Discours 2005-2013 21520

À UNE DÉLÉGATION DE LA RÉPUBLIQUE DE BULGARIE À L'OCCASION DE LA FÊTE LITURGIQUE DES SAINTS CYRILLE ET METHODE Samedi 22 mai 2010


Monsieur le premier ministre,
Eminents membres du gouvernement et illustres autorités,
Vénérés frères de l'Eglise orthodoxe et de l'Eglise catholique!

Je suis heureux de pouvoir souhaiter une cordiale bienvenue à chacun de vous, membres éminents de la délégation officielle, venus à Rome en l'heureuse circonstance de la fête liturgique des saints Cyrille et Méthode. Votre présence, qui témoigne des racines chrétiennes du peuple bulgare, offre l'occasion propice d'assurer de mon estime cette chère nation et nous permet de renforcer notre amitié, confirmée par la dévotion pour les deux saints frères de Thessalonique.

A travers une inlassable oeuvre d'évangélisation, mise en oeuvre avec une véritable ardeur apostolique, les saints Cyrille et Méthode ont providentiellement enraciné le christianisme dans l'âme du peuple bulgare, si bien que celui-ci est ancré à ces valeurs évangéliques, qui renforcent l'identité et enrichissent la culture d'une nation. En effet, l'Evangile n'affaiblit pas ce qu'il y a d'authentique dans les différentes traditions culturelles; au contraire, précisément parce que la foi en Jésus nous montre la splendeur de la Vérité, celle-ci donne à l'homme la capacité de reconnaître le bien véritable et l'aide à le réaliser dans sa propre vie et dans le contexte social. C'est pourquoi, on peut soutenir avec raison que les saints Cyrille et Méthode ont contribué de manière significative à modeler l'humanité et la physionomie spirituelle du peuple bulgare en l'insérant dans la tradition culturelle chrétienne commune.

Sur le chemin de la pleine intégration avec les autres nations européennes, la Bulgarie est donc appelée à promouvoir et à témoigner de ces racines chrétiennes qui dérivent des enseignements des saints Cyrille et Méthode, aujourd'hui encore plus que jamais actuels et nécessaires; c'est-à-dire qu'elle est appelée à rester fidèle et à conserver le précieux patrimoine qui unit entre eux ceux qui, aussi bien orthodoxes que catholiques, professent la même foi que les Apôtres et qui sont unis par le baptême commun. En tant que chrétiens, nous avons le devoir de conserver et de renforcer le lien intrinsèque qui existe entre l'Evangile et nos identités culturelles respectives; en tant que disciples du Seigneur, dans le respect réciproque des différentes traditions ecclésiales, nous sommes appelés au témoignage commun de notre foi en Jésus, au nom de qui nous obtenons le salut.

Je souhaite de tout coeur que notre rencontre puisse être pour vous tous, ici présents, et pour les institutions ecclésiales et civiles que vous représentez, un motif de relations fraternelles et solidaires toujours plus intenses. Avec ces sentiments, j'encourage le peuple bulgare à persévérer dans leur intention d'édifier une société fondée sur la justice et sur la paix; je vous assure pour cela de ma prière et de ma proximité spirituelle. Je vous assure, Monsieur le premier ministre, et chacun de vous, de mon salut et de ma Bénédiction, que j'adresse également à tous les citoyens de votre pays bien-aimé.



À UNE DÉLÉGATION DE L'EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE, À L'OCCASION DES CÉLÉBRATIONS EN L'HONNEUR DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE Samedi 22 mai 2010

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Monsieur le président du parlement,
Messieurs les membres du gouvernements et éminentes autorités,
vénérés frères de l'Eglise orthodoxe
et de l'Eglise catholique!

Je suis heureux de vous accueillir et d'exprimer au Seigneur, dispensateur de toute grâce, la joie et la reconnaissance pour ce moment qui nous voit unis pour l'invoquer à travers l'intercession des saints Cyrille et Méthode, patrons célestes de votre peuple et de toute l'Europe, lors du pèlerinage annuel que vous accomplissez à Rome pour vénérer les reliques de saint Cyrille.

Mon bien-aimé prédécesseur, le vénérable Jean-Paul II, dans l'encyclique Slavorum Apostoli, voulut rappeler à tous que, grâce à l'enseignement et aux fruits du Concile Vatican II, nous pouvons aujourd'hui regarder de manière nouvelle l'oeuvre des deux saints frères de Salonique « dont nous séparent désormais onze siècles, et déchiffrer aussi, à travers leur vie et leur activité apostolique, les leçons que la sagesse de la Providence divine y inscrivit, afin qu'elles se révèlent dans une nouvelle plénitude à notre époque et portent de nouveaux fruits » (n. 3). En leur temps, les fruits de l'évangélisation de Cyrille et Méthode furent véritablement abondants. Ils connurent des souffrances, des privations, l'hostilité, mais ils supportèrent tout avec une foi inébranlable et une invincible espérance en Dieu. Ce fut avec cette force qu'ils se dévouèrent pour les peuples qui leur avaient été confiés, en se faisant les gardiens des textes de l'Ecriture, indispensables à la célébration de la sainte Liturgie, traduits par eux en langue paléoslave, écrits dans un nouvel alphabet et par la suite approuvés par l'autorité de l'Eglise. Dans les épreuves et dans les joies, ils se sentirent toujours accompagnés par Dieu et firent quotidiennement l'expérience de son amour et de celui de leurs frères. Nous aussi nous comprenons toujours davantage que lorsque nous nous sentons aimés par le Seigneur et que nous savons répondre à cet amour, nous sommes enveloppés et guidés par sa grâce dans chacune de nos activités et chacune de nos actions. Selon l'effusion des multiples dons de l'Esprit Saint, plus nous savons aimer et nous nous donnons aux autres, et plus l'Esprit peut venir en aide à notre faiblesse, en nous indiquant des voies nouvelles pour notre action.

Selon la tradition, Méthode demeura jusqu'au bout fidèle aux paroles que frère Cyrille lui avait dites avant de mourir: « Mon frère, nous avons partagé le même sort, conduisant la charrue dans le même sillon; à présent, je tombe dans le champ au terme de ma journée. Toi... n'abandonne pas la tâche d'enseignement... » (ibid., n. 6). Chers frères et soeurs, conduisons ensemble la charrue et continuons à travailler dans le même sillon que Dieu, dans sa providence, a indiqué aux saints Cyrille et Méthode. Que le Seigneur bénisse votre travail au service du bien commun et de toute votre nation, et répande avec abondance sur celle-ci les dons de son Esprit d'unité et de paix.






AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS PROMU PAR LA FONDATION « CENTESIMUS ANNUS - PRO PONTIFICE » Salle Clémentine Samedi 22 mai 2010


1126 Monsieur le cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
illustres et chers amis,

Je suis heureux de vous saluer à l'occasion du Congrès d'étude promu par la Fondation Centesimus annus Pro Pontifice. Je salue le cardinal Attilio Nicora, Mgr Claudio Maria Celli et les autres prélats et prêtres présents. J'adresse une pensée particulière au président, M. Domingo Sugranyes Bickel, que je remercie pour ses aimables paroles, et à vous, chers conseillers et associés de la Fondation, qui avez voulu me rendre visite avec vos familles.

J'ai apprécié que votre rencontre place au centre de sa réflexion la relation entre «développement, progrès et bien commun». En effet, aujourd'hui plus que jamais, la famille humaine peut croître comme une société libre composée de peuples libres lorsque la mondialisation est guidée par la solidarité et par le bien commun, ainsi que par la justice sociale qui y est liée, et qui trouvent dans le message du Christ et de l'Eglise une source précieuse. La crise et les difficultés dont souffrent actuellement les relations internationales, les Etats, la société et l'économie sont en effet dues, dans une large mesure, au manque de confiance et d'inspiration solidaire adéquate, à la fois créative et dynamique, orientée vers le bien commun, qui conduise à des rapports authentiquement humains d'amitié, de solidarité et de réciprocité également «au sein» de l'activité économique. Le bien commun est la finalité qui donne un sens au progrès et au développement, qui autrement, se limiteraient à la seule production de biens matériels; ceux-ci sont nécessaires, mais sans l'orientation vers le bien commun, finissent par prévaloir le consumisme, le gaspillage, la pauvreté et les déséquilibres; des facteurs négatifs pour le progrès et le développement.

Comme je le soulignais dans l'encyclique Caritas in veritate, l'un des plus grands risques dans le monde actuel est celui qu'«à l'interdépendance déjà réelle entre les hommes et les peuples, ne corresponde pas l'interaction éthique des consciences et des intelligences dont le fruit devrait être l'émergence d'un développement vraiment humain» (n. 9). Une telle interaction, par exemple, apparaît trop faible auprès des gouvernants qui, face à des épisodes renouvelés de spéculations irresponsables à l'égard des pays plus faibles, ne réagissent pas avec des décisions adéquates de gouvernance de la finance. La politique doit avoir le primat sur la finance et l'éthique doit orienter chaque activité.

Sans le point de référence représenté par le bien commun universel, on ne peut pas dire qu'il existe un véritable ethos mondial, ni la volonté correspondante de le vivre, à travers des institutions adéquates. Il est alors décisif que soient identifiés les biens auxquels tous les peuples doivent accéder en vue de leur accomplissement humain. Et ce non pas de n'importe quelle manière, mais de façon ordonnée et harmonieuse. En effet, le bien commun est composé de plusieurs biens: de biens matériels, cognitifs, institutionnels et de biens moraux et spirituels, ces derniers étant supérieurs et les premiers devant leur être subordonnés. L'engagement en vue du bien commun de la famille des peuples, comme pour toute société, signifie donc prendre soin et se servir de l'ensemble des institutions qui structurent juridiquement, civilement, politiquement, et culturellement la vie sociale mondiale, de façon à ce qu'elle prenne la forme d'une pólis, d'une cité de l'homme (cf. ibid., n. 7). C'est pourquoi il faut garantir que l'ordre économique et productif soit socialement responsable et à mesure d'homme, à travers une action commune et unitaire sur plusieurs niveaux, notamment international (cf. ibid., 57.67). De la même manière, il faudra soutenir la consolidation de systèmes constitutionnels, juridiques et administratifs dans les pays qui n'en jouissent pas encore pleinement. A côté des aides économiques, il doit donc y avoir celles qui ont pour but de renforcer les garanties propres de l'Etat de droit, un système d'ordre public juste et efficace, dans le plein respect des droits humains, ainsi que des institutions véritablement démocratiques et participatives (cf. ibid., n. 41).

Ce qui, toutefois, est fondamental et prioritaire, en vue du développement de toute la famille des peuples, est de chercher à reconnaître la véritable échelle des biens-valeurs. Ce n'est que grâce à une correcte hiérarchie des biens humains qu'il est possible de comprendre quel type de développement doit être promu. Le développement intégral des peuples, objectif central du bien commun universel, n'est pas seulement réalisé à travers la diffusion de l'entreprenariat (cf. ibid.), des biens matériels et cognitifs, comme le logement et l'instruction, des choix disponibles. Celui-ci est réalisé en particulier par l'augmentation des bons choix qui sont possibles lorsqu'existe la notion d'un bien commun intégral, lorsqu'existe un telos, une fin, à la lumière de laquelle le développement est pensé et voulu. La notion de développement humain intégral présuppose des coordonnées précises, telles que la subsidiarité et la solidarité, ainsi que l'interdépendance entre l'Etat, la société et le marché. Dans une société mondiale composée par une multitude de peuples et de religions diverses, le bien commun et le développement intégral doivent être poursuivis avec la contribution de tous. En cela, les religions sont décisives, en particulier lorsqu'elles enseignent la fraternité et la paix, car elles éduquent à laisser une place à Dieu, à être ouverts au transcendant, dans nos sociétés marquées par la sécularisation. L'exclusion des religions du domaine public, comme, par ailleurs, le fondamentalisme religieux, empêchent la rencontre entre les personnes et leur collaboration en vue du progrès de l'humanité; la vie de la société s'appauvrit de motivations et la politique prend un visage opprimant et agressif (cf. ibid., n. 56).

Chers amis, la vision chrétienne du développement, du progrès et du bien commun, comme elle apparaît dans la doctrine sociale de l'Eglise, répond aux attentes les plus profondes de l'homme et votre engagement en vue de l'approfondir et de la diffuser représente une contribution précieuse pour édifier la «civilisation de l'amour». C'est pourquoi je vous assure de ma reconnaissance et de mes voeux, et je vous bénis tous de tout coeur.






À S.E. M. COMLANVI THÉODORE LOKO, NOUVEL AMBASSADEUR DU BÉNIN PRÈS LE SAINT-SIÈGE Vendredi 28 mai 2010

Monsieur l’Ambassadeur,

1127 c’est avec plaisir que je vous accueille au début de votre mission près le Saint-Siège et je vous remercie pour les paroles courtoises que vous venez de m’adresser. Je vous saurais gré en retour de bien vouloir transmettre à Son Excellence Monsieur Thomas Boni Yayi, dont je n’oublie pas la visite, les voeux que je forme pour sa personne et pour l’accomplissement de sa haute mission au service du peuple béninois. Vous le remercierez aussi d’avoir voulu que le Bénin ait un Ambassadeur près le Saint-Siège résidant à Rome. J’apprécie ce geste qui souligne l’excellence des relations qui existent entre la République du Bénin et le Saint-Siège et la grande considération que porte le peuple béninois à l’Eglise catholique. Mes voeux vont également au Gouvernement et aux autres Autorités de votre pays et à tous les Béninois.

Dans votre discours, vous venez d’évoquer le regretté Cardinal Bernardin Gantin. Décédé il y a deux ans déjà, cet homme d’Eglise remarquable n’a pas été uniquement un noble fils de votre nation, mais également un authentique constructeur de ponts entre les cultures et les continents. Je suis certain que sa figure sera un exemple pour de nombreux Béninois, en particulier pour les plus jeunes. Son ministère ecclésial, quant à lui, stimulera les hommes et les femmes d’Eglise à accomplir un service généreux et toujours plus compétent pour le plus grand bien de votre cher pays, qui fêtera l’an prochain le 150e anniversaire de son évangélisation.

Il y a vingt ans, en février 1990, s’est réunie la Conférence des Forces vives de la Nation. Cet événement majeur – qui n’était pas uniquement politique, mais témoignait également de la relation intime entre la foi et son expression dans la vie publique du Bénin – a déterminé votre avenir et continue d’inspirer votre présent. Je demande à Dieu de bénir les efforts de tous ceux qui travaillent à l’édification d’une société érigée sur la justice et la paix, dans la reconnaissance des droits de toutes les composantes de la nation. La réalisation d’un tel idéal nécessite l’union fraternelle, l’amour de la justice et la valorisation du travail.

Protagonistes de leur propre destin, les Béninois sont invités à promouvoir une authentique fraternité. Celle-ci est une condition primordiale pour la paix sociale et un facteur de promotion humaine intégrale. Elle est une perle précieuse qu’il faut savoir conserver et cultiver en bannissant les divisions qui peuvent porter atteinte à l’unité de la nation et à l’harmonie au sein même des familles. Face à de telles déstabilisations possibles, les valeurs puisées dans votre patrimoine culturel seront une aide précieuse pour affermir leur identité et leur vocation propre. Parmi ces valeurs, je voudrais souligner particulièrement le respect du caractère sacré de la vie, dont il est nécessaire de tirer les conséquences face à tout ce qui y porte atteinte, notamment dans le cadre des législations. Expression concrète de l’égale dignité de tous les citoyens, la fraternité est un principe fondamental et une vertu basilaire pour réaliser une société authentiquement épanouie, car elle permet de valoriser toutes les potentialités humaines et spirituelles. La fraternité doit aussi conduire à la recherche de la justice dont l’absence est toujours cause de tensions sociales et entraine de nombreuses conséquences néfastes. « La paix est en danger quand l’homme se voit nier ce qui lui est dû en tant qu’homme, quand sa dignité n’est pas respectée et quand la coexistence n’est pas orientée vers le bien commun » (Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, n. 494).

La recherche de l’intérêt personnel au détriment du bien commun sont un mal qui ronge lentement les institutions publiques, freinant ainsi le développement intégral de l’être humain. Les acteurs politiques, économiques et sociaux d’une nation sont comme sa ‘conscience vigilante’ qui garantit la transparence dans ses structures et l’éthique qui anime la vie de toute société. Ils doivent être justes. La justice accompagne toujours la fraternité. Elle constitue un facteur d’efficacité et d’équilibre social permettant aux Béninois de participer aux ressources humaines et naturelles, de vivre dignement et d’assurer l’avenir de leurs enfants.

Dans le développement d’une société, le travail tient une place de premier ordre. En effet, il est co-existentiel à la condition humaine (cf. idem, n. 256), car l’être humain se réalise pleinement par son travail. L’amour du travail l’ennoblit et crée une vraie symbiose entre les personnes, ainsi qu’entre l’être humain et les autres éléments de la création. En mettant en valeur le travail, l’homme peut pourvoir à ses besoins vitaux et peut contribuer à la construction d’une société prospère, juste et fraternelle. La devise du Bénin, Fraternité – Justice – Travail, est donc comme un véritable compendium de la charte d’une nation aux idéaux hautement humains. Leur mise en oeuvre contribue aussi à élargir la solidarité aux autres nations. À cet égard, je désire adresser mes remerciements à tous les Béninois pour la fraternité active qu’ils ont démontrée pour le peuple haïtien lors du récent tremblement de terre.

Je désire saluer chaleureusement, par votre intermédiaire, la communauté catholique du Bénin et ses pasteurs. Je les encourage à être toujours davantage les témoins authentiques de la foi et de l’amour fraternel que le Christ nous enseigne. Je voudrais saluer aussi les efforts de tous, particulièrement des Autorités, pour consolider les relations de respect et d’estime réciproques entre les confessions religieuses de votre pays. La liberté religieuse ne peut que contribuer à enrichir la démocratie et à favoriser le développement.

Au moment où débute votre mission de premier Chef de Mission béninois, résidant à Rome, accrédité près le Saint-Siège, je vous offre, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs, vous assurant de la pleine disponibilité de mes collaborateurs pour vous apporter toute l’aide dont vous pourrez avoir besoin en vous acquittant de votre fonction. Je demande à Dieu de soutenir le peuple béninois et, bien volontiers, je vous accorde la Bénédiction apostolique, ainsi qu’à vos collaborateurs et à vos proches.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES MIGRANTS ET DES PERSONNES EN DÉPLACEMENT Salle Clémentine Vendredi 28 mai 2010


Messieurs les cardinaux,
1128 vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

C'est avec une grande joie que je vous accueille, à l'occasion de l'assemblée plénière du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement. Je salue le président du dicastère, S.Exc. Mgr Antonio Maria Vegliò, que je remercie pour ses paroles cordiales, ainsi que le secrétaire, les membres, les consulteurs et les officiers. J'adresse à tous mes voeux de travail fructueux.

Vous avez choisi comme thème pour cette assemblée: «La pastorale de la mobilité humaine aujourd'hui, dans le cadre de la coresponsabilité des Etats et des Organisations internationales». La circulation des personnes fait depuis longtemps l'objet de conventions internationales, qui visent à garantir la protection des droits humains fondamentaux et à combattre la discrimination, la xénophobie et l'intolérance. Il s'agit de documents qui fournissent des principes et des instruments de protection supranationaux.

Il convient d'apprécier l'effort d'instaurer un système de normes communes relatives aux droits et aux devoirs des étrangers, ainsi qu'à ceux des communautés d'accueil, en tenant compte, en premier lieu, de la dignité de toute personne humaine, créée par Dieu à son image et ressemblance (cf. Gn
Gn 1,26). Bien sûr, l'acquisition de droits va de pair avec l'acceptation de devoirs. Tous, en effet, bénéficient de droits et de devoirs non arbitraires, car ils découlent de la nature humaine elle-même, comme l'affirme l'encyclique Pacem in terris du bienheureux Jean XXIII : «Tout être humain est une personne, c'est-à-dire une nature douée d'intelligence et de volonté libre. Par là-même il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature: aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables» (n. 5). La responsabilité des Etats et des Organisations internationales, s'exerce donc de façon spéciale dans l'engagement en vue d'influencer les questions qui, à l'exception des compétences propres au législateur national, concernent la famille des peuples tout entière, et exigent une concertation entre les gouvernements et les organismes plus directement concernés. Je pense aux problématiques telles que l'entrée ou l'éloignement forcé de l'étranger, l'usage des biens de la nature, de la culture et de l'art, de la science et de la technique, qui doit être accessible à tous. Il ne faut pas non plus oublier le rôle important de médiation afin que les lois nationales et les résolutions internationales qui promeuvent le bien commun universel, trouvent un accueil auprès des instances locales et se répercutent dans la vie quotidienne.

Dans ce contexte, les réglementations au niveau national et international, qui promeuvent le bien commun et le respect de la personne, encouragent l'espérance et les efforts en vue d'atteindre un ordre social mondial fondé sur la paix, sur la fraternité et sur la coopération de tous, en dépit de la phase critique que traversent actuellement les institutions internationales, engagées à résoudre les questions cruciales de la sécurité et du développement au bénéfice de tous. Il est vrai que, malheureusement, nous assistons à la réapparition de phénomènes très particuliers dans certaines régions du monde, mais il est également vrai qu'il existe des réticences à assumer des responsabilités qui devraient être partagées. En outre, le désir de nombreuses personnes d'abattre les murs qui divisent et d'établir de larges ententes, notamment à travers des dispositions législatives et des pratiques administratives, qui favorisent l'intégration, l'échange mutuel et l'enrichissement réciproque est encore bien vivant. En effet, des perspectives de coexistence entre les peuples peuvent être offertes à travers des lignes réfléchies et concertées pour l'accueil et l'intégration, en permettant des occasions d'entrée légales, en favorisant le juste droit à la réunion des familles, à l'asile et au refuge, en compensant les nécessaires mesures restrictives et en luttant contre la plaie de la traite des personnes. C'est précisément là que les diverses organisations à caractère international, en coopération entre elles et avec les Etats, peuvent apporter leur contribution particulière pour concilier, à travers diverses modalités, la reconnaissance des droits de la personne et le principe de souveraineté nationale, avec une référence spécifique aux exigences de la sécurité, de l'ordre public et du contrôle des frontières.

Les droits fondamentaux de la personne peuvent être le point central de l'engagement de coresponsabilité des institutions nationales et internationales. De plus, celui-ci est étroitement lié à l'«ouverture à la vie qui est au centre du vrai développement», comme je l'ai répété dans l'encyclique Caritas in veritate (cf. n. 28), où j'ai également lancé un appel aux Etats afin qu'ils promeuvent des politiques en faveur du caractère central et de l'intégrité de la famille (cf. ibid., n. 44). D'autre part, il est évident que l'ouverture à la vie et les droits de la famille doivent être réitérés dans les divers contextes, car «dans une société en voie de mondialisation, le bien commun et l'engagement en sa faveur ne peuvent pas ne pas assumer les dimensions de la famille humaine tout entière, c'est-à-dire de la communauté des peuples et des nations» (ibid., n. 7). L'avenir de nos sociétés repose sur la rencontre entre les peuples, sur le dialogue entre les cultures dans le respect des identités et des différences légitimes. Dans ce contexte, la famille conserve son rôle fondamental. C'est pourquoi, l'Eglise, avec l'annonce de l'Evangile du Christ dans tous les secteurs de l'existence, réalise «l'engagement... en faveur non seulement de l'individu qui migre, mais aussi de sa famille, lieu et ressource de la culture de la vie et facteur d'intégration des valeurs», comme je l'ai affirmé dans le Message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2006 (cf. ORLF n. 47 du 21 novembre 2006).

Chers frères et soeurs, c'est à vous également qu'il revient de sensibiliser à des formes de coresponsabilité des Organisations qui se consacrent au monde des migrants et des personnes en déplacement. Ce secteur pastoral est lié à un phénomène en constante expansion et votre rôle devra donc se traduire en réponses concrètes de proximité et d'accompagnement pastoral des personnes, en tenant compte des diverses situations locales. J'invoque sur chacun de vous la lumière de l'Esprit Saint et la protection maternelle de la Vierge, en renouvelant mes remerciements pour le service que vous rendez à l'Eglise et à la société. Que l'inspiration du bienheureux Giovanni Battista Scalabrini, appelé «Père des migrants» par le vénérable Jean-Paul II, et dont nous commémorerons le 105e anniversaire de la naissance au ciel le 1er juin prochain, illumine votre action en faveur des migrants et des personnes en déplacement et vous pousse à une charité toujours plus attentive, qui leur témoigne l'amour indéfectible de Dieu. Pour ma part, je vous assure de ma prière, tandis que je vous bénis de tout coeur.


AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE DES DIOCÈSES DES MARCHES EN ITALIE POUR LE IV CENTENAIRE DE LA MORT DE MATTEO RICCI Salle Paul VI Samedi 29 mai 2010

1129 Monsieur le cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat
et dans le sacerdoce,
éminentes autorités,
chers frères et soeurs,

Je suis heureux de vous rencontrer pour commémorer le iv centenaire de la mort du père Matteo Ricci, s.j. Je salue fraternellement l'évêque de Macerata-Tolentino-Recanati-Cingoli-Treia, Mgr Claudio Giuliodori, qui est à la tête de ce pèlerinage aux nombreux participants. Je salue avec lui les confrères de la conférence épiscopale des Marches et leurs diocèses respectifs, les autorités civiles, militaires et académiques; les prêtres, les séminaristes et les étudiants, ainsi que les Pueri Cantores. Macerata est fière d'un citoyen, d'un religieux et d'un prêtre aussi illustre! Je salue les membres de la Compagnie de Jésus, dont faisait partie le père Ricci, notamment le préposé général, le père Adolfo Nicolás, leurs amis et collaborateurs et les institutions éducatives qui leur sont liées. Une pensée aussi pour tous les Chinois. [Le Saint-Père salue les pèlerins en chinois]: bonjour!

Le 11 mai 1610, à Pékin, s'achevait la vie terrestre de ce grand missionnaire, acteur de premier plan de l'annonce de l'Evangile en Chine à l'époque moderne après la première évangélisation de l'archevêque Giovanni da Montecorvino. De l'estime dont il était entouré dans la capitale chinoise et au sein même de la cour impériale témoigne le privilège extraordinaire qui lui fut accordé, impensable pour un étranger, d'être enterré en terre chinoise. Encore aujourd'hui, il est possible de vénérer sa tombe à Pékin, restaurée dans ce but par les autorités locales. Les multiples initiatives promues en Europe et en Chine pour honorer le père Ricci, montrent le vif intérêt que son oeuvre continue de rencontrer dans l'Eglise et dans des milieux culturels différents.

L'histoire des missions catholiques compte des figures de grande stature par le zèle et le courage d'apporter le Christ dans des terres nouvelles et lointaines, mais le père Ricci est un cas particulier d'heureuse synthèse entre l'annonce de l'Evangile et le dialogue avec la culture du peuple à laquelle on l'apporte, un exemple d'équilibre entre clarté doctrinale et prudente action pastorale. Non seulement l'apprentissage profond de la langue, mais aussi l'adoption du style de vie et des usages des classes cultivées chinoises, fruit de l'étude et d'un exercice patient et clairvoyant, firent en sorte que le père Ricci fût accepté par les Chinois avec respect et estime, non plus comme un étranger, mais comme le "Maître du grand Occident". Dans le "Musée du Millénaire" de Pékin, seuls deux étrangers sont rappelés parmi les grands de l'histoire de la Chine: Marco Polo et le père Matteo Ricci.

L'oeuvre de ce missionnaire présente deux versants qu'il ne faut pas séparer: l'inculturation chinoise de l'annonce évangélique et la présentation à la Chine de la culture et de la science occidentales. Souvent les aspects scientifiques ont suscité un plus grand intérêt, mais il ne faut pas oublier la perspective dans laquelle le père Ricci est entré en relation avec le monde et la culture chinois: un humanisme qui considère la personne insérée dans son contexte, en cultive les valeurs morales et spirituelles, en saisissant tout ce que l'on trouve de positif dans la tradition chinoise et en offrant de l'enrichir avec la contribution de la culture occidentale mais, surtout, avec la sagesse et la vérité du Christ. Le père Ricci ne se rend pas en Chine pour y porter la science et la culture occidentale, mais pour y porter l'Evangile, pour faire connaître Dieu. Il écrit: "Pendant plus de vingt ans chaque matin et chaque soir, j'ai prié en larmes vers le Ciel. Je sais que le Seigneur du ciel a pitié des créatures vivantes et les pardonne [...]. La vérité sur le Seigneur du ciel est déjà dans les coeurs des hommes. Mais les êtres humains ne la comprennent pas immédiatement et, par ailleurs, ils ne sont pas enclins à réfléchir sur une semblable question" (Il vero significato del "Signore del Cielo", Rome, 2006,
PP 69-70). Et c'est précisément alors qu'il apporte l'Evangile que le père Ricci trouve chez ses interlocuteurs la question d'une confrontation plus vaste, si bien que la rencontre motivée par la foi, devient également dialogue entre les cultures; un dialogue désintéressé, libéré de visées de pouvoir économique ou politique, vécu dans l'amitié, qui fait de l'oeuvre du père Ricci et de ses disciples l'un points les plus hauts et heureux de la relation entre la Chine et l'Occident. A cet égard, le "Traité de l'amitié" (1595), l'une de ses premières oeuvres et la plus connue en chinois, est éloquent. Dans la pensée et dans l'enseignement du père Ricci, science, raison et foi trouvent une synthèse naturelle: "Qui connaît le ciel et la terre - écrit-il dans la préface à la troisième édition de la mappemonde - peut trouver que celui qui gouverne le ciel et la terre est absolument bon, absolument grand et absolument unique. Les ignorants rejettent le Ciel, mais la science qui ne remonte pas à l'Empereur du Ciel comme à sa cause première n'est en rien science".

L'admiration pour le père Ricci ne doit pas, toutefois, faire oublier le rôle et l'influence de ses interlocuteurs chinois. Les choix qu'il a faits ne dépendaient pas d'une stratégie abstraite d'inculturation de la foi, mais de l'ensemble des événements, des rencontres et des expériences qu'il faisait, si bien que ce qu'il a pu réaliser l'a également été grâce à la rencontre avec les Chinois; une rencontre avec plusieurs amis et disciples, en particulier les quatre célèbres convertis, "piliers de l'Eglise chinoise naissante". Le premier et le plus connu d'entre eux est Xu Guangqi, natif de Shangai, lettré et scientifique, mathématicien, astronome, agronome, arrivés aux plus hauts échelons de la bureaucratie impériale, un homme intègre, de foi et vie chrétienne profondes, consacré au service de son pays, et qui occupe un poste important dans l'histoire de la culture chinoise. C'est lui par exemple qui convainc et aide le père Ricci à traduire en chinois les "Eléments" d'Euclide, une oeuvre fondamentale de la géométrie, ou à obtenir que l'Empereur confie aux astronomes jésuites la réforme du calendrier chinois. De même que c'est un autre des érudits chinois convertis au christianisme - Li Zhizao - qui aide le père Ricci dans la réalisation des dernières éditions, les plus développées, de la mappemonde, qui allait donner aux Chinois une nouvelle image du monde. Il décrivait le père Ricci en ces termes: "J'ai cru qu'il était un homme singulier parce qu'il vit dans le célibat, ne court pas après les charges, parle peu, a une conduite réglée et ce tous les jours, il cultive la vertu à l'abri des regards et sert Dieu continuellement". Il est donc juste d'associer le père Matteo Ricci également à ses grands amis chinois, qui partagèrent avec lui l'expérience de la foi.

Chers frères et soeurs, que le souvenir de ces hommes de Dieu consacrés à l'Evangile et à l'Eglise, leur exemple de fidélité au Christ, le profond amour envers le peuple chinois, l'engagement d'intelligence et d'étude, leur vie vertueuse, soient l'occasion d'une prière pour l'Eglise en Chine et pour tout le peuple chinois, comme nous le faisons chaque année, le 24 mai, en nous adressant à la Très Sainte Vierge Marie, vénérée dans le célèbre sanctuaire de Sheshan à Shangai; et qu'ils soient également une source d'élan et d'encouragement à vivre avec intensité la foi chrétienne, dans le dialogue avec les différentes cultures, mais dans la certitude que dans le Christ se réalise le véritable humanisme, ouvert à Dieu, riche de valeurs morales et spirituelles et capable de répondre aux désirs les plus profonds de l'esprit humain. Moi aussi, comme le père Matteo Ricci, j'exprime aujourd'hui ma profonde estime au noble peuple chinois et à sa culture millénaire, convaincu que leur rencontre renouvelée avec le christianisme apportera des fruits abondants de bien, comme il favorisa à l'époque une coexistence pacifique entre les peuples. Merci.





Discours 2005-2013 21520