Discours 2005-2013 1253


ENTRETIEN AVEC BENOÎT XVI

RETRANSMIS PAR LA CHAINE DE TÉLÉVISION ITALIENNE RAI UNO LORS D'UN PROGRAMME INTITULÉ:

«A SUA IMMAGINE. DOMANDE SU GESÙ» (À SON IMAGE. QUESTIONS SUR JÉSUS) Vendredi Saint 22 avril 2011


Saint-Père, je voudrais vous remercier pour votre présence qui nous remplit de joie et nous aide à nous rappeler qu'aujourd'hui est le jour au cours duquel Jésus montre son Amour de la façon la plus radicale, c'est-à-dire en mourant sur la Croix, innocent. C'est sur ce thème de la douleur innocente qu'est la première question d'une enfant japonaise de sept ans. Elle vous dit: «Je m'appelle Elena, je suis japonaise et j'ai sept ans. J'ai très peur car la maison dans laquelle je me sentais en sécurité a tremblé, énormément, et beaucoup d'enfants de mon âge sont morts. Je ne peux pas aller jouer au parc. Je vous demande: pourquoi dois-je avoir si peur? Pourquoi les enfants doivent-ils être si tristes? Je demande au Pape qui parle avec Dieu de me l'expliquer».

Chère Elena, je te salue de tout coeur. Moi aussi je me pose les mêmes questions. Pourquoi devez-vous tant souffrir, alors que d'autres vivent aisément? Nous n'avons pas les réponses, mais nous savons que Jésus a souffert comme vous, innocent, que le vrai Dieu qui se montre en Jésus est à vos côtés. Cela me semble très important, même si nous n'avons pas de réponse et si la tristesse demeure: Dieu est à vos côtés et vous pouvez être certains que cela vous aidera. Et un jour, nous comprendrons pourquoi il en était ainsi. Pour le moment, il me semble important que vous sachiez: «Dieu m'aime, même s'il semble ne pas me connaître. Non, il m'aime, il est à mes côtés». Et vous devez être sûrs que dans le monde, dans l'univers, beaucoup sont avec vous, pensent à vous, font leur possible pour vous, pour vous aider. Et soyez conscients qu'un jour, vous comprendrez que cette souffrance n'était pas vide, n'était pas vaine, mais que, derrière elle, il y a un bon projet, un projet d'amour. Ce n'est pas par hasard. Sois sûre que nous sommes avec toi et avec tous les enfants japonais qui souffrent, que nous voulons vous aider par la prière et par nos actes, et soyez sûrs que Dieu vous aide. Et c'est pourquoi nous prions ensemble pour que la lumière vous éclaire au plus vite.

1254 La deuxième question nous présente un calvaire, car nous avons une maman sous la croix de son fils. Cette maman est italienne et s'appelle Maria Teresa, et vous dit: «Sainteté, l'âme de mon fils Francesco qui est dans un état végétatif depuis le jour de Pâques 2009, a-t-elle abandonné son corps, vu qu'il n'est plus conscient, ou est-elle encore en lui?».

Bien sûr, son âme est encore présente dans son corps. La situation, est un peu celle d'une guitare dont les cordes sont détruites et ne peuvent plus résonner. L'instrument qu'est le corps, est lui aussi fragile, il est vulnérable, et l'âme ne peut résonner, pour ainsi dire, mais elle est bien présente. Je suis aussi certain que cette âme cachée ressent en profondeur votre amour, même si elle n'en comprend pas les détails, les paroles, etc. Mais elle sent la présence d'un amour. Et c'est pourquoi votre présence, chers parents, chère maman, près de lui, chaque jour, durant des heures, est un véritable acte d'amour de grande valeur, parce que cette présence entre dans la profondeur de cette âme cachée et votre acte est ainsi également un témoignage de foi en Dieu, de foi en l'homme, de foi, disons, d'engagement pour la vie, de respect pour la vie humaine, y compris dans les situations les plus tristes. Je vous encourage donc à continuer, sachant que vous rendez un grand service à l'humanité par ce geste de confiance, par ce signe de respect de la vie, par cet amour pour un corps déchiré, une âme souffrante.

La troisième question nous amène en Irak, parmi les jeunes de Bagdad, des chrétiens persécutés qui vous posent cette question: «Bonjour au Saint-Père depuis l'Irak — disent-ils. Nous, les chrétiens de Bagdad, avons été persécutés comme Jésus. Saint-Père, selon vous, de quelle façon pouvons-nous aider notre communauté chrétienne à reconsidérer son souhait d'émigrer dans d'autres pays, en la convaincant que partir n'est pas la seule solution?».

Je voudrais, avant tout, saluer de tout coeur tous les chrétiens d'Irak, nos frères, et je dois dire que je prie chaque jour pour les chrétiens en Irak. Ce sont nos frères souffrants, comme dans d'autres endroits du monde aussi, et ils sont donc particulièrement chers à notre coeur. Nous devons faire notre possible pour qu'ils puissent rester, pour qu'ils puissent résister à la tentation de migrer qui est très compréhensible vu les conditions dans lesquelles ils vivent. Je dirais qu'il est important que nous soyons proches de vous, chers frères d'Irak, que nous voulons vous aider, même quand vous venez chez nous, et vous recevoir réellement comme des frères. Naturellement, les institutions, tous ceux qui ont réellement la possibilité de faire quelque chose en Irak pour vous, doivent le faire. Le Saint-Siège est en contact permanent avec les différentes communautés, pas seulement avec les communautés catholiques, mais aussi avec les autres communautés chrétiennes, et aussi avec nos frères musulmans, qu'ils soient chiites ou sunnites. Nous voulons faire un travail de réconciliation, de compréhension, également avec le gouvernement, pour l'aider dans ce chemin difficile de recomposer une société déchirée. Parce que le problème est là: la société est profondément divisée, déchirée et il n'y a plus cette conscience d'être, dans la diversité, un peuple avec une histoire commune, et où chacun à sa place. Ils doivent reconstruire cette conscience que, dans la diversité, ils ont une histoire en commun, une détermination commune. Nous voulons, par le dialogue, avec les différents groupes, aider le processus de reconstruction et vous encourager, chers frères chrétiens d'Irak, à avoir confiance, à être patients, à avoir confiance en Dieu et à collaborer dans ce processus difficile. Soyez assurés de notre prière.

La question suivante vous est adressée par une femme musulmane de Côte d'Ivoire, pays en guerre depuis des années. Cette femme s'appelle Bintù et vous adresse un salut en arabe qui signifie: «Que Dieu soit au milieu de toutes les paroles que nous nous échangerons et que Dieu soit avec toi». Cette expression est prononcée au début de chacun de leur discours. Puis, elle poursuit en français: «Cher Saint-Père, ici en Côte d'Ivoire, nous avons toujours vécu en harmonie entre chrétiens et musulmans. Les familles sont souvent composées de membres des deux religions. Il existe aussi une diversité d'ethnies, mais nous n'avons jamais eu de problèmes. Aujourd'hui, tout a changé: la crise que nous vivons, à cause de la politique, sème la division. Combien d'innocents ont perdu la vie! Combien de réfugiés, combien de mamans et combien d'enfants traumatisés! Les messagers ont exhorté à la paix, les prophètes ont exhorté à la paix. Jésus est un homme de paix. Vous, en tant qu'ambassadeur de Jésus, que conseilleriez-vous pour notre pays?».

Je voudrais répondre à ce salut: Dieu soit aussi avec toi, qu'il t'aide toujours. Je dois dire que j'ai reçu des lettres déchirantes de Côte d'Ivoire, qui rendent compte de toute la tristesse, de la profondeur de la souffrance, et je suis attristé que nous puissions faire si peu. Nous pouvons toujours faire une chose: être en union de prière avec vous et, dans la mesure du possible, agir dans la charité. Nous voulons surtout encourager, autant qu'il est possible, les contacts politiques et humains. J'ai chargé le cardinal Turkson, qui est président de notre Conseil justice et paix, d'aller en Côte d'Ivoire et de chercher à servir de médiateur, de parler avec les différents groupes, avec les différentes personnes pour encourager un nouveau départ. Nous voulons surtout faire entendre la voix de Jésus, auquel vous aussi vous croyez comme prophète. Il a toujours été l'homme de la paix. On pouvait s'attendre, lors de la venue de Dieu sur terre, à ce qu'il s'agisse d'un homme d'une grande force, qui détruise les puissances adverses, qu'il soit un homme de grande violence pour établir la paix. Rien de cela en fait. Il est venu faible avec la seule force de l'amour, totalement sans violence jusqu'à se laisser crucifier. Voilà le vrai visage de Dieu. La violence ne vient jamais de Dieu, elle n'aide jamais à faire de bonnes choses, elle est un moyen destructeur et ne constitue pas un chemin pour sortir des difficultés. Il est donc une forte voix contre tout type de violence. J'invite fortement toutes les parties à renoncer à la violence et à chercher les chemins de la paix. Vous ne contribuerez pas à la recomposition de votre peuple par la violence même si vous pensez avoir raison. La seule voie est de renoncer à la violence, de reprendre le dialogue et de tenter de trouver ensemble la paix avec une nouvelle attention de l'un pour l'autre, avec une nouvelle disponibilité à s'ouvrir l'un à l'autre. Et cela, chère Madame, est le vrai message de Jésus: chercher la paix par les moyens de la paix et faire cesser la violence. Nous prions pour vous, pour que toutes les composantes de votre société entendent cette voix de Jésus et que reviennent ainsi la paix et la communion.

Saint-Père, la question suivante aborde le sujet de la mort et de la Résurrection de Jésus et vient d'Italie. Je vous la lis: «Sainteté, que fait Jésus dans le laps de temps entre sa mort et sa résurrection? Et puisque dans le Credo, on dit que Jésus, après la mort, est descendu aux enfers, pouvons-nous penser que cela nous arrivera à nous aussi, après la mort, avant de monter au Ciel?».

Tout d'abord, cette descente de l'âme de Jésus ne doit pas être imaginée comme un voyage géographique, local, d'un continent à l'autre. C'est un voyage de l'âme. Nous ne devons pas oublier que l'âme de Jésus touche toujours le Père, qu'elle est toujours en contact avec le Père, mais qu'en même temps, cette âme humaine s'étend jusqu'aux dernières frontières de l'être humain. C'est pourquoi elle va en profondeur, aux égarés, vers tous ceux qui ne sont pas arrivés au but de leur vie et elle transcende ainsi les continents du passé. Ce passage de la descente de Jésus aux enfers veut surtout dire que même le passé est rejoint par Jésus. Il embrasse le passé et tous les hommes de tous les temps. Les Pères disent, avec une image très belle, que Jésus prend Adam et Eve par la main, c'est-à-dire l'humanité, et la guide en avant, la guide vers le haut. Et il crée ainsi l'accès à Dieu, parce que l'homme, par lui même, ne peut atteindre la hauteur de Dieu. Lui même, en étant homme, en prenant l'homme par la main, ouvre l'accès. Qu'ouvre-t-il? La réalité que nous appelons le Ciel. C'est pourquoi cette descente aux enfers, c'est-à-dire dans les profondeurs de l'être humain, dans les profondeurs du passé de l'humanité, est une partie essentielle de la mission de Jésus, de sa mission de rédempteur et ne s'applique pas à nous. Notre vie est différente. Nous sommes déjà rachetés par le Seigneur et nous arrivons devant le visage du Juge, après notre mort, sous le regard de Jésus. Ce regard sera purifiant d'une part car je pense que tous, dans une plus ou moins grande mesure, nous aurons besoin de purification. Le regard de Jésus nous purifie et, ensuite, nous rend capable de vivre avec Dieu, de vivre avec les saints, de vivre surtout en communion avec les personnes qui nous sont chères et qui nous ont précédés.

La question suivante est aussi sur la Résurrection et vient d'Italie: «Sainteté, quand les femmes arrivent au Tombeau, le dimanche suivant la mort de Jésus, elles ne reconnaissent pas le maître et le prennent pour un autre. Et il en va de même pour les apôtres: Jésus doit montrer ses plaies, rompre le pain pour être reconnu précisément par ses gestes. Il est un vrai corps de chair mais aussi un corps glorieux. Le fait que son corps ressuscité n'ait pas les mêmes traits que celui d'avant, que cela signifie-t-il? Que signifie exactement corps glorieux? Et la Résurrection sera-t-elle ainsi pour nous?».

Naturellement, nous ne pouvons définir le corps glorieux parce qu'il est au-delà de nos expériences. Nous pouvons seulement enregistrer les signes que Jésus nous a donnés pour comprendre au moins un peu dans quelle direction nous devons chercher cette réalité. Premier signe: le tombeau est vide. En fait, Jésus n'a pas laissé son corps se corrompre. Il nous a montré que même la matière est destinée à l'éternité, qu'il est réellement ressuscité, que rien n'est perdu. Jésus a pris aussi la matière avec lui et, ainsi, la matière a aussi la promesse de l'éternité. Mais ensuite, il a endossé cette matière dans une nouvelle condition de vie et ceci est le second point: Jésus ne meurt plus, il est en fait au-dessus des lois de la biologie, de la physique parce que l'on meurt si l'on est soumis à elles. Il existe donc une nouvelle condition, différente, que nous ne connaissons pas, mais qui se montre en Jésus. C'est la grande promesse pour nous tous d'un monde nouveau, d'une vie nouvelle vers laquelle nous sommes en marche. Et dans ces conditions, Jésus a la possibilité de se laisser toucher, de donner la main aux siens, de manger avec eux, tout en restant cependant au-dessus des conditions de la vie biologique telle que nous la vivons. Nous savons, d'une part, qu'il est un vrai homme, non un fantôme, vivant une vraie vie, mais une vie nouvelle qui n'est plus soumise à la mort et qui est notre grande promesse. Il est important de comprendre cela, dans la mesure du possible, pour l'Eucharistie. Dans l'Eucharistie, le Seigneur nous donne son corps glorieux. Il ne nous donne pas sa chair à manger au sens biologique. Il se donne lui-même, nouveauté qu'il est. Il entre dans notre «être» humains, dans notre et dans mon «être» une personne, mon «être» en tant que personne, et il nous touche intérieurement avec son être, de façon à ce que nous puissions nous laisser pénétrer par sa présence, transformer en sa présence. C'est un point important car nous sommes ainsi déjà en contact avec cette nouvelle vie, ce nouveau type de vie, étant lui entré en moi, et moi sorti de moi et qui m'étends vers une nouvelle dimension de vie. Je pense que cet aspect de la promesse, de cette réalité qu'il se donne à moi et me tire en dehors de moi, en hauteur, est le point le plus important. Il ne s'agit pas d'enregistrer des choses que nous ne pouvons pas comprendre, mais d'être en chemin vers la nouveauté qui commence, toujours, de nouveau, dans l'Eucharistie.

Saint-Père, la dernière question est sur Marie. Au pied de la croix, nous assistons à un dialogue touchant entre Jésus, sa mère et Jean, dans lequel Jésus dit à Marie: «Voici ton fils», et à Jean: «Voici ta mère». Dans votre dernier livre, «Jésus de Nazareth», vous définissez cela comme «la dernière volonté de Jésus». Comment devons-nous comprendre ces paroles? Quel sens avaient-elles à ce moment-là et quel sens ont-elles aujourd'hui? Et à propos de confiance, avez-vous à coeur de renouveler une consécration à la Vierge au début de ce troisième millénaire?

1255 Ces paroles de Jésus sont surtout un acte très humain. Nous voyons Jésus comme un vrai homme qui pose un acte d'homme, un acte d'amour pour sa mère en confiant sa mère au jeune Jean pour qu'elle soit en sécurité. Une femme seule, en Orient, à cette époque, était dans une situation impossible. Il confie sa maman à ce jeune homme et lui donne sa mère. Jésus agit ainsi vraiment comme un homme avec un sentiment profondément humain. Cela me semble très beau, très important, qu'avant toute théologie, nous voyons ici la vraie humanité, le vrai humanisme de Jésus. Mais naturellement, ce geste prend différentes dimensions et ne concerne pas seulement ce moment, mais toute l'histoire. Jésus nous confie tous avec Jean, toute l'Eglise, tous ses futurs disciples, à sa mère et sa mère à nous. Et cela s'est réalisé au cours de l'histoire: l'humanité et les chrétiens ont davantage compris que la mère de Jésus est leur mère. Et ils se sont davantage confiés à sa Mère: pensons aux grands sanctuaires, pensons à cette dévotion pour Marie où les gens entendent toujours plus «Voici ta Mère». Et certains qui ont du mal à accéder à Jésus dans sa grandeur de fils de Dieu, se confient sans difficulté à sa Mère. On peut dire: «Mais cela n'a aucun fondement biblique!». Je répondrai ici avec saint Grégoire le Grand: «C'est en lisant — a-t-il dit — que grandissent les paroles de l'Ecriture». En fait, elles se développent dans la réalité, grandissent, et cette Parole se développe toujours plus dans l'histoire. Nous voyons comment nous pouvons être tous reconnaissants parce que notre Mère existe réellement, une mère qui nous a été donnée à tous. Nous pouvons aller avec une grande confiance vers cette Mère qui est, pour chaque chrétien, sa Mère. D'autre part, cette Mère représente aussi l'Eglise. Nous ne pouvons pas être chrétiens tout seuls, avec un christianisme construit à notre idée. La Mère est l'image de l'Eglise, de l'Eglise-Mère, et en nous confiant à Marie, nous devons aussi nous confier à l'Eglise, vivre l'Eglise, être l'Eglise avec Marie. Et j'en arrive ainsi au point de la consécration: les Papes — que ce soit Pie XII, Paul VI ou Jean-Paul II —, ont fait un grand acte de consécration à la Vierge et, il me semble que, comme geste devant l'humanité, devant Marie elle-même, c'était un geste très important. Je pense que maintenant, il est important d'intérioriser cet acte, de nous laisser pénétrer, de le réaliser en nous-mêmes. C'est pourquoi, je me suis rendu dans quelques grands sanctuaires mariaux dans le monde: Lourdes, Fatima, Czestochowa, Altötting…, toujours avec cette idée de concrétiser, d'intérioriser cet acte de consécration pour qu'il devienne réellement notre acte. Je pense que l'acte grand, public, a été fait. Peut-être, un jour, sera-t-il nécessaire de le répéter, mais aujourd'hui, il me semble plus important de le vivre, de le réaliser, d'entrer dans cette confiance pour qu'elle soit réellement nôtre. Par exemple, à Fatima, j'ai vu combien les personnes présentes sont réellement entrées dans cette confiance, se sont confiées, ont concrétisé en elles-mêmes, pour elles-mêmes cette confiance. C'est ainsi qu'elle devient réalité dans l'Eglise vivante et c'est aussi comme cela que grandit l'Eglise. La confiance commune à Marie, le fait de nous laisser tous pénétrer par sa présence et former, entrer en communion avec Marie, nous rend Eglise, nous fait devenir, avec Marie, réellement cette épouse du Christ. Je n'ai donc pas l'intention pour le moment de faire une nouvelle consécration publique, mais je voudrais vous inviter davantage à entrer dans cette confiance déjà posée pour qu'elle soit une réalité vécue par nous, chaque jour, et que grandisse ainsi une Eglise vraiment mariale qui est Mère, Epouse et Fille de Jésus.

L'Osservatore Romano, Edizione quotidiana 23 aprile 2011

VIA CRUCIS AU COLISÉE


À LA FIN DE LA VIA CRUCIS AU COLISÉE Mont Palatin Vendredi Saint, 22 avril 2011



Galerie photographique




Chers Frères et Soeurs,

Ce soir, nous avons accompagné dans la foi Jésus qui parcourt la dernière étape de son chemin terrestre, l’étape la plus douloureuse, celle du Calvaire. Nous avons entendu la clameur de la foule, les paroles de la condamnation, la dérision des soldats, les pleurs de la Vierge Marie et des femmes. Maintenant nous sommes plongés dans le silence de cette nuit, dans le silence de la croix, dans le silence de la mort. C’est un silence qui porte en lui le poids de la douleur de l’homme rejeté, opprimé, accablé, le poids du péché qui en défigure le visage, le poids du mal. Ce soir, nous avons vécu à nouveau, au plus profond de notre coeur, le drame de Jésus, chargé de la douleur, du mal, du péché de l’homme.

Qu’est-ce qui demeure à présent devant nos yeux ? Il demeure un Crucifié ; une Croix élevée sur le Golgotha, une Croix qui semble marquer la défaite définitive de Celui qui avait porté la lumière à qui était plongé dans l’obscurité, de Celui qui avait parlé de la force du pardon et de la miséricorde, qui avait invité à croire dans l’amour infini de Dieu pour toute personne humaine. Méprisé et rejeté par les hommes, devant nous se tient « l’homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face » (Is 53,3).

Mais regardons bien cet homme crucifié entre la terre et le ciel, contemplons-le avec un regard plus profond, et nous découvrirons que la Croix n’est pas le signe de la victoire de la mort, du péché, du mal mais elle est le signe lumineux de l’amour, et même de l’immensité de l’amour de Dieu, de ce que nous n’aurions jamais pu demander, imaginer ou espérer : Dieu s’est penché sur nous, s’est abaissé jusqu’à parvenir dans le coin le plus sombre de notre vie pour nous tendre la main et nous attirer à lui, nous ramener jusqu’à lui. La Croix nous parle de l’amour suprême de Dieu et nous invite à renouveler, aujourd’hui, notre foi dans la puissance de cet amour, à croire que dans chaque situation de notre vie, de l’histoire, du monde, Dieu est capable de vaincre la mort, le péché, le mal, et de nous donner une vie nouvelle, ressuscitée. Dans la mort en croix du Fils de Dieu, il y a le germe d’une nouvelle espérance de vie, comme le grain qui meurt en terre.

En cette nuit chargée de silence, chargée d’espérance, résonne l’invitation que Dieu nous adresse à travers les paroles de saint Augustin : « Croyez ! soyez sûrs que vous serez admis aux délices de ma table, puisque je n’ai point dédaigné les amertumes de la vôtre… Je vous ai promis ma vie… Comme avance j’ai enduré la mort pour vous, jusqu’à vous dire : Je vous invite à partager ma vie, dans ce séjour où personne ne meurt, où la vie est réellement bienheureuse, où les aliments ne s’altèrent point, où ils nourrissent sans s’épuiser. Voilà à quoi je vous appelle, … à jouir de l’amitié de mon Père et de l’Esprit-Saint, à vous asseoir à un banquet éternel, à être en communion avec moi, à partager ma vie » (Discours 231, 5).

Fixons notre regard sur Jésus Crucifié et demandons lui dans la prière : Illumine, Seigneur, notre coeur, pour que nous puissions te suivre sur le chemin de la Croix, fais mourir en nous le « vieil homme », lié à l’égoïsme, au mal, au péché, fais de nous des « hommes nouveaux », hommes et femmes saints, transformés et animés par ton amour.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE DE L'UNION EUROPÉENNE DE RADIO-TÉLÉVISION Samedi 30 avril 2011

30411 Chers amis,

Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à vous tous, membres et participants de la 17ème Assemblée de l’Union Européenne de Radio-Télévision, qui, cette année, est l’hôte de la Radio vaticane, à l’occasion du 80° anniversaire de sa fondation. Je salue l’Archevêque Claudio Maria Celli, Président du Conseil pontifical pour les Communications sociales. Je remercie le Président de l’Union Européenne de Radio-Télévision, Monsieur Jean Paul Philippot, et le Père Federico Lombardi, Directeur général de la Radio vaticane, pour les paroles courtoises avec lesquelles ils ont présenté la nature de votre rencontre et les problèmes que vous devez affronter.

Quand mon Prédécesseur Pie XI s’adressa à Guglielmo Marconi pour doter l’État de la Cité du Vatican d’une station radiophonique pourvue de la meilleure technologie disponible à cette époque, il démontra avoir perçu avec lucidité dans quelle direction se développait le monde des communications et les potentialités que la radio pouvait offrir pour le service de la mission de l’Église. Effectivement, par la radio, les Papes ont pu transmettre au-delà des frontières des messages de grande importance pour l’humanité, comme ceux justement célèbres de Pie XII durant la deuxième guerre mondiale, qui ont donné voix aux plus profondes aspirations à la justice et à la paix, ou comme celui de Jean XXIII au moment culminant de la crise entre les États-Unis et l’Union Soviétique en 1962. Par la radio, Pie XII a pu aussi faire diffuser des centaines de milliers de messages des familles à l’adresse des prisonniers et des disparus durant la guerre, réalisant une oeuvre humanitaire qui lui a valu une gratitude impérissable. Par la radio, en outre, ont été longtemps soutenues les attentes de croyants et de peuples soumis à des régimes opprimant les droits humains et la liberté religieuse. Le Saint-Siège est conscient des potentialités extraordinaires dont le monde de la communication dispose pour le progrès et la croissance des personnes et de la société. On peut dire que tout l’enseignement de l’Église dans ce secteur, à partir des discours de Pie XII, en passant par les documents du Concile Vatican II, jusqu’à mes plus récents messages sur les nouvelles technologies numériques, est traversé par un courant d’optimisme, d’espérance et de sympathie sincère pour ceux qui s’engagent dans ce domaine pour favoriser la rencontre et le dialogue, pour servir la communauté humaine et pour contribuer à la croissance pacifique de la société.

Chacun de vous sait naturellement que, dans le développement des communications sociales, se cachent aussi des difficultés et des risques. Permettez-moi alors de manifester à vous tous mon intérêt et ma solidarité pour l’importante oeuvre que vous accomplissez. Dans la société d’aujourd’hui, des valeurs de base pour le bien de l’humanité sont en jeu, et l’opinion publique, dans la formation de laquelle votre travail a beaucoup d’importance, se retrouve souvent désorientée et divisée. Vous savez bien quelles sont les préoccupations de l’Église au sujet du respect de la vie humaine, de la défense de la famille, de la reconnaissance des droits authentiques et des justes aspirations des peuples, des déséquilibres causés par le sous-développement et la faim dans de nombreuses parties du monde, de l’accueil des immigrés, du chômage et de la sécurité sociale, des nouvelles pauvretés et des marginalisations sociales, des discriminations et des violations de la liberté religieuse, du désarmement et de la recherche de solution pacifique aux conflits. J’ai fait référence à beaucoup de ces questions dans l’Encyclique ‘Caritas in veritate’. Nourrir chaque jour une information correcte et équilibrée et un débat approfondi afin de trouver les meilleures solutions partagées sur ces questions dans une société pluraliste, est la tâche des radios ainsi que des télévisions. C’est une tâche qui requiert grande honnêteté professionnelle, correction et respect, ouverture aux diverses prospectives, clarté dans le traitement des problèmes, liberté par rapport aux barrières idéologiques et conscience de la complexité des problèmes. Il s’agit d’une recherche patiente de cette « vérité quotidienne » qui traduit mieux les valeurs dans la vie et oriente mieux le chemin de la société, et qui est recherchée avec humilité par tous.

Dans cette recherche, l’Eglise catholique peut apporter une contribution particulière, qu’elle entend offrir en témoignant de son adhésion à la vérité qui est le Christ, mais en le faisant dans un esprit d’ouverture et de dialogue. Comme je l’ai dit au cours de ma rencontre avec les hauts représentants du monde de la culture et de la politique de Grande-Bretagne au Westminster Hall à Londres en septembre dernier, la religion ne cherche pas à manipuler les non-croyants, mais à aider la raison dans la découverte de principes moraux objectifs. La religion contribue à «purifier» la raison, en l’aidant à ne pas tomber dans le piège des déformations, telles que la manipulation idéologique ou l’application partiale qui ne prend pas pleinement en compte la dignité de la personne humaine. Dans le même temps, la religion reconnaît également avoir besoin du rôle correctif de la raison afin d’éviter les excès, tels que le fondamentalisme ou le sectarisme. «La religion [...] n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national». Je vous invite donc également «dans vos domaines d’influence respectifs, à chercher les moyens de promouvoir et d’encourager le dialogue entre foi et raison» en vue de servir le bien commun de la nation.

Vous accomplissez un «service public», un service aux personnes, en vue de les aider chaque jour à mieux connaître et comprendre les événements et leurs causes, et à communiquer activement afin de les accompagner sur le chemin commun de la société. Je suis bien conscient que ce service rencontre des difficultés qui revêtent des formes et des proportions différentes selon les pays. Celles-ci peuvent inclure le défi de la concurrence de la part d’émetteurs commerciaux, le conditionnement de la politique conçue comme un partage du pouvoir plutôt que comme un service au bien commun, le manque de ressources économiques accentué par les situations de crise, l’impact des développements des nouvelles technologies de la communication, la recherche effrénée de spectateurs et d’auditeurs. Mais les défis du monde moderne dont vous devez vous occuper sont trop importants et trop urgents pour que vous vous laissiez aller au découragement ou au renoncement face à ces difficultés.

Il y a vingt ans, en 1991, lorsque votre assemblée générale a été reçue au Vatican par le vénérable Jean-Paul II, que j’aurai la joie de béatifier demain, il vous encouragea à développer votre collaboration réciproque afin de favoriser la croissance de la communauté des peuples du monde. Aujourd’hui, je pense aux processus en cours dans certains pays de la Méditerranée et du Moyen-Orient, dont certains sont également membres de votre association. Nous savons que les nouvelles formes de communication continuent de jouer un rôle d’une certaine importance dans ces processus. Je vous exhorte à placer vos contacts internationaux et vos activités au service de la réflexion et de l’engagement en vue de garantir que les instruments de communication sociale puissent promouvoir le dialogue, la paix et le développement des peuples dans la solidarité, dépassant ainsi les divisions culturelles, les incertitudes et les peurs.
Enfin, chers amis, tandis que je souhaite sincèrement à chacun de vous et à votre association le plus grand succès dans vos travaux, je voudrais exprimer mes remerciements pour la collaboration spécifique que vous avez apportée à mon ministère en de nombreuses occasions, et que vous continuez à apporter, comme lors des grandes fêtes de Noël et de Pâques, ou encore au cours de mes voyages apostoliques. Pour moi aussi, et pour l’Eglise catholique, vous êtes donc d’importants alliés et amis dans notre mission. Dans cet esprit, je suis heureux d’invoquer les Bénédictions du Seigneurs sur vous tous, ainsi que sur tous ceux qui vous sont chers et sur votre travail.

Mai 2011


AUX REPRÉSENTANTS DE LA "PAPAL FOUNDATION" Salle Clémentine Jeudi 5 mai 2011

50511
Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir, chers membres de la Papal Foundation, à l’occasion de votre visite annuelle à Rome. En ce temps de Pâques, marqué par la joie spirituelle et la gratitude pour le don de notre vie nouvelle dans le Christ, je prie pour que ce pèlerinage aux tombes des apôtres et des martyrs vous renouvelle tous dans votre amour pour le Seigneur et son Eglise.

Cette rencontre me donne l’heureuse occasion de renouveler mes remerciements pour la contribution importante que la Fondation apporte à la mission de l’Eglise à travers la promotion d’activités caritatives dans des domaines qui tiennent à coeur au Pape. Je suis très reconnaissant pour votre participation à des projets visant au développement humain intégral, pour votre encouragement apporté aux activités apostoliques des diocèses et des congrégations religieuses à travers le monde, pour votre intérêt pour l’éducation des futurs responsables de l’Eglise et votre soutien aux activités du Saint-Siège. La Papal Foundation a été créée comme instrument en vue de manifester la solidarité concrète à l’égard du Successeur de Pierre dans sa sollicitude pour l’Eglise universelle. Puissiez-vous considérer votre attachement aux idéaux de la Fondation comme une expression privilégiée de votre engagement chrétien dans l’Eglise et devant le monde. De cette façon, vous témoignerez du fait que l’Eglise est missionnaire par nature: en effet, «notre responsabilité est de transmettre à notre tour ce que nous avons reçu par grâce» (Verbum Domini, n. 91).

Chers amis, avec ces sentiments et avec affection dans le Seigneur, je vous confie, ainsi que vos familles, à l’intercession bienveillante de Marie, Mère de l’Eglise, et je vous donne cordialement ma Bénédiction apostolique en gage de joie et de paix pascales.

Discours 2005-2013 1253