Discours 2005-2013 973

973 Chers frères et soeurs,

La célébration eucharistique solennelle de ce matin à Viterbe a inauguré ma visite pastorale à votre communauté diocésaine, et notre rencontre ici, à Bagnoregio, la conclut en quelque sorte. Je vous salue tous avec affection: autorités religieuses, civiles et militaires, prêtres, religieux et religieuses, agents pastoraux, jeunes et familles, et je vous remercie pour la cordialité avec laquelle vous m'avez accueilli. Je renouvelle mes remerciements en premier lieu à votre évêque pour ses paroles affectueuses qui ont rappelé mon lien avec saint Bonaventure. Et je salue avec déférence le maire de Bagnoregio, le remerciant pour le salut cordial de bienvenue qu'il m'a adressé au nom de toute la ville.

Giovanni Fidanza, qui devint par la suite frère Bonaventure, unit son nom à celui de Bagnoregio dans la célèbre présentation qu'il fait de lui-même dans la Divine Comédie. En disant: "Je suis l'âme de Bonaventure de Bagnorea qui en mes grands offices mis toujours en second le souci temporel" (Dante, Paradis, xii, 127-129), il souligne que dans les importants devoirs qu'il dut accomplir dans l'Eglise, il plaça toujours le soin des réalités temporelles ("le souci temporel") après le bien spirituel des âmes. C'est ici, à Bagnoregio, qu'il passa son enfance et son adolescence; il suivit ensuite saint François, pour lequel il éprouvait une gratitude particulière, car, comme il l'écrivit, lorsqu'il était enfant, il l'avait "arraché aux griffes de la mort" (Legenda Maior, Prologus, 3, 3) et il lui avait prédit "Buona ventura" - une heureuse destinée - comme vient de le rappeler votre maire. Avec le Poverello d'Assise, il sut établir un lien profond et durable, puisant en lui son inspiration ascétique et son génie ecclésial. Vous conservez précieusement l'insigne relique du "Saint Bras" de votre illustre concitoyen, vous maintenez vivante sa mémoire et vous approfondissez la doctrine, en particulier à travers le centre d'études de saint Bonaventure Tecchi, qui promeut tous les ans des congrès d'études de haut niveau qui lui sont consacrés.

Il n'est pas facile de résumer l'ample doctrine philosophique, théologique et mystique que nous a laissée saint Bonaventure. En cette année sacerdotale, je voudrais inviter en particulier les prêtres à se mettre à l'école de ce grand docteur de l'Eglise, pour en approfondir l'enseignement de sagesse enracinée dans le Christ. C'est vers la sagesse, qui fleurit dans la sainteté, qu'il oriente chaque pas de sa recherche et de sa tension mystique, en passant par les degrés qui vont de ce qu'il appelle la "sagesse uniforme", concernant les principes fondamentaux de la connaissance, à la "sagesse multiforme", qui consiste dans le langage mystérieux de la Bible, puis à la "sagesse omniforme", qui reconnaît dans chaque réalité créée le reflet du Créateur, jusqu'à la "sagesse informe", c'est-à-dire l'expérience du contact intime et mystique avec Dieu, alors que l'esprit de l'homme effleure en silence le Mystère infini (cf. J. Ratzinger, Saint Bonaventure et la théologie de l'histoire, Ed. Porziuncula, 2006, pp. 92sq). Dans le souvenir de ce profond chercheur et amant de la sagesse, je voudrais en outre exprimer mon encouragement et mon estime pour le service que, dans la communauté ecclésiale, les théologiens sont appelés à rendre à cette foi, qui recherche l'esprit, cette foi qui est "amie de l'intelligence" et qui devient vie nouvelle selon le projet de Dieu.

Dans le riche patrimoine doctrinal et mystique de saint Bonaventure, je me limite ce soir à puiser quelques "pistes de réflexion", qui pourraient se révéler utiles pour le chemin pastoral de votre communauté diocésaine. Il fut en premier lieu, un inlassable chercheur de Dieu depuis qu'il suivit ses études à Paris, et continua de l'être jusqu'à sa mort. Dans ses écrits, il indique l'itinéraire à parcourir. "Etant donné que Dieu est en haut - écrit-il - il est nécessaire que l'esprit s'élève vers lui de toutes ses forces" (De reductione artium ad theologiam, n. 25). Il trace ainsi un parcours de foi complexe, dans lequel il ne suffit pas d'avoir "la lecture sans l'onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l'admiration, la considération sans la joie, l'industrie sans la piété, la science sans la charité, l'intelligence sans l'humilité, l'étude sans la grâce divine, le miroir sans la sagesse divinement inspirée" (Itinerarium mentis in Deum, prol. 4). Ce chemin de purification implique toute la personne pour arriver, à travers le Christ, à l'amour transformateur de la Trinité. Et étant donné que le Christ, depuis toujours Dieu et pour toujours homme, opère chez les fidèles une création nouvelle à travers sa grâce, l'exploration de la présence divine devient contemplation de Lui dans l'âme "où Il habite avec les dons de son amour irrépressible" (ibid., iv, 4), pour être à la fin transportés en Lui. La foi est donc un perfectionnement de nos capacités cognitives et une participation à la connaissance que Dieu a de lui-même dans le monde; nous ressentons l'espérance comme une préparation à la rencontre avec le Seigneur, qui marquera le plein accomplissement de cette amitié qui nous lie d'ores et déjà à Lui. Et dans la charité, il nous introduit dans la vie divine, nous faisant considérer comme frères tous les hommes selon la volonté du Père céleste commun.

Outre chercheur de Dieu, saint Bonaventure fut le séraphique chantre de la création qui, à la suite de saint François, apprit à "louer Dieu en tout et au moyen de toutes les créatures", dans lesquelles "resplendissent la toute-puissance, la sagesse et la bonté du Créateur" (ibid., 1, 10). Saint Bonaventure présente une vision positive du monde, don d'amour de Dieu aux hommes: il reconnaît dans le monde le reflet de la Bonté et Beauté suprêmes qu'il affirme, dans la lignée de saint Augustin et de saint François, être Dieu lui-même. Tout nous a été donné par Dieu. De lui, comme d'une source originelle, jaillit le vrai, le bien et le beau. Vers Dieu, comme à travers les degrés d'une échelle, on monte jusqu'à atteindre et presque toucher le Bien suprême et trouver en Lui notre bonheur et notre paix. Combien il serait utile de redécouvrir aujourd'hui encore la beauté et la valeur de la création à la lumière de la bonté et de la beauté divine! Dans le Christ, l'univers lui-même, observe saint Bonaventure, peut redevenir une voix qui parle de Dieu et qui nous pousse à explorer sa présence; il nous exhorte à l'honorer et à le glorifier en toutes choses (cf. ibid., i, 15). On ressent ici l'âme de saint François, dont notre saint partagea l'amour pour toutes les créatures.

Saint Bonaventure fut messager d'espérance. Nous trouvons une belle image de l'espérance dans l'une de ses prédications de l'Avent, où il compare le mouvement de l'espérance au vol de l'oiseau, qui déploie ses ailes le plus possible, et qui emploie toutes ses forces pour battre de ses ailes. Il devient, dans un certain sens, lui-même entièrement mouvement pour aller vers le haut et voler. Espérer, c'est voler, dit saint Bonaventure. Mais l'espérance exige que tous nos membres deviennent mouvement et se projettent vers la véritable hauteur de notre être, vers les promesses de Dieu. Celui qui espère - affirme-t-il - "doit relever la tête, dirigeant vers le haut ses pensées, vers le sommet de notre existence, c'est-à-dire vers Dieu" (Sermo XVI, Dominica I Adv., Opera omnia, IX, 40a).

Monsieur le maire, dans son discours, a posé la question suivante: "Que sera Bagnoregio demain?". En vérité, nous nous interrogeons tous sur notre avenir et sur celui du monde et cette interrogation a beaucoup à voir avec l'espérance, dont chaque coeur humain a soif. Dans l'encyclique Spe salvi, j'ai observé qu'il ne suffit pas toutefois d'une espérance quelconque pour affronter et surmonter les difficultés du présent; une "espérance fiable" est indispensable, qui, nous apportant la certitude de parvenir à un "grand" objectif, justifie les "efforts du chemin" (n. 1). Seule cette "grande espérance-certitude" nous assure que, en dépit des échecs de la vie personnelle et des contradictions de l'histoire dans son ensemble, le "pouvoir indestructible de l'Amour" nous préserve. Lorsque nous sommes soutenus par cette espérance, nous ne risquons jamais de perdre le courage de contribuer, comme l'ont fait les saints, au salut de l'humanité, nous ouvrant nous aussi, ainsi que le monde, à l'entrée de Dieu: de la vérité, de l'amour, de la lumière (cf. n. 35). Que saint Bonaventure nous aide à "déployer les ailes" de l'espérance et à être comme lui, à la recherche incessante de Dieu, des chantres des beautés de la création et des témoins de l'Amour et de la Beauté qui "touche tout".

Merci, chers amis, une fois de plus, pour votre accueil. Tandis que je vous assure de mon souvenir dans la prière, je vous donne, par l'intercession de saint Bonaventure, et en particulier de Marie, Vierge fidèle et Etoile de l'espérance, une Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers à tous les habitants de cette belle Terre riche de saints.

VISITE PASTORALE À VITERBE ET BAGNOREGIO (ITALIE)

PRIÈRE À LA VIERGE DU CHÊNE



Chères soeurs!

C'est pour moi une véritable joie de pouvoir vous rencontrer en ce lieu cher à la piété populaire. Vous, moniales de vie contemplative, avez pour mission dans l'Eglise d'être des flammes qui, dans le silence des monastères, brûlent de prière et d'amour pour Dieu. Je vous confie mes intentions, les intentions du pasteur de ce diocèse et les besoins de ceux qui vivent sur cette terre. En cette Année sacerdotale, je vous confie en particulier les prêtres, les séminaristes et les vocations. Par votre silence et votre prière, soyez leur soutien "à distance" et exercez à leur égard votre maternité spirituelle, en offrant au Seigneur le sacrifice de votre vie pour leur sanctification et pour le bien des âmes. Je vous remercie de votre présence et je vous bénis de tout coeur; apportez également à vos consoeurs, qui n'ont pas pu venir, le salut et la bénédiction du Pape. Je vous demande à présent de vous unir à moi pour invoquer la protection maternelle de Marie sur cette communauté diocésaine et sur les habitants de cette terre riche de traditions religieuses et culturelles.

974 Vierge Sainte, Vierge du Chêne,
Patronne du diocèse de Viterbe,
recueillis dans ce sanctuaire qui t'est consacré,
Nous t'adressons une prière suppliante et pleine de confiance:
veille sur le Successeur de Pierre et sur l'Eglise confiée à ses soins;
veille sur cette communauté diocésaine et sur ses pasteurs,
sur l'Italie, sur l'Europe et sur les autres continents.
Reine de la paix, obtiens le don de la concorde et de la paix
pour les peuples et pour l'humanité tout entière.

Vierge obéissante, Mère du Christ,
qui, avec ton "oui" docile à l'annonce de l'Ange,
975 es devenue la Mère du Tout-Puissant,
aide tous tes fils à seconder
les desseins que le Père céleste a pour chacun,
pour coopérer au projet universel de rédemption,
que le Christ a accompli en mourant sur la croix.

Vierge de Nazareth, Reine de la famille,
fais de nos familles chrétiennes des foyers de vie évangélique,
enrichies par le don de nombreuses vocations
au sacerdoce et à la vie consacrée.
Maintiens ferme l'unité de nos familles,
aujourd'hui si menacée de toute part,
976 et fais-en des foyers de sérénité et de concorde,
où le dialogue patient dissipe les difficultés et les oppositions.
Veille en particulier sur celles qui sont divisées et en crise,
Mère de pardon et de réconciliation.

Vierge Immaculée, Mère de l'Eglise,
nourris l'enthousiasme de tous les membres de notre diocèse:
des paroisses et des groupes ecclésiaux,
des associations et des nouvelles formes d'engagement apostolique
que le Seigneur suscite à travers son Saint Esprit;
affermis la volonté de ceux que
le Patron de la moisson continue à appeler
977 comme ouvriers dans sa vigne, pour que,
résistant à toutes les tentations et les pièges du monde,
ils persévèrent avec générosité sur le chemin entrepris,
et que, avec ton assistance maternelle, ils deviennent des témoins du Christ
attirés par la splendeur de son Amour, source de joie.

Vierge clémente, Mère de l'humanité
tourne ton regard vers les hommes et les femmes de notre temps,
sur les peuples et leurs gouvernants, sur les nations et les continents;
réconforte ceux qui pleurent, qui souffrent, qui peinent
à cause de l'injustice humaine,
soutiens ceux qui vacillent sous le poids de la fatigue
978 et regardent vers l'avenir sans espérance;
encourage ceux qui travaillent pour construire un monde meilleur
où triomphe la justice et règne la fraternité,
où cessent l'égoïsme, la haine, et la violence.
Que toute forme et manifestation de violence
soit vaincue par la force pacificatrice du Christ!

Vierge de l'écoute, Etoile de l'espérance,
Mère de la Miséricorde,
source à travers laquelle Jésus est venu au monde,
notre vie et notre joie,
nous te remercions et nous te renouvelons l'offrande de notre vie,
979 certains que tu ne nous abandonnes jamais,
en particulier dans les moments sombres et difficiles de l'existence.
Accompagne-nous toujours: maintenant et à l'heure de notre mort.
Amen!



Viterbe, 6 septembre 2009

VISITE PASTORALE À VITERBE ET BAGNOREGIO (EN ITALIE)

BENOÎT XVI

ANGELUS Vallée Faul Faul - Viterbe Dimanche 6 septembre 2009

[Vidéo]


Chers frères et soeurs!

Au terme de cette célébration eucharistique solennelle, je remercie encore une fois le Seigneur de m'avoir donné la joie d'accomplir cette visite pastorale dans votre communauté diocésaine. Je suis venu au milieu de vous pour vous encourager et pour vous confirmer dans la fidélité au Christ, comme l'indique bien aussi le thème que vous avez choisi: "Confirme tes frères" (Lc 22,31). Ces paroles, Jésus les a adressées à l'apôtre Pierre au cours de la Dernière Cène, en lui confiant la tâche d'être sur cette terre le pasteur de toute son Eglise. Depuis de nombreux siècles, votre diocèse se distingue par un lien singulier d'affection et de communion avec le Successeur de Pierre. J'ai pu m'en rendre compte en visitant le palais des Papes et, en particulier la "Salle du conclave".

Dans le vaste territoire de l'antique Tuscia est né saint Léon le Grand, qui a rendu un grand service à la vérité dans la charité, à travers un exercice assidu de la parole, dont témoignent ses sermons et ses lettres. C'est à Blera qu'est né le Pape Savinien, successeur de saint Grégoire le Grand, et à Canino, Paul III. Viterbe a été choisie pendant toute la seconde partie du XIII siècle comme résidence des Pontifes romains; c'est là que furent élus cinq de mes prédécesseurs, et quatre d'entre eux y ont leur sépulture; cinquante s'y sont rendus en visite, le dernier étant le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, il y a maintenant 25 ans. Ces chiffres revêtent une signification historique, mais je voudrais en cet instant souligner surtout leur valeur spirituelle. Viterbe est appelée à juste titre "Cité des Papes" et cela constitue pour vous un autre stimulant pour vivre et témoigner de la foi chrétienne, cette même foi pour laquelle les saints martyrs Valentin et Hilaire, qui reposent dans l'église cathédrale, ont donné leur vie et ils furent les premiers d'une longue lignée de saints, martyrs et bienheureux de votre terre.

980 "Confirme tes frères": cette invitation du Seigneur, je la ressens aujourd'hui comme m'étant adressée avec une intensité particulière. Priez, chers frères et soeurs, pour que je puisse toujours exercer ma mission de Pasteur de tout le troupeau du Christ avec fidélité et avec amour (cf. Jn 21,15 sq). Pour ma part, je vous assure de mon souvenir constant devant le Seigneur, pour votre communauté diocésaine, afin que ses différentes branches - dont j'ai pu admirer une représentation symbolique sur les nouvelles portes de la cathédrale - tendent à une unité toujours plus pleine et une communion fraternelle, conditions indispensables pour offrir au monde un témoignage évangélique efficace. Je confierai ces intentions cet après-midi à la Vierge Marie, en visitant le sanctuaire de la Vierge du Chêne. Maintenant, avec la prière qui rappelle son "oui" à l'annonce de l'Ange, nous lui demandons de garder notre foi toujours forte et joyeuse.

Au terme de la prière de l'Angelus:

Je désire à présent adresser une salutation cordiale aux participants au Congrès international "Hommes et religions", qui se déroule à Cracovie sur le thème: "Fois et cultures en dialogue". De nombreuses personnalités et représentants de diverses religions - invités par l'archidiocèse de Cracovie et par la Communauté de Sant'Egidio - sont réunis pour réfléchir et prier pour la paix, à 70 ans du début de la deuxième guerre mondiale. Nous ne pouvons pas ne pas rappeler les faits dramatiques qui ont été à l'origine de l'un des conflits les plus terribles de l'histoire, qui a fait des dizaines de millions de morts et entraîné tant de souffrances au bien-aimé peuple polonais; un conflit qui a vu la tragédie de l'Holocauste et l'extermination d'autres foules d'innocents. Que la mémoire de ces événements nous incite à prier pour les victimes et pour ceux qui en portent encore les blessures dans leur corps et dans leur coeur; qu'elle soit aussi un avertissement pour tous à ne pas répéter de telles barbaries et à intensifier les efforts pour construire, à notre époque encore marquée par des conflits et des affrontements, une paix durable, en transmettant, surtout aux nouvelles générations, une culture et un style de vie imprégnés d'amour, de solidarité, et d'estime pour l'autre. Dans cette perspective, la contribution que les religions peuvent et doivent apporter est particulièrement importante, pour promouvoir le pardon et la réconciliation contre la violence, le racisme, le totalitarisme et l'extrémisme qui défigurent l'image du Créateur de l'homme, effacent l'horizon de Dieu et, par conséquent, conduisent au mépris de l'homme lui-même. Que le Seigneur nous aide à construire la paix, en partant de l'amour et de la compréhension réciproque (cf. Caritas in veritate ).

VISITE PASTORALE À VITERBE ET BAGNOREGIO (ITALIE)

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE

HOMÉLIE Esplanade de la vallée Faul - Viterbe Dimanche 6 septembre 2009

Chers frères et soeurs!

Le cadre dans lequel nous célébrons la Messe est véritablement inédit et suggestif: nous nous trouvons dans la "vallée" qui donne sur l'antique Porte appelée faul, dont les quatre lettres rappellent les quatre collines de l'antique Viterbium, c'est-à-dire Fanum-Arbanum-Vetulonia-Longula. D'un côté s'élève, imposant, le Palais, autrefois résidence des Papes, qui - comme l'a rappelé votre évêque -, au XIII siècle, a vu se dérouler cinq conclaves; nous sommes entourés d'édifices et de places qui témoignent des multiples événements du passé, aujourd'hui tissu de vie de votre ville et province. Dans ce cadre, qui évoque des siècles d'histoire civile et religieuse, se trouve à présent idéalement rassemblée, avec le Successeur de Pierre, toute votre communauté diocésaine, pour qu'il nous confirme dans la fidélité au Christ et à son Evangile.

A vous tous, chers frères et soeurs, j'adresse avec affection ma pensée reconnaissante pour l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé. Je salue en premier lieu votre bien-aimé pasteur, Mgr Lorenzo Chiarinelli, que je remercie pour ses paroles de bienvenue. Je salue les autres évêques, en particulier ceux du Latium avec le cardinal-vicaire de Rome, les chers prêtres diocésains, les diacres, les séminaristes, les religieux et les religieuses, les jeunes et les enfants, et j'étends mon souvenir à toutes les composantes du diocèse, qui, dans un passé récent, a vu s'unir à Viterbe, avec l'abbaye San Martino au Mont Cimino, les diocèses d'Acquapendente, de Bagnoregio, de Montefiascone et de Tuscania. Cette nouvelle configuration est à présent sculptée de façon artistique dans les "Portes de bronze" de l'Eglise-cathédrale que, commençant ma visite de la Place Sain-Laurent, j'ai pu bénir et admirer. Je m'adresse avec déférence aux autorités civiles et militaires, aux représentants du gouvernement, de la région et de la province, et de façon particulière au maire de la ville, qui s'est fait l'interprète des sentiments cordiaux de la population de Viterbe. Je remercie les forces de l'ordre, et je salue les nombreux militaires présents dans cette ville, ainsi que ceux qui sont engagés dans les missions de paix dans le monde. Je salue et je remercie les volontaires, ainsi que tous ceux qui ont apporté leur contribution à la réalisation de ma visite. Je réserve un salut particulier aux personnes âgées et aux personnes seules, aux malades, aux détenus dans les prisons, et à tous ceux qui n'ont pas pu prendre part à notre rencontre de prière et d'amitié.

Chers frères et soeurs, chaque assemblée liturgique est un espace de la présence de Dieu. Réunis pour la Sainte Eucharistie, les disciples du Seigneur proclament qu'il est ressuscité, qu'il est vivant et donne la vie, et témoignent que sa présence est grâce, est devoir, est joie. Ouvrons notre coeur à sa parole et accueillons le don de sa présence! Dans la première lecture, le prophète Isaïe (35, 4-7) encourage les "coeurs défaillants" et annonce cette nouveauté merveilleuse, que l'expérience confirme: lorsque le Seigneur est présent, les yeux de l'aveugle se déssillent, les oreilles du sourd s'ouvrent, le boiteux "bondit" comme un cerf. Tout renaît et tout revit car des eaux bénéfiques irriguent le désert. Le "désert", dans son langage symbolique, peut évoquer les événements dramatiques, les situations difficiles, et la solitude qui marque souvent la vie; le désert plus profond est le coeur humain lorsqu'il perd la capacité d'écouter, de parler, de communiquer avec Dieu et avec les autres. On devient alors aveugle car l'on est incapables de voir la réalité; les oreilles se referment pour ne pas entendre le cri de ceux qui implorent de l'aide; notre coeur se durcit dans l'indifférence et dans l'égoïsme. Mais à présent - annonce le prophète - tout est destiné à changer; la "terre aride" d'un coeur fermé sera irriguée par une nouvelle sève divine. Et lorsque le Seigneur vient, aux coeurs défaillants de toute époque, il dit avec autorité: "Soyez forts, ne craignez pas"! (v. 4).

L'épisode évangélique, rapporté par saint Marc (7, 31-37) se relie ici parfaitement: Jésus guérit un sourd-muet en terre païenne. D'abord, il l'accueille et prend soin de lui avec le langage des gestes, plus immédiat que les paroles; puis, avec une expression en langue araméenne, il lui dit: "Ephphata", c'est-à-dire "ouvre-toi", redonnant à cet homme l'ouïe et la voix. Emplie d'émerveillement, la foule s'exclame: "Il a bien fait toutes choses" (v. 37). Nous pouvons voir dans ce "signe" l'ardent désir de Jésus de vaincre dans l'homme la solitude et le manque de communication suscitées par l'égoïsme, pour donner forme à une "nouvelle humanité", l'humanité de l'écoute et de la parole, du dialogue, de la communication, de la communion, de la communion avec Dieu. Une humanité "bonne", comme toute la création de Dieu est bonne; une humanité sans discrimination, sans exclusion - comme avertit l'apôtre Jacques dans sa Lettre (2, 1-5) - afin que le monde soit véritablement et pour tous "le lieu d'une réelle fraternité" (Gaudium et spes GS 37) dans l'ouverture de l'amour pour le Père commun qui nous a créés et a fait de nous ses fils et ses filles.

Chère Eglise de Viterbe, que le Christ, que, dans l'Evangile, nous voyons ouvrir les oreilles et dénouer le noeud de la langue au sourd-muet, ouvre ton coeur et te donne toujours la joie de l'écoute de sa Parole, le courage de l'annonce de son Evangile, la capacité de parler avec Dieu et, ainsi, de parler avec tes frères et soeurs, et enfin le courage de la découverte de son Visage et de sa Beauté! Mais, pour que cela puisse avoir lieu, - rappelle saint Bonaventure de Bagnoregio, où je me rendrai cet après-midi - l'esprit doit "aller au-delà de tout à travers la contemplation et aller au-delà non seulement du monde sensible, mais également au-delà de lui-même" (Itinerarium mentis in Deum, VII, 1). Tel est l'itinéraire de salut, illuminé par la lumière de la Parole de Dieu et nourri par les sacrements, qui unit tous les chrétiens.

981 Je voudrais à présent reprendre quelques orientations spirituelles et pastorales de ce chemin que toi aussi, Eglise bien-aimée qui vis sur cette terre, tu es appelée à parcourir. Une priorité qui tient profondément au coeur de ton évêque est l'éducation à la foi, comme recherche, comme initiation chrétienne, comme vie dans le Christ. C'est le "devenir chrétien" qui consiste en cette façon d'"apprendre le Christ" que saint Paul exprime par la formule: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20). A cette expérience participent les paroisses, les familles et les différentes associations. Les catéchistes et tous les éducateurs sont appelés à s'engager; l'école est appelée à offrir sa contribution, du primaire à l'Université de la Tuscia, toujours plus importante et prestigieuse, et, en particulier, l'école catholique, avec l'Institut philosophique et théologique "San Pietro". Il existe des modèles toujours actuels, d'authentiques pionniers de l'éducation à la foi auxquels s'inspirer. J'ai plaisir à citer, entre autres, sainte Rosa Venerini (1656-1728) - que j'ai eu la joie de canoniser il y a trois ans - véritable précurseur des écoles féminines en Italie, précisément "au siècle des Lumières"; sainte Lucia Filippini (1672-1732) qui, avec l'aide du vénérable cardinal Marco Antonio Barbarigo (1640-1706), a fondé les "Maîtresses pies" dignes d'éloges. On pourra encore puiser avec bonheur à ces sources spirituelles, pour affronter, avec lucidité et cohérence, l'"urgence éducative" actuelle, inéluctable et prioritaire, grand défi pour chaque communauté chrétienne et pour toute la société, qui est précisément un processus "Ephphata", d'ouvrir les oreilles, délier le noeud de la langue et aussi d'ouvrir les yeux.

Avec l'éducation, le témoignage de la foi. "La foi - écrit saint Paul - agit par la charité" (cf. Ga 5,6). C'est dans cette perspective que l'action caritative de l'Eglise acquiert son visage: ses initiatives, ses oeuvres sont des signes de la foi et de l'amour de Dieu, qui est Amour - comme je l'ai largement rappelé dans les encycliques Deus caritas est et Caritas in veritate. Ici fleurit et doit toujours être davantage développée la présence du bénévolat, aussi bien sur le plan personnel, que sur celui associatif, qui trouve dans la Caritas son élément propulseur et éducatif. La jeune sainte Rose (1233-1251), co-patronne du diocèse et dont la fête tombe précisément ces jours-ci, est un exemple lumineux de foi et de générosité envers les pauvres. En outre, comment ne pas rappeler que sainte Giacinta Marescotti (1585-1640), de son monastère, promut dans la ville l'adoration eucharistique et donna naissance à des institutions et des initiatives pour les détenus et les exclus? On ne peut pas non plus oublier le témoignage franciscain de saint Crispin, capucin (1668-1759), qui à l'heure actuelle, inspire encore des oeuvres d'assistance méritoires. Il est significatif que dans ce climat de ferveur évangélique soient nés de nombreux cas de vie consacrée, masculine et féminine, et en particulier des monastères de clôture, qui constituent un rappel visible du primat de Dieu dans notre existence et qui nous rappellent que la première forme de la charité est précisément la prière. A cet égard, l'exemple de la bienheureuse Gabriella Sagheddu (1914-1939), trappiste, est emblématique: dans le monastère de Vitorchiano, où elle est enterrée, continue à être proposé cet oecuménisme spirituel, nourri par une prière incessante, vivement sollicité par le Concile Vatican II (cf. Unitatis redintegratio UR 8). Je me rappelle également du bienheureux Domenico Bàrberi (1792-1849), Viterbien, passionniste, qui en 1845, accueillit dans l'Eglise catholique John Henry Newman, devenu ensuite cardinal, une figure de grande envergure intellectuelle et à la spiritualité lumineuse.

Je voudrais enfin mentionner une troisième direction de votre plan pastoral: l'attention aux signes de Dieu. Comme l'a fait Jésus avec le sourd-muet, Dieu continue de la même manière à nous révéler son projet à travers des "événements et des paroles". Ecouter sa parole et discerner ses signes doit donc être l'engagement de chaque chrétien et de chaque communauté. Le plus concret des signes de Dieu est certainement l'attention à l'égard du prochain, selon ce que Jésus a dit: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). En outre, comme l'affirme le Concile Vatican ii, le chrétien est appelé à être "face au monde un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus, et un signe du Dieu vivant" (Lumen gentium LG 38). C'est tout d'abord le prêtre, que le Christ a choisi entièrement pour lui, qui doit l'être. Au cours de cette Année sacerdotale, priez avec une plus grande intensité pour les prêtres, pour les séminaristes et pour les vocations, afin qu'ils soient fidèles à leur vocation! Chaque personne consacrée et chaque baptisé doit, par ailleurs, être un signe du Dieu vivant.

Fidèles laïcs, jeunes et familles, n'ayez pas peur de vivre et de témoigner la foi dans les différents milieux de la société, dans les multiples situations de l'existence humaine! Viterbe a été à l'origine, également à cet égard, de figures prestigieuses. En cette occasion, c'est une joie et un devoir de rappeler le jeune Mario Fani de Viterbe, créateur du "Cercle de sainte Rose", qui alluma, avec Giovanni Acquaderni, de Bologne, cette première lumière qui deviendra ensuite l'expérience historique du laïcat en Italie: l'Action catholique. Les saisons de l'histoire se succèdent, les contextes sociaux se transforment, mais la vocation des chrétiens à vivre l'Evangile en solidarité avec la famille humaine, avec leur temps, ne change pas et ne passe pas de mode. Voilà l'engagement social, voilà le service caractéristique de l'action politique, voilà le développement humain intégral.

Chers frères et soeurs! Lorsque le coeur s'égare dans le désert de la vie, n'ayez pas peur, confiez-vous au Christ, le premier-né de l'humanité nouvelle: une famille de frères construite dans la liberté et dans la justice, dans la vérité et dans la charité des fils de Dieu. A cette grande famille appartiennent des sains qui vous sont chers: Laurent, Valentin, Hilaire, Rose, Lucie, Bonaventure et de nombreux autres. Notre Mère commune est Marie, que vous vénérez sous le titre de Madone du Chêne, comme Patronne de tout le diocèse dans sa nouvelle configuration. Que ce soient eux qui vous gardent toujours unis et qui nourrissent en chacun le désir de proclamer, à travers les paroles et les oeuvres, la présence et l'amour du Christ! Amen.


AUX ÉVÊQUES BRÉSILIENS DE LA RÉGION "OESTE 1 ET 2" EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM» Palais apostolique de Castel Gandolfo

Lundi 7 septembre 2009




Chers frères dans l'épiscopat,

C'est avec des sentiments de profonde joie et d'amitié que j'accueille et salue tous et chacun d'entre vous, bien-aimés pasteurs des Regionais Oeste 1 et 2, appartenant à la Conférence épiscopale du Brésil. Avec votre groupe, s'ouvre le long pèlerinage des membres de cette conférence épiscopale en visite ad limina Apostolorum, qui me donnera l'occasion de mieux connaître la réalité de vos communautés diocésaines respectives. Il s'agira de journées de partage fraternel pour réfléchir ensemble sur des questions qui vous préoccupent. Un moment profondément attendu depuis ces inoubliables journées de mai 2007, où, durant ma visite dans votre pays, j'ai pu constater toute l'affection du peuple brésilien pour le Successeur de Pierre et, de manière particulière, lorsque j'ai eu l'opportunité d'embrasser du regard tout l'épiscopat de cette grande nation au cours de la rencontre dans la Catedral da Sé de São Paulo.

En effet, seul le grand coeur de Dieu peut connaître, conserver et guider la multitude de fils et de filles qu'Il a lui-même engendrés dans l'immensité du Brésil. Au cours de nos entretiens de ces jours-ci, sont apparus plusieurs problèmes et défis que vous devez affronter, comme l'archevêque de Campo Grande l'a rapporté au début de cette rencontre. Il est impressionnant de voir les distances que vous-mêmes, avec vos prêtres et les autres agents missionnaires, devez parcourir pour servir et animer pastoralement vos fidèles respectifs, dont un grand nombre vivent avec les problèmes propres à une urbanisation relativement récente, où l'Etat ne réussit pas toujours à être un instrument de promotion de la justice et du bien commun. Ne vous découragez pas! Rappelez-vous que l'annonce de l'Evangile et l'adhésion aux valeurs chrétiennes, comme je l'ai affirmé récemment dans l'encyclique Caritas in veritate, "est un élément non seulement utile, mais indispensable pour l'édification d'une société bonne et d'un véritable développement humain intégral" (n. 4). Je vous remercie, Mgr Vitório Pavanello, pour les paroles cordiales et les sentiments respectueux que vous m'avez adressés au nom de tous et que je suis heureux de vous présenter moi aussi en retour, avec des voeux de paix et de prospérité pour le peuple brésilien, en ce jour significatif de votre fête nationale.

En tant que successeur de Pierre et pasteur de l'Eglise universelle, je peux vous assurer que mon coeur vit chaque jour vos préoccupations et vos difficultés apostoliques, en ne cessant de rappeler à Dieu les défis que vous affrontez dans la croissance de vos communautés diocésaines. A l'heure actuelle, et de manière concrète au Brésil, les ouvriers de la moisson du Seigneur continuent à être peu nombreux pour la récolte, qui est abondante (cf. Mt 36-37). Malgré cette carence, une formation adaptée de ceux qui sont appelés à suivre le Peuple de Dieu reste vraiment essentielle. C'est pourquoi, dans le cadre de l'Année sacerdotale en cours, permettez-moi de m'arrêter aujourd'hui pour réfléchir avec vous, bien-aimés évêques de l'Ouest brésilien, sur la sollicitude propre à votre ministère épiscopal qui est celle d'engendrer de nouveaux pasteurs.


Discours 2005-2013 973