Catéchisme Eglise Cath. 1104

L’Esprit Saint actualise le Mystère du Christ

1104 La Liturgie chrétienne non seulement rappelle les événements qui nous ont sauvés, elle les actualise, les rend présents. Le Mystère pascal du Christ est célébré, il n’est pas répété ; ce sont les célébrations qui se répètent ; en chacune d’elle survient l’effusion de l’Esprit Saint qui actualise l’unique Mystère.


1105 L’Épiclèse (" invocation-sur ") est l’intercession en laquelle le prêtre supplie le Père d’envoyer l’Esprit Sanctificateur pour que les offrandes deviennent le corps et le sang du Christ et qu’en les recevant les fidèles deviennent eux-mêmes une vivante offrande à Dieu.


1106 Avec l’Anamnèse, l’Épiclèse est au coeur de chaque célébration sacramentelle, plus particulièrement de l’Eucharistie :

Tu demandes comment le pain devient Corps du Christ, et le vin ... Sang du Christ ? Moi, je te dis : le Saint-Esprit fait irruption et accomplit cela qui surpasse toute parole et toute pensée... Qu’il te suffise d’entendre que c’est par le Saint-Esprit, de même que c’est de la Sainte Vierge et par le Saint-Esprit que le Seigneur, par lui-même et en lui-même, assuma la chair (S. Jean Damascène, f. o. 4, 13 : PG 94, 1142A).


1107 La puissance transformante de l’Esprit Saint dans la Liturgie hâte la venue du Royaume et la consommation du mystère du salut. Dans l’attente et dans l’espérance il nous fait réellement anticiper la communion plénière de la Trinité Sainte. Envoyé par le Père qui exauce l’Épiclèse de l’Église, l’Esprit donne la vie à ceux qui l’accueillent, et constitue pour eux, dès maintenant, " les arrhes " de leur héritage (cf. Ep 1,14 2Co 1,22).


La communion de l’Esprit Saint

1108 Le terme de la mission de l’Esprit Saint dans toute action liturgique est de mettre en communion avec le Christ pour former son Corps. L’Esprit Saint est comme la sève de la Vigne du Père qui porte son fruit dans les sarments (cf. Jn 15,1-17 Ga 5,22). Dans la Liturgie se réalise la coopération la plus intime de l’Esprit Saint et de l’Église. Lui, l’Esprit de Communion, demeure indéfectiblement dans l’Église, et c’est pourquoi l’Église est le grand sacrement de la Communion divine qui rassemble les enfants de Dieu dispersés. Le fruit de l’Esprit dans la Liturgie est inséparablement Communion avec la Trinité Sainte et Communion fraternelle (cf. 1Jn 1,3-7).


1109 L’Épiclèse est aussi la prière pour le plein effet de la communion de l’assemblée au mystère du Christ. " La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit " (2Co 13,13) doit demeurer toujours avec nous et porter des fruits au delà de la célébration eucharistique. L’Église prie donc le Père d’envoyer l’Esprit Saint pour qu’il fasse de la vie des fidèles une vivante offrande à Dieu par la transformation spirituelle à l’image du Christ, le souci de l’unité de l’Église et la participation à sa mission par le témoignage et le service de la charité.

En bref


1110 Dans la liturgie de l’Église Dieu le Père est béni et adoré comme la source de toutes les bénédictions de la création et du salut, dont Il nous a béni en son Fils, pour nous donner l’Esprit de l’adoption filiale.


1111 L’oeuvre du Christ dans la Liturgie est sacramentelle parce que son Mystère de salut y est rendu présent par la puissance de son Esprit Saint ; parce que son Corps, qui est l’Église, est comme le sacrement (signe et instrument) dans lequel l’Esprit Saint dispense le Mystère du salut ; parce qu’à travers ses actions liturgiques, l’Église pérégrinante participe déjà, en avant-goût, à la Liturgie céleste.


1112 La mission de l’Esprit Saint dans la Liturgie de l’Église est de préparer l’Assemblée à rencontrer le Christ ; de rappeler et de manifester le Christ à la foi de l’Assemblée ; de rendre présent et d’actualiser l’oeuvre salvifique du Christ par sa puissance transformante et de faire fructifier le don de la Communion dans l’Église.

Article 2

Le Mystère Pascal dans les Sacrements de ÉGLISE


1113 Toute la vie liturgique de l’Église gravite autour du Sacrifice eucharistique et des sacrements (cf. SC 6). Il y a dans l’Église sept sacrements : le Baptême, la Confirmation ou Chrismation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre, le Mariage (cf. DS 860 DS 1310 DS 1601). Dans cet Article, il s’agit de ce qui est commun aux sept sacrements de l’Église, du point de vue doctrinal. Ce qui leur est commun sous l’aspect de la célébration sera exposé au Chapitre II, et ce qui est propre à chacun d’eux fera l’objet de la Section II.


I. Les sacrements du Christ

1114 " Attachés à la doctrine des saintes Écritures, aux traditions apostoliques ... et au sentiment unanime des Pères ", nous professons que " les sacrements de la Loi nouvelle ont tous été institués par notre Seigneur Jésus-Christ " (DS 1600-1601).


1115 Les paroles et les actions de Jésus durant sa vie cachée et son ministère publique étaient déjà salvifiques. Elles anticipaient la puissance de son mystère pascal. Elles annonçaient et préparaient ce qu’il allait donner à l’Église lorsque tout serait accompli. Les mystères de la vie du Christ sont les fondements de ce que, désormais, par les ministres de son Église, le Christ dispense dans les sacrements, car " ce qui était visible en notre Sauveur est passé dans ses mystères " (S. Léon le Grand, serm. 74, 2 : PL 54, 398A).


1116 " Forces qui sortent " du Corps du Christ (cf. Lc 5,17 Lc 6,19 Lc 8,46), toujours vivant et vivifiant, actions de l’Esprit Saint à l’oeuvre dans son Corps qui est l’Église, les sacrements sont " les chefs-d’oeuvre de Dieu " dans la nouvelle et éternelle Alliance.


II. Les sacrements de l’Église

1117 Par l’Esprit qui la conduit " dans la vérité tout entière " (Jn 16,13), l’Église a reconnu peu à peu ce trésor reçu du Christ et en a précisé la " dispensation ", comme elle l’a fait pour le canon des saintes Écritures et la doctrine de la foi, en fidèle intendante des mystères de Dieu (cf. Mt 13,52 1Co 4,1). Ainsi, l’Église a discernée au cours des siècles que, parmi ses célébrations liturgiques il y en a sept qui sont, au sens propre du terme, des sacrements institués par le Seigneur


1118 Les sacrements sont " de l’Église " en ce double sens qu’ils sont " par elle " et " pour elle ". Ils sont " par l’Église " car celle-ci est le sacrement de l’action du Christ opérant en elle grâce à la mission de l’Esprit Saint. Et ils sont " pour l’Église ", ils sont ces " sacrements qui font l’Église " (S. Augustin, cf. S. Thomas d’A., s. th. III 64,2, ad 3), puisqu’ils manifestent et communiquent aux hommes, surtout dans l’Eucharistie, le Mystère de la Communion du Dieu Amour, Un en trois Personnes.


1119 Formant avec le Christ-Tête " comme une unique personne mystique " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis "), l’Église agit dans les sacrements comme " communauté sacerdotale ", " organiquement structurée " (LG 11) : Par le Baptême et la Confirmation, le peuple sacerdotal est rendu apte à célébrer la Liturgie ; d’autre part, certains fidèles, " revêtus d’un Ordre sacré, sont établis au nom du Christ pour paître l’Église par la parole et la grâce de Dieu " (LG 11).


1120 Le ministère ordonné ou sacerdoce ministériel (LG 10) est au service du sacerdoce baptismal . Il garantit que, dans les sacrements, c’est bien le Christ qui agit par l’Esprit Saint pour l’Église. La mission de salut confiée par le Père à son Fils incarné est confiée aux Apôtres et par eux à leurs successeurs : ils reçoivent l’Esprit de Jésus pour agir en son nom et en sa personne (cf. Jn 20,21-23 Lc 24,47 Mt 28,18-20). Ainsi, le ministre ordonné est le lien sacramentel qui relie l’action liturgique à ce qu’ont dit et fait les Apôtres, et, par eux, à ce qu’a dit et fait le Christ, source et fondement des sacrements.


1121 Les trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre confèrent, en plus de la grâce, un caractère sacramentel ou " sceau " par lequel le chrétien participe au sacerdoce du Christ et fait partie de l’Église selon des états et des fonctions diverses. Cette configuration au Christ et à l’Église, réalisé par l’Esprit, est indélébile (Cc. Trente : DS 1609), elle demeure pour toujours dans le chrétien comme disposition positive pour la grâce, comme promesse et garantie de la protection divine et comme vocation au culte divin et au service de l’Église. Ces sacrements ne peuvent donc jamais être réitérés.


III. Les sacrements de la foi

1122 Le Christ a envoyé ses Apôtres afin que " en son Nom, ils proclament à toutes les nations la conversion en vue de la rémission des péchés " (Lc 24,47). " De toutes les nations faîtes des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit " (Mt 28,19). La mission de baptiser, donc la mission sacramentelle, est impliquée dans la mission d’évangéliser, parce que le sacrement est préparé par la Parole de Dieu et par la foi qui est consentement à cette Parole :

Le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant... La proclamation de la Parole est indispensable au ministère sacramentel, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir (PO 4).


1123 " Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et par les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi " (SC 59).


1124 La foi de l’Église est antérieure à la foi du fidèle, qui est invité à y adhérer. Quand l’Église célèbre les sacrements, elle confesse la foi reçue des Apôtres. De là, l’adage ancien : "Lex orandi, lex credendi " (ou : " Legem credendi lex statuat supplicandi ", selon Prosper d’Aquitaine, Ep. 217, PL 45, 1031) [Ve siècle]). La loi de la prière est la loi de la foi, l’Église croit comme elle prie. La Liturgie est un élément constituant de la sainte et vivante Tradition (cf. DV 8).


1125 C’est pourquoi aucun rite sacramentel ne peut être modifié ou manipulé au gré du ministre ou de la communauté. Même l’autorité suprême dans l’Église ne peut changer la liturgie à son gré, mais seulement dans l’obéissance de la foi et dans le respect religieux du mystère de la liturgie.


1126 Par ailleurs, puisque les sacrements expriment et développent la Communion de foi dans l’Église, la lex orandi est l’un des critères essentiels du dialogue qui cherche à restaurer l’unité des chrétiens (cf. UR 2 et 15).


IV. Sacrements du salut

1127 Célébrés dignement dans la foi, les sacrements confèrent la grâce qu’ils signifient (cf. Cc. Trente : DS 1605 et 1606). Ils sont efficaces parce qu’en eux le Christ lui-même est à l’oeuvre : c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie. Le Père exauce toujours la prière de l’Église de son Fils qui, dans l’épiclèse de chaque sacrement, exprime sa foi en la puissance de l’Esprit. Comme le feu transforme en lui tout ce qu’il touche, l’Esprit Saint transforme en Vie divine ce qui est soumis à sa puissance.


1128 C’est là le sens de l’affirmation de l’Église (cf. Cc. Trente : DS 1608) : les sacrements agissent ex opere operato (littéralement : " par le fait même que l’action est accomplie "), c’est-à-dire en vertu de l’oeuvre salvifique du Christ, accomplie une fois pour toutes. Il s’en suit que " le sacrement n’est pas réalisé par la justice de l’homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu " (S. Thomas d’A., s. th. III 68,8). Dès lors qu’un sacrement est célébré conformément à l’intention de l’Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre. Cependant, les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit.


1129 L’Église affirme que pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut (cf. Cc. Trente : DS 1604). La " grâce sacramentelle " est la grâce de l’Esprit Saint donnée par le Christ et propre à chaque sacrement. L’Esprit guérit et transforme ceux qui le reçoivent en les conformant au Fils de Dieu. Le fruit de la vie sacramentelle, c’est que l’Esprit d’adoption déifie (cf. 2P 1,4) les fidèles en les unissant vitalement au Fils unique, le Sauveur.


V. Les sacrements de la vie éternelle

1130 L’Église célèbre le Mystère de son Seigneur " jusqu’à ce qu’il vienne " et que " Dieu soit tout en tous " (1Co 11,26 1Co 15,28). Dès l’âge apostolique la Liturgie est attirée vers son terme par le gémissement de l’Esprit dans l’Église : " Marana Tha ! " (1Co 16,22). La liturgie participe ainsi au désir de Jésus : " J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous (...) jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu " (Lc 22,15-16). Dans les sacrements du Christ, l’Église reçoit déjà les arrhes de son héritage, elle participe déjà à la vie éternelle, tout en " attendant la bienheureuse espérance et l’avènement de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus " (Tt 2,13). " L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! ... Viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22,17 Ap 22,20).

S. Thomas résume ainsi les différentes dimensions du signe sacramentel : " Le sacrement est le signe qui remémore ce qui a précédé, à savoir la passion du Christ ; qui met en évidence ce qui s’opère en nous par la passion du Christ, à savoir la grâce ; qui pronostique, je veux dire qui annonce à l’avance la Gloire à venir " (S. th. III 60,3).


en bref

1131 Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiées à l’Église, par lesquelles la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les sacrements sont célébrés, signifient et réalisent les grâces propres de chaque sacrement. Ils portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises.


1132 L’Église célèbre les sacrements comme communauté sacerdotale structurée par le sacerdoce baptismal et celui des ministres ordonnés.


1133 L’Esprit Saint prépare aux sacrements par la Parole de Dieu et par la foi qui accueille la Parole dans les coeurs bien disposés. Alors, les sacrements fortifient et expriment la foi.


1134 Le fruit de la vie sacramentelle est à la fois personnel et ecclésial. D’une part ce fruit est pour tout fidèle la vie pour Dieu dans le Christ Jésus ; d’autre part il est pour l’Église croissance dans la charité et dans sa mission de témoignage.

Chapitre deuxième

La célébration sacramentelle du mystère pascal


1135 La catéchèse de la Liturgie implique d’abord l’intelligence de l’économie sacramentelle (chapitre premier). A cette lumière se révèle la nouveauté de sa célébration.Il s’agira donc, dans ce chapitre, de la célébration des sacrements de l’Église. On envisagera ce qui, à travers la diversité des traditions liturgiques, est commun à la célébration des sept sacrements ; ce qui est propre à chacun d’eux sera présenté plus loin. Cette catéchèse fondamentale des célébrations sacramentelles répondra aux questions premières que se posent les fidèles à ce sujet :

– qui célèbre ?

– comment célébrer ?

– quand célébrer ?

– où célébrer ?



Article 1

Célébrer la Liturgie de l'ÉGLISE


I. Qui célèbre ?

1136 La Liturgie est " action " du " Christ tout entier " ( "Christus totus "). Ceux qui dès maintenant la célèbrent au-delà des signes sont déjà dans la Liturgie céleste, là où la célébration est totalement Communion et Fête.


Les célébrants de la Liturgie céleste

1137 L’Apocalypse de S. Jean, lue dans la liturgie de l’Église, nous révèle d’abord " dans le ciel un trône dressé, et siégeant sur le trône, Quelqu’un " (Ap 4,2) : " le Seigneur Dieu " (Is 6,1 cf. Ez 1,26-28). Puis l’Agneau, " immolé et debout " (Ap 5,6 cf. Jn 1,29) : le Christ crucifié et ressuscité, l’unique Grand Prêtre du véritable sanctuaire (cf. He 4,14-15 He 10,19-21 etc. ), le même " qui offre et qui est offert, qui donne et qui est donné " (Liturgie de S. Jean Chrysostome, Anaphore). Enfin, " le fleuve de Vie qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau " (Ap 22,1), l’un des plus beaux symboles du Saint-Esprit (cf. Jn 4,10-14 Ap 21,6).


1138 " Récapitulés " dans le Christ, participent au service de la louange de Dieu et à l’accomplissement de son dessein : les Puissances célestes (cf. Ap 4-5 Is 6,2-3), toute la création (les quatre Vivants), les serviteurs de l’ancienne et de la nouvelle Alliance (les vingt-quatre Vieillards), le nouveau Peuple de Dieu (les cent quarante-quatre mille : cf. Ap 7,1-8 Ap 14,1), en particulier les martyrs " égorgés pour la Parole de Dieu " (Ap 6,9-11), et la toute Sainte Mère de Dieu (la Femme : cf. Ap 12 l’Épouse l’Agneau : cf. Ap 21,9), enfin " une foule immense, impossible à dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue " (Ap 7,9).


1139 C’est à cette Liturgie éternelle que l’Esprit et l’Église nous font participer lorsque nous célébrons le Mystère du salut dans les sacrements.


Les célébrants de la liturgie sacramentelle

1140 C’est toute la Communauté, le Corps du Christ uni à son Chef, qui célèbre. " Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est ‘le sacrement de l’unité’, c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des Évêques. C’est pourquoi elles appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles le manifestent et elles l’affectent ; mais elles atteignent chacun de ses membres, de façon diverse, selon la diversité des ordres, des fonctions et de la participation effective " (SC 26). C’est pourquoi aussi " chaque fois que les rites, selon la nature propre de chacun, comportent une célébration commune, avec fréquentation et participation active des fidèles, on soulignera que celle-ci, dans la mesure du possible, doit l’emporter sur leur célébration individuelle et quasi privée " (SC 27).


1141 L’assemblée qui célèbre est la communauté des baptisés qui, " par la régénération et l’onction de l’Esprit Saint, sont consacrés pour être une maison spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir, moyennant toutes les oeuvres du chrétien, des sacrifices spirituels " (LG 10). Ce " sacerdoce commun " est celui du Christ, unique Prêtre, participé par tous ses membres (cf. LG 10 LG 34 PO 2) :

La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui est, en vertu de son Baptême, un droit et un devoir pour le peuple chrétien " race élue, peuple royal, nation sainte, peuple racheté " (1P 2,9 cf. 1P 2,4-5) (SC 14).


1142 Mais " tous les membres n’ont pas la même fonction " (Rm 12,4). Certains membres sont appelés par Dieu, dans et par l’Église, à un service spécial de la communauté. Ces serviteurs sont choisis et consacrés par le sacrement de l’Ordre, par lequel l’Esprit Saint les rend aptes à agir en la personne du Christ-Tête pour le service de tous les membres de l’Église (cf. PO 2 et 15). Le ministre ordonné est comme " l’icône " du Christ Prêtre. Puisque c’est dans l’Eucharistie que se manifeste pleinement le sacrement de l’Église, c’est dans la présidence de l’Eucharistie que le ministère de l’évêque apparaît d’abord, et en Communion avec lui, celui des prêtres et des diacres.


1143 En vue de servir les fonctions du sacerdoce commun des fidèles, il existe aussi d’autres ministères particuliers, non consacrés par le sacrement de l’Ordre, et dont la fonction est déterminée par les évêques selon les traditions liturgiques et les besoins pastoraux. " Même les servants, les lecteurs, les commentateurs et ceux qui appartiennent à la chorale s’acquittent d’un véritable ministère liturgique " (SC 29).


1144 Ainsi, dans la célébration des sacrements, c’est toute l’assemblée qui est " liturge ", chacun selon sa fonction, mais dans " l’unité de l’Esprit " qui agit en tous. " Dans les célébrations liturgiques, chacun, ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques " (SC 28).


II Comment célébrer ?


Signes et symboles

1145 Une célébration sacramentelle est tissée de signes et de symboles. Selon la pédagogie divine du salut, leur signification s’enracine dans l’oeuvre de la création et dans la culture humaine, se précise dans les événements de l’Ancienne Alliance et se révèle pleinement dans la personne et l’oeuvre du Christ.


1146 Signes du monde des hommes. Dans la vie humaine, signes et symboles occupent une place importante. L’homme étant un être à la fois corporel et spirituel, exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. Comme être social, l’homme a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il en est de même pour sa relation à Dieu.


1147 Dieu parle à l’homme à travers la création visible. Le cosmos matériel se présente à l’intelligence de l’homme pour qu’il y lise les traces de son Créateur (cf. Sg 13,1 Rm 1,19-20 Ac 14,17). La lumière et la nuit, le vent et le feu, l’eau et la terre, l’arbre et les fruits parlent de Dieu, symbolisent à la fois sa grandeur et sa proximité.


1148 En tant que créatures, ces réalités sensibles peuvent devenir le lieu d’expression de l’action de Dieu qui sanctifie les hommes, et de l’action des hommes qui rendent leur culte à Dieu. Il en est de même des signes et des symboles de la vie sociale des hommes : laver et oindre, rompre le pain et partager la coupe peuvent exprimer la présence sanctifiante de Dieu et la gratitude de l’homme devant son Créateur.


1149 Les grandes religions de l’humanité témoignent, souvent de façon impressionnante, de ce sens cosmique et symbolique des rites religieux. La liturgie de l’Église présuppose, intègre et sanctifie des éléments de la création et de la culture humaine en leur conférant la dignité de signes de la grâce, de la création nouvelle en Jésus-Christ.


1150 Signes de l’Alliance. Le peuple élu reçoit de Dieu des signes et des symboles distinctifs qui marquent sa vie liturgique : ce ne sont plus seulement des célébrations de cycles cosmiques et des gestes sociaux, mais des signes de l’Alliance, des symboles des hauts faits de Dieu pour son peuple. Parmi ces signes liturgiques de l’Ancienne Alliance on peut nommer la circoncision, l’onction et la consécration des rois et des prêtres, l’imposition des mains, les sacrifices, et surtout la pâque. L’Église voit en ces signes une préfiguration des sacrements de la Nouvelle Alliance.


1151 Signes assumés par le Christ. Dans sa prédication, le Seigneur Jésus se sert souvent des signes de la création pour faire connaître les mystères du Royaume de Dieu (cf. Lc 8,10). Il accomplit ses guérisons ou souligne sa prédication avec des signes matériels ou des gestes symboliques (cf. Jn 9,6 Mc 7,33-35 Mc 8,22-25). Il donne un sens nouveau aux faits et aux signes de l’Ancienne Alliance, surtout à l’Exode et à la Pâque (cf. Lc 9,31 Lc 22,7-20), car il est lui-même le sens de tous ces signes.


1152 Signes sacramentels. Depuis la Pentecôte, c’est à travers les signes sacramentels de son Église que l’Esprit Saint oeuvre la sanctification. Les sacrements de l’Église n’abolissent pas, mais purifient et intègrent toute la richesse des signes et des symboles du cosmos et de la vie sociale. En outre, ils accomplissent les types et les figures de l’Ancienne Alliance, ils signifient et réalisent le salut opéré par le Christ, et ils préfigurent et anticipent la gloire du ciel.


Paroles et actions

1153 Une célébration sacramentelle est une rencontre des enfants de Dieu avec leur Père, dans le Christ et l’Esprit Saint, et cette rencontre s’exprime comme un dialogue, à travers des actions et des paroles. Certes, les actions symboliques sont elles-mêmes déjà un langage, mais il faut que la Parole de Dieu et la réponse de foi accompagnent et vivifient ces actions, pour que la semence du Royaume porte son fruit dans la bonne terre. Les actions liturgiques signifient ce que la Parole de Dieu exprime : à la fois l’initiative gratuite de Dieu et la réponse de foi de son peuple.


1154 La liturgie de la Parole est partie intégrante des célébrations sacramentelles. Pour nourrir la foi des fidèles, les signes de la Parole de Dieu doivent être mis en valeur : le livre de la Parole (lectionnaire ou évangéliaire), sa vénération (procession, encens, lumière), le lieu de son annonce (ambon), sa lecture audible et intelligible, l’homélie du ministres qui prolonge sa proclamation, les réponses de l’assemblée (acclamations, psaumes de méditation, litanies, confession de foi, ...).


1155 Indissociables en tant que signes et enseignement, la parole et l’action liturgiques le sont aussi en tant que réalisant ce qu’ils signifient. L’Esprit Saint ne donne pas seulement l’intelligence de la Parole de Dieu en suscitant la foi ; par les sacrements il réalise aussi les " merveilles " de Dieu annoncées par la Parole : il rend présent et communique l’oeuvre du Père accomplie par le Fils Bien-aimé.


Chant et musique

1156 " La tradition musicale de l’Église universelle a créé un trésor d’une valeur inestimable qui l’emporte sur les autres arts, du fait surtout que, chant sacré lié aux paroles, il fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle " (SC 112). La composition et le chant des Psaumes inspirés, souvent accompagnés d’instruments de musique, sont déjà étroitement liés aux célébrations liturgiques de l’Ancienne Alliance. L’Église continue et développe cette tradition : " Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés ; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur " (Ep 5,19 cf. Col 3,16-17). " Celui qui chante prie deux fois " (cf. S. Augustin, Ps. 72,1).


1157 Le chant et la musique remplissent leur fonction de signes d’une manière d’autant plus significative qu’ils sont " en connexion plus étroite avec l’action liturgique " (SC 112), selon trois critères principaux : la beauté expressive de la prière, la participation unanime de l’assemblée aux moments prévus et le caractère solennel de la célébration. Ils participent ainsi à la finalité des paroles et des actions liturgiques : la gloire de Dieu et la sanctification des fidèles (cf. SC 112) :

Combien j’ai pleuré à entendre vos hymnes, vos cantiques, les suaves accents dont retentissait votre Église ! Quelle émotion j’en recueillais ! Ils coulaient dans mon oreille, distillant la vérité dans mon coeur. Un grand élan de piété me soulevait, et les larmes ruisselaient sur ma joue, mais elles me faisaient du bien (S. Augustin, conf. 9, 6, 14).


1158 L’harmonie des signes (chant, musique, paroles et actions) est ici d’autant plus expressive et féconde qu’elle s’exprime dans la richesse culturelle propre au peuple de Dieu qui célèbre (cf. SC 119). C’est pourquoi le " chant religieux populaire sera intelligemment favorisé, pour que, dans les exercices pieux et sacrés, et dans les actions liturgiques elles-mêmes ", conformément aux normes de l’Église, " la voix des fidèles puisse se faire entendre " (SC 118). Mais, " les textes destinés au chant sacré seront conformes à la doctrine catholique et même seront tirés de préférence des Saintes Écritures et des sources liturgiques " (SC 121).


Les saintes images

1159 L’image sacrée, l’Icône liturgique, représente principalement le Christ. Elle ne peut pas représenter le Dieu invisible et incompréhensible ; c’est l’Incarnation du Fils de Dieu qui a inauguré une nouvelle " économie " des images :

Autrefois Dieu qui n’a ni corps, ni figure, ne pouvait absolument pas être représenté par une image. Mais maintenant qu’il s’est fait voir dans la chair et qu’il a vécu avec les hommes, je peux faire une image de ce que j’ai vu de Dieu ... Le visage découvert, nous contemplons la gloire du Seigneur (S. Jean Damascène, imag. 1, 16 : PG 96, 1245A).


1160 L’iconographie chrétienne transcrit par l’image le message évangélique que l’Écriture Sainte transmet par la parole. Image et Parole s’éclairent mutuellement :

Pour dire brièvement notre profession de foi, nous conservons toutes les traditions de l’Église écrites ou non écrites qui nous ont été transmises sans changement. L’une d’elle est la représentation picturale des images, qui s’accorde avec la prédication de l’histoire évangélique, en croyant que, vraiment et non pas en apparence, le Dieu Verbe s’est fait homme, ce qui est aussi utile et aussi profitable, car les choses qui s’éclairent mutuellement ont indubitablement une signification réciproque (Cc. Nicée II, en 787, COD 111).


1161 Tous les signes de la célébration liturgique sont relatifs au Christ : les images sacrées de la sainte Mère de Dieu et des saint le sont aussi. Elles signifient en effet le Christ qui est glorifié en eux. Elles manifestent " la nuée de témoins " (He 12,1) qui continuent à participer au salut du monde et auxquels nous sommes unis, surtout dans la célébration sacramentelle. A travers leurs icônes, c’est l’homme " à l’image de Dieu ", enfin transfiguré " à sa ressemblance " (cf. Rm 8,29 1Jn 3,2), qui se révèle à notre foi, et même les anges, eux aussi récapitulés dans le Christ :

Suivant la doctrine divinement inspirée de nos saints Pères et la tradition de l’Église catholique, dont nous savons qu’elle est la tradition de l’Esprit Saint qui habite en elle, nous définissions en toute certitude et justesse que les vénérables et saintes images, tout comme les représentations de la Croix précieuse et vivifiante, qu’elles soient peintes, en mosaïque ou de quelque autre matière appropriée, doivent être placées dans les saintes églises de Dieu, sur les ustensiles et vêtements sacrés, sur les murs et les tableaux, dans les maisons et dans les chemins, aussi bien l’image de notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, que celle de notre Dame, la toute pure et saint Mère de Dieu, des saints anges, de tous les saints et des justes (Cc. Nicée II : DS 600).


1162 " La beauté et la couleur des images stimulent ma prière. C’est une fête pour mes yeux, autant que le spectacle de la campagne stimule mon coeur pour rendre gloire à Dieu " (S. Jean Damascène, imag. 1, 27 : PG 94, 1268AB). La contemplation des icônes saintes, unie à la méditation de la Parole de Dieu et au chant des hymnes liturgiques, entre dans l’harmonie des signes de la célébration pour que le mystère célébré s’imprime dans la mémoire du coeur et s’exprime ensuite dans la vie nouvelle des fidèles.


III Quand célébrer

Le temps liturgique

1163 " Notre Mère la sainte Église estime qu’il lui appartient de célébrer l’oeuvre salvifique de son divin Époux par une commémoration sacrée, à jours fixes, tout au long de l’année. Chaque semaine, au jour qu’elle a appelé " Jour du Seigneur ", elle fait mémoire de la Résurrection du Seigneur, qu’elle célèbre encore une fois par an, en même temps que sa bienheureuse Passion, par la grande solennité de Pâques. Et elle déploie tout le Mystère du Christ pendant le cycle de l’année... Tout en célébrant ainsi les mystères de la rédemption, elle ouvre aux fidèles les richesses des vertus et des mérites de son Seigneur ; de la sorte, ces mystères sont en quelque manière rendus présents tout au long du temps, les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis par la grâce du salut " (SC 102).


1164 Le peuple de Dieu, dès la loi mosaïque, a connu des fêtes fixes à partir de la Pâque, pour commémorer les actions étonnantes du Dieu Sauveur, lui en rendre grâces, en perpétuer le souvenir et apprendre aux nouvelles générations à y conformer leur conduite. Dans le temps de l’Église, situé entre la Pâque du Christ, déjà accomplie une fois pour toutes, et sa consommation dans le Royaume de Dieu, la liturgie célébrée à des jours fixes est toute empreinte de la Nouveauté du Mystère du Christ.


1165 Lorsque l’Église célèbre le mystère du Christ, il est un mot qui scande sa prière : Aujourd’hui ! , en écho à la prière que lui a apprise son Seigneur (cf. Mt 6,11) et à l’appel de l’Esprit Saint (cf. He 3,7-4,11 Ps 95,7). Cet " aujourd’hui " du Dieu vivant où l’homme est appelé à entrer est " l’Heure " de la Pâque de Jésus qui traverse et porte toute l’histoire :

La vie s’est étendue sur tous les êtres et tous sont remplis d’une large lumière ; l’Orient des orients envahit l’univers, et Celui qui était " avant l’étoile du matin " et avant les astres, immortel et immense, le grand Christ brille sur tous les êtres plus que le soleil. C’est pourquoi, pour nous qui croyons en lui, s’instaure un jour de lumière, long, éternel, qui ne s’éteint pas : la Pâque mystique (S. Hippolyte, pasch. 1-2).



Catéchisme Eglise Cath. 1104