Discours 2005-2013 14509


PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

RENCONTRE OECUMÉNIQUE Siège du patriarcat gréco-orthodoxe - Jérusalem Vendredi 15 mai 2009

15509
Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

C’est avec une profonde et joyeuse gratitude que j’accomplis cette visite au Patriarcat Grec Orthodoxe de Jérusalem ; c’est un moment que j’attendais depuis longtemps. Je remercie le Patriarche, Sa Béatitude Theophilos III, pour ses aimables et fraternelles paroles d’accueil, auxquelles je réponds chaleureusement. J’exprime aussi à vous tous ma sincère reconnaissance pour l’occasion qui m’est donnée de rencontrer une nouvelle fois les nombreux responsables d’Églises et de communautés ecclésiales qui sont présents.

Ce matin, j’ai en mémoire les rencontres historiques qui ont eu lieu ici à Jérusalem entre mon prédécesseur le Pape Paul VI et le Patriarche oecuménique Athénagoras Ier, ainsi qu’entre le Pape Jean-Paul II et Sa Béatitude le Patriarche Diodoros. Ces rencontres, y compris la mienne aujourd’hui, ont une grande portée symbolique. Elles rappellent que la lumière de l’Orient (cf. Is
Is 60,1 Ap 21,10) a illuminé le monde entier au moment précis où l’« astre » nous a visité (Lc 1,78) ; elles nous rappellent également que c’est à partir d’ici que l’Évangile a été enseigné à toutes les nations.

En nous tenant en ce lieu sacré, à côté de l’Église du Saint-Sépulcre, qui marque le lieu où notre Seigneur crucifié se releva d’entre les morts pour toute l’humanité, et proche du Cénacle, où le jour de la Pentecôte « ils se trouvaient réunis tous ensemble » (Ac 2,1), qui pourrait ne pas se sentir poussé à déployer la meilleure bonne volonté, la plus grande érudition et le plus ferme désir spirituel en faveur du devoir oecuménique ? Je prie pour que notre rencontre d’aujourd’hui donne un nouvel élan aux travaux de la Commission internationale conjointe pour le Dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et les Églises orthodoxes, s’ajoutant aux fruits récents du document de Ravenne et d’autres initiatives conjointes.

Ce fut une joie particulière pour nos Églises que la participation du Patriarche OEcuménique de Constantinople, Sa Sainteté Bartholoméos Ier, au récent Synode des Évêques consacré au thème de La parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église. L’accueil chaleureux qu’il a reçu et son intervention touchante furent des expressions sincères de la joie spirituelle profonde qui jaillit de l’étendue de la communion déjà existante entre nos Églises. Une telle expérience oecuménique porte clairement témoignage du lien entre l’unité de l’Église et sa mission. En étendant ses bras sur la Croix, Jésus a révélé l’amplitude de son désir d’attirer tous les hommes à lui, les unissant à lui pour qu’ils ne fassent plus qu’un (cf. Jn 12,32). Répandant son Esprit sur nous, il a dévoilé son pouvoir de nous rendre capables de participer à sa mission de réconciliation (cf. Jn 19,30 Jn 20,22-23). Dans ce souffle, à travers la rédemption qui unie, tient notre mission ! C’est alors une petite merveille, lorsque, dans notre désir brûlant de porter le Christ aux autres, de faire connaître son message de réconciliation (cf. 2Co 5,19), nous éprouvons la honte de nos divisions. Cependant, envoyés par le Christ dans le monde (cf. Jn 20,21), fortifiés par la puissance d’unité qu’est le Saint Esprit (ibid. v.22), proclamant la réconciliation qui conduit chacun à croire que Jésus est le Fils de Dieu (ibid. v.31), nous trouverons l’énergie pour redoubler nos efforts pour parfaire notre communion, pour la rendre totale, pour porter un témoignage commun à l’amour du Père qui envoie son Fils afin que le monde puisse connaître son amour pour nous (cf. Jn 17,23).

Il y a près de deux mille ans, dans ces mêmes rues, un groupe de grecs fit cette demande à Philippe : « Nous voudrions voir Jésus » (Jn 12,22). C’est une demande qui nous est faite aujourd’hui, ici à Jérusalem, en Terre Sainte, dans cette région et partout dans le monde. Comment allons-nous répondre ? Notre réponse est-elle entendue ? Saint Paul nous alerte sur notre grave responsabilité de répondre, sur notre mission d’enseigner et sur celle de prêcher. Il dit : « La foi naît de ce qu’on entend ; et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ » (Rm 10,17). Il est donc impératif que les responsables chrétiens et leurs communautés rendent un témoignage vibrant de ce que notre foi proclame : la Parole éternelle, qui est entrée dans le temps et l’espace de cette terre, Jésus de Nazareth, qui a marché dans ces rues, par ses enseignements et ses actions appelle les hommes de toutes les époques à entrer dans sa vie de vérité et d’amour.

Chers amis, alors que je vous encourage à annoncer joyeusement le Christ ressuscité, je souhaite aussi saluer le travail accompli à cette fin par les Chefs des Communautés chrétiennes, qui se rencontrent régulièrement dans cette ville. Il me semble que le plus grand service que les chrétiens de Jérusalem puissent offrir à leurs concitoyens est l’éducation d’une future génération de chrétiens bien formés et engagés, sérieux dans leur désir de contribuer généreusement à la vie civique et religieuse de cette ville unique et sainte. La priorité fondamentale de tout responsable chrétien est de nourrir la foi des personnes et des familles confiées à sa sollicitude pastorale. Ce souci pastoral commun assurera que vos rencontres régulières sont marquées par la sagesse et la charité fraternelle nécessaires pour vous soutenir les uns les autres et pour partager à la fois les joies et les difficultés particulières qui marquent la vie de votre peuple. Je prie afin que les aspirations des chrétiens de Jérusalem soient comprises comme concordantes avec les aspirations de tous ses habitants quelles que soient leurs religions : l’exercice de la liberté religieuse, la coexistence pacifique et - pour les jeunes en particulier - un accès ouvert à l’enseignement et à l’emploi, la possibilité de trouver des logements convenables, en particulier pour les familles, et l’opportunité de bénéficier et de contribuer à la stabilité économique.

Béatitude, je vous remercie encore une fois pour la délicatesse de l’invitation que vous m’avez faite ainsi qu’à tous vos autres hôtes. Sur chacun de vous et sur les communautés que vous représentez, j’invoque une abondance de grâces divines de force et de sagesse ! Puissiez-vous être tous fortifiés par l’espérance du Christ qui ne déçoit pas !

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

VISITE AU SAINT-SÉPULCRE

Jérusalem Vendredi 15 mai 2009



935 Chers amis dans le Christ,

L’hymne de louange que nous venons de chanter nous unit aux anges et à l'Église de tous les temps et de tous les lieux – à « la glorieuse compagnie des Apôtres, à la noble assemblée des Prophètes et au cortège des Martyrs vêtus de la robe blanche » - rendant ainsi gloire à Dieu pour l’oeuvre de notre rédemption, accomplie à travers la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Devant ce Saint Sépulcre, où le Seigneur « a vaincu le pouvoir de la mort et ouvert aux croyants le Royaume des cieux », je vous salue tous, dans la joie de ce temps pascal. Je remercie le Patriarche Fouad Twal et le Custode, le Père Pierbattista Pizzaballa, pour leurs paroles de bienvenue. Je veux également manifester combien j’apprécie l’accueil que m’ont réservé les Hiérarques de l'Église grecque orthodoxe et de l'Église apostolique arménienne. Je suis heureux de saluer la présence de représentants des autres communautés chrétiennes de Terre Sainte. Je salue le Cardinal John Foley, Grand-Maître de l’Ordre équestre du Saint Sépulcre et aussi les Chevaliers et les Dames de l’Ordre qui sont présents, reconnaissant pour leur inlassable engagement en vue de soutenir la mission de l’Église sur ces terres rendues saintes par la présence terrestre du Seigneur.

L’Évangile de saint Jean, nous a laissé un récit qui évoque la visite de Pierre et du disciple bien-aimé au tombeau vide, le matin de Pâques. Aujourd’hui, à près de vingt siècles de distance, le Successeur de Pierre, Évêque de Rome, se tient devant ce même tombeau vide et contemple le mystère de la Résurrection. Suivant les pas de l’Apôtre, je désire proclamer encore, aux hommes et aux femmes de notre temps, la foi inébranlable de l'Église : Jésus Christ « a été crucifié, est mort et a été enseveli », et « le troisième jour il est ressuscité des morts ». Exalté à la droite du Père, il nous a envoyé son Esprit pour le pardon des péchés. En dehors de lui, que Dieu a fait Seigneur et Christ, « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés » (
Ac 4,12).

Devant ce lieu saint, et méditant cet événement prodigieux, comment ne pas « avoir le coeur transpercé » (Ac 2,37), tout comme ceux qui les premiers entendirent la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte ? Ici, le Christ est mort et est ressuscité pour ne plus jamais mourir. Ici, l’histoire de l’humanité a été changée de manière décisive. Le long règne du péché et de la mort a été brisé en morceaux par le triomphe de l’obéissance et de la vie ; le bois de la Croix expose à nu la vérité concernant le bien et le mal ; le jugement de Dieu a été rendu sur ce monde et la grâce de l’Esprit Saint s’est répandue sur l’humanité. Ici, le Christ, nouvel Adam, nous a montré que le mal n’a jamais le dernier mot, que l’amour est plus fort que la mort, que notre avenir, l’avenir de toute l’humanité, est entre les mains d’un Dieu fidèle et bon.

Le tombeau vide nous parle d’espérance, de l’espérance qui ne déçoit pas parce qu’elle est don de l’Esprit de vie (cf. Rm 5,5). C’est là le message que je désire vous laisser aujourd’hui, à la fin de mon pèlerinage en Terre Sainte. Que l’espérance se lève, toujours nouvelle, par la grâce de Dieu, dans le coeur de toutes les personnes qui demeurent sur ces terres ! Puisse-t-elle prendre racine dans vos coeurs, être l’hôte de vos familles et de vos communautés, et inspirer chacun de vous pour rendre un témoignage toujours plus fidèle au Prince de la Paix ! L'Église en Terre Sainte, qui a si souvent fait l’expérience de l’obscur mystère du Golgotha, ne doit jamais cesser d’être l’intrépide héraut du lumineux message d’espérance que le tombeau vide proclame. L’Évangile nous enseigne que Dieu peut faire toutes choses nouvelles, que l’histoire ne se répète pas, que les mémoires peuvent être guéries, que les fruits amers de la récrimination et de l’hostilité peuvent être dépassés, et qu’un avenir de justice, de paix, de prospérité et de coopération peut se lever pour tout homme et pour toute femme, pour la famille humaine tout entière, et d’une manière particulière pour le peuple qui demeure sur cette terre si chère au coeur du Sauveur.

Cette antique église de l’Anástasis rend un témoignage muet aussi bien aux lourdeurs de notre passé, avec ses erreurs, ses incompréhensions et ses conflits, qu’à la promesse de gloire qui continue de rayonner du tombeau vide du Christ. Ce lieu saint, où la puissance de Dieu s’est manifestée dans la faiblesse, où les souffrances humaines ont été transfigurées en gloire divine, nous invite à tourner encore notre regard de foi vers la face du Seigneur crucifié et ressuscité. En contemplant sa chair glorifiée, complètement transfigurée par l’Esprit, nous parvenons à réaliser plus pleinement que même maintenant, par le Baptême, « nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps » (2Co 4,10-11). Même maintenant, la grâce de la résurrection est à l’oeuvre en nous ! Puisse la contemplation de ce mystère stimuler nos efforts, au niveau personnel tout comme dans la communauté ecclésiale, en vue d’une croissance dans la vie selon l’Esprit par la conversion, la pénitence et la prière ! Puisse-t-elle nous aider à surmonter, par la puissance de ce même Esprit, les conflits et les tensions qui viennent de la chair et enlever les obstacles, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, qui entravent notre progression dans le témoignage commun rendu au Christ et à la puissance de réconciliation de son amour.

Avec ces paroles d’encouragement, chers amis, s’achève mon pèlerinage sur les lieux saints de notre Rédemption et de notre renaissance dans le Christ. Je prie pour que l'Église en Terre Sainte tire toujours une nouvelle vigueur de sa contemplation du tombeau vide du Sauveur. Dans ce tombeau, elle est appelée à ensevelir toutes ses inquiétudes et ses craintes, afin de ressusciter chaque jour et de continuer son pèlerinage à travers les rues de Jérusalem, sur les route de Galilée et au-delà, proclamant le triomphe du pardon du Christ et de la promesse de la vie nouvelle. Comme chrétiens, nous savons que la paix à laquelle aspire cette terre déchirée a un nom : Jésus Christ. « Il est notre paix », lui qui nous a réconciliés avec Dieu en un seul corps, par la Croix, mettant fin à la haine (cf. Ep Ep 2,14). Déposons donc entre ses mains toute notre espérance pour l’avenir, tout comme, à l’heure des ténèbres, il remit son esprit entre les mains du Père.

Permettez-moi de conclure par un mot d’encouragement particulier pour mes frères les Évêques et les prêtres, ainsi que pour les personnes consacrées, hommes et femmes, qui servent l'Église bien-aimée en Terre Sainte. Ici, devant le tombeau vide, au coeur même de l'Église, je vous invite à rallumer l’enthousiasme de votre consécration au Christ et de votre engagement à servir avec amour son Corps mystique. A vous, revient l’immense privilège de rendre témoignage au Christ, dans la terre qu’il a sanctifiée par sa présence et son ministère. Par votre charité pastorale, permettez, à vos frères et soeurs, à tous les habitants de cette terre, de sentir la présence réconfortante et l’amour qui réconcilie du Ressuscité. Jésus demande à chacun de nous d’être des témoins d’unité et de paix auprès de tous ceux qui vivent dans cette Ville de la Paix. Nouvel Adam, le Christ est la source de l’unité à laquelle la famille humaine tout entière est appelée, unité dont l'Église est le signe et le sacrement. Agneau de Dieu, il est la source de la réconciliation qui est à la fois don de Dieu et tâche qui nous est confiée. Prince de la Paix, il est la source de cette paix qui transcende toute négociation, la paix de la Jérusalem nouvelle. Qu’il vous soutienne dans les épreuves, qu’il vous apporte réconfort dans les peines, et qu’il vous confirme dans vos efforts pour proclamer et faire grandir son Royaume ! A vous tous et à ceux que vous servez, j’accorde de grand coeur la Bénédiction Apostolique en gage de la paix et de la joie de Pâques.

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

VISITE À L'ÉGLISE PATRIARCALE APOSTOLIQUE ARMÉNIENNE

SAINT-JACQUES DE JÉRUSALEM


Jérusalem Vendredi 15 mai 2009



Béatitude,

936 Je vous adresse un salut fraternel dans le Seigneur, et je vous offre mes meilleurs voeux – qui sont aussi une prière - pour votre santé et pour votre ministère. Je vous suis reconnaissant pour l’occasion qui m’est donnée de visiter cette église cathédrale Saint Jacques située au coeur de l’ancien quartier arménien de Jérusalem, et de rencontrer l’éminent clergé du Patriarcat, ainsi que les membres de la communauté arménienne de la Ville sainte.

Notre rencontre de ce jour, qui est marquée par un climat d’amitié et de cordialité, constitue une nouvelle étape sur le chemin vers l’unité que le Seigneur désire pour tous ses disciples. Au cours des dernières décennies, par la grâce de Dieu, nous avons été témoins d’un développement significatif des relations entre l’Église catholique et l’Église apostolique arménienne. Je considère comme une insigne bénédiction d’avoir rencontré l’an passé le Patriarche Suprême et le Catholicos de tous les Arméniens Karékine II et le Catholicos de Cilicie Aram Ier. Leurs visites au Saint-Siège, et les moments de prière que nous avons partagés, ont fortifié notre amitié et ont confirmé notre engagement pour la cause sacrée de la promotion de l’unité des chrétiens.

Avec gratitude vis-à-vis du Seigneur, je désire aussi exprimer ma reconnaissance pour la participation résolue de l’Église apostolique arménienne au dialogue théologique continu entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales. Ce dialogue, soutenu par la prière, a réalisé des progrès pour dépasser le fardeau des incompréhensions passées, et il est très prometteur pour l’avenir. Le récent document sur la nature et la mission de l’Église rédigé par la Commission mixte et présenté aux Églises pour étude et évaluation, est un signe d’espérance particulier. Confions ensemble de nouveau le travail de la Commission mixte à l’Esprit de sagesse et de vérité, de telle sorte qu’il puisse porter des fruits abondants pour la croissance de l’unité des Chrétiens, et que progresse l’annonce de l’Évangile aux hommes et aux femmes de notre temps.

Depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, la communauté arménienne de Jérusalem a connu une histoire glorieuse, marquée en particulier par une extraordinaire floraison de vie et de culture monastiques liée aux lieux saints et aux traditions liturgiques qui se sont développées autour d’eux. Cette vénérable église cathédrale, ainsi que le Patriarcat et les diverses institutions éducatives et culturelles qui s’y rattachent, témoignent de cette longue et remarquable histoire. Je prie pour que votre communauté puisse toujours tirer une vie nouvelle de ces riches traditions, et qu’elle soit confirmée dans le témoignage de foi rendu à Jésus Christ et à la puissance de sa résurrection (cf.
Ph 3,10) qui a eu lieu dans cette Ville sainte. J’assure aussi les familles présentes, et en particulier les enfants et les jeunes, d’un souvenir particulier dans ma prière. Chers amis, je vous demande en retour de prier avec moi pour que tous les Chrétiens de Terre sainte travaillent ensemble avec zèle et générosité pour proclamer la Bonne Nouvelle de notre réconciliation dans le Christ, et l’avènement de Son Royaume de sainteté, de justice et de paix.

Béatitude, je vous remercie une nouvelle fois de votre aimable accueil, j’invoque cordialement les plus abondantes bénédictions de Dieu sur vous, sur le clergé et sur les fidèles de l’Église Apostolique Arménienne présents en Terre sainte. Puissent la joie et la paix du Christ ressuscité demeurer toujours en vous!

PÈLERINAGE

DU SAINT-PÈRE BENOÎT XVI

EN TERRE SAINTE

(8-15 MAI 2009)

CÉRÉMONIE DE DÉPART

Aéroport International Ben Gurion - Tel Aviv Vendredi 15 mai 2009

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

937 Alors que je me prépare à regagner Rome, je voudrais partager avec vous quelques-unes des impressions les plus profondes que ce pèlerinage en Terre Sainte me laissent. J’ai eu des entretiens fructueux avec les Autorités civiles aussi bien en Israël que dans les Territoires Palestiniens, et j’ai été le témoin des efforts que les deux gouvernements mettent en oeuvre pour assurer le bien-être et la sécurité de leurs peuples. J’ai rencontré les Responsables de l'Église catholique en Terre Sainte et je me suis réjouis de voir comment ils travaillent ensemble afin de prendre soin du troupeau du Seigneur. J’ai eu également l’opportunité de rencontrer les Responsables des diverses Églises chrétiennes et des Communautés ecclésiales ainsi que les Chefs d’autres religions en Terre Sainte. Cette terre est véritablement un terrain fertile pour l’oecuménisme et le dialogue interreligieux, et je prie pour que la riche diversité du témoignage religieux en cette région porte des fruits accrus de compréhension et de respect mutuels.

Monsieur le Président, vous et moi avons planté un olivier dans votre résidence le jour de mon arrivée en Israël. L’olivier, vous le savez, est une image que saint Paul utilise pour décrire les relations très étroites qui unissent Chrétiens et Juifs. Dans sa Lettre aux Romains, Paul décrit comment l'Église des Gentils est comme un rameau d’olivier sauvage, greffé sur l’olivier franc qui est le Peuple de l’Alliance (cf. 11, 17-24). Nous sommes nourris par les mêmes racines spirituelles. Nous nous rencontrons comme des frères, des frères qui, parfois, au cours de notre histoire, ont eu des relations tendues, mais qui sont maintenant fermement engagés à construire des ponts d’amitié durable.

La cérémonie au Palais présidentiel a été suivie par un des moments les plus solennels de mon séjour en Israël, ma visite au Mémorial de l’Holocauste à Yad Vashem, où j’ai présenté mes respects aux victimes de la Shoah. J’y ai aussi rencontré quelques-uns des survivants. Ces rencontres profondément émouvantes m’ont rappelé les moments de ma visite, il y a trois ans, au camp de la mort d’Auschwitz, où tant de Juifs – mères et pères, maris et épouses, fils et filles, frères et soeurs, amis – étaient brutalement exterminés par un régime sans Dieu qui propageait une idéologie d’antisémitisme et de haine. Ce chapitre épouvantable de l’histoire ne doit jamais être oublié ni être nié. Bien au contraire, ces sombres souvenirs devraient renforcer notre détermination à nous rapprocher les uns des autres comme les branches d’un même olivier, nourris par les mêmes racines et unis dans un amour fraternel.

Monsieur le Président, je vous remercie de votre hospitalité cordiale qui a été hautement appréciée et je désire que l’on se souvienne que je suis venu visiter ce pays comme un ami des Israéliens, tout comme je suis un ami du Peuple Palestinien. Des amis ont plaisir à passer du temps ensemble et ils ont beaucoup de peine à voir la souffrance de l’autre. Aucun ami des Israéliens et des Palestiniens ne peut ne pas se sentir attristé par les tensions continuelles qui existent entre vos deux peuples. Aucun ami ne peut ne pas pleurer devant les souffrances et les pertes en vies humaines que les deux peuples endurent depuis six décennies. Permettez-moi de lancer cet appel à tous les peuples de ces lieux : Plus de sang versé ! Plus de combats ! Plus de terrorisme ! Plus de guerre ! Au contraire, engageons-nous à briser le cercle vicieux de la violence. Que règne une paix durable basée sur la justice, et que viennent une réconciliation authentique et une pacification ! Puisse être reconnu universellement que l’Etat d’Israël a le droit d’exister, de jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières reconnues internationalement ! De même puisse être reconnu le droit du Peuple Palestinien à une patrie souveraine et indépendante pour y vivre dans la dignité et se déplacer librement ! Puisse la solution des deux Etats devenir une réalité, et ne pas demeurer seulement un rêve ! Et puisse la paix se répandre au-delà de ces terres, qu’elles deviennent « lumière des Nations » (
Is 42,6), portant l’espérance aux autres régions, si nombreuses, affectées par des conflits !

L’une des visions les plus tristes de ma visite dans ces terres a été celle du mur. Tandis que je le longeais, je priais pour un avenir où les peuples de la Terre Sainte pourront vivre ensemble dans la paix et l’harmonie sans éprouver le besoin de tels instruments de sécurité et de séparation, mais plutôt en se respectant et en ayant confiance les uns envers les autres, en renonçant à toutes formes de violence et d’agression. Monsieur le Président, je sais combien il sera difficile d’atteindre ce but. Je sais combien difficile est votre tâche, ainsi que celle de l’Autorité Palestinienne. Mais je vous assure que mes prières et les prières des Catholiques du monde entier vous entourent tandis que vous continuez vos efforts pour construire une paix juste et durable dans cette région.

Il ne me reste plus qu’à exprimer mes remerciements cordiaux à tous ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à la bonne réussite de ma visite. Je suis profondément reconnaissant au Gouvernement, aux organisateurs, aux volontaires, aux médias, à tous ceux qui m’ont offert l’hospitalité ainsi qu’à ma suite. Soyez assurés que je me souviendrai de vous avec affection dans mes prières. Je vous dis à tous : merci et que Dieu soit avec vous. Shalom !

ENTRETIEN ACCORDÉ AUX JOURNALISTES AU COURS DU VOL Vendredi 8 mai 2009



Père Lombardi :

Très Saint-Père, nous vous remercions beaucoup de nous donner cette fois encore l’occasion d’une rencontre avec vous au début d’un voyage si important et si exigeant. C’est pour nous l’occasion de vous souhaiter un bon voyage et de vous assurer que nous nous attacherons à faire connaître les messages que vous chercherez à délivrer. Comme d’habitude, les questions qui sont posées ont été collectées auprès des collègues qui sont ici présents. Je les pose moi-même pour des raisons de commodités logistiques, mais elles sont bien le résultat d’un travail commun.

Q.Sainteté, ce voyage arrive dans une période très délicate pour le Moyen-Orient : il y a de fortes tensions – à l’occasion de la crise de Gaza, on avait aussi pensé que peut-être vous y renonceriez. En même temps, peu de jours après votre voyage, les principaux responsables politiques d’Israël et de l’Autorité Palestinienne, rencontreront aussi le président Obama. Pensez-vous pouvoir apporter une contribution au processus de paix qui semble actuellement s’enliser ?

R. – Bonjour ! Je voudrais tout d’abord vous remercier pour le travail que vous faites et nous souhaiter à tous un bon voyage, un bon pèlerinage, un bon retour. Concernant la question, je cherche certainement à contribuer à la paix non en tant qu’individu mais au nom de l’Église catholique, du Saint-Siège. Nous ne sommes pas un pouvoir politique, mais une force spirituelle et cette force spirituelle est une réalité qui peut contribuer aux progrès du processus de paix. Je vois trois niveaux. Le premier : comme croyants, nous sommes convaincus que la prière est une vraie force : elle ouvre le monde à Dieu. Nous sommes convaincus que Dieu écoute et qu’il peut agir dans l’histoire. Je pense que si des millions de personnes, de croyants, prient, c’est réellement une force qui influence et qui peut contribuer à faire progresser la paix. Le deuxième niveau : nous cherchons à aider à la formation des consciences. La conscience est la capacité de l’homme à percevoir la vérité, mais cette capacité est souvent entravée par des intérêts particuliers. Et libérer de ces intérêts, ouvrir le plus possible à la vérité, aux vraies valeurs est un grand engagement : c’est une tâche de l’Église d’aider à connaître les vrais critères, les vraies valeurs, et à nous libérer des intérêts particuliers. Et ainsi – le troisième niveau – nous nous adressons également – c’est ainsi ! – à la raison : justement parce que nous ne sommes pas une partie politique, nous pouvons peut-être plus facilement, aussi à la lumière de la foi, discerner les vrais critères, aider à comprendre ce qui contribue à la paix et parler à la raison, appuyer les positions réellement raisonnables. Et cela nous l’avons déjà fait et nous voulons le faire aussi maintenant et à l’avenir.

938 Q.Merci, Très Saint-Père. La deuxième question. En tant que théologien, vous avez particulièrement réfléchi sur l’unique racine qui unie chrétiens et juifs. Comme se fait-il que, malgré les efforts de dialogue, il y ait souvent des malentendus ? Comment voyez-vous l’avenir du dialogue entre les deux communautés ?

R. Ce qui est important est que nous ayons la même racine, les mêmes livres de l’Ancien Testament qui sont - aussi bien pour les juifs, que pour nous – Livre de la Révélation. Mais, naturellement, après deux mille ans d’histoire distinctes, et même séparée, il n’y a pas à s’étonner qu’il y ait des malentendus, parce que ce sont créées des traditions d’interprétation, de langage, de pensée très diverses, pour ainsi dire, un « univers sémantique » très différent, si bien que les mêmes paroles pour l’une et l’autre parties ont une signification différente ; et avec l’usage de ces termes, qui au cours de l’histoire ont pris des sens différents, naissent évidemment des malentendus. Nous devons faire tout ce qui est possible pour apprendre les uns et les autres le langage de l’autre, et il me semble que nous faisons de grand progrès. Aujourd’hui, existe la possibilité que les jeunes, les futurs enseignants en théologie, puissent étudier à Jérusalem, à l’Université hébraïque, et les juifs ont des contacts académiques avec nous : ainsi, ces univers sémantiques peuvent-ils se rencontrer. Apprenons les uns des autres et allons de l’avant sur le chemin du vrai dialogue, apprenons l’un de l’autre et je suis sûr et convaincu que nous accomplissons des progrès. Cela favorisera la paix et mieux, l’amour réciproque.

D.Sainteté, ce voyage revêt deux dimensions essentielles dans le dialogue interreligieux, avec l’islam et avec le judaïsme. Ces deux orientations sont-elles totalement séparées l’une de l’autre ou existe-t-il aussi un message commun concernant les trois religions qui remontent à Abraham ?

R. – Il existe bien sûr aussi un message commun et nous aurons l’occasion de le souligner. Malgré la diversité de nos origines, nous avons des racines communes car, comme je l’ai déjà dit, le christianisme commence avec l’Ancien Testament et l’Écriture du Nouveau Testament, sans l’Ancien n’aurait pas eu lieu, car le Nouveau Testament se rapporte sans cesse à l’ « Écriture », c’est-à-dire à l’Ancien Testament. De même, l’islam est né dans un milieu où se trouvaient aussi bien le judaïsme que les différentes branches du christianisme : le judéo-christianisme, le christianisme-antiochien, le christianisme byzantin. Toutes ces circonstances se reflètent dans la tradition coranique, c’est pourquoi nous avons un grand nombre de choses en commun depuis les origines et aussi dans la foi en l’unique Dieu. Par conséquent, il est important d’avoir, d’une part, un dialogue bilatéral – avec les juifs et avec les musulmans – et de l’autre, un dialogue trilatéral. J’ai moi-même été le cofondateur d’une fondation pour le dialogue entre les trois religions, dans laquelle des personnalités comme le Métropolite Damaskinos et le Grand Rabbin de France René Samuel Sirat, etc., oeuvrons ensemble et cette fondation a même publié une édition des livres des trois religions : le Coran, le Nouveau Testament et l’Ancien Testament. Le dialogue trilatéral doit donc continuer. Il est très important pour la paix et aussi – disons – pour que chacun vive bien sa propre religion.

D - Une dernière question. Très Saint-Père, vous avez souvent attiré l’attention sur le problème de la diminution des chrétiens dans le Moyen-Orient et plus particulièrement en Terre Sainte. Il s’agit d’un phénomène lié à des causes de divers ordre, politique, économique et social. Concrètement, que peut-on faire pour aider la présence chrétienne dans cette région ? Quelle contribution espérerez-vous apporter à cet égard par ce voyage ? Y-a-t-il pour l’avenir des perspectives d’espoir pour ces chrétiens ? Donnerez-vous un message particulier pour les chrétiens de Gaza aussi qui viendront vous rencontrer à Bethléem ?

R – Sans aucun doute, il y a des espérances, car, comme vous l’avez souligné, nous nous trouvons dans un moment difficile, mais c’est aussi un moment d’espérance, espérance d’un nouveau départ, d’un élan renouvelé sur le chemin vers la paix. Nous voulons surtout encourager les chrétiens en Terre Sainte et dans tout le Moyen-Orient à rester, à apporter leur contribution dans leurs pays d’origine : ils représentent une composante importante de la culture et de la vie de ces régions. Concrètement, l'Église, outre les encouragements et la prière commune, a surtout des écoles et des hôpitaux. Il s’agit en ce sens d’une présence dans des réalités très concrètes. Nos écoles forment une génération qui aura la possibilité d’être présente dans la vie d’aujourd’hui, dans la vie publique. Nous sommes en train de créer une Université catholique en Jordanie : il me semble que c’est là une grande perspective, là des jeunes – qu’ils soient musulmans ou chrétiens – se rencontrent, apprennent ensemble; là se forme une élite chrétienne qui se prépare à travailler pour la paix. D’une manière générale, le passage dans nos écoles est un temps décisif pour ouvrir un avenir aux chrétiens, et les hôpitaux mettent en évidence notre présence. Enfin, il y a de nombreuses associations chrétiennes qui soutiennent les chrétiens de diverses manières et par des aides concrètes les encouragent à rester. Ainsi, j’espère vraiment que les chrétiens pourront trouver le courage, l’humilité et la patience pour rester dans ces pays, et offrir leur contribution à l’avenir de ces pays.

P. Lombardi :

Merci très Saint-Père, par ces réponses, vous nous aidez à mettre notre voyage dans sa juste perspective spirituelle, et culturelle et je renouvelle tous nos voeux, ceux de tous les collègues qui sont sur ce vol, ceux des autres qui sont en route vers la Terre Sainte en ce moment, pour participer et apporter leur contribution dans le domaine de l’information à la bonne réussite de votre mission si importante. Bon voyage à Vous, Sainteté, et à tous vos collaborateurs, et bon travail aux collègues !



Discours 2005-2013 14509