Discours 2005-2013 40710


INAUGURATION DE LA NOUVELLE FONTAINE

DANS LES JARDINS DU VATICAN

CONSACRÉE À SAINT JOSEPH Esplanade du Gouvernorat Lundi 5 juillet 2010



1155 Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

C'est pour moi une grande joie d'inaugurer cette fontaine dans les Jardins du Vatican, dans un cadre naturel d'une beauté singulière. C'est une oeuvre qui vient enrichir le patrimoine artistique de cet espace vert enchanteur de la Cité du Vatican, riche de témoignages historiques et artistiques de différentes époques. En effet ce sont non seulement les prés, les fleurs, les plantes, les arbres, mais aussi les tours, les casine, les petits temples, les fontaines, les statues et les autres constructions qui font de ces Jardins un unicum fascinant. Ils ont été pour mes prédécesseurs, et ils sont aussi pour moi un espace vital, un lieu que je fréquente volontiers pour passer un peu de temps en prière de manière détendue et sereine.

Tout en adressant à chacun de vous mes salutations cordiales, je souhaite exprimer ma vive reconnaissance pour ce don, que vous m'avez offert, tout en le consacrant à saint Joseph. Merci pour cette pensée délicate et courtoise! Ce fut une entreprise exigeante, qui a nécessité une large collaboration. Je remercie tout d'abord Monsieur le cardinal Giovanni Lajolo, également pour les paroles qu'il m'a adressées et pour la présentation minutieuse des travaux effectués. Je remercie avec lui Mgr Carlo Maria Viganò et Mgr Giorgio Corbellini, respectivement secrétaire général et vice-secrétaire général du Gouvernorat. J'exprime mon appréciation sincère à la direction des services techniques, au chef de projet et au sculpteur, aux consultants et aux ouvriers, avec une pensée particulière pour les époux Hintze et pour M. Castrignano, de Londres, qui ont généreusement financé cette oeuvre, ainsi qu'aux soeurs du monastère Saint-Joseph à Kyoto. J'adresse également une parole de gratitude à la Province de Trente, aux municipalités et aux entreprises de la région de Trente, pour leur contribution.

Cette fontaine est consacrée à saint Joseph, une figure chère et proche du coeur du Peuple de Dieu et à mon coeur. Les six panneaux en bronze qui l'ornent évoquent tout autant de moments de sa vie. Je voudrais brièvement m'y arrêter. Le premier panneau représente les noces de Joseph et Marie; c'est un épisode qui revêt une grande importance. Joseph était de la famille royale de David et, en vertu de son mariage avec Marie, il conférera au Fils de la Vierge — au Fils de Dieu — le titre légal de «fils de David», accomplissant ainsi les prophéties. Les noces de Joseph et Marie sont par conséquent un événement humain, mais déterminant dans l'histoire du salut de l’humanité, dans la réalisation des promesses de Dieu; elles ont donc aussi une connotation surnaturelle, que tous deux acceptent avec humilité et confiance.

Bien vite, pour Joseph arrive le moment de l'épreuve, une épreuve exigeante pour sa foi. Futur époux de Marie, avant d'aller vivre avec elle, il en découvre la mystérieuse maternité et cela le trouble. L’évangéliste Matthieu souligne que, étant un homme juste, il ne voulait pas la répudier, et il décida donc de la congédier en secret (cf.
Mt 1,19). Mais en rêve — ainsi que représenté sur le deuxième panneau — l'ange lui fit comprendre que ce qui advenait à Marie est uniquement l’oeuvre de l'Esprit Saint; et Joseph, s'en remettant à Dieu, consentit et coopéra au plan du salut. Certes, l'intervention divine dans sa vie ne pouvait manquer de troubler son coeur. S'en remettre à Dieu ne signifie pas voir clair en toute chose selon nos critères, cela ne signifie pas réaliser ce que nous avons projeté; s'en remettre à Dieu veut dire se vider de soi-même, renoncer à soi-même, parce que seul celui qui accepte de se perdre pour Dieu peut être «juste» comme saint Joseph, c'est-à-dire peut conformer sa propre volonté à celle de Dieu et ainsi se réaliser.

L'Evangile, comme nous le savons, n'a pas conservé de paroles de Joseph, dont l'action se déroule en silence. C'est le style qui le caractérise dans toute l'existence, aussi bien avant de se trouver face au mystère de l'action de Dieu chez son épouse, que lorsque — conscient de ce mystère — il se trouve aux côtés de Marie lors de la Nativité — représentée sur le troisième panneau. En cette sainte nuit, à Bethléem, avec Marie et l'Enfant, Joseph est là, lui à qui le Père Céleste a confié le soin quotidien de son Fils sur la terre, un soin qu'il assure dans l'humilité et le silence.

Le quatrième panneau reproduit la scène dramatique de la Fuite en Egypte pour échapper à la violence homicide d'Hérode. Joseph est contraint de quitter sa terre avec sa famille, au plus vite: c'est un autre moment mystérieux de sa vie; une autre épreuve dans laquelle est requise de lui la pleine fidélité au dessein de Dieu.

Puis, dans les Evangiles, Joseph apparaît seul dans un autre épisode, lorsqu'il se rend à Jérusalem et vit l'angoisse de perdre son fil Jésus. Saint Luc décrit la recherche fébrile et l'émerveillement lorsqu'il le retrouve au Temple — ainsi qu'on le voit sur le cinquième panneau —, mais plus encore la stupeur d'entendre les paroles mystérieuses: «Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père?» (Lc 2,49). Telle est la double question du Fils de Dieu qui nous aide à comprendre le mystère de la paternité de Joseph. En rappelant à ses propres parents le primat de Celui qu'il appelle «mon Père», Jésus affirme le primat de la volonté de Dieu sur toute autre volonté, et révèle à Joseph la vérité profonde de son rôle: lui aussi est appelé à être disciple de Jésus, en consacrant son existence au service du Fils de Dieu et de la Vierge Mère, en obéissance au Père Céleste.

Le sixième panneau représente le travail de Joseph dans l'atelier de Nazareth. Jésus a travaillé à ses côtés. Le Fils de Dieu est caché aux hommes et seuls Marie et Joseph conservent son mystère et le vivent chaque jour: le Verbe incarné croît comme un homme à l'ombre de ses parents, mais, dans le même temps, ils demeurent, à leur tour, cachés dans le Christ, dans son mystère, en vivant leur vocation.

1156 Chers frères et soeurs, cette belle fontaine consacrée à saint Joseph constitue un rappel symbolique aux valeurs de la simplicité et de l'humilité dans l’accomplissement quotidien de la volonté de Dieu, des valeurs qui ont marqué la vie silencieuse, mais précieuse, du Gardien du Rédempteur. Je confie à son intercession les attentes de l'Eglise et du monde. Qu'avec la Vierge Marie, son épouse, il guide toujours votre chemin et le mien, afin que nous puissions être des instruments joyeux de paix et de salut.





PROJECTION DU FILM SUR LES CINQ ANNÉES DU PONTIFICAT DE BENOÎT XVI,

RÉALISÉ PAR LA BAYERISCHER RUNDFUNK Salle des Suisses du palais pontifical de Castel Gandolfo Jeudi 29 juillet 2010



Eminence, Excellences,
cher Monsieur Fuchs, cher Monsieur Mandlik, chers amis, mesdames et messieurs,

En cet instant, je ne peux que remercier la Radio bavaroise pour ce voyage spirituel extraordinaire, qui nous a permis de revoir des moments déterminants et culminants de ces cinq ans de mon service pétrinien et de la vie de l’Eglise elle-même.

Cela a été pour moi personnellement très émouvant de revoir certains moments, en particulier celui où le Seigneur a placé sur mes épaules le service pétrinien. Un poids que personne ne pourrait porter avec ses seules forces, mais que l’on ne peut porter que parce que le Seigneur nous porte et me porte. Il me semble que nous avons vu dans ce film la richesse de la vie de l’Eglise, la multiplicité des cultures, des charismes, des dons divers qui vivent dans l’Eglise, ainsi que la façon dont, dans cette multiplicité et cette grande diversité, vit toujours la même et unique Eglise. Et le primat pétrinien possède ce mandat de rendre visible et concrète l’unité, dans la multiplicité historique, concrète, dans l’unité du présent, du passé, du futur et de l’éternel.

Nous avons vu qu’aujourd’hui aussi, l’Eglise, bien qu’elle souffre tant, comme nous le savons, est une Eglise joyeuse, ce n’est pas une Eglise dépassée, mais nous avons vu que l’Eglise est jeune et que la foi suscite la joie. C’est pourquoi j’ai trouvé très intéressante et très belle l’idée de tout resituer dans le cadre de la neuvième symphonie de Beethoven, l’«Hymne à la joie» qui manifeste comment derrière toute l’histoire se trouve la joie de notre rédemption. J’ai trouvé aussi très beau que le film finisse par la visite à la Mère de Dieu, qui nous enseigne l’humilité, l’obéissance et la joie d’avoir Dieu parmi nous.

Herzliches Vergelt’s Gott, lieber Herr Professor Fuchs, lieber Herr Mandlik, Ihnen und allen Ihren Mitarbeitern für diesen wunderbaren Augenblick, den Sie uns geschenkt haben.

[Un grand merci à vous, chers Monsieur Fuchs et Monsieur Mandlik, ainsi qu’à vos collaborateurs, pour ce magnifique moment que vous nous avez offert.]




AU DÉBUT DE LA MESSE EN CONCLUSION DE LA RENCONTRE AVEC SES ANCIENS ÉLÈVES DU « RATZINGER SCHÜLERKREIS » Chapelle du Centre Mariapoli de Castel Gandolfo Dimanche 29 août 2010

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Chers amis, à la fin de l’Evangile de ce jour, le Seigneur nous fait remarquer comment en réalité, nous continuons à vivre à la manière des païens; comment nous invitons, par réciprocité, seulement celui qui nous invitera en retour; comment nous donnons seulement à celui qui nous donnera en retour. Mais le style de Dieu est diffèrent: nous en faisons l’expérience dans l’Eucharistie. Il nous invite à sa table, nous qui devant lui sommes boiteux, aveugles et sourds; il nous invite, nous qui n’avons rien à lui donner. Au cours de cette Eucharistie laissons-nous toucher surtout par la gratitude pour le fait que Dieu existe, qu’Il est comme Il est, qu’Il est comme est Jésus Christ, qu’Il nous invite à sa table, malgré le fait que nous n’ayons rien à lui donner et que nous soyons pleins de fautes, et qu’il veut être à table avec nous. Mais nous voulons aussi être touchés et nous sentir coupables de nous détacher si peu du style païen, de vivre si peu la nouveauté, le style de Dieu. C’est pour cette raison que nous commençons la Messe en demandant pardon: un pardon qui nous transforme, qui nous fasse devenir vraiment semblables à Dieu, à son image, à sa ressemblance.







Septembre 2010



CONCERT EN L'HONNEUR DU SAINT-PÈRE

OFFERT PAR L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES Cour du Palais pontifical de Castel Gandolfo Mardi 7 septembre 2010





Chers amis,

Je remercie vivement l’Orchestre de Padoue et de Vénétie, ainsi que le choeur «Académie de la Voix» de Turin, dirigés par le maître Claudio Desderi, ainsi que les quatre solistes, pour nous avoir offert ce moment de joie intérieure et de réflexion spirituelle grâce à une intense exécution du Requiem de Wolfgang Amadeus Mozart. Avec eux, je remercie Mgr Marcelo Sánchez Sorondo, secrétaire de l’Académie pontificale des sciences, pour les paroles qu’il m’a adressées, ainsi que les divers organismes qui ont contribué à l’organisation de cet événement. Nous savons bien que le très jeune Mozart, au cours de ses voyages en Italie avec son père, séjourna dans diverses régions, parmi lesquelles également le Piémont et la Vénétie, mais nous savons surtout qu’il tira profit de l’intense activité musicale italienne, caractérisée par des compositeurs tels que Hasse, Sammartini, le père Martini, Piccinni, Jommelli, Paisiello, Cimarosa, pour n’en citer que quelques-uns.

Permettez-moi toutefois de dire une fois de plus qu’une affection particulière me lie, je pourrais dire depuis toujours, à cet extraordinaire musicien. A chaque fois que j’écoute sa musique, je ne peux que revenir en mémoire à mon église paroissiale, lorsque, enfant, les jours de fête, retentissait sa «Messe»: je sentais dans mon cour qu’un rayon de la beauté du Ciel m’avait atteint, et j’éprouve chaque fois cette sensation, et aujourd’hui encore, en écoutant cette grande méditation, dramatique et sereine, sur la mort. Chez Mozart, chaque chose est en parfaite harmonie, chaque note, chaque phrase musicale est ainsi et ne pourrait être autrement; même les contraires se réconcilient et la mozart’sche Heiterkeit, la «sérénité mozartienne» enveloppe tout, à chaque moment. Cela est un don de la Grâce de Dieu, mais c’est également le fruit de la foi vivante de Mozart qui, en particulier dans sa musique sacrée, réussit à faire transparaître la réponse lumineuse de l’Amour divin, qui donne espérance, même lorsque la vie humaine est déchirée par la souffrance et par la mort.

Dans sa dernière lettre écrite à son père mourant, en date du 4 avril 1787, il écrit ceci, en parlant précisément de l’étape finale de sa vie sur terre: «Je me suis depuis quelques années tellement familiarisé avec cette sincère et très chère amie de l’homme (la mort) que non seulement son image n'a plus rien d'effrayant pour moi, mais au contraire elle m'est très apaisante, et réconfortante! Je remercie mon Dieu de m'avoir accordé la fortune de pouvoir reconnaître en elle la clef de notre bonheur. Je ne me couche jamais sans penser que le lendemain peut-être, je ne serai plus là. Et pourtant, personne dans ma fréquentation ne peut dire que je suis chagrin ou triste. Et de cette fortune je remercie chaque jour mon Créateur, et la souhaite de tout cour à chacun de mes semblables». Ce sont des écrits qui manifestent une foi profonde et simple, qui apparaît également dans la grande prière du Requiem, et qui nous conduit, dans le même temps, à aimer intensément les événements de la vie terrestre comme dons de Dieu et à nous élever au-dessus d’eux, en regardant de façon sereine la mort comme la «clé» pour franchir la porte vers le bonheur éternel.

1158 Le Requiem de Mozart est une haute expression de la foi, qui connaît bien le caractère tragique de l’existence humaine et qui ne tait pas ses aspects dramatiques, et représente donc une expression de foi proprement chrétienne, consciente que toute la vie de l’homme est illuminée par l’amour de Dieu. Merci encore à tous.





DISCOURS DUPAPE BENOÎT XVI


AUX MEMBRES DU BUREAU DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE Salle adjacente de la Salle Paul VI Mercredi 8 septembre 2010



Monsieur le président,
chers membres du Bureau de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

Je suis très reconnaissant à S.E. M. Çavusoglu pour les aimables paroles qu’il m’a adressées au nom du Bureau et je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue. Je suis heureux de vous recevoir à l’occasion du soixantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l’homme, qui, comme on le sait, engage les Etats membres du Conseil de l’Europe à promouvoir et à défendre la dignité inviolable de la personne humaine.

Je sais que l’assemblée parlementaire a en programme d’importants thèmes qui concernent avant tout les personnes qui vivent dans des situations particulièrement difficiles ou dont la dignité fait l’objet de graves violations. Je pense aux personnes porteuses de handicap, aux enfants victimes de la violence, aux migrants, aux réfugiés, à ceux qui paient le prix le plus élevé de la crise économique et financière actuelle, à ceux qui sont victimes de l’extrémisme ou de nouvelles formes d’esclavage, telles que le trafic de personnes humaines, le trafic illégal de drogue et la prostitution. Votre travail concerne les victimes de la guerre et les personnes qui vivent dans des démocraties fragiles. Je connais également vos efforts en vue de défendre la liberté religieuse et de lutter contre la violence et l’intolérance à l’égard les croyants en Europe et dans le monde.

En tenant compte du contexte de la société actuelle, dans laquelle différents peuples et cultures se rencontrent, il est impératif de développer la valeur universelle de ces droits, ainsi que leur caractère inviolable, inaliénable et indivisible.

En diverses occasions, j’ai souligné les risques associés au relativisme dans le domaine des valeurs, des droits et des devoirs. Si ceux-ci étaient privés d’un fondement rationnel objectif, commun à tous les peuples, et s’ils étaient fondés exclusivement sur des cultures, des décisions législatives ou des jugements de tribunaux particuliers, comment pourraient-ils offrir une base solide et durable pour les institutions suprationales telles que le Conseil de l’Europe et pour votre propre tâche au sein de cette prestigieuse institution? Comment un dialogue fructueux entre les cultures pourrait-il s’instaurer sans valeurs communes, sans droits et principes universels et stables, entendus de la même façon par tous les Etats-membres du Conseil de l’Europe? Ces valeurs, droits et devoirs sont enracinés dans la dignité naturelle de chaque personne, quelque chose qui est accessible à la raison humaine. La foi chrétienne n’empêche pas, mais favorise cette recherche, et représente une invitation à rechercher une base surnaturelle pour cette dignité.

Je suis convaincu que ces principes, fidèlement maintenus, en particulier lorsqu’il s’agit de la vie humaine, de sa conception à sa mort naturelle, avec le mariage — enraciné dans le don exclusif et indissoluble de soi entre un homme et une femme — et la liberté de religion et d’éducation, sont des conditions nécessaires si l’on veut répondre de façon adéquate aux défis décisifs et urgents que l’histoire présente à chacun de vous.

Chers amis, je sais que vous désirez également aller au devant de ceux qui souffrent. Cela me réjouit et je vous encourage à remplir votre mission délicate et importante avec modération, sagesse et courage au service du bien commun de l’Europe. Je vous remercie de votre visite et je vous assure de mes prières. Que Dieu vous bénisse!






AUX ÉVÊQUES BRÉSILIENS DE LA RÉGION NORDESTE 3 EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM » Salle des suisses, Palais pontifical de Castel Gandolfo Vendredi 10 septembre 2010

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Monsieur le cardinal,
Bien-aimés archevêques et évêques du Brésil,

Je vous salue tous chaleureusement, à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum à Rome, où vous êtes venus pour renforcer les liens de communion fraternelle avec le Successeur de Pierre, qui vous encourage dans votre direction du troupeau du Christ. Je remercie Mgr Ceslau Stanula, évêque d'Itabuna, pour les paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom, et je vous assure de mes prières pour vous et pour le bien-aimé peuple du nord-est, de votre région Nordeste 3.

Il y a plus de cinq siècles, précisément dans votre région, était célébrée la première Messe au Brésil, rendant réellement présents le Corps et le Sang du Christ pour la sanctification des hommes et des femmes de cette nation bénie, née sous l'égide de la Sainte Croix. C'était la première fois que l'Evangile du Christ était proclamé à ce peuple, illuminant sa vie quotidienne. Cette action évangélisatrice de l'Eglise catholique fut et continue d'être fondamentale dans la formation de l'identité du peuple brésilien, caractérisée par la coexistence harmonieuse entre des personnes venues de diverses régions et cultures. Toutefois, bien que les valeurs de la foi catholique aient modelé le coeur et l'esprit brésiliens, on observe aujourd'hui une influence croissante de nouveaux éléments dans la société, qui lui étaient pratiquement étrangers il y a quelques décennies. Cela provoque à présent un éloignement significatif de la vie ecclésiale ou même de l'Eglise de la part de nombreux catholiques, tandis que dans le panorama religieux du Brésil, on assiste à l'expansion rapide de communautés évangéliques et néo-pentecôtistes.

Dans un certain sens, les raisons qui sont à la base du succès de ces groupes sont le signal d’une soif de Dieu répandue dans votre peuple. C’est également l’indice d’une évangélisation, au niveau personnel, parfois superficielle; en effet, les baptisés qui ne sont pas assez évangélisés sont facilement influençables, car ils possèdent une foi fragile et très souvent fondée sur des pratiques de dévotion ingénues, bien que, comme je l'ai dit, ils conservent une religiosité innée. Face à cette situation apparaît, d'un côté, la claire nécessité que l'Eglise catholique au Brésil s'engage dans une nouvelle évangélisation qui n'épargne aucun effort dans la recherche des catholiques qui se sont éloignés et également des personnes qui connaissent peu ou pas du tout le message évangélique, les conduisant à une rencontre personnelle avec Jésus Christ, vivant et agissant dans son Eglise. D'autre part, avec la croissance de nouveaux groupes qui se proclament disciples du Christ, même s'ils sont divisés en diverses communautés et confessions, l'engagement, de la part des pasteurs catholiques, de créer des ponts pour établir des contacts à travers un sain dialogue oecuménique dans la vérité, devient plus impératif.

Cet effort est nécessaire avant tout autre chose, car la division entre les chrétiens s’oppose à la volonté du Seigneur que «tous soient un» (
Jn 17,21). De plus, le manque d'unité est une cause de scandale et finit par miner la crédibilité du message chrétien proclamé par la société. Et sa proclamation est sans doute encore plus nécessaire aujourd'hui, qu'au cours des dernières décennies car, comme le montrent bien vos comptes-rendus, même dans les petites villes à l'intérieur du Brésil, on observe une influence négative croissante du relativisme intellectuel et moral dans la vie privée des personnes.

Nombreux sont les obstacles que la recherche de l'unité des chrétiens doit affronter. En premier lieu, on doit réfuter une vision erronée de l'oecuménisme, qui comporte une certaine indifférence doctrinale qui tente de niveler, dans un irénisme acritique, toutes les «opinions» dans une sorte de relativisme ecclésiologique. Parallèlement, il existe le défi de la multiplication incessante de nouveaux groupes critiques, dont certains utilisent un prosélytisme agressif, qui montre que le paysage de l'ocuménisme est encore très varié et confus. Dans ce contexte, comme je l'ai dit en 2007, dans la cathédrale da Sé de São Paulo, au cours de la rencontre inoubliable avec vous, évêques brésiliens: «Une bonne formation historique et doctrinale est indispensable, qui permette le discernement nécessaire et aide à comprendre l'identité spécifique de chacune des communautés, les éléments qui divisent et ceux qui rassemblent sur le chemin vers la construction de l'unité. Le grand domaine commun de collaboration devrait être la défense des valeurs morales fondamentales, transmises par la tradition biblique, contre leur destruction dans une culture relativiste et de consommation; ainsi que la foi en Dieu créateur et en Jésus Christ, son Fils incarné» (n. 6; cf. ORLF n. 21 du 22 mai 2007). Pour cette raison, je vous encourage à aller de l'avant en accomplissant des pas positifs dans cette direction, comme c'est le cas du dialogue avec les Eglises et les communautés ecclésiales appartenant au Conseil national des Eglises chrétiennes qui, à travers des initiatives comme la Campagne de Fraternité oecuménique, contribuent à promouvoir les valeurs de l'Evangile dans la société brésilienne.

Bien-aimés frères, le dialogue entre les chrétiens est un impératif de notre époque, et une option irréversible de l'Eglise. Entre-temps, comme le rappelle le Concile Vatican II, au centre de tous les efforts en faveur de l'unité, il doit y avoir la prière, la conversion, et la sanctification de la vie (cf. Unitatis redintegratio, UR 8). C’est le Seigneur qui donne l’unité, qui n’est pas une création des hommes; aux pasteurs revient l’obéissance à la volonté du Seigneur, en promouvant des initiatives concrètes, libres de tout réductionnisme conformiste, mais réalisées avec sincérité et réalisme, avec patience et persévérance, qui naissent de la foi dans l’action providentielle de l’Esprit Saint.

Chers et vénérés frères, au cours de notre rencontre, j’ai tenté de souligner brièvement certains aspects du grand défi de l’oecuménisme confié à votre sollicitude apostolique. En prenant congé de vous, je vous redis une fois de plus mon estime et l’assurance de mes prières, ainsi que pour vos diocèses. De façon particulière, je désire renouveler ici ma solidarité paternelle aux fidèles du diocèse de Barreiras, récemment privés de la direction de leur premier et zélé pasteur, Mgr Ricardo José Weberberger, qui se trouve à présent dans la maison du Père, destination de nos pas à tous. Qu’il repose en paix! En invoquant l’intercession de Nossa Senhora Aparecida, je donne à chacun de vous, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux séminaristes, aux catéchistes et à tout le peuple qui vous est confiée, une Bénédiction apostolique affectueuse.






À S.E. M. WALTER JÜRGEN SCHMID, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Palais pontifical de Castel Gandolfo Lundi 13 septembre 2010

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Monsieur l’ambassadeur,

Je profite volontiers de l’occasion de la remise des Lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République fédérale d’Allemagne près le Saint-Siège pour vous souhaiter la bienvenue et vous exprimer mes meilleurs voeux pour votre importante mission. Je vous remercie de tout coeur pour les aimables paroles que vous m’avez adressées, également au nom du président fédéral, M. Christian Wulff, et du gouvernement fédéral. J’adresse mon salut et ma bénédiction au chef de l’Etat, aux membres du gouvernement, ainsi qu’à tous les citoyens d’Allemagne, dans l’espoir que les bonnes relations entre le Saint-Siège et la République fédérale d’Allemagne se maintiennent à l’avenir et se développent encore davantage.

De nombreux chrétiens en Allemagne attendent avec un regard attentif les célébrations imminentes de béatification de plusieurs prêtres martyrs de l’époque du régime nazi. Dimanche 19 septembre, Gerhard Hirschfelder sera béatifié à Münster. L’année prochaine suivront les cérémonies pour Georg Häfner à Würzburg, ainsi que pour Johannes Prassek, Hermann Lange et Eduard Müller à Lübeck. Avec les aumôniers de Lübeck l’on rappellera également la mémoire du pasteur évangélique Karl Friedrich Stellbrink. L’amitié attestée entre les quatre ecclésiastiques est un témoignage impressionnant de l’oecuménisme de la prière et de la souffrance, qui s’est développé dans divers lieux au cours de la période obscure de la terreur nazie. Ces témoins peuvent nous apparaître comme des phares lumineux sur notre chemin oecuménique commun.

En contemplant ces figures de martyrs, il apparaît de façon toujours plus claire et exemplaire que certains hommes, en vertu de leur conviction chrétienne, sont disposés à donner leur vie pour la foi, pour le droit d’exercer librement leur croyance, pour la liberté d’expression, pour la paix et pour la dignité humaine. Aujourd’hui, fort heureusement, nous vivons dans une société libre et démocratique. Dans le même temps, nous observons toutefois qu’auprès d’un grand nombre de nos contemporains, il n’y pas de profond attachement à la religion, comme c’est le cas de ces témoins de la foi. On pourrait se demander s’il existe aujourd’hui encore des chrétiens qui se font les garants de leur foi, sans aucun compromis. Au contraire, de nombreuses personnes montrent le plus souvent un penchant pour des conceptions religieuses plus permissives également pour elles-mêmes. A la place du Dieu personnel du christianisme, qui se révèle dans la Bible, apparaît un être suprême, mystérieux et indéterminé, qui ne possède qu’une vague relation avec la vie personnelle de l’être humain.

Ces conceptions animent toujours plus le débat au sein de la société, en particulier en ce qui concerne le domaine de la justice et du droit. Mais si quelqu’un abandonne la foi pour un Dieu personnel, apparaît l’alternative d’un «dieu» qui ne connaît pas, n’entend pas et ne parle pas. Et, plus que tout, qui n’a pas de volonté. Si Dieu n’a pas de volonté propre, à la fin, il ne peut y avoir de distinction entre le bien et le mal; le bien et le mal ne sont plus en contradiction entre eux, mais ne sont qu’une opposition dans laquelle l’un serait complémentaire de l’autre. L’homme perd ainsi sa force morale et spirituelle, nécessaire pour un développement complet de la personne. L’action sociale est toujours plus dominée par l’intérêt privé ou par le calcul du pouvoir, au dépens de la société. Si au contraire Dieu est une personne — et l’ordre de la création, ainsi que la présence de nombreux chrétiens convaincus dans la société en est un signe — alors, un ordre de valeurs enracinées en Dieu est ainsi légitimé. Ces derniers temps, sont apparus des signaux qui attestent du développement de nouveaux rapports entre Etat et religion, parfois au-delà des grandes Eglises chrétiennes jusqu’à présent déterminantes. Dans cette situation, les chrétiens ont donc le devoir de suivre ce développement de façon positive et critique, et d’affiner leurs sens en vue de comprendre l’importance fondamentale et permanente du christianisme dans le fondement et l’organisation de notre culture.

L’Eglise constate toutefois avec préoccupation les tentatives croissantes en vue d’éliminer le concept chrétien de mariage et de famille de la conscience de la société. Le mariage s’épanouit comme union durable d’amour entre un homme et une femme, qui est toujours également tournée vers la transmission de la vie humaine. L’une de ses conditions est la disposition des partenaires à se lier l’un à l’autre pour toujours. C’est pourquoi une certaine maturité de la personne est nécessaire, ainsi qu’une attitude existentielle et sociale déterminante: une «culture de la personne» comme l’a dit un jour mon prédécesseur Jean-Paul II. L’existence de cette culture de la personne dépend également de développements sociaux. Il peut arriver que dans une société, la culture de la personne s’affaiblisse; souvent, cela découle de façon paradoxale de l’amélioration du niveau de vie. Dans la préparation et dans l’accompagnement des conjoints, il faut créer les conditions de base pour relever et développer cette culture. Dans le même temps, nous devons être conscients que le succès du mariage dépend de nous tous et de la culture personnelle de chaque citoyen. Dans ce sens, l’Eglise ne peut approuver des initiatives législatives qui impliquent une revalorisation de modèles alternatifs de la vie de couple et de la famille. Celles-ci contribuent à l’affaiblissement des principes du droit naturel et ainsi à la relativisation de toute la législation et également à la confusion par rapport aux valeurs représentées dans la société.

C’est un principe de la foi chrétienne, enraciné dans le droit naturel, que la personne humaine doit être protégée précisément dans les situations de faiblesse. L’être humain a toujours la priorité par rapport à d’autres objectifs. Les nouvelles possibilités de la biotechnologie et de la médecine nous placent souvent dans des situations difficiles qui ressemblent au passage d’un chemin étroit de crête. Nous avons le devoir d’étudier de façon attentive dans quelle mesure ces méthodes peuvent être une aide pour l’homme et dans quelle mesure elles manipulent au contraire l’homme, violent son intégrité et sa dignité. Nous ne pouvons pas refuser ces développements, mais nous devons être très vigilants. Lorsque l’on commence à établir une distinction — et souvent, cela a lieu déjà dans le sein maternel — entre une vie digne et une vie indigne d’être vécue, alors aucune autre étape de la vie ne sera épargnée, encore moins la vieillesse ou la maladie.

L’édification d’une société humaine exige la fidélité à la vérité. Dans ce contexte, récemment, certains phénomènes apparus dans les médias publics font réfléchir: dans un cadre de concurrence de plus en plus forte, les moyens de communication se croient obligés de susciter la plus grande attention possible. En outre, c’est l’opposition qui fait en général sensation, même si cela va au détriment de la véracité du récit. Cela devient particulièrement problématique lorsque des personnes faisant autorité prennent publiquement position à cet égard, sans être en mesure de vérifier tous les aspects de façon adéquate. Il faut saluer l’intention du gouvernement fédéral d’intervenir dans de tels cas, pour exercer dans la mesure du possible une action compensatoire et pacificatrice.

Monsieur l’ambassadeur, que vous accompagnent mes meilleurs voeux pour votre travail et pour les contacts que vous maintiendrez avec les représentants de la Curie romaine, avec le Corps diplomatique et également avec les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs engagés dans les activités ecclésiales qui vivent ici, à Rome. J’implore de tout coeur pour vous, pour votre épouse et pour vos collaborateurs de l’ambassade, une abondance de Bénédictions divines.







Discours 2005-2013 40710