Discours 2005-2013 7411

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

DE LA COMMISSION PONTIFICALE POUR L'AMÉRIQUE LATINE


Salle du Consistoire Vendredi 8 avril 2011



1249 Messieurs les cardinaux, chers frères dans l’épiscopat,

1. Je salue avec affection les conseillers et les membres de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, qui se sont réunis à Rome pour leur assemblée plénière. Je salue de manière particulière le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques et président de cette Commission pontificale, en le remerciant vivement des paroles qu’il m’a adressées au nom de tous pour me présenter les résultats de ces journées d’étude et de réflexion.

2. Le thème choisi pour cette rencontre, «L’incidence de la piété populaire dans le processus d’évangélisation de l’Amérique latine», affronte directement l’un des aspects les plus importants de la tâche missionnaire, dans laquelle les Eglises particulières de ce grand continent latino-américain sont engagées. Les évêques qui se sont réunis à Aparecida pour la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes, que j’ai eu le plaisir d’inaugurer au cours de mon voyage au Brésil en mai 2007, présentent la piété populaire comme un espace de rencontre avec Jésus-Christ et une manière d’exprimer la foi de l’Eglise. Elle ne peut donc pas être considérée comme un aspect secondaire de la vie chrétienne, car cela «reviendrait à oublier le primat de l’action de l’Esprit et l’initiative gratuite de l’amour de Dieu» (Document de conclusion, n. 263).

Cette expression simple de la foi trouve ses racines au début même de l’évangélisation de ces terres. En effet, à mesure que le message salvifique du Christ illuminait et animait les cultures locales, se tissait peu à peu la riche et profonde religiosité populaire qui caractérise l’expérience de foi des peuples latino-américains, qui, comme je l’ai dit dans le discours d’inauguration de la Conférence d’Aparecida, constitue «le précieux trésor de l’Eglise catholique qui est en Amérique latine, et qu’elle doit protéger, promouvoir et, lorsque cela est nécessaire, purifier également» (n. 1; cf. orlf n. 22 du 29 mai 2007).

3. Pour mener à bien la nouvelle évangélisation en Amérique latine, au sein d’un processus qui imprègne tout l’être et l’agir du chrétien, on ne peut pas négliger les multiples démonstrations de la piété populaire. Toutes celles-ci, canalisées et accompagnées de manière appropriée, favorisent une rencontre féconde avec Dieu, une intense vénération du Très Saint Sacrement, une profonde dévotion à la Vierge Marie, le maintien de l’affection pour le Successeur de Pierre et la prise de conscience de l’appartenance à l’Eglise. Que tout cela serve également pour évangéliser, pour transmettre la foi, pour rapprocher les fidèles des sacrements, pour renforcer les liens d’amitié et d’union familiale et communautaire, ainsi que pour accroître la solidarité et l’exercice de la charité.

La foi doit être, en conséquence, la source principale de la piété populaire, afin que celle-ci ne se réduise pas à la simple expression culturelle d’une région déterminée. Elle doit, en outre, être en étroite relation avec la sainte liturgie, qui ne peut être remplacée par aucune autre expression religieuse. A ce propos, on ne peut pas oublier, comme l’affirme le Directoire sur la piété populaire et la liturgie, publié par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, que «la liturgie et la piété populaire sont donc deux expressions cultuelles qui doivent se situer dans une relation mutuelle et féconde, même si la liturgie est toujours appelée à constituer un point de référence permettant de “canaliser avec lucidité et prudence les désirs ardents de prière et de vie charismatique” qui se manifestent dans la piété populaire. De son côté, la piété populaire, avec ses valeurs symboliques et expressives, est en mesure d’aider la liturgie à réussir son travail d’inculturation, et elle peut aussi lui procurer des éléments stimulants en vue d’accroître d’une manière efficace son dynamisme et sa créativité» (n. 58).

4. Dans la piété populaire, l’on rencontre de nombreuses expressions de foi liées aux grandes célébrations de l’année liturgique, dans lesquelles les populations d’Amérique latine réaffirment l’amour qu’elles ressentent pour Jésus Christ, chez qui elles trouvent la manifestation de la proximité de Dieu, de sa compassion et de sa miséricorde. Il existe de nombreux sanctuaires consacrés à la contemplation des mystères de l’enfance, de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur, et une multitude de personnes s’y rendent pour déposer entre ses mains divines leurs souffrances et leurs joies, en demandant dans le même temps d’abondantes grâces et en implorant le pardon de leurs péchés. La dévotion des populations d’Amérique latine et des Caraïbes pour la Très Sainte Vierge Marie est également intimement unie à Jésus. Celle-ci, depuis l’aube de l’évangélisation, accompagne les fils de ce continent et constitue pour eux une source intarissable d’espérance. C’est pour cela que l’on a recours à Marie en tant que Mère du Sauveur, pour ressentir constamment sa protection pleine d’amour sous différents titres. De la même manière, les saints sont considérés comme des étoiles lumineuses qui constellent le coeur de nombreux fidèles de ces pays, en les édifiant par leur exemple et en les protégeant par leur intercession.

5. Toutefois, on ne peut nier qu’il existe certaines formes déviées de religiosité populaire qui, loin de promouvoir une participation active à l’Eglise, créent plutôt la confusion et peuvent favoriser une pratique religieuse purement extérieure, détachée d’une foi bien enracinée et vivante intérieurement. A cet égard, je voudrais rappeler ici ce que j’ai écrit aux séminaristes l’année dernière: «La piété populaire tend vers l’irrationalité, parfois même vers l’extériorité. Pourtant, l’exclure est une grande erreur. A travers elle, la foi est entrée dans le coeur des hommes, elle a fait partie de leurs sentiments, de leurs habitudes, de leur manière commune de sentir et de vivre. C’est pourquoi la piété populaire est un grand patrimoine de l’Eglise. La foi s’est faite chair et sang. La piété populaire doit certainement être toujours purifiée, recentrée, mais elle mérite notre amour et elle nous rend nous-mêmes de façon pleinement réelle “Peuple de Dieu”» (Lettre aux séminaristes, 18 octobre 2010, n. 4; cf. orlf n. 42 du 19 octobre 2010).

6. Au cours des rencontres que j’ai eues ces dernières années, à l’occasion des visites ad limina, les évêques d’Amérique latine et des Caraïbes ont toujours fait référence à ce qu’ils réalisent dans leurs circonscriptions ecclésiastiques respectives pour lancer et encourager la Mission continentale, avec laquelle l’épiscopat latino-américain a voulu relancer le processus de nouvelle évangélisation après Aparecida, en invitant tous les membres de l’Eglise à se mettre en état permanent de mission. Il s’agit d’une option très importante, car avec celle-ci, on veut revenir à un aspect fondamental de l’oeuvre de l’Eglise, à savoir accorder le primat à la Parole de Dieu afin qu’elle soit la nourriture permanente de la vie chrétienne et le centre de toute action pastorale.

Cette rencontre avec la Parole divine doit conduire à un profond changement de vie, à une identification radicale avec le Seigneur et avec son Evangile, à prendre pleinement conscience qu’il est nécessaire d’être solidement ancrés dans le Christ, en reconnaissant que «à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive» (Lettre encyclique Deus caritas est ).

Dans ce sens, je suis heureux de savoir qu’en Amérique latine se développe la pratique de la lectio divina dans les paroisses et dans les petites communautés ecclésiales, comme une manière commune de nourrir la prière et, ainsi, de renforcer la vie spirituelle des fidèles, car «la piété populaire trouve dans la Sainte Ecriture une source inépuisable d’inspiration, des modèles de prière inégalables et des propositions de thèmes particulièrement fécondes» (Directoire sur la piété populaire et la liturgie, n. 87).

1250 7. Chers frères, je vous remercie de vos contributions valables visant à protéger, à promouvoir et à purifier tout ce qui est lié aux expressions de la religiosité populaire en Amérique latine. Pour parvenir à cet objectif, il sera très important de continuer à donner une impulsion à la Mission continentale, dans laquelle doit trouver une place particulière tout ce qui se réfère à ce domaine pastoral, qui constitue une forme privilégiée afin que la foi soit accueillie dans le coeur du peuple, touche les sentiments les plus profonds des personnes et se manifeste de manière vigoureuse et active au moyen de la charité (cf. Ga 5,6).

8. En concluant cette joyeuse rencontre, alors que j’invoque le doux nom de la Très Sainte Vierge Marie, parfaite disciple et pédagogue de l’évangélisation, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique, gage de la bienveillance divine.

PROJECTION DU DOCUMENTAIRE SUR JEAN-PAUL II

« LE PÈLERIN VÊTU DE BLANC »

PAROLES Samedi 9 avril 2011



Eminences, Excellences, chers frères et soeurs,

Je désire adresser un salut cordial et également un vif remerciement aux producteurs, aux réalisateurs de ce documentaire sur le vénérable Pape Jean-Paul II. Je suis heureux d’avoir pu le regarder ici, au Vatican, et de vous exprimer ma grande satisfaction pour le travail accompli, m’associant aux félicitations déjà exprimées par l’épiscopat polonais et par plusieurs de mes collaborateurs.

En raison du sérieux avec lequel il a été préparé et de la qualité de sa réalisation, ce film compte au nombre des contributions les plus précieuses offertes au public à l’occasion de la prochaine béatification de mon bien-aimé prédécesseur.

Il existe désormais de nombreuses oeuvres audiovisuelles qui ont pour sujet Jean-Paul II, parmi lesquelles divers documentaires produits par des chaines de télévisions. Ce film, « Le pèlerin vêtu de blanc », se distingue dans cet horizon en raison de divers éléments, par exemple les entretiens avec de proches collaborateurs, les témoignages de personnalités illustres, la richesse de la documentation. Tout cela a pour but de faire apparaitre fidèlement la personnalité du Pape, ainsi que son action inlassable au cours de son long pontificat.

Je voudrais souligner encore une fois les deux axes de sa vie et de son ministère: la prière et le zèle missionnaire. Jean-Paul II a été un grand contemplatif et un grand apôtre du Christ. Dieu l’a choisi pour le siège de Pierre et l’a conserve longuement pour introduire l’Eglise dans le troisième millénaire. Par son exemple, il nous a tous guidés dans ce pèlerinage et il continue à présent à nous accompagner du Ciel.

Je remercie donc encore tous ceux qui, de nombreuses manières, ont collaboré à la réalisation de ce film qui nous aide à tirer profit du lumineux témoignage du Pape Jean-Paul II. Avec ces sentiments de reconnaissance, je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos proches.

À S.E. M. FILIP VUCAK, NOUVEL AMBASSADEUR

DE CROATIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Lundi 11 avril 2011



Monsieur l'Ambassadeur,

1251 Je suis heureux de vous accueillir en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres qui vous accréditent en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Croatie près le Saint-Siège. Je vous remercie pour les paroles aimables que vous m’avez adressées. En retour, je vous saurai gré de bien vouloir exprimer au Président de la République, Monsieur Ivo Josipovic que j’ai eu le plaisir de rencontrer récemment, mes voeux cordiaux pour sa personne ainsi que pour le bonheur et la paix du peuple croate.

Le début de votre mission coïncide heureusement avec le 20ème anniversaire de l’indépendance de la Croatie. Et l’an prochain sera celui de l’établissement des relations diplomatiques entre votre pays et le Saint-Siège. Nos relations sont harmonieuses et sereines. Le Saint-Siège a toujours eu pour la Croatie une sollicitude particulière. Mon lointain prédécesseur, le pape Léon X, voyant la beauté de votre culture et la profondeur de la foi de vos ancêtres, a défini votre pays comme le « scutum saldissimum et antemurale Christianitatis ». Ces antiques valeurs animent encore nos contemporains qui ont eu à affronter, il y a peu encore, des difficultés particulières. Il convient donc pour fortifier les générations actuelles de leur exposer avec clarté le riche patrimoine de l’histoire croate et de la culture chrétienne qui l’a irriguée en profondeur et sur laquelle votre peuple s’est toujours appuyé dans l’adversité.

C’est avec satisfaction que j’ai su que votre Parlement a proclamé l’année en cours comme l’« Année Bošcovic ». Ce jésuite était un physicien, un astronome, un mathématicien, un architecte, un philosophe et un diplomate. Son existence démontre la possibilité à faire vivre en harmonie la science et la foi, le service à la mère-patrie et l’engagement dans l’Eglise. Ce savant chrétien dit aux jeunes qu’il est possible de se réaliser dans la société actuelle et d’y être heureux tout en étant croyant. D’ailleurs, les monuments et les innombrables crucifix qui parsèment votre pays sont la claire démonstration de cette heureuse symbiose. En voyant cette harmonie, les jeunes seront fiers de leur pays, de son histoire et de sa foi et ils se sentiront toujours plus les héritiers d’un trésor qu’il leur revient aujourd’hui de faire fructifier.

La Croatie intégrera bientôt pleinement l’Union européenne. Le Saint-Siège ne peut que se féliciter lorsque la famille européenne se complète et reçoit des Etats qui, historiquement en font partie. Cette intégration, Monsieur l’Ambassadeur, devra se faire dans le plein respect des spécificités croates, de sa vie religieuse et de sa culture. Il serait illusoire de vouloir renier sa propre identité pour en rejoindre une autre qui est née dans des circonstances si différentes de celles qui ont vu naître et se construire celle de la Croatie. En entrant dans l’Union européenne, votre pays ne sera pas uniquement récipiendaire d’un système économique et juridique qui a ses avantages et ses limites, mais il pourra également apporter une contribution propre et typiquement croate. Il ne faudra pas avoir peur de revendiquer avec détermination le respect de sa propre histoire et sa propre identité religieuse et culturelle. Des voix chagrines contestent avec une stupéfiante régularité la réalité des racines religieuses européennes. Il est devenu de bon ton d’être amnésique et de nier les évidences historiques. Affirmer que l’Europe n’a pas de racines chrétiennes, équivaut à prétendre qu’un homme peut vivre sans oxygène et sans nourriture. Il ne faut pas avoir honte de rappeler et de soutenir la vérité en refusant, si nécessaire, ce qui est contraire à elle. Je suis certain que votre pays saura défendre sa propre identité avec conviction et fierté en évitant les nouveaux écueils qui se présenteront et qui, sous prétexte d’une liberté religieuse mal comprise, sont contraires au droit naturel, à la famille, et à la morale tout simplement.

Je voudrais aussi exprimer ma satisfaction pour l’intérêt porté par votre pays afin que les Croates en Bosnie-Herzégovine puissent remplir le rôle qui leur correspond en tant que l’un des trois peuples constitutifs du pays. Je constate également que, dans un désir de paix et de saines collaborations avec les pays de votre région géopolitique, la Croatie ne manque pas d’apporter sa spécificité pour faciliter le dialogue et la compréhension entre des peuples ayant des traditions différentes, mais vivant ensemble depuis des siècles. Je vous encourage à continuer sur cette voie qui consolidera la paix dans le respect de chacun. A l’intérieur même de vos frontières nationales, les quatre Accords signés par votre pays et le Saint-Siège permettent, dans le respect des spécificités propres, de discuter sur des matières d’intérêts communs. Il faudra poursuivre dans ce sens pour le bien des deux parties. Je suis heureux de constater que la Croatie promeut la liberté religieuse et respecte la mission spécifique de l’Eglise.

Pour toutes ces raisons, Monsieur l’Ambassadeur, je me réjouis profondément de pouvoir visiter votre pays dans quelques semaines. Mon prédécesseur, le vénéré Jean Paul II l’a fait trois fois, et moi-même, étant encore à la tête d’un Dicastère romain, j’y suis venu plusieurs fois. J’ai accueilli volontiers l’invitation des Autorités croates et celles des Evêques de votre noble pays. Comme vous le savez, le thème choisi pour le voyage sera : « Ensemble, dans le Christ ! ». C’est cet ensemble que je désire célébrer avec votre peuple. Ensemble malgré les innombrables différences humaines, ensemble avec ces différences ! Et cela, dans le Christ qui a accompagné le peuple croate depuis des siècles avec bonté et miséricorde. A cause de lui, je désire encourager votre pays et encourager l’Eglise qui se trouve parmi et avec vous. Elle qui accompagne avec la même sollicitude que le Christ, le destin et le cheminement de votre nation depuis ses origines. En cette heureuse circonstance, je voudrais aussi saluer chaleureusement les Evêques et les fidèles de l’Eglise catholique en Croatie.

Au moment où vous inaugurez votre noble mission de représentation auprès du Saint-Siège, je vous adresse, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs pour le bon accomplissement de votre mission. Soyez certain que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs l’accueil et la compréhension dont vous pourrez avoir besoin. Confiant votre Pays à la protection de la Mère de Dieu, Notre Dame de Marija Bistrica, ainsi qu’à l’intercession du Bienheureux Alojzije Stepinac, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines sur Votre Excellence, sur sa famille et sur ses collaborateurs, ainsi que sur tout le peuple croate et ses dirigeants.

À SA BÉATITUDE BÉCHARA BOUTROS RAÏ,

PATRIARCHE D'ANTIOCHE DES MARONITES, ET AUX ÉVÊQUES ET FIDÈLES À SA SUITE Jeudi 14 avril 2011



Béatitude,
Vénérés Frères dans l'épiscopat,
Chers Fils et Filles de l'Église Maronite,

1252 Cette première visite au Successeur de Pierre après votre élection au Siège Patriarcal d'Antioche des Maronites, est un moment privilégié pour l'Eglise Universelle. Je me réjouis de vous recevoir ici, avec les Évêques maronites, les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles, pour solenniser l’«Ecclesiastica Communio» que je vous ai signifiée par lettre le 24 mars dernier. Votre élection survenue quelques jours après la clôture de l'Année Sainte, promulguée pour célébrer le seize-centième anniversaire de la mort de saint Maron, apparaît comme le fruit le plus éminent des nombreuses grâces qu'il a obtenues pour son Église.

Je vous salue tous chaleureusement, vous qui êtes venus entourer votre Patriarche pour ce grand moment de communion fraternelle et d'indéfectible unité de l'Église Maronite avec l'Église de Rome, soulignant ainsi l’importance de l’unité visible de l’Église dans sa catholicité. En l’absence du Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, je me permets de lui exprimer mon affection et mes remerciements pour avoir consacré vingt-cinq ans de sa vie à guider comme Patriarche l'Église Maronite au milieu des turbulences de l'histoire.

Prochainement, cette communion ecclésiastique trouvera son expression la plus authentique dans la Divine Liturgie où sera partagé l'unique Corps et Sang du Christ. C'est là que se trouve manifestée la plénitude de la communion entre le Successeur du Prince des Apôtres et le soixante-dix-septième Successeur de saint Maron, Père et Chef de l'Église d'Antioche des Maronites, ce Siège Apostolique si prestigieux, où les fidèles du Christ ont reçu pour la première fois le nom de « chrétiens » ! Votre Église patriarcale, sa riche tradition spirituelle, liturgique et théologique, de la tradition d'Antioche, parent toujours l'Église entière de ce trésor.

Parce que vous êtes au coeur du Moyen-Orient, vous avez une mission immense auprès des hommes, auxquels l'Amour du Christ presse d'annoncer la Bonne Nouvelle du Salut. Lors du récent Synode que j’ai convoqué en octobre 2010, il a été rappelé, de nombreuses fois, l'urgence de proposer à nouveau l'Évangile aux personnes qui le connaissent peu ou qui se sont éloignés de l'Église. Avec toutes les forces vives présentes au Liban et au Moyen-Orient, je sais, Béatitude, que vous aurez à coeur d'annoncer, de témoigner et de vivre dans la communion cette Parole de vie afin de retrouver l'ardeur des premiers fidèles qui « se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (
Ac 2,42). Cette région du monde que les patriarches, les prophètes, les apôtres et le Christ lui-même ont bénie par leur présence et par leur prédication, aspire à cette paix durable que la Parole de Vérité, accueillie et vécue, a la capacité d'établir.

Vous poursuivrez cette tâche au travers d'une éducation humaine et spirituelle, morale et intellectuelle des jeunes grâce à votre réseau scolaire et catéchétique, dont je sais la qualité. Je souhaite ardemment que votre rôle dans leur formation soit toujours mieux reconnu par la société, pour que les valeurs fondamentales soient transmises, sans discrimination. Qu’ainsi les jeunes d'aujourd'hui deviennent des hommes et des femmes responsables dans leurs familles et dans la société, pour construire une plus grande solidarité et une plus grande fraternité entre toutes les composantes de la Nation. Transmettez aux jeunes toute mon estime et mon affection en leur rappelant que l'Église et la société ont besoin de leur enthousiasme et de leur espérance. Pour cela, je vous invite à intensifier la formation des prêtres et des nombreux jeunes que le Seigneur appelle dans vos éparchies et dans vos congrégations religieuses. Que par leur enseignement et par leur existence, ils soient d'authentiques témoins du Verbe de Dieu pour aider les fidèles à enraciner leur vie et leur mission dans le Christ!

Béatitude, je Vous adresse des voeux fraternels pour que l'Esprit-Saint vous assiste dans l'exercice de votre charge. Qu’il vous console dans les difficultés et vous procure la joie de voir grandir en ferveur et en nombre votre Église! A l'aube de votre ministère, je veux vous redire ces paroles du Christ aux disciples: « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Tandis que j'adresse à tout le peuple libanais mes chaleureuses salutations, je vous confie de façon toute spéciale à l'intercession de Notre-Dame du Liban, puisque que Votre Béatitude est fils de l'Ordre Maronite de la Bienheureuse Vierge Marie, et aussi à celle de saint Maron et de tous les saints et bienheureux libanais. Et de grand coeur je vous accorde la Bénédiction Apostolique, ainsi qu'aux évêques et aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les fidèles de Votre Patriarcat.




À S. EXC. MME. MARÍA JESÚS FIGA LÓPEZ-PALOP, NOUVEL AMBASSADEUR D'ESPAGNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE


Samedi 16 avril 2011



Madame l’ambassadeur,

En recevant les Lettres de Créance qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Espagne près le Saint-Siège, je vous remercie cordialement pour les paroles que vous m’avez adressées, ainsi que pour le salut respectueux que vous m’avez transmis de la part de leurs majestés le roi et la reine, du gouvernement et du peuple espagnol. C’est avec plaisir que je forme, en retour, les meilleurs voeux de paix, de prospérité et de bien spirituel pour eux tous, particulièrement présents dans mon souvenir et dans ma prière. Je vous souhaite une cordiale bienvenue au début de votre importante activité dans cette mission diplomatique, qui peut compter sur des siècles de brillante histoire et sur un grand nombre de vos illustres prédécesseurs.

J’ai récemment visité Saint-Jacques de Compostelle et Barcelone, et je me rappelle avec gratitude des nombreuses attentions et des manifestations de proximité et d’affection à l’égard du Successeur de Pierre de la part des Espagnols et des autorités. Il s’agit de deux lieux emblématiques, dans lesquels apparaissent avec évidence la fascination spirituelle de l’apôtre Jacques et la présence de signes admirables qui invitent à regarder vers le haut, également dans un contexte diversifié et complexe.

Au cours de ma visite, j’ai perçu de nombreuses démonstrations de la vivacité de la foi catholique sur ces terres, qui ont vu naître tant de saints et qui sont parsemées de cathédrales, de centres d’accueil et de culture, inspirés par l’attachement fécond et par la fidélité des habitants à leurs croyances religieuses. Cela comporte également la responsabilité de relations diplomatiques entre l’Espagne et le Saint-Siège qui cherchent à promouvoir toujours, dans le respect réciproque et dans la collaboration, dans le cadre de l’autonomie légitime de leurs domaines respectifs, tout ce qui peut susciter le bien des personnes et le développement authentique de leurs droits et de leurs libertés, incluant l’expression de leur foi et de leur conscience, aussi bien dans la sphère publique que privée.

1253 Votre Excellence, en raison de votre parcours significatif dans l’activité diplomatique, vous savez bien que l’Eglise, dans l’exercice de sa mission, recherche le bien intégral de chaque peuple et de ses citoyens, en agissant dans le domaine de ses compétences et en respectant pleinement l’autonomie des autorités civiles, qu’elle apprécie et pour lesquelles elle demande à Dieu qu’elles exercent avec générosité, honnêteté, habileté et justice leur service à la société. Ce domaine, dans lequel confluent la mission de l’Eglise et la fonction de l’Etat, a en outre été défini par des accords bilatéraux entre l’Espagne et le Saint-Siège sur les principaux aspects d’intérêt commun, qui fournissent le support juridique et la stabilité nécessaires afin que les actions et les initiatives respectives bénéficient à tous.

Madame l’ambassadeur, vous entamez votre haute responsabilité dans un temps de grande difficulté économique à l’échelle mondiale qui frappe également l’Espagne, avec des résultats vraiment préoccupants, notamment dans le domaine du chômage, qui engendre le découragement et la frustration en particulier chez les jeunes et dans les familles défavorisées. J’ai toujours à l’esprit tous les citoyens et je demande au Tout-Puissant d’éclairer ceux qui ont des responsabilités publiques afin qu’ils recherchent avec courage le chemin d’une reprise bénéfique pour toute la société. Dans ce sens, je voudrais souligner avec satisfaction l’action digne d’éloges que mènent les institutions catholiques pour venir sans attendre à l’aide des plus indigents et, dans le même temps, je forme des voeux pour une disponibilité croissante à la coopération de la part de tous dans cet engagement solidaire.

A travers cela, l’Eglise révèle une caractéristique essentielle de son être, peut-être la plus visible et la plus appréciée par de nombreuses personnes, croyantes et non-croyantes. Mais celle-ci entend aller au-delà de la simple aide extérieure et matérielle et viser au coeur de la charité chrétienne, pour laquelle notre prochain est avant tout une personne, un fils de Dieu, qui a toujours besoin de fraternité, de respect et d’accueil quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve.

Dans ce sens, l’Eglise offre quelque chose qui lui est connaturel et qui bénéficie aux personnes et aux nations: elle offre le Christ, espérance qui encourage et renforce, comme un antidote à la déception due à d’autres propositions fugaces et à un coeur qui manque de valeurs, et qui finit par se durcir au point de ne plus savoir percevoir le sens authentique de la vie et la raison des choses. Cette espérance donne vie à la confiance et à la collaboration, en transformant ainsi un présent sombre en force pour l’âme, en vue d’affronter avec espérance l’avenir, aussi bien des personnes que de la famille et de la société.

Malgré cela, comme je l’ai rappelé dans le Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix 2011, au lieu de vivre et d’organiser la société de manière à favoriser l’ouverture à la transcendance (cf. n. 9), ne manquent pas des formes, souvent sophistiquées, d’hostilité à la foi, qui «se manifestent parfois par le reniement de l’histoire et des symboles religieux dans lesquels se reflète l’identité et la culture de la majorité des citoyens» (n. 13; cf. orlf n. 51/52, du 21/28 décembre 2010). Le fait que dans certains milieux, on tende à considérer la religion comme un facteur socialement insignifiant et même dérangeant, ne justifie pas le fait que l’on cherche à la marginaliser, parfois à travers la diffamation, la moquerie, la discrimination et même l’indifférence face à des épisodes évidents de profanation, car on viole ainsi le droit fondamental à la liberté religieuse inhérent à la dignité des personnes humaines, qui «est une arme authentique de la paix, car il peut changer et améliorer le monde (cf. n. 15).

Dans sa préoccupation pour chaque être humain, de manière concrète et dans toutes ses dimensions, l’Eglise veille sur ses droits fondamentaux, en dialogue sincère avec tous ceux qui contribuent à les rendre effectifs et à ce qu’ils ne soient pas limités. Elle veille sur le droit à la vie humaine, de son commencement jusqu’à son terme naturel, car la vie est sacrée et personne ne peut disposer de celle-ci arbitrairement. Elle veille sur la protection et sur l’aide à la famille, et soutient les mesures économiques, sociales et juridiques afin que l’homme et la femme qui contractent un mariage et qui forment une famille reçoivent le soutien nécessaire pour accomplir leur vocation, qui est d’être le sanctuaire de l’amour et de la vie. Elle soutient également une éducation qui inclut les valeurs morales et religieuses selon les convictions des parents, comme cela est leur droit, et comme il convient au développement intégral des jeunes. Et, pour la même raison, elle soutient une éducation qui inclut également l’enseignement de la religion catholique dans tous les centres pour ceux qui la choisissent, comme cela est établi par l’ordre juridique lui-même.

Avant de conclure, je désire évoquer ma prochaine visite en Espagne pour participer, à Madrid au mois d’août prochain, à la célébration de la XXVIe Journée mondiale de la jeunesse. Je m’unis avec joie aux efforts et aux prières de ses organisateurs, qui sont en train de préparer avec soin un événement aussi important, avec l’espérance qu’il portera des fruits spirituels abondants pour la jeunesse et pour l’Espagne. En outre, je connais la disponibilité, la coopération et l’aide généreuse que le gouvernement de la nation ainsi que les autorités autonomes et locales offrent en vue de la meilleure issue possible d’une initiative qui attirera l’attention du monde entier et qui montrera encore une fois la grandeur du coeur et de l’esprit des Espagnols.
Madame l’ambassadeur, je forme les meilleurs voeux pour le déroulement de la haute mission qui vous a été confiée, afin que les relations entre l’Espagne et le Saint-Siège se consolident et progressent, et dans le même temps, je vous assure de la grande estime que le Pape nourrit pour le peuple espagnol toujours bien-aimé. Je vous prie également de vous faire l’interprète de mes sentiments auprès du roi et de la reine d’Espagne et des autres autorités de la nation, et dans le même temps j’invoque d’abondantes Bénédictions du Très-Haut sur vous, sur votre famille qui vous accompagne aujourd’hui, ainsi que sur vos collaborateurs et sur le noble peuple espagnol.


Discours 2005-2013 7411