Discours 2005-2013 1080

1080 L'horizon de l'appartenance ontologique à Dieu constitue, en outre, le juste cadre pour comprendre et réaffirmer, également à notre époque, la valeur du célibat sacré, qui dans l'Eglise latine est un charisme requis par l'Ordre sacré(cf. Presbyterorum ordinis PO 16) et qui est tenu en très grande considération dans les Eglises orientales (cf. CCEO CIO 373). Il est l'authentique prophétie du Royaume, signe de la consécration au Seigneur et aux « choses du Seigneur » avec un coeur indivis (1Co 7,32), une expression du don de soi à Dieu et aux autres (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1579).

La vocation du prêtre est donc une très haute vocation, qui reste un grand Mystère également pour ceux qui l'ont reçue en don. Nos limites et nos faiblesses doivent nous pousser à vivre et à conserver avec une foi profonde ce don précieux, avec lequel le Christ nous a configurés à Lui, en nous faisant participer à sa Mission salvifique. En effet, la compréhension du sacerdoce ministériel est liée à la foi et demande, de manière toujours plus forte, une continuité radicale entre la formation du séminaire et la formation continue. La vie prophétique, sans compromis, avec laquelle nous servirons Dieu et le monde, en annonçant l'Evangile et en célébrant les sacrements, favorisera l'avènement du Royaume de Dieu déjà présent et la croissance du Peuple de Dieu dans la foi.

Très chers prêtres, les hommes et les femmes de notre temps nous demandent seulement d'être des prêtres jusqu'au bout et rien d'autre. Les fidèles laïcs trouveront chez tant d'autres personnes ce dont ils ont humainement besoin, mais ce n'est que chez le prêtre qu'ils pourront trouver cette parole de Dieu qui doit toujours être sur ses lèvres (cf. Presbyterorum ordinis PO 4); la Miséricorde du Père, donnée de manière abondante et gratuite dans le sacrement de la Réconciliation; le Pain de la Vie nouvelle, « véritable nourriture donnée aux hommes » (cf. Hymne de l'Office de la Solennité du Corpus Domini du Rite romain). Nous demandons à Dieu, par l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et de saint Jean Marie Vianney, de pouvoir le remercier chaque jour pour le grand don de la vocation et de vivre avec une fidélité pleine et joyeuse notre sacerdoce. Merci à tous pour cette rencontre! Je donne bien volontiers à chacun ma Bénédiction apostolique.


DISCOURS

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE

DU SOUDAN EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Samedi 13 mars 2010



Eminence,
Chers frères évêques,

C'est avec une grande joie que je vous souhaite la bienvenue, évêques du Soudan, à l'occasion de votre visite quinquennale sur les tombes des apôtres Pierre et Paul. Je suis reconnaissant à Mgr Deng Majak pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom. Dans un esprit de communion dans le Seigneur qui nous unit en tant que successeurs des apôtres, je m'unis à vous pour rendre grâce pour le « don le plus sublime » (cf. 1Co 12,31) de charité chrétienne qui est évident dans votre vie et dans le service généreux des prêtres, des religieux hommes et femmes, et des laïcs du Soudan. Votre fidélité au Seigneur et les fruits de votre labeur, malgré les difficultés et les souffrances, rendent un témoignage éloquent du pouvoir de la Croix qui resplendit à travers nos faiblesses et nos limites humaines (cf. 1Co 1,23-24).

Je sais combien avec les fidèles de votre pays, vous désirez la paix, et combien vous vous prodiguez avec patience pour son rétablissement. Ancrés à votre foi et à votre espérance dans le Christ, le prince de la paix, puissiez-vous toujours trouver dans l'Evangile les principes nécessaires pour inspirer votre prédication et votre enseignement, vos jugements et vos actions. Inspirés par ces principes et faisant écho aux justes aspirations de toute la communauté catholique vous avez parlé d'une seule voix en refusant « tout retour à la guerre » et en demandant l'instauration de la paix à chaque niveau de la vie nationale (cf. Déclaration des évêques du Soudan, Pour une paix juste et durable, n. 4).

Si l'on veut que la paix établisse des racines profondes, il faut accomplir des efforts concrets pour diminuer les facteurs qui contribuent aux conflits, en particulier la corruption, les tensions ethniques, l'indifférence et l'égoïsme. Des initiatives dans ce sens se révéleront certainement fécondes si elle sont fondées sur l'intégrité, sur un sens de la fraternité universelle et sur les vertus de la justice, de la responsabilité et de la charité. Les traités et d'autres accords, éléments indispensables au processus de paix, ne porteront des fruits que s'ils sont inspirés et accompagnés par l'exercice d'une conduite mûre et moralement droite.

Je vous exhorte à prendre force de votre récente expérience au cours de l'assemblée spéciale pour l'Afrique du synode des évêques, alors que vous continuez à prêcher la réconciliation et le pardon. Les effets de la violence mettront sans doute des années à s'atténuer, mais le changement des coeurs qui est la condition indispensable pour une paix juste et durable, doit être imploré dès à présent, comme don de la grâce de Dieu. En tant que hérauts de l'Evangile, vous avez cherché à instiller dans votre peuple et dans la société un sens des responsabilités à l'égard des générations actuelles et futures, en encourageant le pardon, l'acceptation réciproque et le respect des engagements pris. De la même manière, vous avez oeuvré pour promouvoir les droits humains fondamentaux à travers l'Etat de droit et vous avez appelé à l'application d'un modèle intégral de développement humain et économique. J'apprécie tout ce que l'Eglise dans votre pays accomplit pour aider les pauvres à vivre avec dignité et respect de soi, à trouver un travail à long terme et à être en mesure d'apporter leur contribution à la société.

En tant que signe et instrument d'une humanité rachetée et réconciliée, l'Eglise fait à présent également l'expérience de la paix du Royaume, à travers sa communion avec le Seigneur. Que votre prédication et votre activité pastorale continuent à être inspirées par une spiritualité de communion, qui unit les esprits et les coeurs en obéissance à l'Evangile, par la participation à la vie sacramentelle de l'Eglise et par la fidélité à votre autorité épiscopale. L'exercice de cette autorité ne devrait jamais être considéré « comme quelque chose d'impersonnel ou de bureaucratique, précisément parce qu'il s'agit d'une autorité qui naît du témoignage » (cf. Pastores gregis ). C'est pourquoi vous devez être vous-mêmes les premiers enseignants et les témoins de notre communion de foi et de l'amour du Christ, en partageant des initiatives communes, en écoutant vos collaborateurs, en aidant les prêtres, les religieux et les fidèles à s'accepter et à se soutenir mutuellement comme des frères et soeurs, sans distinction de race ou de groupe ethnique, dans un échange généreux de dons.
1081 En tant que partie significative de ce témoignage, je vous encourage à consacrer vos énergies à renforcer l'éducation catholique, et donc à préparer les laïcs, en particulier, à apporter un témoignage convaincant du Christ dans chaque aspect de la famille, de la vie politique et sociale. Il s'agit d'une tâche à laquelle l'Université Sainte-Marie de Juba et les mouvements ecclésiaux peuvent apporter une contribution significative. Après les parents, les catéchistes sont le premier anneau dans la chaîne de transmission du précieux trésor de la foi. Je vous exhorte à veiller sur leur formation et sur leurs besoins.

Enfin, je désire exprimer mon appréciation pour vos efforts en vue de conserver de bons rapports avec les fidèle de l'islam. Alors que vous oeuvrez pour promouvoir la coopération dans les initiatives pratiques, je vous encourage à souligner les valeurs que les chrétiens partagent avec les musulmans, comme base pour ce « dialogue de vie » qui est un premier pas essentiel vers un respect et une compréhension interreligieux authentiques. La même ouverture et le même amour devraient être démontrés envers ceux qui appartiennent aux religions traditionnelles.

Chers frères évêques, à travers vous, j'envoie un salut affectueux aux prêtres et aux religieux de votre pays, aux familles et, en particulier, aux enfants. Avec une grande affection, je vous confie aux prières de sainte Bakhita et de saint Daniel Comboni, ainsi qu'à la protection de Marie, Mère de l'Eglise. Je donne à tous de tout coeur ma Bénédiction apostolique, en gage de sagesse, de joie et de force dans le Seigneur.


VISITE À LA COMMUNAUTÉ LUTHÉRIENNE DE ROME Dimanche 14 mars 2010






Chers frères et soeurs,

Je souhaite remercier de tout coeur toute la communauté, vos responsables, en particulier le pasteur Kruse, pour m'avoir invité à célébrer avec vous ce dimanche Laetare, en ce jour où l'élément déterminant est l'espérance, tournée vers la lumière qui, à travers la résurrection du Christ, déchire les ténèbres de notre quotidien, des questions irrésolues de notre vie. Cher pasteur Kruse, vous nous avez exposé le message d'espérance de saint Paul. L'Evangile, tiré du douzième chapitre de Jean, que je voudrais essayer d'expliquer, est aussi un Evangile de l'espérance et, dans le même temps, c'est un Evangile de la Croix. Ces deux dimensions vont de pair: puisque l'Evangile se réfère à la Croix, il parle de l'espérance, et puisqu'il donne l'espérance, il doit parler de la Croix.

Jean nous raconte que Jésus était monté à Jérusalem pour célébrer la Pâque, puis il dit: "Il y avait là aussi quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête". Il s'agissait certainement d'hommes du groupe que l'on appelle phoboumenoi ton Theon, les "Craignants-Dieu" qui, au-delà du polythéisme de leur monde, étaient à la recherche du Dieu authentique qui est vraiment Dieu, à la recherche de l'unique Dieu, auquel appartient le monde entier et qui est le Dieu de tous les hommes. Et ils avaient trouvé ce Dieu, qu'ils réclamaient et qu'ils recherchaient, auquel tout homme aspire en silence, dans la Bible d'Israël, en y reconnaissant ce Dieu qui a créé le monde. Il est le Dieu de tous les hommes et, dans le même temps, il a choisi un peuple concret et un lieu pour être, à partir de là, présent parmi nous. Ce sont des chercheurs de Dieu, et ils sont venus à Jérusalem pour adorer l'unique Dieu, pour savoir quelque chose de son mystère. En outre, l'Evangéliste nous raconte que ces personnes entendent parler de Jésus, vont voir Philippe, l'apôtre originaire de Bethsaïde, où pour moitié l'on parlait en grec, et disent: "Nous voulons voir Jésus". Leur désir de connaître Dieu les pousse à vouloir voir Jésus et, à travers lui, connaître Dieu de plus près. "Nous voulons voir Jésus": une expression qui nous émeut, car nous tous voudrions toujours plus véritablement le voir et le connaître. Je pense que ces Grecs nous intéressent pour deux motifs: d'une part, leur situation est aussi la nôtre, nous aussi nous sommes des pèlerins porteurs de la question sur Dieu, à la recherche de Dieu. Et nous aussi nous voudrions connaître Jésus de plus près, le voir vraiment. Toutefois, il est aussi vrai que, comme Philippe et André, nous devrions être amis de Jésus, des amis qui le connaissent et peuvent ouvrir aux autres le chemin qui porte jusqu'à lui. Et c'est pour cette raison que je pense qu'en cette heure, nous devrions prier ainsi: Seigneur, aide-nous à être des hommes en chemin vers toi. Seigneur, donne-nous de pouvoir te voir toujours davantage. Aide-nous à être tes amis, qui ouvrent aux autres la porte vers toi. Cela conduisit-il effectivement à une rencontre entre Jésus et ces Grecs? Jean ne le dit pas. La réponse de Jésus, qu'il nous rapporte, va bien au-delà de ce moment précis. Il s'agit d'une double réponse: il parle de la glorification de Jésus qui commençait alors: "Voici venue l'heure où doit être glorifié le Fils de l'homme" (Jn 12,23). Le Seigneur explique ce concept de la glorification avec la parabole du grain de blé: "En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (v. 24). En effet, le grain de blé doit mourir, s'ouvrir d'une certaine manière dans le terrain, pour absorber en soi la force de la terre et devenir ainsi tige et fruit. En ce qui concerne le Seigneur, c'est la parabole de son propre mystère. Lui-même est le grain de blé venu de Dieu, le grain de blé divin, qui se laisse tomber sur la terre, qui se laisse ouvrir, briser dans la mort et, précisément à travers cela, il s'ouvre et peut ainsi porter du fruit dans l'immensité du monde. Il ne s'agit plus seulement d'une rencontre avec telle ou telle personne pour un moment. A présent, en tant que ressuscité, il est "nouveau" et il dépasse les limites du temps et de l'espace. A présent, il parvient véritablement jusqu'aux Grecs. A présent, il se montre à eux et parle avec eux, et ceux-ci parlent avec lui et c'est ainsi que naît la foi, que grandit l'Eglise à partir de tous les peuples, la communauté de Jésus Christ ressuscité, qui deviendra son corps vivant, fruit du grain de blé. Dans cette parabole nous pouvons également trouver une référence au mystère de l'Eucharistie: Lui, qui est le grain de blé, tombe dans la terre et meurt.

Ainsi naît la sainte multiplication du pain de l'Eucharistie, dans laquelle il devient pain pour les hommes en tous temps et en tous lieux.

Ce qu'ici, dans cette parabole, le Seigneur dit de lui, il l'applique à nous dans deux autres versets: "Qui aime sa vie la perd; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle" (v. 25). Je pense que lorsque nous entendons cela, dans un premier moment, cela ne nous plaît pas. Nous voudrions dire au Seigneur: Mais qu'es-tu en train de nous dire, Seigneur? Nous devons haïr notre vie, nous-mêmes? Notre vie n'est-elle donc pas un don de Dieu? N'avons-nous pas été créés à ton image? Ne devrions-nous pas être emplis de reconnaissance et de joie parce que tu nous as donné la vie? Mais la parole de Jésus a une autre signification. Naturellement, le Seigneur nous a donné la vie, et nous en sommes reconnaissants. Gratitude et joie sont des attitudes fondamentales de l'existence chrétienne. Oui, nous pouvons être heureux parce que nous savons que cette vie qui est la mienne vient de Dieu. Elle n'est pas un hasard privé de sens. Je suis désiré et je suis aimé. Lorsque Jésus dit que nous devrions haïr notre propre vie, il entend dire tout autre chose. Je pense ici à deux attitudes fondamentales. L'une est celle pour laquelle je voudrais conserver ma vie pour moi-même, pour laquelle je considère ma vie comme ma propriété, je me considère moi-même comme ma propriété, pour laquelle je voudrais exploiter le plus possible cette vie présente, afin d'avoir vécu beaucoup en vivant pour moi-même. Celui qui le fait, qui vit pour lui-même et s'intéresse uniquement à lui-même, ne se trouve pas, il se perd. C'est précisément le contraire: ne pas prendre la vie, mais la donner. C'est ce que nous dit le Seigneur. Et ce n'est pas en gardant notre vie pour nous que nous la recevons, mais c'est en la donnant, en allant au-delà de nous-mêmes, en ne nous regardant pas nous-mêmes, mais en nous donnant à l'autre dans l'humilité de l'amour, en lui donnant notre vie et en la donnant aux autres. Nous nous enrichissons en nous éloignant de nous-mêmes, en nous libérant de nous-mêmes. En donnant la vie, et non en la gardant, nous recevons véritablement la vie.

Le Seigneur poursuit et affirme, dans un deuxième verset: "Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera" (v. 26). Ce don de soi, qui en réalité est l'essence de l'amour, est identique à la Croix. En effet, la Croix n'est rien d'autre que cette loi fondamentale du grain de blé mort, la loi fondamentale de l'amour: nous ne devenons nous-mêmes que lorsque nous nous donnons. Mais le Seigneur ajoute que ce don de soi, cette acceptation de la Croix, cet éloignement de soi, signifie aller à sa rencontre, en tant que "nous", en le suivant et en prenant le chemin du grain de blé, nous trouvons le chemin de l'amour, qui semble tout d'abord un chemin de tribulation et de fatigue, mais précisément pour cette raison, c'est le chemin du salut. Au chemin de la Croix, qui est le chemin de l'amour, de la perte de soi et du don de soi, appartient la sequela, le fait d'aller avec lui qui est, lui-même, le chemin, la vérité et la vie. Ce concept inclut aussi le fait que cette sequela se réalise dans le "nous", que personne d'entre nous n'a son propre Christ, son propre Jésus, que nous ne pouvons le suivre que si nous marchons tous ensemble avec lui, en entrant dans ce "nous" et en apprenant avec lui son amour qu'il donne. La sequela se réalise dans ce "nous". Cela fait partie du fait d'être chrétiens, cet "être nous" dans la communauté de ses disciples. Et cela nous pose la question de l'oecuménisme: la tristesse d'avoir brisé ce "nous", d'avoir subdivisé l'unique chemin en tant de voies, et ainsi s'en trouve voilé le témoignage que nous devrions rendre de cette manière, et l'amour ne peut pas trouver sa pleine expression. Que devrions-nous dire à cet égard? Nous entendons aujourd'hui beaucoup de plaintes sur le fait que l'oecuménisme piétinerait, d'accusations réciproques; je pense toutefois que nous devrions rendre grâce pour la grande unité existante. Il est beau qu'aujourd'hui, dimanche Laetare, nous puissions prier ensemble, entonner les mêmes hymnes, écouter la même parole de Dieu, l'expliquer ensemble et essayer de la comprendre: que nous regardions vers l'unique Christ que nous voyons et auquel nous voulons appartenir et que, de cette manière, nous rendions déjà témoignage qu'il est l'Unique, celui qui nous a tous appelés et auquel, au plus profond, nous appartenons tous. Je crois que nous devrions montrer au monde surtout cela: non pas des litiges et des conflits de toute sorte, mais la joie et la gratitude pour le fait que le Seigneur nous donne cela et qu'il existe une réelle unité, qui peut devenir toujours plus profonde, et qui doit devenir toujours plus un témoignage de la parole du Christ, du chemin du Christ dans ce monde. Naturellement, nous ne devons pas nous contenter de cela, même si nous devons être emplis de gratitude pour cette proximité. Toutefois, le fait que sur des choses essentielles, dans la célébration de l'Eucharistie, nous ne puissions pas boire à la même coupe, nous ne puissions pas nous rassembler autour du même autel, doit nous remplir de tristesse parce que nous portons cette faute, parce que nous portons atteinte à ce témoignage. Cela doit nous motiver intérieurement, sur le chemin vers une plus grande unité, dans la conscience qu'au fond, seul le Seigneur peut nous la donner parce qu'une unité accomplie par nous serait une oeuvre humaine et donc fragile, comme tout ce que les hommes réalisent. Nous nous donnons à lui, nous cherchons toujours davantage à le connaître et à l'aimer, à le voir, et nous le laissons nous conduire ainsi, véritablement, à l'unité pleine, pour laquelle nous le prions urgemment en ce moment.

1082 Chers amis, je souhaite encore une fois vous remercier pour cette invitation que vous m'avez adressée, pour la cordialité avec laquelle vous m'avez accueilli - ainsi que pour vos paroles courtoises, chère Mme Esch. Je rends grâce pour avoir pu prier et chanter ensemble. Prions les uns pour les autres, prions ensemble afin que le Seigneur nous donne l'unité et aide le monde afin qu'il croie. Amen.


TITRE DE CITOYEN D'HONNEUR

REMI PAR LA VILLE DE ROMANO CANAVESE

PAROLES Annexe de la Salle Paul VI Mercredi 17 mars 2010



Monsieur le cardinal,
Chers frères dans l'épiscopat
et chers frères dans le sacerdoce,
Monsieur le maire et Messieurs les conseillers municipaux,
Mesdames et messieurs!

Je suis très heureux de recevoir le titre de citoyen d'honneur de la ville de Romano Canavese, à laquelle je suis lié par des liens d'affection. Tout d'abord parce que c'est le lieu de naissance de mon cher secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, que je connais et estime depuis tant d'années, en particulier depuis que j'étais préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Je désire lui renouveler ma vive reconnaissance pour le précieux service rendu au Saint-Siège. Ensuite, parce que j'ai moi-même eu la joie, le 19 juillet de l'année dernière, de visiter votre ville et de rencontrer la population très active du Canavese. J'adresse à chacun de vous mon salut cordial, en particulier à l'évêque d'Ivrea, Mgr Arrigo Miglio et au maire, M. Oscar Ferrero: merci de vos paroles, merci de vos pensées et de vos prières.

Conférer le titre de citoyen d'honneur atteste l'estime, la proximité et l'affection que vous nourrissez à mon égard; à travers ce geste, dans un certain sens, vous avez voulu m'accueillir dans la grande famille de Romano Canavese, même si ma présence ne pourra pas être physique, mais assurément cordiale et paternelle. Je me sentirai, d'une certaine façon, appartenir à votre histoire glorieuse, qui plonge ses racines au ii siècle avant la naissance du Christ et qui a eu des moments particulièrement importants, en particulier au haut moyen-âge et au xix siècle. Mais ce qui caractérise Romano Canavese est surtout une longue histoire de foi, qui commence par le sang des martyrs, parmi lesquels saint Solutore, et qui parvient jusqu'à nos jours. En cette occasion, je vous renouvelle l'invitation à conserver et à cultiver les valeurs authentiques de votre tradition et de votre culture, qui s'enracinent dans l'Evangile. En particulier l'invitation à témoigner avec un engagement toujours nouveau la foi dans le Seigneur crucifié et ressuscité, l'attachement à la famille, l'esprit de solidarité. Ayez toujours confiance dans l'aide de Dieu, qui n'abandonne jamais ses fils et qui est proche, avec son attention pleine d'amour de ceux qui se prodiguent pour le bien, la paix et la justice.

Chers amis, en vous renouvelant mes sentiments de gratitude, j'invoque sur chacun de vous, sur vos familles et sur tous les citoyens, l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints patrons, afin qu'ils continuent à protéger et à guider votre communauté. Je donne avec affection à chacun de vous et à vos concitoyens, à présent mes concitoyens, une Bénédiction apostolique particulière.


AUX REPRÉSENTANTS DE L'UNION DES INDUSTRIELS ET DES ENTREPRISES DE ROME Salle Clémentine Jeudi 18 mars 2010

18310

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs!

Je suis heureux de souhaiter une cordiale bienvenue à chacun de vous, en cette veille de la fête de saint Joseph, qui est un exemple pour tous ceux qui oeuvrent dans le monde du travail. J'adresse une pensée respectueuse à M. Aurelio Regina, président de l'Union des industriels et des entreprises de Rome, le remerciant pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées. Avec lui, je salue le Conseil et la direction de l'Union.

La réunion du monde de l'entreprise romain, formé en grande partie par de petites et moyennes entreprises, est l'une des plus importantes associations territoriales appartenant à la Confindustria, qui oeuvre aujourd'hui elle aussi dans un contexte caractérisé par la mondialisation, par les effets négatifs de la récente crise financière, par ce qu'on appelle la « financiarisation » de l'économie et des entreprises elles-mêmes. Il s'agit d'une situation complexe, car la crise actuelle a mis à dure épreuve les systèmes économiques et productifs des divers pays. Toutefois, elle doit être vécue avec confiance, car elle peut être considérée comme une opportunité du point de vue de la révision des modèles de développement et d'une nouvelle organisation du monde de la finance, un « temps nouveau » – comme il a été défini – de profonde réflexion.

Dans l'encyclique sociale, Caritas in veritate, j'ai noté que nous venons d'une phase de développement où l'on a privilégié ce qui est matériel et technique par rapport à ce qui est éthique et spirituel, et j'ai encouragé à placer au centre de l'économie et de la finance la personne (cf. n. 25), que le Christ révèle dans sa dignité la plus profonde. En outre, en proposant que la politique ne soit jamais subordonnée aux mécanismes financiers, j'ai sollicité la réforme et la création d'organisations juridiques et politiques internationales (cf. n. 67), proportionnées aux structures mondiales de l'économie et de la finance, pour parvenir plus efficacement au bien commun de la famille humaine. Suivant les traces de mes prédécesseurs, j'ai réaffirmé que l'augmentation du chômage, en particulier des jeunes, l'appauvrissement économique de nombreux travailleurs et l'apparition de nouvelles formes d'esclavage, exigent comme objectif prioritaire l'accès à un travail digne pour tous (cf. nn. 32 et 63). Ce qui guide l'Eglise, dans son choix de promouvoir un tel objectif, est la conviction que le travail est un bien pour l'homme, pour la famille et pour la société, et qu'il est source de liberté et de responsabilité. A la poursuite de ces objectifs participent bien évidemment les entrepreneurs, avec d'autres sujets sociaux, qui doivent être particulièrement encouragés dans leur engagement au service de la société et du bien commun.

Personne n'ignore quels sacrifices il faut affronter pour ouvrir ou garder active sur le marché sa propre entreprise, en tant que « communauté de personnes » qui produit des biens et des services et qui n'a donc pas comme unique but le profit, même s'il est nécessaire. Les petites et les moyennes entreprises ont en particulier toujours davantage besoin de financements, alors que le crédit apparaît moins accessible et que la concurrence est très forte sur les marchés mondialisés, en particulier de la part des pays où n'existent pas – ou sont presque inexistants – les systèmes de protection sociale des travailleurs. Il en dérive que le coût élevé du travail rend les produits et les services moins compétitifs et que de grands sacrifices sont demandés pour ne pas licencier les travailleurs employés et leur permettre de suivre une mise à jour professionnelle.

Dans ce contexte, il est important de savoir vaincre la mentalité individualiste et matérialiste qui suggère de détourner les investissements de l'économie réelle pour privilégier l'introduction des propres capitaux sur les marchés financiers, en vue de rendements plus faciles et plus rapides. Je me permets de rappeler que, en revanche, les voies les plus sûres pour freiner le déclin du système des entreprises sur son propre territoire consistent à se mettre en relation avec d'autres réalités sociales, à investir dans la recherche et l'innovation, à ne pas pratiquer une concurrence injuste entre les entreprises, à ne pas oublier ses devoirs sociaux et à encourager une production de qualité pour répondre aux besoins réels des personnes. Il existe de nombreuses confirmations que la vie d'une entreprise dépend de son attention à tous les sujets avec lesquels elle tisse des relations, du caractère éthique de son projet et de son activité. La crise financière a elle-même montré que, dans un marché bouleversé par des faillites à la chaîne, ceux qui ont résisté sont les sujets économiques capables de suivre des comportements moraux et attentifs aux besoins de leur territoire. Le succès du monde de l'entreprise italien, en particulier dans certaines régions, a toujours été caractérisé par l'importance accordée au réseau de relations que celui-ci a su tisser avec les travailleurs et avec les autres réalités du monde de l'entreprise, à travers des rapports de collaboration et de confiance réciproque. L'entreprise peut être vivante et produire une « richesse sociale » si les entrepreneurs et les managers se laissent guider par un regard clairvoyant, qui préfère l'investissement à long terme au profit spéculatif et qui promeut l'innovation au lieu de penser à accumuler des richesses uniquement pour soi.

L'entrepreneur attentif au bien commun est appelé à toujours envisager son activité dans le cadre d'un tout. Cette approche donne naissance, à travers le dévouement personnel et la fraternité vécue concrètement dans les choix économiques et financiers, à un marché plus compétitif et en même temps plus civilisé, animé par l'esprit de service. Il est clair qu'une telle logique d'entreprise présuppose certaines motivations, une certaine vision de l'homme et de la vie; c'est-à-dire un humanisme qui naît de la conscience d'être appelés, en tant que personnes et communauté, à faire partie de l'unique famille de Dieu, qui nous a créés à son image et ressemblance et qui nous a rachetés dans le Christ; un humanisme qui ravive la charité et se laisse guider par la vérité; un humanisme ouvert à Dieu et précisément pour cela ouvert à l'homme et à une vie entendue comme une mission solidaire et joyeuse (cf. n. 78). Le développement, dans n'importe quel secteur de l'existence humaine, implique également une ouverture au transcendant, à la dimension spirituelle de la vie, à la confiance en Dieu, à l'amour, à la fraternité, à l'accueil, à la justice, à la paix (cf. n. 79). J'ai plaisir à souligner tout cela alors que nous nous trouvons en carême, temps propice pour revoir ses attitudes personnelles profondes et pour s'interroger sur la cohérence entre les fins auxquelles nous tendons et les moyens que nous utilisons.

Mesdames et Messieurs, je vous confie ces réflexions. Et, alors que je vous remercie de votre visite, je forme des voeux de bien pour votre activité économique, ainsi que pour votre activité associative, et je vous donne avec plaisir, ainsi qu'à vos proches, ma Bénédiction apostolique.


CONCERT DONNÉ EN L'HONNEUR DE BENOÎT XVI À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT JOSEPH Salle Clémentine Vendredi 19 mars 2010

19310


Chers amis,

Au terme d'une écoute si intense et spirituellement profonde, le mieux serait de conserver le silence et de prolonger notre méditation. Toutefois, je suis très heureux de vous adresser mon salut et de remercier chacun de vous pour votre présence le jour de ma fête, en particulier tous ceux qui m'ont offert ce don très apprécié. J'exprime ma reconnaissance cordiale au cardinal Tarcisio Bertone, mon secrétaire d'Etat, pour les belles paroles qu'il m'a adressées. Je salue avec affection les autres cardinaux, le cardinal-doyen Angelo Sodano, ainsi que les prélats présents. J'adresse des remerciements particuliers aux musiciens, en commençant par le Maître José Peris Lacasa, compositeur étroitement lié à la Maison royale d'Espagne. C'est à lui que revient le mérite d'avoir préparé une version des Sept dernières paroles de notre Rédempteur sur la croix de Franz Joseph Haydn, qui reprend celle pour quatuor à cordes et celle sous forme d'oratorio, écrites également par Haydn. Je félicite également le quatuor Henschel pour la très belle exécution, ainsi que Mme Susanne Kelling, qui placé sa voix extraordinaire au service des saintes paroles du Seigneur Jésus.

Le choix de cette oeuvre a été véritablement heureux. En effet si, d'une part, sa beauté austère est digne de la solennité de saint Joseph, dont l'éminent compositeur lui-même portait le nom, de l'autre, son contenu est on ne peut plus adapté à la période du carême, et nous prédispose même à vivre le Mystère central de la foi chrétienne. Les sept dernières paroles de notre Rédempteur sur la croix est, en effet, un exemple parmi les plus sublimes dans le domaine musical, de la façon dont art et foi peuvent se conjuguer. L'invention du musicien est entièrement inspirée et presque "dirigée" par les textes évangéliques, qui culminent dans les paroles prononcées par Jésus crucifié, avant de rendre le dernier soupir. Mais, plus que par le texte, le compositeur était lié également par des conditions précises imposées par les commanditaires, dictées par le type particulier de célébration au cours de laquelle la musique devait être exécutée. Et c'est précisément à partir de ces liens si étroits que le génie créateur a pu se manifester dans toute sa magnificence: devant imaginer sept sonates à caractère dramatique et méditatif, Haydn mise sur l'intensité, comme il l'écrivit lui-même dans une lettre de l'époque: "Chaque sonate, ou chaque texte, est exprimé avec les seuls moyens de la musique instrumentale, de façon telle qu'il suscitera nécessairement l'impression la plus profonde dans l'âme de l'auditeur, même le moins averti" (Lettre à W. Forster, 8 avril 1787).

Il y a en cela quelque chose de semblable au travail du sculpteur, qui doit constamment se mesurer avec la matière sur laquelle il oeuvre - pensons au marbre de la "Pietà" de Michel-Ange -, et toutefois, il réussit à faire parler cette matière, à faire ressortir une synthèse singulière et unique de pensée et d'émotion, une expression artistique absolument originale mais qui, dans le même temps, est entièrement au service de ce contenu précis de la foi, et est comme dominée par cet événement qu'il représente -, dans notre cas par les sept paroles et par leur contexte.

Ici est renfermée une loi universelle de l'expression artistique: savoir transmettre quelque chose de beau, qui est également un bien et une vérité, à travers un moyen sensible - une peinture, une musique, une sculpture, un texte écrit, une danse, etc. A bien y regarder, c'est la même loi qu'a suivie Dieu pour se donner lui-même à nous, ainsi que son amour: il s'est incarné dans notre chair humaine et a réalisé le plus grand chef d'oeuvre de toute la création: "unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même" (
1Tm 2,5), comme l'écrit saint Paul. Plus la matière est "dure", plus les liens de l'expression sont étroits, et plus le génie de l'artiste ressort. Ainsi, sur la "dure" croix, Dieu a prononcé dans le Christ la parole d'amour la plus belle et la plus vraie, qui est Jésus dans son don total et définitif: c'est Lui la dernière Parole de Dieu, dans un sens non pas chronologique, mais qualitatif. C'est la Parole universelle, absolue, mais elle a été prononcée dans l'homme concret, dans ce temps et dans ce lieu, dans cette "heure" - dit l'évangile de Jean. Ce lien avec l'histoire, avec la chair, est le signe par excellence de fidélité, d'un amour tellement libre qu'il n'a pas peur de se lier pour toujours, d'exprimer l'infini dans le fini, le tout dans le fragment. Cette loi, qui est la loi de l'amour, est également la loi de l'art dans ses expressions les plus élevées.

Chers amis, peut-être suis-je allé un peu trop loin dans mes réflexions, mais la faute - ou peut-être le mérite! - en revient à Franz Joseph Haydn. Rendons grâce au Seigneur pour ces grands génies artistiques, qui ont su et voulu se mesurer avec sa Parole - Jésus Christ - et avec ses paroles - les saintes Ecritures. Je renouvelle mes remerciements à tous ceux qui ont conçu et préparé cet hommage: que le Seigneur récompense chacun abondamment.

Je remercie une fois de plus sincèrement tous ceux qui ont permis cette soirée. J'adresse mes remerciements particuliers au Quatuor Henschel et au mezzosoprano Mme Susanne Kelling qui, à travers son interprétation expressive, nous a rapprochés par la musique des paroles du Sauveur sur la Croix. Merci beaucoup!

Je salue très cordialement le Maître José Peris Lacasa, auteur d'une réinterprétation réussie des Sept dernières paroles de notre Rédempteur sur la croix, d'Haydn, que nous avons eu aujourd'hui le plaisir d'écouter. Je salue également tous ceux qui sont venus d'Espagne pour cette occasion. Merci.

Je renouvelle à tous mon salut cordial avec le voeu de suivre Jésus de près, comme la Vierge Marie, pour vivre en profondeur la Semaine Sainte, et célébrer dans la vérité la Pâque désormais proche. Avec cette intention, je vous donne à tous, ainsi qu'à vos proches, ma Bénédiction.



Discours 2005-2013 1080