil, suivant ce qui est bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, afin qu’en exerçant avec piété, dans la paix et la mansuétude, le pouvoir que tu leur as donné, ils te trouvent propice " (Cor. 61, 1-2).


1901 Si l’autorité renvoie à un ordre fixé par Dieu, " la détermination des régimes politiques, comme la détermination de leurs dirigeants, doivent être laissées à la libre volonté des citoyens " (GS 74, § 3).

La diversité des régimes politiques est moralement admissible, pourvu qu’ils concourent au bien légitime de la communauté qui les adopte. Les régimes dont la nature est contraire à la loi naturelle, à l’ordre public et aux droits fondamentaux des personnes, ne peuvent réaliser le bien commun des nations auxquelles ils se sont imposés.


1902 L’autorité ne tire pas d’elle-même sa légitimité morale. Elle ne doit pas se comporter de manière despotique, mais agir pour le bien commun comme une " force morale fondée sur la liberté et le sens de la responsabilité " (GS 74, § 2) :

La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il apparaît qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Dans la mesure où elle s’écarterait de la raison, il faudrait la déclarer injuste, car elle ne vérifierait pas la notion de loi ; elle serait plutôt une forme de violence (S. Thomas d’A., s. th. I-II 93,3, ad 2).


1903 L’autorité ne s’exerce légitimement que si elle recherche le bien commun du groupe considéré et si , pour l’atteindre, elle emploie des moyens moralement licites. S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois injustes ou de prendre des mesures contraires à l’ordre moral, ces dispositions ne sauraient obliger les consciences. " En pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression " (PT 51).


1904 " Il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d’autres pouvoirs et par d’autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites. C’est là le principe de ‘l’Etat de droit’ dans lequel la souveraineté appartient à la loi et non pas aux volontés arbitraires des hommes " (CA 44).


II. Le Bien Commun

1905 Conformément à la nature sociale de l’homme, le bien de chacun est nécessairement en rapport avec le bien commun. Celui-ci ne peut être défini qu’en référence à la personne humaine :

Ne vivez point isolés, retirés en vous-mêmes, comme si vous étiez déjà justifiés, mais rassemblez vous pour rechercher ensemble ce qui est de l’intérêt commun (Barnabé, Ep. 4,10).


1906 Par bien commun, il faut entendre " l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection, d’une façon plus totale et plus aisée " (GS 26, § 1 ; cf. GS 74, § 1). Le bien commun intéresse la vie de tous. Il réclame la prudence de la part de chacun, et plus encore de la part de ceux qui exercent la charge de l’autorité. Il comporte trois éléments essentiels :


1907 Il suppose, en premier lieu, le respect de la personne en tant que telle. Au nom du bien commun, les pouvoirs publics se tenus de respecter les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. La société se doit de permettre à chacun de ses membres de réaliser sa vocation. En particulier, le bien commun réside dans les conditions d’exercice des libertés naturelles qui sont indispensables à l’épanouissement de la vocation humaine : " ainsi : droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à la juste liberté, y compris en matière religieuse " (GS 26, § 2).


1908 En second lieu, le bien commun demande le bien-être social et le développement du groupe lui-même. Le développement est le résumé de tous les devoirs sociaux. Certes, il revient à l’autorité d’arbitrer, au nom du bien commun, entre les divers intérêts particuliers. Mais elle doit rendre accessible à chacun ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine : nourriture, vêtement, santé, travail, éducation et culture, information convenable, droit de fonder une famille, etc. (cf. GS 26, § 2).


1909 Le bien commun implique enfin la paix, c’est-à-dire la durée et la sécurité d’un ordre juste. Il suppose donc que l’autorité assure, par des moyens honnêtes, lasécurité de la société et celle de ses membres. Il fonde le droit à la légitime défense personnelle et collective.


1910 Si chaque communauté humaine possède un bien commun qui lui permet de se reconnaître en tant que telle, c’est dans la communauté politique qu’on trouve sa réalisation la plus complète. Il revient à l’Etat de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile, des citoyens et des corps intermédiaires.


1911 Les dépendances humaines s’intensifient. Ils s’étendent peu à peu à la terre entière. L’unité de la famille humaine, rassemblant des êtres jouissant d’une dignité naturelle égale, implique un bien commun universel. Celui-ci appelle une organisation de la communauté des nations capable de " pourvoir aux divers besoins des hommes, aussi bien dans le domaine de la vie sociale (alimentation, santé, éducation ...), que pour faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici ou là (par exemple : l’accueil des réfugiés, l’assistance aux migrants et à leurs familles ...) " (GS 84, § 2).


1912 Le bien commun est toujours orienté vers le progrès des personnes : " L’ordre des choses doit être subordonné à l’ordre des personnes, et non l’inverse " (GS 27, § 3). Cet ordre a pour base la vérité, il s’édifie dans la justice, il est vivifié par l’amour.



Catéchisme Eglise Cath. 1830