Discours 2005-2013 1227

1227 Je souhaite une cordiale bienvenue à vous tous, représentants de la direction de l’Eglise unie évangélique luthérienne allemande ici réunis dans le palais apostolique et je me réjouis du fait que, en tant que délégation, vous soyez venus à Rome en conclusion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. De cette manière, vous montrez également que toute notre aspiration à l’unité ne peut porter des fruits que si elle est enracinée dans la prière commune. Je voudrais en particulier vous remercier, cher évêque régional, pour vos paroles qui, avec une grande sincérité, expriment les efforts communs pour une unité plus profonde entre tous les chrétiens.

Entre temps, le dialogue officiel entre luthériens et catholiques — c’est ce qui est écrit ici — peut se tourner sur plus de cinquante années d’intense activité. Vous avez parlé de trente ans. Je pense que la visite du Pape a marqué le début officiel du dialogue il y a trente ans, mais de fait il y avait déjà longtemps que nous dialoguions. J’ai moi-même été membre du «Jaeger-Stählin-Kreis» né immédiatement après la guerre. On peut donc parler aussi bien de cinquante ans que de trente ans. Malgré les différences théologiques qui continuent à exister sur des questions en partie fondamentales, s’est développée une manière d’être ensemble entre nous, qui devient toujours davantage la base d’une communion vécue dans la foi et dans la spiritualité entre luthériens et catholiques. Ce qui a déjà été obtenu renforce notre confiance dans la poursuite du dialogue, car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons cheminer ensemble le long de cette voie, qui en définitive est Jésus-Christ lui-même.

L’engagement de l’Eglise catholique pour l’oecuménisme, comme l’a affirmé mon vénéré prédécesseur le Pape Jean-Paul II dans son encyclique Ut unum sint,n’est pas une pure stratégie de communication dans un monde en transformation, mais un engagement fondamental de l’Eglise à partir de sa propre mission (cf.
Nb 28,32).

Pour certaines personnes, l’objectif commun de l’unité pleine et visible des chrétiens semble aujourd’hui à nouveau être plus lointain. Les interlocuteurs oecuméniques apportent dans le dialogue des idées sur l’unité de l’Eglise complètement différentes. Je partage la préoccupation de nombreux chrétiens sur le fait que les fruits de l’action oecuménique, en particulier en relation à l’idée d’Eglise et de ministère, ne soient pas encore suffisamment accueillis par les interlocuteurs oecuméniques. Toutefois, même si naissent toujours de nouvelles difficultés, nous envisageons l’avenir avec espérance. Même si les divisions des chrétiens constituent un obstacle pour modeler pleinement la catholicité dans la réalité de la vie de l’Eglise, comme cela lui a été promis dans le Christ et à travers le Christ (cf. Unitatis redintegratio UR 4), nous avons confiance dans le fait que, sous la conduite de l’Esprit Saint, le dialogue oecuménique, comme instrument important dans la vie de l’Eglise, sert à surmonter ce conflit. Cela aura tout d’abord lieu à travers le dialogue théologique, qui doit contribuer à une entente sur les questions ouvertes, qui constituent un obstacle le long du chemin vers l’unité visible et la célébration commune de l’Eucharistie comme sacrement de l’unité entre les chrétiens.

Il est positif d’affirmer qu’à côté du dialogue luthérien catholique international, sur le thème «Baptême et communion ecclésiale croissante», en Allemagne aussi, depuis 2009, une commission bilatérale de dialogue de la Conférence épiscopale et de l’Eglise unie évangélique luthérienne allemande a repris son activité sur le thème: «Dieu et la dignité de l’homme ». Ce domaine thématique comprend en particulier également les problèmes nés récemment en relation à la sauvegarde et à la dignité de la vie humaine, ainsi que les questions urgentes de la famille, le mariage et la sexualité, qui ne peuvent être passées sous silence ou négligées uniquement pour ne pas mettre en danger le consensus oecuménique atteint jusqu’à présent. Nous espérons qu’à propos de ces questions importantes relatives à la vie ne naissent pas de nouvelles différences confessionnelles mais qu’ensemble nous puissions rendre témoignage au monde et aux hommes de ce que le Seigneur nous a montré et nous montre.

Aujourd’hui le dialogue oecuménique ne peut plus être séparé de la réalité et de la vie dans la foi dans nos Eglises sans leur causer de dommages. Nous tournons donc ensemble notre regard vers l’année 2017, qui nous rappelle l’année où fut affichée la thèse de Martin Luther sur les indulgences il y a cinq cents ans. En cette occasion, luthériens et catholiques auront l’opportunité de célébrer dans le monde entier une commémoration oecuménique commune, de lutter au niveau mondial pour les questions fondamentales, non pas — comme vous venez de le dire — sous forme d’une célébration triomphaliste, mais comme une profession commune de notre foi dans le Dieu Un et Trine, dans l’obéissance commune à notre Seigneur et à sa parole. Nous devons attribuer une place importante à la prière commune et à la prière intérieure adressées à notre Seigneur Jésus-Christ pour le pardon des torts réciproques et pour la faute relative aux divisions. L’échange réciproque sur l’évaluation des 1500 ans qui ont précédé la Réforme et qui nous sont donc communs, fait partie de cette purification de la conscience. C’est pourquoi nous désirons implorer ensemble, de manière constante, l’aide de Dieu et l’assistance de l’Esprit Saint, pour pouvoir accomplir des pas supplémentaires vers l’unité désirée et ne pas s’arrêter aux résultats obtenus.

Nous sommes également encouragés le long de ce chemin par la semaine de prière pour l’unité des chrétiens de cette année. Ainsi nous le rappelle le chapître des Actes des Apôtres: «Ils étaient fidèles à écouter l’enseignement des apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières» (Ac 2,42). Les chrétiens étaient constants dans ces quatre actions et comportements, et la communauté grandissait donc avec le Christ et de celle-ci naissait cet «être ensemble» des hommes avec le Christ. Ce témoignage, extraordinaire et visible au monde, de l’unité de l’Eglise primitive pourrait également représenter pour nous un élan et une norme pour notre chemin oecuménique commun à l’avenir.

Dans l’espérance que votre visite renforce davantage la collaboration fructueuse entre les luthériens et les catholiques en Allemagne, j’implore pour vous tous la grâce de Dieu et ses abondantes bénédictions.

AUX PARTICIPANTS À LA RÉUNION

DE LA COMMISSION INTERNATIONALE POUR LE DIAOLGUE THÉOLOGIQUE ENTRE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES ÉGLISES ORIENTALES


Salle du Consistoire Vendredi 28 janvier 2011


Eminences,
Excellences,
1228 Chers frères dans le Christ,

C’est avec une grande joie que je vous souhaite la bienvenue, membres de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales. A travers vous, je suis heureux d’étendre mes salutations fraternelles à mes vénérables frères, chefs des Eglises orthodoxes orientales.

Je suis reconnaissant pour le travail de la Commission qui a commencé en janvier 2003 en tant qu’initiative conjointe des autorités ecclésiales de la famille des Eglises orthodoxes orientales et du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens.

Comme vous le savez, la première étape du dialogue, de 2003 à 2009, a conduit à la rédaction d’un texte commun intitulé Nature, constitution et mission de l’Eglise. Ce document définissait des aspects de principes ecclésiologiques fondamentaux que nous partageons et identifiait les questions exigeant une réflexion approfondie dans les étapes successives du dialogue. Nous ne pouvons qu’être reconnaissants du fait qu’après presque 1500 ans de séparation, nous trouvions encore un accord sur la nature sacramentelle de l’Eglise, sur la succession apostolique dans le service sacerdotal et sur le besoin urgent de témoigner de l’Evangile de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ dans le monde.

Au cours de la deuxième étape, la Commission a réfléchi dans une perspective historique sur les façons dont les Eglises ont exprimé leur communion au fil des temps. Au cours de la réunion de cette semaine, vous avez approfondi votre étude de la communion et de la communication qui existaient entre les Eglises jusqu’à la moitié du Ve siècle de l’histoire chrétienne, ainsi que sur le rôle joué par le monachisme au début de la vie de l’Eglise.

Nous devons êtres convaincus que votre réflexion théologique conduira nos Eglises non seulement à approfondir leur compréhension mutuelle, mais à poursuivre de façon résolue et décisive notre chemin vers la pleine communion à laquelle nous sommes appelés par la volonté du Christ. C’est à cette intention que nous avons élevé notre prière commune au cours de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui vient de se conclure.

Un grand nombre d’entre vous proviennent de régions où les chrétiens et les communautés chrétiennes doivent faire face à des épreuves et des difficultés qui sont pour nous tous une cause de profonde préoccupation. Tous les chrétiens doivent oeuvrer ensemble dans la reconnaissance et la confiance réciproques en vue de servir la cause de la paix et de la justice. Puissent l’intercession et l’exemple des nombreux martyrs et saints, qui ont apporté un témoignage courageux du Christ dans toutes nos Eglises, vous apporter soutien et force, ainsi qu’à vos communautés chrétiennes.

Avec des sentiments d’affection fraternelle, j’invoque sur vous tous la grâce et la paix de notre Seigneur Jésus Christ.

À LA COMMUNAUTÉ DU

COLLÈGE PONTIFICAL ÉTHIOPIEN AU VATICAN Salle des Papes Samedi 29 janvier 2011



Chers frères et soeurs!

1229 Je suis heureux de vous accueillir en l’heureuse circonstance du 150e anniversaire de la naissance au ciel de saint Justin De Jacobis. Je salue cordialement chacun de vous, chers prêtres et séminaristes du Collège pontifical éthiopien, que la Divine Providence fait vivre près du tombeau de l’Apôtre Pierre, signe des liens antiques et profonds de communion qui unissent l’Eglise en Ethiopie et en Erythrée au Siège apostolique. Je salue en particulier le recteur, le Père Teclezghi Bahta, que je remercie pour les paroles courtoises à travers lesquelles il a introduit notre rencontre, en rappelant les diverses occasions significatives qui l’ont suggérée. Je vous accueille aujourd’hui avec une affection particulière et, avec vous, j’ai à coeur de penser à vos communautés d’origine.

Je voudrais à présent m’arrêter sur la figure lumineuse de saint Justin De Jacobis, dont vous avez célébré l’anniversaire significatif le 31 juillet dernier. Digne fils de saint Vincent de Paul, saint Justin vécut de façon exemplaire son désir d’«être tout à tous», en particulier au service du peuple abyssin. Envoyé à l’âge de 38 ans par celui qui était alors préfet de Propaganda Fide, le cardinal Franzoni, comme missionnaire en Ethiopie, dans le Tigray, il prêta service d’abord à Adwa, puis à Guala, où il pensa immédiatement à former des prêtres éthiopiens, créant un séminaire appelé le «Collège de l’Immaculée». A travers son ministère zélé, il oeuvra inlassablement afin que cette portion du peuple de Dieu retrouve la ferveur originelle de la foi, semée par le premier évangélisateur saint Frumence (cf. PL 21, 473-80). Justin eut l’intuition clairvoyante que l’attention au contexte culturel devait être une voie privilégiée sur laquelle la grâce du Seigneur pouvait former de nouvelles générations de chrétiens. En apprenant la langue locale et en favorisant la tradition liturgique pluriséculaire du rite propre de ces communautés, il se prodigua également en vue d’une oeuvre oecuménique efficace. Pendant plus de vingt ans, son ministère généreux, d’ab ord sacerdotal puis épiscopal, alla au bénéfice de ceux qu’il rencontrait et aimait comme membres vivants du peuple qui lui était confié.

En vertu de sa passion éducative, en particulier dans la formation des prêtres, il peut être considéré à juste titre comme le patron de votre Collège; en effet, aujourd’hui encore, cette Institution de grand mérite accueille des prêtres et des candidats au sacerdoce en les soutenant dans leur engagement de préparation théologique, spirituelle et pastorale. En retournant dans vos communautés d’origine, ou en accompagnant vos compatriotes émigrés à l’étranger, sachez susciter en chacun l’amour pour Dieu et pour l’Eglise, à l’exemple de saint Justin De Jacobis. Il couronna sa contribution féconde à la vie religieuse et civile des peuples abyssins par le don de sa vie, remise silencieusement à Dieu après de nombreuses souffrances et persécutions. Il fut béatifié par le vénérable Pie XII le 25 juin 1939 et canonisé par le Serviteur de Dieu Paul VI le 26 octobre 1975. Pour vous aussi, chers prêtres et séminaristes, la voie de la sainteté est tracée! Le Christ continue à être présent dans le monde et à se révéler à travers ceux qui, comme saint Justin De Jacobis, se laissent animer par son Esprit. C’est ce que nous rappelle le Concile Vatican II, qui affirme entre autres: «Dans la vie de nos compagnons d’humanité plus parfaitement transformés à l’image du Christ (cf.
2Co 3,18), Dieu manifeste aux hommes dans une vive lumière sa présence et son visage. En eux, Dieu lui-même nous parle, il nous donne un signe de son Royaume» (Const. dogm. Lumen gentium, LG 50).

Le Christ, éternel Prêtre de la Nouvelle Alliance, qui, à travers la vocation particulière au ministère sacerdotal, a «conquis» notre vie, n’élimine pas les qualités caractéristiques de la personne; au contraire, il les élève, les ennoblit, et, les faisant siennes, les appelle à servir son ministère et son oeuvre. Dieu a besoin également de chacun de nous pour «démontrer dans les siècles à venir l'extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus» (Ep 2,7). En dépit du caractère propre de la vocation de chacun, nous ne sommes pas séparés entre nous; nous sommes au contraire solidaires, en communion au sein d’un unique organisme spirituel. Nous sommes appelés à former le Christ total, une unité récapitulée dans le Seigneur, vivifiée par son Esprit pour devenir son «plérôme» et enrichir le cantique de louange qu’Il élève au Père. Le Christ est inséparable de l’Eglise qui est son Corps. C’est dans l’Eglise que le Christ conjugue plus étroitement en lui les baptisés et, les nourrissant à la Table eucharistique, les fait participer à sa vie glorieuse (cf. Lumen gentium, LG 48). La sainteté se situe donc au coeur même du mystère ecclésial et elle est la vocation à laquelle nous sommes tous appelés. Les saints ne sont pas un ornement que revêt l’Eglise de l’extérieur, mais sont comme les fleurs d’un arbre qui révèlent la vitalité inépuisable de la sève qui le parcourt. Il est beau de contempler ainsi l’Eglise, de façon ascensionnelle vers la plénitude du Vir perfectus; dans une maturation constante, difficile et progressive; orientée de façon dynamique vers le plein accomplissement dans le Christ.

Chers prêtres et séminaristes du Collège pontifical éthiopien, vous vivez avec joie et dévouement cette période importante de votre formation, à l’ombre de la coupole de Saint-Pierre: marchez avec décision sur la voie de la sainteté. Vous êtes un signe d’espérance, en particulier pour l’Eglise dans vos pays d’origine. Je suis certain que l’expérience de communion vécue ici à Rome vous aidera également à apporter une contribution précieuse à la croissance et à la coexistence pacifique de vos bien-aimées nations. J’accompagne votre chemin par ma prière et, par l’intercession de saint Justin De Jacobis et de la Vierge Marie, je vous donne avec affection la Bénédiction apostolique, que j’étends avec plaisir aux Soeurs de Marie Enfant, au personnel de la Maison et à toutes les personnes qui vous sont chères.
Février 2011

À S.E. M. ALFONS M. KLOSS,: NOUVEL AMBASSADEUR D'AUTRICHE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi 3 février 2011



Monsieur l’ambassadeur,

C’est avec plaisir que j’accepte les Lettres avec lesquelles le président de la République d’Autriche vous accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près le Saint-Siège. Dans le même temps, je vous remercie pour les paroles cordiales avec lesquelles vous avez exprimé également la proximité du président et du gouvernement au Successeur de Pierre. Pour ma part, je présente au président, au chancelier et aux membres du gouvernement, ainsi qu’à tous les citoyens d’Autriche, mes salutations affectueuses et j’exprime volontiers l’espérance que les relations entre le Saint-Siège et l’Autriche continuent de porter des fruits à l’avenir.

La culture, l’histoire et la vie quotidienne de l’Autriche, la «terre des cathédrales» (Hymne national), sont profondément façonnées par la foi catholique. J’ai pu le constater également au cours de ma visite pastorale dans votre pays et au cours de mon pèlerinage à Mariazell il y a quatre ans. Les fidèles, que j’ai pu rencontrer, représentent les milliers d’hommes et de femmes dans tout le pays, qui, à travers leur vie de foi quotidienne et leur disponibilité envers les autres, manifestent les traits les plus nobles de l’homme et diffusent l’amour du Christ. Dans le même temps, l’Autriche est également un pays dans lequel la coexistence pacifique des diverses religions et cultures possède une longue tradition. «Dans l’harmonie réside la force», disait déjà l’antique hymne populaire de l’époque de la monarchie. Cela vaut en particulier pour la dimension religieuse qui est profondément enracinée dans la conscience de l’homme et appartient donc à la vie de chaque personne et à la coexistence de la communauté. La patrie spirituelle, dont ont besoin comme point d’appui personnel de nombreuses personnes qui vivent une situation professionnelle caractérisée par une mobilité toujours croissante et des mutations constantes, devrait pouvoir exister publiquement et dans un climat de coexistence pacifique avec les autres confessions de foi.

Dans de nombreux pays européens, la relation entre l’Etat et la religion connaît actuellement des tensions particulières. D’une part, les autorités politiques sont très attentives à ne pas accorder d’espaces publics à des religions entendues comme idées de foi purement individuelles des citoyens. De l’autre, on tente d’appliquer les critères d’une opinion publique séculière aux communautés religieuses. Il semble que l’on veuille adapter l’Evangile à la culture, et, toutefois, que l’on tente d’empêcher, de façon presque embarrassante, que la culture soit façonnée par la dimension religieuse. Au contraire, il faut souligner l’attitude, en particulier de certains Etats d’Europe centrale et de l’Est, de laisser un espace aux instances fondamentales de l’homme, à la foi de l’homme en Dieu et à la foi dans le salut au moyen de Dieu. Le Saint-Siège a pu observer avec satisfaction certaines activités du gouvernement autrichien dans ce sens, en particulier la position prise relative à la «sentence sur le crucifix» (Kreuzurteil ) de la Cour européenne des droits de l’homme ou la proposition du ministre des affaires étrangères que «le nouveau Service européen pour l'action extérieure observe également la situation de la liberté de religion dans le monde, et rédige régulièrement un rapport et le présente aux ministres des affaires étrangères de l’Union européenne» (Austria Presse Agentur du 10 décembre 2010).

1230 La reconnaissance de la liberté religieuse permet à la communauté ecclésiale d’accomplir ses multiples activités, dont la société tout entière tire également profit. Il est fait référence ici aux divers instituts de formation et aux services caritatifs gérés par l’Eglise que vous avez cités, Monsieur l’ambassadeur. L’engagement de l’Eglise en faveur des personnes dans le besoin manifeste de façon évidente la manière dont l’Eglise, dans un certain sens, se considère comme le porte-parole des personnes défavorisées. Cet engagement ecclésial, qui reçoit une ample reconnaissance dans la société, ne peut se réduire à une simple bienfaisance.

Ses racines profondes se trouvent en Dieu, dans le Dieu qui est amour. C’est pourquoi il est nécessaire de respecter pleinement l’action propre de l’Eglise, sans en faire un simple prestataire de services sociaux parmi d’autres. Il faut la considérer, au contraire, dans la totalité de sa dimension religieuse. Il est donc toujours nécessaire de lutter contre la tendance à l’isolement égoïste. Toutes les forces sociales ont le devoir urgent et constant de garantir la dimension morale de la culture, la dimension d’une culture qui soit digne de l’homme et de sa vie en communauté. Dans ce but, l’Eglise catholique s’engagera de toutes ses forces en vue du bien commun.

Une autre préoccupation importante du Saint-Siège est une politique équilibrée pour la famille. La famille occupe une place dans la société qui concerne les fondements de la vie humaine. L’ordre social trouve un soutien essentiel dans l’union sponsale entre un homme et une femme, qui vise également à la procréation. C’est pourquoi le mariage et la famille exigent également une protection particulière de la part de l’Etat. Ils représentent pour tous leurs membres une école d’humanité ayant des effets positifs pour les personnes, ainsi que pour la société. En effet, la famille est appelée à vivre et à protéger l’amour réciproque et la vérité, le respect et la justice, la fidélité et la collaboration, le service et la disponibilité envers les autres, en particulier les plus faibles. Toutefois, les familles nombreuses sont parfois désavantagées. Ces familles se heurtent à des problèmes comme par exemple une conflictualité parfois plus grande, un niveau de vie plus bas, un accès difficile à l’éducation, l’endettement et l’augmentation des divorces, dont les causes profondes devraient être éliminées par la société. En outre, il est regrettable que la vie des enfants à naître ne soit pas suffisamment protégée et que, au contraire, on ne leur reconnaisse même souvent qu’un droit à l’existence secondaire par rapport à la liberté de décision des parents.

L’édification de la maison commune européenne ne pourra réussir que si ce continent est conscient de ses fondements chrétiens et si les valeurs de l’Evangile ainsi que l’image chrétienne de l’homme représentent, également à l’avenir, le ferment de la civilisation européenne. De ce point de vue, la foi vécue dans le Christ et l’amour concret pour le prochain, caractérisée par la parole et la vie du Christ et également par l’exemple des saints, pèsent davantage que la culture occidentale chrétienne. Vos concitoyens récemment proclamés saints, comme Franz Jägerstätter, soeur Restituta Kafka, Ladislaus Batthyány-Strattman, et Charles d’Autriche, peuvent précisément nous ouvrir des perspectives plus larges. Ces saints, suivant des chemins de vie différents, se sont placés avec le même dévouement au service de Dieu et de son message d’amour pour le prochain. Ils demeurent ainsi pour nous des images qui nous orientent dans la foi et des témoins de l’entente entre les peuples.

Enfin, Monsieur l’ambassadeur, je désire vous assurer de mon soutien, ainsi que de celui de mes collaborateurs, dans l’accomplissement de votre haute fonction. Je vous confie, ainsi que votre famille et tous les membres de l’ambassade d’Autriche près le Saint-Siège, à la bienheureuse Vierge Marie, Magna Mater Austriae, et je vous donne de tout coeur, ainsi qu’au bien-aimé peuple autrichien, la Bénédiction apostolique.



AUX REPRÉSENTANTS DE LA "COMMUNAUTÉ DE L'EMMANUEL" Jeudi 3 février 2011



Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,

Je suis heureux de vous accueillir alors que la Communauté de l’Emmanuel se prépare à célébrer le vingtième anniversaire de la mort de son fondateur, Pierre Goursat, dont la cause de béatification a été introduite l’an dernier. Que l’exemple de sa vie de foi et celui de son engagement missionnaire vous stimulent et soient pour vous un appel constant à marcher vers la sainteté ! Au cours des mois qui viennent vous célébrerez aussi les 30 ans du service de Fidesco auprès des pays plus défavorisés, puis les 40 ans de la fondation de la Communauté et les 20 ans de la reconnaissance de ses statuts par le Conseil pontifical pour les Laïcs. Avec vous, je rends grâce à Dieu pour cette oeuvre ! À chacun et à chacune de vous, prêtres et laïcs, j’adresse mes salutations cordiales. Je salue particulièrement le Modérateur de la Communauté – que je remercie pour les aimables paroles qu’il m’a adressées –, les membres du Conseil international, les responsables des grands services, ainsi que les Évêques qui sont issus de la Communauté. Que votre pèlerinage à Rome en ce début d’année jubilaire soit l’occasion de renouveler votre engagement à demeurer d’ardents disciples du Christ dans la fidélité à l’Eglise et à ses Pasteurs !

Chers amis, la grâce profonde de votre Communauté vient de l’adoration eucharistique. De cette adoration naît la compassion pour tous les hommes et de cette compassion naît la soif d’évangéliser (cf. Statuts, Préambule I). Dans l’esprit de votre charisme propre, je vous encourage donc à approfondir votre vie spirituelle en donnant une place essentielle à la rencontre personnelle avec le Christ, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, afin de vous laisser transformer par lui et de faire mûrir en vous le désir passionné de la mission. Dans l’Eucharistie, vous trouvez la source de tous vos engagements à la suite du Christ, et dans son adoration vous purifiez votre regard sur la vie du monde. « En effet, nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans ce Sacrement. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous. Ce dont le monde a besoin, c’est de l’amour de Dieu, c’est de rencontrer le Christ et de croire en lui » (Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis, n. 84). Une vie authentiquement eucharistique est une vie missionnaire. Dans un monde souvent désorienté et à la recherche de nouvelles raisons de vivre, la lumière du Christ doit être portée à tous. Soyez au milieu des hommes et des femmes d’aujourd’hui d’ardents missionnaires de l’Evangile, soutenus par une vie radicalement saisie par le Christ ! Ayez soif d’annoncer la Parole de Dieu !

Aujourd’hui, l’urgence de cette annonce se fait particulièrement sentir dans les familles, si souvent éclatées, chez les jeunes ou dans les milieux intellectuels. Contribuez à renouveler de l’intérieur le dynamisme apostolique des paroisses, en développant leurs orientations spirituelles et missionnaires ! Je vous encourage encore à être attentifs aux personnes qui reviennent vers l’Eglise et qui n’ont pas bénéficié d’une catéchèse approfondie. Aidez-les à enraciner leur foi dans une vie authentiquement théologale, sacramentelle et ecclésiale ! Le travail réalisé en particulier par Fidesco témoigne aussi de votre engagement auprès des populations des pays plus démunis. Que partout votre charité rayonne de l’amour du Christ et devienne ainsi une force pour la construction d’un monde plus juste et plus fraternel !

1231 J’invite particulièrement votre Communauté à vivre une authentique communion entre ses membres. Cette communion, qui n’est pas simple solidarité humaine entre membres d’une même famille spirituelle, est fondée sur votre relation au Christ et sur un engagement commun à le servir. La vie communautaire que vous souhaitez développer, dans le respect de l’état de vie de chacun, sera alors pour la société un témoignage vivant de l’amour fraternel qui doit animer toutes les relations humaines. La communion fraternelle est déjà une annonce du monde nouveau que le Christ est venu instaurer.

Que cette même communion, qui n’est pas repliement sur soi-même, soit aussi effective avec les Eglises locales. En effet, chaque charisme se rapporte à la croissance du Corps du Christ tout entier. L’action missionnaire doit donc sans cesse s’adapter aux réalités de l’Église locale, dans un souci permanent de concertation et de collaboration avec les pasteurs, sous l’autorité de l’Evêque. Par ailleurs, la reconnaissance mutuelle de la diversité des vocations dans l’Eglise et de leur apport indispensable pour l’évangélisation, est un signe éloquent de l’unité des disciples du Christ et de la crédibilité de leur témoignage.

La Vierge Marie, mère de l’Emmanuel, tient une grande place dans la spiritualité de votre Communauté. Prenez-là « chez vous », comme l’a fait le Disciple bien-aimé, pour qu’elle soit vraiment la mère qui vous guide vers son divin Fils et qui vous aide à lui demeurer fidèles. Vous confiant à son intercession maternelle, j’adresse de grand coeur à chacun et à chacune de vous, ainsi qu’à tous les membres de la Communauté de l’Emmanuel, la Bénédiction Apostolique.

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

DU TRIBUNAL SUPRÊME DE LA SIGNATURE APOSTOLIQUE Salle du Consistoire Vendredi 4 février 2011

Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

Je désire avant tout adresser un salut cordial au préfet de la Signature apostolique, le cardinal Raymond Leo Burke, que je remercie pour les paroles avec lesquelles il a introduit cette rencontre. Je salue Messieurs les cardinaux et les évêques membres du Tribunal suprême, le secrétaire, les officiaux et tous les collaborateurs qui accomplissent leur ministère quotidien dans le dicastère. J’adresse également un salut cordial aux référendaires et aux avocats.

Il s’agit de ma première rencontre avec le Tribunal suprême de la Signature apostolique depuis la promulgation de la Lex propria, que j’ai signée le 21 juin 2008. C’est précisément au cours de la préparation de cette loi qu’est apparu le désir des membres de la Signature de pouvoir consacrer — sous la forme commune à chaque dicastère de la Curie romaine (cf. Const. apost. Pastor Bonus, juin 1988, art. 11: Règlement général de la Curie romaine, 30 avril 1999, art. 112-117) — une Congregatio plenaria périodique à la promotion de la correcte administration de la justice dans l’Eglise (cf. Lex propria, art. 112). Le rôle de ce Tribunal, en effet, ne se limite pas à l’exercice suprême de la fonction judiciaire, mais il a également comme devoir, dans le domaine exécutif, de veiller à la bonne administration de la justice dans le Corpus Ecclesiae (cf. Const. apost. Pastor bonus, art. 121; Lex propria, art. 32). Cela comporte entre autres, comme l’indique la Lex propria, de rassembler des informations mises à jour sur l’état et l’activité des tribunaux locaux à travers le rapport annuel que chaque tribunal est tenu d’envoyer à la Signature apostolique; le classement et l’élaboration des données qu’ils envoient; l’identification des stratégies pour la valorisation des ressources humaines et institutionnelles dans les tribunaux locaux, ainsi que l’exercice constant de la fonction d’orientation confiée aux modérateurs des tribunaux diocésains et interdiocésains, auxquels revient de façon institutionnelle la responsabilité directe de l’administration de la justice. Il s’agit d’un travail coordonné et patient, destiné avant tout à garantir aux fidèles une administration correcte, prompte et efficace de la justice, comme je le demandais, en ce qui concerne les causes de nullité de mariage, dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis: «Là où surgissent des doutes légitimes sur la validité du mariage sacramentel qui a été contracté, il convient d'entreprendre ce qui est nécessaire pour en vérifier le bien-fondé. Il faut aussi s'assurer, dans le plein respect du droit canonique, de la présence sur le territoire de tribunaux ecclésiastiques, de leur caractère pastoral, de leur fonctionnement correct et rapide. Il importe qu'il y ait, dans chaque diocèse, un nombre suffisant de personnes préparées pour le bon fonctionnement des tribunaux ecclésiastiques. Je rappelle que “c'est une obligation grave que le travail institutionnel de l'Eglise réalisé dans les tribunaux soit rendu toujours plus proche des fidèles”» (n. 29). A cette occasion, je n’ai pas manqué de me référer à l’instruction Dignitas connubii, qui fournit aux modérateurs et aux ministres des tribunaux, sous la forme de vademecum, les normes nécessaires afin que les causes de nullité de mariage soient traitées et définies de la façon la plus rapide et sûre. Assurer que les tribunaux ecclésiastiques sont présents sur le territoire et que leur ministère est adapté aux justes exigences de rapidité et de simplicité auxquelles les fidèles ont droit dans le traitement de leurs causes, tel est le but de l’activité de cette Signature apostolique lorsque, selon sa compétence, elle promeut l’érection de tribunaux interdiocésains; elle assure avec prudence la dispense des titres académiques des ministres des tribunaux, toujours en vérifiant de façon précise leurs compétences réelles dans le domaine du droit substantiel et procédural; elle accorde les dispenses nécessaires de lois procédurales lorsque l’exercice de la justice exige, dans un cas particulier, la relaxatio legis pour atteindre l’objectif voulu par la loi. Il s’agit là également d’un travail important de discernement et d’application du droit procédural.

Veiller à la correcte administration de la justice serait toutefois insuffisant si cela ne comprenait pas également la fonction de tutelle de la correcte jurisprudence (cf. Lex propria, art. 111, § 1). Les instruments de connaissance et d’intervention, dont la Lex propria et le statut institutionnel dotent cette Signature apostolique, permettent une action qui, en accord avec le Tribunal de la Rote romaine (cf. Const. apost. Pastor bonus, art. 126), se révèle providentielle pour l’Eglise. Les exhortations et les prescriptions avec lesquelles cette Signature apostolique accompagne les réponses aux rapports annuels des tribunaux locaux recommandent souvent à leurs modérateurs respectifs la connaissance et l’adhésion tant aux directives proposées dans les discours pontificaux annuels à la Rote romaine, qu’à la jurisprudence commune de la Rote sur des aspects spécifiques qui se révèlent urgents pour les tribunaux. J’encourage donc également la réflexion qui vous occupera ces jours-ci sur la correcte jurisprudence à proposer aux tribunaux locaux en matière d’error iuris comme motif de nullité de mariage.


Discours 2005-2013 1227