Discours 2005-2013 1037

À S.E. M. ALPO RUSI, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE FINLANDE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Salle Clémentine Jeudi 17 décembre 2009

Monsieur l'ambassadeur,

Je suis heureux de vous accueillir au Vatican et d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Finlande près le Saint-Siège. Je vous remercie de vos paroles courtoises et des salutations que vous m'exprimez de la part de votre présidente, S.E. Mme Tarja Halonen. Veuillez lui transmettre mes meilleurs voeux et l'assurer de mes prières constantes pour le bien-être et la prospérité de tous les citoyens de votre pays.

Depuis plus de soixante ans, comme vous l'avez souligné, le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques cordiales avec la Finlande, et il existe en effet beaucoup d'objectifs communs dans les affaires internationales sur lesquels nous pouvons continuer de travailler ensemble. Votre nation a montré son engagement à construire des relations harmonieuses au sein de l'Europe, notamment avec les Etats membres de l'Union européenne. La frontière de la Finlande avec la Russie lui permet de jouer le rôle d'un pont avec ce pays, et sa proximité avec les Etats baltes montre qu'elle est en situation de promouvoir la coopération et les échanges réciproques entre ceux-ci et les pays nordiques. Le Saint-Siège désire vivement apporter son soutien aux initiatives qui encouragent la fraternité entre les nations tout en reconnaissant que, en eux-mêmes, les aspects techniques de la coopération et de la coexistence stable ne sont pas suffisants pour créer une amitié durable entre les peuples ou pour surmonter toutes les divisions. Cela est plutôt le fait de la charité, un don divin qui, à la fois, présuppose et transcende la justice dans les relations humaines (cf. Caritas in veritate ). C'est ici que la voix de l'Eglise a une contribution essentielle à apporter aux affaires internationales, que des nations telles que la vôtre ont reconnue, depuis l'époque où les relations diplomatiques furent établies entre nous pendant la sombre période de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant de nombreuses années, la Finlande a été en première ligne de l'activité diplomatique pour défendre la paix et les droits de l'homme. En effet, le nom même de votre capitale, Helsinki, est associé à ces nobles causes dans l'esprit d'un très grand nombre de personnes. Votre nation a activement contribué aux opérations de maintien de la paix et a récemment assuré de manière éminente la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, une agence qui doit son origine, en 1975, à l'Acte final d'Helsinki, un autre fruit de la présence active de votre pays sur la scène internationale.

A cet égard, le Saint-Siège apprécie particulièrement les initiatives que votre gouvernement a prises récemment pour renforcer ses liens avec les nations africaines. J'ai parlé, au mois d'octobre dernier, lors de l'ouverture de la deuxième assemblée spéciale pour l'Afrique du synode des évêques, de la grande contribution spirituelle que les peuples de ce continent peuvent offrir au monde qui traverse actuellement de très nombreuses manières une crise de foi et de confiance (cf. Homélie, 4 octobre 2009). Tandis que, d'un côté, une aide économique et un transfert de technologie devraient être assurés dans la justice aux Africains, ils ont, quant à eux, avec leur grande vitalité et leur amour de la vie, beaucoup à enseigner au reste du monde. Dans ce contexte, l'engagement de votre pays au service du développement est un exemple de la manière dont « orienter la mondialisation de l'humanité en termes de relationnalité, de communion et de partage » (Caritas in veritate ).

1038 Les Finlandais ont enregistré de remarquables résultats dans le domaine de l'aide humanitaire, et leur soutien aux peuples moins avantagés qu'eux se manifeste également dans le bon accueil qu'il réserve aux immigrants. Il s'agit d'un domaine où l'Eglise est en mesure d'apporter sa contribution, car l'intégration harmonieuse des étrangers dans leurs pays d'accueil est grandement facilitée s'ils peuvent y trouver une patrie spirituelle, et les communautés catholiques, en particulier lorsqu'elles sont en petit nombre, sont toujours très conscientes de leur communion avec leurs confrères catholiques à travers le monde. L'heureuse occasion, au mois de septembre dernier, de l'ordination d'un Finlandais de souche comme évêque catholique d'Helsinki, est un signe à la fois des racines anciennes de l'Eglise catholique finlandaise et de sa croissance au cours de ces dernières années. Dans ce contexte, je suis heureux de noter la coopération et le dialogue croissants entre les différentes communautés chrétiennes en Finlande. Je remercie Votre Excellence pour les salutations que vous me transmettez de la part des archevêques luthériens et orthodoxes, et je vous demande de bien vouloir leur transmettre les miennes en retour. Ces signes d'une fraternité croissante parmi les disciples du Christ sont de bon augure pour le développement de la compréhension et du respect mutuels entre les immigrants nouvellement arrivés, de différentes religions, et leurs hôtes finlandais.

Une contribution vitale que tous les groupes religieux peuvent offrir dans votre pays, comme partout ailleurs en Europe, est d'attirer l'attention sur certaines valeurs qui courent le risque d'être minées à travers le processus de sécularisation. Je comprends les pressions que les gouvernements doivent affronter lorsque sont présentées avec insistance les requêtes de certaines catégories, au nom de la tolérance, en vue d'accepter un nombre toujours plus grand de points de vue et de modes de vie, mais, comme je l'ai souvent souligné, la vertu de la tolérance ne gagne rien à être sacrifiée à la vérité, en particulier la vérité sur la dignité de la personne humaine. J'exhorte votre gouvernement à continuer de prendre en considération les perspectives éthiques fondées sur la loi naturelle inscrite de manière indélébile dans notre humanité commune – ces valeurs humaines authentiques que vous venez d'évoquer – afin que la considération très ancienne de la Finlande pour la famille et le respect de la vie puisse influer sur la réponse qu'elle apporte aux problématiques sociales délicates ayant des implications à long terme sur la santé de toute société humaine.

En vous présentant mes meilleurs voeux pour le succès de votre mission, je vous assure de la disponibilité des divers bureaux de la Curie romaine pour vous aider dans l'accomplissement de vos fonctions. Sur Votre Excellence, et sur tout le peuple de Finlande, j'invoque cordialement d'abondantes Bénédictions de Dieu.






À S.E. M. EINARS SEMANIS, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE LETTONIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Salle Clémentine Jeudi 17 décembre 2009

Monsieur l'ambassadeur,

En vous souhaitant la bienvenue au Vatican et en acceptant les Lettres qui vous accréditent comme ambassadeur de la République de Lettonie près le Saint-Siège, je suis heureux d'exprimer ma satisfaction pour les relations cordiales qui existent entre nous. Je suis reconnaissant à Votre Excellence de me transmettre les salutations courtoises de votre président, S.E. M. Valdis Zatlers, et je vous prie de bien vouloir lui exprimer les miennes en retour, ainsi que mes meilleurs voeux pour lui et tout le peuple de la République de Lettonie.

Depuis sa position unique sur les côtes baltes, la Lettonie a joué un rôle important dans l'évolution commerciale et culturelle de l'Europe. Cette influence n'a pas décliné, même lorsque son peuple a été privé, pendant des périodes longues et difficiles, de son statut de nation souveraine. A présent que son identité nationale n'est plus remise en question, et que son peuple jouit à nouveau de la liberté, la Lettonie a beaucoup à offrir à la communauté internationale. Vous avez mentionné, Monsieur l'ambassadeur, le vingtième anniversaire de l'apparition du « Baltic Way » à travers lequel la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie ont exprimé leur souhait de retourner pleinement en Europe. Ce geste historique a représenté un acte de confiance dans les valeurs essentielles de la liberté, de la vérité, de la justice et de la solidarité qui, fondées sur la tradition et la vision chrétiennes, ont construit la culture européenne et ont été à l'origine de ses institutions les plus importantes. Devenue membre de l'Union européenne en 2004, la Lettonie est elle aussi appelée à présent à prendre part à la tâche du continent de rechercher les moyens d'une plus vaste collaboration internationale pour consolider la liberté, la paix et la prospérité de ses habitants.

Monsieur l'ambassadeur, vous avez également souligné les moments importants et les fruits de l'histoire chrétienne de votre pays, auquel le Pape Innocent III donna le nom de Terre mariale en l'année 1205. Je prie pour que la Lettonie, inspirée par une appellation si amicale et si puissante puisse demeurer fidèle aux principes et aux valeurs que les premiers témoins chrétiens portèrent dans votre pays, à commencer par saint Meinhard et les autres pasteurs sages et zélés qui ont évangélisé votre nation. Les chrétiens de toutes les Eglises et communautés ecclésiales en Lettonie sont appelés à contribuer à la vie politique et culturelle de la nation ainsi qu'à oeuvrer pour une unité visible du Corps mystique du Christ. Mon prédécesseur, le regretté Pape Jean-Paul II, lors de sa visite historique dans votre pays en 1993, encouragea la recherche d'une plus grande unité chrétienne sur laquelle puisse s'appuyer l'unité nationale et en tant que priorité pour le renouveau (cf. Discours au sanctuaire marial d'Aglona, 9 septembre 1993). Il faut souhaiter qu'un tel renouveau ait lieu bientôt pour le bien de la nation dans son ensemble.

Les Lettons, dont l'attachement à leur terre est bien connu et qui sont attentifs à la protéger contre la dégradation de l'environnement, s'inspirent également de leur folklore et de leur culture comme base solide pour l'attention qu'ils portent à la terre sous tous ses aspect. En employant leur ingéniosité et en cultivant les ressources que Dieu leur a données, en exaltant la dignité humaine et en respectant la vie humaine, ainsi qu'en promouvant la vocation de l'homme à construire un humanisme ouvert aux valeurs spirituelles et transcendantes (cf. Caritas in veritate ), la Lettonie deviendra sans aucun doute le modèle d'un développement qui protège la dignité de la personne humaine tout en étant sensible aux exigences d'une économie durable.

La récente crise économique mondiale a eu de graves effets sur l'économie nationale, en engendrant de la pauvreté et du chômage dans certaines zones et en laissant un grand nombre de personnes dans l'incertitude quant à leur avenir. Je souhaite sincèrement que les Lettons puissent garder courage, au moment où, avec leurs dirigeants, ils cherchent des moyens efficaces de surmonter cette crise et de reconstruire le moteur économique de la Lettonie. De telles périodes exigent de la force et de la décision. Vos compatriotes, Monsieur l'ambassadeur, sont conscients que certaines mesures radicales peuvent être nécessaires pour soutenir le bien commun, même au prix de restrictions, de renoncements et de sacrifices. D'un autre côté, de telles mesures ne peuvent être couronnées de succès – et être socialement acceptables – que si elles sont menées dans un esprit de justice et d'équité authentiques et avec une attention particulière à l'égard de ceux qui sont les plus vulnérables. Je prie pour que la fermeté d'esprit des Lettons puisse continuer à les soutenir.

1039 Enfin, Monsieur l'ambassadeur, je suis certain que les relations cordiales entre le Saint-Siège et la Lettonie, renouées il y seize ans après une longue interruption qui n'était souhaitée par aucune des deux parties, aideront à promouvoir la fraternité, le respect et le dialogue. En vous présentant mes meilleurs voeux au début de votre mission comme ambassadeur près le Saint-Siège, je vous assure de la disponibilité de la Curie romaine à vous assister dans votre importante mission. Puisse Dieu tout-puissant déverser ses abondantes Bénédictions sur vous et sur tout le peuple de Lettonie.






AUX NOUVEAUX AMBASSADEURS PRÈS LE SAINT-SIÈGE Salle Clémentine Jeudi 17 décembre 2009

Messieurs les Ambassadeurs,

Je suis heureux de vous recevoir ce matin au Palais Apostolique. Vous êtes venus me présenter les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs : le Danemark, l’Ouganda, le Soudan, le Kenya, le Kazakhstan, le Bangladesh, la Finlande et la Lettonie. Soyez les bienvenus et veuillez, s’il vous plaît, présenter mes salutations cordiales à vos Chefs d’Etat en les remerciant pour les paroles courtoises que vous avez eu l’amabilité de me transmettre de leur part. Je formule des voeux déférents pour leur Haute Mission au service de leur pays. Je voudrais également, par votre entremise, saluer les Autorités civiles et religieuses de vos nations, ainsi que tous vos compatriotes. Veuillez les assurer de ma prière. Mes pensées rejoignent aussi tout naturellement les communautés catholiques présentes dans vos pays. Vous savez qu’elles désirent s’associer fraternellement à l’édification nationale à laquelle elles contribuent au mieux de leurs possibilités.

Dans ma dernière Encyclique, Caritas in veritate, j’ai évoqué la restauration nécessaire d’un juste rapport entre l’homme et la création où il vit et oeuvre. La création est le don précieux que dans Sa bonté Dieu a fait aux hommes. Ils en sont les administrateurs et doivent donc tirer toutes les conséquences de cette responsabilité. Les hommes ne peuvent ni la décliner ni la fuir en la reportant sur les générations à venir. Il devient évident que cette responsabilité environnementale ne peut être opposée à l’urgence de mettre fin aux scandales de la misère et de la faim. Il n’est plus possible, au contraire, de dissocier ces deux réalités, car la dégradation continue de l’environnement constitue une menace directe pour la survie de l’homme et pour son développement lui-même ; et elle risque même de menacer directement la paix entre les personnes et les peuples.

Tant sur le plan individuel que sur le plan politique, il est nécessaire désormais de prendre des engagements plus décidés et plus largement partagés à l’égard de la création. En ce sens, j’encourage vivement les Autorités politiques de vos pays respectifs, et de l’ensemble des nations, non seulement à renforcer leur action en faveur de la sauvegarde de l’environnement, mais aussi - puisque le problème ne peut être affronté uniquement au niveau particulier de chaque pays - à être une force de proposition et d’incitation, afin de parvenir à des Accords internationaux contraignants qui soient utiles et justes pour tous.

Les défis auxquels l’humanité se trouve aujourd’hui confrontée appellent certainement une mobilisation des intelligences et de la créativité de l’homme, une intensification de la recherche appliquée en vue d’une plus efficace et plus saine utilisation des énergies et des ressources disponibles. Ces efforts ne peuvent dispenser d’une conversion ou d’une transformation du modèle de développement actuel de nos sociétés. L’Eglise propose que cette modification profonde qui est à découvrir et à vivre, soit orientée par la notion de développement intégral de la personne humaine. En effet, le bien de l’homme ne réside pas dans une consommation toujours plus effrénée et dans l’accumulation illimitée de biens - consommation et accumulation qui sont réservées à un petit nombre et proposées comme modèles à la masse -. A cet égard, il revient non seulement aux diverses religions de souligner et de défendre la primauté de l’homme et de l’esprit, mais également à l’Etat. Celui-ci a le devoir de le faire notamment à travers une politique ambitieuse qui favorise pour tous les citoyens - à égalité - l’accès aux biens de l’esprit. En effet ceux-ci valorisent la richesse du lien social et encouragent l’homme à poursuivre sa quête spirituelle.

Au printemps dernier, durant voyage apostolique dans différents pays du Moyen-Orient, j’ai proposé à diverses reprises de considérer les religions, en général, comme « nouveau départ » pour la paix. Il est vrai que dans l’histoire les religions étaient souvent un facteur de conflits. Mais il est aussi vrai que les religions vécues selon leur essence profonde étaient et sont une force de réconciliation et de paix. Dans ce moment historique les religions doivent aussi, à travers le dialogue franc et sincère, chercher le chemin de la purification pour correspondre toujours plus à leur vraie vocation.

Notre humanité désire la paix et, si possible, la paix universelle. Il faut y tendre sans utopie et sans manipulations. Nous savons tous que la paix a besoin de conditions politiques et économiques, culturelles et spirituelles pour s’établir. La coexistence pacifique des différentes traditions religieuses au sein de chaque nation est parfois difficile. Plus qu’un problème politique, cette coexistence est aussi un problème qui se pose à l’intérieur d’elles-mêmes. Chaque croyant est appelé à interroger Dieu sur Sa volonté à propos de chaque situation humaine.

En reconnaissant Dieu comme l’unique créateur de l’homme - de tout homme, quelle que soit sa confession religieuse, sa condition sociale ou ses opinions politiques - chacun respectera l’autre dans son unicité et dans sa différence. Il n’y a devant Dieu aucune catégorie ou hiérarchie d’homme, inférieur ou supérieur, dominant ou protégé. Il n’y a pour Lui que l’homme qu’Il a créé par amour et qu’Il veut voir vivre, en famille et en société, dans une harmonie fraternelle. La découverte du sage projet de Dieu sur l’homme l’amène à reconnaître Son amour. Pour l’homme de foi ou l’homme de bonne volonté, la résolution des conflits humains, comme la délicate cohabitation des différentes religions, peut se transformer en une coexistence humaine dans un ordre plein de bonté et de sagesse qui a son origine et son dynamisme en Dieu. Cette coexistence dans le respect de la nature des choses et de sa sagesse inhérente qui vient de Dieu - la tranquillitas ordinis - se nomme la paix. Le dialogue interreligieux apporte sa contribution spécifique à cette lente genèse qui défie les intérêts humains immédiats, politiques et économiques. Il est parfois difficile pour le monde politique et économique de donner à l’homme la première place ; il lui est encore plus délicat de considérer et d’admettre l’importance et la nécessité du religieux, et d’assurer à la religion sa véritable nature et place dans son versant public. La paix, tant désirée, ne naîtra que de l’action conjointe de l’individu, qui découvre sa vraie nature en Dieu, et des dirigeants des sociétés civiles et religieuses qui - dans le respect de la dignité et de la foi de chacun - sauront reconnaître et donner à la religion son noble et authentique rôle d’accomplissement et de perfectionnement de la personne humaine. Il s’agit là d’une recomposition globale, à la fois du temporel et du spirituel, qui permettra un nouveau départ vers la paix que Dieu désire universelle.

1040 Messieurs les Ambassadeurs, votre mission auprès du Saint-Siège vient de débuter. Auprès de mes collaborateurs, vous trouverez l’appui nécessaire pour son bon accomplissement. A nouveau, je vous adresse mes voeux les plus cordiaux pour l’excellente réussite de votre fonction si délicate. Puisse le Tout-Puissant vous soutenir et vous accompagner, vous-mêmes, vos proches, vos collaborateurs et tous vos compatriotes ! Que Dieu vous comble de l’abondance de ses bénédictions !






AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE BIÉLORUSSIE EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Jeudi 17 décembre 2009

Monsieur le cardinal,
Vénérés frères,

Je suis heureux de souhaiter à chacun de vous une cordiale bienvenue dans la maison du Successeur de Pierre, auquel le Christ a confié la tâche de paître son troupeau (cf. Jn 21,15-19), de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22,31), de conserver et de promouvoir l'unité ecclésiale (cf. Lumen gentium LG 22). Je remercie Mgr Aleksander Kaskiewicz pour les paroles avec lesquelles il a voulu présenter le chemin de l'Eglise en Biélorussie, soulignant également les défis qui l'attendent.

Lors des rencontres que j'ai eues avec vous, j'ai apprécié le zèle pastoral avec lequel vous accomplissez votre ministère, animés du désir et de l'engagement afin que s'accroissent toujours plus entre vous la coresponsabilité, la communion et le partage des décisions, pour que votre service soit toujours plus fructueux. En effet, il est particulièrement important d'annoncer avec un enthousiasme renouvelé et de manière incisive le Message éternel de l'Evangile dans une société qui n'est pas immunisée contre les tentations de la sécularisation, de l'hédonisme et du relativisme: les problèmes de dénatalité, de la fragilité des familles et de l'illusion de faire fortune en dehors de sa propre terre en sont un signe. Face à ces défis, la tâche urgente des pasteurs est de souligner la force de la foi, une foi enracinée dans une solide tradition, pour contribuer à préserver la profonde identité chrétienne de la nation, dans le dialogue respectueux avec les autres cultures et religions. Pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire que, en accueillant l'invitation du Psaume: « Voyez! Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble! » (Ps 133,1), vous fassiez preuve d'un grand soin dans la formulation des programmes et dans la promotion de méthodes pastorales toujours plus adaptées, ainsi que dans la mise en oeuvre des décisions de la Conférence épiscopale. Ce témoignage renouvelé d'unité, outre les bénéfices qu'il apporte à l'annonce de l'Evangile, favorisera la relation avec l'autorité civile et, en particulier, les relations oecuméniques.

Un autre élément que je désire souligner est l'attention particulière qu'il faut porter, dans l'action pastorale, à la dimension éducative. Comme je l'ai plusieurs fois affirmé, nous vivons aujourd'hui une sorte d'« urgence » dans ce secteur délicat et essentiel, et il est nécessaire de multiplier les efforts pour offrir, en premier lieu aux nouvelles générations, une formation valable. Je vous encourage donc à poursuivre votre engagement, en ayant également soin qu'une catéchèse adaptée marque le chemin de foi à toutes les étapes de la vie, et qu'il y ait des occasions, intra et extra ecclésiales, pour faire parvenir, sous votre direction, le Message du Christ dans chaque secteur du troupeau qui vous est confié. L'attention pour le discernement et l'accompagnement des différentes vocations prend une importance particulière, notamment les vocations sacerdotales et religieuses, ainsi que l'engagement pour soutenir des programmes destinés à la croissance humaine et chrétienne de la jeunesse. A cet égard, je vous invite à veiller attentivement afin que les candidats au sacerdoce reçoivent une formation spirituelle et théologique solide et rigoureuse et soient accompagnés comme il se doit, pour accomplir une sérieuse et profonde analyse de l'appel divin. La situation actuelle de notre société demande un discernement particulièrement attentif. Il est alors important pour l'avenir de votre Eglise qu'à Grodno et à Pinsk, on continue à offrir aux jeunes séminaristes un itinéraire de formation complet et de qualité, et le fait que, dans ces deux institutions, les candidats pour le clergé diocésain et pour le clergé religieux partagent le chemin vers le sacerdoce est une précieuse opportunité pour promouvoir une action pastorale unitaire. Cette situation produira des fruits toujours plus prometteurs si l'offre éducative continue à être le résultat d'une intense collaboration entre l'évêque et les supérieurs religieux respectifs et elle sera en mesure de donner vie également à des initiatives pour la formation permanente. Soyez proches de vos prêtres avec une sollicitude toujours plus grande, en particulier de ceux qui commencent leur ministère pastoral. L'exercice attentif et cordial de la paternité de l'évêque constitue un élément fondamental pour la réussite d'une vie sacerdotale! En outre, il faut toujours avoir à l'esprit que le Seigneur vous appelle, comme pasteurs de l'Eglise, à savoir discerner chaque ministère destiné à l'édification du corps ecclésial, également à caractère laïc, culturel et civil, afin que tous contribuent à faire croître le Royaume de Dieu en Biélorussie, dans l'esprit d'une véritable et réelle communion pour rappeler les valeurs chrétiennes qui ont contribué de manière déterminante à la construction de la civilisation européenne.

Chers frères, sachez valoriser chaque contribution appropriée pour annoncer et diffuser le Royaume de Dieu, en témoignant à travers des gestes concrets la fraternité qui engendre la paix; la mansuétude qui accompagne la justice; l'esprit de communion qui refuse les particularismes; la charité qui est patiente et bienveillante, qui n'est pas envieuse, qui ne se vante pas, qui ne se gonfle pas d'orgueil, qui ne manque jamais de respect, qui ne cherche pas son propre intérêt, qui ne s'emporte pas, qui ne tient pas compte du mal reçu, qui trouve sa joie dans ce qui est vrai et croit tout, qui espère tout, qui supporte tout par amour du Christ (cf. 1Co 13,4-7). C'est dans ce contexte que s'inscrit également la collaboration fraternelle avec l'Eglise orthodoxe de Biélorussie, dont les pasteurs partagent avec vous la recherche et l'engagement pour le bien des fidèles. Les Eglises orthodoxes, comme l'Eglise catholique, sont elles aussi profondément engagées pour réfléchir sur la façon de répondre aux défis de notre temps, afin de transmettre avec fidélité le Message du Christ. En accueillant l'invitation récemment lancée lors de la dernière rencontre catholique-orthodoxe de Chypre, il faut intensifier le chemin commun dans cette direction. Une contribution significative pourra être offerte par la petite, mais fervente, communauté grecque-catholique présente dans le pays. Celle-ci constitue un témoignage important pour l'Eglise et un don du Seigneur.

Il y a quelques mois, j'ai reçu le président de la République de Biélorussie. Lors de la rencontre, cordiale et respectueuse, a été réaffirmée la volonté des parties de stipuler un Accord, dont l'élaboration est en cours. En outre, j'ai souligné l'attention particulière avec laquelle le Siège apostolique, ainsi que la Conférence épiscopale, suivent les événements du pays et l'engagement de collaboration concrète sur des matières d'intérêt commun, dans le but de promouvoir, dans le respect des compétences de chaque partie, le bien des citoyens. Vénérés frères, en vous renouvelant ma gratitude, j'invoque la Mère de Dieu, tant aimée sur votre terre, afin qu'elle vous soutienne et vous guide sous sa protection. Avec mes voeux et mon affection particulière, je vous donne, ainsi qu'aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les fidèles, une Bénédiction apostolique spéciale, tandis que j'assure tout le peuple biélorusse de mon souvenir dans la prière.






AUX PÈLERINS DE BELGIQUE, POUR LE DON DE L'ARBRE DE NOËL Salle Clémentine Vendredi 18 décembre 2009

1041 Chers Frères et Soeurs,

Je vous souhaite à tous la bienvenue, vous qui êtes venus offrir le sapin de Noël qui, avec la crèche, orne la Place Saint-Pierre au cours des fêtes de la Nativité. J’adresse un salut particulier à Monsieur le Ministre de l’économie de la Région Wallonne et à Mgr Aloys Jousten, Évêque de Liège, et je les remercie des aimables paroles qu’ils m’ont adressées. Mes salutations cordiales vont aussi à Son Excellence Monsieur Franck De Coninck, Ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège, ainsi qu’aux autorités politiques locales qui ont fait le voyage. Je salue également les choristes et les représentants de l’Agence wallonne à l’Exportation et aux Investissements étrangers qui sont à l’origine du projet. Ma gratitude s’étend à tous ceux qui ont offert leur collaboration à ce don et qui ne peuvent être présents aujourd’hui. Je remercie aussi les personnes qui ont assuré le transport délicat de cet arbre imposant.

Dans la forêt, les arbres se tiennent proches les uns des autres et chacun d’eux contribue à faire de la forêt un lieu ombragé, obscur parfois. Et voici que, choisi parmi une multitude, le sapin majestueux que vous offrez aujourd’hui est illuminé et couvert de décorations étincelantes qui sont comme autant de fruits merveilleux. Laissant sa robe sombre pour un éclat scintillant, il est transfiguré, il devient porteur d’une lumière qui n’est pas la sienne mais qui rend témoignage à la vraie Lumière qui vient en ce monde. La destinée de cet arbre est comparable à celle des bergers : veillant dans les ténèbres de la nuit, les voilà illuminés par le message des anges. Le sort de cet arbre est également comparable au nôtre, nous qui sommes appelés à porter de bons fruits pour manifester que le monde a véritablement été visité et racheté par le Seigneur. Dressé auprès de la crèche, ce sapin manifeste, à sa manière, la présence du grand mystère présent dans le lieu simple et pauvre de Bethléem. Aux habitants de Rome, à tous les pèlerins, à tous ceux qui se rendront sur la Place Saint-Pierre à travers les images des télévisions du monde entier, il proclame l’avènement du Fils de Dieu. À travers lui, c’est le sol de votre terre et la foi des communautés chrétiennes de votre Région qui saluent l’Enfant-Dieu, Lui qui est venu faire toute chose nouvelle et appeler toutes les créatures, des plus humbles aux plus élevées, à entrer dans le mystère de la Rédemption et à y être associées.

Je prie pour que les populations de votre région demeurent fidèles à la lumière de la foi. Portée il y a longtemps par des hommes qui se sont aventurés dans les vallons et les forêts des Ardennes, la lumière de l’Évangile est ensuite repartie de chez vous, portée par les très nombreux missionnaires qui ont quitté leur sol natal, pour l’emmener parfois jusqu’aux extrémités du monde. Puisse longtemps encore l’Église qui est en Belgique, et tout particulièrement le diocèse de Liège, être une terre où germe avec générosité la semence du Royaume que le Christ est venu jeter en terre.

Chers amis, encore une fois, je vous adresse un très grand merci pour ce beau cadeau. Je vous présente dès à présent mes voeux très cordiaux de belles et saintes Fêtes de Noël, voeux que je vous prie de transmettre à vos familles, à vos collaborateurs et à toutes les personnes qui vous sont chères.

Que le Seigneur vous bénisse, ainsi que votre Région et toute la Belgique !






AUX CARDINAUX, ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES ET DIRECTEURS DU GOUVERNORAT DE L'ÉTAT DE LA CITÉ DU VATICAN, POUR LA PRÉSENTATION DES VOEUX DE NOËL Salle Clémentine Lundi 21 décembre 2009

Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat
1042 et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

La solennité du saint Noël, comme vient de le souligner le cardinal-doyen, Angelo Sodano, est pour tous les chrétiens une occasion tout à fait particulière de rencontre et de communion. Cet Enfant que nous rencontrons à Bethléem nous invite à faire l'expérience de l'amour immense de Dieu, ce Dieu qui est descendu du ciel et s'est fait proche de chacun de nous pour faire de nous ses fils, membres de sa famille. Ce rendez-vous traditionnel de Noël du Successeur de Pierre avec ses plus proches collaborateurs constitue également une rencontre de famille, qui renforce les liens d'affection et de communion, pour former toujours plus ce « Cénacle permanent » consacré à la diffusion du Royaume de Dieu, comme cela vient d'être rappelé. Je remercie le cardinal-doyen pour les paroles cordiales à travers lesquelles il s'est fait l'interprète des voeux du Collège cardinalice, des membres de la Curie romaine et du gouvernorat, ainsi que de tous les représentants pontificaux qui sont profondément unis à nous pour apporter aux hommes de notre époque cette lumière qui est née dans la mangeoire de Bethléem. En vous accueillant avec une grande joie, je désire également exprimer ma gratitude à tous pour le service généreux et compétent que vous apportez au Vicaire du Christ et à l'Eglise.

Une autre année riche d'événements importants pour l'Eglise et pour le monde touche à son terme. Avec un regard rétrospectif empreint de gratitude, je voudrais en cette heure faire mémoire de quelques points-clés pour la vie ecclésiale. De l'Année de saint Paul, nous sommes passés à l'Année sacerdotale. De la figure imposante de l'apôtre des nations qui, frappé par la lumière du Christ ressuscité, et par son appel, a apporté l'Evangile aux peuples du monde, nous sommes passés à la figure humble du curé d'Ars qui, pendant toute sa vie, est resté dans le petit village qui lui avait été confié et qui toutefois, précisément dans l'humilité de son service, a rendu largement visible dans le monde la bonté réconciliatrice de Dieu. A partir de ces deux figures se manifeste la vaste portée du ministère sacerdotal et il devient évident que c'est précisément ce qui est petit qui est grand et que, à travers le service apparemment petit d'un homme, Dieu peut accomplir de grandes choses, purifier et renouveler le monde de l'intérieur. Pour l'Eglise, et pour moi personnellement, l'année qui se conclut a été placée en grande partie sous le signe de l'Afrique. Il y a eu avant tout le voyage au Cameroun et en Angola. Il a été émouvant pour moi de ressentir la grande cordialité avec laquelle le Successeur de Pierre, le Vicarius Christi, a été accueilli. La joie festive et l'affection cordiale de ceux qui sont venus à ma rencontre sur toutes les routes ne s'adressaient pas, justement, à un hôte quelconque. Dans la rencontre avec le Pape, on a pu percevoir l'Eglise universelle, la communauté qui embrasse le monde et qui est réunie par Dieu à travers le Christ — la communauté qui n'est pas fondée sur des intérêts humains, mais qui nous est offerte par l'attention bienveillante de Dieu pour nous. Tous ensemble, nous formons la famille de Dieu, frères et soeurs en vertu d'un unique Père: telle a été l'expérience vécue. Et on faisait l'expérience que l'attention pleine d'amour de Dieu dans le Christ pour nous n'appartient pas au passé et ne relève pas non plus de théories savantes, mais est une réalité tout à fait concrète ici et maintenant. C'est précisément Lui qui est au milieu de nous: c'est ce que nous avons perçu à travers le ministère du Successeur de Pierre. Ainsi, nous avons été élevés au-dessus du simple quotidien. Le ciel s'est ouvert, et c'est ce qui transforme un jour en une fête. Et c'est dans le même temps quelque chose de durable. Cela continue à être vrai, également dans la vie quotidienne, que le ciel n'est plus fermé; que Dieu est proche; que dans le Christ, nous appartenons tous les uns aux autres.

Le souvenir des célébrations liturgiques reste gravé de façon particulièrement profonde dans ma mémoire. Les célébrations de la Sainte Eucharistie ont été de véritables fêtes de la foi. Je voudrais mentionner deux éléments qui me semblent particulièrement importants. Il y avait avant tout une joie partagée, qui s'exprimait également à travers le corps, mais de façon disciplinée et guidée par la présence du Dieu vivant. Ceci indique déjà le deuxième élément: le sens du sacré, du mystère présent du Dieu vivant a façonné, pour ainsi dire, chaque geste. Le Seigneur est présent — le Créateur, Celui auquel tout appartient, dont nous provenons et vers lequel nous marchons. De façon spontanée me sont venues à l'esprit les paroles de saint Cyprien qui, dans son commentaire au Notre Père, écrit: « Rappelons-nous que nous sommes sous le regard de Dieu posé sur nous. Nous devons plaire aux yeux de Dieu, tant par l'attitude de notre corps que par l'usage de notre voix » (De dom. or. 4 csel III
1P 269). Oui, cette conscience était présente: nous étions en présence de Dieu. De cela ne découle ni peur, ni inhibition, pas davantage une obéissance extérieure aux rubriques, et encore moins une façon de se mettre en évidence les uns devant les autres ou d'élever la voix de façon désordonnée. Il régnait plutôt ce que les Pères appellent « sobria ebrietas » : être remplis d'une joie qui demeure toutefois sobre et ordonnée, qui unit les personnes de l'intérieur, en les conduisant à la louange communautaire de Dieu, une louange qui suscite dans le même temps l'amour du prochain, la responsabilité réciproque.

Naturellement, la rencontre avec mes frères dans le ministère épiscopal et l'inauguration du synode pour l'Afrique à travers la remise de l'Instrumentum laboris, ont fait bien sûr partie du voyage en Afrique. Cela a eu lieu dans le cadre d'une rencontre le soir de la fête de saint Joseph, une rencontre au cours de laquelle les représentants de chaque épiscopat ont présenté de façon émouvante leurs espérances et leurs préoccupations. Je pense que le bon maître de maison, saint Joseph, qui sait bien personnellement ce que signifie réfléchir, dans une attitude de sollicitude et d'espérance, sur les chemins futurs de la famille, nous a écoutés avec amour et nous a accompagnés jusqu'au synode lui-même. Jetons un bref regard sur le synode. A l'occasion de ma visite en Afrique, la force théologique et pastorale du primat pontifical comme point de convergence pour l'unité de la famille de Dieu a d'abord été rendu évidente. Au cours du synode, est apparue encore plus fortement l'importance de la collégialité — de l'unité des évêques, qui reçoivent leur ministère précisément du fait qu'ils entrent dans la communauté des successeurs des Apôtres: chacun est évêque, successeur des apôtres, uniquement dans la mesure où il appartient à la communauté de ceux dans lesquels se poursuit le Collegium Apostolorum dans l'unité avec Pierre et avec son successeur. Comme dans les liturgies en Afrique, puis de nouveau, à Saint-Pierre de Rome, le renouveau liturgique de Vatican II a pris forme de façon exemplaire, ainsi, dans la communion du synode, l'ecclésiologie du Concile a été vécue de façon très concrète. Les témoignages que nous avons pu écouter de la part des fidèles d'Afrique — des témoignages de souffrance et de réconciliation concrète dans les tragédies de l'histoire récente du continent — ont été également émouvants.

Le synode s'était proposé comme thème: l'Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il s'agit d'un thème théologique et surtout pastoral d'une actualité brûlante, mais qui pouvait également être pris à tort pour un thème politique. Le tâche des évêques était de transformer la théologie en pastorale, c'est-à-dire en un ministère pastoral très concret, dans lequel les grandes visions de l'Ecriture Sainte et de la Tradition sont appliquées à l'oeuvre des évêques et des prêtres à un moment et en un lieu déterminés. Mais il ne fallait pas pour cela céder à la tentation de prendre personnellement en main la politique et de pasteurs, se transformer en guides politiques. En effet, la question très concrète devant laquelle les pasteurs se trouvent continuellement, est précisément celle-ci: comment pouvons-nous être réalistes et pratiques, sans nous arroger une compétence politique qui ne nous revient pas? Nous pourrions également dire: il s'agissait de la question d'une laïcité positive, pratiquée et interprétée de façon juste. Il s'agit là également d'un thème fondamental de l'encyclique, publiée le jour de la fête des saints Pierre et Paul, « Caritas in veritate », qui a de cette façon repris et développé plus avant la question qui concerne la place théologique et concrète de la doctrine sociale de l'Eglise.

Les pères synodaux ont-ils réussi à trouver la voie plutôt étroite entre une simple théorie théologique et une action politique immédiate, la voie du « pasteur »? Dans mon bref discours en conclusion du synode, j'ai répondu par l'affirmative, de façon consciente et explicite, à cette question. Naturellement, dans l'élaboration du document post-synodal, nous devrons faire attention à maintenir cet équilibre et à offrir ainsi la contribution pour l'Eglise et la société en Afrique qui a été confiée à l'Eglise en vertu de sa mission. Je voudrais tenter d'expliquer cela brièvement à propos d'un point précis. Comme je l'ai déjà dit, le thème du synode désigne trois grandes paroles fondamentales de la responsabilité théologique et sociale: réconciliation — justice — paix. On pourrait dire que réconciliation et justice sont les deux présupposés essentiels de la paix et qu'ils définissent également dans une certaine mesure sa nature. Limitons-nous à la parole « réconciliation ». Un regard sur les souffrances et les difficultés de l'histoire récente de l'Afrique, mais également dans de nombreuses autres régions de la terre, montre que les oppositions non résolues et profondément enracinées peuvent conduire, dans certaines situations, à des explosions de violence dans lesquelles tout sens d'humanité semble avoir disparu. La paix ne peut se réaliser que si elle conduit à une réconciliation intérieure. Nous pouvons considérer comme un exemple positif d'un processus de réconciliation en voie de réussite l'histoire de l'Europe après la deuxième guerre mondiale. Le fait que depuis 1945, en Europe occidentale et centrale, il n'y a plus eu de guerre se fonde certainement de façon déterminante sur des structures politiques et économiques intelligentes et éthiquement encadrées, mais celles-ci n'ont pu se développer que parce qu'existaient des processus intérieurs de réconciliation, qui ont rendu possible une nouvelle coexistence. Chaque société a besoin de réconciliation, afin qu'il puisse y avoir la paix. Les réconciliations sont nécessaires pour une bonne politique, mais ne peuvent être réalisées uniquement par celle-ci. Il s'agit de processus pré-politiques et ils doivent provenir d'autres sources.

Le synode a cherché à examiner en profondeur le concept de réconciliation comme devoir pour l'Eglise d'aujourd'hui, en attirant l'attention sur ses différentes dimensions. L'appel que saint Paul a adressé aux Corinthiens possède véritablement aujourd'hui une nouvelle actualité. « Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20). Si l'homme n'est pas réconcilié avec Dieu, il est également en opposition avec la création. Il n'est pas réconcilié avec lui-même, il voudrait être un autre que celui qu'il est et par conséquent il n'est pas non plus réconcilié avec son prochain. En outre, la capacité de reconnaître sa faute et de demander pardon — à Dieu et à l'autre — fait partie de la réconciliation. Et enfin, la disponibilité à la pénitence, la disponibilité à souffrir jusqu'au bout pour une faute et à se laisser transformer, appartient au processus de réconciliation. Et la gratuité, dont l'encyclique Caritas in veritate parle à plusieurs reprises, en fait partie: la disponibilité à aller au-delà du nécessaire, à ne pas faire de calculs, mais à aller au-delà de ce que demandent les simples obligations juridiques. Cette même générosité avec laquelle Dieu lui-même nous a donné l'exemple en fait partie. Pensons aux paroles de Jésus: « Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande » (Mt 5, 23sq). Dieu qui savait que nous ne sommes pas réconciliés, qui voyait que nous avons quelque chose contre Lui, s'est levé et est venu à notre rencontre, bien que Lui seul ait été du côté de la raison. Il est venu à notre rencontre jusqu'à la Croix, pour nous réconcilier. Telle est la gratuité: la disponibilité à faire le premier pas. Aller les premiers à la rencontre de l'autre, lui offrir la réconciliation, assumer la souffrance que comporte le renoncement à avoir raison. Ne pas céder dans la volonté de réconciliation: c'est de cela que Dieu nous a donné l'exemple et c'est la façon de devenir semblables à Lui, une attitude dont nous avons toujours à nouveau besoin dans le monde. Nous devons aujourd'hui être en mesure d'apprendre à nouveau à reconnaître la faute, nous devons nous ôter l'illusion d'être innocents. Nous devons être en mesure d'apprendre à faire pénitence, à nous laisser transformer; à aller à la rencontre de l'autre et à nous faire donner par Dieu le courage et la force pour un tel renouvellement. Dans notre monde d'aujourd'hui, nous devons redécouvrir le sacrement de la pénitence et de la réconciliation. Le fait que celui-ci ait en grande partie disparu des habitudes existentielles des chrétiens est le symptôme d'une perte de véracité à l'égard de nous-mêmes et de Dieu; une perte, qui met en danger notre humanité et qui réduit notre volonté de paix. Saint Bonaventure était de l'opinion que le sacrement de la pénitence était un sacrement de l'humanité en tant que tel, un sacrement que Dieu avait déjà institué dans son essence immédiatement après le péché originel avec la pénitence imposée à Adam, même s'il n'a pu obtenir sa forme complète que dans le Christ, qui est de manière personnelle la force réconciliatrice de Dieu et qui a pris sur lui notre pénitence. En effet, l'unité entre faute, pénitence et pardon est l'une des conditions fondamentales de la véritable humanité, des conditions qui atteignent leur forme complète dans le sacrement, mais qui, à partir de leur racine, font partie du fait d'être des personnes humaines comme telles. Le synode des évêques pour l'Afrique a donc à juste titre inclus dans ses réflexions également les rituels de réconciliation de la tradition africaine comme lieux d'apprentissage et de préparation pour la grande réconciliation que Dieu donne dans le sacrement de la pénitence. Mais cette réconciliation requiert le vaste « espace » de la reconnaissance de la faute et de l'humilité de la pénitence. La réconciliation est un concept pré-politique et une réalité pré-politique, qui précisément pour cette raison est de la plus grande importance pour la tâche de la politique elle-même. Si l'on ne crée pas dans les coeurs la force de la réconciliation, le présupposé intérieur manque à l'engagement politique pour la paix. Lors du synode, les pasteurs de l'Eglise se sont engagés en vue de cette purification intérieure de l'homme qui constitue la condition préliminaire essentielle à l'édification de la justice et de la paix. Mais cette purification et cette maturation intérieure vers une véritable humanité ne peuvent pas exister sans Dieu.

Réconciliation — avec cette parole-clef me revient à l'esprit le deuxième grand voyage de l'année qui s'achève: le pèlerinage en Jordanie et en Terre Sainte. A cet égard, je voudrais tout d'abord remercier cordialement le roi de Jordanie pour la grande hospitalité avec laquelle il m'a accueilli et accompagné au cours de tout le déroulement de mon pèlerinage. Ma gratitude concerne également la manière exemplaire avec laquelle il s'engage pour une coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, pour le respect à l'égard de la religion de l'autre et pour la collaboration dans la responsabilité commune devant Dieu. Je remercie de tout coeur également le gouvernement d'Israël pour tout ce qu'il a accompli afin que ma visite puisse se dérouler pacifiquement et en toute sécurité. Je suis particulièrement reconnaissant pour la possibilité qui m'a été donnée de célébrer deux grandes liturgies publiques — à Jérusalem et à Nazareth —, où les chrétiens ont pu se présenter publiquement comme communauté de foi en Terre Sainte. Enfin, mes remerciements s'adressent à l'Autorité palestinienne qui m'a accueilli elle aussi avec une grande cordialité; cette dernière a également rendu possible une célébration liturgique publique à Bethléem, et elle m'a permis de connaître les souffrances et les espérances de son Territoire. Tout ce que l'on peut voir dans ces pays appelle la réconciliation, la justice, la paix. La visite à Yad Vashem a représenté une rencontre bouleversante avec la cruauté de la faute humaine, avec la haine d'une idéologie aveugle qui, sans aucune justification, a destiné des millions de personnes humaines à la mort et à travers cela, en dernière analyse, a voulu chasser du monde également Dieu, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob et le Dieu de Jésus Christ. Il s'agit donc en premier lieu d'un monument commémoratif contre la haine, d'un appel plein d'anxiété à la purification et au pardon, à l'amour. C'est précisément ce monument à la faute humaine qui a ensuite rendu d'autant plus importante la visite aux lieux de la mémoire de la foi et qui a fait percevoir leur actualité inaltérée. En Jordanie, nous avons vu le point le plus bas de la terre, près du fleuve Jourdain. Comment pourrait-on ne pas se rappeler la parole de la Lettre aux Ephésiens, selon laquelle le Christ est « descendu jusqu'en bas sur la terre » (Ep 4,9). Dans le Christ, Dieu est descendu au plus profond de l'être humain, jusque dans la nuit de la haine et de l'aveuglement, jusqu'à l'obscurité de l'éloignement de l'homme vis-à-vis de Dieu, pour y allumer la lumière de son amour. Il est présent même dans la nuit la plus profonde: même aux enfers, te voici - cette parole du Psaume 139 [138], 8, est devenue une réalité dans la descente de Jésus. Ainsi, la rencontre avec les lieux du salut dans l'église de l'Annonciation à Nazareth, dans la grotte de la nativité à Bethléem, sur le lieu de la crucifixion au Calvaire, devant le sépulcre vide, témoignage de la résurrection, a été comme une manière de toucher l'histoire de Dieu avec nous. La foi n'est pas un mythe. Elle est une histoire réelle, dont on peut toucher les traces avec la main. Ce réalisme de la foi nous est particulièrement bienfaisant dans la tourmente du présent. Dieu s'est vraiment montré. En Jésus Christ, il s'est vraiment fait chair. Ressuscité, Il demeure un Homme véritable, il ouvre sans cesse notre humanité à Dieu et est toujours le garant du fait que Dieu est un Dieu proche. Oui, Dieu vit et il est en relation avec nous. Dans toute sa grandeur, il est cependant le Dieu proche, le Dieu-avec-nous, qui nous appelle sans cesse: Laissez-vous réconcilier avec moi et entre vous! Il place toujours dans notre vie personnelle et communautaire le devoir de la réconciliation.

Pour terminer, je voudrais encore exprimer ma reconnaissance et ma joie pour mon voyage en République tchèque. Avant ce voyage, j'ai toujours eu conscience qu'il s'agissait d'un pays avec une majorité d'agnostiques et d'athées, où les chrétiens constituent désormais seulement une minorité. Ma surprise a été d'autant plus joyeuse en constatant que j'étais partout entouré d'une grande cordialité et amitié; que de grandes liturgies étaient célébrées dans une atmosphère joyeuse de fête; que dans le monde des universités et de la culture ma parole recevait une vive attention; que les autorités de l'Etat ont fait preuve à mon égard d'une grande courtoisie et ont accompli tout leur possible pour contribuer au succès de la visite. Je serais à présent tenté de dire quelque chose sur la beauté du pays et sur les magnifiques témoignages de la culture chrétienne, qui eux seuls rendent cette beauté parfaite. Mais je considère surtout important le fait que les personnes qui se considèrent agnostiques ou athées doivent également nous tenir à coeur en tant que croyants. Lorsque nous parlons d'une nouvelle évangélisation ces personnes sont peut-être effrayées. Elles ne veulent pas se voir comme faisant l'objet d'une mission, ni renoncer à leur liberté de pensée et de volonté. Mais la question de Dieu reste toutefois présente également pour elles, même si elles ne peuvent pas croire au caractère concret de son attention pour nous. A Paris, j'ai parlé de la recherche de Dieu comme du motif fondamental de la naissance du monachisme occidental et, avec celui-ci, de la culture occidentale. Comme premier pas de l'évangélisation, nous devons chercher à garder cette recherche vivante; nous devons nous soucier que l'homme ne mette pas de côté la question de Dieu comme question essentielle de son existence. Nous devons nous soucier qu'il accepte cette question et la nostalgie qui se cache en elle. Il me vient à l'esprit une parole que Jésus reprend du prophète Isaïe, c'est-à-dire que le temple devait être une maison de prière pour tous les peuples (cf. Is Is 56,7 Mc 11,17). Il pensait à ce que l'on appelle la maison de prière pour toutes les nations, qu'il désencombra des activités extérieures pour qu'il y ait une place libre pour les païens qui voulaient prier là le Dieu unique, même s'ils ne pouvaient pas prendre part au mystère, auquel l'intérieur du temple était réservé. Un espace de prière pour tous les peuples - on pensait avec cela à des personnes qui ne connaissent Dieu, pour ainsi dire, que de loin; qui sont insatisfaites de leurs dieux, de leurs rites et de leurs mythes; qui désirent le Saint et le Grand, même si Dieu reste pour eux le « Dieu inconnu » (cf. Ac Ac 17,23). Ils devaient pouvoir prier le Dieu inconnu, mais cependant être ainsi en relation avec le vrai Dieu, malgré des zones d'ombre de natures diverses. Je pense que l'Eglise devrait aujourd'hui aussi ouvrir une sorte de « parvis des Gentils », où les hommes puissent d'une certaine manière s'accrocher à Dieu, sans le connaître et avant d'avoir trouvé l'accès à son mystère, au service duquel se trouve la vie interne de l'Eglise. Au dialogue avec les religions doit aujourd'hui surtout s'ajouter le dialogue avec ceux pour qui la religion est une chose étrangère, pour qui Dieu est inconnu et qui, cependant, ne voudraient pas rester simplement sans Dieu, mais l'approcher au moins comme Inconnu.

1043 En conclusion, encore une fois, quelques mots sur l'Année sacerdotale. En tant que prêtres, nous sommes à la disposition de tous: de ceux qui connaissent Dieu de près et de ceux pour qui Il est l'Inconnu. Nous devons tous le connaître toujours à nouveau et nous devons le chercher sans cesse pour devenir de véritables amis de Dieu. Comment pourrions-nous, en définitive, arriver à connaître Dieu, si ce n'est à travers les hommes qui sont les amis de Dieu? Le noyau le plus profond de notre ministère sacerdotal est d'être des amis du Christ (cf. Jn 15,15), des amis de Dieu, par l'intermédiaire desquels d'autres personnes également peuvent trouver la proximité de Dieu. Ainsi, en même temps que mes profonds remerciements pour toute l'aide que vous m'avez apportée tout au long de l'année, voici mon voeu pour Noël: que nous devenions toujours plus des amis du Christ et donc des amis de Dieu et que, de cette manière, nous puissions être le sel de la terre et la lumière du monde. Un saint Noël et une bonne année nouvelle!






Discours 2005-2013 1037