Discours 2005-2013 21009

À S.E. Mme MERCEDES ARRASTIA TUASON, NOUVEL AMBASSADEUR DES PHILIPPINES PRÈS LE SAINT-SIÈGE Palais Apostolique de Castel Gandolfo Vendredi 2 octobre 2009

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Madame l'ambassadeur,

Reconnaissant pour les aimables paroles que vous m'avez adressées, j'accepte avec joie les Lettres qui vous accréditent en tant qu'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République des Philippines près le Saint-Siège. Je voudrais répondre aux salutations cordiales que vous m'avez transmises de la part de Son Excellence, Madame la présidente Gloria Macapagal-Arroyo, et je vous prie de bien vouloir lui transmettre, ainsi qu'au bien-aimé peuple des Philippines, l'assurance de ma proximité spirituelle et de mes prières, en particulier pour les victimes du typhon Ketsana.

Depuis plus d'un demi-siècle, le Saint-Siège et les Philippines entretiennent d'excellentes relations diplomatiques, en renforçant leur coopération de longue date en vue de la promotion de la paix, de la dignité humaine et de la liberté. L'esprit de bonne volonté qui nous a animés jusqu'à ce jour ravivera certainement un désir renouvelé de de travailler ensemble, afin que la justice et la liberté aillent de pair, et que les principes démocratiques soient enracinés dans la vérité. Pour sa part, au milieu des nombreux changements concernant les situations sociales, économiques et politiques dans le monde, l'Eglise continue d'indiquer l'Evangile comme le chemin vers l'authentique progrès humain (cf. Spe Salvi ). Comme Votre Excellence l'a indiqué, je suis certain que la foi du peuple philippin ? une foi qui leur donne le « ressort » d'affronter chaque adversité et difficulté ? suscitera en eux un désir de participer de façon toujours plus fervente au devoir universel d'édifier une civilisation de l'amour, dont Dieu a planté la semence dans chaque peuple et chaque culture.

Madame l'ambassadeur, c'est avec plaisir que j'observe les diverses initiatives de développement en cours dans votre pays, y compris la modernisation des systèmes d'irrigation, l'amélioration des transports publics, et la réforme des programmes d'assistance sociale. Alors que les Philippines continuent de mettre en place ces programmes, ainsi que d'autres, en vue d'un développement juste et durable, je suis certain que le pays continuera de puiser à toutes ses ressources, spirituelles et matérielles, afin que ses citoyens puissent s'épanouir dans leur corps et dans leur âme, connaissant la bonté de Dieu et vivant dans la solidarité avec leurs voisins. Bien sûr, de tels programmes visent principalement à améliorer les conditions de vie actuelles des plus pauvres, leur permettant ainsi de remplir leurs responsabilités envers leurs familles, ainsi que les devoirs qui leur incombent en tant que membres de la communauté en général. Par dessus tout, la lutte contre la pauvreté exige l'honnêteté, l'intégrité et la fidélité inébranlable aux principes de justice, en particulier de la part de ceux auxquels sont directement confiées les fonctions de gouvernement et d'administration publique.

A une époque où certains groupes abusent du nom de Dieu, l'« oeuvre de charité » (Caritas in veritate ) est particulièrement urgente. Cela est spécialement vrai dans des régions qui ont été malheureusement marquées par les conflits. J'encourage chacun à persévérer afin que la paix puisse prévaloir. Comme vous l'avez mentionné, Madame l'ambassadeur, les initiatives qui visent à faciliter le dialogue et l'échange culturel sont particulièrement efficaces, car la paix ne peut jamais être obtenue uniquement comme le résultat d'un processus technique mis en place à travers des instruments législatifs, juridiques ou économiques. Convaincues que le mal ne peut être vaincu que par le bien (cf.
Rm 12,21), de nombreuses personnes dans votre pays accomplissent des pas courageux afin de rassembler les personnes pour promouvoir la réconciliation et la compréhension réciproques. Je pense en particulier au travail de grand mérite de la Bishops Ulama Conference (BUC), de la Mindanao People's Conference, ainsi que celui de nombreuses organisations de base. Le Special Non-Aligned Movement Ministerial Meeting on Interfaith Dialogue and Cooperation for Peace and Developement, que votre pays accueillera en décembre, comporte également la promesse de promouvoir la paix à Mindanao et partout dans le monde.

En conclusion, Madame l'ambassadeur, je voudrais profiter de cette occasion pour assurer une fois de plus le peuple des Philippines de mon affection et de mes prières constantes. Je l'encourage à faire en sorte que sa foi profonde, son héritage culturel et les valeurs démocratiques qui ont formé une partie de son patrimoine depuis l'époque de son indépendance puisse resplendir comme un exemple pour tous. En vous souhaitant une cordiale bienvenue, ainsi qu'à votre famille, je forme les meilleurs voeux afin que votre séjour à Rome soit agréable, et que l'importante mission qui vous a été confiée puisse renforcer les relations entre le Saint-Siège et la République des Philippines, au bénéfice de tous. A travers l'intercession de Notre-Dame de la Vérité, de la Justice et de la Sainteté, puisse Dieu bénir les efforts des autorités et des citoyens, afin que votre mission puisse être menée le long du chemin de l'authentique progrès humain, dans un climat d'harmonie et de paix.



À SON EXCELLENCE LA BARONNE HENRIETTE JOHANNA CORNELIA MARIA VAN LYNDEN-LEIJTEN, NOUVEL AMBASSADEUR DES PAYS-BAS PRÈS LE SAINT-SIÈGE Vendredi 2 octobre 2009

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Palais Apostolique de Castel Gandolfo

Madame l'ambassadeur,

Je suis heureux de vous accueillir au Vatican et d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume des Pays-Bas près le Saint-Siège. Je voudrais vous exprimer ma gratitude pour les voeux que vous me transmettez de la part de la Reine Béatrice. Pour ma part, je vous prie de bien vouloir transmettre à Sa Majesté mes salutations cordiales et l'assurer de mes prières constantes pour tout le peuple de votre nation.

Dans un monde toujours plus étroitement interconnecté, les relations diplomatiques du Saint-Siège avec les Etats offrent de nombreuses opportunités de coopération sur des questions mondiales importantes. A cet égard, le Saint-Siège apprécie ses relations avec les Pays-Bas et se réjouit de pouvoir les renforcer toujours plus encore à l'avenir. Votre pays, en tant que membre fondateur de la Communauté économique européenne, et siège de nombreuses institutions juridiques internationales, est depuis longtemps au premier plan des actions en vue de renforcer la coopération internationale pour le bien supérieur de la famille humaine. C'est pourquoi la mission que vous vous apprêtez à accomplir est riche d'opportunités, en vue d'une action commune pour promouvoir la paix et la prospérité à la lumière de la volonté du Saint-Siège et des Pays-Bas d'aider la personne humaine.

La défense et la promotion de la liberté est un élément clé dans tout engagement humanitaire de ce type et un élément sur lequel le Saint-Siège et le Royaume des Pays-Bas attirent fréquemment l'attention. Toutefois, il faut comprendre que la liberté doit être enracinée dans la vérité ? la vérité sur la nature de la personne humaine ? et elle doit être orientée vers le bien des personnes et de la société. Au cours de la crise financière des douze derniers mois, le monde entier a pu constater les conséquences de l'individualisme exacerbé, qui tend à favoriser la poursuite égoïste des avantages personnels reçus, au détriment d'autres biens. Une profonde réflexion a eu lieu sur la nécessité d'une approche éthique solide des processus d'intégration économique et politique, et davantage de personnes reconnaissent aujourd'hui que la mondialisation a besoin d'être orientée vers l'objectif du développement humain intégral des personnes, des communautés et des peuples, et non pas façonnée par des forces mécaniques ou déterministes, mais par les valeurs humanitaires ouvertes à la transcendance (cf. Caritas in veritate ). Notre monde a besoin de « retrouver le vrai sens de la liberté, qui ne réside pas dans l'ivresse d'une autonomie totale, mais dans la réponse à l'appel de l'être » (ibid., n. ), d'où la conviction du Saint-Siège à l'égard du rôle irremplaçable des communautés de foi dans la vie publique et le débat public. Tandis qu'une partie de la population des Pays-Bas se déclare agnostique ou même athée, plus de la moitié d'entre elle professe le christianisme, et le nombre croissants d'immigrants qui suivent d'autres religions rend plus nécessaire que jamais pour les autorités civiles de reconnaître la place de la religion dans la société des Pays-Bas. Un signe que c'est précisément ce qu'accomplit votre gouvernement réside dans le fait que les écoles religieuses reçoivent un soutien de la part de l'Etat et à juste titre dans votre pays, car ces institutions sont appelées à apporter une contribution importante à la compréhension réciproque et à la cohésion sociale, en transmettant les valeurs qui sont enracinées dans une vision transcendante de la dignité humaine.

A cet égard, les familles fondées sur la base d'un mariage stable et fécond entre un homme et une femme, sont encore plus fondamentales que les écoles. Rien ne peut égaler ou remplacer la valeur pour la formation, de grandir dans un environnement familial solide, en apprenant à respecter et à encourager la dignité personnelle des autres, en acquérant la capacité d'« accueil chaleureux, rencontre et dialogue, disponibilité généreuse, service désintéressé, profonde solidarité » (Familiaris consortio
FC 43 cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, n. 221) ? en bref, apprendre à aimer. D'autre part, une société qui encourage des modèles alternatifs de vie domestique au nom d'une prétendue diversité, est susceptible d'accumuler des situations sociales qui ne conduisent pas au développement humain intégral (cf. Caritas in veritate ). L'Eglise catholique dans votre pays est désireuse de jouer son rôle dans le soutien et la promotion d'une vie familiale stable, comme la Conférence des évêques des Pays-Bas l'a déclaré dans son récent document sur la pastorale des jeunes et de la famille. Je souhaite sincèrement que la contribution catholique au débat éthique soit entendue et prise en compte par la société des Pays-Bas, afin que la noble culture qui distingue votre pays depuis des siècles puisse continuer à être reconnue pour sa solidarité avec les pauvres et les personnes vulnérables, sa promotion de la liberté authentique et son respect pour la dignité et la valeur inestimable de toute vie humaine.

Votre Excellence, formant les meilleurs voeux pour le succès de votre mission, je vous assure de la disponibilité des divers bureaux de la Curie romaine dans l'accomplissement de votre mission. J'invoque cordialement sur vous, sur votre famille et sur tout le peuple du Royaume des Pays-Bas, une abondance de Bénédictions de Dieu.




À S.E. M. MIGUEL HUMBERTO DÍAZ, NOUVEL AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS PRÈS LE SAINT-SIÈGE Palais Apostolique de Castel Gandolfo Vendredi 2 octobre 2009

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Excellence,

Je suis heureux d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des Etats-Unis d'Amérique. Je me souviens avec plaisir de ma rencontre avec le président Barack Obama et sa famille en juillet dernier, et je réponds avec plaisir aux salutations que vous me transmettez de sa part. Je profite également de cette occasion pour exprimer ma certitude que les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et le Saint-Siège, officiellement établies il y a vingt-cinq ans, continueront à être marquées par une coopération et un dialogue fructueux dans la promotion de la dignité humaine, le respect pour les droits humains fondamentaux et le service de la justice, la solidarité et la paix au sein de la famille humaine tout entière.

Au cours de ma visite pastorale dans votre pays l'an dernier, j'ai été heureux de rencontrer une démocratie dynamique, engagée au service du bien commun et façonnée par une vision d'égalité humaine et d'égalité des chances fondée sur la dignité donnée par Dieu et la liberté de chaque être humain. Cette vision, enracinée dans les documents fondateurs de la nation, continue d'inspirer la croissance des Etats-Unis en tant que société marquée par la cohésion, mais également le pluralisme, constamment enrichie par les dons apportés par les nouvelles générations, y compris les nombreux immigrants qui continuent de renforcer et de rajeunir la société américaine. Au cours des derniers mois, la réaffirmation de cette dialectique entre tradition et originalité, entre unité et diversité, a captivé à nouveau l'imagination du monde, au sein duquel un grand nombre de peuples se tournent vers l'expérience américaine et sa vision fondatrice dans leur recherche de modèles viables de démocratie responsable et de solide développement, dans une société toujours plus interdépendante et mondialisée.

Pour cette raison, j'apprécie votre reconnaissance du besoin d'un plus grand esprit de solidarité et d'engagement multilatéral pour affronter les problèmes urgents auxquels notre planète est confrontée. La culture des valeurs de "vie, liberté et recherche du bonheur" ne peut plus être considérée dans des termes principalement individualistes ou même nationaux, mais doit être considérée dans la perspective plus élevée du bien commun de toute la famille humaine. La crise économique internationale persistante demande une révision des structures politiques, économiques et financières actuelles, à la lumière de l'impératif éthique d'assurer le développement intégral de tous les peuples. En effet, ce qui est nécessaire est un modèle de mondialisation inspiré par un humanisme authentique, dans lequel les peuples du monde sont considérés non seulement comme des voisins, mais comme des frères et soeurs.

Pour sa part, le multilatéralisme ne devrait pas être limité uniquement aux questions purement économiques et politiques; il devrait au contraire trouver son expression dans une ferme volonté d'aborder toute la gamme des questions liées à l'avenir de l'humanité et la promotion de la dignité humaine, y compris un accès sûr à la nourriture et à l'eau, des soins médicaux de base, des politiques justes réglementant le commerce et l'immigration, en particulier en ce qui concerne les familles, le contrôle du climat et la protection de l'environnement, ainsi que l'élimination de la menace des armes nucléaires. En ce qui concerne cette dernière question, je désire exprimer ma satisfaction pour la récente Rencontre du Conseil de sécurité des Nations unies présidée par le président Obama, qui a approuvé à l'unanimité la résolution sur le désarmement atomique et présenté à la communauté internationale l'objectif d'un monde libéré des armes nucléaires. Il s'agit d'un signe prometteur à la veille de la Conférence d'examen sur le Traité de non-prolifération des armes nucléaires.

Le véritable développement, sur lequel la doctrine sociale de l'Eglise insiste, doit être intégral et humain; il ne peut pas ignorer la vérité sur les être humains et doit toujours être orienté vers leur bien authentique. En un mot, la fidélité à l'homme exige la fidélité à la vérité, qui seule est la garantie de la liberté et du développement véritable. Pour sa part, l'Eglise qui est aux Etats-Unis désire contribuer au débat sur les questions éthiques et sociales importantes qui régissent l'avenir de l'Amérique en proposant des arguments respectueux et raisonnables enracinés dans le droit naturel et confirmés par la perspective de la foi. La vision religieuse et l'imagination religieuse ne limitent pas, mais enrichissent le discours politique et éthique, et les religions, précisément parce qu'elle traitent du destin ultime de chaque homme et de chaque femme, sont appelées à être une force prophétique pour la libération et le développement de l'homme dans le monde, en particulier dans les régions déchirées par les hostilités et les conflits. Au cours de ma récente visite en Terre Sainte, j'ai souligné la valeur de la compréhension et de la coopération entre les fidèles des diverses religions au service de la paix, et je me félicite donc du désir de votre gouvernement de promouvoir cette coopération dans le cadre d'un dialogue plus vaste entre les cultures et les peuples.

Permettez-moi, Monsieur l'ambassadeur, de réaffirmer une conviction que j'ai exprimée au début de mon voyage apostolique au Etats-Unis. La liberté - la liberté à juste titre si chère aux Américains - "n'est pas seulement un don, mais un appel à la responsabilité personnelle"; il s'agit d'"un défi lancé à chaque génération, et il doit être constamment vécu en faveur de la cause du bien" (Discours à la Maison Blanche, 16 avril 2008). La défense de la liberté est liée de façon inséparable au respect de la vérité et à la promotion de l'authentique développement humain. La crise de nos démocraties modernes appelle à un engagement renouvelé au dialogue raisonnable, afin d'identifier les politiques sages et justes qui respectent la nature et la dignité humaines. L'Eglise qui est aux Etats-Unis contribue à ce discernement en particulier à travers la formation de consciences et son apostolat dans le domaine de l'éducation, à travers lequel elle apporte une contribution importante et positive à la vie civile et au débat public aux Etats-Unis. Je pense ici en particulier au besoin de discernement attentif sur les questions touchant à la protection de la dignité humaine et du respect pour le droit inaliénable à la vie, du moment de sa conception à sa mort naturelle, ainsi que la protection du droit à l'objection de conscience de la part du personnel médical et même de tous les citoyens. L'Eglise insiste sur le lien indissoluble entre l'éthique de la vie et tout autre aspect de l'éthique sociale, car elle est convaincue que, à travers les paroles prophétiques du regretté Jean-Paul II, "une société ne peut avoir un fondement solide si, tout en affirmant des valeurs comme la dignité de la personne, la justice et la paix, elle se contredit radicalement en acceptant ou en tolérant les formes les plus diverses de mépris ou d'atteintes à la vie humaine, surtout quand elle est faible ou marginalisée" (Evangelium vitae
EV 101 cf. Caritas in veritate ).

Monsieur l'ambassadeur, tandis que vous entreprenez votre nouvelle mission au service de votre pays, je vous offre mes meilleurs voeux et la promesse de mes prières. Soyez assuré que vous pourrez toujours compter sur les bureaux du Saint-Siège pour vous assister et vous soutenir dans l'accomplissement de votre mission. Sur vous et votre famille, et sur tout le bien-aimé peuple américain, j'invoque cordialement les bénédictions divines de sagesse, de force et de paix.



II ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES (4-25 OCTOBRE 2009)


À L'OUVERTURE DES TRAVAUX DU SYNODE DES ÉVÊQUES POUR L'AFRIQUE Salle du Synode, Heure Tierce Lundi 5 octobre 2009

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Chers frères et soeurs,

Nous avons commencé à présent notre rencontre synodale en invoquant le Saint-Esprit et en sachant bien que nous ne pouvons pas réaliser, en ce moment, ce qui est à faire pour l'Eglise et pour le monde: c'est seulement dans la force de l'Esprit Saint que nous pouvons trouver ce qui est droit et le mettre ensuite en pratique. Et tous les jours, nous commencerons notre travail en invoquant le Saint-Esprit avec la prière de l'Heure Tierce "Nunc sancte nobis Spiritus". C'est pourquoi, je voudrais à présent méditer un peu avec vous cet hymne qui ouvre le travail de chaque jour, aussi bien maintenant durant le Synode, mais également après, dans notre vie quotidienne.

"Nunc sancte nobis Spiritus". Nous prions pour que la Pentecôte ne soit pas seulement un événement du passé, le premier début de l'Eglise, mais qu'elle soit aujourd'hui, voire maintenant: "nunc sancte nobis Spiritus". Prions pour que le Seigneur réalise maintenant l'effusion de son Esprit et recrée de nouveau son Eglise et le monde. Nous nous rappelons que les apôtres, après l'Ascension, n'ont pas commencé - comme peut-être cela aurait été normal - à organiser, à créer l'Eglise future. Ils ont attendu l'action de Dieu, ils ont attendu l'Esprit Saint. Ils ont compris que l'Eglise ne peut pas se faire, qu'elle n'est pas le produit de notre organisation: l'Eglise doit naître de l'Esprit Saint. Tout comme le Seigneur lui-même a été conçu et est né de l'Esprit Saint, l'Eglise doit aussi être toujours conçue et naître de l'Esprit Saint. C'est seulement avec cet acte de création de la part de Dieu que nous pouvons entrer dans l'activité de Dieu, dans l'action divine et collaborer avec Lui. En ce sens, tout notre travail au Synode est aussi une collaboration avec l'Esprit Saint, avec la force de Dieu qui nous aide. Et nous devons toujours implorer de nouveau l'accomplissement de cette initiative divine dans laquelle nous pouvons ensuite être des collaborateurs de Dieu et contribuer à faire en sorte que son Eglise naisse et croisse à nouveau.

La seconde strophe de cet hymne - "Os, lingua, mens, sensus, vigor, / Confessionem personent: / Flammescat igne caritas, / accendat ardor proximos" - est le coeur de cette prière. Nous implorons de Dieu trois dons, les dons essentiels de la Pentecôte, de l'Esprit Saint: confessio, caritas, proximos. Confessio: c'est la langue de feu qui est "raisonnable", qui donne la juste parole et fait penser à l'obstacle surmonté par Babylone lors de la fête de la Pentecôte. La confusion née de l'égoïsme et de l'orgueil de l'homme, dont l'effet est celui de ne plus pouvoir se comprendre les uns les autres, doit être dépassée par la force de l'Esprit qui unit sans uniformiser, qui donne l'unité dans la pluralité: chacun peut comprendre l'autre, même dans les diversités des langues. Confessio: la parole, la langue de feu que le Seigneur nous donne, la parole commune dans laquelle nous sommes tous unis, la cité de Dieu, la sainte Eglise, dans laquelle est présente toute la richesse des différentes cultures. Flammescat igne caritas. Cette confession n'est pas une théorie, mais elle est la vie, elle est l'amour. Le coeur de la sainte Eglise c'est l'amour, Dieu est amour et se communique en communiquant l'amour. Et enfin, le prochain. L'Eglise n'est jamais un groupe fermé en soi qui vit pour soi comme un des nombreux groupes existant au monde, mais elle se distingue par l'universalité de la charité, de la responsabilité envers le prochain.

1005 Considérons un par un ces trois dons. Confessio: dans le langage de la Bible et de l'Eglise antique, cette parole a deux significations essentielles qui semblent s'opposer, mais qui constituent en effet une réalité unique. Confessio, c'est avant tout une confession des péchés: reconnaître notre faute et admettre que, devant Dieu, nous sommes insuffisants, nous sommes en faute, nous ne sommes pas dans la droite relation avec Lui. Ceci est le premier point: se connaître soi-même à la lumière de Dieu. C'est seulement dans cette lumière que nous pouvons nous connaître nous-mêmes, que nous pouvons comprendre aussi combien il y a de mal en nous et voir ainsi ce qui doit être rénové, transformé. C'est seulement à la lumière de Dieu que nous nous connaissons réciproquement et que nous voyons réellement toute la réalité.

Il me semble que nous devons considérer tout ceci dans nos analyses sur la réconciliation, la justice, la paix. Les analyses empiriques sont importantes, il est important de connaître exactement la réalité de ce monde. Toutefois, ces analyses horizontales, faites avec tant d'exactitude et de compétence, sont insuffisantes. Elles n'indiquent pas les vrais problèmes parce qu'elles ne les situent pas à la lumière de Dieu. Si nous ne voyons pas que le Mystère de Dieu en est à la base, les choses du monde vont mal parce que la relation avec Dieu n'est pas ordonnée. Et, si la première relation, celle qui est à la base, n'est pas correcte, toutes les autres relations avec tout ce qu'il peut y avoir de bien, ne fonctionnent fondamentalement pas. C'est pourquoi, toutes nos analyses du monde sont insuffisantes si nous n'allons pas jusqu'à ce point, si nous ne considérons pas le monde à la lumière de Dieu, si nous ne découvrons pas que, à la base des injustices, de la corruption, se trouve un coeur qui n'est pas droit, qu'il y a une fermeture envers Dieu, et donc une falsification de la relation essentielle qui est le fondement de toutes les autres.

Confessio: comprendre à la lumière de Dieu les réalités du monde, le primat de Dieu et enfin tout l'être humain et les réalités humaines qui tendent vers notre relation avec Dieu. Et, si cette dernière n'est pas correcte, si elle n'arrive pas au point voulu par Dieu, si elle n'entre pas dans sa vérité, tout le reste aussi ne peut être corrigé, car de nouveau naissent tous les vices qui détruisent le tissu social, la paix dans le monde.

Confessio: voir la réalité à la lumière de Dieu, comprendre qu'au fond, nos réalités dépendent de notre relation avec notre Créateur et Rédempteur, et aller ainsi à la vérité, à la vérité qui sauve. Saint Augustin, en se référant au chapitre 3 de l'Evangile selon saint Jean, définit l'acte de la confession chrétienne comme "faire la vérité, aller à la lumière". C'est seulement en voyant nos fautes à la lumière de Dieu, l'insuffisance de notre relation avec Lui, que nous marchons à la lumière de la vérité. Et seule la vérité sauve. OEuvrons finalement dans la vérité: confesser réellement dans cette profondeur de la lumière de Dieu, c'est faire la vérité.

C'est la première signification de la parole confessio, confession des péchés, reconnaissance de la culpabilité qui résulte de notre relation manquée avec Dieu. Mais une seconde signification du mot confession est celle de remercier Dieu, glorifier Dieu, témoigner Dieu. Nous pouvons reconnaître la vérité de notre être parce qu'il y a la réponse divine. Dieu ne nous a pas laissés seuls avec nos péchés; même lorsque notre relation avec Sa majesté est entravée, Il ne se retire pas, mais Il vient et nous prend par la main. C'est pourquoi confessio, c'est le témoignage de la bonté de Dieu, c'est l'évangélisation. Nous pourrions dire que la seconde dimension de la parole confessio est identique à l'évangélisation. Nous le voyons le jour de la Pentecôte, lorsque saint Pierre, dans son discours, d'une part accuse les personnes coupables - vous avez tué le saint et le juste -, mais, en même temps, il dit: ce Saint est ressuscité et vous aime, Il vous prend dans ses bras, vous appelle à lui appartenir dans la repentance et dans le baptême, tout comme dans la communion de son Corps. Dans la lumière de Dieu, confesser devient nécessairement annoncer Dieu, évangéliser et ainsi rénover le monde.

La parole confessio nous rappelle aussi un autre élément. Dans le chapitre 10 de l'Epitre aux Romains, saint Paul interprète la confession du chapitre 30 du Deutéronome. Dans ce dernier texte, il semble que les Hébreux, en entrant dans la forme définitive de l'alliance, dans la Terre Sainte, aient peur et ne puissent pas réellement répondre à Dieu comme ils le devraient. Le Seigneur leur dit: n'ayez pas peur, Dieu n'est pas loin. Pour arriver à Dieu, il n'est pas nécessaire de traverser un océan inconnu, il n'y a pas besoin de voyages spatiaux dans le ciel, de choses compliquées ou impossibles. Dieu n'est pas loin, il n'est pas de l'autre côté de l'océan, dans ces espaces immenses de l'univers. Dieu est proche. Il est dans ton coeur et sur tes lèvres, avec la parole de la Torah qui entre dans ton coeur et s'annonce sur tes lèvres. Dieu est en toi et avec toi, Il est proche.

Saint Paul remplace, dans son interprétation, la parole Torah avec la parole confession et foi. Il dit: réellement, Dieu est proche, aucune expédition compliquée n'est nécessaire pour arriver à Lui, ni aucune aventure spirituelle ou matérielle. Dieu est proche avec la foi, Il est dans ton coeur, et avec la confession, Il est sur tes lèvres. Il est en toi et avec toi. Jésus Christ, réellement nous donne, avec sa présence, la parole de la vie. Ainsi Il entre, avec la foi, dans notre coeur. Il habite dans notre coeur et dans la confession, nous apportons la réalité du Seigneur au monde, à notre temps. Ceci me semble être un élément important: le Dieu proche. Les choses de la science, de la technique comportent de grands investissements: les aventures spirituelles et matérielles sont coûteuses et difficiles. Mais Dieu se donne gratuitement. Les choses les plus grandes de la vie - Dieu, amour, vérité - sont gratuites. Dieu se donne dans notre coeur. Je dirais que nous devrions méditer souvent cette gratuité de Dieu: il n'y a pas besoin de grands dons matériels ou même intellectuels pour être proches de Dieu. Dieu se donne gratuitement dans son amour, Il est en moi dans le coeur et sur les lèvres. Ceci est le courage, la joie de notre vie. C'est aussi le courage présent dans ce Synode, parce que Dieu n'est pas loin: Il est avec nous avec la parole de la foi. Je pense aussi que cette dualité est importante: la parole dans le coeur et sur les lèvres. Cette profondeur de la foi personnelle qui réellement me relie intimement avec Dieu, doit ensuite être confessée: foi et confession, intériorité dans la communion avec Dieu et témoignage de la foi qui s'exprime sur mes lèvres et devient ainsi sensible et présente dans le monde. Il s'agit de deux choses importantes qui vont toujours ensemble.

Ensuite l'hymne, dont nous parlons, indique aussi les lieux où se trouve la confession: "oas, lingua, mens, sensus, vigor". Toutes nos capacités de penser, parler, sentir, agir, doivent résonner - le latin utilise le verbe "personare" - la parole de Dieu. Notre être, dans toutes ses dimensions, devrait être rempli de cette parole, qui devient ainsi réellement sensible dans le monde, qui, de par notre existence, résonne dans le monde: la parole de l'Esprit Saint.

Et, ensuite, brièvement, deux autres dons. La charité: il est important que le christianisme ne soit pas une somme d'idées, une philosophie, une théologie, mais une manière de vivre, le christianisme est charité, il est amour. C'est seulement ainsi que nous devenons chrétiens: si la foi se transforme en charité, si elle est charité. Nous pouvons dire également que lógos et la charité vont ensemble. Notre Dieu est, d'une part, lógos, raison éternelle. Mais cette raison est aussi amour, il ne s'agit pas froidement d'un fait mathématique qui construit l'univers, ce n'est pas un démiurge; cette raison éternelle est un feu, elle est charité. Cette unité de raison et de charité, de foi et charité devrait se réaliser en nous-mêmes. Et ainsi, transformés dans la charité, devenir, comme disent les Pères grecs, divinisés. Je dirais que dans le développement du monde nous avons ce parcours en montée, depuis les premières réalités créées jusqu'à la créature homme. Mais cette escalade n'est pas encore finie. L'homme devrait être divinisé et ainsi se réaliser. L'unité de la créature et du Créateur: ceci est le vrai développement, arriver avec la grâce de Dieu à cette ouverture. Notre essence est transformée dans la charité. Si nous parlons de ce développement, nous pensons aussi toujours à ce dernier but, où Dieu veut arriver avec nous.

Enfin, le prochain. La charité, ce n'est pas quelque chose d'individuel, mais d'universel et de concret. Aujourd'hui, au cours de la Messe, nous avons proclamé la page évangélique du bon samaritain, où nous voyons la double réalité de la charité chrétienne, qui est universelle et concrète. Ce samaritain rencontre un juif, donc quelqu'un qui se trouve au-delà des frontières de sa tribu et de sa religion. Mais la charité est universelle, c'est pourquoi cet étranger, dans tous les sens du mot, est pour lui son prochain. L'universalité ouvre les limites qui enferment le monde et créent les diversités et les conflits. En même temps, le fait que l'on doive faire quelque chose pour l'universalité n'est pas philosophie, mais action concrète. Nous devons aspirer à cette unification d'universalité et de concret, nous devons ouvrir réellement ces frontières entre tribus, ethnies, religions à l'universalité de l'amour de Dieu. Et non pas en théorie, mais dans nos lieux de vie, avec tout ce qui est concrètement nécessaire. Nous prions le Seigneur pour qu'Il nous donne tout ceci, dans la force de l'Esprit Saint. A la fin, l'hymne est une glorification du Dieu trine et unique et une prière pour connaître et croire. Ainsi la fin retourne au début. Nous prions afin que nous puissions connaître, connaître devient croire et croire devient aimer, action. Nous prions le Seigneur afin qu'Il nous donne l'Esprit Saint, qu'Il suscite une nouvelle Pentecôte, qu'Il nous aide à être ses serviteurs en ce moment actuel du monde. Amen.



Discours 2005-2013 21009