Discours 2005-2013 29410

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE GAMBIE, DE SIERRA LEONE ET DU LIBERIA EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Jeudi 29 avirl 2010

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Chers frères évêques,

Je suis heureux de vous accueillir, évêques du Liberia, de Gambie et de Sierra Leone, à l'occasion de votre visite « ad limina » sur les tombes des apôtres Pierre et Paul. Je vous suis reconnaissant des sentiments de communion et d'affection exprimés par Mgr Koroma en votre nom, et je vous demande de transmettre mes chaleureuses salutations et mes encouragements à vos bien-aimés peuples qui s'efforcent de mener une vie digne de leur vocation (cf.
Ep 4,1).

La deuxième assemblée spéciale pour l'Afrique du synode des évêques a été une riche expérience de communion, une occasion providentielle de renouveler votre propre ministère épiscopal et de réfléchir sur sa tâche essentielle, à savoir, « d'aider le peuple de Dieu à réserver à la parole de la Révélation l'obéissance de la foi et à adhérer intégralement à l'enseignement du Christ » (Pastores gregis ). Je suis heureux de constater dans vos rapports quinquennaux que, tout en vous consacrant à l'administration de vos diocèses, vous vous engagez personnellement autant que possible à prêcher l'Evangile lors des confirmations, lors de vos visites dans les paroisses, lorsque vous rencontrez des groupes de prêtres, de religieux ou de laïcs et dans vos lettres pastorales. A travers votre enseignement, le Seigneur préserve vos peuples du mal, de l'ignorance et de la superstition, et les transforme en fils de votre Royaume. Efforcez-vous de construire des communautés vibrantes et dynamiques, d'hommes et de femmes forts dans leur foi, contemplatifs et emplis de joie dans la liturgie, et bien instruits sur « la manière de vivre qui plaît à Dieu » (1Th 4,1). Dans un environnement marqué par le divorce et la polygamie, promouvez l'unité et le bien-être de la famille chrétienne fondée sur le sacrement du mariage. Les initiatives et les associations se consacrant à la sanctification de cette communauté de base méritent tout votre soutien. Continuez à soutenir la dignité des femmes dans le cadre des droits humains et défendez vos peuples contre les tentatives d'introduire une mentalité antinataliste travestie sous la forme d'un progrès culturel (cf. Caritas in veritate ). Votre mission requiert également de consacrer votre attention au discernement authentique, à la préparation des vocations et à la formation permanente des prêtres, qui sont vos plus proches collaborateurs dans la tâche de l'évangélisation. Continuez à les guider, par vos paroles et votre exemple, à être des hommes de prière, fermes et clairs dans leur enseignement, mûrs et respectueux dans leurs relations avec les autres, fidèles à leurs engagements spirituels et forts dans la compassion à l'égard de toux ceux qui sont dans le besoin. De la même manière, n'hésitez pas à inviter les missionnaires d'autres pays à contribuer au bon travail accompli par votre clergé, vos religieux et vos catéchistes.

Dans vos pays, l'Eglise bénéficie d'une haute considération en raison de sa contribution au bien de la société, en particulier dans les domaines de l'éducation, du développement et des soins médicaux, offerts à tous sans distinction. Cette contribution montre clairement la vitalité de votre charité chrétienne, cet héritage divin offert à l'Eglise universelle par son fondateur (cf. Caritas in veritate ). J'apprécie tout particulièrement l'assistance que vous offrez aux réfugiés et aux immigrés et je vous invite à rechercher, lorsque cela est possible, la coopération pastorale avec leurs pays d'origine. La lutte contre la pauvreté doit être menée dans le respect pour la dignité de toutes les personnes concernées en les encourageant à être les acteurs de leur propre développement intégral. Beaucoup de bien peut être accompli à travers des engagements communautaires à petite échelle et des initiatives microéconomiques au service des familles. Une meilleure éducation sera toujours un facteur décisif pour développer et soutenir de telles stratégies. Je vous encourage donc à continuer d'offrir des programmes scolaires qui préparent et motivent les nouvelles générations à devenir des citoyens responsables, actifs dans la société pour le bien de leur communauté et de leur pays. Vous avez raison d'encourager les personnes jouissant d'une position d'autorité à mener la lutte contre la corruption, en attirant l'attention sur la gravité et l'injustice de tels péchés. A cet égard, la formation spirituelle et morale d'hommes et de femmes laïcs promis à des postes de responsabilité, à travers des cours spécifiques sur la doctrine sociale catholique, est une contribution importante au bien commun.

Je vous engage à consacrer toute votre attention à ce grand don qu'est la paix. Je prie pour que le processus de réconciliation dans la justice et dans la vérité, auquel vous avez à juste titre apporté votre soutien, puisse engendrer un respect durable pour tous les droits humains qui nous viennent de Dieu et désamorcer les tendances aux représailles et à la vengeance. Dans votre service à la paix, continuez de promouvoir le dialogue avec les autres religions, en particulier avec l'islam, de manière à soutenir les bonnes relations existantes et prévenir toute forme d'intolérance, d'injustice ou d'oppression, nuisible à la promotion de la confiance réciproque. OEuvrer ensemble à la défense de la vie et à la lutte contre les maladies et la malnutrition, ne manquera pas d'édifier la compréhension, le respect et l'acceptation de l'autre. Par dessus tout, un climat de dialogue et de communion doit caractériser l'Eglise locale. Par votre propre exemple, conduisez vos prêtres, vos religieux et vos fidèles laïcs à croître dans la compréhension et la coopération, dans l'écoute réciproque et dans le partage des initiatives. L'Eglise comme signe et instrument de l'unique famille de Dieu doit apporter un témoignage clair de l'amour de Jésus Notre Seigneur et Sauveur qui va au-delà des frontières et embrasse tous les hommes et les femmes.

Chers frères évêques, je sais que vous trouvez l'inspiration et l'encouragement dans les paroles du Christ ressuscité à ses apôtres: « Comme le père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). De retour dans votre pays, poursuivez votre mission en tant que successeurs des apôtres, et transmettez mon affection et mes meilleurs voeux dans la prière à vos prêtres, vos religieux, vos catéchistes et à vos bien-aimés peuples. A chacun de vous, et à tous ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.


CONCERT OFFERT PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE À L'OCCASION DU Ve ANNIVERSAIRE DU PONTIFICAT Salle Paul VI Jeudi 29 avril 2010

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Monsieur le président de la République,
Messieurs les cardinaux,
Messieurs les ministres et représentants des autorités,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

Une fois de plus, le président de la République italienne, S.E. M. Giorgio Napolitano, avec une exquise courtoisie, a voulu nous offrir à tous la possibilité d'écouter de la très belle musique, à l'occasion de l'anniversaire du début de mon pontificat. Monsieur le président, en vous saluant avec déférence, ainsi que votre aimable épouse, je désire exprimer mes profonds remerciements pour l'hommage véritablement apprécié de ce concert et pour les paroles cordiales que vous m'avez adressées. Dans ce geste attentionné, je perçois également un signe supplémentaire de l'affection que le peuple italien nourrit envers le Pape, une affection qui fut si fervente chez Catherine de Sienne, Patronne d'Italie, dont c'est aujourd'hui la fête. Je suis heureux de saluer les autres représentants des autorités de l'Etat italien, Messieurs les ambassadeurs, les diverses personnalités et vous tous qui avez pris part à ce moment d'une très haute valeur culturelle et musicale.

Je désire remercier tous ceux qui ont coopéré avec générosité à la réalisation de cet événement, en particulier les dirigeants de la Fondazione Scuola di Musica di Fiesole, dont l'Orchestra Giovanile Italiana est un élément significatif, dirigé avec talent par maître Nicola Paszkowski. Certain d'interpréter les sentiments de toutes les personnes présentes, j'exprime ma sincère appréciation aux membres de l'orchestre, qui ont interprété avec talent et compétence des morceaux difficiles du compositeur milanais Giovanni Battista Sammartini, de Wolfgang Amadeus Mozart et de Ludwig van Beethoven.

Nous avons eu la joie d'écouter ce soir de jeunes concertistes, élèves de l'école musicale de Fiesole, fondée par Piero Farulli, qui au cours des années, s'est affirmée comme un excellent centre national de formation d'orchestre, en offrant à de nombreux enfants, adolescents, jeunes et adultes la possibilité d'accomplir un parcours de formation de qualité, visant à la préparation de musiciens pour les meilleurs orchestres italiens et européens. L'étude de la musique revêt une profonde valeur dans le processus éducatif de la personne, dans la mesure où elle produit des effets positifs sur le développement de la personne, en favorisant sa croissance humaine et spirituelle harmonieuse. Nous savons que la valeur de formation de la musique est communément reconnue dans ses implications de nature expressive, créative, relationnelle, sociale et culturelle.

C'est pourquoi, l'expérience de plus de trente ans de l'Ecole de musique de Fiesole revêt une importance particulière également face à la réalité quotidienne qui nous montre qu'il n'est pas facile d'éduquer. Dans le contexte social actuel, en effet, toute oeuvre d'éducation semble devenir toujours plus difficile et problématique: souvent, entre parents et enseignants, on parle des difficultés rencontrées pour transmettre aux nouvelles générations les valeurs fondamentales de l'existence et d'un comportement droit. Cette situation problématique concerne tant l'école que la famille, ainsi que les diverses organisations qui oeuvrent dans le domaine de la formation.

1104 Les conditions actuelles de la société exigent un engagement éducatif extraordinaire en faveur des nouvelles générations. Les jeunes, même s'ils vivent dans des contextes différents, ont en commun la sensibilité aux grands idéaux de la vie, mais rencontrent de nombreuses difficultés à les vivre. Nous ne pouvons ignorer leurs besoins et leurs attentes, ni les obstacles et les menaces qu'ils rencontrent. Ils ressentent l'exigence de connaître des valeurs authentiques, telles que le caractère central de la personne, la dignité humaine, la paix et la justice, la tolérance et la solidarité. Ils recherchent également, de façons parfois confuses et contradictoires, la spiritualité et la transcendance, pour trouver un équilibre et une harmonie. A cet égard, il me plaît d'observer que la musique est précisément capable d'ouvrir les esprits et les coeurs à la dimension de l'esprit et conduit les personnes à lever le regard vers le Haut, à s'ouvrir au Bien et au Beau absolus, qui trouvent leur source ultime en Dieu. Le caractère festif du chant et de la musique représentent également une invitation constante pour les croyants et tous les hommes de bonne volonté à s'engager pour donner à l'humanité un avenir riche d'espérance. En outre, l'expérience de jouer dans un orchestre ajoute également une dimension collective: les répétitions constantes conduites avec patience; l'exercice de l'écoute des autres musiciens; l'engagement de ne pas jouer « tout seul », mais de faire en sorte que les diverses « couleurs de l'orchestre » se fondent ensemble, tout en conservant leurs caractéristiques propres; la recherche commune de la meilleure expression, tout cela constitue un formidable « atelier de formation », non seulement sur le plan artistique et professionnel, mais également sous l'aspect humain en général.

Chers amis, je souhaite que la grandeur et la beauté des passages musicaux magistralement interprétés ce soir puissent apporter à tous une inspiration nouvelle et constante pour tendre vers des objectifs toujours plus élevés dans la vie personnelle et sociale. Je renouvelle à Monsieur le président de la République italienne, aux organisateurs et à toutes les personnes présentes l'expression de ma gratitude sincère pour cet hommage apprécié! Je vous demande de vous rappeler de moi dans vos prières afin que, en commençant la sixième année de mon pontificat, je puisse toujours accomplir mon ministère comme le désire le Seigneur. Que Lui, qui est notre force et notre paix, vous bénisse tous, ainsi que vos familles.


AUX PARTICIPANTS À LA XVIe SESSION PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES SOCIALES Salle du Consistoire Vendredi 30 avril 2010

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Chers membres de l'Académie,

Je suis heureux de vous saluer au début de votre seizième assemblée plénière, qui est consacrée à une analyse de la crise économique mondiale à la lumière des principes éthiques contenus dans la doctrine sociale de l'Eglise. Je remercie votre présidente, Madame Mary Ann Glendon, pour ses aimables paroles et je vous offre mes meilleurs voeux dans la prière pour vos débats fructueux.

Comme chacun sait, la crise financière mondiale a démontré la fragilité du système économique actuel et des institutions qui y sont liées. Elle a également montré qu'il est erroné de supposer que le marché est capable de s'autoréguler, en dehors de toute intervention publique et du recours à des critères moraux internes. Cette supposition est fondée sur une notion appauvrie de la vie économique comme une sorte de mécanisme qui se calibre lui-même, guidé par l'intérêt individuel et la recherche du profit. Elle ignore ainsi la nature essentiellement éthique de l'économie, en tant qu'activité de et pour les êtres humains. Plutôt qu'une spirale de production et de consommation en vue de répondre à des besoins humains définis de façon étroite, la vie économique devrait être considérée de façon appropriée comme un exercice de responsabilité humaine, orienté de façon intrinsèque vers la promotion de la dignité de la personne, la recherche du bien commun et le développement intégral – politique, culturel et spirituel – des personnes, des familles et des sociétés. Une reconnaissance de cette dimension humaine plus complète exige à son tour précisément le type de recherche et de réflexion interdisciplinaire que la session actuelle de l'Académie entreprend à présent.

Dans mon encyclique Caritas in veritate, j'ai souligné que « la crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d'engagement » (n. 21). Reconsidérer l'itinéraire signifie bien sûr également prendre en compte les normes générales et objectives avec lesquelles juger les structures, les institutions et les décisions concrètes qui guident et orientent la vie économique. L'Eglise, fondée sur sa foi dans le Dieu Créateur, affirme l'existence d'une loi naturelle universelle qui est la source ultime de ces critères (cf. ibid., n. 59). Toutefois, elle est également convaincue que les principes de cet ordre éthique, inscrit dans la création elle-même, sont accessibles à la raison humaine et, en tant que tels, doivent être adoptés comme base pour les décisions concrètes. En tant qu'élément du grand héritage de la sagesse humaine, la loi morale naturelle, que l'Eglise a adoptée, purifiée et développée à la lumière de la révélation chrétienne, sert de phare qui oriente les efforts des personnes et des communautés en vue de rechercher le bien commun et d'éviter le mal, tout en guidant leurs efforts en vue d'édifier une société véritablement juste et humaine.

Parmi les principes indispensables qui définissent une telle approche éthique intégrale de la vie économique doit figurer la promotion du bien commun, fondé sur le respect de la dignité de la personne humaine et reconnue comme l'objectif fondamental des systèmes de production et commerciaux, des institutions politiques et de la protection sociale. De nos jours, la préoccupation pour le bien commun revêt une dimension mondiale beaucoup plus marquée. Il est également devenu de plus en plus évident que le bien commun inclut la responsabilité à l'égard des générations futures; par conséquent, la solidarité entre les générations doit donc être reconnue comme un critère éthique de base pour juger tout système social. Ces réalités indiquent l'urgence de renforcer les procédures de gouvernance de l'économie mondiale, toujours dans le respect dû au principe de subsidiarité. Toutefois, en fin de compte, toutes les décisions et les politiques économiques doivent être orientées vers « la charité dans la vérité », dans la mesure où la vérité préserve et oriente le pouvoir libérateur de la charité dans les événements et les structures humaines toujours contingents. Car « sans vérité, sans confiance et sans amour du vrai, il n'y a pas de conscience ni de responsabilité sociale, et l'agir social devient la proie d'intérêts privés et de logiques de pouvoir qui ont pour effet d'entraîner la désagrégation de la société » (Caritas in veritate, ).

Chers amis, avec ces considérations, j'exprime une fois de plus ma certitude que cette assemblée plénière contribuera à un discernement plus profond des défis sociaux et économiques importants auxquels notre monde doit faire face et contribuera à indiquer le chemin à suivre pour répondre à ces défis dans un esprit de sagesse, de justice et d'humanité authentique. Je vous assure une fois de plus de mes prières pour votre travail important et j'invoque cordialement sur vous et sur tous ceux qui vous sont chers des bénédictions divines de joie et de paix.




VISITE PASTORALE À TURIN


RENCONTRE AVEC LES JEUNES Place San Carlo Dimanche 2 mai 2010

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Chers jeunes de Turin!
Chers jeunes qui venez du Piémont et des régions voisines!

Je suis vraiment heureux d'être avec vous, à l'occasion de ma visite à Turin pour vénérer le Saint-Suaire. Je vous salue tous avec beaucoup d'affection et je vous remercie de l'accueil et de l'enthousiasme de votre foi. A travers vous, je salue toute la jeunesse de Turin et des diocèses du Piémont, avec une prière en particulier pour les jeunes qui vivent des situations de souffrance, de difficulté et d'égarement. J'adresse une pensée particulière et un profond encouragement à tous ceux qui, parmi vous, sont en train de parcourir le chemin vers le sacerdoce, la vie consacrée, ou bien vers des choix généreux de services aux laissés-pour-compte. Je remercie votre pasteur, le cardinal Severino Poletto, des expressions cordiales qu'il m'a adressées et je remercie vos représentants, qui m'ont présenté les intentions, les problématiques et les attentes de la jeunesse de cette ville et de cette région.

Il y a vingt-cinq ans, à l'occasion de l'Année internationale de la jeunesse, le vénérable et bien-aimé Jean-Paul II adressa une Lettre apostolique aux jeunes du monde, garçons et filles, centrée sur la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche dont parle l'Evangile (Lettre aux jeunes, 31 mars 1985). C'est précisément en partant de cette page (cf.
Mc 10,17-22 Mt 19,16-22), qui a également été l'objet d'une réflexion dans mon Message de cette année pour la Journée mondiale de la jeunesse, que je voudrais vous offrir quelques pensées qui, je l'espère, pourront vous aider dans votre croissance spirituelle et dans votre mission au sein de l'Eglise et dans le monde.

Le jeune homme de l'Evangile – nous le savons – demande à Jésus: « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle? ». Aujourd'hui, il n'est pas facile de parler de vie éternelle et de réalités éternelles, parce que la mentalité de notre époque nous dit qu'il n'existe rien de définitif: tout change, et même très vite. « Changer » est devenu, très souvent, le mot d'ordre, l'exercice le plus exaltant de la liberté, et de cette manière, vous aussi les jeunes, vous êtes souvent portés à penser qu'il est impossible de faire des choix définitifs, qui engagent pour toute la vie. Mais est-ce là la bonne manière d'exercer la liberté? Est-il bien vrai que pour être heureux, nous devons nous contenter de joies momentanées petites et fugaces, qui, une fois terminées, nous laissent une amertume dans le coeur? Chers jeunes, là n'est pas la vraie liberté, le bonheur ne s'obtient pas ainsi. Chacun de nous est créé non pas pour accomplir des choix provisoires et révocables, mais des choix définitifs et irrévocables, qui donnent tout son sens à l'existence. Nous le voyons dans notre vie: nous voudrions que chaque belle expérience, qui nous comble de bonheur, n'ait jamais de fin. Dieu nous a créés en vue du « pour toujours », il a mis dans le coeur de chacun de nous la semence pour une vie qui réalise quelque chose de beau et de grand. Ayez le courage des choix définitifs et vivez-les avec fidélité! Le Seigneur pourra vous appeler au mariage, au sacerdoce, à la vie consacrée, à un don particulier de vous-mêmes: répondez-lui avec générosité!

Dans le dialogue avec le jeune homme, qui possédait de grandes richesses, Jésus indique quelle est la richesse la plus importante et la plus grande de la vie: l'amour. Aimer Dieu et aimer les autres de toute notre personne. Le mot amour – nous le savons – est sujet à diverses interprétations et revêt différentes significations: nous avons besoin d'un Maître, le Christ, qui nous en indique le sens le plus authentique et le plus profond, qui nous guide vers la source de l'amour et de la vie. Amour est le nom propre de Dieu. L'Apôtre Jean nous le rappelle: « Dieu est amour », et il ajoute que « ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils ». Et « si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres » (1Jn 4,8 1Jn 4,10 1Jn 4,11). Dans la rencontre avec le Christ et dans l'amour réciproque, nous faisons l'expérience en nous de la vie même de Dieu, qui demeure en nous avec son amour parfait, total, éternel (cf. Jn 4,12). Il n'y a donc rien de plus grand pour l'homme, un être mortel et limité, que de participer à la vie d'amour de Dieu. Nous vivons aujourd'hui dans un contexte culturel qui ne favorise pas les rapports humains profonds et désintéressés, mais, au contraire, conduit souvent à se renfermer sur soi-même, à l'individualisme, à laisser prévaloir l'égoïsme qu'il y a dans l'homme. Mais le coeur d'un jeune est, par nature, sensible à l'amour vrai. C'est pourquoi je m'adresse avec beaucoup de confiance à chacun de vous et je vous dis: il n'est pas facile de faire de votre vie quelque chose de beau et de grand, cela est exigeant, mais avec le Christ, tout est possible!

Dans les yeux de Jésus, qui fixe son regard – comme le dit l'Evangile – avec amour sur le jeune homme, nous saisissons tout le désir de Dieu d'être avec nous, d'être proche de nous; il y a un désir de Dieu pour notre « oui », pour notre amour. Oui, chers jeunes, Jésus veut être votre ami, votre frère dans la vie, le maître qui nous indique le chemin à parcourir pour atteindre le bonheur. Il vous aime pour ce que vous êtes, dans votre fragilité et votre faiblesse, pour que, touchés par son amour, vous puissiez être transformés. Vivez cette rencontre avec l'amour du Christ dans une profonde relation personnelle avec Lui: vivez-la dans l'Eglise, en particulier dans les sacrements. Vivez-la dans l'Eucharistie, dans laquelle son Sacrifice est présent: il donne réellement son Corps et son Sang pour nous, pour racheter les péchés de l'homme, pour que nous devenions un avec Lui, pour que nous apprenions nous aussi la logique du don de soi. Vivez-la dans la Confession, où en nous offrant son pardon, Jésus nous accueille avec toutes nos limites pour nous donner un coeur nouveau, capable d'aimer comme Lui. Apprenez à être familiers de la parole de Dieu, à la méditer notamment dans la Lectio divina, la lecture spirituelle de la Bible. Enfin, sachez rencontrer l'amour du Christ dans le témoignage de charité de l'Eglise. Turin vous offre, dans son histoire, de splendides exemples: suivez-les, en vivant concrètement la gratuité du service. Tout dans la communauté ecclésiale doit tendre à faire toucher du doigt aux hommes la charité infinie de Dieu.

Chers amis, l'amour du Christ pour le jeune homme de l'Evangile est le même que celui qu'il a pour chacun de vous. Ce n'est pas un amour confiné dans le passé, ce n'est pas une illusion, il n'est pas réservé à quelques-uns. Vous rencontrerez cet amour et vous ferez l'expérience de toute sa fécondité si vous cherchez avec sincérité le Seigneur et si vous vivez profondément votre participation à la vie de la communauté chrétienne. Que chacun se sente « une partie vivante » de l'Eglise, impliquée dans l'oeuvre d'évangélisation, sans crainte, dans un esprit de sincère harmonie avec vos frères dans la foi et en communion avec les pasteurs, en sortant d'une tendance individualiste également dans votre manière de vivre la foi, pour respirer à pleins poumons la beauté de faire partie de la grande mosaïque de l'Eglise du Christ.

Ce soir, je ne peux manquer de vous indiquer comme modèle un jeune de votre ville: le bienheureux Pier Giorgio Frassati, dont on fête cette année le vingtième anniversaire de la béatification. Son existence fut entièrement enveloppée par la grâce et par l'amour de Dieu et fut consumée, avec sérénité et joie, dans le service passionné pour le Christ et pour les frères. Jeune comme vous, il vécut avec beaucoup d'intensité sa formation chrétienne et offrit son témoignage de foi, simple et concret. Un garçon fasciné par la beauté de l'Evangile des Béatitudes, qui fit l'expérience de toute la joie d'être un ami du Christ, de le suivre, de se sentir partie intégrante et vivante de l'Eglise. Chers jeunes, ayez le courage de choisir ce qui est essentiel dans la vie! « Vivre et non vivoter » répétait le bienheureux Pier Giorgio Frassati. Comme lui, découvrez qu'il vaut la peine de s'engager pour Dieu et avec Dieu, de répondre à son appel dans les choix fondamentaux et dans les choix quotidiens, même lorsqu'il en coûte!

Le parcours spirituel du bienheureux Pier Giorgio Frassati rappelle que le chemin des disciples du Christ exige le courage de sortir de soi-même, pour suivre la route de l'Evangile. Ce chemin exigeant de l'esprit, vous le vivez dans les paroisses et dans les autres institutions ecclésiales; vous le vivez également dans le pèlerinage des Journées mondiales de la jeunesse, un rendez-vous toujours attendu. Je sais que vous vous préparez au prochain grand rassemblement, en programme à Madrid en août 2011. Je souhaite de tout coeur que cet événement extraordinaire, auquel j'espère que vous pourrez participer très nombreux, contribue à faire croître en chacun de vous l'enthousiasme et la fidélité de suivre le Christ et d'accueillir avec joie son message, source de vie nouvelle.

Jeunes de Turin et du Piémont, soyez des témoins du Christ dans notre temps! Que le Saint-Suaire soit en particulier pour vous une invitation à imprimer dans votre esprit le visage de l'amour de Dieu, pour être vous-mêmes, dans les milieux qui sont les vôtres, avec les jeunes de votre âge, une expression crédible du visage du Christ. Que Marie, que vous vénérez dans vos sanctuaires mariaux, et saint Jean Bosco, Patron de la jeunesse, vous aident à suivre le Christ sans jamais vous lasser. Et que vous accompagnent toujours ma prière et ma Bénédiction, que je vous donne avec beaucoup d'affection. Merci de votre attention!



VÉNÉRATION DU SAINT-SUAIRE - MÉDITATION Dimanche 2 mai 2010

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Chers amis,

C'est pour moi un moment très attendu. En diverses autres occasions, je me suis trouvé face au Saint-Suaire, mais cette fois, je vis ce pèlerinage et cette halte avec une intensité particulière: sans doute parce que les années qui passent me rendent encore plus sensible au message de cet extraordinaire Icône; sans doute, et je dirais surtout, parce que je suis ici en tant que Successeur de Pierre, et que je porte dans mon coeur toute l'Eglise, et même toute l'humanité. Je rends grâce à Dieu pour le don de ce pèlerinage et également pour l'occasion de partager avec vous une brève méditation qui m'a été suggérée par le sous-titre de cette Ostension solennelle: "Le mystère du Samedi Saint".

On peut dire que le Saint-Suaire est l'Icône de ce mystère, l'Icône du Samedi Saint. En effet, il s'agit d'un linceul qui a enveloppé la dépouille d'un homme crucifié correspondant en tout point à ce que les Evangiles nous rapportent de Jésus, qui, crucifié vers midi, expira vers trois heures de l'après-midi. Le soir venu, comme c'était la Parascève, c'est-à-dire la veille du sabbat solennel de Pâques, Joseph d'Arimathie, un riche et influent membre du Sanhédrin, demanda courageusement à Ponce Pilate de pouvoir enterrer Jésus dans son tombeau neuf, qu'il avait fait creuser dans le roc à peu de distance du Golgotha. Ayant obtenu l'autorisation, il acheta un linceul et, ayant descendu le corps de Jésus de la croix, l'enveloppa dans ce linceul et le déposa dans le tombeau (cf.
Mc 15,42-46). C'est ce que rapporte l'Evangile de saint Marc, et les autres évangélistes concordent avec lui. A partir de ce moment, Jésus demeura dans le sépulcre jusqu'à l'aube du jour après le sabbat, et le Saint-Suaire de Turin nous offre l'image de ce qu'était son corps étendu dans le tombeau au cours de cette période, qui fut chronologiquement brève (environ un jour et demi), mais qui fut immense, infinie dans sa valeur et sa signification.

Le Samedi Saint est le jour où Dieu est caché, comme on le lit dans une ancienne Homélie: "Que se passe-t-il? Aujourd'hui, un grand silence enveloppe la terre. Un grand silence et un grand calme. Un grand silence parce que le Roi dort... Dieu s'est endormi dans la chair, et il réveille ceux qui étaient dans les enfers" (Homélie pour le Samedi Saint, PG 43,439). Dans le Credo, nous professons que Jésus Christ "a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour est ressuscité des morts".

Chers frères et soeurs, à notre époque, en particulier après avoir traversé le siècle dernier, l'humanité est devenue particulièrement sensible au mystère du Samedi Saint. Dieu caché fait partie de la spiritualité de l'homme contemporain, de façon existentielle, presque inconsciente, comme un vide dans le coeur qui s'est élargi toujours plus. Vers la fin du xix siècle, Nietzsche écrivait: "Dieu est mort! Et c'est nous qui l'avons tué!". Cette célèbre expression est, si nous regardons bien, prise presque à la lettre par la tradition chrétienne, nous la répétons souvent dans la Via Crucis, peut-être sans nous rendre pleinement compte de ce que nous disons. Après les deux guerres mondiales, les lager et les goulag, Hiroshima et Nagasaki, notre époque est devenue dans une mesure toujours plus grande un Samedi Saint: l'obscurité de ce jour interpelle tous ceux qui s'interrogent sur la vie, et de façon particulière nous interpelle, nous croyants. Nous aussi nous avons affaire avec cette obscurité.

Et toutefois, la mort du Fils de Dieu, de Jésus de Nazareth a un aspect opposé, totalement positif, source de réconfort et d'espérance. Et cela me fait penser au fait que le Saint-Suaire se présente comme un document "photographique", doté d'un "positif" et d'un "négatif". Et en effet, c'est précisément le cas: le mystère le plus obscur de la foi est dans le même temps le signe le plus lumineux d'une espérance qui ne connaît pas de limite. Le Samedi Saint est une "terre qui n'appartient à personne" entre la mort et la résurrection, mais dans cette "terre qui n'appartient à personne" est entré l'Un, l'Unique qui l'a traversée avec les signes de sa Passion pour l'homme: "Passio Christi. Passio hominis". Et le Saint-Suaire nous parle exactement de ce moment, il témoigne précisément de l'intervalle unique et qu'on ne peut répéter dans l'histoire de l'humanité et de l'univers, dans lequel Dieu, dans Jésus Christ, a partagé non seulement notre mort, mais également le fait que nous demeurions dans la mort. La solidarité la plus radicale.

Dans ce "temps-au-delà-du temps", Jésus Christ "est descendu aux enfers". Que signifie cette expression? Elle signifie que Dieu, s'étant fait homme, est arrivé au point d'entrer dans la solitude extrême et absolue de l'homme, où n'arrive aucun rayon d'amour, où règne l'abandon total sans aucune parole de réconfort: "les enfers". Jésus Christ, demeurant dans la mort, a franchi la porte de cette ultime solitude pour nous guider également à la franchir avec Lui. Nous avons tous parfois ressenti une terrible sensation d'abandon, et ce qui nous fait le plus peur dans la mort, est précisément cela, comme des enfants, nous avons peur de rester seuls dans l'obscurité, et seule la présence d'une personne qui nous aime peut nous rassurer. Voilà, c'est précisément ce qui est arrivé le jour du Samedi Saint: dans le royaume de la mort a retenti la voix de Dieu. L'impensable a eu lieu: c'est-à-dire que l'Amour a pénétré "dans les enfers": dans l'obscurité extrême de la solitude humaine la plus absolue également, nous pouvons écouter une voix qui nous appelle et trouver une main qui nous prend et nous conduit au dehors. L'être humain vit pour le fait qu'il est aimé et qu'il peut aimer; et si dans l'espace de la mort également, a pénétré l'amour, alors là aussi est arrivée la vie. A l'heure de la solitude extrême, nous ne serons jamais seuls: "Passio Christi. Passio hominis".

1107 Tel est le mystère du Samedi Saint! Précisément de là, de l'obscurité de la mort du Fils de Dieu est apparue la lumière d'une espérance nouvelle: la lumière de la Résurrection. Et bien, il me semble qu'en regardant ce saint linceul avec les yeux de la foi, on perçoit quelque chose de cette lumière. En effet, le Saint-Suaire a été immergé dans cette obscurité profonde, mais il est dans le même temps lumineux; et je pense que si des milliers et des milliers de personnes viennent le vénérer, sans compter celles qui le contemplent à travers les images - c'est parce qu'en lui, elles ne voient pas seulement l'obscurité, mais également la lumière; pas tant l'échec de la vie et de l'amour, mais plutôt la victoire, la victoire de la vie sur la mort, de l'amour sur la haine; elles voient bien la mort de Jésus, mais elles entrevoient sa Résurrection; au sein de la mort bat à présent la vie, car l'amour y habite. Tel est le pouvoir du Saint-Suaire: du visage de cet "Homme des douleurs", qui porte sur lui la passion de l'homme de tout temps et de tout lieu, nos passions, nos souffrances, nos difficultés, nos péchés également - "Passio Christi. Passio hominis" - de ce visage émane une majesté solennelle, une grandeur paradoxale. Ce visage, ces mains et ces pieds, ce côté, tout ce corps parle, il est lui-même une parole que nous pouvons écouter dans le silence. Que nous dit le Saint-Suaire? Il parle avec le sang, et le sang est la vie! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang; le sang d'un homme flagellé, couronné d'épines, crucifié et transpercé au côté droit. L'image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d'un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d'amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d'eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. C'est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l'entendre, nous pouvons l'écouter, dans le silence du Samedi Saint.

Chers amis, rendons toujours gloire au Seigneur pour son amour fidèle et miséricordieux. En partant de ce lieu saint, portons dans les yeux l'image du Saint-Suaire, portons dans le coeur cette parole d'amour, et louons Dieu avec une vie pleine de foi, d'espérance et de charité. Merci.




Discours 2005-2013 29410