Discours 2005-2013 31510

CONCLUSION DU MOIS DE MARIE Grotte de Lourdes dans les Jardins du Vatican Lundi 31 mai 2010

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Chers frères et soeurs!

C'est avec une grande joie que je m'unis à vous, au terme de cette traditionnelle rencontre de prière, qui conclut le mois de mai au Vatican. En référence à la liturgie d'aujourd'hui, nous voulons contempler la Très Sainte Vierge Marie dans le mystère de sa Visitation. Dans la Vierge Marie qui va rendre visite à sa parente Elisabeth, nous reconnaissons l'exemple le plus limpide et la signification la plus véritable de notre chemin de croyants et du chemin de l'Eglise elle-même. L'Eglise est de par sa nature missionnaire, elle est appelée à annoncer l'Evangile partout et toujours, à transmettre la foi à chaque homme et à chaque femme et dans chaque culture.

« En ces jours-là Marie partit et se rendit en hâte vers la région montagneuse, dans une ville de Juda » (
Lc 1,39). Le voyage de Marie est un authentique voyage missionnaire. C'est un voyage qui la conduit loin de chez elle, qui la pousse dans le monde, dans des lieux différents de ses habitudes quotidiennes, qui la fait arriver, dans un certain sens, jusqu'aux limites qu'elle peut atteindre. C'est précisément là, pour nous aussi, que réside le secret de notre vie d'hommes et de chrétiens. En tant que chrétiens et en tant qu'Eglise, notre existence est une existence projetée en dehors de nous. Comme cela était déjà arrivé à Abraham, il nous a été demandé de sortir de nous-mêmes, des lieux de nos sécurités, pour aller vers les autres, dans des lieux et des milieux divers. C'est le Seigneur qui nous le demande: « Mais vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins... jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). Et c'est toujours le Seigneur qui, sur ce chemin, place à nos côtés Marie comme compagne de voyage et mère attentive. Elle nous rassure, car elle nous rappelle qu'avec nous, il y a toujours son Fils Jésus, selon ce qu'il a promis: « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20).

L'évangéliste souligne que « Marie demeura avec elle (sa parente Elisabeth) environ trois mois » (Lc 1,56). Ces simples paroles révèlent le but le plus immédiat du voyage de Marie. Elle avait su de l'Ange qu'Elisabeth attendait un fils et qu'elle en était déjà à son sixième mois (cf. Lc 1,36). Mais Elisabeth était âgée et la proximité de Marie, encore très jeune, pouvait lui être utile. C'est pourquoi Marie la rejoint et reste avec elle environ trois mois, pour lui offrir la proximité affectueuse, l'aide concrète et tous les services quotidiens dont elle avait besoin. Elisabeth devient ainsi le symbole de nombreuses personnes âgées et malades, et même de toutes les personnes qui ont besoin d'aide et d'amour. Et combien elles sont nombreuses également aujourd'hui dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villes! Et Marie – qui s'était définie « la servante du Seigneur » (Lc 1,38) – devient servante des hommes. Plus précisément, elle sert le Seigneur qu'elle rencontre dans ses frères.

Toutefois, la charité de Marie ne s'arrête pas à l'aide concrète, mais atteint son sommet dans le don de Jésus lui-même, dans le fait de « le faire rencontrer ». C'est saint Luc encore qui le souligne: « Et il advint, dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l'enfant tressaillit dans son sein » (Lc 1,44). Nous nous trouvons ainsi au coeur et au sommet de la mission évangélisatrice. Nous nous trouvons face à la signification la plus véritable et à l'objectif le plus authentique de chaque chemin missionnaire: donner aux hommes l'Evangile vivant et personnel, qui est le même Seigneur Jésus. Et la communication de Jésus est un don – comme l'atteste Elisabeth – qui remplit le coeur de joie: « Car vois-tu, dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein » (Lc 1,44). Jésus est le véritable et unique trésor que nous avons à donner à l'humanité. C'est de Lui que les hommes et les femmes de notre époque ont une profonde nostalgie, même lorsqu'ils semblent l'ignorer ou le rejeter. C'est de Lui qu'ont un grand besoin la société dans laquelle nous vivons, l'Europe, le monde entier.

C'est à nous qu'est confiée cette responsabilité extraordinaire. Vivons-la avec joie et avec engagement, afin que notre civilisation soit véritablement une civilisation où règnent la vérité, la justice, la liberté et l'amour, piliers fondamentaux et irremplaçables d'une véritable coexistence ordonnée et pacifique. Nous vivons cette responsabilité en demeurant assidus dans l'écoute de la Parole de Dieu, dans l'union fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières (cf. Ac Ac 2,42). Que ce soit cette grâce qu'ensemble, nous demandons ce soir à la Très Sainte Vierge. Je vous donne à tous ma Bénédiction.



VOYAGE APOSTOLIQUE À CHYPRE(4-6 JUIN 2010)


ENTRETIEN ACCORDÉ AUX JOURNALISTES AU COURS DU VOL VERS CHYPRE Vol Papal Vendredi 4 juin 2010

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Père Federico Lombardi: Votre Sainteté, nous vous remercions d'être avec nous, comme à chaque voyage, et de nous offrir votre parole pour guider notre attention en ces jours, qui seront si intenses. La première question revêt malheureusement un caractère obligatoire, en raison de l'événement qui nous a frappés si douloureusement hier, l'assassinat de Mgr Padovese, et qui a été pour vous un motif de profonde douleur. C'est pourquoi, au nom de tous mes collègues, je voulais vous demander de nous dire quelques mots sur la façon dont vous avez accueilli cette nouvelle et dont vous vivez le début de votre voyage à Chypre dans ce climat.

Saint-Père: Naturellement, je suis profondément attristé par la mort de Mgr Padovese, qui a également beaucoup contribué à la préparation du synode; il a apporté sa collaboration et il aurait été un élément très précieux pour ce synode. Nous confions son âme à la bonté du Seigneur. Toutefois, cette ombre n'a rien à voir avec les thèmes mêmes ou avec la réalité du voyage, car nous ne devons pas attribuer ce fait à la Turquie ou aux Turcs. C'est un fait à propos duquel nous disposons de peu d'informations. Ce qui est certain, c'est qu'il ne s'agit pas d'un assassinat politique ou religieux; il s'agit d'une affaire personnelle. Nous attendons encore tous les éclaircissements mais nous ne voulons pas en ce moment mélanger cette situation tragique avec le dialogue avec l'islam et avec toutes les questions liées à notre voyage. C'est un cas à part, qui nous attriste, mais qui ne devrait en aucune façon entacher le dialogue, sous tous ses aspects, qui sera le thème et l'objectif de ce voyage.

Père Federico Lombardi: Votre Sainteté, Chypre est une terre divisée. Vous ne vous rendrez pas dans la partie nord, occupée par les Turcs. Avez-vous un message pour les habitants de cette région? Comment pensez-vous que votre visite puisse contribuer à résoudre la distance qui sépare la partie grecque de la partie turque, et à avancer vers une solution de coexistence pacifique, dans le respect de la liberté religieuse, du patrimoine spirituel et culturel des diverses communautés?

Saint-Père: Ce voyage à Chypre représente, sous de nombreux aspects, la continuation du voyage que j'ai accompli l'an dernier en Terre Sainte et également du voyage à Malte de cette année. Le voyage en Terre Sainte était composé de trois parties: la Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens. Dans les trois cas, il s'agissait d'un voyage pastoral, religieux, il ne s'agissait pas d'un voyage politique ou touristique. Le thème fondamental était la paix du Christ, qui doit être une paix universelle dans le monde. Le thème était donc, d'une part, l'annonce de notre foi, le témoignage de la foi, le pèlerinage sur ces lieux qui témoignent de la vie du Christ et de toute l'histoire sainte; et, de l'autre, la responsabilité commune de tous ceux qui croient en un Dieu créateur du ciel et de la terre, en un Dieu à l'image duquel nous avons été créés. Malte et Chypre ajoutent avec force le thème de saint Paul, grand croyant, évangélisateur, et également saint Barnabé, qui est chypriote, et qui a ouvert la voie à la mission de saint Paul. Le témoignage de notre foi en l'unique Dieu, le dialogue et la paix sont donc les thèmes de fond. La paix doit être considérée dans un sens très profond; il ne s'agit pas d'un ajout politique à notre activité religieuse, mais la paix est une parole qui vient du coeur de la foi, elle réside dans le coeur de l'enseignement de saint Paul; nous pensons à la Lettre aux Ephésiens, où l'on dit que le Christ a apporté la paix, a détruit les murs d'inimitié. Cela demeure un mandat permanent, et ainsi, je ne viens pas avec un message politique, mais avec un message religieux, qui devrait préparer davantage les âmes à trouver l'ouverture à la paix. Ce ne sont pas des choses qui arrivent d'un jour à l'autre, mais il est très important non seulement d'accomplir les pas politiques nécessaires, mais également et surtout, de préparer les âmes à être capables d'accomplir les pas politiques nécessaires, de créer l'ouverture intérieure à la paix, qui, à la fin, vient de la foi en Dieu et de la conviction que nous sommes tous fils de Dieu et frères et soeurs entre nous.

Père Federico Lombardi: Vous vous rendez au Moyen-Orient peu de temps après l'attaque israélienne contre la flottille devant Gaza, qui a aggravé les tensions autour du processus de paix déjà difficile. De quelle façon pensez-vous que le Saint-Siège puisse contribuer à surmonter ce moment difficile pour le Moyen-Orient?

Saint-Père: Je dirais que nous contribuons surtout de façon religieuse. Nous pouvons également aider à travers les conseils politiques et stratégiques, mais le travail essentiel du Vatican est toujours d'ordre religieux, touche le coeur. Avec tous les épisodes que nous vivons, il y a toujours le danger que l'on perde patience, que l'on dise "maintenant cela suffit", et que l'on ne veuille plus rechercher la paix. Et ici me vient à l'esprit, en cette Année sacerdotale, une belle histoire du curé d'Ars. Aux personnes qui lui disaient: "Il ne sert à rien que j'aille à la confession et à l'absolution aujourd'hui, car après-demain, je suis certain de retomber dans les mêmes péchés", le curé d'Ars répondait: cela ne fait rien, le Seigneur oublie volontairement qu'après-demain, tu commettras les mêmes péchés, il te pardonne à présent complètement, il sera patient et continuera de t'aider, et d'aller à ta rencontre. Ainsi, nous devons en quelque sort imiter Dieu et sa patience. Après tous les cas de violence, ne pas perdre patience, ne pas perdre courage, ne pas perdre la générosité de recommencer; créer cette disposition du coeur de recommencer toujours à nouveau, dans la certitude que nous pouvons aller de l'avant, que nous pouvons parvenir à la paix, que la solution n'est pas la violence, mais la patience du bien. Créer cette disposition me semble le travail principal que le Vatican, ses organes et le Pape puissent faire.

Père Federico Lombardi: Votre Sainteté, le dialogue avec les orthodoxes a accompli de nombreux progrès du point de vue culturel, spirituel, et de la vie. A l'occasion du récent concert qui vous a été offert par le patriarche de Moscou, l'on a ressenti une profonde harmonie entre orthodoxes et catholiques face aux défis lancés au christianisme en Europe par la sécularisation. Quelle est votre position sur le dialogue, notamment du point de vue plus spécifiquement théologique?

Saint-Père: Je voudrais avant tout souligner les grands progrès que nous avons accomplis dans le témoignage commun des valeurs chrétiennes dans le monde sécularisé. Il ne s'agit pas uniquement d'une coalition - disons - morale, politique, mais il s'agit véritablement de quelque chose de profondément lié à la foi, car les valeurs fondamentales pour lesquelles nous vivons dans ce monde sécularisé ne sont pas des moralismes, mais sont la physionomie fondamentale de la foi chrétienne. Lorsque nous sommes capables ensemble de témoigner de ces valeurs, de nous engager dans le dialogue, dans le débat de ce monde, dans le débat pour vivre ces valeurs, nous apportons déjà un témoignage fondamental d'une unité très profonde de la foi. Naturellement, il existe également de nombreux problèmes théologiques, mais ici aussi, les éléments d'unité sont forts. Je voudrais indiquer trois éléments qui nous lient, qui nous voient toujours plus proches, qui nous rendent toujours plus proches. En premier lieu, l'Ecriture, la Bible, n'est pas un livre tombé du ciel, qui est là à présent et que tout le monde utilise, mais c'est un livre qui a mûri dans le peuple de Dieu et qui vit dans ce sujet commun du peuple de Dieu et qui seulement en lui demeure toujours présent et réel, c'est-à-dire que la Bible ne peut pas être isolée, mais la Bible réside dans le lien entre tradition et Eglise. Cette conscience est fondamentale et appartient au fondement de l'orthodoxie et du catholicisme et nous offre une voie commune. En deuxième lieu, nous disons: la tradition, qui nous interprète, qui nous ouvre la voie à l'Ecriture, possède également une forme institutionnelle, sacrée, sacramentelle, voulue par le Seigneur, c'est-à-dire l'épiscopat; elle possède une forme personnelle: c'est-à-dire que le collège des évêques est à la fois témoin et présence de cette tradition. Et, en troisième lieu, ce que l'on appelle la regula fidei, c'est-à-dire la confession de la foi élaborée par les anciens Conciles est la somme de ce qui se trouve dans l'Ecriture et qui ouvre la "porte" de l'interprétation. Il existe ensuite d'autres éléments: la liturgie, l'amour commun pour la Vierge nous lient profondément, et il devient toujours plus clair pour nous qu'ils représentent les fondements de la vie chrétienne. Nous devons être davantage conscients et approfondir également les détails, mais il me semble que même si les cultures différentes, les situations différentes ont suscité des malentendus et des difficultés, nous grandissons dans la conscience de l'essentiel et de l'unité de l'essentiel. Je voudrais ajouter que, naturellement ce n'est pas la discussion théologique qui crée en soi l'unité; il s'agit d'une dimension importante, mais toute la vie chrétienne, la connaissance réciproque, l'expérience de la fraternité, apprendre, en dépit de l'expérience du passé, cette fraternité commune, sont des processus qui exigent également une grande patience. Mais il me semble que nous sommes précisément en train d'apprendre la patience, tout comme l'amour, et avec toutes les dimensions du dialogue théologique, nous allons de l'avant, laissant au Seigneur le soin de décider du moment où il nous donnera l'unité parfaite.

Père Federico Lombardi: L'un des objectifs de ce voyage est la remise du document de travail du synode des évêques pour le Moyen-Orient. Quelles sont vos attentes et vos espérances principales en ce qui concerne ce synode, pour les communautés chrétiennes et également pour les croyants d'autres confessions dans cette région?

Saint-Père: Le premier point important est que divers évêques et chefs d'Eglises se rencontrent ici, car nous avons de nombreuses Eglises - divers rites sont présents dans divers pays, dans des situations diverses - et ils apparaissent souvent isolés, ils disposent également souvent de peu d'informations sur l'autre; se voir, se rencontrer, et ainsi prendre conscience l'un de l'autre, des problèmes, des différences et des situations communes, se former ensemble un jugement sur la situation, sur le chemin à prendre. Cette communion concrète de dialogue et de vie est un premier point. Un second point est également la visibilité de ces Eglises, c'est-à-dire le fait que l'on voit dans le monde qu'il y a une chrétienté importante et antique au Moyen-Orient, qui souvent ne se voit pas, et que cette visibilité nous aide également à nous rapprocher d'eux, à approfondir notre connaissance réciproque, à apprendre les uns des autres, à nous aider, et à aider ainsi également les chrétiens du Moyen-Orient à ne pas perdre l'espérance, à rester, même si les conditions sont parfois difficiles. Ainsi, - et c'est le troisième point - dans le dialogue entre eux, ils s'ouvrent également au dialogue avec les autres chrétiens orthodoxes, arméniens, etc, et ainsi croît une conscience commune de la responsabilité chrétienne et également une capacité commune de dialogue avec les frères musulmans, qui sont nos frères, malgré les différences; et il me semble qu'apparaît également un encouragement, en dépit de tous les problèmes, à poursuivre, à travers une vision commune, le dialogue avec eux. Toutes les tentatives en vue d'une coexistence toujours plus fructueuse et fraternelle sont très importantes. Il s'agit donc d'une rencontre interne de ces chrétiens catholiques du Moyen-Orient dans les divers rites, mais il s'agit également d'une rencontre précisément d'ouverture, de capacité renouvelée et de dialogue, de courage et d'espérance pour l'avenir.



CÉRÉMONIE DE BIENVENUE Aéroport international de Paphos Vendredi 4 juin 2010

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Monsieur le Président,
Béatitude Chrysostomos,
Béatitudes et Excellences,
Illustres Autorités,
Mesdames et Messieurs,

[1] Je vous salue! La paix soit avec vous! C’est un grand plaisir d’être avec vous aujourd’hui.

Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant pour votre aimable invitation à visiter la République de Chypre. Je vous exprime mes salutations cordiales, à Vous, au Gouvernement, aux hommes et aux femmes de cette nation, et je vous remercie pour vos chaleureuses paroles de bienvenue. Je me rappelle aussi avec gratitude votre récente visite au Vatican et j’attends avec plaisir notre rencontre de demain à Nicosie.

Chypre est au carrefour de cultures et de religions, d’histoires anciennes et épiques qui conservent encore un impact important et visible dans la vie de votre pays. Entrée récemment dans l’Union Européenne, la République de Chypre a commencé à percevoir les avantages de posséder des liens économiques et politiques plus étroits avec les autres pays européens. Cette adhésion a déjà permis à votre pays d’accéder à des marchés, à de la technologie et à du savoir-faire. Il est vivement souhaitable que cette appartenance contribue à la prospérité chez vous, et que les autres pays européens puissent, à leur tour, s’enrichir de votre héritage spirituel et culturel qui reflète votre rôle historique, favorisé par votre position entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Puissent l’amour pour votre patrie et pour vos familles, et le désir de vivre en harmonie avec vos voisins sous la protection bienveillante du Dieu tout-puissant, vous inspirer dans vos efforts patients pour résoudre les problèmes restés en suspens que vous partagez avec la Communauté internationale concernant l’avenir de votre île.

En mettant mes pas dans ceux de nos pères communs dans la foi, les saints Paul et Barnabé, je viens parmi vous comme un pèlerin et comme le serviteur des serviteurs de Dieu. Depuis que les Apôtres ont porté le message chrétien sur ces côtes, Chypre a été bénie par un grand héritage chrétien qui a résisté au temps. Je salue, comme un frère dans la foi, Sa Béatitude Chrysostomos II, Archevêque de Nouvelle Justinienne et de tout Chypre; j’attends avec joie de rencontrer bientôt beaucoup de chrétiens de l’Église Orthodoxe de Chypre.

C’est aussi avec impatience que j’attends de pouvoir saluer les autres responsables religieux chypriotes. J’espère pouvoir contribuer au renforcement de nos liens de communion et réaffirmer la nécessité de faire croître davantage la confiance réciproque et l’amitié durable entre ceux qui adorent le Dieu Unique.

Comme Successeur de Pierre, je viens rencontrer d’une manière particulière les Catholiques de Chypre, les affermir dans leur foi (
Lc 22,32) et les encourager à être des chrétiens et des citoyens exemplaires, en jouant pleinement leur rôle dans la société pour le bien de l’Église et de l’État.

Durant mon séjour parmi vous, je remettrai l’Instrumentum laboris, un document de travail pour préparer l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient, qui se réunira prochainement à Rome. Cette Assemblée examinera plusieurs aspects de la présence de l’Église dans cette région et les défis que les catholiques affrontent, parfois dans des circonstances éprouvantes, en exprimant visiblement leur communion au sein de l’Église Catholique et en donnant leur témoignage dans le service de la société et du monde. Chypre est donc un lieu approprié pour lancer la réflexion de l’Église sur la pluri-centenaire Communauté catholique au Moyen-Orient, pour exprimer notre solidarité avec tous les Chrétiens de la région et notre conviction qu’ils ont un rôle irremplaçable à jouer pour la paix et la réconciliation auprès de tous les peuples qui y vivent.

Monsieur le Président, chers amis, par ces réflexions, je confie mon pèlerinage à Marie, Mère de Dieu, et à l’intercession des saints Paul et Barnabé.

[2] Que Dieu bénisse le Peuple chypriote. Que la Sainte Vierge vous protège toujours!




CÉLÉBRATION OECUMÉNIQUE Site archéologique de l’église de Agia Kiriaki Chrysopolitissa, Paphos Vendredi 4 juin 2010

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Chers Frères et Soeurs en Christ,

[1] «À vous grâce et paix en abondance!» (
1P 1,2). Avec beaucoup de joie, je vous salue, vous qui représentez les communautés chrétiennes présentes à Chypre.

Je remercie Sa Béatitude Chrysostomos II pour ses aimables mots de bienvenue, ainsi que Son Éminence Georgios, Métropolite de Paphos, notre hôte, et tous ceux qui ont contribué à rendre cette rencontre possible. Je suis aussi heureux de saluer cordialement les Chrétiens d’autres confessions présents, ainsi que tous les membres des communautés arménienne et luthérienne et anglicane.

C’est vraiment une grâce extraordinaire pour nous de nous trouver ensemble en prière dans cette église d’Agia Kyriakis Chrysopolitissa. Nous venons d’entendre la lecture des Actes des Apôtres qui nous rappelle que Chypre a été la première étape des voyages missionnaires de l’Apôtre Paul (cf. Ac Ac 12,1-4). Mis à part par l’Esprit Saint, Paul ainsi que Barnabé, natif de Chypre, et Marc, le futur Évangéliste, arrivèrent les premiers à Salamine (de Chypre), où ils commencèrent à proclamer la Parole de Dieu dans les synagogues. Après avoir traversé l’île, ils arrivèrent à Paphos où tout près de cet endroit, ils prêchèrent en présence du proconsul romain Sergius Paulus. Ainsi, c’est à partir de ce lieu que le message de l’Évangile commença à se répandre à travers l’Empire, et l’Église, encouragée par la prédication des Apôtres, parvint à s’enraciner dans le monde alors connu.

L’Église à Chypre peut justement être fière de ses liens directs avec la prédication de Paul, Barnabé et Marc, et de sa communion dans la foi apostolique, une communion qui l’unit à toutes les Églises qui conservent cette même règle de foi. C’est là la communion, réelle, bien qu’imparfaite, qui nous unit déjà, et qui nous pousse à surmonter nos divisions et à oeuvrer pour restaurer l’unité pleine et visible qui est la volonté du Seigneur pour tous ses disciples. C’est pourquoi, suivant les paroles de Paul, «de même que votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême» (Ep 4,4-5).

La communion ecclésiale dans la foi des Apôtres est à la fois un don et une mission qui nous sont confiés. Dans le passage des Actes que nous venons d’écouter, nous trouvons une image de l’unité de l’Église en prière, et de son ouverture au souffle de l’Esprit de la mission. Comme Paul et Barnabé, par le baptême, chaque Chrétien est mis à part pour porter le témoignage prophétique du Seigneur ressuscité et de l’Évangile de la réconciliation, de la miséricorde et de la paix. Dans ce contexte, l’Assemblé spéciale du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient, qui se réunira à Rome, en octobre prochain, réfléchira sur le rôle vital des Chrétiens dans cette région, elle les encouragera dans leur témoignage de l’Évangile, et elle contribuera à promouvoir un dialogue et une coopération plus grandes entre les Chrétiens de la région. De manière significative, les travaux de ce Synode seront enrichis par la présence fraternelle de délégués d’autres Églises et communautés chrétiennes de cette région, en signe de notre engagement commun au service de la Parole de Dieu et de notre ouverture à la puissance de la grâce de la réconciliation.

L’unité de tous les disciples du Christ est un don qui doit être imploré auprès du Père dans l’espérance qu’elle affermira le témoignage de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. Le Seigneur a prié pour la sainteté et l’unité de ses disciples, précisément pour que le monde puisse croire (cf. Jn 17,21) Il y a juste cent ans, à la Conférence Missionnaire d’Édimbourg, la conscience claire que les divisions entre Chrétiens étaient un obstacle à la diffusion de l’Évangile, a occasionné la naissance du mouvement oecuménique moderne. Aujourd’hui, nous pouvons être reconnaissants à l’égard du Seigneur, qui à travers son Esprit, nous a amenés, spécialement ces dernières décennies, à redécouvrir le riche héritage apostolique qui est commun à l’Est et à l’Ouest, et, à travers un dialogue patient et sincère, à trouver les chemins pour nous rapprocher les uns des autres, en surmontant les controverses passées, et en aspirant à un avenir meilleur.

L’Église à Chypre qui a servi de pont entre l’Est et l’Ouest, a beaucoup contribué à ce processus de réconciliation. Le chemin qui a pour but la pleine communion ne sera certainement pas exempt de difficultés, cependant l’Église Catholique et l’Église Orthodoxe de Chypre se sont engagées à avancer sur le chemin du dialogue et de la coopération fraternelle. Que l’Esprit Saint éclaire les esprits et renforce nos résolutions, afin qu’ensemble nous puissions porter le message du salut aux hommes et aux femmes de notre temps, qui ont soif de la foi qui apporte la vraie liberté et le salut (cf. Jn 8,32), la vérité qui a pour nom Jésus Christ!

Chers soeurs et frères, je ne peux conclure sans évoquer la mémoire des saints qui ont embelli l’Église à Chypre, et, en particulier saint Épiphane, Évêque de Salamine. La sainteté est le signe de la plénitude de la vie chrétienne, d’une profonde docilité intérieure à l’Esprit Saint qui nous appelle à une conversion et à un renouvellement continus tandis que nous nous efforçons d’être toujours plus semblables au Christ notre Sauveur. Conversion et sainteté sont aussi le chemin privilégié par lequel nous ouvrons nos esprits et nos coeurs à la volonté du Seigneur en vue de l’unité de son Église. Tandis que nous rendons grâce pour cette rencontre et pour l’affection fraternelle qui nous unit, demandons à saint Barnabé et à saint Épiphane, à saint Pierre et à saint Paul, et à tous les saints de Dieu, de bénir nos communautés, de nous conserver dans la foi des Apôtres, et de guider nos pas sur le chemin de l’unité, de la charité et de la paix.



RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS CIVILES ET LE CORPS DIPLOMATIQUE Jardin du Palais Présidentiel de Nicosie Samedi 5 juin 2010

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Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux, dans le cadre de mon voyage apostolique à Chypre, d’avoir l’opportunité de rencontrer les autorités politiques et civiles de la République, ainsi que les membres du Corps diplomatique. Je remercie Monsieur le Président Christofias des mots aimables qu’il a eus pour m’accueillir en votre nom et, bien volontiers, je formule respectueusement en retour mes meilleurs souhaits pour votre importante mission, en rappelant de manière particulière l’heureuse occasion du 50ème anniversaire de la Constitution de la République.

Je viens juste de déposer un hommage floral au mémorial de l’Archevêque Makários, le premier Président de la République de Chypre. Chacun de vous s’est engagé comme lui, dans sa vie publique, à servir le bien d’autrui dans la société, que ce soit sur le plan local, national ou international. C’est une noble vocation que l’Église apprécie. Lorsqu’il est accompli fidèlement, le service public nous permet d’accroître notre sagesse, notre intégrité et notre épanouissement personnel. Platon, Aristote et les stoïciens accordaient une grande importance à un tel épanouissement l’eudemonia – comme un but pour tout être humain. Ils voyaient dans l’aspect moral le moyen d’atteindre ce but. Selon eux, et selon les grands philosophes musulmans et chrétiens qui les ont suivis, la pratique de la vertu consistait à agir conformément à la juste raison, dans la recherche de tout ce qui est vrai, bon et beau.

Dans une perspective religieuse, nous sommes membres d’une unique famille humaine, créée par Dieu, et nous sommes appelés à promouvoir l’unité et à construire un monde plus juste et plus fraternel fondé sur des valeurs durables. Dans la mesure où nous accomplissons notre tâche, où nous servons les autres et adhérons à ce qui est juste, nos esprits s’ouvrent à de plus profondes vérités et notre liberté grandit dans son allégeance à ce qui est bon. Mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II a écrit, une fois, que l’obligation morale ne devrait pas être vue comme une loi s’imposant elle-même de l’extérieur et requérant l’obéissance, mais plutôt comme une expression de la sagesse de Dieu à laquelle la liberté humaine se soumet volontiers (cf. Veritatis Splendor
VS 41). En tant qu’êtres humains, nous trouvons notre accomplissement ultime en référence à cette Réalité Absolue dont nous rencontrons si souvent le reflet dans notre conscience comme une invitation pressante à servir la vérité, la justice et l’amour.

Sur le plan personnel, en tant que fonctionnaires, vous savez l’importance de la vérité, de l’intégrité et du respect dans vos relations avec les autres. Les relations personnelles constituent souvent les premiers pas vers la construction de la confiance et – le temps venu – de solides liens d’amitié entre les personnes, entre les peuples et entre les nations. C’est là une part essentielle de votre rôle, d’hommes politiques comme de diplomates. Dans les pays qui connaissent des situations politiques délicates, de telles relations personnelles, honnêtes et ouvertes, peuvent être le prélude d’un plus grand bien pour des sociétés et des peuples entiers. Laissez-moi vous encourager, vous tous qui êtes présents aujourd’hui, à saisir les opportunités qui s’offrent à vous, à titre personnel et institutionnel, pour construire ce type de relations et, ce faisant, à favoriser le bien plus grand du concert des nations et le bien véritable de ceux que vous représentez.

Les anciens philosophes grecs nous enseignent aussi que le bien commun est précisément servi par l’influence de personnes dotées d’une profonde perspicacité morale et de courage. C’est ainsi que les politiques sont purifiées des intérêts égoïstes et des pressions partisanes et qu’elles reposent sur des bases plus solides. Plus encore, les aspirations légitimes de ceux que nous représentons se trouvent protégées et favorisées. La rectitude morale et le respect impartial des autres et de leur bien-être sont indispensables au bien de toute société tandis qu’ils établissent un climat de confiance dans lequel les échanges humains, qu’ils soient religieux, économiques, sociaux et culturels, civils et politiques, acquiert de la vigueur et de la richesse.

Mais que signifie en termes concrets respecter et promouvoir la vérité morale dans le monde de la politique et de la diplomatie aux plans national et international? Comment la recherche de la vérité peut-elle apporter une plus grande harmonie dans les régions du globe qui connaissent des troubles? Je voudrais suggérer que cela peut être atteint de trois façons.

Premièrement, promouvoir la vérité morale signifie agir de façon responsable sur la base de connaissances factuelles. En tant que diplomates, vous savez d’expérience que ces connaissances vous aident à identifier les injustices et les griefs, de manière à considérer de façon dépassionnée les intérêts de tous ceux qui sont impliqués dans un conflit donné. Quand les parties s’élèvent au-dessus de leur regard particulier sur les événements, elles acquièrent une vision objective et globale. Ceux qui sont appelés à résoudre de tels conflits sont capables de prendre de justes décisions et de promouvoir une réconciliation authentique lorsqu’ils saisissent et reconnaissent l’ensemble de la vérité sur une question spécifique.

Une deuxième voie pour promouvoir la vérité morale consiste à déconstruire les idéologies politiques qui voudraient supplanter la vérité. Les expériences tragiques du vingtième siècle ont mis à nu l’inhumanité qui s’ensuit lorsque la vérité et la dignité humaine sont niées. De nos jours, nous sommes témoins de tentatives pour promouvoir de supposées valeurs sous le couvert de la paix, du développement et des droits humains. En ce sens, en m’adressant à l’Assemblée Générale des Nations Unies, j’ai attiré l’attention sur des tentatives conduites en certains lieux pour réinterpréter la Déclaration universelle des Droits de l’Homme dans le but de donner satisfaction à des intérêts particuliers qui compromettraient la cohérence interne de la Déclaration et l’éloignerait de son objectif originel (cf. Discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies, 18 avril 2008).

Troisièmement, promouvoir la vérité morale dans la vie publique appelle à un effort constant pour fonder les lois positives sur les principes éthiques de la loi naturelle. Il fut un temps où le recours à celle-ci était considéré comme évident, mais l’ère du positivisme dans la théorisation contemporaine de la loi réclame la réaffirmation de cet axiome important. Les personnes, les communautés et les États, sans le repère des vérités morales objectives, deviendront égoïstes et sans scrupule et le monde, un lieu plus dangereux à vivre. D’autre part, en étant respectueux des droits des personnes et des peuples, nous protégeons et promouvons la dignité humaine. Quand les politiques que nous soutenons sont appliquées en harmonie avec la loi naturelle qui est commune à notre humanité, nos actions deviennent alors plus saines et contribuent à un environnement de compréhension, de justice et de paix.

Monsieur le Président, chers amis, par ces considérations, je réaffirme mon estime et celle de l’Église pour l’important service que vous rendez à la société et pour l’édification d’un avenir sûr pour notre monde. J’invoque sur chacun de vous les bénédictions divines pour qu’elles vous donnent sagesse, force et persévérance dans l’accomplissement de vos fonctions. Merci.





Discours 2005-2013 31510