Discours 2005-2013 1232

1232 Ce Tribunal suprême est également engagé dans un autre domaine délicat de l’administration de la justice, qui fut confié au Serviteur de Dieu Paul VI; la Signature connaît en effet les différends nés d'un acte du pouvoir administratif ecclésiastique qui lui ont été légitimement déférés au moyen d’un recours légitimement présenté à travers des actes administratifs déterminés émanant ou approuvés par des dicastères de la Curie romaine (cf. Const. apost. Regimini Ecclesiae universae, 15 août 1967, n. 106; C. de D.C., can. 1445, § 2; Const. apost. Pastor bonus, art. 123; Lex propria, art. 34). Il s’agit d’un service de première importance: la prédisposition d’instruments de justice — de la résolution pacifique des différends jusqu’au traitement et à la définition du jugement de celles-ci — constitue l’offre d’un espace de dialogue et de rétablissement de la communion dans l’Eglise. En effet, s’il est vrai que l’injustice doit être affrontée surtout avec les armes spirituelles de la prière, de la charité, du pardon et de la pénitence, on ne peut toutefois pas exclure, dans certains cas, l’opportunité et la nécessité que celle-ci soit affrontée à travers les instruments judiciaires. Ceux-ci constituent avant tout des lieux de dialogue, qui conduisent parfois à la concorde et à la réconciliation. Ce n’est pas par hasard que les dispositions procédurales prévoient que in limine litis, et même à chaque étape du procès, on accorde une place et une possibilité afin que «chaque fois qu'une personne s'estime lésée par un décret, le conflit entre elle et l'auteur du décret soit évité et que soit recherchée entre eux d'un commun accord une solution équitable, en utilisant au besoin la médiation et les efforts de sages, pour éviter le litige ou le régler par un moyen adéquat» (C. de D.C., can 1733, § 1). A cette fin, on encourage également les initiatives et les normes visant à l’institution de bureaux ou de conseils dont la charge sera de rechercher et de suggérer des solutions équitables selon des normes à établir (cf. ibid., § 2).

Dans les autres cas, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas possible de résoudre le différend de façon pacifique, le déroulement du contentieux administratif comportera la définition judiciaire de ce différend: dans ce cas également, l’activité du Tribunal suprême vise à la reconstitution de la communion ecclésiale, c’est-à-dire au rétablissement d’un ordre objectif conforme au bien de l’Eglise. Seule cette communion rétablie et justifiée à travers la motivation de la décision judiciaire peut conduire dans la communauté ecclésiale à une authentique paix et concorde. C’est ce que signifie le célèbre principe: Opus iustitiae pax. La restauration difficile de la justice est destinée à reconstruire des relations justes et ordonnées entre les fidèles et entre eux et l’autorité ecclésiastique. En effet, la paix intérieure et la collaboration volontaire des fidèles dans la mission de l’Eglise proviennent de la conscience restaurée d’accomplir pleinement leur vocation. La justice, que l’Eglise recherche à travers le procès contentieux administratif, peut être considérée comme début, exigence minimum et à la fois attente de charité, dans le même temps indispensable et insuffisante, si elle se rapporte à la charité dont vit l’Eglise. Néanmoins, le Peuple de Dieu en pèlerinage sur terre ne pourra pas remplir son identité de communauté d’amour s’il ne respecte pas les exigences de la justice.

A la Très Sainte Vierge Marie, Speculum iustitiae et Regina pacis, je confie le ministère précieux et délicat que la Signature apostolique accomplit au service de la communion dans l’Eglise, tandis que j’exprime à chacun de vous l’assurance de mon estime et de ma reconnaissance. Sur vous et sur votre travail quotidien, j’invoque la lumière de l’Esprit Saint et je donne à tous ma Bénédiction apostolique.

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

DE LA CONGRÉGATION POUR L'ÉDUCATION CATHOLIQUE (DES SÉMINAIRES ET DES INSTITUTIONS D'ENSEIGNEMENT) Salle du Consistoire Lundi, 7 février 2011

Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs.

J'adresse à chacun de vous mes salutations cordiales pour cette visite à l'occasion de l’assemblée plénière de la Congrégation pour l'éducation catholique. Je salue le cardinal Zenon Grocholewski, préfet de ce dicastère, en le remerciant pour ses paroles courtoises, ainsi que le secrétaire, le sous-secrétaire, les officiers et les collaborateurs.

Les thèmes que vous affrontez ces jours-ci ont comme dénominateur commun l'éducation et la formation, qui constituent aujourd'hui l'un des défis les plus urgents que l'Eglise et ses institutions sont appelées à affronter. L’oeuvre éducative semble devenue toujours plus difficile parce que, dans une culture qui a trop souvent fait du relativisme son propre credo, vient à manquer la lumière de la vérité, et l'on considère même comme dangereux de parler de vérité, en instillant ainsi le doute sur les valeurs de base de l'existence personnelle et communautaire. C'est pourquoi le service que rendent dans le monde les nombreuses institutions de formation qui s'inspirent de la vision chrétienne de l'homme et de la réalité est si important: éduquer est un acte d’amour, un exercice de «charité intellectuelle», qui exige responsabilité, dévotion, cohérence de vie. Le travail de votre Congrégation et les choix que vous ferez au cours de ces journées de réflexion et d'étude contribueront assurément à répondre à l'«urgence éducative actuelle».

Votre Congrégation, créée en 1915 par Benoît XV, accomplit depuis près de cent ans son oeuvre précieuse au service des différentes institutions catholiques de formation. Parmi elles, sans aucun doute, le séminaire est l'une des plus importantes pour la vie de l'Eglise et exige à ce titre un projet de formation qui tienne compte du contexte évoqué ci-dessus. J'ai souligné à plusieurs reprises que le séminaire est une étape précieuse de la vie, où le candidat au sacerdoce fait l'expérience d'être «un disciple de Jésus». Pendant ce temps destiné à la formation, il est demandé un certain détachement, une forme de «désert», parce que le Seigneur parle au coeur avec une voix que l'on n’entend que si l'on demeure dans le silence (cf. 1R 19,12); mais il est demandé également une disponibilité à vivre ensemble, à aimer la «vie de famille» et la dimension communautaire qui anticipent la «fraternité sacramentelle» qui doit caractériser tout prêtre diocésain (cf. Presbyterorum ordinis PO 8) et que j'ai voulu rappeler aussi dans ma récente Lettre aux séminaristes: «On ne devient pas prêtre tout seul. Il faut “la communauté des disciples”, l’ensemble de ceux qui veulent servir l’Eglise».

1233 Au cours de ces journées, vous étudiez aussi la version préparatoire du document sur Internet et la formation dans les séminaires. Internet, par sa capacité à surmonter la distance et à mettre en contact réciproque les personnes, présente de grandes possibilités également pour l'Eglise et sa mission. Avec le discernement nécessaire pour son usage intelligent et prudent, c'est un instrument qui peut servir non seulement pour les études, mais aussi pour l'action pastorale des futurs prêtres dans les différents domaines ecclésiaux, tels que l'évangélisation, l'action missionnaire, la catéchèse, les projets éducatifs, la gestion des institutions. Dans ce domaine également, il est d'une extrême importance de pouvoir compter sur des éducateurs formés de manière adaptée pour qu'ils soient des guides fidèles et qui renouvellent toujours leurs connaissances, afin d'accompagner les candidats au sacerdoce dans l'usage correct et positif des outils informatiques.

Par ailleurs, on célèbre cette année le XXe anniversaire de l’OEuvre pontificale pour les vocations sacerdotales, instituée par le vénérable Pie XII pour favoriser la collaboration entre le Saint-Siège et les Eglises locales dans l’oeuvre précieuse de promotion des vocations au ministère ordonné. Une telle circonstance pourra être l'occasion de connaître et de mettre en valeur les initiatives au service des vocations les plus significatives menées au sein des Eglises locales. Il faut que la pastorale des vocations, en plus de souligner la valeur de l'appel universel à suivre Jésus, insiste plus clairement sur le profil du sacerdoce ministériel, caractérisé par sa configuration spécifique au Christ, qui le distingue essentiellement des autres fidèles et se met à leur service.

Vous avez lancé, en outre, une révision de ce que prescrit la Constitution apostolique Sapientia christiana sur les études ecclésiastiques, concernant le droit canonique, les instituts supérieurs des sciences religieuses et, récemment, la philosophie. Un secteur sur lequel réfléchir tout particulièrement est celui de la théologie. Il est important de rendre toujours plus solide le lien entre la théologie et l'étude des Saintes Ecritures, de manière que celle-ci en soit véritablement l'âme et le coeur (cf. Verbum Domini, n. 31). Mais le théologien ne doit pas oublier qu'il est aussi celui qui parle à Dieu. Il est indispensable, par conséquent, d’unir étroitement la théologie et la prière personnelle et communautaire, en particulier liturgique. La théologie est scientia fidei et la prière nourrit la foi. Dans l’union avec Dieu, on goûte, en quelque sorte, le mystère; celui-ci devient alors proche, et cette proximité est lumière pour l'intelligence. Je voudrais souligner aussi le lien entre la théologie et les autres disciplines, en considérant qu’elle est enseignée dans les universités catholiques et, très souvent aussi, dans les universités civiles. Le bienheureux John Henry Newman parlait du «cercle du savoir», circle of knowledge, pour indiquer qu'il existe une interdépendance entre les différentes branches du savoir; mais Dieu, et lui seul, a un lien avec la totalité du réel; par conséquent, éliminer Dieu signifie rompre le cercle du savoir. Dans cette perspective, les universités catholiques, avec leur identité bien précise et leur ouverture à la «totalité» de l'être humain, peuvent mener une oeuvre précieuse pour promouvoir l’unité du savoir, en orientant les étudiants et les enseignants à la Lumière du monde, la «lumière véritable, qui éclaire tout homme» (
Jn 1,9). Ce sont des considérations qui valent aussi pour les écoles catholiques. Il faut, tout d'abord, le courage d'annoncer la valeur «au sens large» de l'éducation, pour former des personnes solides, capables de collaborer avec les autres et de donner un sens à leur vie. On parle aujourd'hui d'éducation interculturelle, objet d'étude également au sein de votre assemblée plénière. Dans ce domaine est nécessaire une fidélité courageuse et innovatrice, qui sache conjuguer une claire conscience de sa propre identité et l'ouverture à l'altérité, pour les exigences de la coexistence dans les sociétés multiculturelles. A cette fin aussi se fait jour le rôle éducatif de l'enseignement de la religion catholique comme discipline scolaire en dialogue interdisciplinaire avec les autres. En effet, celui-ci contribue largement non seulement au développement intégral de l'élève, mais aussi à la connaissance de l'autre, à la compréhension et au respect réciproque. Pour atteindre de tels objectifs, il faudra prêter une attention particulière à la formation des dirigeants et des formateurs, non seulement d'un point de vue professionnel, mais aussi religieux et spirituel, pour qu'à travers la cohérence de sa propre vie, et l'implication personnelle, la présence de l'éducateur chrétien devienne une expression d'amour et un témoignage de vérité.

Chers frères et soeurs, je vous remercie de ce que vous faites à travers votre travail compétent au service des institutions éducatives. Gardez toujours le regard tourné vers le Christ, le seul Maître, pour que par son Esprit, il rende efficace votre travail. Je vous confie à la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, Sedes Sapientiae et, de tout coeur, je vous donne ma Bénédiction apostolique.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA FRATERNITÉ SACERDOTALE DES MISSIONNAIRES DE SAINT-CHARLES BORROMÉE Salle Clémentine Samedi 12 février 2011

Chers frères et amis,

C’est avec une grande joie que je vous rencontre, prêtres et séminaristes de la Fraternité Saint-Charles, réunis ici à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa fondation. Je salue et je remercie le fondateur et supérieur général, Mgr Massimo Camisasca, son conseil, et vous tous, parents et amis, qui entourez la communauté. Je salue en particulier l’archevêque de la Mère de Dieu de Moscou, Mgr Paolo Pezzi, et dom Julián Carrón, président de la Fraternité Communion et Libération, qui expriment de façon symbolique les fruits et la racine de l’oeuvre de la Fraternité Saint-Charles. Ce moment rappelle à ma mémoire ma longue amitié avec Mgr Luigi Giussani et témoigne de la fécondité de son charisme.

En cette occasion, je voudrais répondre à deux questions que me suggère notre rencontre: quelle est la place du sacerdoce ordonné dans la vie de l’Eglise? Quelle est la place de la vie communautaire dans l’expérience sacerdotale?

Votre naissance au sein du mouvement Communion et Libération et votre référence vitale à l’expérience ecclésiale qu’il représente, place devant nos yeux une vérité qui s’est réaffirmée de façon particulièrement claire à partir du XIXe siècle et qui a trouvé ensuite une expression significative dans la théologie du Concile Vatican II. Je veux parler du fait que le sacerdoce chrétien n’est pas une fin en soi. Il a été voulu par Jésus en fonction de la naissance et de la vie de l’Eglise. Chaque prêtre peut donc dire aux fidèles, en paraphrasant saint Augustin: Vobiscum christianus, pro vobis sacerdos. La gloire et la joie du sacerdoce est de servir le Christ et son Corps mystique. Il représente une vocation très belle et très particulière au sein de l’Eglise qui rend présent le Christ, car il participe de l’unique et éternel sacerdoce du Christ. La présence de vocations sacerdotales est un signe certain de la vérité et de la vitalité d’une communauté chrétienne. En effet, Dieu appelle toujours, également au sacerdoce; il n’y a pas de croissance véritable et féconde dans l’Eglise sans une authentique présence sacerdotale qui la soutient et la nourrit. Je suis donc reconnaissant à tous ceux qui consacrent leurs énergies à la formation des prêtres et à la réforme de la vie sacerdotale. Comme toute l’Eglise, en effet, le sacerdoce aussi a besoin de se renouveler continuellement, en retrouvant dans la vie de Jésus les formes les plus essentielles de leur être.

Les différentes voies possibles de ce renouveau ne peuvent ignorer certains éléments auxquels on ne peut renoncer. Avant tout, une éducation profonde à la méditation et à la prière, vécues comme dialogue avec le Seigneur ressuscité présent dans son Eglise. En deuxième lieu, une étude de la théologie qui permette de rencontrer les vérités chrétiennes sous la forme d’une synthèse liée à la vie de la personne et de la communauté: seul un regard de sagesse peut en effet valoriser la force que la foi possède d’illuminer la vie et le monde, en conduisant continuellement au Christ, Créateur et Sauveur.

1234 Au cours de sa brève, mais intense existence, la Fraternité Saint-Charles a souligné la valeur de la vie communautaire. J’en ai moi-même parlé à plusieurs reprises dans mes interventions avant et après mon appel au siège de Pierre. «Il est important que les prêtres ne vivent pas isolés, qu’ils soient ensemble au sein de petites communautés, se soutiennent les uns les autres, qu’ils découvrent ainsi la communauté qu’ils forment dans leur action au service du Christ et dans leur renoncement au profit du Royaume céleste — et que cette conscience leur soit redonnée régulièrement» (Lumière du monde, Cité du Vatican, 2010, p. 208). Les urgences du moment sont sous nos yeux à tous. Je pense par exemple au manque de prêtres. La vie communautaire n’est pas avant tout une stratégie pour répondre à ces nécessités. Elle n’est pas non plus, en soi, uniquement une forme d’aide face à la solitude et à la faiblesse de l’homme. Tout cela peut exister, bien sûr, mais uniquement si la vie fraternelle est conçue et vécue comme chemin pour se plonger dans la réalité de la communion. La vie communautaire, en effet, est une expression du don du Christ qui est l’Eglise, et est préfigurée dans la communauté apostolique, qui a donné naissance aux prêtres. En effet, aucun prêtre n’administre quelque chose qui lui est propre, mais participe avec ses autres frères à un don sacramentel qui vient directement de Jésus.

La vie communautaire exprime donc une aide que le Christ donne à notre existence, en nous appelant, à travers la présence de nos frères, à une configuration toujours plus profonde à sa personne. Vivre avec les autres signifie accepter la nécessité de sa propre conversion permanente, et surtout, découvrir la beauté de ce chemin, la joie de l’humilité, de la pénitence, mais également de la conversation, du pardon réciproque, du soutien mutuel. Ecce quam bonum et quam iucundum habitare fratres in unum (
Ps 133,1).

Personne ne peut assumer la force régénératrice de la vie commune sans la prière, sans tenir compte de l’expérience et de l’enseignement des saints, en particulier des Pères de l’Eglise, sans une vie sacramentelle vécue avec fidélité. Si l’on entre pas dans le dialogue éternel que le Fils entretient avec le Père dans l’Esprit Saint, aucune vie commune authentique n’est possible. Il faut être avec Jésus pour pouvoir être avec les autres. Tel est le coeur de la mission. Dans la compagnie de Jésus et de nos frères, chaque prêtre peut trouver les énergies nécessaires pour prendre soin des hommes, pour assumer les besoins spirituels et matériels qu’il rencontre, pour enseigner avec des paroles toujours nouvelles, dictées par l’amour, les vérités éternelles de la foi dont ont soif également nos contemporains.

Chers frères et amis, continuez d’aller dans le monde entier pour apporter à tous la communion qui naît du coeur du Christ! Que l’expérience des apôtres avec Jésus soit toujours le phare qui illumine votre vie sacerdotale! En vous encourageant à continuer sur la voie tracée au cours de ces années, je donne avec plaisir ma bénédiction à tous les prêtres et séminaristes de la Fraternité Saint-Charles, à leur famille et amis.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DES PHILIPPINES EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM» Salle du Consistoire Vendredi 18 février 2011



Chers frères évêques,

Je suis heureux de vous recevoir aujourd’hui, à l’occasion de votre visite ad limina, et je vous adresse mes sincères meilleurs voeux et mes prières, pour vous et pour tous ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale. Votre présence auprès des tombes des apôtres Pierre et Paul renforce la profonde unité déjà existante entre l’Eglise des Philippines et le Saint-Siège. Etant donné que les liens profonds entre les catholiques et le Successeur de Pierre ont toujours été une caractéristique importante de la foi dans votre pays, je prie afin que cette communion continue à croître et à se développer, tandis que vous affrontez les défis présents de votre apostolat.

Alors que les Philippines continuent à affronter de nombreux défis dans le domaine du développement économique, nous devons reconnaître que ces obstacles à une vie de joie et de réalisation ne sont pas les uniques pierres d’achoppement que l’Eglise doit affronter. La culture philippine doit également affronter des questions plus complexes relatives au sécularisme, au matérialisme, et au consumérisme de notre époque. Lorsque l’autosuffisance et la liberté sont séparées de leur lien avec Dieu et de leur accomplissement en Lui, la personne humaine crée un faux destin pour elle-même et perd de vue la joie éternelle pour laquelle elle a été créée. Le chemin vers la redécouverte du destin authentique de l’humanité ne peut être trouvé qu’en rétablissant la priorité de Dieu dans le coeur et dans l’esprit de chaque personne.

En particulier, pour garder Dieu au centre de la vie des fidèles, votre prédication et celle de votre clergé doivent être spécifiques, afin que chaque catholique comprenne de la manière la plus profonde, en mesure de transformer sa vie, que Dieu existe, qu’il nous aime et qu’en Christ il répond aux questions essentielles de notre vie. Votre grande tâche dans l’évangélisation est donc de proposer une relation personnelle avec le Christ comme clef de réalisation complète. Dans ce domaine, le deuxième Concile plénier des Philippines continue à porter des fruits bénéfiques, ayant eu pour conséquence que de nombreux diocèses ont réalisé des programmes pastoraux centrés sur la transmission de la bonne nouvelle du salut. Dans le même temps, il faut reconnaître que les nouvelles initiatives dans le domaine de l’évangélisation ne seront fécondes que si, par la grâce de Dieu, ceux qui les proposent sont des personnes qui croient vraiment dans le message de l’Evangile et le vivent personnellement.

Cela est certainement l’un des motifs pour lesquels les communautés ecclésiales de base ont eu un impact si positif dans tout le pays. Là où elles ont été constituées et guidées par des personnes motivées par la force de l’amour du Christ, ces communautés ont démontré être de dignes instruments d’évangélisation, en oeuvrant avec les paroisses locales. De manière analogue, l’Eglise aux Philippines a la chance d’avoir de nombreuses organisations laïques qui continuent d’attirer les personnes vers le Seigneur. Dans le but de répondre aux questions de notre temps, les laïcs doivent écouter le message de l’Evangile dans sa plénitude, en comprenant ses implications pour leur vie personnelle et pour la société en général, et être donc constamment convertis au Seigneur. C’est pourquoi je vous exhorte à faire preuve d’un soin particulier en guidant ces groupes, afin que le primat de Dieu puisse demeurer au premier plan.

1235 Ce primat est particulièrement important quand il s’agit d’évangéliser les jeunes. Je suis heureux de constater que dans votre pays, la foi joue un rôle très important dans la vie de nombreux jeunes, un fait dû en large partie au travail patient de l’Eglise locale pour toucher les jeunes à tous les niveaux. Je vous encourage à continuer à rappeler aux jeunes que les séductions de ce monde ne satisferont pas leur désir naturel de bonheur. Seule la véritable amitié avec Dieu brisera les chaînes de la solitude dont souffre notre humanité fragile et créera une communion authentique et durable avec les autres, un lien spirituel qui suscitera en nous le désir de servir les besoins de ceux que nous aimons dans le Christ. Il faut également se soucier de montrer aux jeunes l’importance des sacrements comme instruments de la grâce et de l’aide de Dieu. Cela vaut de manière particulière pour le sacrement du mariage, qui sanctifie la vie conjugale dès ses débuts, afin que la présence de Dieu puisse soutenir les jeunes couples dans leurs difficultés.

Le soin pastoral des jeunes visant à établir le primat de Dieu dans leur coeur tend, par sa nature, à engendrer non seulement des vocations au mariage chrétien, mais également de nombreux appels de toutes sortes. Je suis heureux de constater le succès d’initiatives locales visant à promouvoir de nombreuses vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. Toutefois, le besoin de serviteurs du Christ toujours plus engagés, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger, est encore pressant. De vos comptes-rendus quinquennaux, il ressort que, dans de nombreux diocèses, le nombre de prêtres et le nombre correspondant de paroisses ne sont pas encore suffisants pour répondre aux besoins spirituels de la grande et croissante population catholique. Je prie donc avec vous, afin que les jeunes Philippins qui se sentent appelés au sacerdoce et à la vie religieuse répondent avec générosité aux suggestions de l’Esprit. Puisse la mission évangélisatrice de l’Eglise être soutenue par les merveilleux dons que le Seigneur offre à ceux qu’il appelle! Quant à vous, en tant que pasteurs vous veillerez à offrir à ces jeunes vocations un plan de formation intégral bien développé et appliqué avec attention, de façon à ce que leur inclination initiale vers une vie de service au Christ et à ses fidèles puisse parvenir à une pleine maturation spirituelle et humaine.

Chers frères dans l’épiscopat, avec ces réflexions, je vous assure de mes prières et je vous confie à l’intercession de saint Lorenzo Ruiz. Puisse son exemple de fidélité inébranlable au Christ constituer pour vous un encouragement dans votre engagement apostolique. A vous, au clergé, aux religieux et à tous les fidèles confiés à vos soins, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, comme gage de grâce et de paix.

À LA COMMUNAUTÉ DU COLLÈGE PONTIFICAL PHILIPPIN

DE ROME, À L'OCCASION DU 50e ANNIVERSAIRE DE SA FONDATION Salle Clémentine Samedi 19 février 2011



Votre Eminence, chers frères évêques et prêtres,

Je suis heureux de vous saluer, étudiants et enseignants du Collège pontifical philippin en cette année marquant le cinquantième anniversaire de sa fondation par mon prédécesseur le bienheureux Jean XXIII. Je me joins à vous pour rendre grâce à Dieu pour tout ce que votre Collège a contribué à apporter à la vie de vos concitoyens philippins, aussi bien dans votre pays qu'à l'étranger tout au long de ces cinq dernières décennies.

En tant que maison de formation située ici, auprès des tombes des apôtres Pierre et Paul, le Collège philippin a rempli la mission qui lui a été confiée de bien des manières. Sa première tâche, et la plus importante, est d'assister les étudiants dans leur formation en sciences sacrées. C'est une mission que le Collège a parfaitement accomplie, car des centaines de prêtres sont rentrés chez eux en ayant obtenu divers diplômes des différentes universités et institutions pontificales de la ville, et ont continué de servir l'Eglise à travers le monde, certains d'entre eux s'y distinguant tout particulièrement. Permettez-moi de vous encourager, vous, la génération actuelle d'étudiants du Collège, à croître dans la foi, pour rechercher l'excellence dans vos études, et saisir toute opportunité qui se présente à vous pour parvenir à la maturité spirituelle et théologique, afin de posséder les instruments, la préparation et un coeur vaillant face aux défis que vous devez affronter.

Comme vous le savez, une formation sacerdotale complète ne passe pas seulement par la dimension universitaire: en plus et au-delà de la dimension intellectuelle qui leur est offerte, les étudiants du Collège philippin sont aussi formés d'un point de vue spirituel à travers l'histoire vivante de l'Eglise de Rome et l'exemple resplendissant de ses martyrs, dont le sacrifice les configure parfaitement à la personne de Jésus Christ lui-même.

Je suis certain que chacun d'entre vous sera inspiré par son union avec le mystère du Christ et embrassera l'appel du Seigneur à la sainteté qui exige de vous en tant que prêtres le don complet de vos vies et de vos oeuvres à Dieu. En étant accompagnés dans cette tâche par d'autres jeunes prêtres et séminaristes réunis ici de toutes les régions du monde, vous rentrerez dans votre pays, comme vos prédécesseurs, avec un sens durable et plein de reconnaissance de l'histoire de l'Eglise de Rome, de ses racines dans le mystère pascal du Christ, et de sa merveilleuse universalité.

Au cours de votre séjour à Rome, vous ne devez pas oublier les nécessités pastorales et il est donc bon, même pour les prêtres qui suivent des études, de prendre en considération les besoins de ceux qui sont autour d’eux, y compris les membres de la communauté philippine vivant à Rome et dans ses environs. Ce faisant, conservez toujours dans votre emploi du temps un sain équilibre entre les préoccupations pastorales locales et les nécessités académiques de votre séjour ici, pour le bénéfice de tous.

1236 Enfin, n'oubliez pas l'affection du Pape à votre égard et envers votre patrie. Je vous enjoins tous de retourner aux Philippines empreints d’une indéfectible affection pour le Successeur de Pierre et avec le désir de renforcer et de conserver la communion qui unit l'Eglise dans la charité autour de lui. De cette façon, une fois vos études terminées, vous serez assurément un levain de l'Evangile dans la vie de votre nation bien-aimée.

Tout en invoquant l'intercession de Notre-Dame de la Paix et du Bon Voyage, et en gage de grâce et de paix dans le Seigneur, je vous donne bien volontiers ma Bénédiction apostolique.

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE Salle Clémentine Samedi 26 février 2011



Messieurs les cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

Je vous accueille avec joie à l'occasion de l'assemblée annuelle de l'Académie pontificale pour la vie. Je salue en particulier Mgr Ignacio Carrasco de Paula, et je le remercie de ses paroles courtoises. A chacun j'adresse cordialement la bienvenue! Dans les travaux de ces jours-ci, vous avez affronté des thèmes d'actualité importante, qui interrogent profondément la société contemporaine et la mettent au défi de trouver des réponses toujours plus adéquates pour le bien de la personne humaine. Le thème du syndrome post-abortif — c'est-à-dire le grave malaise psychique dont font souvent l'expérience les femmes qui ont eu recours à un avortement volontaire — révèle la voix irrépressible de la conscience morale, et la très grave blessure qu'elle subit à chaque fois que l'action humaine trahit la vocation innée au bien de l'être humain, dont elle témoigne. Dans cette réflexion, il serait utile de porter l'attention sur la conscience, parfois obscurcie, des pères des enfants qui souvent laissent seules les femmes enceintes. La conscience — enseigne le catéchisme de l'Eglise catholique — est ce «jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d'un acte concret qu'elle va poser, est en train d'exécuter ou a accompli» (n. 1778). C'est en effet le devoir de la conscience morale de discerner le bien du mal dans les différentes situations de l'existence, afin que, sur la base de ce jugement, l'être humain puisse librement s'orienter vers le bien. A ceux qui voudraient nier l'existence de la conscience morale de l'homme, en réduisant sa voix au résultat de conditionnements extérieurs ou à un phénomène purement émotionnel, il est important de répéter que la qualité morale de l'action humaine n'est pas une valeur extrinsèque ou optionnelle et n'est pas même une prérogative des chrétiens ou des croyants mais est commune à tous les êtres humains. Dans la conscience morale, Dieu parle à chacun et invite à défendre la vie humaine à chaque moment. C'est dans ce lien personnel avec le Créateur que réside la dignité profonde de la conscience morale et la raison de son inviolabilité.

Dans la conscience, l'homme tout entier — intelligence, émotivité, volonté — réalise sa vocation au bien, et ainsi, le choix du bien ou du mal dans les situations concrètes de l'existence finit par marquer profondément la personne humaine dans chaque expression de son être. C'est en effet tout l'homme qui est blessé lorsque son action se déroule en contradiction avec ce que dicte sa conscience. Cependant, même lorsque l'homme refuse la vérité et le bien que le Créateur lui propose, Dieu ne l'abandonne pas, mais justement à travers la voix de sa conscience, continue à le chercher et à lui parler, afin qu'il reconnaisse l'erreur et s'ouvre à la Miséricorde divine, capable de guérir toute blessure.

Les médecins en particulier, ne peuvent pas se soustraire au grave devoir de défendre contre l’illusion la conscience de nombreuses femmes qui pensent trouver dans l'avortement la solution à des difficultés familiales, économiques, sociales ou à des problèmes de santé de leur enfant. Spécialement dans cette dernière situation, la femme est souvent convaincue, parfois par les médecins eux-mêmes, que l'avortement représente non seulement un choix moralement licite, mais même un acte «thérapeutique» nécessaire pour éviter des souffrances à l'enfant et à sa famille, et un poids «injuste» pour la société. Dans un contexte culturel caractérisé par l'éclipse du sens de la vie, où s'est beaucoup atténuée la perception commune de la gravité morale de l'avortement, et d'autres formes d'attentats contre la vie humaine, il faut aux médecins une force spéciale pour continuer à affirmer que l'avortement ne résout rien, mais tue l'enfant, détruit la femme et aveugle la conscience du père de l'enfant, en ruinant, souvent, la vie de la famille.

Ce devoir ne concerne cependant pas seulement la profession médicale, et les professionnels de santé. Il est nécessaire que toute la société choisisse de défendre le droit à la vie de l’enfant conçu, et du vrai bien de la femme, qui ne pourra jamais, en aucune circonstance, se réaliser dans le choix de l'avortement. Il sera de même nécessaire — comme l’indiquent vos travaux — de ne pas faire manquer les aides nécessaires aux femmes qui, en ayant hélas déjà eu recours à l'avortement, font maintenant l'expérience de tout ce drame moral et existentiel. Nombreuses sont les initiatives, au niveau diocésain ou de la part d'organismes de bénévolat, qui offrent un soutien psychologique et spirituel, pour une récupération humaine complète. La solidarité de la communauté chrétienne ne peut pas renoncer à ce type de coresponsabilité. Je voudrais rappeler à ce propos l'invitation adressée par le vénérable Jean-Paul II aux femmes qui ont eu recours à l'avortement: «L'Eglise sait combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision, et elle ne doute pas que, dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n'est pas encore refermée. En réalité, ce qui s'est produit a été et demeure profondément injuste. Mais ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l'espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s'est passé et interprétez-le en vérité. Si vous ne l'avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir: le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. C'est à ce même Père et à sa miséricorde qu'avec espérance vous pouvez confier votre enfant. Avec l'aide des conseils et de la présence de personnes amies compétentes, vous pourrez faire partie des défenseurs les plus convaincants du droit de tous à la vie par votre témoignage douloureux» (Enc. Evangelium vitae EV 99).


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