Discours 2005-2013 50620

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE DE CHYPRE Terrain de sport de l'école élémentaire de St. Maron - Nicosie Samedi 5 juin 2010

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Chers frères et soeurs dans le Christ,

[1] Cela me procure une grande joie d’être avec vous, qui représentez la Communauté catholique de Chypre.

Je remercie Monseigneur l’Archevêque Soueif pour les aimables paroles de bienvenue qu’il m’a adressées en votre nom et je remercie d’une manière particulière les enfants pour leur magnifique présentation. Je salue également Sa Béatitude le Patriarche Fouad Twal ainsi que le profond et patient travail de la Custodie franciscaine de Terre sainte, en la personne du Père Pizzaballa, qui est ici avec nous aujourd’hui.

En cette occasion historique de la première visite de l’Évêque de Rome à Chypre, je viens vous confirmer dans votre foi en Jésus Christ et vous encourager à demeurer un seul coeur et une seule âme dans la fidélité à la tradition apostolique (cf. Ac
Ac 4,32). En tant que Successeur de Pierre, je suis parmi vous aujourd’hui pour vous apporter l’assurance de mon soutien, de mes prières pleines d’affection et de mes encouragements.

Nous venons à l’instant d’entendre, dans l’Évangile de Jean, que certains grecs, qui avaient appris les grandes oeuvres que Jésus accomplissait, se sont approchés de l’Apôtre Philippe et lui ont dit: « Nous voudrions voir Jésus » (Jn 12,21). Ces mots nous touchent tous profondément. Comme les hommes et les femmes de l’Évangile, nous souhaitons voir Jésus, le connaître, l’aimer et le servir, d’ «un seul coeur et d’une seule âme».

Plus encore, comme la voix du ciel qui, dans l’Évangile de ce jour, a rendu témoignage à la gloire du nom de Dieu, l’Église proclame son nom, non pas simplement pour elle-même, mais pour le bien de l’humanité tout entière (cf. Jn 12,30). Vous aussi, qui suivez le Christ aujourd’hui, vous êtes appelés à vivre votre foi dans le monde en ajoutant votre voix et votre action pour promouvoir les valeurs de l’Évangile qui vous ont été transmises par des générations de Chrétiens chypriotes. Que ces valeurs, profondément enracinées dans votre culture comme dans le patrimoine de l’Église universelle, continuent à inspirer vos efforts pour promouvoir la paix, la justice et le respect de la vie humaine et de la dignité de vos concitoyens. En ce sens, votre fidélité à l’Évangile sera sûrement bénéfique à toute la société chypriote.

Chers frères et soeurs, étant données ces circonstances uniques, j’aimerais aussi attirer votre attention sur une part essentielle de la vie et de la mission de votre Église, à savoir la recherche d’une plus grande unité dans la charité avec les autres chrétiens et du dialogue avec ceux qui ne sont pas chrétiens. Particulièrement depuis le Concile Vatican II, l’Église s’est engagée à avancer sur le chemin d’une compréhension plus profonde avec nos frères chrétiens dans le but de créer des liens d’amour et de compagnonnage toujours plus forts entre tous les baptisés. Étant données votre situation, vous êtes capables d’apporter votre contribution personnelle à la réalisation d’une plus grande unité chrétienne dans votre vie quotidienne. Laissez-moi vous encourager à agir ainsi, certain que l’Esprit du Seigneur, qui a prié pour que ses disciples soient un (cf. Jn 17,21), vous accompagnera dans cette tâche importante.

En ce qui concerne le dialogue interreligieux, beaucoup reste encore à faire dans le monde. C’est là un autre domaine dans lequel vivent souvent les Catholiques de Chypre. Dans ces situations, il leur est offert des opportunités pour une action juste et prudente. Ce n’est que par un patient travail que la confiance mutuelle peut être bâtie, le fardeau de l’histoire dépassé, et les différences politiques et culturelles entre les peuples devenir une raison pour travailler à une compréhension plus profonde. Je vous encourage à favoriser la création d’une telle confiance mutuelle entre chrétiens et non-chrétiens, comme une base pour fonder une paix durable et une entente harmonieuse entre les personnes appartenant à des religions, à des aires politiques et à origines culturelles différentes.

Chers amis, je voudrais vous inviter à regarder la communion profonde que vous partagez déjà entre vous et avec le reste de l’Église catholique dans le monde. Eu égard aux besoins immédiats de l’Église, je vous encourage à prier et à favoriser les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse. Alors que l’Année sacerdotale s’achève, l’Église a acquis une conscience renouvelée du besoin de prêtres bons, saints et bien formés. Elle a besoin d’hommes et de femmes religieux totalement donnés au Christ et à l’extension du Royaume de Dieu sur la terre. Notre Seigneur a promis que ceux qui, à son exemple, se détacheraient de leur vie la garderaient pour la vie éternelle (cf. Jn 12,25). Je demande aux parents de mesurer la promesse et d’encourager leurs enfants à répondre généreusement à l’appel du Seigneur. Je presse les pasteurs d’être attentifs aux jeunes, à leurs besoins et à leurs aspirations, et de les éduquer dans la plénitude de la foi.

Ici, dans cette école catholique, qu’il me soit permis d’adresser quelques mots à ceux qui travaillent dans les écoles catholiques de l’île, particulièrement aux enseignants. Votre travail s’inscrit dans une tradition de l’Église catholique à Chypre qui est ancienne et appréciée. Continuez patiemment à servir le bien de toute la communauté en recherchant l’excellence dans l’éducation. Que le Seigneur vous bénisse en abondance dans la mission sacrée que représente la formation du plus précieux des dons que le Tout Puissant nous ait fait – nos enfants.

Je m’adresse maintenant particulièrement à vous, chers jeunes catholiques de Chypre.

[2] Soyez forts dans la foi, joyeux dans le service de Dieu et généreux de votre temps et de vos dons ! Participez à la construction d’un avenir meilleur pour l’Église et votre pays en plaçant le bien des autres avant votre propre bien.

Chers fidèles catholiques de l’Église de Chypre, fortifiez votre entente dans la communion de l’Église universelle et avec le Successeur de Pierre, et faites grandir vos liens fraternels les uns avec les autres dans la foi, l’espérance et l’amour.

Je délivre ce message de manière particulière aux fidèles présents comme à ceux qui viennent de Kormakiti, Asomatos, Karpash et Agia Marina. Je connais vos attentes et vos souffrances, et je vous demande de porter ma bénédiction à vos proches, et mon affection aux habitants de vos villages où les Chrétiens sont un peuple d’espérance. Pour ma part, j’espère ardemment et je prie afin qu’une vie meilleure soit rapidement assurée à l’ensemble des habitants de l’île par l’engagement et par la bonne volonté de ceux qui sont concernés.

Par ces quelques mots, je vous confie tous à la protection de la Bienheureuse Vierge Marie et à l’intercession des saints Paul et Barnabé.

[3] Que Dieu vous bénisse tous !



RENCONTRE AVEC S.B. CHRYSOSTOMOS II, ARCHEVÊQUE DE CHYPRE Archevêché orthodoxe de Nicosie Samedi 5 juin 2010

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Béatitude,

[1] Je Vous salue avec affection fraternelle dans le Seigneur Ressuscité et je Vous remercie pour votre accueil chaleureux.

Je me rappelle avec gratitude de la visite que vous avez effectuée à Rome, il y a trois ans, et je me réjouis que nous nous rencontrions de nouveau aujourd’hui dans votre bien-aimée patrie. Par Votre entremise, je salue le Saint Synode, ainsi que tous les prêtres, les diacres, les moines, les religieuses et les fidèles chrétiens de l’Église de Chypre.

Avant toute chose, je voudrais exprimer ma gratitude à l’Église de Chypre pour l’hospitalité qu’elle a accordée, l’année dernière, à la Commission Mixte Internationale, lors de sa rencontre à Paphos. Je Vous suis aussi reconnaissant pour le soutien que l’Église de Chypre, par son ouverture et par la clarté de sa contribution, a toujours donné à la tâche du dialogue. Que l’Esprit Saint guide et raffermisse cet engagement hautement ecclésial pour la restauration d’une communion pleine et visible entre les Églises Orientales et Occidentales, une communion qui doit être vécue dans la fidélité à l’Évangile et à la tradition apostolique, dans le respect des traditions propres à l’Orient et à l’Occident, et dans l’ouverture à la diversité des dons par lesquels l’Esprit fait croître l’Église dans l’unité, la sainteté et la paix.

Cet esprit de fraternité et de communion trouve également son expression dans la généreuse contribution que Votre Béatitude a envoyée, au nom de l’Église de Chypre, aux sinistrés du tremblement de terre qui a touché l’Aquila, près de Rome, et dont les besoins me tiennent à coeur. Dans ce même esprit, je vous rejoins maintenant dans la prière pour qu’avec l’aide de Dieu, tous les habitants de Chypre aient la sagesse et la force nécessaires pour travailler ensemble à un juste règlement des problèmes restés jusque là sans solution, pour rechercher la paix et la réconciliation, et pour construire à l’intention des générations futures une société caractérisée par le respect des droits de tous, y compris les droits inaliénables à la liberté de conscience et de culte.

Chypre est traditionnellement considérée comme une partie de la Terre Sainte, et la situation de conflit permanent au Moyen-Orient doit préoccuper tous les disciples du Christ. Personne ne peut rester indifférent aux multiples besoins des chrétiens de cette région en conflit, afin que ces anciennes Églises puissent vivre dans la paix et dans la prospérité. Les communautés chrétiennes de Chypre peuvent devenir un espace très propice à la coopération oecuménique, par sa prière et son engagement solidaire pour la paix, la réconciliation et la stabilité de ces régions bénies par la présence du Prince de la Paix au cours de sa vie terrestre.

Animé de tels sentiments, je Vous remercie une fois encore, Béatitude, pour votre accueil fraternel, et je Vous assure de mes prières pour votre personne, pour tout le clergé et pour tous les fidèles de l’Église de Chypre.

[2] Que la joie du Christ Ressuscité soit toujours avec vous!



REMISE DE L’INSTRUMENTUM LABORIS DE L’ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LE MOYEN-ORIENT DU SYNODE DES ÉVÊQUES Sport Centre - Nicosie Dimanche 6 juin 2010

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Chers frères et soeurs dans le Christ,

Je remercie Monseigneur Eterovic pour ses aimables paroles et je renouvelle mes salutations à chacun de vous qui êtes venus ici pour le lancement de la prochaine Assemblée spéciale du Synode des Évêques sur le Moyen Orient. Je vous remercie pour le travail qui a été déjà accompli en préparation de l’Assemblée synodale, et je vous assure du soutien de ma prière alors que vous entrez dans la phase finale de préparation.

Avant que je ne commence, il convient que je rappelle la mémoire de Son Excellence Luigi Padovese qui, comme Président de la Conférence épiscopale turque, a contribué à la préparation de l’Instrumentum laboris que je vous remets aujourd’hui. La nouvelle de son décès imprévu et tragique, jeudi, nous a surpris et choqué tous. Je recommande son âme à la miséricorde du Dieu tout-puissant, me souvenant combien il était engagé, particulièrement en tant qu’Évêque, dans la compréhension interreligieuse et culturelle et dans le dialogue entre les Églises. Son décès est un rappel sérieux de la vocation que tout chrétien partage, à être des témoins courageux de ce qui est bon, noble et juste en toutes circonstances.

Le thème retenu pour cette Assemblée évoque la communion et le témoignage, et nous rappelle combien les membres de la première communauté chrétienne « étaient un seul coeur et une seule âme ». Au centre de l’unité de l’Église se trouve l’Eucharistie, don inestimable du Christ à son peuple et point central de la célébration liturgique de ce jour, solennité du Corps et du Sang de Notre-Seigneur. Il n’est donc pas sans signification que le jour choisi pour la remise de l’Instrumentum laboris de l’Assemblée spéciale, ait lieu aujourd’hui.

Le Moyen-Orient occupe une place particulière dans le coeur de tous les Chrétiens, puisque c’est là que Dieu s’est fait connaître pour la première fois à nos pères dans la foi. Depuis le jour où Abraham quitta Ur en Chaldée en obéissant à l’appel de Dieu jusqu’à la mort et à la résurrection de Jésus, l’oeuvre salvifique de Dieu s’est accomplie particulièrement à travers des personnes et des peuples de vos pays d’origine. Depuis lors, le message de la Bonne Nouvelle s’est répandu sur toute la terre, mais les Chrétiens partout dans le monde, continuent d’avoir une vénération particulière pour le Moyen-Orient, en raison des prophètes et des patriarches, des Apôtres et des martyrs à qui nous devons tant, des hommes et des femmes qui ont écouté la Parole de Dieu, qui lui ont rendu témoignage, et qui nous l’ont transmise, à nous qui appartenons à la grande famille de l’Église.

L’Assemblée spéciale du Synode des Évêques, convoquée à votre demande, va tenter d’approfondir les liens de communion entre les membres de vos Églises locales, ainsi que la communion de ces mêmes Églises entre elles et avec l’Église universelle. Cette Assemblée désire aussi vous encourager dans le témoignage de votre foi dans le Christ que vous rendez dans les pays où cette foi est née et a grandi. Il est également connu que certains d’entre vous endurent de grandes épreuves dues à la situation actuelle de la région. L’Assemblée spéciale est une opportunité pour les Chrétiens du reste du monde d’offrir un soutien spirituel et une solidarité à leurs frères et soeurs du Moyen-Orient. C’est une occasion pour mettre en relief la valeur importante de la présence et du témoignage chrétiens dans les pays de la Bible, non seulement pour la communauté chrétienne à l’échelle mondiale, mais également pour vos voisins et vos concitoyens. Vous contribuez d’innombrables manières au bien commun, par exemple par l’éducation, le soin des malades et l’assistance sociale, et vous travaillez à la construction de la société. Vous désirez vivre en paix et en harmonie avec vos voisins juifs et musulmans. Souvent, vous agissez en artisans de paix dans le difficile processus de conciliation. Vous méritez la reconnaissance pour le rôle inestimable que vous remplissez. C’est mon sérieux espoir que tous vos droits soient de plus en plus respectés, y compris le droit à la liberté de culte et à la liberté religieuse, et que vous ne souffriez plus jamais de discrimination d’aucune sorte.

Je prie afin que les travaux de l’Assemblée spéciale puisse aider à centrer l’attention de la communauté internationale sur la situation des Chrétiens du Moyen-Orient qui souffrent pour leur foi, afin que des solutions justes et durables soient trouvées pour les conflits qui causent tant d’épreuves. Sur cette grave question, je réitère mon appel personnel en faveur d’un effort international, urgent et concerté, pour résoudre les tensions actuelles au Moyen Orient, spécialement en Terre Sainte, avant que de tels conflits ne conduisent à de plus grandes tragédies.

C’est avec ces pensées que je vous présente maintenant le texte de l’Instrumentum laboris de l’Assemblée Spéciale du Synode des Évêques sur le Moyen-Orient. Que Dieu bénisse abondamment votre travail ! Que Dieu bénisse tous les peuples du Moyen-Orient !





VISITE DE LA CATHÉDRALE MARONITE DE CHYPRE Nicosie Dimanche 6 juin 2010

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Chers frères et soeurs dans le Christ,

Je suis très heureux de pouvoir accomplir cette visite à la Cathédrale Notre-Dame des Grâces. Je remercie Monseigneur l’Archevêque Youssef Soueif pour ces aimables mots d’accueil au nom de la communauté maronite de Chypre, et je salue cordialement chacun de vous avec les mots de l’Apôtre: «Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur» (
1Co 1,3)!

En visitant cet édifice, j’effectue dans mon coeur comme un pèlerinage spirituel dans chaque église maronite de l’île. Soyez assurés qu’animé d’un souci paternel, je suis proche de tous les fidèles de ces communautés antiques.

Cette église-cathédrale symbolise d’une certaine manière la longue et riche – et parfois turbulente – histoire de la communauté maronite à Chypre. Les Maronites arrivèrent sur ces côtes à différents moments au cours des siècles et ils furent souvent mis à la contrainte en raison de leur fidélité à leur héritage chrétien propre. Néanmoins, bien que leur foi ait été éprouvée comme l’or au creuset (cf. 1P 1,7), ils demeurèrent constants dans la foi de leurs pères, une foi qui a maintenant été remise entre vos mains, Maronites chypriotes d’aujourd’hui. Je vous encourage à conserver comme un trésor ce grand héritage, ce don précieux.

L’édifice de cette cathédrale nous rappelle également une vérité spirituelle importante. Saint Pierre nous dit que nous, Chrétiens, nous sommes les pierres vivantes « qui servent à construire le Temple spirituel, et nous sommes le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus » (1P 2,4-5). Avec les chrétiens du monde entier, nous faisons partie du grand Temple qui est le Corps Mystique du Christ. Notre culte spirituel, offert en une multitude de langues, en une multitude de lieux et à travers une belle variété de liturgies, est une expression de l’unique voix du Peuple de Dieu, uni dans la prière et dans l’action de grâce envers lui, et dans la communion permanente les uns avec les autres. Cette communion à laquelle nous tenons chèrement nous pousse à porter à tout le genre humain la Bonne Nouvelle accueillie dans notre vie nouvelle dans le Christ.

[1] C’est la mission que je vous confie aujourd’hui : je prie pour que votre Église, en union avec l’ensemble de vos Pasteurs et avec l’Évêque de Rome, puisse grandir dans la sainteté, dans la fidélité à l’Évangile et dans l’amour pour le Seigneur et les uns pour les autres.

Vous confiant ainsi que vos familles, et d’une façon particulière vos enfants, à l’intercession de saint Maron, je vous accorde de grand coeur à tous la Bénédiction apostolique.


CÉRÉMONIE DE CONGÉ Aéroport international de Larnaca Dimanche 6 juin 2010

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Monsieur le Président,
Illustres Autorités,
Mesdames et Messieurs,

Le temps est venu pour moi de vous quitter, après mon bref mais fructueux voyage apostolique à Chypre.

Monsieur le Président, je vous remercie pour vos paroles aimables et je suis heureux de vous exprimer ma gratitude pour tout ce que Vous-même, votre Gouvernement et les autorités civiles et militaires avez fait pour que ma visite soit mémorable et couronnée d’un grand succès.

En quittant vos rivages, comme beaucoup de pèlerins avant moi, il m’est venu à l’esprit, une fois encore, combien la Méditerranée est composée d’une riche mosaïque de peuples ayant leurs propres cultures et leur beauté, leur cordialité et leur humanité. En même temps et en dépit de cette réalité, l’Orient méditerranéen n’est pas épargné par les conflits et le sang qui coule, comme nous en avons été témoins tragiquement ces jours derniers. Redoublons nos efforts pour construire une paix réelle et durable pour tous les peuples de la région.

Dans cet objectif général, Chypre peut jouer un rôle particulier dans la promotion du dialogue et de la coopération. En oeuvrant patiemment pour la paix sur votre sol et pour la prospérité de vos voisins, vous serez alors bien placés pour écouter et comprendre tous les aspects des nombreuses questions dans leur complexité, afin d’aider les peuples à atteindre une plus grande compréhension mutuelle. Le chemin que vous empruntez, Monsieur le Président, est l’un de ceux que la communauté internationale regarde avec un grand intérêt et une grande espérance, et je relève avec satisfaction tous les efforts effectués en faveur de la paix pour votre peuple et l’île toute entière de Chypre.

Tout en remerciant Dieu pour ces journées durant lesquelles la Communauté catholique chypriote a vécu, sur son propre sol, sa première rencontre avec le Successeur de Pierre, je me rappelle aussi avec gratitude, de mes rencontres avec les responsables des autres églises chrétiennes, en particulier avec Sa Béatitude Chrysostomos II et avec les autres représentants de l’Église de Chypre, que je remercie pour leur accueil fraternel. J’espère que ma visite, ici à Chypre, sera vue comme un autre pas du parcours initié avant nous à Jérusalem, par l’accolade entre le regretté Patriarche Athenagoras et mon vénéré Prédécesseur le Pape Paul VI. Ces premiers pas prophétiques nous indiquent le chemin que nous devons aussi emprunter. Nous sommes appelés par Dieu à être frères, en marchant côte à côte dans la foi, humblement devant le Dieu tout-puissant, unis par des liens indestructibles d’affection les uns pour les autres. Alors que j’invite mes frères chrétiens à poursuivre cette marche, j’aimerais les assurer que l’Église Catholique, avec la grâce de Dieu, poursuivra elle-même la recherche de l’unité parfaite dans la charité, à travers une valorisation toujours plus profonde de ce que les Catholiques et les Orthodoxes ont de plus cher.

Qu’il me soit permis d’exprimer encore mon espérance et mon voeu sincère que les Chrétiens et les Musulmans deviennent un levain pour la paix et pour la réconciliation parmi les Chypriotes, et servent ainsi d’exemple pour les autres pays.

Pour conclure, Monsieur le Président, je désire vous encourager, Vous et votre Gouvernement dans vos hautes responsabilités. Comme vous le savez bien, parmi vos tâches les plus importantes figure la recherche de la paix et de la sécurité pour tous les Chypriotes. Ayant passé les dernières nuits dans la Nonciature Apostolique, qui se trouve dans la zone tampon sous le contrôle des Nations unies, j’ai vu de mes propres yeux quelque chose de la triste division de l’île, et je me suis rendu compte de la perte d’une partie significative d’un héritage culturel qui appartient à toute l’humanité. J’ai également pu entendre les Chypriotes du nord qui souhaitent retourner en paix dans leurs maisons et leurs lieux de culte, et j’ai été profondément touché par leurs requêtes. La vérité et la réconciliation, ainsi que le respect, sont certainement les fondations les plus sûres pour un avenir uni et pacifique de cette île, et pour la stabilité et la prospérité de tout votre peuple. Au cours de ces dernières années, beaucoup de bien a été accompli dans ce sens à travers un dialogue substantiel, cependant beaucoup encore demeure à faire pour surmonter les divisions. Qu’il me soit permis de vous encourager, ainsi que vos concitoyens, à travailler patiemment avec vos voisins à l’édification d’un avenir meilleur et plus assuré pour tous vos enfants.

Faisant ainsi, soyez assuré de mes prières pour la paix de Chypre entière.

[1] Monsieur le Président, chers amis, je vous dis au revoir avec ces quelques paroles. Merci beaucoup et que Dieu trois fois Saint vous bénisse toujours. Adieu ! La paix soit avec vous !




CONCLUSION DE L' ANNÉE DU SACERDOCE - VEILLÉE DE PRIÈRE À L'OCCASION DE LA RENCONTRE INTERNATIONALE DES PRÊTRES Jeudi 10 juin 2010

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Amérique:

D. – Très Saint-Père, je m'appelle José Eduardo de Oliveira y Silva et je viens d'Amérique, du Brésil plus précisément. La plus grande partie d'entre nous ici présents, sommes engagés dans la pastorale directe, en paroisse, et non seulement avec une communauté, mais parfois nous sommes désormais curés de plusieurs paroisses, ou de communautés particulièrement étendues. Avec toute la bonne volonté, nous essayons de subvenir aux nécessités d'une société qui a beaucoup changé, qui n'est plus entièrement chrétienne, mais nous nous rendons compte que notre "action" ne suffit pas. Où aller, Votre Sainteté? Dans quelle direction?

1143 R. – Chers amis, tout d'abord, je voudrais exprimer ma grande joie parce que des prêtres de toutes les régions du monde sont réunis ici, dans la joie de notre vocation et dans la disponibilité à servir de toutes nos forces le Seigneur à cette époque qui est la nôtre. Pour répondre à la question, je suis bien conscient qu'aujourd'hui il est très difficile d'être curé même et surtout dans les pays d'ancienne chrétienté; les paroisses deviennent de plus en plus étendues, des unités pastorales... il est impossible de connaître tout le monde, il est impossible de faire toutes les tâches que l'on pourrait attendre d'un curé. Et ainsi nous nous demandons réellement comment aller de l'avant, comme vous l'avez dit. Mais je voudrais dire tout d'abord: je sais qu'il y a de très nombreux prêtres dans le monde qui donnent réellement toute leur force pour l'évangélisation, pour la présence du Seigneur et de ses sacrements. Et à ces fidèles curés, avec toute la force de leur vie, de leur passion pour le Christ, je voudrais dire un grand "merci" en ce moment. J'ai dit qu'il n'est pas possible de faire tout ce que l'on souhaite, tout ce qu'il faudrait peut-être faire, parce que nos forces sont limitées et les situations sont difficiles dans une société toujours plus diversifiée, plus compliquée. Je pense qu'il est surtout important que les fidèles puissent voir qu'un prêtre ne fait pas seulement son "job", son horaire de travail et puis il est libre et il vit uniquement pour lui-même, mais que c'est un homme passionné par le Christ, qui porte en lui le feu de l'amour du Christ. Si les fidèles voient qu'il est plein de la joie du Seigneur, ils comprennent aussi qu'il ne peut pas tout faire, ils acceptent ses limites et ils aident le curé. C'est donc là qu'est le point le plus important: que l'on puisse voir et ressentir que le curé se sent réellement un appelé du Seigneur; et qu'il est empli de l'amour du Seigneur et des siens. S'il en est ainsi, on comprend, on peut aussi voir l'impossibilité de tout faire. Par conséquent, la première condition est d'être emplis de la joie de l'Evangile de tout notre être. Et puis il faut faire des choix, avoir des priorités, voir ce qui est possible et impossible. Et je dirais que les trois priorités fondamentales, nous les connaissons: ce sont les trois piliers de notre existence sacerdotale. Premièrement, l'Eucharistie et les sacrements: rendre possible et présente l'Eucharistie, surtout le dimanche, et autant que possible pour tous, et la célébrer de manière à ce qu'elle devienne réellement l'acte visible d'amour du Seigneur pour nous. Puis, l'annonce de la Parole dans toutes ses dimensions: du dialogue personnel jusqu'à l'homélie. Et le troisième point est la "caritas", l'amour du Christ: être présents pour ceux qui souffrent, pour les petits, les enfants, pour les personnes en difficulté, pour les exclus; rendre réellement présent l'amour du Bon Pasteur. Et puis une priorité très importante est aussi la relation personnelle avec le Christ. Dans le bréviaire, le 4 novembre, nous lisons une belle homélie, un texte de saint Charles Borromée, un grand pasteur qui s'est vraiment donné totalement, et qui nous dit, à tous les prêtres: "Ne néglige pas ta propre âme: si ton âme est négligée tu ne peux pas donner aux autres tout ce que tu devrais donner. Donc pour toi-même également, pour ton âme, tu dois avoir du temps". En d'autres mots, la relation avec le Christ, le dialogue personnel avec le Christ est une priorité pastorale fondamentale, c'est la condition pour notre travail pour les autres! Et la prière n'est pas une chose marginale: c'est réellement une "profession" pour le prêtre de prier, également comme représentant des personnes qui ne savent pas prier ou qui ne trouvent pas le temps de prier. La prière personnelle surtout, la prière des Heures, est la nourriture fondamentale pour notre âme, pour toute notre action. Et enfin, reconnaître nos limites, s'ouvrir aussi à cette humilité. Nous nous rappelons la scène de Marc, au chapitre 6, où les disciples sont "anxieux", ils veulent tout faire et le Seigneur leur dit: "Venez à l'écart et reposez-vous un peu" (cf. Mc 6,31). Cela aussi est un travail pastoral, dirais-je: trouver et avoir l'humilité, le courage de se reposer. Et donc, je pense que la passion pour le Seigneur, l'amour pour le Seigneur, nous montre les priorités, les choix, nous aide à trouver la route. Et le Seigneur nous aidera. Merci à vous tous!

Afrique:

D. – Votre Sainteté, je m'appelle Mathias Agnero, et je viens d'Afrique, de Côte-d'Ivoire précisément. Vous êtes un Pape-théologien, tandis que nous, lorsque nous y parvenons, à peine lisons-nous quelques livres de théologie pour la formation. Il nous semble toutefois, que s'est créée une fracture entre théologie et doctrine et, plus encore, entre théologie et spiritualité. On sent la nécessité que l'étude ne soit pas seulement académique, mais alimente notre spiritualité. Nous en ressentons le besoin dans notre propre ministère pastoral. Parfois la théologie ne semble pas avoir Dieu au centre et Jésus Christ comme premier "lieu théologique", mais elle a en revanche des goûts et des tendances diffuses; et cela a pour conséquence la prolifération d'opinions subjectives qui permettent l'introduction, même dans l'Eglise, d'une pensée non-catholique. Comment ne pas être désorientés dans notre vie et dans notre ministère, lorsque c'est le monde qui juge la foi et non l'inverse? Nous nous sentons en "décalage"!

R. – Merci, vous touchez là un problème très difficile et douloureux. Il existe réellement une théologie qui se veut avant tout académique, qui veut apparaître scientifique, et oublie la réalité vitale, la présence de Dieu, sa présence parmi nous, sa parole prononcée aujourd'hui, et non seulement dans le passé. Saint Bonaventure, à son époque, avait déjà distingué deux formes de théologie. Il a dit: "Il y a une théologie qui vient de l'arrogance de la raison, qui veut dominer tout, qui transforme Dieu de sujet en objet que nous étudions, alors qu'il devrait être le sujet qui nous parle et nous guide". Cet abus de la théologie existe réellement, cette arrogance de la raison qui ne nourrit pas la foi, mais voile la présence de Dieu dans le monde. Il existe aussi une théologie qui veut connaître plus par amour de l'aimé et est stimulée par l'amour et guidée par l'amour, elle veut mieux connaître l'aimé. Et celle-ci est la vraie théologie qui vient de l'amour de Dieu, du Christ, et veut entrer plus profondément en communion avec le Christ. En réalité, les tentations aujourd'hui, sont grandes; surtout s'impose ce que l'on appelle la "vision moderne du monde" (Bultmann, "modernes Weltbild"), qui s'impose en devenant le critère de ce qui est possible ou impossible. Et ainsi, avec ce critère selon lequel rien ne change, selon lequel tous les événements historiques sont du même genre, on exclut précisément la nouveauté de l'Evangile, on exclut l'irruption de Dieu, la vraie nouveauté qui est la joie de notre foi. Que faire? Je dirais d'abord aux théologiens: soyez courageux. Et je voudrais dire une grand merci aussi aux nombreux théologiens qui font du bon travail. Il y a des abus nous le savons, mais il y a dans toutes les parties du monde beaucoup de théologiens qui vivent réellement de la Parole de Dieu, qui se nourrissent de la méditation, qui vivent la foi de l'Eglise et veulent aider pour que la foi soit présente dans notre aujourd'hui. A ces théologiens, je voudrais dire un grand "merci". Et je dirais aux théologiens en général: "n'ayez pas peur de ce fantasme de la scientificité!". Je suis la théologie depuis 1946. J'ai commencé à étudier la théologie en janvier 1946, j'ai donc vu près de trois générations de théologiens. Et je peux dire que les hypothèses qui à cette époque-là, puis dans les années Soixante-dix et Quatre-vingts, étaient les plus nouvelles, absolument scientifiques, absolument presque dogmatiques, ont vieilli entre temps et n'ont plus de valeur! Beaucoup d'entre elles apparaissent presque ridicules. Il faut donc avoir le courage de résister à l'apparente scientificité, ne pas se soumettre à toutes les hypothèses du moment, mais penser réellement à partir de la grande foi de l'Eglise, qui est présente en tous temps et nous ouvre l'accès à la vérité. Surtout aussi ne pas penser que la raison positiviste qui exclut le transcendant - qui ne peut pas être accessible -, serait la vraie raison! Cette raison faible, qui présente seulement les choses dont on peut faire l'expérience, est réellement une raison insuffisante. Nous théologiens devons utiliser la grande raison, qui est ouverte à la grandeur de Dieu. Nous devons avoir le courage d'aller au-delà du positivisme jusqu'à la question des racines de l'être. Cela me semble d'une grande importance. Ainsi il faut avoir le courage de la grande, de la vaste raison, avoir l'humilité de ne pas se soumettre à toutes les hypothèses du moment, vivre de la grande foi de l'Eglise de tous les temps. Il n'y a pas une majorité contre la majorité des saints: la vraie majorité sont les saints dans l'Eglise et ce sont les saints qui doivent nous orienter! Puis aux séminaristes et aux prêtres, je dis le même chose: pensez que les Saintes Ecritures ne sont pas un Livre isolé. Elles sont vivantes dans la communauté vivante de l'Eglise, qui est le même sujet dans tous les siècles et garantit la présence de la Parole de Dieu. Le Seigneur nous a donné l'Eglise comme sujet vivant, avec la structure des évêques en communion avec le Pape. Et cette grande réalité des évêques du monde en communion avec le Pape nous garantit le témoignage de la vérité permanente. Nous avons confiance dans ce magistère permanent de la communion des évêques avec le Pape qui représente la présence de la Parole. Et puis nous avons aussi confiance dans la vie de l'Eglise. Surtout, nous devons être critiques. Assurément, la formation théologique, je voudrais m'adresser ici aux séminaristes, est très importante à notre époque. Nous devons bien connaître les Saintes Ecritures également contre les attaques des sectes; nous devons être réellement des amis de la Parole. Nous devons connaître aussi les courants de notre époque pour pouvoir répondre de manière raisonnable, pour pouvoir rendre - comme le dit saint Pierre - "raison de notre foi". La formation est très importante. Mais nous devons être aussi critiques. Le critère de la foi est le critère avec lequel envisager aussi les théologiens et les théologies. Le Pape Jean-Paul ii nous a donné un point de référence absolument sûr dans le Catéchisme de l'Eglise catholique: nous y voyons la synthèse de notre foi et ce catéchisme est vraiment le critère pour voir où va une théologie acceptable ou non. Je recommande donc la lecture, l'étude de ce texte, et nous pouvons ainsi aller de l'avant avec une théologie critique au sens positif, c'est-à-dire critique contre les tendances de la mode et ouverte aux vraies nouveautés, à la profondeur inépuisable de la Parole de Dieu, qui se révèle nouvelle à toutes les époques, la nôtre aussi.

Europe:

D. – Très Saint-Père, je suis le père Karol Miklosko et je viens de l'Europe, de Slovaquie précisément, et je suis missionnaire en Russie. Quand je célèbre la Messe je me trouve moi-même et je comprends que je rencontre là mon identité, la racine et l'énergie de mon ministère. Le sacrifice de la Croix me révèle le bon Pasteur, qui donne tout pour son troupeau, pour chacune de ses brebis. Et quand je dis: "Ceci est mon corps, ceci est mon sang", donné et versé en sacrifice pour vous, alors je comprends la beauté du célibat et de l'obéissance, que j'ai librement promis au moment de l'ordination. Malgré les difficultés naturelles, le célibat me semble évident si l'on regarde le Christ, mais je suis bouleversé lorsque je lis tant de critiques du monde sur ce don. Je vous demande humblement, Très Saint-Père, de nous éclairer sur la profondeur et sur le sens authentique du célibat ecclésiastique.

R. – Merci pour les deux parties de votre question. La première où vous montrez le fondement permanent et vivant de notre célibat; la seconde qui montre toutes les difficultés dans lesquelles nous nous trouvons à notre époque. La première partie est importante parce que le centre de notre vie doit être réellement la célébration quotidienne de la sainte Eucharistie. Ici sont centrales les paroles de la consécration: "Ceci est mon corps, ceci est mon sang". Nous parlons donc in persona Christi. Le Christ nous permet d'utiliser son "moi", nous parlons avec le "moi" du Christ, le Christ nous "attire en lui" et nous permet de nous unir, il nous unit avec son "moi". Et ainsi à travers cette action, le fait qu'Il nous "attire" à lui-même, de telle façon que notre "moi" s'unisse au sien, réalise la permanence, l'unicité de son sacerdoce. Ainsi il est réellement l'unique Prêtre, et toutefois il est très présent dans le monde, parce qu'il nous "attire" en lui-même et rend ainsi présente sa mission sacerdotale. Cela veut dire que nous sommes "attirés" dans le Dieu du Christ. C'est cette union avec son "moi" qui se réalise dans les paroles de la consécration. De même dans le "je t'absous" - parce que personne d'entre nous ne pourrait absoudre des péchés - c'est le "moi" du Christ, de Dieu, qui seul peut absoudre. Cette unification de son "moi" avec le nôtre implique que nous sommes "attirés" aussi dans sa réalité de Ressuscité. Nous allons de l'avant vers la vie pleine de la résurrection, dont Jésus parle aux Sadducéens, dans le chapitre 22 de Matthieu. C'est une vie "nouvelle" dans laquelle nous sommes déjà au-delà du mariage (cf. Mt 22,23-32). L'important est que nous nous laissions toujours à nouveau pénétrer par cette identification du "moi" du Christ avec nous, par cette manière d'être "attirés à l'extérieur" vers le monde de la résurrection. En ce sens le célibat est une anticipation. Nous transcendons ce temps et nous allons de l'avant, en "attirant" ainsi nous-mêmes et notre temps vers le monde de la résurrection, vers la nouveauté du Christ, vers la vie nouvelle et vraie. Le célibat est donc une anticipation rendue possible par la grâce du Seigneur qui nous "attire" à lui, vers le monde de la résurrection; il nous invite toujours à nouveau à nous transcender nous-mêmes, à transcender ce présent, vers le vrai présent de l'avenir qui devient présent aujourd'hui. Et nous sommes ici à un point très important. Un grand problème de la chrétienté, du monde d'aujourd'hui, est que l'on ne pense plus à l'avenir de Dieu: seul le présent de ce monde semble suffisant. Nous voulons avoir seulement ce monde, vivre seul dans ce monde. Et nous fermons ainsi les portes à la vraie grandeur de notre existence. Le sens du célibat comme anticipation de l'avenir est précisément d'ouvrir ces portes, de rendre le monde plus grand, de montrer la réalité de l'avenir qui doit être vécu par nous comme déjà présent. Vivre donc ainsi dans un témoignage de la foi: nous croyons réellement que Dieu existe, que Dieu a quelque chose à voir avec ma vie, que je peux fonder ma vie sur le Christ, sur la vie future. Et nous connaissons à présent les critiques du monde dont vous avez parlé. Il est vrai que pour le monde agnostique, le monde où Dieu n'a rien à voir, le célibat est un grand scandale, parce qu'il montre précisément que Dieu est considéré et vécu comme une réalité, vécu comme une réalité. Avec la vie eschatologique du célibat, le monde futur de Dieu entre dans la réalité de notre temps. Et cela devrait disparaître! En un certain sens la critique permanente contre le célibat à une époque où il devient toujours plus à la mode de ne pas se marier pourrait surprendre. Mais ce non mariage est une chose totalement, fondamentalement différente du célibat, parce que le non mariage est basé sur la volonté de vivre uniquement pour soi-même, de ne pas accepter de lien définitif, de posséder la vie à chaque instant en pleine autonomie, décider à chaque instant que faire, ce que prendre de la vie; et donc un "non" au lien, un "non" au caractère définitif, une manière de posséder la vie seulement pour soi-même. Tandis que le célibat est précisément le contraire: c'est un "oui" définitif, c'est laisser Dieu nous prendre par la main, s'offrir entre les mains du Seigneur, dans son "moi" et donc c'est un acte de fidélité et de confiance, un acte qui suppose aussi la fidélité du mariage; c'est précisément le contraire de ce "non", de cette autonomie qui ne veut pas se donner d'obligations, ne veut pas entrer dans un lien; c'est précisément le "oui" définitif qui suppose, confirme le "oui" définitif du mariage. Et ce mariage est la forme biblique, la forme naturelle de l'être homme et femme, fondement de la grande culture chrétienne, des grandes cultures du monde. Et si cela disparaît, la racine de notre culture est détruite. C'est pourquoi le célibat confirme le "oui" du mariage avec son "oui" au monde futur, et nous voulons ainsi aller de l'avant et rendre présent ce scandale d'une foi qui fait reposer toute l'existence sur Dieu. Nous savons qu'à côté de ce grand scandale que le monde ne veut pas voir, il y a aussi des scandales secondaires de nos insuffisances, de nos péchés, qui cachent le vrai et grand scandale, et laissent penser: "Mais ils ne vivent pas réellement sur le fondement de Dieu!". Mais il y a une si grande fidélité! Le célibat, et ce sont précisément les critiques qui le montrent, est un grand signe de la foi, de la présence de Dieu dans le monde. Prions le Seigneur pour qu'il nous aide à nous libérer des scandales secondaires, pour qu'il rende présent le grand scandale de notre foi: la confiance, la force de notre vie qui se fonde en Dieu et en Jésus Christ!

Asie:

D. – Très Saint-Père, je m'appelle Atsushi Yamashita et je viens de l'Asie, plus précisément du Japon. Le modèle sacerdotal que Votre Sainteté nous a proposé cette année, le curé d'Ars, voit au centre de l'existence et du ministère l'Eucharistie, la pénitence sacramentelle et personnelle et l'amour pour le culte, dignement célébré. J'ai devant les yeux les signes de la pauvreté austère de saint Jean-Marie Vianney, ainsi que sa passion pour les choses précieuses, pour le culte. Comment vivre ces dimensions fondamentales de notre existence sacerdotale sans tomber dans le cléricalisme ou dans un éloignement de la réalité, que le monde actuel ne nous permet pas?

R. – Merci. La question est donc comment vivre le caractère central de l'Eucharistie sans se perdre dans une vie purement cultuelle, éloignée de la vie de tous les jours des autres personnes. Nous savons que le cléricalisme est une tentation des prêtres dans tous les siècles, même aujourd'hui. Il est d'autant plus important de trouver la véritable façon de vivre l'Eucharistie, qui n'est pas une fermeture au monde, mais précisément l'ouverture aux besoins du monde. Nous devons garder à l'esprit que dans l'Eucharistie se réalise ce grand drame de Dieu qui sort de lui-même, quitte - comme le dit la Lettre aux Philippiens - sa gloire, sort et s'abaisse jusqu'à devenir l'un de nous, s'abaisse jusqu'à la mort sur la croix (cf. Ph 2). L'aventure de l'amour de Dieu - qui s'abandonne lui-même pour être avec nous - et cela devient présent dans l'Eucharistie; le grand acte, la grande aventure de l'amour de Dieu est l'humilité de Dieu qui se donne à nous. Dans ce sens, il faut considérer l'Eucharistie comme l'entrée dans ce chemin de Dieu. Saint Augustin dit dans le livre X du De Civitate Dei: "Hoc est sacrificium Christianorum: multi unum corpus in Christo", c'est-à-dire: le sacrifice des chrétiens est d'être unis par l'amour du Christ dans l'unité de l'unique corps du Christ. Le sacrifice consiste précisément à sortir de nous-mêmes, à nous laisser attirer dans la communion de l'unique pain et de l'unique corps, et entrer ainsi dans la grande aventure de l'amour de Dieu Et ainsi, nous devons toujours célébrer, vivre, méditer l'Eucharistie comme l'école de la libération du "moi": entrer dans l'unique pain qui est le pain de tous, qui nous unit dans l'unique Corps du Christ. C'est pourquoi l'Eucharistie est donc, en soi, un acte d'amour, elle nous oblige à cette réalité de l'amour pour les autres: que le sacrifice du Christ est la communion de tous dans son Corps. Nous devons donc apprendre l'Eucharistie de cette façon, qui est précisément le contraire du cléricalisme, de la fermeture sur soi. Pensons également à Mère Teresa, qui est véritablement le grand exemple dans ce siècle, à notre époque, d'un amour qui s'abandonne, qui laisse derrière lui toute sorte de cléricalisme, d'éloignement du monde, et qui va vers les plus marginalisés, les plus pauvres, les personnes proches de la mort, et qui se donne totalement à l'amour pour les pauvres, les exclus. Mais Mère Teresa, qui nous a donné cet exemple et la communauté qui suit ses traces, plaçait toujours comme première condition de sa fondation la présence d'un tabernacle. Sans la présence de l'amour de Dieu qui se donne, il n'aurait pas été possible de réaliser cet apostolat, il n'aurait pas été possible de vivre dans cet abandon de soi; ce n'est qu'en s'insérant dans cet abandon de soi en Dieu, dans cette aventure de Dieu, dans cette humilité de Dieu, qu'elles pouvaient et qu'elles peuvent réaliser aujourd'hui ce grand acte d'amour, cette ouverture à tous. Dans ce sens, je dirais que vivre l'Eucharistie dans son sens originel, dans sa véritable profondeur, est une école de vie, et la protection la plus sûre contre toute tentation de cléricalisme.

Océanie:

D. – Très Saint-Père, je m'appelle don Anthony Denton et je viens de l'Océanie, d'Australie. Nous sommes ici ce soir de très nombreux prêtres. Mais nous savons que nos séminaires ne sont pas pleins et qu'à l'avenir, dans diverses parties du monde, nous attend une baisse, même brutale. Que pouvons-nous faire de véritablement efficace pour les vocations? Comment proposer notre vie, dans ce qu'elle a de grand et de beau en elle, à un jeune de notre temps?

R. – Merci. Vous évoquez de nouveau un problème réellement important et douloureux de notre temps: le manque de vocations, à cause duquel les Eglises locales courent le risque de devenir arides, car elles n'auront pas la Parole de la vie, la présence du sacrement de l'Eucharistie et des autres sacrements. Que faire? La tentation est grande de prendre nous-mêmes les choses en main, de transformer le sacerdoce - le sacrement du Christ, le fait d'être élu en lui - en une profession normale, en un job à heures fixes, et le reste du temps, n'appartenir qu'à soi-même; et le faisant ainsi devenir semblable à une quelconque autre vocation: le rendre accessible et facile. Mais il s'agit d'une tentation qui ne résout pas le problème. Cela me fait penser à l'histoire de Saül, le roi d'Israël qui avant la bataille contre les Philistins, attend Samuel pour le sacrifice nécessaire à Dieu. Et lorsque Samuel, le moment venu ne vient pas, il accomplit lui-même le sacrifice, bien que n'étant pas prêtre (cf. 1S 13); il pense ainsi résoudre le problème, mais naturellement, il ne le résout pas, car s'il prend lui-même en main ce qu'il ne peut pas faire, il se fait lui-même Dieu, ou presque, et il ne peut pas s'attendre à ce que les choses aillent vraiment dans le sens de Dieu. Et ainsi, si nous aussi nous exercions uniquement une profession comme les autres, en renonçant au caractère sacré, à la nouveauté, à la diversité du sacrement, que seul Dieu donne, qui ne peut venir que de sa vocation et pas de notre "action", nous ne résoudrions rien. Nous devons d'autant plus - comme le Seigneur nous y invite -, prier Dieu, frapper à la porte, au coeur de Dieu, afin qu'il nous donne des vocations; prier avec une grande insistance, avec une grande détermination, avec une grande conviction également, car Dieu ne se dérobe pas devant une prière insistante, permanente, confiante, même si il laisse faire, attendre, comme Saul au-delà des temps que nous avions prévus. Cela me semble le premier point: encourager les fidèles à avoir cette humilité, cette confiance, ce courage de prier avec insistance pour les vocations, de frapper au coeur de Dieu, afin qu'il nous donne des prêtres. Au-delà de cela, je dirais qu'il y a sans doute trois points. Le premier: chacun de nous devrait faire de son mieux pour vivre son sacerdoce de façon à être convaincant, de manière à ce que les jeunes puissent dire: cela est une véritable vocation, on peut vivre ainsi, de cette façon, on fait quelque chose d'essentiel pour le monde. Je pense qu'aucun d'entre nous ne serait devenu prêtre s'il n'avait pas connu des prêtres convaincants dans lesquels brûlait le feu de l'amour du Christ. Cela est donc le premier point: essayons nous-mêmes d'être des prêtres convaincants. Le deuxième point est que nous devons inviter, comme je l'ai déjà dit, à l'initiative de la prière, à avoir cette humilité, cette confiance de parler avec Dieu avec force, avec décision. Et le troisième point: avoir le courage de parler avec les jeunes pour savoir s'ils peuvent penser que Dieu les appelle, car souvent, une parole humaine est nécessaire pour s'ouvrir à l'écoute de la vocation divine; parler avec les jeunes et surtout également les aider à trouver un contexte vital dans lequel ils puissent vivre. Le monde d'aujourd'hui est tel que la maturation d'une vocation sacerdotale semble presque exclue. Les jeunes ont besoin de milieux dans lesquels on vit la foi, dans lesquels apparaît la beauté de la foi, dans lesquels il apparaît qu'il s'agit d'un modèle de vie, "du" modèle de vie, et donc les aider à trouver des mouvements ou une paroisse - la communauté au sein d'une paroisse -, ou d'autres contextes dans lesquels ils soient véritablement entourés de la foi, de l'amour de Dieu, et où ils puissent donc être ouverts afin que la vocation de Dieu arrive et les aide. Du reste, rendons grâces au Seigneur pour tous les séminaristes de notre temps, pour les jeunes prêtres, et prions. Le Seigneur nous aidera! Merci à vous tous!




Discours 2005-2013 50620