Discours 2005-2013 1222

À LA DÉLÉGATION OECUMÉNIQUE DE FINLANDE,

À L'OCCASION DE LA FÊTE DE SAINT HENRI Samedi 15 janvier 2011

Excellences!
Chers amis de Finlande!

C'est avec une grande joie que je vous souhaite la bienvenue à l'occasion de votre pèlerinage oecuménique annuel à Rome pour célébrer la fête de saint Henri, patron de votre terre bien-aimée. Chaque année, à cette période, votre pèlerinage traditionnel témoigne des relations sincères, amicales et de collaboration qui ont été instaurées entre luthériens et catholiques ainsi que, plus généralement, entre tous les chrétiens dans votre pays.

Bien que nous n'ayons pas encore atteint l'objectif du mouvement oecuménique, à savoir la pleine unité de foi, dans le dialogue ont mûri un grand nombre d'éléments d'accord et de rapprochement, qui nous renforcent dans notre souhait général d'accomplir la volonté de notre Seigneur Jésus Christ «pour que tous soient un» (Jn 17,21). Un résultat récemment obtenu et digne d'attention a été le rapport de conclusion sur le thème de la justification dans la vie de l'Eglise. Ce rapport a été rédigé par le groupe de dialogue catholique-luthérien nordique en Finlande et en Suède, dont les membres ont pu se rencontrer l'année dernière. Dans la théologie et dans la foi tout est lié et par conséquent une compréhension commune plus profonde de la justification nous aidera aussi à mieux comprendre ensemble la nature de l'Eglise et, comme vous l'avez évoqué, le ministère épiscopal. De cette manière, cela aidera à trouver l'unité de l'Eglise sous une forme concrète et être ainsi plus en mesure également, comme vous l'avez noté, d'exposer la foi aux hommes d'aujourd'hui qui s'interrogent et à la rendre compréhensible afin qu'ils voient qu'Il est la réponse, que le Christ est notre rédempteur à tous. De cette manière, notre espérance aussi reste vivante afin que, sous la conduite de l'Esprit Saint, un grand nombre de personnes engagées dans le domaine oecuménique, compétentes et pleines de sollicitude, apportent leur contribution à la réalisation de cette grande tâche oecuménique et qu’elles puissent avancer, toujours guidées par l'Esprit Saint.

1223 Ceci dit, il est sous-entendu que l'efficacité de nos efforts ne peut pas venir uniquement de l'étude et du débat, mais dépend surtout de notre prière constante, de notre vie conforme à la volonté de Dieu, parce que l’oecuménisme n'est pas notre oeuvre, mais bien le fruit de l'action de Dieu.

Dans le même temps, nous sommes tous conscients du fait que, ces dernières années, le chemin oecuménique est devenu, sous certains aspects, plus difficile, assurément plus exigeant. Des questions relatives à la méthode oecuménique et aux conquêtes de ces dernières années, ainsi que sur l'incertitude de l'avenir, sur les problèmes de notre temps avec la foi en général, restent à approfondir. De ce point de vue, votre pèlerinage annuel à Rome pour la fête de saint Henri demeure un événement important, un signe et un encouragement pour nos efforts oecuméniques, pour la certitude que nous devons cheminer ensemble et que le Christ est le chemin pour l'humanité. Votre pèlerinage nous aide à regarder derrière nous avec joie pour mesurer ce qui a été accompli jusqu'ici et à nous tourner vers l'avenir dans le désir d’assumer un engagement plein de responsabilité et de foi. A l'occasion de votre visite, nous avons tous l’assurance que l'Esprit Saint, qui éveille, accompagne et jusqu'à aujourd'hui a rendu fécond le mouvement oecuménique, continuera encore de le faire à l'avenir.

J'espère fermement que votre visite à Rome renforcera la future collaboration entre luthériens et catholiques, et même entre tous les chrétiens en Finlande. En vue de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, prions afin que l'esprit de vérité nous conduise à un amour et à une fraternité encore plus grands. Que Dieu vous donne d’abondantes bénédictions en cette nouvelle année qui vient de débuter.

À LA COMMUNAUTÉ DE L'INSTITUT PONTIFICAL ECCLÉSIASTIQUE

POLONAIS DE ROME, À L'OCCASION DU 100ème ANNIVERSAIRE DE SA FONDATION Salle Clémentine Lundi 17 janvier 2011


Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

C'est avec une grande joie que je vous accueille au Palais apostolique et que je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je salue tout d'abord Mgr le Recteur, et toute la communauté de l'Institut pontifical ecclésiastique polonais, ainsi que les invités. Je remercie en particulier le cardinal Zenon Grocholewski des paroles significatives qu'il m'a adressées au nom de toutes les personnes présentes.

Ce qui a vous a conduits ici, pour rencontrer le Successeur de Pierre et être confirmés dans la foi et dans votre appartenance à l'Eglise, est une heureuse circonstance qui vous tient, à juste titre, très à coeur: le centenaire de la fondation de cette institution de grand mérite. Née de l'intuition éclairée et de l’admirable initiative de saint Józef Sebastian Pelczar, alors évêque de Przemysl, son histoire débuta sous le pontificat de saint Pie X, auquel fut présenté le projet de fondation. Le 13 mai 1909, le Pape approuva personnellement la requête des évêques polonais et le 19 mars 1910, avec le décret Religioso Polonae gentis, fut érigé l'Hospice polonais. Il fut inauguré solennellement le 13 novembre 1910 par Mgr Sapieha, devenu par la suite cardinal-archevêque de Cracovie. L'institut a ainsi pu jouir, au fil des années, de la sollicitude et de l'affection des différents Papes, au nombre desquels nous nous souvenons, plus proches de nous, du serviteur de Dieu Paul vi et, naturellement, du futur bienheureux, le vénérable serviteur de Dieu Jean-Paul ii, qui lui rendit visite en 1980 et eut l'occasion de souligner sa profonde signification pour l'Eglise et pour le peuple polonais.

Célébrer le premier centenaire de cette importante institution constitue un rappel précieux du souvenir et de la reconnaissance que l’on doit à ceux qui ont donné naissance à celle-ci, avec foi, avec courage et avec difficulté; un rappel, dans le même temps, à la responsabilité de porter de l'avant aujourd'hui les finalités originelles, en les adaptant opportunément aux nouvelles situations. Il faut placer au-dessus de tout l’engagement à conserver vivante l'âme de cette institution: son âme religieuse et ecclésiale, qui répond au dessein divin providentiel d'offrir à des prêtres polonais un lieu adapté pour l'étude et la fraternité, pendant leur période de formation à Rome.

1224 De cet Institut pontifical, qui a été le témoin de tant d'événements significatifs pour l'Eglise en Pologne, vous faites à présent partie vous aussi, chers prêtres étudiants qui, venus au coeur de la chrétienté, souhaitez approfondir sérieusement votre préparation intellectuelle et spirituelle, pour assumer au mieux toutes les tâches de responsabilité qui vous seront progressivement confiées par vos évêques pour le service du peuple de Dieu. Sentez-vous des «pierres vivantes», une partie importante de cette histoire qui, aujourd'hui, demande aussi votre réponse personnelle et incisive, en offrant votre contribution généreuse, comme l'offrit, au cours du Concile Vatican II, l'inoubliable Primat de Pologne, le cardinal Stefan Wyszynski, qui eut précisément à l'Institut polonais l'opportunité de préparer la célébration du Millénaire du Baptême de la Pologne et le message historique de réconciliation que les évêques polonais adressèrent aux prélats allemands, contenant les célèbres paroles: «Nous pardonnons et nous demandons pardon».

L'Eglise a besoin de prêtres bien préparés, riches de cette sagesse que l'on acquiert dans l'amitié avec le Seigneur Jésus, en puisant constamment à la Table eucharistique et à la source inépuisable de son Evangile. De ces deux sources irremplaçables, sachez tirer un soutien continuel et l'inspiration nécessaire pour votre vie et votre ministère, pour un amour sincère de la Vérité, que vous êtes aujourd'hui appelés à approfondir également à travers l'étude et la recherche scientifique et que vous pourrez demain partager avec un grand nombre. La recherche de la Vérité, pour vous qui, en tant que prêtres, vivez cette expérience romaine particulière, est stimulée et enrichie par la proximité du Siège apostolique, qui doit assurer un service spécifique et universel à la communion catholique dans la vérité et dans la charité. Demeurer liés à Pierre, au coeur de l'Eglise, signifie reconnaître, avec beaucoup de gratitude, se trouver à l'intérieur d'une histoire de salut féconde, longue de plusieurs siècles qui, par une grâce multiforme, vous a touchés et à laquelle vous êtes appelés à participer activement afin que, comme un arbre florissant, elle porte toujours de précieux fruits. L’amour et la dévotion à la figure de Pierre vous poussent à servir avec générosité la communion de toute l'Eglise catholique et de vos Eglises particulières pour que, comme une seule et grande famille, tous puissent apprendre et reconnaître en Jésus, chemin, vérité et vie, le visage du Père miséricordieux, qui veut qu'aucun de ses fils ne soit perdu.

Vénérés et chers frères, je vous confie tous à la Vierge Marie, tant aimée par le peuple polonais. Invoquez-la toujours en tant que Mère de votre sacerdoce, pour qu'elle vous accompagne sur le chemin de la vie et attire sur votre ministère présent et futur l’abondance des dons de l'Esprit saint. Que Marie vous aide à persévérer avec une joyeuse fidélité dans la grâce et dans l'engagement à suivre Jésus, et à nourrir constamment un dévouement fructueux à votre travail quotidien et à ceux que le Seigneur place à vos côtés.

Je vous donne de tout coeur à tous, ainsi qu'aux membres de votre famille et à ceux qui vous sont chers, une Bénédiction apostolique particulière. Loué soit Jésus Christ.

AUX MEMBRES DU CHEMIN NÉOCATÉCHUMÉNAL Salle Paul VI Lundi 17 janvier 2011

Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir et de vous souhaiter une cordiale bienvenue. Je salue en particulier Kiko Arguëllo et Carmen Hernández, initiateurs du Chemin néocatéchuménal, et don Mario Pezzi, en les remerciant pour les paroles de salut et de présentation qu’ils m’ont adressées. Je salue chacun de vous ici présents avec une vive affection: prêtres, séminaristes, familles et membres du Chemin. Je rends grâce au Seigneur, car il nous offre l’opportunité de cette rencontre, au cours de laquelle vous renouvelez votre lien avec le Successeur de Pierre, en accueillant à nouveau le mandat que le Christ ressuscité donna aux disciples: «Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc 16,15).

Depuis plus de quarante ans, le Chemin néocatéchuménal contribue à raviver et consolider dans les diocèses et dans les paroisses l’Initiation chrétienne, en favorisant une redécouverte graduelle et radicale des richesses du Baptême, en aidant à goûter la vie divine, la vie céleste que le Seigneur a inaugurée à travers son incarnation, en venant parmi nous, en naissant comme l’un d’entre nous. Ce don de Dieu pour son Eglise se place «au service de l’évêque comme l’une des modalités de réalisation diocésaine de l’initiation chrétienne et de l’éducation permanente dans la foi» (Statut, art. 1 § 2). Ce service, comme vous le rappelait mon prédécesseur, le serviteur de Dieu Paul VI, lors de la première rencontre qu’il eut avec vous en 1974, «pourra renouveler dans les communautés chrétiennes actuelles les effets de maturité et d’approfondissement, qui dans l’Eglise primitive étaient réalisés par la période de préparation au baptême» (Enseignements de Paul VI, XII [1974], 406).

Au cours des dernières années, a été parcouru avec profit le processus de rédaction du Statut du Chemin néocatéchuménal qui, après une période adéquate de validité «ad experimentum », a été approuvé définitivement en juin 2008. Un autre pas significatif a été accompli au cours de ces journées, avec l’approbation, par les dicastères compétents du Saint-Siège, du «Directoire catéchétique du Chemin néocatéchuménal». Avec ces sceaux ecclésiaux, le Seigneur confirme aujourd’hui et vous confie à nouveau cet instrument précieux qu’est le Chemin néocatéchuménal, de manière à ce que vous puissiez, en obéissance filiale au Saint-Siège et aux pasteurs de l’Eglise, contribuer avec un élan et une ardeur renouvelés, à la redécouverte radicale et joyeuse du don du baptême et offrir votre contribution originale à la cause de la nouvelle évangélisation. L’Eglise a reconnu dans le Chemin néocatéchuménal un don particulier de l’Esprit Saint: comme tel, celui-ci tend naturellement à s’insérer dans la grande harmonie du Corps ecclésial. Dans cette optique, je vous exhorte à toujours rechercher une profonde communion avec les pasteurs et avec toutes les composantes des Eglises particulières et des milieux ecclésiaux, très différents, dans lesquels vous êtes appelés à oeuvrer. La communion fraternelle entre les disciples de Jésus est, en effet, le premier et le plus grand témoignage au nom de Jésus Christ.

Je suis particulièrement heureux de pouvoir envoyer aujourd’hui, dans diverses parties du monde, plus de 200 nouvelles familles, qui se sont rendues disponibles avec une grande générosité et qui partent pour la mission, s’unissant idéalement aux près de 600 autres qui oeuvrent déjà sur les cinq continents. Chères familles, que la foi que vous avez reçue en don soit cette lumière posée sur le lampadaire, capable d’indiquer aux hommes la voie du Ciel. C’est avec le même sentiment que j’enverrai 13 nouvelles «missiones ad gentes», qui seront appelées à être une nouvelle présence ecclésiale dans des milieux très sécularisés de divers pays, ou dans des lieux dans lesquels le message du Christ n’est pas encore parvenu. Puissiez-vous toujours sentir à vos côtés la présence vivante du Seigneur ressuscité et l’accompagnement de nombreux frères, ainsi que la prière du Pape, qui est avec vous!

1225 Je salue avec affection les prêtres, provenant des séminaires diocésains «Redemptoris Mater» d’Europe, et les plus de deux mille séminaristes ici présents. Très chers amis, vous êtes un signe spécial et éloquent des fruits de bien qui peuvent naître de la redécouverte de la grâce du propre Baptême. Nous nous tournons vers vous avec une espérance particulière: soyez des prêtres amoureux du Christ et de son Eglise, capables de transmettre au monde la joie d’avoir rencontré le Seigneur et de pouvoir être à son service.

Je salue également les catéchistes itinérants et ceux des Communautés néocatéchuménales de Rome et du Latium et, avec une affection particulière, les «communitates in missionem». Vous avez abandonné, pour ainsi dire, les certitudes de vos communautés d’origine pour aller dans des lieux plus éloignes et difficiles, en acceptant d’être envoyés pour aider les paroisses en difficulté et pour rechercher la brebis égarée et la ramener dans la bergerie du Christ. Dans les souffrances ou les difficultés que vous pouvez affronter, sentez-vous unis à la souffrance du Christ sur la Croix, et à son désir de rejoindre les nombreux frères éloignés de la foi et de la vérité, pour les ramener à la maison du Père.

Comme je l’ai écrit dans l’Exhortation apostolique Verbum Domini, «la mission de l’Eglise ne peut être considérée comme une réalité facultative ou optionnelle de la vie ecclésiale. Il s’agit de laisser l’Esprit Saint nous configurer au Christ même [...] de manière à communiquer la Parole par toute notre vie» (n. 93). Tout le peuple de Dieu est un peuple «envoyé» et l’annonce de l’Evangile est un engagement de tous les chrétiens, comme conséquence du Baptême (cf. ibid., n. 94). Je vous invite à vous arrêter sur l’Exhortation Verbum Domini, en réfléchissant de manière particulière sur la troisième partie du document, où il est question de «La mission de l’Eglise: annoncer la Parole de Dieu au monde» (nn. 90-98). Chers amis, sentons que nous participons nous aussi à la recherche de salut du Seigneur Jésus, à la mission qu’Il confie à toute l’Eglise. Que la Bienheureuse Vierge Marie, qui a inspiré votre Chemin et qui vous a donné la famille de Nazareth comme modèle de votre communauté, vous accorde de vivre votre foi dans l’humilité, la simplicité et la louange. Qu’elle intercède pour vous tous et vous accompagne dans votre mission. Que vous soutienne également ma Bénédiction, que je vous donne de tout coeur, ainsi qu’à tous les membres du Chemin néocatéchuménal présents dans le monde.

À L'OCCASION DE L’INAUGURATION DE L’ANNÉE JUDICIAIRE

DU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE Salle Clémentine Samedi 22 janvier 2011



Chers membres du Tribunal de la Rote romaine!

Je suis heureux de vous rencontrer pour ce rendez-vous annuel à l’occasion de l’inauguration de l’année judiciaire. J’adresse un salut cordial au collège des prélats auditeurs, à commencer par le doyen, Mgr Antoni Stankiewicz, que je remercie de ses paroles courtoises. Je salue les officiaux, les avocats et les autres collaborateurs de ce tribunal, ainsi que toutes les personnes présentes. Ce moment m’offre l’opportunité de renouveler mon estime pour l’oeuvre que vous accomplissez au service de l’Eglise et de vous encourager à un engagement toujours plus grand dans un secteur aussi délicat et important pour la pastorale et pour la salus animarum.

La relation entre le droit et la pastorale a été au centre du débat postconciliaire sur le droit canonique. La célèbre affirmation du vénérable serviteur de Dieu Jean-Paul II, selon laquelle «il est faux de croire que pour être plus pastoral le droit doive devenir moins juridique» (Allocution à la Rote romaine, 18 janvier 1990, n. 4: AAS 82 [1990], p. 874; cf. ORLF n. 7 du 13 février 1990), exprime le dépassement radical d’une opposition apparente. «La dimension juridique et pastorale — disait-il — sont unies de manière inséparable dans l’Eglise en pèlerinage sur cette terre. Il y a tout d’abord en elles une harmonie commune dérivant de leur finalité commune: le salut des âmes» (ibid.). Lors de ma première rencontre, que j’eus avec vous en 2006, j’ai cherché à souligner le sens pastoral authentique des procès de nullité de mariage, fondé sur l’amour pour la vérité (cf. Allocution à la Rote romaine, 28 janvier 2006: AAS 98 [2006], PP 135-138). Je voudrais aujourd’hui m’arrêter pour considérer la dimension juridique qui est contenue dans l’activité pastorale de préparation et d’admission au mariage, pour chercher à mettre en lumière le lien qui existe entre cette activité et les procès judiciaires matrimoniaux.

La dimension canonique de la préparation au mariage n’est peut-être pas un élément immédiatement perceptible. En effet, d’une part, l’on observe comment, pendant les cours de préparation au mariage, les questions canoniques occupent une place peu importante, voire insignifiante, dans la mesure où l’on tend à penser que les futurs époux portent peu d’intérêt aux problématiques réservées aux spécialistes. D’autre part, bien que n’échappe à personne la nécessité des activités juridiques qui précèdent le mariage, visant à vérifier que «rien ne s’oppose à sa célébration valable et licite» (C. de D.C, can. 1066), il existe une mentalité diffuse selon laquelle l’examen des époux, les publications des bans et les autres moyens opportuns pour accomplir les enquêtes prématrimoniales nécessaires (cf. ibid., can. 1067), parmi lesquels se trouvent les cours de préparation au mariage, constitueraient des actes de nature exclusivement formelle. En effet, on considère souvent que, dans l’admission des couples au mariage, les pasteurs devraient procéder avec largesse, étant en jeu le droit naturel des personnes à se marier.

A ce propos, il est bon de réfléchir sur la dimension juridique du mariage lui-même. Il s’agit d’un thème que j’ai évoqué dans le contexte d’une réflexion sur la vérité du mariage, dans laquelle j’affirmais, entre autres: «Face à la relativisation subjectiviste et libertaire de l’expérience sexuelle, la tradition de l’Eglise affirme avec clarté le caractère naturellement juridique du mariage, c’est-à-dire son appartenance par nature au domaine de la justice dans les relations interpersonnelles. Dans cette optique, le droit est véritablement mêlé à la vie et à l’amour, comme il doit intrinsèquement l’être» (Allocution à la Rote romaine, 27 janvier 2007, AAS 99 [2007], p. 90; cf. ORLF n. 6 du 6 février 2007). Il n’existe donc pas un mariage de la vie et un autre du droit: il n’existe qu’un mariage, qui est constitutivement un lien juridique réel entre l’homme et la femme, un lien sur lequel repose l’authentique dynamique conjugale de vie et d’amour. Le mariage célébré par les époux, celui dont s’occupe la pastorale et celui examiné par la doctrine canonique, sont une seule réalité naturelle et salvifique, dont la richesse donne certainement lieu à une variété d’approches, sans cependant que vienne à manquer son identité essentielle. L’aspect juridique est intrinsèquement lié à l’essence du mariage. Cela se comprend à la lumière d’une notion non positiviste du droit, mais considérée dans l’optique de la relationalité selon la justice.

Le droit de se marier, ou ius connubii, doit être considéré dans cette perspective. Il ne s’agit donc pas d’une prétention subjective qui doit être satisfaite par les pasteurs à travers une pure reconnaissance formelle, indépendamment du contenu effectif de l’union. Le droit de contracter un mariage présuppose que l’on puisse et que l’on entende le célébrer véritablement, donc dans la vérité de son essence, telle qu’elle est enseignée par l’Eglise. Personne ne peut vanter le droit à une cérémonie nuptiale. Le ius connubii se réfère, en effet, au droit de célébrer un authentique mariage. On ne nierait donc pas le ius connubi là où il apparaîtrait évident que ne subsistent pas les prémisses pour son exercice, c’est-à-dire si manquait de façon évidente la capacité demandée pour se marier, ou bien si la volonté se fixait un objectif qui est en opposition avec la réalité naturelle du mariage.

1226 A cet égard, je voudrais réaffirmer ce que j’ai écrit après le synode des évêques sur l’Eucharistie: «Vu la complexité du contexte culturel dans lequel vit l'Eglise dans beaucoup de pays, le synode a aussi recommandé d'avoir le plus grand soin pastoral pour la formation des fiancés et pour la vérification attentive de leurs convictions concernant les engagements prescrits pour la validité du sacrement de Mariage. Un sérieux discernement à ce sujet pourra éviter que des élans émotifs ou des raisons superficielles conduisent les deux jeunes à assumer des responsabilités qu'ils ne sauront ensuite honorer. (cf. Propositio , n. 40). Le bien que l'Eglise et la société tout entière attendent du mariage et de la famille fondée sur lui est trop grand pour qu'on ne s'engage pas totalement dans ce domaine pastoral spécifique. Mariage et famille sont des institutions qui doivent être promues et garanties de toute équivoque possible quant à leur vérité, parce que tout dommage qui leur est causé constitue de fait une blessure pour la convivialité humaine comme telle» (Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, 22 février 2007, n. 29: AAS 99 [2007], p. 130).

La préparation au mariage, dans ses différentes phases décrites par le Pape Jean-Paul II dans l’Exhortation apostolique Familiaris consortio, possède certainement des finalités qui transcendent la dimension juridique, car son horizon est constitué par le bien intégral, humain et chrétien, des conjoints et de leurs futurs enfants (cf. n. 66: AAS 73 [1981],
PP 159-162), visant en définitive à la sainteté de leur vie (cf. C. de D.C., can. 1063, 2). Il ne faut toutefois pas oublier que l’objectif immédiat de cette préparation est celui de promouvoir la libre célébration d’un véritable mariage, c’est-à-dire la constitution d’un lien de justice et d’amour entre conjoints, avec les caractéristiques de l’unité et de l’indissolubilité, ordonné au bien des conjoints et à la procréation et l’éducation de la progéniture, et qui entre baptisés constitue l’un des sacrements de la nouvelle Alliance. Par cela, on n’adresse pas au couple un message idéologique extrinsèque, pas plus que l’on n’impose un modèle culturel; les fiancés sont en revanche mis en mesure de découvrir la vérité d’une inclination naturelle et d’une capacité de s’engager qu’ils portent inscrites dans leur être relationnel d’homme et de femme. C’est de là que naît le droit en tant que composante essentielle de la relation matrimoniale, enraciné dans un potentiel naturel des conjoints que le don consentant réalise. La raison et la foi concourent à illuminer cette vérité de vie, bien qu’il doive être clair que, comme l’a encore enseigné le vénérable Jean-Paul II, «l’Eglise ne refuse pas la célébration des noces à celui qui est bene dispositus, même si imparfaitement préparé du point de vue surnaturel, du moment qu’il a l’intention honnête de se marier selon la réalité naturelle de la conjugalité» (Allocution à la Rote romaine, 30 janvier 2003, n. 8: AAS 95 [2003], p. 397; cf. ORLF n. 6 du 11 février 2003). Dans cette perspective, un soin particulier doit être porté à l’accompagnement de la préparation au mariage, qu’elle soit éloignée, prochaine ou immédiate (cf. Jean-Paul II, Exhort. apos. Familiaris consortio FC 22 novembre 1981, n. 66: AAS 73 [1981], PP 159-162).

Parmi les moyens pour s’assurer que le projet des fiancés est réellement conjugal, se détache l’examen prématrimonial. Cet examen a un but principalement juridique: s’assurer que rien ne s’oppose à la célébration valable et licite des noces. Mais juridique ne veut pas dire formaliste, comme s’il s’agissait d’une étape bureaucratique consistant à remplir un formulaire sur la base de questions rituelles. Il s’agit, en revanche, d’une occasion pastorale unique — à valoriser avec tout le sérieux et l’attention qu’elle requiert — dans laquelle, à travers un dialogue empreint de respect et cordial, le pasteur cherche à aider la personne à se placer sérieusement face à la vérité sur elle-même et sur sa propre vocation humaine et chrétienne au mariage. Dans ce sens, le dialogue, toujours conduit séparément avec chacun des deux fiancés — sans diminuer l’importance d’autres entretiens avec le couple — exige un climat plein de sincérité, dans lequel on devrait s’appuyer sur le fait que les contractants eux-mêmes sont les premiers intéressés et les premiers obligés en conscience à célébrer un mariage valable.

De cette manière, avec les différents moyens à disposition pour une préparation et une vérification soignées, on peut développer une action pastorale efficace visant à la prévention des recours en nullités de mariage. Il faut oeuvrer afin que s’interrompe, dans la mesure du possible, le cercle vicieux qui a souvent lieu entre une admission facile au mariage, sans une préparation adéquate et un examen sérieux des qualités prévues pour sa célébration, et une déclaration judiciaire parfois tout aussi facile, mais de sens inverse, où le même mariage est considéré nul uniquement sur la base de la constatation de son échec. Il est vrai que tous les motifs d’une éventuelle déclaration de nullité ne peuvent pas être identifiés ou bien se manifester au cours de la préparation au mariage, mais, de même, il ne serait pas juste de faire obstacle à l’accès aux noces sur la base de présomptions infondées, comme celle de considérer que, de nos jours, les personnes seraient généralement incapables ou n’auraient une volonté matrimoniale qu’apparente. Dans cette perspective, il apparaît important qu’il y ait une prise de conscience encore plus incisive à propos de la responsabilité dans cette matière de ceux qui ont charge d’âmes. Le droit canonique en général, et en particulier le droit matrimonial et processuel, demandent assurément une préparation particulière, mais la connaissance des aspects de base et de ceux directement pratiques du droit canonique, relatifs à leurs fonctions, constituent une exigence de formation d’importance fondamentale pour tous les agents de pastorale, en particulier pour ceux qui agissent dans la pastorale de la famille.

En outre, tout cela demande que le travail des tribunaux ecclésiastiques transmette un message univoque à propos de ce qui est essentiel dans le mariage, en harmonie avec le Magistère et la loi canonique, en parlant d’une voix unanime. En raison de la nécessité de l’unité de la jurisprudence, confiée aux soins de ce tribunal, les autres tribunaux ecclésiastiques doivent s’adapter à la jurisprudence romaine (cf. Jean-Paul II, Allocution à la Rote romaine, 17 janvier 1998, n. 4: AAS 90 [1998], p. 783). J’ai récemment insisté sur la nécessité de juger avec rectitude les causes relatives à l’incapacité du consentement (cf. Allocution à la Rote romaine, 29 janvier 2009: AAS 101 [2009], PP 124-128). La question continue à être très actuelle, et malheureusement des positions incorrectes demeurent encore, comme celle d’identifier la discrétion de jugement demandée pour le mariage (cf. C. de D.C., can. 1095, n. 2) avec la prudence souhaitée dans la décision de se marier, en confondant ainsi une question de capacité avec une autre qui ne concerne pas la validité, car elle concerne le degré de sagesse pratique avec lequel on a pris une décision qui est, quoi qu’il en soit, vraiment matrimoniale. Le malentendu serait encore plus grand si l’on voulait attribuer une efficacité invalidante aux choix imprudents accomplis au cours de la vie matrimoniale.

Dans le domaine de la nullité en raison de l’exclusion d’un des éléments essentiels du mariage (cf. ibid., can. 1101, § 2), un sérieux engagement est également nécessaire pour que les sentences judiciaires reflètent la vérité sur le mariage, la même qui doit illuminer le moment de l’admission aux noces. Je pense, en particulier, à la question de l’exclusion du bonum coniugum. En relation à cette exclusion, semble se représenter le même danger qui menace la juste application des normes sur l’incapacité, c’est-à-dire celui de chercher des motifs de nullité dans les comportements qui ne concernent pas la constitution du lien conjugal, mais sa réalisation dans la vie. Il faut résister à la tentation de transformer les simples manquements des époux au cours de leur existence conjugale en défauts de consentement. La véritable exclusion ne peut, en effet, avoir lieu que lorsque vient à manquer ce qui est ordonné au bien des conjoints (cf. ibid, can. 1055, § 1), et qui est exclu par un acte positif de volonté. Les cas où vient à manquer la reconnaissance de l’autre comme conjoint, ou bien où l’on exclut d’ordonner la communauté de vie conjugale au bien de l’autre, sont sans aucun doute vraiment exceptionnels. L’évaluation de ces hypothèses d’exclusion du bonum coniugum devra être attentivement validée par la jurisprudence de la Rote romaine.

En concluant ces réflexions, je reprends en considération la relation entre droit et pastorale. Celle-ci est souvent l’objet de malentendus, au détriment du droit, mais aussi de la pastorale. Il faut en revanche favoriser dans tous les secteurs, et en particulier dans le domaine du mariage et de la famille, une dynamique de sens inverse, de profonde harmonie entre l’aspect pastoral et juridique, qui se révélera certainement féconde dans le service rendu à celui qui s’approche du mariage.

Chers membres du Tribunal de la Rote romaine, je vous confie tous à la puissante intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, afin que l’assistance divine ne vienne jamais à manquer dans l’accomplissement de votre travail quotidien effectué fidèlement, dans un esprit de service et fructueux, et je donne avec plaisir à tous ma Bénédiction apostolique spéciale.

À LA DÉLÉGATION DE L'ÉGLISE UNIE ÉVANGÉLIQUE

LUTHÉRIENNE ALLEMANDE Lundi 24 janvier 2011

Evêque régional Friedrich!
Chers amis de l’Allemagne!


Discours 2005-2013 1222