Discours 2005-2013 41209


CONCERT EN L'HONNEUR DU SAINT-PÈRE

OFFERT PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE,

S.E. M. HORST KÖHLER,

À L'OCCASION DES 60 ANS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

ET DES 20 ANS DE LA CHUTE DU MUR DE BERLIN

Chapelle Sixtine Vendredi 4 décembre 2009



Chers amis,

1027 Il est difficile de parler après une musique aussi majestueuse et profondément touchante. Mais aussi pauvre qu'elle puisse être, je pense qu'une parole de salutation, de remerciement et de réflexion est opportune. Je voudrais ainsi vous saluer de tout coeur, vous qui êtes ici réunis dans la chapelle Sixtine. Tout d'abord, je suis reconnaissant à Monsieur le président fédéral et à son épouse de nous honorer ce soir de leur présence. Monsieur le président fédéral, votre visite est un vrai plaisir pour moi. A travers celle-ci vous exprimez la proximité et l'affection du peuple allemand pour le Successeur de Pierre, qui est votre concitoyen. Un sincère Vergelt's Gott (« Que Dieu vous rende grâce ») également pour vos courtoises et profondes paroles, ainsi que pour avoir rendu possible cette soirée. Je remercie également de tout coeur le Domkapellmeister, M. Reinhard Kammler, les Augsburger Domsingknaben et la Residenz-Kammerorchester München de leur magistrale interprétation de ce magnifique Oratorio. Merci de ce don merveilleux!

L'occasion de cette soirée solennelle est, comme nous l'avons entendu, double. D'un côté, nous célébrons cette année les 60 ans de la fondation de la République fédérale d'Allemagne, avec la signature de la Loi fondamentale, le 23 mai 1949; de l'autre, nous commémorons le 20e anniversaire de la chute du Mur de Berlin, cette frontière de mort qui pendant tant d'années avait divisé notre patrie et avait séparé par la force des hommes, des familles, des voisins et des amis. Beaucoup avaient vu dans les événements du 9 novembre 1989 l'aube inattendue d'une liberté nouvelle, après une longue et difficile nuit de violence et d'oppression fruit d'un système totalitaire qui, en fin de compte, conduisait au nihilisme, à l'assèchement des âmes. Pendant la dictature communiste, il n'existait aucune action qui pouvait être considérée comme mauvaise en soi et toujours immorale. Ce qui servait les objectifs du parti était bon — aussi inhumain que cela puisse être. Aujourd'hui, certains se demandent si l'ordre social occidental est vraiment meilleur et plus humain. De fait, l'histoire de la République fédérale d'Allemagne en est la preuve. Et nous le devons en bonne partie à la Loi fondamentale. Cette Constitution a contribué de manière essentielle au développement pacifique de l'Allemagne au cours des six dernières décennies. Parce que celle-ci exhorte les hommes à donner, de manière responsable devant Dieu Créateur, la priorité à la dignité humaine dans toute législation d'Etat, à respecter le mariage et la famille en tant que fondements de toute société, ainsi qu'à avoir de l'égard et un respect profond de tout ce qui est sacré pour les autres. Puissent les citoyens de l'Allemagne, en remplissant leur devoir de renouveau spirituel et politique, après le national-socialisme et après la seconde guerre mondiale, comme cela a été exprimé dans la Loi fondamentale, continuer à collaborer à la construction d'une société libre et sociale.

Chers amis, si l'on considère l'histoire de notre patrie au cours des soixante dernières années, nous avons des raisons de rendre grâce à Dieu de toute notre âme. Et nous sommes aussi conscients que ce développement n'est pas de notre mérite. Il a été rendu possible par des hommes qui ont agi avec une profonde conviction chrétienne dans la responsabilité devant Dieu, en lançant ainsi des processus de réconciliation qui ont permis une nouvelle relation mutuelle et communautaire des pays européens. L'histoire de l'Europe au XXe siècle démontre que la responsabilité devant Dieu est d'une importance décisive pour une action politique juste (cf. Encyclique Caritas in veritate ). Dieu rassemble les hommes en une vraie communion, et Il fait comprendre à l'individu que dans la communion avec l'autre est également présent quelque chose de plus grand, qui est la cause originelle de notre vie et de notre être ensemble. Cela se manifeste à nous de manière particulière, également dans le mystère de Noël, où ce Dieu se rapproche à travers son amour, où il demande Lui-même, en tant qu'homme, en tant qu'enfant, notre amour.

Un passage de l'Oratorio de Noël illustre de manière impressionnante cette communion qui se fonde dans l'amour et aspire à l'amour éternel: Marie se trouve dans l'étable et écoute les paroles des pasteurs devenus témoins et annonciateurs du message des anges sur cet enfant. Ce moment au cours duquel elle conserve avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur (cf.
Lc 2,19), Bach le transforme, avec l'extraordinaire aria pour contralto, en une invitation adressée à chacun:

Renferme, ô mon coeur,
ce miracle de béatitude
solidement dans ta foi!
Que ce miracle,
cette oeuvre divine
renforce toujours ta faible foi!

Chaque homme, dans la communion avec Jésus Christ, peut être pour l'autre un médiateur vers Dieu. Personne ne croit pour lui seul, chacun vit dans sa propre foi également grâce à des médiations humaines. Mais toute seule, aucune de celles-ci ne serait suffisante pour jeter un pont vers Dieu, parce qu'aucun homme ne peut en tirer la garantie absolue de l'existence et de la proximité de Dieu. Mais dans la communion avec Celui qui, en lui-même, est cette proximité, nous les hommes pouvons être — et nous le sommes — des médiateurs les uns pour les autres. En tant que tels, nous serons capables de susciter une nouvelle manière de penser et d'engendrer de nouvelles énergies dans le service d'un humanisme intégral.

1028 Mes remerciements vont encore aux promoteurs de cette belle soirée, aux musiciens et à tous ceux qui ont rendu possible la réalisation de ce concert à travers leur généreuse contribution. Puisse la splendide musique que nous avons écoutée dans le contexte si singulier de la chapelle Sixtine renforcer notre foi et notre joie dans le Seigneur, afin que nous puissions être ses témoins dans le monde. Je donne à tous et de tout coeur ma Bénédiction apostolique.






AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU BRÉSIL (RÉGIONS SUL 3 ET SUL 4) EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Salle du Consistoire Samedi 5 décembre 2009



Vénérés frères dans l'épiscopat,

Je vous souhaite la bienvenue et je salue tous et chacun de vous, en vous recevant collégialement dans le cadre de votre visite ad limina. Je remercie Mgr Murilo Krieger pour les paroles d'estime dévouée qu'il m'a adressées au nom de vous tous et du peuple qui est confié à vos soins pastoraux dans les régions ecclésiastiques Sul 3 et 4, présentant également vos défis et vos espérances. En entendant tout cela, je sens que s'élèvent de mon coeur des actions de grâces au Seigneur pour le don de la foi miséricordieusement accordé à vos communautés ecclésiales, conservé avec zèle par celles-ci et courageusement transmis, en obéissance au mandat que Jésus nous a laissé d'apporter sa Bonne Nouvelle à chaque créature, en cherchant à imprégner d'humanisme chrétien la culture actuelle.

En ce qui concerne la culture, la pensée se tourne vers deux lieux classiques dans lesquels celle-ci se forme et se transmet – l'université et l'école –, en fixant principalement l'attention sur les communautés académiques qui sont nées à l'ombre de l'humanisme chrétien et qui s'inspirent de celui-ci, s'honorant du nom de « catholiques ». Or, « c'est précisément dans la référence explicite et partagée par tous les membres de la communauté scolaire – bien qu'à des degrés différents – à la vision chrétienne, que l'école est "catholique", car les principes évangéliques deviennent dans celle-ci des normes éducatives, ses motivations intérieures et dans le même temps ses objectifs finaux » (Congrégation pour l'éducation catholique, L'école catholique, n. 34). Puisse-t-elle, dans une synergie convaincue avec les familles et avec la communauté ecclésiale, promouvoir cette unité entre foi, culture et vie qui constitue l'objectif fondamental de l'éducation chrétienne.

Même les écoles publiques, selon différentes formes et modalités, peuvent être aidées dans leur tâche éducative par la présence de professeurs chrétiens – en premier lieu, mais pas exclusivement, les professeurs de religion catholique – et de certains élèves ayant reçu une formation chrétienne, ainsi que par la collaboration des familles et de la communauté chrétienne elle-même. En effet, une saine laïcité de l'école n'implique pas la négation de la transcendance, ni même une simple neutralité face à ces exigences et valeurs morales qui se trouvent à la base d'une authentique formation de la personne, incluant l'éducation religieuse.

L'école catholique ne peut pas être pensée, ni vivre séparément des autres institutions éducatives. Elle est au service de la société: elle accomplit une fonction publique et un service d'utilité publique, qui n'est pas réservé aux seuls catholiques, mais ouvert à tous ceux qui désirent profiter d'une offre éducative de qualité. Le problème de son équivalence juridique et économique avec l'école publique ne pourra être correctement posé que si nous partons de la reconnaissance du rôle primaire de la famille et de celui subsidiaire des autres institutions éducatives. Dans l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme on peut lire: « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ». L'engagement pluriséculaire de l'école catholique va dans cette direction, poussé par une force encore plus radicale, c'est-à-dire la force qui fait du Christ le centre du processus éducatif.

Ce processus, qui commence dans les écoles primaires et secondaires, se réalise de manière plus élevée et approfondie dans les universités. L'Eglise a toujours été solidaire de l'université et de sa vocation à conduire l'homme aux niveaux les plus élevés de la connaissance de la vérité et de la domination du monde sous tous ses aspects. Je suis heureux d'exprimer ma vive gratitude ecclésiale aux différentes congrégations religieuses qui parmi vous ont fondé et soutenu des universités renommées, leur rappelant toutefois que celles-ci ne sont pas la propriété de celui qui les a fondées ou de ceux qui les fréquentent, mais l'expression de l'Eglise et de son patrimoine de foi.

Dans ce sens, bien-aimés frères, il vaut la peine de rappeler que, en août dernier, l'Instruction Libertatis nuntius, de la Congrégation pour la doctrine de la foi, sur certains aspects de la théologie de la libération, a fêté ses vingt-cinq ans. Dans celle-ci, on soulignait le danger que comportait l'acceptation acritique de la part de certains théologiens de thèses et de méthodologies provenant du marxisme. Ses conséquences plus ou moins visibles faites de rébellion, de division, de désaccord, d'offense, d'anarchie, se font encore sentir, créant dans vos communautés diocésaines de grandes souffrances et une grave perte de forces vives. Je demande à ceux qui d'une certaine manière se sentent attirés, concernés et touchés au plus profond d'eux-mêmes par certains principes trompeurs de la théologie de la libération, d'avoir recours à nouveau à cette Instruction, en accueillant la lumière bienveillante qu'elle offre. Je rappelle à tous que « la "règle suprême de sa foi" (de l'Eglise) lui vient de l'unité que l'Esprit a réalisée entre la sainte Tradition, la Sainte Ecriture et le Magistère de l'Eglise, en une réciprocité telle que les trois ne peuvent pas subsister de manière indépendante » (Jean-Paul II, Fides et ratio FR 55). Que, dans le cadre des organismes et communautés ecclésiales, le pardon offert et accueilli au nom et par amour de la Très Sainte Trinité, que nous adorons dans nos coeurs, mette fin à la souffrance de l'Eglise bien-aimée qui est en pèlerinage dans les terres de la Sainte Croix.

Vénérés frères dans l'épiscopat, dans l'union avec le Christ, nous sommes précédés et guidés par la Vierge Marie, tant aimée et vénérée dans vos diocèses et dans tout le Brésil. En Elle, nous trouvons, pure et saine, la véritable essence de l'Eglise et ainsi, à travers Elle, nous apprenons à connaître et à aimer le mystère de l'Eglise qui vit dans l'histoire, nous nous sentons profondément appartenir à celle-ci, nous devenons à notre tour « des âmes ecclésiales », en apprenant à résister à cette « sécularisation interne » qui menace l'Eglise et ses enseignements.

1029 Alors que je demande au Seigneur de diffuser l'abondance de sa lumière sur tout le monde de l'école brésilien, je confie ses membres à la protection de la Très Sainte Vierge et je vous donne, ainsi qu'à vos prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux laïcs engagés et à tous les fidèles de vos diocèses, ma Bénédiction apostolique paternelle.





HOMMAGE DU SAINT-PÈRE

À L’IMMACULÉE SUR LA PLACE D'ESPAGNE

Solennité de l'Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie Mardi 8 décembre 2009




Chers frères et soeurs!


Au coeur des villes chrétiennes, Marie constitue une présence douce et rassurante. Avec son style discret, elle apporte à tous la paix et l'espérance dans les moments heureux et tristes de l'existence. Dans les églises, dans les chapelles, sur les murs des immeubles: une peinture, une mosaïque, une statue rappelle la présence de la Mère qui veille constamment sur ses enfants. Ici aussi, sur la Place d'Espagne, Marie est placée en haut, comme pour veiller sur Rome.

Que dit Marie à la ville? Qu'est-ce qu'elle rappelle à tous à travers sa présence? Elle rappelle que « là où le péché s'était multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5,20) — comme l'écrit l'apôtre Paul. Elle est la Mère Immaculée, qui répète également aux hommes de notre temps: n'ayez pas peur, Jésus a vaincu le mal; il l'a vaincu à la racine, en nous libérant de sa domination.

Comme nous avons besoin de cette belle nouvelle! Chaque jour, en effet, à travers les journaux, la télévision, la radio, le mal est raconté, répété, amplifié, nous habituant aux choses les plus horribles, nous faisant devenir insensibles et, d'une certaine manière, en nous intoxiquant, car la négativité n'est pas totalement éliminée et, jour après jour, elle s'accumule. Le coeur s'endurcit et les pensées s'assombrissent. C'est pour cela que la ville a besoin de Marie, qui avec sa présence nous parle de Dieu, nous rappelle la victoire de la Grâce sur le péché, et nous incite à espérer également dans les situations humainement les plus difficiles.

Dans la ville vivent — ou survivent — des personnes invisibles, qui de temps en temps apparaissent en première page ou à la télévision, et sont exploitées jusqu'au bout, tant que la nouvelle et l'image attirent l'attention. C'est un mécanisme pervers, auquel il est malheureusement difficile de résister. La ville cache tout d'abord, et ensuite elle expose au public. Sans pitié, ou avec une fausse pitié. Il y a en revanche en chaque homme le désir d'être écouté comme une personne et d'être considéré une réalité sacrée, car chaque histoire humaine est une histoire sacrée, et demande le plus grand respect.
Chers frères et soeurs, c'est nous tous qui sommes la ville! Chacun contribue à sa vie et à son climat moral, dans le bien ou dans le mal. Dans le coeur de chacun de nous passe la frontière entre le bien et le mal et aucun de nous ne doit se sentir le droit de juger les autres, mais chacun doit plutôt sentir le devoir d'améliorer sa propre personne! Les mass media tendent à nous faire sentir toujours des « spectateurs », comme si le mal ne concernait que les autres, et que certaines choses ne pouvaient jamais nous arriver. En revanche, nous sommes tous des acteurs et, dans le mal comme dans le bien, notre comportement a une influence sur les autres.

Nous nous plaignons souvent de la pollution de l'air qui, dans certains lieux de la ville, est irrespirable. C'est vrai: il faut l'engagement de tous pour rendre la ville plus propre. Mais il y a toutefois une autre pollution, moins perceptible par les sens, mais tout aussi dangereuse. C'est la pollution de l'esprit; c'est celle qui rend nos visages moins souriants, plus sombres, qui nous conduit à ne pas nous saluer entre nous, à ne pas nous regarder en face... La ville est faite de visages, mais malheureusement les dynamiques collectives peuvent nous faire perdre la perception de leur profondeur. Nous ne voyons que la surface des choses. Les personnes deviennent des corps, et ces corps perdent leur âme, deviennent des choses, des objets sans visages, interchangeables et consommables.

1030 Marie Immaculée nous aide à redécouvrir et défendre la profondeur des personnes, parce qu'il y a en elle une parfaite transparence de l'âme dans le corps. C'est la pureté en personne, dans le sens où l'esprit, l'âme et le corps sont en elle pleinement cohérents entre eux et avec la volonté de Dieu. La Vierge nous enseigne à nous ouvrir à l'action de Dieu, pour regarder les autres comme Lui les regarde: à partir du coeur. Et à les regarder avec miséricorde, avec amour, avec une tendresse infinie, en particulier les plus seuls, les plus méprisés, les plus exploités. « Là où le péché s'était multiplié, la grâce a surabondé ».

Je veux rendre hommage publiquement à tous ceux qui en silence, non par les mots, mais par les faits, s'efforcent de pratiquer cette loi évangélique de l'amour, qui fait avancer le monde. Ils sont très nombreux, ici aussi à Rome, et ils font rarement la une. Des hommes et des femmes de tout âge, qui ont compris qu'il ne sert à rien de condamner, de se plaindre, de récriminer, mais il est plus utile de répondre au mal par le bien. Cela change les choses; ou mieux, cela change les personnes et, par conséquent, rend la société meilleure.

Chers amis Romains, et vous tous qui vivez dans cette ville! Tandis que nous sommes pris par nos activités quotidiennes, prêtons l'oreille à la voix de Marie. Ecoutons son appel silencieux mais pressant. Elle dit à chacun de nous: là où le péché s'est multiplié, que la grâce puisse surabonder, à partir de ton coeur précisément et de ta vie! Et la ville sera plus belle, plus chrétienne, plus humaine.

Merci, Sainte Mère, de ton message d'espérance. Merci de ta présence silencieuse, mais éloquente dans le coeur de notre ville. Vierge Immaculée, Salus Populi Romani, prie pour nous!





À S.E. M. EDUARDO DELGADO BERMÚDEZ, AMBASSADEUR DE CUBA PRÈS LE SAINT-SIÈGE Vendredi 10 décembre 2009

Monsieur l'ambassadeur,

1. C'est avec un immense plaisir que je vous reçois pour cet acte solennel au cours duquel vous présentez les Lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Cuba près le Saint-Siège, marquant ainsi le début de l'importante mission que votre gouvernement vous a confiée. Je vous remercie de vos paroles attentives et du salut que vous m'avez transmis de la part de S.E. M. Raúl Castro Ruz, président des Conseils d'Etat et des ministres, à qui je présente en retour mes meilleurs voeux pour ses hautes responsabilités.

2. Entre espérances et difficultés, Cuba a atteint une position importante, principalement dans le contexte économique et politique des Caraïbes et de l'Amérique latine. D'autre part, certains des signes de détente dans vos relations avec les Etats-Unis d'Amérique tout proches laisseraient présager de nouvelles opportunités pour un rapprochement réciproquement fructueux, dans le plein respect de la souveraineté et du droit des Etats et de leurs citoyens. Cuba, qui continue à offrir à de nombreux pays sa collaboration dans des domaines fondamentaux comme l'alphabétisation et la santé, favorise ainsi la coopération et la solidarité internationales, sans que celles-ci soient subordonnées à d'autre intérêts si ce n'est l'aide aux populations dans le besoin. Il est souhaitable que tout cela puisse contribuer à concrétiser dans les faits l'appel que mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, lança lors de son voyage historique sur l'île: « Puisse Cuba s'ouvrir avec toutes ses magnifiques possibilités au monde et puisse le monde s'ouvrir à Cuba » (Discours lors de la cérémonie de bienvenue à La Havane, 21 janvier 1998; cf. ORLF n. 4 du 27 janvier 1998).

3. Comme de nombreux autres pays, votre patrie subit elle aussi les conséquences de la grave crise mondiale qui, s'ajoutant aux effets dévastateurs des désastres naturels et à l'embargo économique, frappe de manière particulière les personnes et les familles les plus pauvres. Dans cette situation générale complexe, on ressent toujours davantage le besoin urgent d'une économie qui, édifiée sur de solides bases éthiques, place la personne et ses droits, son bien matériel et spirituel, au centre de ses propres intérêts. En effet, le premier capital que l'on doit sauvegarder et sauver est l'homme, la personne dans son intégrité (cf. Caritas in veritate ).

Il est important que les gouvernements s'efforcent de remédier aux graves effets de la crise financière, sans négliger pour autant les besoins primordiaux des citoyens. L'Eglise catholique à Cuba, qui en ce moment, et comme toujours, se sent proche de la population, veut y contribuer à travers son aide modeste mais effective. Je désire également souligner que la bonne coopération atteinte avec les autorités de votre pays a permis la réalisation d'importants projets d'assistance et de reconstruction, en particulier à l'occasion des catastrophes naturelles.

4. J'espère que continueront à se multiplier les signes concrets d'ouverture à l'exercice de la liberté religieuse, comme cela a été le cas ces dernières années; par exemple la possibilité de célébrer la Messe dans certaines prisons, le déroulement des processions religieuses, la restauration et la restitution de plusieurs temples et la construction de maisons religieuses, ou encore l'accès à la sécurité sociale pour les prêtres et les religieux. Ainsi, la communauté catholique accomplira de la meilleure façon sa tâche pastorale spécifique.

1031 Pour aller de l'avant dans cette direction, en particulier au bénéfice des citoyens cubains, il serait également souhaitable que l'on puisse continuer à dialoguer pour fixer ensemble, en suivant des modèles semblables à ceux qui sont établis avec d'autres nations et en respectant les caractéristiques propres à votre pays, un cadre juridique qui définisse de manière adaptée les relations existantes et jamais interrompues entre le Saint-Siège et Cuba, et qui garantisse un développement adapté de la vie et de l'action pastorale de l'Eglise dans cette nation.

5. L'Eglise catholique dans votre patrie se prépare avec une grande ardeur à la célébration, en l'an 2012, du Quatrième centenaire de la redécouverte et de la présence de l'image bénie de la Virgen de la Caridad del Cobre, Mère et patronne de Cuba. Ce bien-aimé titre marial est un symbole lumineux de la religiosité du peuple cubain et des racines chrétiennes de sa culture. En effet, l'Eglise, que l'on ne peut pas confondre avec la communauté politique (cf. Gaudium et spes
GS 76), est la dépositaire d'un extraordinaire patrimoine spirituel et moral qui a contribué à forger de manière décisive « l'âme » cubaine, en lui donnant un caractère et une personnalité propres.

A cet égard, tous les hommes et les femmes, et en particulier les jeunes, ont besoin aujourd'hui comme à toute autre époque, de redécouvrir les valeurs morales, humaines et spirituelle, comme par exemple le respect pour la vie de sa conception jusqu'à son terme naturel, qui rendent l'existence de l'homme plus digne. Dans ce sens, le service principal que l'Eglise prête aux Cubains est l'annonce de Jésus Christ et de son message d'amour, de pardon et de réconciliation dans la vérité. Un peuple qui parcourt ce chemin de concorde est un peuple qui a l'espérance d'un avenir meilleur. En outre, l'Eglise, consciente que sa mission serait incomplète sans le témoignage de la charité qui naît du Coeur du Christ, a mis en oeuvre dans votre pays de nombreuses initiatives d'assistance sociale qui, malgré leurs dimensions limitées, ont touché de nombreux malades, personnes âgées et invalides. Une démonstration évidente de cet amour est également la vie et le travail de nombreuses personnes qui se sont laissées illuminer et transformer par le message du Christ, comme le bienheureux José Olallo Valdés, à la béatification duquel, la première célébrée en terre cubaine, a assisté S.E. M. le président du Conseil d'Etat et des ministres.

Je suis en outre certain que ce climat, qui a permis à l'Eglise d'apporter sa modeste contribution caritative, favorisera également sa participation aux moyens de communication sociale et à la réalisation des tâches éducatives complémentaires, conformément à sa mission pastorale et spirituelle spécifique.

6. Je ne veux pas conclure mon discours sans adresser une pensée au peuple cubain, toujours noble, combattif, souffrant et travailleur, lui exprimant de tout coeur ma proximité et mon affection, alors que je ne cesse jamais de le rappeler dans ma prière au Seigneur, auteur de chaque don.

Monsieur l'ambassadeur, je vous prie de bien vouloir transmettre mon salut respectueux aux plus hautes autorités de la République de Cuba, tandis que je vous assure, Excellence, de mes meilleurs voeux afin que vous accomplissiez fidèlement et avec profit la haute mission que vous commencez aujourd'hui auprès du Saint-Siège et invoque sur vous, sur votre famille et sur vos collaborateurs, d'abondants dons du Très-Haut, par l'intercession de Nuestra Señora de la Caridad del Cobre.





VISITE À L'HOSPICE DU SACRÉ-COEUR - « FONDAZIONE ROMA »

Dimanche 13 décembre 2009


Chers frère et soeurs!

J'ai accueilli avec plaisir l'invitation à rendre visite à l'Hospice « Fondazione Roma » et je suis très heureux de me trouver parmi vous. J'adresse ma pensée cordiale au cardinal-vicaire Agostino Vallini, à Leurs Excellences les évêques auxiliaires et aux prêtres présents. Je remercie vivement le professeur Emmanuele Emanuele, président de la « Fondazione Roma », et le duc Leopoldo Torlonia, président du Cercle de Saint-Pierre, pour les paroles significatives qu'ils m'ont aimablement adressées. Avec eux, je salue la direction de l'Hospice « Fondazione Roma », son président M. Alessandro Falez, le personnel médical, para-médical et administratif, les religieuses et ceux qui prêtent de différentes manières leur service dans cette institution digne d'éloges. J'adresse ensuite ma reconnaissance particulière aux volontaires du cercle de Saint-Pierre, dont je connais le zèle et la générosité avec lesquels ils apportent de l'aide et du réconfort aux malades et à leurs familles. L'Hospice « Fondazione Roma » est né en 1998, sous le nom d'Hospice du Sacré-Coeur, à l'initiative de celui qui était alors le président directeur général du Cercle de Saint-Pierre, le marquis Marcello Sacchetti, que je salue avec un vif respect et une profonde reconnaissance. La tâche de cette institution est de soigner des patients en phase terminale, pour en soulager le plus possible les souffrances et les accompagner avec amour au cours de leur maladie. En onze ans, les personnes hospitalisées à l'Hospice sont passées de trois à plus de trente, suivies quotidiennement par des médecins, des infirmiers et des volontaires. Nous devons leur ajouter les 90 personnes assistées à domicile. Tout cela contribue à faire de l'Hospice « Fondazione Roma », qui au cours du temps s'est enrichi du Service Alzheimer et d'un projet d'assistance expérimentale s'adressant aux personnes frappées de sclérose latérale amyotrophique, une structure particulièrement importante dans le monde de la santé romaine.

Chers amis! Nous savons que certaines graves pathologies entraînent inévitablement chez les malades des moments de crise, d'égarement et une sérieuse confrontation avec leur propre situation personnelle. Les progrès dans les sciences médicales offrent souvent les instruments nécessaires pour affronter ce défi, tout au moins relativement aux aspects physiques. Toutefois, il n'est pas toujours possible de trouver une cure pour chaque maladie, et, en conséquence, dans les hôpitaux et dans les structures médicales du monde entier on rencontre souvent la souffrance de nombreux frères et soeurs incurables, et souvent en phase terminale. Aujourd'hui, la mentalité de l'efficacité qui domine, tend souvent à marginaliser ces personnes, les considérant un poids et un problème pour la société. Qui possède le sens de la dignité humaine sait, en revanche, qu'elles doivent être respectées et soutenues lorsqu'elles affrontent les difficultés et les souffrances liées à leurs conditions de santé. Dans ce but, on a toujours plus souvent recours aujourd'hui à l'utilisation de soins palliatifs, qui sont en mesure d'alléger les souffrances qui dérivent de la maladie et d'aider les personnes malades à la vivre avec dignité. Toutefois, à côté des soins cliniques indispensables, il faut offrir aux malades des gestes concrets d'amour, de proximité et de solidarité chrétienne pour aller au devant de leur besoin de compréhension, de réconfort et d'encouragement constant. C'est ce qui est réalisé avec succès ici, à l'Hospice « Fondazione Roma », qui place au coeur de son propre engagement le soin et l'accueil attentif des malades et de leurs familles, en harmonie avec ce qu'enseigne l'Eglise, qui, à travers les siècles, s'est toujours révélée la mère aimante de ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit. En me réjouissant pour l'oeuvre louable accomplie, je désire encourager ceux qui, se faisant des icônes concrètes du bon samaritain qui « éprouve de la compassion et prend soin du prochain » (cf. Lc 10,34), offrent quotidiennement aux patients et à leurs proches une assistance adaptée et attentive aux exigences de chacun.

Chers malades, chères familles, je viens de vous rencontrer personnellement et j'ai vu dans vos yeux la foi et la force qui vous soutiennent dans les difficultés. Je suis venu pour offrir à chacun un témoignage concret de proximité et d'affection. Je vous assure de ma prière, et je vous invite à trouver en Jésus soutien et réconfort, pour ne jamais perdre la confiance et l'espérance. Votre maladie est une épreuve bien douloureuse et particulière, mais devant le mystère de Dieu, qui a assumé notre chair mortelle, celle-ci acquiert son sens et devient un don et une occasion de sanctification. Lorsque la souffrance et le découragement deviennent plus forts, pensez que le Christ vous associe à sa croix, car il désire adresser à travers vous une parole d'amour à ceux qui ont égaré le chemin de la vie et qui, renfermés sur leur égoïsme vide, vivent dans le péché et dans l'éloignement de Dieu. En effet, vos conditions de santé témoignent que la vraie vie n'est pas ici, mais auprès de Dieu, où chacun de nous trouvera sa joie s'il aura humblement placé ses pas dans ceux de l'homme le plus vrai: Jésus de Nazareth, Maître et Seigneur.

1032 Le temps de l'Avent, dans lequel nous sommes plongés, nous parle de la visite de Dieu et nous invite à lui préparer la route. A la lumière de la foi, nous pouvons lire dans la maladie et dans la souffrance une expérience particulière de l'Avent, une visite de Dieu qui de manière mystérieuse vient vers nous, pour nous libérer de la solitude et du non-sens et transformer la douleur en temps de rencontre avec Lui, d'espérance et de salut. Le Seigneur vient, il est ici, à côté de nous! Que cette certitude chrétienne nous aide à comprendre également la « tribulation » comme la manière dont Il peut venir à notre rencontre et devenir pour chacun le « Dieu proche » qui libère et qui sauve. Noël, auquel nous nous préparons, nous offre la possibilité de contempler le Saint Enfant, la lumière véritable qui vient dans ce monde pour manifester « la grâce de Dieu, qui apporte le salut à tous les hommes » (Tt 2,11). Avec les sentiments de Marie, nous nous confions tous à Lui, ainsi que notre vie et notre espérance. Chers frères et soeurs! Avec ces pensées, j'invoque sur chacun de vous la protection maternelle de la Mère de Jésus, que le peuple chrétien invoque dans l'épreuve comme salus infirmorum et je vous donne de tout coeur une Bénédiction apostolique spéciale, gage de joie spirituelle profonde, et de paix authentique paix dans le Seigneur.







Discours 2005-2013 41209