Discours 2005-2013 1013

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES Salle du Consistoire Jeudi 29 octobre 2009



1013 Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs dans le Christ,

C'est avec une grande joie que je vous souhaite une cordiale bienvenue, à l'occasion de l'assemblée plénière du Conseil pontifical pour les communications sociales. Je désire avant tout exprimer ma gratitude à Mgr Claudio Maria Celli, président de votre Conseil pontifical, pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom à tous. J'étends également mon salut à vos collaborateurs et à vous tous ici présents, en vous remerciant pour la contribution que vous offrez aux travaux de l'assemblée plénière, et pour le service que vous rendez à l'Eglise dans le domaine des communications sociales.

Ces jours-ci, vous entamez une réflexion sur les nouvelles technologies de la communication. Même un observateur peu attentif peut facilement constater qu'à notre époque, précisément grâce aux technologies les plus modernes, une véritable révolution est en cours dans le domaine des communications sociales, dont l'Eglise prend toujours plus conscience. Ces technologies, en effet, permettent une communication rapide et étendue, ainsi qu'un ample partage d'idées et d'opinions; elles facilitent l'acquisition d'informations et de nouvelles de façon diffuse et accessible à tous. Le Conseil pontifical pour les communications sociales suit depuis longtemps cette évolution surprenante et rapide des médias, en mettant à profit les interventions du magistère de l'Eglise. Je voudrais rappeler ici, en particulier, deux Instructions pastorales: Communio et Progressio du Pape Paul VI et Aetatis novae voulue par Jean-Paul II. Deux documents faisant autorité de mes vénérés prédécesseurs, qui ont favorisé et promu dans l'Eglise une vaste sensibilisation sur ces thèmes. En outre, les grands changements sociaux qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années ont sollicité et continuent de solliciter une analyse attentive sur la présence et l'action de l'Eglise dans ce domaine. Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, dans l'encyclique Redemptoris missio (1990), rappelait que "l'engagement dans les médias, toutefois, n'a pas pour seul but de démultiplier l'annonce. Il s'agit d'une réalité plus profonde, car l'évangélisation même de la culture moderne dépend en grande partie de leur influence". Et il ajoutait: "Il ne suffit donc pas de les utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Eglise, mais il faut intégrer le message dans cette "nouvelle culture" créée par la communication moderne" (n. 37.c). En effet, la culture moderne jaillit, avant même que des contenus, de l'existence de nouvelles façons de communiquer qui utilisent des langages nouveaux, se servent de nouvelles techniques, et créent de nouveaux comportements psychologiques. Tout cela constitue un défi pour l'Eglise appelée à annoncer l'Evangile aux hommes du troisième millénaire, en conservant intact son contenu, mais en le rendant compréhensible grâce également à des instruments et des modalités conformes à la mentalité et aux cultures d'aujourd'hui.

Les moyens de communication sociale, ainsi appelés dans le Décret conciliaire Inter Mirifica, ont acquis aujourd'hui des potentialités et des fonctions sans doute difficilement concevables à l'époque. Le caractère multimédial et l'interactivité structurelle des nouveaux médias a, d'une certaine façon, diminué la spécificité de chacun d'entre eux, en engendrant progressivement une sorte de système mondial de communication en vertu duquel, bien que chaque moyen conserve son caractère particulier, l'évolution actuelle du monde de la communication oblige toujours plus à parler d'une unique forme de communication, qui accomplit une synthèse des diverses voix ou les place dans une relation réciproque étroite. Chers amis, beaucoup d'entre vous sont experts en la matière et peuvent analyser avec un plus grand professionnalisme les diverses dimensions de ce phénomène, y compris surtout anthropologiques. Je voudrais saisir cette occasion pour inviter tous ceux qui, dans l'Eglise, oeuvrent dans le domaine de la communication et qui ont une responsabilité de guide pastoral à savoir saisir les défis que ces nouvelles technologies présentent à l'évangélisation.

Dans le Message pour la Journée mondiale des communications sociales de cette année, en soulignant l'importance que revêtent les nouvelles technologies, j'ai encouragé les responsables des processus de communication à chaque niveau, à promouvoir une culture du respect pour la dignité et la valeur de la personne humaine, un dialogue enraciné dans la recherche sincère de la vérité, de l'amitié non pas pour elle-même, mais capable de développer les dons de chacun pour les placer au service de la communauté humaine. De cette façon, l'Eglise exerce ce que nous pourrions définir une "diaconie de la culture", sur le "continent numérique" actuel, en parcourant ses voies afin d'annoncer l'Evangile, l'unique Parole qui puisse sauver l'homme. C'est au Conseil pontifical pour les communications sociales qu'il revient d'approfondir chaque élément de la nouvelle culture des médias, en commençant par les aspects éthiques, et accomplir un service d'orientation et de guide pour aider les Eglises particulières à saisir l'importance de la communication, qui représente désormais un point ferme et incontournable de tout programme pastoral. Par ailleurs, les caractéristiques des nouveaux moyens rendent précisément possible, également à une grande échelle, et dans la dimension mondialisée que celle-ci a acquise, une action de consultation, de partage et de coordination, qui, en plus d'accroître une diffusion efficace du message évangélique, évite parfois une inutile dispersion des forces et des ressources. Pour les croyants, la valorisation nécessaire des nouvelles technologies des médias doit toutefois toujours être soutenue par une vision constante de foi, en sachant que, au-delà des moyens que l'on utilise, l'efficacité de l'annonce de l'Evangile dépend en premier lieu de l'action de l'Esprit Saint, qui guide l'Eglise et le chemin de l'humanité.

Chers frères et soeurs, cette année, nous célébrons le 50 anniversaire de la fondation de la Filmothèque vaticane, voulue par mon vénéré prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII, et qui a rassemblé et catalogué une documentation filmée de 1896 à nos jours, en mesure d'illustrer l'histoire de l'Eglise. La Filmothèque vaticane possède donc un riche patrimoine culturel, qui appartient à l'humanité tout entière. Tandis que j'exprime ma profonde gratitude pour ce qui a déjà été accompli, j'encourage à poursuivre ce travail important de regroupement, qui documente les étapes du chemin de la chrétienté, à travers le témoignage suggestif de l'image, afin que ces biens soient conservés et connus. A vous tous ici présents, j'adresse une fois de plus mes remerciements pour la contribution que vous apportez à l'Eglise, dans un domaine très important, comme celui des communications sociales, et je vous assure de ma prière afin que l'action de votre Conseil pontifical continue de porter de nombreux fruits. J'invoque sur chacun l'intercession de la Vierge et je vous donne à tous la Bénédiction apostolique.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE PROMUE PAR L'OBSERVATOIRE DU VATICAN À L'OCCASION DE L'ANNÉE INTERNATIONALE DE L'ASTRONOMIE Salle Clémentine Vendredi 30 octobre 2009

Eminence,
1014 Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de saluer cette assemblée d'éminents astronomes provenant du monde entier, qui se rencontrent au Vatican pour la célébration de l'Année internationale de l'astronomie, et je remercie le cardinal Giovanni Lajolo pour ses paroles cordiales d'introduction. Cette célébration, qui marque le quatre centième anniversaire des premières observations astronomiques du ciel par Galilée avec un télescope, nous invite à considérer le progrès immense de la connaissance scientifique à l'époque moderne et, en particulier, à tourner notre regard vers le ciel avec un esprit d'émerveillement, de contemplation et d'engagement pour la recherche de la vérité, partout où celle-ci doit être trouvée.
Votre rencontre coïncide également avec l'inauguration des nouveaux locaux de l'Observatoire du Vatican à Castel Gandolfo. Comme vous le savez, l'histoire de l'Observatoire est liée de manière très concrète à la figure de Galilée, aux controverses autour de ses recherches, ainsi qu'à la tentative de l'Eglise d'arriver à une compréhension correcte et féconde de la relation entre science et religion. Je saisis cette occasion pour exprimer ma gratitude non seulement pour les recherches approfondies qui ont éclairci le contexte historique précis de la condamnation de Galilée, mais également pour les efforts de tous ceux qui sont engagés dans le dialogue et dans la réflexion constants sur la complémentarité de la foi et de la raison au service d'une compréhension intégrale de l'homme et de sa place dans l'univers. Je suis particulièrement reconnaissant au personnel de l'Observatoire, ainsi qu'aux amis et aux bienfaiteurs de la Fondation de l'Observatoire du Vatican pour leur efforts en vue de promouvoir la recherche, les opportunités pédagogiques et le dialogue entre l'Eglise et le monde scientifique.

L'Année internationale de l'astronomie entend, parmi ses objectifs, susciter à nouveau pour les peuples du monde entier l'émerveillement et l'étonnement extraordinaires qui ont caractérisé la grande époque des découvertes du xvi siècle. Je pense, par exemple, à la joie des scientifiques du Collège romain qui, à quelques pas d'ici, firent des observations et des calculs qui conduisirent à l'adoption mondiale du calendrier grégorien. Notre époque, sur le point de faire des découvertes scientifiques peut-être encore plus grandes et de plus vaste portée, tirerait avantage de ce même sentiment d'admiration respectueuse et du désir d'obtenir une synthèse vraiment humaniste de la connaissance qui a inspiré les pères de la science moderne. Qui peut nier que la responsabilité de l'avenir de l'humanité, et, de fait, le respect pour la nature et pour le monde qui nous entoure, demandent, aujourd'hui plus que jamais, l'observation attentive, le jugement critique, la patience et la discipline qui sont essentiels pour la méthode scientifique moderne? Dans le même temps, les grands scientifiques de l'âge des découvertes nous rappellent également que la connaissance authentique est toujours tournée vers la sagesse, et, au lieu de rétrécir les yeux de l'esprit, elle nous invite à lever le regard vers un royaume de l'esprit plus élevé.

La connaissance doit, en somme, être comprise et recherchée dans toute son ampleur libératrice. Il est assurément possible de la réduire à des calculs et à des expériences, mais, si elle aspire à être sagesse, en mesure d'orienter l'homme à la lumière de ses premiers débuts et de sa conclusion finale, elle doit s'engager dans la recherche de la vérité ultime qui, bien qu'étant toujours au-delà de notre complète portée, est cependant la clef de notre bonheur et de notre liberté authentiques (cf.
Jn 8,32), la mesure de notre véritable humanité et le critère pour une juste relation avec le monde physique et avec nos frères et nos soeurs au sein de la vaste famille humaine.

Chers amis, la cosmologie moderne nous a montré que ni nous, ni la terre sur laquelle nous vivons, ne sont le centre de notre univers, composé de milliards de galaxies, chacune desquelles comportant des myriades d'étoiles et de planètes. Toutefois, alors que nous cherchons à répondre au défi de cette Année, de lever les yeux vers le ciel pour redécouvrir notre place dans l'univers, de quelle manière pouvons-nous être captivés par la merveille exprimée par le Psalmiste il y a si longtemps? En effet, en contemplant le ciel étoilé il s'écria avec émerveillement devant Dieu: "A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci?" (Ps 8,4-5). J'espère que l'émerveillement et la joie qui désirent être les fruits de cette Année internationale de l'astronomie conduiront au-delà de la contemplation des merveilles de la création jusqu'à la contemplation du Créateur et de cet Amour qui est le motif qui sous-tend sa création, l'Amour qui, selon les paroles de Dante Alighieri, "fait mouvoir le soleil et les autres étoiles" (Paradis XXXIII, 145). L'Apocalypse nous dit que, dans la plénitude des temps, la parole à travers laquelle toutes les choses ont été faites est venue demeurer parmi nous. En Christ, le nouvel Adam, nous reconnaissons le centre authentique de l'univers et de toute l'histoire, et en Lui, le Logos incarné, nous voyons la mesure la plus haute de notre grandeur d'êtres humains, dotés de raison et appelés à un destin éternel.

Chers amis, avec ces réflexions je vous salue tous avec respect et estime et j'offre mes meilleurs voeux dans la prière pour votre recherche et pour votre enseignement. Sur vous, sur vos familles et sur vos proches, j'invoque cordialement les Bénédictions de sagesse, de joie et de paix de Dieu tout-puissant.


À S.E. M. NIKOLA IVANOV KADULOV, NOUVEL AMBASSADEUR DE BULGARIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Samedi 31 octobre 2009

Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux d'accueillir Votre Excellence en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres qui L'accréditent en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bulgarie près le Saint-Siège. Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, pour les paroles aimables que vous m’avez adressées. En retour, je vous saurai gré de bien vouloir exprimer au Président de la République, Monsieur Georgi Parvanov, mes voeux cordiaux pour sa personne ainsi que pour le bonheur et la réussite du peuple bulgare.

Je me félicite, à mon tour, des bonnes relations qu’entretiennent la Bulgarie et le Saint-Siège, dans la dynamique créée par le voyage de mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II dans votre pays en 2002. Ces rapports méritent d’être intensifiés encore et je me réjouis d’entendre votre souhait d’oeuvrer avec ardeur pour les renforcer et en élargir le champ.

1015 En cet automne, nous célébrons le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin qui a permis à la Bulgarie de faire le choix de la démocratie et de retrouver des relations libres et autonomes avec l’ensemble du Continent européen. Je sais que votre pays consent aujourd'hui des efforts importants en vue d’une intégration encore plus forte dans l’Union européenne dont il fait partie depuis le 1er janvier 2007. Il est important que dans ce processus de la construction européenne chaque peuple ne fasse pas le sacrifice de sa propre identité culturelle, mais trouve au contraire les moyens de lui faire porter de bons fruits qui viendront enrichir l’ensemble communautaire. En raison de sa situation géographique et culturelle, il est particulièrement heureux, comme vous venez de l’exprimer, que votre Nation n’ait pas seulement le souci de sa propre destinée, mais qu’elle manifeste une grande attention aux pays qui sont ses voisins et travaille à favoriser leurs liens avec l’Union européenne. La Bulgarie a ainsi indubitablement un rôle important à jouer dans la construction de relations apaisées entre les pays qui l’environnent, ainsi que dans la défense et la promotion des droits de l’homme.

Comme vous l’avez également souligné à l’instant, cette préoccupation pour le bien commun des peuples ne peut se limiter aux frontières du Continent, il est aussi nécessaire d’être attentif à créer les conditions d’une mondialisation réussie. Pour que celle-ci puisse être vécue positivement, il faut en effet qu’elle puisse servir « tout l’homme et tous les hommes ». C’est ce principe que j’ai voulu souligner avec force dans ma récente Encyclique Caritas in Veritate. Il est essentiel en effet que le développement légitimement recherché ne concerne pas le seul domaine économique, mais prenne en compte l’intégralité de la personne humaine. La mesure de l’homme ne réside pas dans son avoir, mais dans l’épanouissement de son être selon toutes les potentialités que sa nature recèle. Ce principe trouve sa raison ultime dans l’amour créateur de Dieu, que révèle pleinement la Parole divine. En ce sens, pour que le développement de l’homme et de la société puisse être authentique, il doit nécessairement comporter une dimension spirituelle (nn.76-77). Il réclame aussi de la part de tous les responsables publics une grande exigence morale vis-à-vis d’eux-mêmes afin de pouvoir gérer la part d’autorité qui leur est confiée, de manière efficace et désintéressée. La culture chrétienne qui imprègne profondément votre peuple n’est pas uniquement un trésor du passé à conserver, mais tout autant le gage d’un avenir vraiment prometteur en ce qu’il protège l’homme des tentations qui menacent toujours de lui faire oublier sa propre grandeur ainsi que l’unité du genre humain et les exigences de solidarité qu’elle implique.

C’est animé de cette intention que la communauté catholique en Bulgarie désire oeuvrer à la réussite de toute la population. Ce souci partagé du bien commun constitue l’un des éléments qui devrait faciliter le dialogue entre les diverses et nombreuses communautés religieuses qui composent le paysage culturel de votre antique Nation. Ce dialogue, afin d’être sincère et constructif, requiert une connaissance et une estime réciproque que les pouvoirs publics peuvent grandement favoriser par la considération qu’ils portent eux-mêmes aux différentes familles spirituelles. Pour sa part, la communauté catholique exprime le souhait d’être généreusement ouverte à tous et de travailler avec tous ; elle le démontre concrètement à travers ses oeuvres sociales dont elle ne veut pas réserver le bénéfice à ses seuls membres.

C’est de façon chaleureuse que, par votre intermédiaire, Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite saluer les évêques, les prêtres, les diacres et tous les fidèles qui forment la communauté catholique de votre Pays. Je les invite à considérer les grandes richesses que Dieu, dans l’étendue de sa miséricorde, a mises dans leurs coeurs de croyants et, pour cette raison, à s’engager avec audace, à travers une coopération aussi étroite que possible avec tous les citoyens de bonne volonté, à témoigner sur tous les plans de la dignité que Dieu a inscrite dans l’être de l’homme.

Au moment où Votre Excellence inaugure officiellement ses fonctions auprès du Saint-Siège, je forme les souhaits les meilleurs pour l’heureux accomplissement de sa mission. Soyez sûr, Monsieur l'Ambassadeur, de toujours trouver auprès de mes collaborateurs l’attention et la compréhension cordiales que mérite votre haute fonction ainsi que l’affection du Successeur de Pierre pour votre pays. En invoquant l’intercession de la Vierge Marie et des saints Cyrille et Méthode, je prie le Seigneur de répandre de généreuses bénédictions sur vous-même, sur votre famille et sur vos collaborateurs, ainsi que sur le peuple bulgare et sur ses dirigeants.

                                                      Novembre 2009

VISITE PASTORALE À BRESCIA ET CONCESIO (ITALIE)

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE

HOMÉLIE Place Paul VI - Brescia Dimanche 8 novembre 2009




Chers frères et soeurs!

C'est pour moi une grande joie de pouvoir partager avec vous le pain de la Parole de Dieu et de l'Eucharistie ici, au coeur du diocèse de Brescia, où le serviteur de Dieu Giovanni Battista Montini, le Pape Paul VI, naquit et reçut sa formation de jeunesse. Je vous salue tous avec affection et je vous remercie pour votre accueil chaleureux! Je remercie en particulier l'évêque, Mgr Luciano Monari, des paroles qu'il m'a adressées au début de la célébration, et avec lui, je salue les cardinaux, les évêques, les prêtres et les diacres, les religieux et les religieuses, et tous les agents de la pastorale. Je remercie le maire de ses paroles et de son don, ainsi que les autres autorités civiles et militaires. J'adresse une pensée particulière aux malades qui se trouvent dans la cathédrale.

Au centre de la Liturgie de la Parole de ce dimanche - le XXXII du temps ordinaire - nous trouvons le personnage de la veuve pauvre, ou, plus exactement, nous trouvons le geste qu'elle accomplit en jetant dans le trésor du Temple les dernières pièces qui lui restent. Un geste qui, grâce au regard attentif de Jésus, est devenu proverbial: "l'obole de la veuve", est en effet synonyme de la générosité de celui qui donne sans réserve le peu qu'il possède. Mais tout d'abord, je voudrais souligner l'importance du milieu où se déroule cet épisode évangélique, à savoir le Temple de Jérusalem, centre religieux du peuple d'Israël et coeur de toute sa vie. Le Temple est le lieu du culte public et solennel, mais aussi du pèlerinage, des rites traditionnels et des disputes rabbiniques, comme celles rapportées dans l'Evangile entre Jésus et les rabbins de l'époque, dans lesquelles, toutefois, Jésus enseigne avec une autorité particulière, celle de Fils de Dieu. Il prononce des jugements sévères - comme nous l'avons entendu - à l'égard des scribes, en raison de leur hypocrisie: en effet, tout en affichant avec ostentation une grande religiosité, ils exploitent les pauvres gens en imposant des obligations qu'eux-mêmes n'observent pas. Jésus démontre donc une grande affection pour le Temple comme maison de prière, mais c'est précisément pour cette raison qu'il veut le purifier des usages impropres, et plus encore, veut en révéler la signification plus profonde, liée à l'accomplissement du Mystère lui-même, le Mystère de sa mort et résurrection, dans laquelle Il devient lui-même le Temple nouveau et définitif, le lieu où se rencontrent Dieu et l'homme, le Créateur et Sa créature.

1016 L'épisode de l'obole de la veuve s'inscrit dans ce contexte et nous conduit, à travers le regard même de Jésus, à fixer notre attention sur un détail fuyant, mais décisif: le geste d'une veuve, très pauvre, qui jette dans le trésor du Temple deux petites pièces de monnaie. A nous aussi, comme ce jour-là aux disciples, Jésus dit: Faites attention! Regardez bien ce que fait cette veuve, parce que son action renferme un grand enseignement; celui-ci en effet, exprime la caractéristique fondamentale de ceux qui sont les "pierres vivantes" de ce nouveau Temple, c'est-à-dire le don total de soi au Seigneur et à son prochain; la veuve de l'Evangile, comme celle de l'Ancien Testament, offre tout, s'offre elle-même, et se met entre les mains de Dieu, pour les autres. Telle est la signification éternelle de l'offrande de la veuve pauvre, que Jésus exalte parce qu'elle a offert davantage que les riches, qui n'ont donné qu'une partie de leur superflu, tandis qu'elle a offert tout ce qu'elle avait pour vivre (cf. Mt 12,44), et s'est ainsi donnée elle-même.

Chers amis! A partir de cette icône évangélique, je souhaite méditer brièvement sur le mystère de l'Eglise, du Temple vivant de Dieu, et rendre ainsi hommage à la mémoire du grand Pape Paul vi, qui a consacré toute sa vie à l'Eglise. L'Eglise est un organisme spirituel concret, qui prolonge dans l'espace et dans le temps l'oblation du Fils de Dieu, un sacrifice apparemment insignifiant par rapport aux dimensions du monde et de l'histoire, mais décisif aux yeux de Dieu. Comme le dit la Lettre aux Hébreux - également dans le texte que nous avons écouté - le sacrifice de Jésus, offert "une seule fois", a suffi à Dieu pour sauver le monde entier (cf. He 9,26 He 9,28), parce qu'en cette unique oblation est concentrée tout l'Amour du Fils de Dieu qui s'est fait homme, comme dans le geste de la veuve est concentré tout l'amour de cette femme pour Dieu et pour ses frères: il ne manque rien et rien ne pourrait y être ajouté. L'Eglise, qui naît sans cesse de l'Eucharistie, du don de soi de Jésus, est la continuation de ce don, de cette surabondance qui s'exprime dans la pauvreté, du tout qui s'offre dans un fragment. C'est le Corps du Christ qui se donne entièrement, Corps fractionné et partagé, dans une adhésion constante à la volonté de son Chef. Je suis heureux que vous approfondissiez actuellement la nature eucharistique de l'Eglise, guidés par la Lettre pastorale de votre évêque.

Voilà l'Eglise que le serviteur de Dieu Paul vi a aimée d'un amour passionné et qu'il a cherché de toutes ses forces à faire comprendre et aimer. Relisons ses Pensées sur la mort, au moment où, en conclusion, il parle de l'Eglise. "Je pourrais dire - écrit-il - que je l'ai toujours aimée... et que c'est pour elle, et pour rien d'autre, qu'il me semble avoir vécu. Mais je voudrais que l'Eglise le sache". Ce sont les accents d'un coeur qui bat, et il poursuit ainsi: "Je voudrais enfin la comprendre tout entière, dans son histoire, dans son dessein divin, dans son destin final, dans sa composition complexe, totale et unitaire, dans sa consistance humaine et imparfaite, dans ses tragédies et ses souffrances, dans ses faiblesses et dans les malheurs de tant de ses fils, dans ses aspects les moins sympathiques, et dans son effort constant de fidélité, d'amour, de perfection et de charité. Corps mystique du Christ. Je voudrais - continue le Pape - l'embrasser, la saluer, l'aimer, dans tous les êtres qui la composent, dans chaque évêque et prêtre qui l'assiste et la guide, dans toutes les âmes qui la vivent et l'illustrent; la bénir". Et ses derniers mots sont pour elle, comme à l'épouse de toute une vie: "Et à l'Eglise, à laquelle je dois tout et qui fut mienne, que dirai-je? Que les bénédictions de Dieu soient sur toi; aie conscience de ta nature et de ta mission; aie le sens des besoins véritables et profonds de l'humanité; et marche dans la pauvreté, c'est-à-dire dans la liberté, dans la force et l'amour pour le Christ".

Que peut-on ajouter à des paroles aussi élevées et intenses? Je voudrais seulement souligner cette dernière vision de l'Eglise "pauvre et libre", qui rappelle la figure évangélique de la veuve. C'est ainsi que doit être la communauté ecclésiale, pour réussir à parler à l'humanité contemporaine. La rencontre et le dialogue de l'Eglise avec l'humanité de notre temps étaient particulièrement chers à Giovanni Battista Montini à toutes les époques de sa vie, depuis les premières années du sacerdoce jusqu'à son pontificat. Il a consacré toutes ses énergies au service d'une Eglise le plus possible conforme à son Seigneur Jésus Christ, de façon à ce que, en la rencontrant, l'homme contemporain puisse rencontrer le Christ, car il a un besoin absolu de Lui. Telle est l'aspiration de fond du Concile Vatican II, à laquelle correspond la réflexion du Pape Paul VI sur l'Eglise. Il voulut en exposer sous forme de programme plusieurs points importants dans sa première encyclique Ecclesiam suam, du 6 août 1964, alors que n'avaient pas encore vu le jour les Constitutions conciliaires Lumen gentium et Gaudium et spes.

Avec cette première encyclique, le Pape se proposait d'expliquer à tous l'importance de l'Eglise pour le salut de l'humanité et, dans le même temps, l'exigence que s'établisse une relation de connaissance mutuelle et d'amour entre la communauté ecclésiale et la société (cf. Enchiridion Vaticanum 2P 199,164). "Conscience", "renouveau", "dialogue": voilà les trois paroles choisies par Paul vi pour exprimer ses "pensées" dominantes - comme il les définit - au début du ministère pétrinien, et toutes les trois concernent l'Eglise. Tout d'abord, l'exigence que celle-ci approfondisse la conscience d'elle-même: origine, nature, mission, destin final; en deuxième lieu, son besoin de se renouveler et de se purifier en regardant le modèle qui est le Christ; enfin, le problème de ses relations avec le monde moderne (cf. ibid. , pp. PP 203-205). Chers amis - et je m'adresse de manière particulière à mes frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce - , comment ne pas voir que la question de l'Eglise, de sa nécessité dans le dessein de salut et de sa relation avec le monde, demeure aujourd'hui aussi absolument centrale? Que les développements de la sécularisation et de la mondialisation l'ont même rendue encore plus radicale, dans la confrontation avec l'oubli de Dieu, d'une part, et avec les religions non-chrétiennes, de l'autre? La réflexion du Pape Montini sur l'Eglise est plus que jamais actuelle; et l'exemple de son amour pour elle, inséparable de celui pour le Christ, est encore plus précieux. "Le mystère de l'Eglise - lisons-nous toujours dans l'encyclique Ecclesiam suam - n'est pas un simple objet de connaissance théologique, il doit être un fait vécu duquel, avant même d'en avoir une notion claire, l'âme fidèle peut avoir comme une expérience connaturelle" (ibid., p. 229, n. 178). Cela présuppose une vie intérieure robuste, qui est - ainsi poursuit le Pape - "la source principale de la spiritualité de l'Eglise, sa manière propre de recevoir les irradiations de l'Esprit du Christ, expression radicale et irremplaçable de son activité religieuse et sociale, inviolable défense et énergie nouvelle dans son difficile contact avec le monde profane" (ibid., p. 231, n. 179). C'est précisément le chrétien ouvert, l'Eglise ouverte au monde qui ont besoin d'une robuste vie intérieure.

Très chers amis, quel don inestimable pour l'Eglise que la leçon du serviteur de Dieu Paul VI! Et comme il est enthousiasmant de se remettre à chaque fois à son école! C'est une leçon qui concerne chacun et qui engage tous, selon les divers dons et ministères dont le Peuple de Dieu est riche, par l'action de l'Esprit Saint. En cette Année sacerdotale, j'ai plaisir à souligner que celle-ci concerne et fait participer de manière particulière les prêtres, auxquels le Pape Montini réserva toujours une affection et une sollicitude particulières. Dans l'encyclique sur le célibat sacerdotal, il écrivit: ""Saisi par le Christ Jésus" (Ph 3,12) jusqu'à s'abandonner totalement à Lui, le prêtre se configure plus parfaitement au Christ également dans l'amour avec lequel le Prêtre éternel a aimé l'Eglise son Corps, s'offrant tout entier pour elle... La virginité consacrée des ministres sacrés manifeste en effet l'amour virginal du Christ pour l'Eglise et la fécondité virginale et surnaturelle de cette union" (Sacerdotalis caelibatus,, n. 26). Je dédie ces paroles du grand Pape aux nombreux prêtres du diocèse de Brescia, ici bien représentés, ainsi qu'aux jeunes qui se forment au séminaire. Et je voudrais également rappeler les paroles que Paul vi adressa aux élèves du séminaire lombard le 7 décembre 1968, alors que les difficultés de l'après-Concile s'ajoutaient aux ferments du monde des jeunes: "De nombreuses personnes - dit-il - attendent du Pape des gestes éclatants, des interventions énergiques et décisives. Le Pape considère ne devoir suivre aucune autre ligne que celle de la confiance en Jésus Christ, qui a son Eglise plus à coeur que quiconque. Ce sera lui qui calmera la tempête... Il ne s'agit pas d'une attente stérile: mais d'une attente vigilante dans la prière. C'est la condition que Jésus a choisie pour nous, afin qu'Il puisse opérer en plénitude. Le Pape a lui aussi besoin d'être aidé par la prière" (Insegnamenti VI, [1968], 1189). Chers frères, que les exemples sacerdotaux du serviteur de Dieu Giovanni Battista Montini vous guident toujours, et que saint Arcangelo Tadini, que je viens de vénérer lors de la brève halte à Botticino, intercède pour vous.

Alors que je salue et que j'encourage les prêtres, je ne peux oublier, en particulier ici à Brescia, les fidèles laïcs, qui sur cette terre ont fait preuve d'une extraordinaire vitalité de foi et d'oeuvres, dans les divers domaines de l'apostolat associé et de l'engagement social. Chers amis Brescians, dans les Enseignements de Paul VI, vous pouvez trouver des indications toujours précieuses pour affronter les défis du présent, tels que, en particulier, la crise économique, l'immigration, l'éducation des jeunes. Dans le même temps, le Pape Montini ne perdait jamais une occasion de souligner le primat de la dimension contemplative, c'est-à-dire le primat de Dieu dans l'expérience humaine. C'est pourquoi il ne se lassait jamais de promouvoir la vie consacrée, dans la variété de ses aspects. Il aima intensément la beauté multiforme de l'Eglise, en y reconnaissant le reflet de la beauté infinie de Dieu, qui transparaît sur le visage du Christ.

Nous prions afin que la splendeur de la beauté divine resplendisse dans chacune de nos communautés et que l'Eglise soit un signe lumineux d'espérance pour l'humanité du troisième millénaire. Que Marie, que Paul VI voulut proclamer, à la fin du Concile oecuménique Vatican II, Mère de l'Eglise, obtienne cette grâce pour nous. Amen!

Discours 2005-2013 1013