Discours 2005-2013 7100

AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS SUR LA PRESSE CATHOLIQUE ORGANISÉ PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES Salle Clémentine Jeudi 7 octobre 2010

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Chers frères dans l’épiscopat,
Mesdames et Messieurs!

Je vous accueille avec joie au terme des quatre journées intenses de travail promues par le Conseil pontifical des communications sociales et consacrées à la presse catholique. Je vous salue cordialement, vous tous qui provenez de 85 pays, et qui travaillez pour les quotidiens, les hebdomadaires, ou dans d’autres journaux et sites internet. Je salue le président du dicastère, Mgr Claudio Maria Celli, que je remercie pour s’être fait l’interprète des sentiments de tous, ainsi que les secrétaires, le sous-secrétaire, tous les membres et le personnel. Je suis heureux de pouvoir vous adresser une parole d’encouragement en vue de continuer, avec des motivations renouvelées, votre engagement important et qualifié.

Le monde des médias traverse une profonde transformation intérieure également; le développement des nouvelles technologies et, en particulier, le développement de la dimension multimédia, semblent remettre en question le rôle des moyens plus traditionnels et consolidés. De façon opportune, votre Congrès se propose de réfléchir sur le rôle particulier de la presse catholique. En effet, une réflexion attentive dans ce domaine fait ressortir deux aspects particuliers: d’une part, la spécificité du moyen, la presse, c’est-à-dire la parole écrite, son actualité et son efficacité, dans une société qui a vu se multiplier les antennes, les paraboles et les satellites, devenus presque comme les emblèmes d’une nouvelle façon de communiquer à l’époque de la mondialisation. D’autre part, la connotation «catholique», avec la responsabilité qui en découle d’y être fidèle de façon explicite et substantielle, à travers l’engagement quotidien de parcourir la voie maîtresse de la vérité.

Les journalistes catholiques doivent poursuivre la recherche de la vérité avec un esprit et un coeur passionnés, mais également avec le professionnalisme de personnes compétentes et dotées de moyens adéquats et efficaces. Cela apparaît encore plus important à l’époque historique actuelle, qui demande à la figure même du journaliste, en tant que médiateur des flux d’information, d’accomplir un profond changement. Aujourd’hui par exemple, dans la communication, une importance toujours plus grande revient au monde des images, avec le développement de technologies toujours nouvelles; mais si, d’une part, tout cela comporte des aspects positifs indubitables, de l’autre, l’image peut également devenir détachée du réel, peut donner vie à un monde virtuel, avec plusieurs conséquences, dont la première est le risque de l’indifférence à l’égard du vrai. En effet, les nouvelles technologies, avec les progrès qu’elles apportent, peuvent rendre le vrai et le faux interchangeables, peuvent conduire à confondre le réel avec le virtuel. En outre, la reprise d’un événement, heureux ou triste, peut être considérée comme un spectacle et non comme une occasion de réflexion. La recherche des voies pour une authentique promotion de l’homme passe alors au second plan, car l’événement est présenté principalement en vue de susciter des émotions. Ces aspects sont autant de sonnettes d’alarme: ils invitent à prendre en compte le danger que le virtuel éloigne de la réalité et n’encourage pas la recherche du vrai, de la vérité.

Dans ce contexte, la presse catholique est appelée, de façon renouvelée, à exprimer au maximum ses potentialités et à donner raison jour après jour de sa mission à laquelle elle ne peut renoncer. L’Eglise est facilitée en cela, étant donné que la foi chrétienne possède en commun avec la communication une structure fondamentale: le fait que le moyen et le message coïncident; en effet, le Fils de Dieu, le Verbe incarné, est, dans le même temps, messager de salut et moyen à travers lequel le salut se réalise. Et cela n’est pas un simple concept, mais une réalité accessible à tous, également à ceux qui, bien que vivant en première personne au milieu des complexités du monde, sont capables de conserver l’honnêteté intellectuelle propre aux «petits» de l’Evangile. En outre l’Eglise, corps mystique du Christ, présente partout simultanément, nourrit la capacité de relations plus fraternelles et plus humaines, en se plaçant comme lieu de communion entre les croyants et également comme signe et instrument de la vocation de tous à la communion. Sa force est le Christ, et en son nom elle «suit» l’homme sur les routes du monde pour le sauver du «mysterium iniquitatis», qui oeuvre de façon insidieuse en lui. La presse évoque de façon plus directe, par rapport à tout autre moyen de communication, la valeur de la parole écrite. La Parole de Dieu est arrivée aux hommes et nous a également été transmise à travers un livre, la Bible. La Parole demeure un instrument fondamental et, dans un certain sens, constitutif de la communication: elle est utilisée aujourd’hui sous de nombreuses formes, et dans ce que l’on appelle la «civilisation de l’image» également, elle conserve sa valeur intégrale.

A partir de ces brèves considérations, il apparaît évident que le défi de la communication est, pour l’Eglise et pour tous ceux qui partagent sa mission, très exigeant. Les chrétiens ne peuvent ignorer la crise de la foi apparue dans la société, ou simplement penser que le patrimoine de valeurs transmis le long des siècles puisse continuer à inspirer et à façonner l’avenir de la famille humaine. L’idée de vivre «comme si Dieu n’existait pas» s’est révélée délétère: le monde a plutôt besoin de vivre «comme si Dieu existait», même si manque la force de croire, autrement il produit uniquement un «humanisme inhumain».

Très chers frères et soeurs, ceux qui oeuvrent dans le domaine des moyens de communication, s’ils ne veulent pas être uniquement «un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante» (
1Co 13,1), — comme dirait saint Paul — doivent avoir profondément ancrée en eux l’option fondamentale qui leur permet de traiter les choses du monde en plaçant toujours Dieu au sommet de l’échelle de valeurs. Les temps que nous vivons, bien qu’ayant un potentiel positif significatif, parce que les destins de l’histoire sont toujours entre les mains de Dieu et son dessein éternel se révèle toujours plus, restent marqués par de nombreuses zones d’ombre. Chers membres de la presse catholique, votre devoir consiste à aider l’homme contemporain à s’orienter vers le Christ, unique Sauveur, et à maintenir allumée dans le monde la flamme de l’espérance, pour vivre dignement le moment actuel et construire de façon adéquate l’avenir. C’est pourquoi je vous exhorte à renouveler constamment votre choix personnel pour le Christ, en puisant aux ressources spirituelles que la mentalité du monde sous-estime, alors qu’elles sont précieuses, et même indispensables. Chers amis, je vous encourage à poursuivre votre engagement difficile et je vous accompagne par la prière, afin que l’Esprit Saint le rende toujours fécond. Que ma Bénédiction, pleine d’affection et de gratitude, que je vous donne avec plaisir, embrasse toutes les personnes présentes, ainsi que toutes celles qui oeuvrent dans la presse catholique du monde entier.






AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS D'ÉTUDE ORGANISÉ PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LES TEXTES LÉGISLATIFS POUR LE XX ANNIVERSAIRE DE LA PROMULGATION DU CODEX CANONUM ECCLESIARUM ORIENTALIUM

Salle Clémentine Samedi 9 octobre 2010


1184 Messieurs les cardinaux,
Vénérés patriarches,
Archevêques majeurs,
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Illustres représentants d’autres Eglises et communautés ecclésiales,
Eminents agents du droit canonique oriental,

C’est avec une grande joie que je vous accueille en conclusion du Congrès d’études, par lequel vous avez voulu de façon opportune célébrer le vingtième anniversaire de la promulgation du Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium. Je vous salue tous cordialement, à commencer par Mgr Francesco Coccopalmerio, que je remercie des paroles qu’il m’a adressées, également au nom des personnes présentes. J’adresse une pensée reconnaissante à la Congrégation pour les Eglises orientales, au Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et à l’Institut pontifical oriental, qui ont collaboré avec le Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs pour organiser ce congrès. Je désire exprimer mon appréciation cordiale aux rapporteurs pour leur contribution scientifique compétente à cette initiative ecclésiale.

Vingt ans après la promulgation du Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, nous voulons rendre hommage à l’intuition du vénérable Pape Jean-Paul II, qui, dans sa sollicitude afin que les Eglises orientales «soient florissantes et accomplissent avec une vigueur apostolique renouvelée la mission qui leur incombe» (Conc. oecum. Vat. II, décr. Orientalium Ecclesiarum, I), a voulu doter ces vénérables Eglises d’un Code complet, commun et adapté aux temps. C’est ainsi qu’a été accomplie «la volonté constante des Papes romains de promulguer deux Codes, l’un pour l’Eglise latine et l’autre pour les Eglises orientales catholiques » (Const. ap. Sacri canones). Dans le même temps, a été réaffirmée «très clairement l’intention constante et ferme du législateur suprême dans l’Eglise à l’égard de la conservation fidèle et de l’observance diligente de tous les rites» (ibid.).

Le Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium a été suivi par deux autres documents importants du magistère de Jean-Paul II: la Lettre encyclique Ut unum sint (1995) et la Lettre apostolique Orientale lumen (1995). En outre, nous ne pouvons pas oublier le Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’oecuménisme, publié par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (1993) et l’Instruction de la Congrégation pour les Eglises orientales à propos de l’application des prescriptions liturgiques du Code (1996). Dans ces documents du magistère faisant autorité, plusieurs canons du Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, comme du Codex Iuris Canonici sont presque textuellement cités, commentés et appliqués à la vie de l’Eglise.

Ce vingtième anniversaire n’est pas seulement la célébration d’un événement visant à conserver la mémoire, mais une occasion providentielle de contrôle, auquel sont appelées tout d’abord les Eglises orientales catholiques sui iuris et leurs institutions, en particulier les hiérarchies. A cet égard, la Constitution apostolique Sacri canones prévoyait déjà les domaines de contrôle. Il s’agit de voir dans quelle mesure le Code a eu effectivement force de loi pour toutes les Eglises orientales catholiques sui iuris et comment il a été traduit dans l’activité de la vie quotidienne des Eglises orientales; ainsi que dans quelle mesure l’autorité législative de chaque Eglise sui iuris a pourvu à la promulgation de son droit particulier, en tenant compte des traditions de son propre rite, ainsi que des dispositions du Concile Vatican II.

Les thématiques de votre Congrès, articulées autour de trois aspects, l’histoire, les législations particulières, les perspectives oecuméniques, indiquent un iter plus que jamais significatif qui doit être suivi dans cette vérification. Celle-ci doit partir de la conscience que le nouveau Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium a créé pour les fidèles orientaux catholiques une situation disciplinaire en partie nouvelle, devenant un instrument valable pour conserver et promouvoir son propre rite entendu comme «patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, distinct en raison de la culture et des circonstances historiques des peuples, qui s’exprime selon une manière de vivre la foi qui est propre à chaque Eglise sui iuris» (can. 28, § 1).

1185 A cet égard, les sacri canones de l’Eglise antique, qui inspirent le code oriental en vigueur, encouragent toutes les Eglises orientales à conserver leur identité, qui est à la fois orientale et catholique. En conservant la communion catholique, les Eglises orientales catholiques n’entendaient pas du tout renier la fidélité à leur tradition. Comme cela a été plusieurs fois répété, la pleine union déjà réalisée des Eglises orientales catholiques avec l’Eglise de Rome ne doit pas comporter pour celles-ci une diminution dans la conscience de leur propre authenticité et originalité. La tâche de toutes les Eglises orientales catholiques est donc de conserver le patrimoine disciplinaire commun et de nourrir leurs propres traditions, une richesse pour toute l’Eglise.

Les sacri canones des premiers siècles de l’Eglise constituent eux-mêmes, dans une large mesure, le même patrimoine de discipline canonique fondamental qui réglemente également les Eglises orthodoxes. Les Eglises orientales catholiques peuvent donc offrir une contribution particulière et importante au chemin oecuménique. Je suis heureux qu’au cours de votre symposium vous ayez tenu compte de cet aspect particulier et je vous encourage à en faire l’objet d’études supplémentaires, en coopérant ainsi de votre part à l’engagement commun d’adhérer à la prière du Seigneur: «Que tous, soient un... afin que le monde croie...» (
Jn 17,21).

Chers amis, dans le cadre de l’engagement actuel de l’Eglise pour une nouvelle évangélisation, le droit canonique comme législation particulière et indispensable à la communauté ecclésiale, ne manquera pas de contribuer efficacement à la vie et à la mission de l’Eglise dans le monde, si toutes les composantes du peuple de Dieu savent l’interpréter sagement et l’appliquer fidèlement. J’exhorte donc, comme le fit le vénérable Jean-Paul II, tous les bien-aimés fils orientaux «à observer les préceptes indiqués avec l’âme sincère et une humble volonté, en ne doutant aucunement que les Eglises orientales pourvoiront de la meilleure façon possible au bien des âmes des fidèles chrétiens avec une discipline renouvelée, et qu’ils honoreront et rempliront toujours la tâche qui leur est confiée sous la protection de la glorieuse et toujours Vierge Marie bénie, qui en pleine vérité est appelée Theotokos et qui resplendit comme mère excellente de l’Eglise universelle» (Const. ap. Sacri canones).

J’accompagne ce voeu de ma Bénédiction apostolique, que je vous donne, ainsi qu’à ceux qui apportent leur contribution dans les différents domaines liés au droit canonique oriental.







ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LE MOYEN-ORIENT

DU SYNODE DES ÉVÊQUES

MÉDITATION

LORS DE LA PREMIÈRE CONGRÉGATION GÉNÉRALE


Salle du Synode Lundi 11 octobre 2010




Chers frères et soeurs,

Le 11 octobre 1962, voici quarante-huit ans, le Pape Jean XXIII inaugurait le Concile Vatican II. Le 11 octobre voyait alors la célébration de la fête de la Divine Maternité de Marie et, par ce geste, le Pape Jean XXIII voulait confier l'ensemble du Concile aux mains maternelles, au coeur maternel de la Sainte Vierge. Nous aussi, nous commençons le 11 octobre et nous aussi, nous voulons confier ce Synode, avec tous les problèmes, avec tous les défis, avec toutes les espérances, au coeur maternel de la Vierge Marie, Mère de Dieu.

Pie XI, en 1931, avait introduit cette fête, mille cinq cents ans après le Concile d'Ephèse, qui avait légitimé pour Marie le titre de Theotókos, Dei Genitrix. Dans ce grand mot de Dei Genitrix, de Theotókos, le Concile d'Ephèse avait résumé toute la doctrine du Christ, de Marie, toute la doctrine de la rédemption. Et il vaut donc la peine de réfléchir un peu, pendant un instant, sur ce dont parle le Concile d'Ephèse, ce dont il parle en ce jour.

En réalité, Theotókos est un titre audacieux. Une femme est la Mère de Dieu. On pourrait dire: comment est-ce possible? Dieu est éternel, il est le Créateur. Nous sommes des créatures, nous sommes dans le temps: comment une personne humaine pourrait-elle être la Mère de Dieu, de l'Eternel, étant donné que nous sommes tous dans le temps, que nous sommes tous des créatures? L'on comprend donc qu'il existait une forte opposition, en partie, contre ce mot. Les nestoriens disaient: on peut parler de Christotokos, oui, mais pas de Theotókos. Théos, Dieu, est au-delà, au-dessus des événements de l'histoire. Mais le Concile a décidé cela et précisément ainsi, il a mis en lumière l'aventure de Dieu, la grandeur de ce qu'Il a fait pour nous. Dieu n'est pas demeuré en lui: Il est sorti de lui, il s'est tellement uni, de manière si radicale avec cet homme, Jésus, que cet homme Jésus est Dieu, et si nous parlons de Lui, nous pouvons toujours également parler de Dieu. Ce n'est pas seulement un homme qui avait à faire avec Dieu qui est né mais, en Lui, Dieu est né sur la terre. Dieu est sorti de Lui-même. Mais nous pouvons également dire le contraire: Dieu nous a attirés en Lui, de sorte que nous ne sommes plus hors de Dieu, mais que nous sommes en lui, dans l'intimité de Dieu même.

La philosophie aristotélicienne, nous le savons bien, nous dit qu'entre Dieu et l'homme existe seulement une relation non réciproque. L'homme se réfère à Dieu, mais Dieu, l'Eternel, est en Lui, Il ne change pas: Il ne peut avoir aujourd'hui cette relation et demain une autre. Il demeure en lui, Il n'a pas de relation ad extra. C'est un terme très logique mais qui conduit au désespoir: donc Dieu n'a pas de relation avec moi. Avec l'Incarnation, avec l'événement de la Theotókos, ceci a été modifié de manière radicale parce que Dieu nous a attirés en Lui-même et Dieu en tant que tel est relation, et nous fait participer de sa relation intérieure. Ainsi, nous sommes dans son être Père, Fils et Saint-Esprit, nous sommes à l'intérieur de son être en relation, nous sommes en relation avec Lui et Lui a réellement créé une relation avec nous. En ce moment, Dieu voulait être né d'une femme et être toujours Lui-même: tel est le grand événement. Ainsi, nous pouvons comprendre la profondeur de l'acte du Pape Jean XXIII qui confia l'assemblée conciliaire, synodale, au mystère central, à la Mère de Dieu qui est attirée par le Seigneur en Lui-même et ainsi nous tous avec Elle.

1186 Le Concile a commencé avec l'icône de la Theotókos. A la fin, le Pape Paul VI reconnaît à la même Vierge Marie le titre de Mater Ecclesiae. Et ces deux icônes, qui débutent et clôturent le Concile, sont intrinsèquement liées, constituant à la fin une seule icône. Parce que le Christ n'est pas né comme un individu parmi d'autres. Il est né pour se créer un corps: Il est né — ainsi que le dit saint Jean au chapitre 12 de son Evangile — pour attirer tous les hommes à Lui et en Lui. Il est né — comme le disent les Epîtres aux Colossiens et aux Ephésiens — pour récapituler le monde entier, Il est né comme premier né d'une multitude de frères, Il est né pour réunir en Lui l’univers, de telle sorte qu'Il est la Tête d'un grand Corps. Là où naît le Christ, commence le mouvement de la récapitulation, commence le moment de l'appel, de la construction de son Corps, de Sa Sainte Eglise. La Mère de Théos, la Mère de Dieu, est Mère de l'Eglise parce qu'Elle est Mère de Celui qui est venu pour nous réunir tous dans Son Corps ressuscité.

Saint Luc nous fait comprendre cela dans le parallélisme entre le premier chapitre de son Evangile et le premier chapitre des Actes des Apôtres, qui répètent, sur deux niveaux, le même mystère. Dans le premier chapitre de l'Evangile, l'Esprit Saint se pose sur Marie et ainsi elle enfante et nous donne le Fils de Dieu. Dans le premier chapitre des Actes des Apôtres, Marie est au centre des disciples de Jésus qui prient tous ensemble, implorant la nuée de l'Esprit Saint. Et ainsi, de l'Eglise croyante, avec Marie en son centre, naît l'Eglise, le Corps du Christ. Cette double naissance est l'unique naissance du Christus totus, du Christ qui embrasse le monde et nous tous.

Naissance à Bethléem, naissance au Cénacle. Naissance de l'Enfant Jésus, naissance du Corps du Christ, de l'Eglise. Ce sont deux événements ou bien un unique événement. Mais, entre les deux, se trouvent réellement la Croix et la Résurrection. Et c'est seulement par la Croix qu'advient le chemin vers la totalité du Christ, vers Son Corps ressuscité, vers l'universalisation de Son être dans l'unité de l'Eglise. Et ainsi, en tenant compte du fait que seul du grain tombé en terre naît ensuite la grande récolte, du Seigneur transpercé sur la Croix provient l'universalité de ses disciples en Son Corps, mort et ressuscité.

En tenant compte de ce lien entre Theotókos et Mater Ecclesiae, notre regard va vers le dernier livre de l'Ecriture Sainte, l'Apocalypse, dans lequel au chapitre 12, apparaît justement cette synthèse. La femme revêtue de soleil, avec douze étoiles sur la tête et la lune sous les pieds, enfante. Et elle enfante avec un cri de douleur, elle enfante avec une grande douleur. Ici, le mystère marial est le mystère de Bethléem élargi au mystère de l’univers. Le Christ naît toujours de nouveau en toutes les générations et ainsi il assume, il rassemble en Lui-même l'humanité. Et cette naissance cosmique se réalise dans le cri de la Croix, dans la douleur de la Passion. Et à ce cri de la Croix appartient le sang des martyrs.

Ainsi, en ce moment, nous pouvons jeter un regard sur le deuxième Psaume de la prière du milieu du jour, le Psaume 81, où l'on voit une partie de ce processus. Dieu est parmi les dieux — ils sont encore considérés comme dieux en Israël. Dans ce psaume, dans une grande concentration, en une vision prophétique, on voit la perte de puissance des dieux. Ceux qui apparaissaient tels ne sont pas des dieux et perdent leur caractère divin, tombant à terre. Dii estis et moriemini sicut nomine (cf. Ps
Ps 81,6-7): la perte de puissance, la chute des divinités.

Ce processus qui se réalise dans le long chemin de la foi d'Israël et qui est ici résumé dans une vision unique, est un processus véritable de l'histoire de la religion: la chute des dieux. Et ainsi la transformation du monde, la connaissance du vrai Dieu, l’affaiblissement des forces qui dominent la terre, est un processus de douleur. Dans l'histoire d'Israël, nous voyons comment cette libération du polythéisme, cette reconnaissance — «Lui seul est Dieu» — se réalise au milieu de nombreuses souffrances, en commençant par le chemin d'Abraham, l'exil, les Macchabées, jusqu'au Christ. Et dans l'histoire, ce processus de perte de pouvoir dont parle l'Apocalypse au chapitre 12 se poursuit; il parle de la chute des anges qui ne sont pas des anges, qui ne sont pas des divinités sur la terre. Et il se réalise réellement, justement dans le temps de l'Eglise naissante où nous voyons comment les divinités, en commençant par le divin empereur de toutes ces divinités, perdent leur pouvoir par le sang des martyrs. C'est le sang des martyrs, la douleur, le cri de la Mère Eglise qui les fait tomber et transforme ainsi le monde.

Cette chute n'est pas seulement la connaissance qu'elles ne sont pas Dieu; c'est le processus de transformation du monde, qui coûte le sang, qui coûte la souffrance des témoins du Christ. Et, à bien regarder, nous voyons que ce processus n'est jamais fini. Il se réalise dans les différentes périodes de l'histoire de manières toujours nouvelles; aujourd'hui encore, au moment où le Christ, l'unique Fils de Dieu, doit naître pour le monde avec la chute des dieux, avec la douleur, le martyr des témoins. Pensons aux grandes puissances de l'histoire d'aujourd'hui, pensons aux capitaux anonymes qui réduisent l'homme en esclavage, qui ne sont plus chose de l'homme, mais constituent un pouvoir anonyme que les hommes servent, par lequel les hommes sont tourmentés et même massacrés. Il s'agit d'un pouvoir destructeur, qui menace le monde. Pensons ensuite au pouvoir des idéologies terroristes. La violence est apparemment pratiquée au nom de Dieu, mais ce n'est pas Dieu: ce sont de fausses divinités qui doivent être démasquées, qui ne sont pas Dieu. Pensons ensuite à la drogue, ce pouvoir qui, telle une bête féroce, étend ses mains sur toutes les parties de la terre et détruit: c'est une divinité mais une fausse divinité qui doit tomber. Pensons encore à la manière de vivre répandue par l'opinion publique: aujourd'hui, on fait comme ça, le mariage ne compte plus, la chasteté n'est plus une vertu, et ainsi de suite.

Ces idéologies dominantes, qui s'imposent avec force, sont des divinités. Et dans la douleur des saints, dans la douleur des croyants, de la Mère Eglise dont nous faisons partie, doivent tomber ces divinités, doit se réaliser ce que disent les Epîtres aux Colossiens et aux Ephésiens: les dominations, les pouvoirs tombent et deviennent sujets de l'unique Seigneur Jésus Christ. Cette lutte dans laquelle nous nous trouvons, cette perte de puissance de dieu, cette chute des faux dieux, qui tombent parce qu'ils ne sont pas des divinités mais des pouvoirs qui détruisent le monde, est évoquée par l'Apocalypse au chapitre 12 à travers une image mystérieuse pour laquelle, il me semble, existent différentes belles interprétations. Il est dit que le dragon vomit un grand fleuve d'eau contre la femme en fuite pour l'entraîner dans ses flots. Et il semble inévitable que la femme soit noyée dans ce fleuve. Mais la bonne terre absorbe ce fleuve et il ne peut lui nuire. Je pense que le fleuve peut être facilement interprété: ce sont ces courants qui dominent tout et qui veulent faire disparaître la foi de l'Eglise, qui ne semble plus avoir de place face à la force de ces courants qui s'imposent comme la seule rationalité, comme la seule manière de vivre. Et la terre qui absorbe ces courants est la foi des simples, qui ne se laisse pas emporter par ces fleuves et sauve la Mère et sauve le Fils. C'est pourquoi le Psaume dit — le premier psaume du milieu du jour — la foi des simples est la vraie sagesse (cf. Ps Ps 118,130). Cette véritable sagesse de la foi simple qui ne se laisse pas dévorer par les eaux, est la force de l'Eglise. Et nous en sommes revenus au mystère marial.

Et il y a également un dernier mot dans le Psaume 81, «movebuntur omnia fundamenta terrae» (Ps 81,5), les fondements de la terre vacillent. Nous le voyons aujourd'hui, avec les problèmes climatiques, combien sont menacés les fondements de la terre, mais ils sont menacés par notre comportement. Les fondements extérieurs vacillent parce que vacillent les fondements intérieurs, les fondements moraux et religieux, la foi dont découle la droite manière de vivre. Et nous savons que la foi est le fondement et, en définitive, les fondements de la terre ne peuvent vaciller si la foi, la vraie sagesse demeure ferme.

Et puis le Psaume dit: «Lève-Toi Seigneur, et juge la terre» (Ps 81,8). Ainsi, disons, nous aussi, au Seigneur: «Lève-toi en ce moment, prends la terre entre tes mains, protège ton Eglise, protège l'humanité, protège la terre». Et remettons-nous à nouveau à la Mère de Dieu, à Marie et prions: «Toi la grande croyante, toi qui as porté la terre au ciel, aide-nous, ouvre aujourd'hui encore les portes pour que soit victorieuse la vérité, la volonté de Dieu, qui est le vrai bien, le vrai salut du monde». Amen.




CONCERT OFFERT PAR LE MAÎTRE ENOCH ZU GUTTENBERG Salle Paul VI Samedi 16 octobre 2010

16100



Messieurs les cardinaux,
vénérés frères,
Mesdames et Messieurs!

Au terme d’une écoute aussi intense, l’âme voudrait s’arrêter en prière, mais, dans le même temps, elle ressent le besoin d’exprimer sa reconnaissance.

Je désire adresser mes remerciements cordiaux au maître Enoch zu Guttenberg, pour les paroles sincères qu’il m’a adressées et pour avoir voulu m’offrir ce concert, avec le splendide Orchestre «Die Klang Verwaltung», avec la Chorgemeinschaft Neubeuern et avec la Familie der Freiherren von und zu Guttenberg. C’est à lui, qui a dirigé l’exécution, aux solistes, à chacun des membres de l’orchestre et du choeur que vont mes remerciements reconnaissants. Merci de tout coeur!

Je suis heureux de saluer les cardinaux, les prélats, en particulier les pères synodaux, les éminentes autorités et vous tous — en particulier les pauvres assistés par la Caritas diocésaine de Rome — qui avez pu profiter de cette excellente interprétation de la Messe de Requiem de Giuseppe Verdi. Il la composa en 1873, pour la mort d’Alessandro Manzoni, qu’il admirait et vénérait presque. Dans une lettre, il se demande: «Que pourrais-je vous dire de Manzoni? Comment vous expliquer la très douce sensation, indéfinissable, nouvelle, produite en moi en présence de ce saint, comme vous l’appelez?». Dans l’esprit du grand compositeur, cette oeuvre devait être le sommet et le moment final de son registre musical; ce n’était pas seulement l’hommage au grand écrivain, mais aussi une réponse à une exigence artistique, intérieure et spirituelle, que la confrontation avec la stature humaine et chrétienne de Manzoni avait suscitée en lui.

Giuseppe Verdi a passé son existence à scruter le coeur de l’homme; dans ses oeuvres, il a mis en lumière le drame de la condition humaine: à travers la musique, les histoires représentées, les divers personnages. Son théâtre est peuplé de personnes malheureuses, persécutées, de victimes. Dans de nombreuses pages de la Messe de Requiem retentit cette vision tragique des destins humains: nous touchons ici la réalité inéluctable de la mort et la question fondamentale du monde transcendant, et Verdi, libre des éléments scéniques, représente, à travers les seules paroles de la liturgie catholique et la musique, la gamme des sentiments humains devant le terme de la vie: l’angoisse de l’homme face à sa propre nature fragile, le sens de rébellion devant la mort, la frayeur au seuil de l’éternité. Cette musique invite à réfléchir sur les réalités ultimes, avec tous les états d’âme du coeur humain, dans une série de contrastes de formes, de tons, de couleurs, où s’alternent des moments dramatiques à des moments mélodiques, marqués par l’espérance.

Giuseppe Verdi, qui, dans une célèbre lettre à l’éditeur Ricordi, se définissait «un peu athée», écrit cette Messe, qui nous apparaît comme un grand appel au Père éternel, dans la tentative de dépasser le cri du désespoir devant la mort, pour retrouver l’aspiration de vie qui devient une prière silencieuse et pressante: «Libera me, Domine». Le Requiem de Verdi s’ouvre, en effet, par une phrase en la mineur, qui semble presque descendre vers le silence — quelques mesures des violoncelles, pianissimo, en sourdine — et se conclut par une imploration soumise au Seigneur «Libera me».Cette cathédrale musicale se révèle comme une description du drame spirituel de l’homme aux côtés de Dieu tout-puissant, de l’homme qui ne peut pas échapper à l’interrogation éternelle sur sa propre existence.

Après la Messe de Requiem, Verdi vivra une sorte de deuxième «saison de composition», qui se conclura à nouveau par de la musique religieuse, les Morceaux sacrés: un signe de son inquiétude spirituelle, un signe que l’aspiration vers Dieu est inscrite dans le coeur de l’être humain, car notre espérance repose dans le Seigneur. Qui Mariam absolvisti, et latronem exaudisti, mihi quoque spem dedisti, avons-nous entendu: Toi qui as pardonné Marie (Madeleine) et qui as exaucé le bon larron, tu m’as donné de l’espérance à moi aussi». La grande fresque musicale de ce soir renouvelle en nous la certitude des paroles de saint Augustin: «Inquietum est cor nostrum, donec resquiescat in te — Notre coeur est inquiet, tant qu’il ne repose pas en toi» (Confessions, I, 1).

Chers amis, nous devons encore une fois rendre grâce au Seigneur qui nous a donné des moments de véritable beauté, capable d’élever notre esprit. Et, dans le même temps, nous devons également remercier ceux qui se sont faits l’instrument de la divine Providence! Je remercie donc encore une fois le professeur Enoch zu Guttenberg, les solistes, l’orchestre et le choeur, et ceux qui, de différentes façons, ont collaboré à la réalisation de cette belle soirée. Que le Seigneur donne à tous sa récompense.

Merci et bonne soirée!





Discours 2005-2013 7100