Discours 2005-2013 958

958 Je désire enfin partager avec vous une autre de mes préoccupations majeures : celle de la vie spirituelle des prêtres. Justement aujourd’hui, en la Solennité du Sacré-Coeur de Jésus, Journée de sanctification sacerdotale, j’aurai l’immense joie d’ouvrir l’Année Sacerdotale, en souvenir du 150e anniversaire de la mort du saint Curé d’Ars. Je crois que cette année jubilaire spéciale, qui débute alors que se termine l’Année paulinienne, sera une opportunité féconde, offerte à toute l’Église. Au Calvaire, Marie était avec l’Apôtre Jean au pied de la Croix. Aujourd’hui, nous nous rendons spirituellement nous aussi auprès de la Croix, avec tous vos prêtres, pour tourner notre regard vers Celui qui a été transpercé et dont nous recevons la plénitude de toute grâce. Que Marie, Reine des Apôtres et Mère de l’Église, veille sur vous, Béatitude, sur le Synode et sur l’Église Syrienne Catholique tout entière ! Quant à moi, je vous assure que je vous accompagne de ma prière et je vous accorde la Bénédiction Apostolique, que j’étends à tous les fidèles de votre vénérable Église, qui se trouvent dans diverses nations du monde.


AUX MEMBRES DU CONSEIL DE LA FONDATION ALCIDE DE GASPERI Salle des Papes Samedi, 20 juin 2009

Chers amis du Conseil de la Fondation Alcide De Gasperi!

Je suis très heureux de recevoir votre visite, et je vous salue tous avec affection. Je salue en particulier Mme Maria Romana, fille d'Alcide De Gasperi, et M. Giulio Andreotti, qui a longtemps été son proche collaborateur. Je saisis volontiers l'opportunité que m'offre votre présence, pour évoquer à nouveau la figure de cette grande personnalité, qui, à des moments historiques de profonds changements sociaux en Italie et en Europe, parsemés de nombreuses difficultés, sut se prodiguer de manière efficace pour le bien commun. Formé à l'école de l'Evangile, Alcide De Gasperi fut capable de traduire en actes concrets et cohérents la foi qu'il professait. Spiritualité et politique furent en effet deux dimensions qui coexistèrent chez lui et qui caractérisent son engagement social et spirituel. Avec une clairvoyance prudente, il guida la reconstruction de l'Italie sortie du fascisme et de la deuxième guerre mondiale, et il en traça avec courage le chemin vers l'avenir; il en défendit la liberté et la démocratie; il en relança l'image au niveau international; il en promut la reprise économique en s'ouvrant à la collaboration de toutes les personnes de bonne volonté.

Spiritualité et politique se complétèrent si bien en lui que, si l'on veut comprendre jusqu'au bout cet homme estimé de gouvernement, il ne faut pas se limiter à regarder les résultats politiques qu'il obtint, mais il faut également tenir compte de sa fine sensibilité religieuse et de la foi solide qui anima constamment sa pensée et son action. En 1981, à cent ans de sa naissance, mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II lui rendit hommage, en affirmant que "en lui la foi fut le centre inspirateur, la force de cohésion, le critère des valeurs, la raison des choix" (Insegnamenti, iv, 1981, p. 861). Les racines de ce solide témoignage évangélique doivent être recherchées dans la formation humaine et spirituelle reçue dans sa région, le Trentin, dans une famille où l'amour pour le Christ constituait le pain quotidien et la référence de chaque choix. Il avait à peine plus de vingt ans quand, en 1902, prenant part au premier Congrès catholique du Trentin, il traça les lignes d'action apostolique qui constitueront le programme de toute son existence: "Il ne suffit pas de conserver le christianisme en soi-même - dit-il -, il faut combattre avec tout le gros de l'armée catholique pour reconquérir à la foi les champs de bataille perdus" (cf. A. De Gasperi, I cattolici trentini sotto l'Austria, éd. di storia e letteratura, Rome 1964, p. 24). Il restera fidèle à cette orientation jusqu'à sa mort, même au prix de sacrifices personnels, fasciné par la grande figure du Christ. "Je ne suis pas bigot - écrivait-il à sa future femme Francesca - et peut-être même pas religieux comme je devrais l'être; mais la personnalité du Christ vivant m'entraîne; me subjugue, me soulève comme un enfant. Viens, je te veux auprès de moi et que tu me suives dans la même attraction, comme vers un abîme de lumière" (A. De Gasperi, Cara Francesca, Lettere, sous la direction de M.R. De Gasperi, Morcelliana, Brescia 1999, PP 40-41).

On n'est alors pas surpris d'apprendre que pendant sa journée, malgré le poids des engagements institutionnels, la prière et la relation avec Dieu conservèrent toujours une grande place, commençant chaque jour, lorsque cela lui était possible, par la participation à la Messe. Les moments les plus chaotiques et mouvementés marquèrent même le sommet de sa spiritualité. Lorsque, par exemple, il fit l'expérience de la prison, il voulut avec lui la Bible comme premier livre et ensuite il garda l'habitude de noter les références bibliques sur des feuillets pour nourrir constamment son esprit. Vers la fin de son activité gouvernementale, après une dure confrontation parlementaire, il répondit à un collègue du gouvernement qui lui demandait quel était le secret de son action politique: "Que veux-tu, c'est le Seigneur!".

Chers amis, j'aimerais m'arrêter encore davantage sur ce personnage qui fait honneur à l'Eglise et à l'Italie, mais je me limite à en souligner la rectitude morale reconnue, basée sur une fidélité indiscutée aux valeurs humaines et chrétiennes, ainsi que la conscience morale sereine qui le guida dans les choix de la politique. "Dans le système démocratique - affirme-t-il dans l'une de ses interventions - est conféré un mandat politique administratif avec une responsabilité politique spécifique..., mais parallèlement il existe une responsabilité morale face à sa propre conscience, et la conscience pour décider doit toujours être illuminée par la doctrine et par l'enseignement de l'Eglise" (cf. A. De Gasperi, Discorsi politici 1923-1954, Cinque Lune, Roma 1990, p. 243). A certains moments, les difficultés ne manquèrent assurément pas et, peut-être, également les incompréhensions de la part du monde ecclésiastique, mais De Gasperi ne connut pas d'hésitation dans son adhésion à l'Eglise qui fut - comme il en témoigna dans un discours à Naples en juin 1954 - "pleine et sincère... également dans les directives morales et sociales contenues dans les documents pontificaux qui, presque quotidiennement, ont alimenté et formé notre vocation à la vie publique".

En cette même occasion, il notait que "pour oeuvrer dans le domaine social et politique, la foi et la vertu ne suffisent pas; il convient de créer et d'alimenter un instrument adapté aux temps... qui ait un programme, une méthode propre, une responsabilité autonome, une structure et une gestion démocratique". Docile et obéissant à l'Eglise, il fut donc autonome et responsable dans ses choix politiques, sans se servir de l'Eglise à des fins politiques et sans jamais faire de compromis avec la rectitude de sa conscience. A la fin de ses jours, il pourra dire: "J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, ma conscience est en paix", s'éteignant, réconforté par le soutien de ses proches, le 19 août 1954, après avoir murmuré à trois reprises le nom de Jésus. Chers amis, alors que nous prions pour l'âme de cet homme d'Etat à la renommée internationale, qui par son action politique a rendu service à l'Italie et à l'Europe, nous demandons au Seigneur que le souvenir de son expérience de gouvernement et de son témoignage chrétien soient un encouragement et un stimulant pour ceux qui aujourd'hui dirigent le destin de l'Italie et des autres peuples, en particulier pour ceux qui s'inspirent de l'Evangile. Avec ce voeu, je vous remercie encore une fois de votre visite et je vous bénis tous avec affection.

VISITE PASTORALE À SAN GIOVANNI ROTONDO

RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX,

LES RELIGIEUSES ET LES JEUNES BENOÎT XVI Eglise "San Pio da Pietrelcina" Dimanche 21 juin 2009

Chers prêtres,
959 chers religieux et religieuses,
chers jeunes,

Mon pèlerinage à San Giovanni Rotondo se termine par notre rencontre. Je suis reconnaissant à l'archevêque de Lecce, administrateur apostolique de ce diocèse, Mgr Domenico Umberto D'Ambrosio, et au père Mauro Jöhri, ministre général des frères mineurs capucins, des paroles cordiales de bienvenue qu'ils m'ont adressées en votre nom. Mon salut s'adresse à présent à vous, chers prêtres, qui êtes chaque jour engagés au service du peuple de Dieu comme guides sages et ouvriers zélés dans la vigne du Seigneur. Je salue avec affection également les personnes consacrées bien-aimées, appelées à offrir un témoignage de dévouement total au Christ à travers la pratique fidèle des conseils évangéliques. J'adresse une pensée spéciale à vous, chers frères capucins, qui soignez avec amour cet oasis de spiritualité et de solidarité évangélique, en accueillant les pèlerins et les fidèles appelés par la mémoire vivante de votre saint confrère Padre Pio da Pietrelcina. Je vous remercie de tout coeur pour ce service précieux que vous rendez à l'Eglise et aux âmes qui redécouvrent ici la beauté de la foi et la chaleur de la tendresse divine. Je vous salue, chers jeunes, vers qui le Pape se tourne avec confiance comme étant l'avenir de l'Eglise et de la société. Ici, à San Giovanni Rotondo, tout parle de la sainteté d'un humble frère et prêtre zélé, qui, ce soir, nous invite nous aussi à ouvrir notre coeur à la miséricorde de Dieu; il nous exhorte à être saints, c'est-à-dire des amis sincères et véritables de Jésus. Et merci des paroles de vos jeunes représentants.

Chers prêtres, précisément avant-hier, solennité du Sacré-Coeur de Jésus et Journée mondiale pour la sanctification des prêtres, nous avons ouvert l'Année sacerdotale, au cours de la quelle nous rappellerons avec vénération et affection le 150 anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d'Ars. Dans la lettre que j'ai écrite à cette occasion, j'ai voulu souligner combien la sainteté des prêtres est importante pour la vie et la mission de l'Eglise. Comme le curé d'Ars, Padre Pio nous rappelle lui aussi la dignité et la responsabilité du ministère sacerdotal. Qui n'était pas frappé par la ferveur avec laquelle il revivait la Passion du Christ au cours de chaque célébration eucharistique? De l'amour pour l'Eucharistie naissait en lui, comme chez le curé d'Ars, une totale disponibilité à l'accueil des fidèles, en particulier des pécheurs. En outre, si saint Jean-Marie Vianney, à une époque tourmentée et difficile, chercha de toutes les manières à faire redécouvrir à ses paroissiens la signification et la beauté du sacrement de la pénitence, pour le saint frère du Gargano, le soin des âmes et la conversion des pécheurs furent une aspiration qui le consuma jusqu'à la mort. Combien de personnes ont-elles changé de vie grâce à son patient ministère sacerdotal; combien de longues heures passait-il au confessionnal! Comme pour le curé d'Ars, c'est précisément le ministère de confesseur qui constitue le plus grand titre de gloire et le trait caractéristique de ce saint capucin. Comment alors ne pas nous rendre compte de l'importance de participer pieusement à la célébration eucharistique et de pratiquer fréquemment le sacrement de la confession? En particulier, le sacrement de la pénitence doit être encore davantage valorisé, et les prêtres ne devraient jamais se résigner à voir leurs confessionnaux déserts ni se limiter à constater la désaffection des fidèles pour cette extraordinaire source de sérénité et de paix.

Il y a ensuite un autre grand enseignement que nous pouvons tirer de la vie de Padre Pio: la valeur et la nécessité de la prière. A celui qui lui demandait un avis sur sa personne, il avait l'habitude de répondre: "Je ne suis qu'un pauvre frère qui prie". Et effectivement, il priait toujours et partout avec humilité, confiance et persévérance. Voilà alors le point fondamental non seulement pour la spiritualité du prêtre, mais également pour celle de chaque chrétien, et encore plus pour la vôtre, chers religieux et religieuses, choisis pour suivre de plus près le Christ à travers la pratique des voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. On peut parfois être pris par un certain découragement face à l'affaiblissement et même à l'abandon de la foi, que l'on enregistre dans nos sociétés sécularisées. Il faut certainement trouver de nouveaux canaux pour transmettre la vérité évangélique aux hommes et aux femmes de notre temps, mais puisque le contenu essentiel de l'annonce chrétienne reste toujours le même, il est nécessaire de revenir à la source originelle, à Jésus Christ qui est "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (
He 13,8). Le parcours humain et spirituel de Padre Pio enseigne que seule une âme intimement unie au Crucifié réussit à transmettre également à ceux qui sont loin la joie et la richesse de l'Evangile.

A l'amour pour le Christ est inévitablement uni l'amour pour son Eglise, guidée et animée par la puissance de l'Esprit Saint, dans laquelle chacun de nous a un rôle et une mission à accomplir. Chers prêtres, chers religieux et religieuses, les tâches qui vous sont confiées et les charismes dont vous êtes les interprètes sont différents, mais que l'esprit avec lequel vous êtes appelés à les réaliser soit unique, pour que votre présence et votre action à l'intérieur du peuple chrétien devienne un témoignage éloquent du primat de Dieu dans votre existence. N'était-ce pas précisément cela que tous percevaient chez saint Pio da Pietrelcina?

Permettez-moi à présent d'adresser une parole particulière aux jeunes, que je vois si nombreux et enthousiastes. Chers amis, merci de votre accueil chaleureux et des sentiments fervents dont vos représentants se sont faits les interprètes. J'ai noté que le plan pastoral de votre diocèse, pour le triennat 2007-2010, consacre une grande attention à la mission à l'égard de la jeunesse et de la famille et je suis certain que de l'itinéraire d'écoute, de confrontation, de dialogue et d'analyse dans lequel vous êtes engagés, naîtront un soin toujours plus grand pour les familles et une écoute attentive des attentes réelles des nouvelles générations. Chers jeunes garçons et jeunes filles, j'ai à l'esprit les problèmes qui vous assaillent et qui risquent d'étouffer les enthousiasmes propres à votre jeunesse. Parmi ceux-ci, en particulier, je cite le phénomène du chômage qui concerne de manière dramatique les nombreux jeunes garçons et jeunes filles du sud de l'Italie. Ne perdez pas courage! Soyez "des jeunes au grand coeur", comme cela vous a souvent été répété cette année à partir de la mission diocésaine des jeunes, animée et guidée par le séminaire régional de Molfetta en septembre dernier. L'Eglise ne vous abandonne pas.

N'abandonnez pas l'Eglise! Votre contribution est nécessaire pour construire des communautés chrétiennes vivantes, et des sociétés plus justes et ouvertes à l'espérance. Et si vous voulez avoir un "grand coeur", mettez-vous à l'école de Jésus. Précisément l'autre jour, nous avons contemplé son grand Coeur rempli d'amour pour l'humanité. Il ne vous abandonnera jamais et ne trahira jamais votre confiance, jamais il ne vous conduira sur de mauvaises voies. Comme Padre Pio, soyez vous aussi de fidèles amis du Seigneur Jésus, en entretenant avec Lui une relation quotidienne à travers la prière et l'écoute de sa Parole, la pratique assidue des sacrements et l'appartenance cordiale à sa famille, qui est l'Eglise. Cela doit être à la base du programme de vie de chacun de vous, chers jeunes, ainsi que de vous, chers prêtres, et de vous, chers religieux et religieuses. J'assure chacune et chacun de ma prière, alors que j'implore la protection maternelle de Sainte Marie des Grâces, qui veille sur vous de son sanctuaire, dans la crypte duquel repose la dépouille mortelle de Padre Pio. Je vous remercie de tout coeur encore une fois pour votre accueil et je vous bénis tous, avec vos familles, vos communautés, vos paroisses et tout votre diocèse.

VISITE PASTORALE À SAN GIOVANNI ROTONDO

RENCONTRE AVEC LES MALADES,

LE PERSONNEL MÉDICAL ET LES DIRIGEANTS DE L'HÔPITAL BENOÎT XVI Entrée monumentale de la "Casa Sollievo della Sofferenza" Dimanche 21 juin 2009

Chers frères et soeurs,
chers malades,

960 A l'occasion de ma visite à San Giovanni Rotondo, je ne pouvais manquer de faire étape à la "Casa Sollievo della Sofferenza", conçue et voulue par saint Pio da Pietrelcina comme "lieu de prière et de science où le genre humain se retrouve dans le Christ Crucifié comme un seul troupeau avec un seul pasteur". C'est précisément pour cette raison qu'il souhaita la confier au soutien matériel et surtout spirituel des Groupes de prière, qui ont ici le centre de leur mission au service de l'Eglise. Padre Pio voulait qu'au sein de cette structure médicale bien équipée on puisse se rendre compte concrètement que l'engagement de la science de soigner les malades ne doit jamais être séparé d'une confiance filiale envers Dieu, infiniment doux et miséricordieux. En l'inaugurant le 5 mai 1956, il la définissait comme une "créature de la Providence" et il parlait de cette institution comme d'"une graine déposée par Dieu sur la terre, qu'Il réchauffera avec les rayons de son amour".

Me voici donc parmi vous pour rendre grâce à Dieu pour le bien que, depuis plus de cinquante ans, fidèles aux directives d'un humble frère capucin, vous faites dans cette "Casa Sollievo della Sofferenza", avec des résultats reconnus sur le plan scientifique et médical. Il ne m'est malheureusement pas possible, comme je le souhaiterais, de visiter chaque pavillon et de saluer un à un les malades avec ceux qui prennent soin d'eux. J'ai toutefois à coeur d'adresser à chacun - malades, médecins, parents, professionnels de la santé et agents de la pastorale - une parole de réconfort paternel et d'encouragement à poursuivre ensemble cette oeuvre évangélique au service du soulagement de la vie qui souffre, en valorisant toutes les ressources pour le bien humain et spirituel des malades et de leurs familles.

Avec ces sentiments, je vous salue tous cordialement, à commencer par vous, frères et soeurs qui êtes éprouvés par la maladie. Je salue ensuite les médecins, les infirmières et le personnel médical et administratif. Je vous salue, vénérés pères capucins, qui, en tant qu'aumôniers, poursuivez l'apostolat de votre saint confrère. Je salue les prélats et, en premier lieu l'archevêque, Mgr Domenico Umberto D'Ambrosio, ancien pasteur de ce diocèse et à présent appelé à guider la communauté archidiocésaine de Lecce; je lui suis reconnaissant pour les paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Je salue ensuite le directeur général de l'hôpital, le docteur Domenico Crupi, et le représentant des malades; je suis reconnaissant pour les paroles courtoises et cordiales qu'ils viennent de m'adresser, en me permettant de mieux connaître ce qui est accompli ici et l'esprit avec lequel vous le réalisez.

Chaque fois que l'on entre dans un lieu de soin, la pensée va naturellement au mystère de la maladie et de la douleur, à l'espérance de la guérison et à la valeur inestimable de la santé, dont on ne se rend compte que lorsqu'elle fait défaut. Dans les hôpitaux on touche du doigt le caractère précieux de notre existence mais aussi de sa fragilité. En suivant l'exemple de Jésus, qui parcourait toute la Galilée, "guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple" (
Mt 4,23), l'Eglise, depuis ses origines, animée par l'Esprit Saint, a considéré comme son devoir et privilège d'être aux côtés de ceux qui souffrent, en cultivant une attention préférentielle pour les malades.

La maladie, qui se manifeste sous tant de formes et frappe de différentes manières, suscite des questions pleines d'inquiétudes: Pourquoi souffrons-nous? L'expérience de la douleur peut-elle être considérée comme positive? Qui peut nous libérer de la souffrance et de la mort? Des questions essentielles, qui restent le plus souvent humainement sans réponse, étant donné que la souffrance constitue une énigme impénétrable à la raison. La souffrance fait partie du mystère même de la personne humaine. C'est ce que j'ai souligné dans l'encyclique Spe salvi, en notant qu'"elle découle, d'une part, de notre finitude et, de l'autre, de la somme de fautes qui, au cours de l'histoire, s'est accumulée et qui, encore aujourd'hui, grandit sans cesse". Et j'ai ajouté qu'"il faut certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance... mais l'éliminer complètement du monde n'est pas dans nos possibilités simplement... parce qu'aucun de nous n'est en mesure d'éliminer le pouvoir du mal... continuellement source de souffrance" (cf. n. 36).

Seul Dieu peut éliminer le pouvoir du mal. C'est précisément du fait que Jésus Christ est venu dans le monde pour nous révéler le dessein divin de notre salut, que la foi nous aide à pénétrer le sens de tout l'humain et donc également de la souffrance. Il existe donc une relation intime entre la Croix de Jésus - symbole de la douleur suprême et prix de notre vraie liberté - et notre douleur, qui se transforme et se sublime quand elle est vécue dans la conscience de la proximité et de la solidarité de Dieu. Padre Pio avait eu l'intuition de cette profonde vérité et, pour le premier anniversaire de l'inauguration de cette OEuvre, il déclara qu'au sein de celle-ci "la personne qui souffre doit vivre l'amour de Dieu grâce à la sage acceptation de ses douleurs, à la méditation sereine de son destin à Lui" (Discours du 5 mai 1957). Il notait encore que, dans la "Casa Sollievo", "les personnes hospitalisées, les médecins les prêtres seront des réserves d'amour qui, plus il sera abondant chez l'un, plus il se communiquera aux autres" (ibid.).

Etre des "réserves d'amour": telle est, chers frères et soeurs, la mission que ce soir notre saint vous rappelle, vous qui à divers titres formez la grande famille de cette "Casa Sollievo della Sofferenza". Que le Seigneur vous aide à réaliser le projet lancé par Padre Pio avec la contribution de tous: des médecins et des chercheurs scientifiques, des professionnels de la santé et des collaborateurs des différents bureaux, des volontaires et des bienfaiteurs, des frères capucins et des autres prêtres. Sans oublier les groupes de prière qui "aux côtés de la "Casa Sollievo della Sofferenza" sont les postes avancés de cette citadelle de la charité, viviers de foi, foyers d'amour" (Padre Pio, Discours du 5 mai 1966). J'invoque sur tous et sur chacun de vous l'intercession de Padre Pio et la protection maternelle de Marie, Santé des malades. Merci encore de votre accueil et, tout en assurant chacun de vous de ma prière, je vous bénis tous de tout coeur.

VISITE PASTORALE À SAN GIOVANNI ROTONDO

BENOÎT XVI

ANGELUS Parvis de l'église de San Pio da Pietrelcina Dimanche 21 juin 2009



Chers frères et soeurs,

Au terme de cette célébration solennelle, je vous invite à réciter avec moi - comme chaque dimanche - la prière mariale de l'Angelus. Mais ici, dans le sanctuaire de saint Pio da Pietrelcina, il nous semble entendre sa voix, qui nous exhorte à nous adresser à la Sainte Vierge avec un coeur d'enfant: "Aimez la Vierge et faites-la aimer". C'est ce qu'il répétait à tous, et plus que les mots, c'est le témoignage exemplaire de sa profonde dévotion à la Mère céleste qui était valable. Baptisé dans l'église de Santa Maria degli Angeli de Pietrelcina du nom de François, comme le Poverello d'Assise, il nourrit toujours pour la Vierge un amour très tendre. La Providence le conduisit ensuite ici, à San Giovanni Rotondo, au sanctuaire de Santa Maria delle Grazie, où il resta jusqu'à sa mort et où repose sa dépouille. Toute sa vie et son apostolat se sont donc déroulés sous le regard maternel de la Vierge et avec la puissance de son intercession. Il considérait aussi la "Maison du Soulagement de la Souffrance" comme une oeuvre de Marie, "Santé des malades". C'est pourquoi, chers amis, à l'exemple de Padre Pio, je veux moi aussi aujourd'hui vous confier à la protection maternelle de la Mère de Dieu. Je l'invoque de manière particulière pour la communauté des frères capucins, pour les malades de l'hôpital et pour tous ceux qui prennent soin d'eux avec amour, ainsi que pour les groupes de prière qui diffusent en Italie et dans le monde la consigne spirituelle du saint fondateur.

961 Je voudrais confier de manière spéciale à l'intercession de la Vierge et de saint Pio da Pietrelcina l'Année sacerdotale, que j'ai inaugurée vendredi dernier, solennité du Sacré Coeur de Jésus. Qu'elle soit une occasion privilégiée de mettre en lumière la valeur de la mission et de la sainteté des prêtres au service de l'Eglise et de l'humanité du troisième millénaire!

Prions aujourd'hui aussi pour la situation difficile et parfois dramatique des réfugiés. La Journée mondiale du Réfugié, organisée par les Nations unies, a justement été célébrée hier. Beaucoup de personnes cherchent refuge dans d'autres pays, fuyant des situations de guerre, des persécutions et des catastrophes, et leur accueil pose beaucoup de difficultés mais il est toutefois nécessaire. Que grâce à Dieu, avec l'engagement de tous, on réussisse le plus possible à éliminer les causes d'un phénomène si triste.

Je salue avec une grande affection tous les pèlerins ici rassemblés. J'exprime ma reconnaissance aux autorités civiles et à tous ceux qui ont collaboré à la préparation de ma visite. Merci de tout coeur! Je le répète à tous: marchez sur la voie que Padre Pio vous a indiquée, la voie de la sainteté selon l'Evangile de notre Seigneur Jésus Christ. Sur ce chemin, la Vierge Marie vous précédera toujours, et de sa main maternelle, elle vous guidera vers la patrie céleste.

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CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE

HOMÉLIE Esplanade de l'église de San Pio da Pietrelcina Dimanche 21 juin 2009



Chers frères et soeurs!

Au coeur de mon pèlerinage en ce lieu, où tout parle de la vie et de la sainteté de Padre Pio da Pietrelcina, j'ai la joie de célébrer pour vous et avec vous l'Eucharistie, mystère qui a constitué le centre de toute son existence: l'origine de sa vocation, la force de son témoignage, la consécration de son sacrifice. Je vous salue avec une grande affection, vous tous qui êtes venus nombreux ici, et tous ceux qui sont en liaison avec nous à travers la radio et la télévision. Je salue tout d'abord S.Exc. Mgr Domenico Umberto D'Ambrosio, qui, après tant d'années de fidèle service à cette communauté diocésaine, s'apprête à assumer la charge pastorale de l'archidiocèse de Lecce. Je le remercie cordialement également parce qu'il s'est fait l'interprète de vos sentiments. Je salue les autres évêques concélébrants. J'adresse un salut spécial aux frères capucins, avec le ministre général, frère Mauro Jöhri, le définiteur général, le ministre provincial, le père gardien du couvent, le recteur du sanctuaire et la fraternité capucine de San Giovanni Rotondo. Je salue en outre avec reconnaissance ceux qui offrent leur contribution au service du sanctuaire et des oeuvres annexes; je salue les autorités civiles et militaires; je salue les prêtres, les diacres, les autres religieux et religieuses et tous les fidèles. J'adresse une pensée affectueuse à ceux qui se trouvent dans la Maison "Sollievo della Sofferenza", aux personnes seules et à tous les habitants de votre ville.

Nous venons d'écouter l'Evangile de la tempête apaisée, que l'on a rapproché d'un texte bref mais incisif du Livre de Job, où Dieu se révèle comme le Seigneur de la mer. Jésus menace le vent et ordonne à la mer de se calmer, il l'interpelle comme si celle-ci s'identifiait au pouvoir diabolique. En effet, selon ce que nous disent la première Lecture et le Psaume 106/107, dans la Bible la mer est considérée comme un élément menaçant, chaotique, potentiellement destructeur, que seul Dieu, le Créateur, peut dominer, gouverner et apaiser.

Il existe cependant une autre force - une force positive - qui anime le monde, capable de transformer et de renouveler les créatures: la force de l'"amour du Christ", (2Co 5,14), comme l'appelle saint Paul dans la Deuxième Lettre aux Corinthiens: ce n'est donc pas essentiellement une force cosmique, mais divine, transcendante. Il agit également sur l'univers mais, en lui-même, l'amour du Christ est un pouvoir "autre", et le Seigneur a manifesté cette altérité transcendante dans sa Pâque, dans la "sainteté" du "chemin" qu'Il a choisi pour nous libérer de la domination du mal, comme cela s'était produit pour l'exode d'Egypte, lorsqu'il avait fait sortir les juifs à travers les eaux de la Mer Rouge. "O Dieu - s'exclame le psalmiste - la sainteté est ton chemin... Par la mer passait ton chemin / tes sentiers, par les eaux profondes" (Ps 77/76, 14.20). Dans le mystère pascal, Jésus est passé à travers l'abîme de la mort, car Dieu a ainsi voulu renouveler l'univers: à travers la mort et la résurrection de son Fils "mort pour tous", pour que tous puissent vivre "pour celui qui est mort et ressuscité pour eux" (2Co 5,16) et ne pas vivre uniquement pour eux-mêmes!

Le geste solennel de calmer la mer agitée est clairement le signe de la domination du Christ sur les puissances négatives et incite à penser à sa divinité: "Qui est-il donc - se demandent émerveillés et craintifs les disciples -, pour que même le vent et la mer lui obéissent?" (Mc 4,41). Leur foi n'est pas encore solide, elle est en train de se former; c'est un mélange de peur et de confiance; l'abandon confiant de Jésus au Père est en revanche total et pur. Ainsi par ce pouvoir de l'amour, il peut dormir, Il dort pendant la tempête, absolument en sécurité entre les bras de Dieu. Mais le moment viendra où Jésus éprouvera la peur et l'angoisse: lorsque son heure viendra, il sentira sur lui le poids des péchés de l'humanité, comme une marée montante qui va s'abattre sur Lui. Il s'agira alors d'une tempête terrible, non pas d'une tempête universelle, mais spirituelle. Ce sera le dernier assaut extrême du mal contre le Fils de Dieu.

Mais en cette heure, Jésus ne douta pas du pouvoir de Dieu le Père et de sa proximité, même s'il dut faire pleinement l'expérience de la distance de la haine à l'amour, du mensonge à la vérité, du péché à la grâce. Il fit l'expérience de ce drame en lui-même de manière déchirante, en particulier au Gethsémani, avant son arrestation, et ensuite durant toute sa passion, jusqu'à sa mort en croix. En cette heure, Jésus fut, d'une part, entièrement un avec le Père, pleinement abandonné à Lui; mais, de l'autre, solidaire avec les pécheurs, il fut comme séparé et se sentit comme abandonné par Lui.

962 Certains saints ont vécu intensément et personnellement cette expérience de Jésus. Padre Pio da Pietrelcina est l'un d'eux. Un homme simple, d'origine humble, "saisi par le Christ" (Ph 3,12) - comme l'apôtre Paul l'écrit de lui-même - pour en faire un instrument élu du pouvoir éternel de sa Croix: pouvoir d'amour pour les âmes, de pardon et de réconciliation, de paternité spirituelle, de solidarité effective avec ceux qui souffrent. Les stigmates, qui marquèrent son corps, l'unirent intimement au Crucifié-Ressuscité. Authentique disciple de saint François d'Assise, il fit sienne, comme le Poverello d'Assise, l'expérience de l'apôtre Paul, telle qu'il la décrit dans ses Lettres: "Avec le Christ, je suis fixé à la croix; je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20); ou bien: "Ainsi la mort fait son oeuvre en nous, et la vie en vous" (2Co 4,12). Cela ne signifie pas aliénation, perte de personnalité: Dieu n'annule jamais l'être humain, mais le transforme avec son Esprit et l'oriente au service de son dessein de salut. Padre Pio conserva ses dons naturels, et aussi son tempérament, mais il offrit chaque chose à Dieu, qui a pu s'en servir librement pour prolonger l'oeuvre du Christ: annoncer l'Evangile, remettre les péchés et guérir les malades dans le corps et l'esprit.

Comme ce fut le cas pour Jésus, Padre Pio a dû soutenir la vraie lutte, le combat radical non contre des ennemis terrestres, mais contre l'esprit du mal (cf. Ep Ep 6,12). Les plus grandes "tempêtes" qui le menaçaient étaient les assauts du diable, dont il se défendait avec l'"armure de Dieu", avec "le bouclier de la foi" et "l'épée de l'Esprit, c'est-à-dire la parole de Dieu" (Ep 6,11 Ep 6,16 Ep 6,17). Restant uni à Jésus, il n'a jamais perdu de vue la profondeur du drame humain, et c'est pour cela qu'il s'est offert et a offert ses nombreuses souffrances, et il a su se prodiguer pour le soin et le soulagement des malades, signe privilégié de la miséricorde de Dieu, de son Royaume qui vient, qui est même déjà dans le monde, de la victoire de l'amour et de la vie sur le péché et sur la mort. Guider les âmes et soulager les souffrances: ainsi peut-on résumer la mission de saint Pio da Pietrelcina, comme l'a dit également à son propos le serviteur de Dieu, le Pape Paul vi: "C'était un homme de prière et de souffrance" (Aux pères capitulaires capucins, 20 février 1971).

Chers amis, frères mineurs capucins, membres des groupes de prière et tous les fidèles de San Giovanni Rotondo, vous êtes les héritiers de Padre Pio et l'héritage qu'il vous a laissé est la sainteté. Dans une de ses lettres, il écrit: "Il semble que Jésus n'ait pas d'autre souci à l'esprit que celui de sanctifier votre âme" (Epist. ii, p. 155). Telle était toujours sa première préoccupation, son inquiétude sacerdotale et paternelle: que les personnes reviennent à Dieu, qu'elles puissent faire l'expérience de sa miséricorde et, intérieurement renouvelées, puissent redécouvrir la beauté et la joie d'être chrétiens, de vivre en communion avec Jésus, d'appartenir à son Eglise et de pratiquer l'Evangile. Padre Pio attirait sur la voie de la sainteté grâce à son propre témoignage, en indiquant par l'exemple le "chemin" qui conduit à celle-ci: la prière et la charité.

Avant tout la prière. Comme tous les grands hommes de Dieu, Padre Pio était lui-même devenu prière, corps et âme. Ses journées étaient un chapelet vécu, une méditation et une assimilation continues des mystères du Christ en union spirituelle avec la Vierge Marie. C'est ainsi que s'explique la coprésence singulière en lui de dons surnaturels et de qualités humaines. Et tout atteignait son sommet dans la célébration de la Messe: là il s'unissait pleinement au Seigneur mort et ressuscité. De la prière, comme d'une source toujours vive, jaillissait la charité.L'amour qu'il portait dans son coeur et qu'il transmettait aux autres était plein de tendresse, toujours attentif aux situations réelles des personnes et des familles. En particulier à l'égard des malades et des personnes qui souffrent il nourrissait la prédilection du Coeur du Christ, et c'est précisément de celle-ci qu'a pris origine et forme le projet d'une grande oeuvre consacrée au "soulagement de la souffrance". On ne peut pas comprendre ni interpréter comme il se doit cette institution si on la sépare de sa source d'inspiration, qui est la charité évangélique, animée à son tour par la prière.

Très chers amis, Padre Pio repropose tout cela aujourd'hui à notre attention. Les risques de l'activisme et de la sécularisation sont toujours présents; c'est pourquoi ma visite a également pour but de vous confirmer dans la fidélité à la mission héritée de votre père bien-aimé. Beaucoup d'entre vous, religieux, religieuses et laïcs, êtes tellement pris par les mille occupations requises par le service aux pèlerins, ou aux malades de l'hôpital, que vous courez le risque de négliger la chose vraiment nécessaire: écouter le Christ pour accomplir la volonté de Dieu. Lorsque vous vous apercevez que vous êtes proches de courir ce risque, regardez Padre Pio: son exemple, ses souffrances; et invoquez son intercession, pour qu'il obtienne du Seigneur la lumière et la force dont vous avez besoin pour poursuivre sa mission imprégnée d'amour pour Dieu et de charité fraternelle. Et du ciel, qu'il continue à exercer cette paternité totalement spirituelle qui l'a distingué au cours de son existence terrestre; qu'il continue à accompagner ses confrères, ses fils spirituels et toute l'oeuvre qu'il a commencée. Avec saint François, et la Vierge, qu'il a tant aimée et faite aimer dans ce monde, qu'il veille sur vous tous et vous protège toujours. Et alors, même dans les tempêtes qui peuvent se lever à l'improviste, vous pourrez faire l'expérience du souffle de l'Esprit Saint, qui est plus fort que tout vent contraire et qui pousse la barque de l'Eglise et chacun de nous. Voilà pourquoi nous devons toujours vivre dans la sérénité et cultiver la joie dans notre coeur, en rendant grâce au Seigneur. "Son amour est pour toujours" (Psaume responsorial). Amen!



Discours 2005-2013 958