Discours 2005-2013 1434

1434 Aujourd’hui, la mission a besoin de renouveler sa confiance dans l’action de Dieu; elle a besoin d’une prière plus intense afin que son Règne vienne, afin que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Il faut invoquer la lumière et la force de l’Esprit Saint et s’engager avec décision et générosité pour inaugurer, dans un certain sens, «une nouvelle ère d'annonce de l'Evangile... parce que, après deux mille ans, la majeure partie de la famille humaine ne connaît pas encore le Christ, mais aussi parce que la situation dans laquelle se trouvent l'Eglise et le monde... présente des défis particuliers pour la foi religieuse» (Jean-Paul II, Exhort. apost. post-syn. Ecclesia in Asia ). Je suis donc bien content d’encourager le projet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et des OEuvres pontificales missionnaires, en vue de soutenir l’Année de la foi. Ce projet prévoit une campagne mondiale qui, à travers la prière du Saint Rosaire, accompagne l’oeuvre d’évangélisation dans le monde et pour tant de baptisés, la redécouverte et l’approfondissement de la foi.

Chers amis, vous savez bien que l’annonce de l’Evangile comporte souvent des difficultés et des souffrances; la croissance du Royaume de Dieu dans le monde, en effet, advient souvent au prix du sang de ses serviteurs. Dans cette phase de mutations économiques, culturelles et politiques, où l’être humain se sent souvent seul, en proie à l’angoisse et au désespoir, les messagers de l’Evangile, même s’ils annoncent l’espérance et la paix, continuent d’être persécutés comme leur Seigneur et Maître. Mais, en dépit des problèmes et de la tragique réalité de la persécution, l’Eglise ne se décourage pas, demeure fidèle au mandat de son Seigneur, dans la conscience que «comme toujours dans l’histoire chrétienne, les martyrs, c’est-à-dire les témoins, sont nombreux et ils sont indispensables à la marche de l’Evangile» (Jean-Paul II, Redemptoris missio
RMi 45). Le message du Christ, aujourd’hui comme hier, ne peut s’adapter à la logique de ce monde, car il est prophétie et libération, il est semence d’une humanité nouvelle qui croît, et seulement à la fin des temps trouvera sa pleine réalisation.

C’est à vous qu’est confié, de façon particulière, le devoir de soutenir les ministres de l’Evangile, en les aidant à garder «la joie d’évangéliser, même lorsque c’est dans les larmes qu’il faut semer» (Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi EN 80). Votre engagement particulier est également de conserver vivante la vocation missionnaire de tous les disciples du Christ, afin que chacun, selon le charisme reçu de l’Esprit Saint, puisse prendre part à la mission universelle confiée par le Seigneur ressuscité à son Eglise. Votre oeuvre d’animation et de formation missionnaire fait partie de l’âme du soin pastoral, car la missio ad gentes constitue le paradigme de toute l’action apostolique de l’Eglise. Soyez toujours plus une expression visible et concrète de la communion de personnes et de moyens entre les Eglises qui, comme des vases communicants, vivent la même vocation et tension missionnaire, et qui oeuvrent à chaque extrémité de la terre pour semer le Verbe de Vérité parmi tous les peuples et les cultures. Je suis certain que vous continuerez de vous engager afin que les Eglises locales assument, toujours plus généreusement, leur part de responsabilité dans la mission universelle de l’Eglise.

Que la Très Sainte Vierge Marie, Reine des missions, vous accompagne dans ce service et qu’elle soutienne chacun de vos efforts en vue de promouvoir la conscience et la collaboration missionnaire. Avec ce souhait, que je garde toujours présent dans mes prières, je vous remercie, ainsi que tous ceux qui coopèrent à la cause de l’évangélisation, et je donne de tout coeur à chacun ma Bénédiction apostolique.



CONCERT OFFERT PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE

AU SAINT-PÈRE À L'OCCASION DU VIIe ANNIVERSAIRE DE SON PONTIFICAT

Salle Paul VI Vendredi 11 mai 2012



Monsieur le président de la République,
Messieurs les cardinaux,
Messieurs les ministres et représentants des autorités,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
1435 Mesdames et Messieurs,

J’adresse un salut profond et respectueux au président de la République italienne, S.E. M. Giorgio Napolitano ainsi qu’à son épouse, auquel j’unis un remerciement sincère pour les paroles cordiales qui m’ont été adressées, les dons qui m’ont été faits d’un violon et d’une précieuse partition, ainsi que pour ce concert de musique sacrée de deux grands compositeurs italiens; il s’agit de signes qui manifestent une fois de plus le lien entre le Successeur de Pierre et cette chère nation. J’adresse un salut au président du Conseil, S.E. M. Mario Monti, ainsi qu’à toutes les autorités. J’adresse mes remerciements sincères à l’Orchestre et au choeur du Théâtre de l’Opéra de Rome, aux deux sopranos et surtout au Maître Riccardo Muti pour son intense interprétation et exécution. On connaît la sensibilité du Maître Muti pour la musique sacrée, ainsi que son engagement afin que ce riche répertoire qui exprime en musique la foi de l’Eglise soit davantage connu. C’est également pour cette raison que je suis heureux de lui conférer une distinction pontificale. J’exprime ma gratitude à la ville de Crémone, au centre de musicologie Walter Stauffer et à la fondation Antonio Stradivari-La Triennale pour avoir mis à disposition des premiers solistes de l’orchestre des instruments antiques et précieux provenant de leurs collections.

Antonio Vivaldi est un éminent représentant de la tradition musicale vénitienne. Qui ne connaît pas de lui au moins les Quatre Saisons! Mais sa production sacrée, qui occupe une place importante dans son oeuvre et qui revêt une grande valeur, demeure peu connue. Le Magnificat que nous avons écouté est le chant de louange de Marie et de tous ceux qui sont humbles de coeur, qui reconnaissent et célèbrent avec joie et gratitude l’action de Dieu dans leur vie et dans l’histoire; de Dieu, qui possède un «style» différent de celui de l’homme, parce qu’il se place aux côtés des derniers pour donner l’espérance. Et la musique de Vivaldi exprime la louange, la joie, l’action de grâce et également l’émerveillement face à l’oeuvre de Dieu, avec une extraordinaire richesse de sentiments: du choeur solennel du début, dans lequel toute l’Eglise exalte le Seigneur, à l’«Et exultavit» plein d’entrain, au magnifique choeur de l’«Et misericordia» sur lequel il s’arrête au moyen d’audacieuses harmonies, riches de modulations improvisées, pour nous inviter à méditer sur la miséricorde de Dieu qui est fidèle et qui s’étend à toutes les générations.

Avec les deux morceaux sacrés de Giuseppe Verdi que nous avons écoutés, le registre change: nous nous trouvons face à la douleur de Marie au pied de la Croix: Stabat Mater dolorosa. Le grand compositeur d’opéras italien, de même qu’il avait exploré et exprimé le drame de nombreux personnages dans ses oeuvres, esquisse ici celui de la Vierge qui contemple son Fils sur la Croix. La musique devient essentielle, elle s’«accroche» presque aux paroles pour exprimer de la façon la plus intense possible le contenu, dans une vaste gamme de sentiments. Il suffit de penser au douloureux sentiment de «piété» par lequel débute la séquence, au dramatique «Pro peccatis suae gentis» au «dum emisit spiritum», presque murmuré, aux invocations chorales chargées d’émotion, mais également de sérénité, adressées à Marie, «fons amoris», afin que nous puissions participer à sa douleur maternelle et que notre coeur s’enflamme d’amour pour le Christ, jusqu’à la strophe finale, supplique intense et puissante adressée à Dieu afin qu’à l’âme soit accordée la gloire du Paradis, aspiration ultime de l’humanité.

Le Te Deum est également une succession de contrastes, mais l’attention de Verdi au texte sacré est minutieuse, au point d’offrir une lecture différente de la tradition. Il ne voit pas tant le chant des victoires ou des couronnements, mais, comme il l’écrit, une succession de situations: la joie initiale — «Te Deum», «Sanctus» —, la contemplation du Christ incarné, qui libère et ouvre le Royaume des Cieux, l’invocation au «Judex venturus», afin qu’il ait miséricorde, et enfin, le cri répété du soprano et du choeur «In Te, Domine speravi» par lequel se conclut le passage, comme une prière de Verdi lui-même afin d’avoir espérance et lumière au cours de la dernière étape de la vie. Ce que nous avons écouté ce soir sont les deux derniers morceaux écrits par le compositeur, qui n’étaient pas destinés à la publication, mais écrits uniquement pour lui; il aurait même voulu être enterré avec la partition du Te Deum.

Chers amis, je souhaite que ce soir, nous puissions répéter à Dieu, avec foi: en toi, Seigneur, je place avec joie mon espérance, fais que je t’aime comme ta Sainte Mère, afin qu’à mon âme, au terme du chemin, soit accordée la gloire du Paradis. A Monsieur le président de la République italienne, aux solistes, aux ensembles du Théâtre de l’Opéra de Rome, au Maître Riccardo Muti, aux organisateurs et à toutes les personnes présentes, de nouveau merci. Que le Seigneur vous bénisse, ainsi que vos proches. Merci de tout coeur!

VISITE PASTORALE À AREZZO, LA VERNA ET SANSEPOLCRO

(13 MAI 2012)

SALUT

DU BALCON DE L'ÉVÊCHÉ D'AREZZO

Dimanche 13 mai 2012




Chers amis,

Merci de tout coeur pour cette très belle présentation de votre grande culture de la Renaissance qui a réellement touché mon coeur. Quiconque est capable de rendre présente de façon si parfaite la culture du passé est également capable d’ouvrir la culture à l’avenir car il connaît l’homme, il aime l’homme, dont la très grande dignité est non seulement d’être homme, mais image de Dieu. Et cette dignité de l’homme crée pour nous des obligations, mais nous réconforte et nous encourage également: si nous sommes réellement image de Dieu, nous sommes aussi capables d’aller de l’avant et de surmonter les problèmes du présent et d’ouvrir des chemins au nouvel avenir.

Merci de tout coeur pour tout cela! Que le Seigneur vous bénisse!

(Bénédiction)

1436 Merci, ces sons sont pour moi inoubliables!

VISITE PASTORALE À AREZZO, LA VERNA ET SANSEPOLCRO

(13 MAI 2012)

VISITE AU SANCTUAIRE DE LA VERNA

Dimanche 13 mai 2012



L’étape prévue à La Verna a été annulée en raison du mauvais temps. Nous publions toutefois ci-dessous le discours qui avait été préparé par le Pape Benoît XVI à cette occasion.



Chers frères mineurs,
chères filles de la sainte Mère Claire,
chers frères et soeurs: que le Seigneur vous donne la paix!

Contempler la Croix du Christ! Nous sommes montés en pèlerinage sur le Sasso Spicco de La Verna, où «deux années avant sa mort» (Celano, Vita Prima, III, 94: ff, 484) saint François reçut imprimées dans son corps les plaies de la passion glorieuse du Christ. Son chemin de disciple l’avait conduit à une union si profonde avec le Seigneur qu’il en partageait également les signes extérieurs de l’acte suprême d’amour de la Croix. Un chemin commencé à Saint-Damien, devant le Crucifix contemplé avec l’esprit et avec le coeur. La méditation permanente de la Croix, en ce lieu saint, a été la voie de sanctification pour de nombreux chrétiens, qui, pendant huit siècles, se sont agenouillés ici pour prier, dans le silence et dans le recueillement.

La Croix glorieuse du Christ résume les souffrances du monde, mais elle est surtout le signe tangible de l’amour, mesure de la bonté de Dieu envers l’homme. Dans ce lieu, nous sommes nous aussi appelés a retrouver la dimension surnaturelle de la vie, à lever les yeux de ce qui est contingent, pour recommencer à nous confier complètement au Seigneur, avec le coeur libre et dans une joie parfaite, en contemplant le Crucifié pour qu’il nous blesse par son amour.

«Très haut, tout puissant et bon Seigneur, à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction» ( Frère Soleil: FF, 263). Ce n’est qu’en se laissant illuminer par la lumière de l’amour de Dieu, que l’homme et la nature entière peuvent être rachetés, que la beauté peut finalement refléter la splendeur du visage du Christ, comme la lune reflète le soleil. En jaillissant de la Croix glorieuse, le Sang du Crucifié recommence à vivifier les os desséchés de l’Adam qui est en nous, pour que chacun retrouve la joie de se mettre en marche vers la sainteté, de monter vers le haut, vers Dieu. De ce lieu béni, je m’unis à la prière de tous les franciscains et les franciscaines de la terre: «Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons ici et dans toutes les églises qui sont dans le monde, car par ta sainte croix tu as racheté le monde».

Ravis par l’amour du Christ! On ne monte pas à La Verna sans se laisser guider par la prière de saint François de l’absorbeat, qui récite: «Seigneur que la brûlante et douce force de ton amour prenne possession de mon âme et l’arrache de tout ce qui est sous le ciel, afin que je meure par amour de ton amour, comme toi-même daignas mourir par amour de mon amour» (Prière de l’«absorbeat», 1: FF, 277). La contemplation du crucifix est l’oeuvre de l’esprit, mais elle ne réussit pas à s’élever vers le haut sans le soutien, sans la force de l’amour. Dans ce même lieu, frère Bonaventure de Bagnoregio, digne fils de saint François, projeta son Itinerarium mentis in Deum en nous indiquant la voie à parcourir pour nous diriger vers les sommets où rencontrer Dieu. Ce grand docteur de l’Eglise nous transmet son expérience, en nous invitant à la prière. L’esprit doit tout d’abord se tourner vers la Passion du Seigneur, car c’est le sacrifice de la Croix qui efface notre péché, un manquement qui ne peut être comblé que par l’amour de Dieu: «J’exhorte le lecteur — écrit-il —, avant tout au gémissement de la prière pour le Christ crucifié, dont le sang lave les taches de nos fautes» (Itinerarium mentis in Deum, Prol. 4). Mais, pour être efficace, notre prière a besoin des larmes, c’est-à-dire de la participation intérieure, de notre amour qui répond à l’amour de Dieu. Ensuite est nécessaire cette admiratio, que saint Bonaventure voit chez les humbles de l’Evangile, capables d’émerveillement devant l’oeuvre salvifique du Christ. Et c’est précisément l’humilité qui est la porte de toute vertu. En effet, ce n’est pas avec l’orgueil intellectuel de la recherche refermée sur elle-même qu’il est possible d’atteindre Dieu, mais avec l’humilité, selon une célèbre expression de saint Bonaventure: «[l’homme] ne doit pas croire que lui suffise la lecture sans l’onction, la spéculation sans la dévotion, la recherche sans l’admiration, la considération sans l’exultation, l’activité sans la piété, la science sans la charité, l’intelligence sans l’humilité, l’étude sans la grâce divine, le miroir sans la sagesse divinement inspirée» (ibid.).

La contemplation du Crucifix possède une efficacité extraordinaire, parce qu’elle nous fait passer des choses pensées à l’expérience vécue; du salut espéré, à la patrie bienheureuse. Saint Bonaventure affirme: «Celui qui regarde avec attention [le Crucifix] ... accomplit avec lui la Pâque, c’est-à-dire le passage» (ibid., VII, 2). Tel est le coeur de l’expérience de La Verna, de l’expérience que vécut ici le Poverello d’Assise. Sur ce Mont sacré, saint François vit en lui-même la profonde unité entre sequela, imitatio et conformatio Christi. Et ainsi, il nous dit à nous aussi qu’il ne suffit pas de se déclarer chrétiens pour être chrétiens, pas plus que de chercher à accomplir les oeuvres de bien. Il faut se configurer à Jésus, à travers un effort lent et progressif de transformation de son propre être, à l’image du Seigneur, pour que, par la grâce divine, chaque membre de son Corps, à Lui qui est l’Eglise, montre la ressemblance nécessaire avec le Chef, le Christ Seigneur. Et sur ce chemin aussi, il faut partir — comme nous l’enseignent les maîtres médiévaux dans le sillage du grand Augustin — de la connaissance de soi-même, de l’humilité du regard sincère au plus profond de soi.

1437 Apporter l’amour du Christ! Combien de pèlerins sont montés et montent sur ce Mont sacré pour contempler l’amour de Dieu crucifié et se laisser ravir par Lui. Combien de pèlerins sont montés à la recherche de Dieu, qui est la véritable raison pour laquelle l’Eglise existe: servir de pont entre Dieu et l’homme. Et ici, ils vous rencontrent aussi, fils et filles de saint François. Rappelez-vous toujours que la vie consacrée a pour tâche spécifique de témoigner, à travers la parole et l’exemple d’une vie menée selon les conseils évangéliques, de l’histoire d’amour fascinante entre Dieu et l’humanité, qui traverse l’histoire.

Le Moyen-Age franciscain a laissé un signe indélébile dans votre Eglise d’Arezzo. Les visites répétées du Poverello et ses haltes sur vos terres constituent un trésor précieux. L’épisode de La Verna fut unique et fondamental en raison de la particularité des stigmates imprimées dans le corps du séraphique Père François, mais également l’histoire collective de ses frères et de votre peuple, qui redécouvre encore, au Sasso Spicco, le caractère central du Christ dans la vie du croyant. Montauto di Anghiari, Le Celle di Cortona et l’ermitage de Montecasale, et celui de Cerbaiolo, mais aussi d’autres lieux mineurs du mouvement franciscain toscan, continuent à marquer l’identité de la communauté d’Arezzo, de Cortone et de Sansepolcro.

De nombreux phares ont illuminé ces terres, comme sainte Marguerite de Cortone, figure peu connue de pénitente franciscaine, capable de revivre en elle-même avec une vivacité extraordinaire le charisme du Poverello d’Asssie, en unissant la contemplation du Crucifix à la charité envers les derniers. L’amour de Dieu et du prochain continue à animer l’oeuvre précieuse des franciscains dans votre communauté ecclésiale. La profession des conseils évangéliques est une voie maîtresse pour vivre la charité du Christ. Dans ce lieu béni, je demande au Seigneur qu’il continue à envoyer des ouvriers dans sa vigne et, en particulier aux jeunes, j’adresse une invitation pressante pour que celui qui est appelé par Dieu réponde avec générosité et ait le courage de se donner dans la vie consacrée et dans le sacerdoce ministériel.

Je suis venu en pèlerinage à La Verna, comme Successeur de Pierre, et je voudrais que chacun de nous écoute à nouveau la question de Jésus à Pierre: «Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne m’aiment ceux-ci?... Pais mes brebis» (
Jn 21,15). C’est l’amour pour le Christ qui est à la base de la vie du pasteur, ainsi que de celle du consacré; un amour qui n’a pas peur de s’engager, ni des difficultés. Apportez cet amour à l’homme de notre temps, souvent enfermé dans son individualisme; soyez des signes de l’immense miséricorde de Dieu. La piété sacerdotale enseigne aux prêtres à vivre ce qu’ils célèbrent, à partager notre propre vie avec ceux que nous rencontrons: dans le partage de la douleur, dans l’attention aux problèmes, dans l’accompagnement du chemin de foi.

Je remercie le ministre général José Caballo de ses paroles, ainsi que toute la famille franciscaine et vous tous. Persévérez, comme votre Père saint, dans l’imitation du Christ, pour que celui qui vous rencontre rencontre saint François et, en rencontrant saint François, rencontre le Seigneur.

VISITE PASTORALE À AREZZO, LA VERNA ET SANSEPOLCRO

(13 MAI 2012)

RENCONTRE AVEC LA POPULATION

Piazza Torre di Berta, Sansepolcro Dimanche 13 mai 2012
[Vidéo]




Chers frères et soeurs!

Je suis heureux d’être à Sansepolcro et de m’unir à votre action de grâce à Dieu pour le millénaire de la fondation de la ville, pour les prodiges de grâce et pour tous les bénéfices que, en dix siècles, la Providence a accordés. Sur cette place historique, nous répétons les paroles du Psaume responsoriel d’aujourd’hui: «Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles... Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez» (Ps 97).

Chers amis de Sansepolcro, je vous salue tous avec affection. Je vous suis gré de cet accueil. Malgré le mauvais temps, notre coeur est plein de lumière, de chaleur et de joie. Je vous salue tous, en commençant par votre archevêque, Mgr Riccardo Fontana; avec lui, je salue les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs qui se consacrent activement à l’apostolat. J’adresse une pensée respectueuse aux autorités civiles et militaires, en particulier au maire, Mme Daniela Frullani, que je remercie pour les paroles cordiales qu’elle m’a adressées et pour les beaux dons. Merci!

1438 Il y a mille ans, les saints pèlerins Arcano et Egidio, face aux grandes transformations de l’époque, partirent à la recherche de la vérité et du sens de la vie, en allant vers la Terre Sainte. A leur retour, ils apportèrent avec eux non seulement les pierres recueillies sur la montagne de Sion, mais l’idée particulière qu’ils avaient élaborée sur la Terre de Jésus: construire sur la Haute Vallée du Tibre la civitas hominis à l’image de Jérusalem qui, dans son nom même, évoque justice et paix. Un projet qui rappelle la grande vision de l’histoire de saint Augustin dans l’oeuvre «La Cité de Dieu». Lorsque les goths d’Alaric entrèrent à Rome et que le monde païen accusa le Dieu des chrétiens de ne pas avoir sauvé Rome caput mundi, le saint évêque d’Hippone expliqua ce que nous devons attendre de Dieu, la juste relation entre la sphère politique et la sphère religieuse. Il voit dans l’histoire la présence de deux amours: l’«amour de soi», jusqu’à l’indifférence envers Dieu et pour l’autre, et l’«amour de Dieu», qui conduit à la pleine liberté pour les autres et à édifier une cité de l’homme fondée sur la justice et la paix (cf. La Cité de Dieu, XIV, 28).

Cette vision ne fut certainement pas étrangère aux fondateurs de Sansepolcro. Ils conçurent un modèle de ville complexe et chargé d’espérance pour l’avenir, dans lequel les disciples du Christ étaient appelés à être le moteur de la société dans la promotion de la paix, à travers la pratique de la justice. Leur défi courageux devint une réalité, en persévérant sur un chemin qui, auparavant grâce au soutien du charisme bénédictin, puis des moines de Camaldoli, s’est poursuivi pendant des générations. Un profond engagement fut nécessaire pour fonder une communauté monastique puis, autour de l’Eglise abbatiale, votre ville. Ce ne fut pas seulement un projet qui marqua l’urbanisme du bourg de Sansepolcro, car l’emplacement même de la cathédrale revêt une profonde valeur symbolique: il s’agit du point de référence à partir duquel chacun peut s’orienter sur le chemin, mais surtout dans la vie; il constitue un rappel puissant à regarder vers le haut, à se détacher du quotidien pour tourner les yeux vers le Ciel, dans une tension constante vers les valeurs spirituelles et vers la communion avec Dieu, qui ne sépare pas du quotidien, mais qui l’oriente et le fait vivre de façon encore plus intense. Cette perspective vaut également de nos jours, pour retrouver le goût de la recherche du «vrai», pour percevoir la vie comme un chemin qui rapproche de ce qui est «vrai» et «juste».

Chers amis, l’idéal de vos fondateurs est arrivé jusqu’à nos jours et constitue non seulement le coeur de l’identité de Sansepolcro et de l’Eglise diocésaine, mais également un défi à conserver et à promouvoir la pensée chrétienne qui est à l’origine de cette ville. Le millénaire est l’occasion d’accomplir une réflexion qui est en même temps un chemin intérieur sur les voies de la foi et un engagement à redécouvrir les racines chrétiennes, afin que les valeurs évangéliques continuent de féconder les consciences et l’histoire quotidienne de vous tous. Aujourd’hui, il est particulièrement nécessaire que le service de l’Eglise au monde s’exprime à travers des fidèles laïcs éclairés, capables d’opérer au coeur de la cité de l’homme, avec la volonté de servir au-delà de l’intérêt privé, au-delà des visions partiales. Le bien commun compte plus que le bien individuel, et c’est également aux chrétiens de contribuer à la naissance d’une nouvelle éthique publique. C’est ce que nous rappelle la splendide figure du nouveau bienheureux Giuseppe Toniolo. A la méfiance pour l’engagement politique et social, les chrétiens, et en particulier les jeunes, sont appelés à opposer l’engagement et l’amour pour la responsabilité, animés par la charité évangélique, qui exige de ne pas se replier sur soi, mais de prendre en charge les autres. J’adresse aux jeunes l’invitation à avoir de grandes aspirations: ayez le courage d’oser! Soyez prêts à donner un nouveau goût à la société civile tout entière, avec le sel de l’honnêteté et de l’altruisme désintéressé. Il est nécessaire de retrouver de solides motivations pour servir le bien des citoyens.

Le défi qui se présente à cet antique bourg est celui d’harmoniser la redécouverte de sa propre identité millénaire avec l’accueil et l’intégration de cultures et de sensibilités diverses. Saint Paul nous enseigne que l’Eglise, mais également la société tout entière, sont comme le corps humain, où chaque partie est diverse de l’autre, mais où toutes contribuent au bien de l’organisme (cf.
1Co 12,12-26). Rendons grâce à Dieu car votre communauté diocésaine a développé au cours des siècles une ardente ouverture missionnaire, comme le témoigne le jumelage avec le patriarcat latin de Jérusalem. J’ai appris avec plaisir que celui-ci a produit des fruits de collaboration et des oeuvres de charité en faveur des frères de Terre Sainte qui sont les plus dans le besoin. Les antiques liens conduisirent vos ancêtres à construire ici une copie en pierre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, pour fortifier l’identité des habitants et pour maintenir vivantes la dévotion et la prière envers la Ville sainte. Ce lien continue et fait que tout ce qui concerne la Terre Sainte est perçu par vous comme une réalité qui vous touche; comme, d’ailleurs à Jérusalem, votre nom et la présence de pèlerins de votre diocèse rendent actifs les rapports fraternels. A cet égard, je suis certain que vous vous ouvrirez à de nouvelles perspectives de solidarité, en donnant un élan apostolique renouvelé au service de l’Evangile. Et ce sera l’un des résultats les plus importants des célébrations jubilaires de votre ville.

Je voudrais évoquer également la cathédrale, où j’ai contemplé la beauté de la «Sainte Face». Cette basilique est le lieu de la louange à Dieu de toute la Ville, le siège de l’harmonie retrouvée entre les temps de culte et ceux de la vie civile, le point de référence pour la pacification des âmes. Et, de même que vos pères surent construire le splendide temple de pierre, afin qu’il soit le signe et l’appel à la communion de vie, c’est à vous qu’il revient de rendre visible et crédible la signification de l’édifice sacré, en vivant en paix dans la communauté ecclésiale et civile. En pleine Renaissance, les habitants de San Sepolcro, les «biturgensi», demandèrent au peintre Durante Alberti de représenter Bethléem dans l’Eglise mère, afin que personne n’oublie que Dieu est avec nous, dans la pauvreté de la crèche. Dans le souvenir du passé et attentifs au présent, mais également projetés vers l’avenir, vous, chrétiens du diocèse d’Arezzo-Cortone-Sansepolcro, savez que le progrès spirituel de vos communautés ecclésiales et la promotion même du bien commun des communautés civiles exigent un engagement en vue d’une insertion toujours plus vivante de vos paroisses et associations sur le territoire. Que le chemin parcouru et la foi qui vous anime vous donnent le courage et l’élan d’aller de l’avant. En contemplant votre riche patrimoine spirituel, soyez une Eglise vivante au service de l’Evangile! Une Eglise accueillante et généreuse qui, à travers son témoignage, rende présent l’amour de Dieu pour chaque être humain, en particulier les personnes qui souffrent et qui sont dans le besoin.

Que la Sainte Vierge, vénérée de façon particulière en ce mois de mai, veille sur chacun de vous et soutienne vos efforts en vue d’un avenir meilleur. O Marie, Reine de la Paix, écoute notre prière: fais de nous les témoins de ton Fils Jésus et d’inlassables artisans de justice et de paix. Merci!

PROJECTION DU FILM "MARIE DE NAZARETH"

PAROLES Salle Clémentine Mercredi 16 mai 2012

Chers amis,

Merci à vous tous pour ce moment qui invite à réfléchir à travers les images et les dialogues du film « Marie de Nazareth ». Merci en particulier à la rai et à son directeur général, Mme Lorenza Lei, et aux autres représentants, ainsi qu’à la « Lux Vide », à la famille Bernabei et l’équipe de production.

J’adresse un remerciement cordial au directeur du Bayerischer Rundfunk, M. Gerhard Fuchs, au producteur, Martin Choroba, de la Société Tellux-Film de Münich, ainsi qu’à tous ceux qui ont collaboré, aux acteurs présents et aux équipes de cameramen, pour cette présentation au Palais apostolique.

1439 Merci aussi aux représentants de Telecinco d’Espagne.

Il n’est pas facile de tracer le portrait d’une mère, parce qu’elle contient une richesse de vie difficilement descriptible ; et c’est encore plus difficile s’il s’agit de Marie de Nazareth, une femme qui est la Mère de Jésus, du Fils de Dieu fait homme.

Vous avez réalisé un film autour de trois figures féminines, dont les vies se croisent, mais qui font des choix profondément différents. Hérodiade reste enfermée sur elle-même, dans son monde, elle ne réussit pas à élever son regard pour lire les signes de Dieu et elle n’échappe pas au mal. Marie-Madeleine vit une histoire plus complexe : elle subit la fascination d’une vie facile, fondée sur les biens matériels, et elle utilise différents moyens pour parvenir à ses fins, jusqu’au moment dramatique où elle est jugée et mise face à sa vie, et là, la rencontre avec Jésus ouvre son coeur, change sa vie. Mais le coeur est Marie de Nazareth: en elle se trouve la richesse d’une vie qui a été un « Me voici » à Dieu. C’est une mère qui aurait le désir de garder son Fils toujours avec elle, mais elle sait qu’il appartient à Dieu ; sa foi et son amour sont si grands qu’elle accepte qu’il parte et accomplisse sa mission ; c’est une répétition du « Me voici » à Dieu, de l’Annonciation à la Croix.

Trois expériences, un paradigme de la façon dont on peut construire sa vie: sur l’égoïsme, sur l’enfermement sur soi et sur les choses matérielles, en se laissant guider par le mal ; ou bien sur le sens de la présence d’un Dieu qui est venu et reste parmi nous et qui nous attend avec bonté si nous nous trompons, et nous demande de le suivre, d’avoir confiance en lui. Marie de Nazareth est la femme du « Me voici », plénier et total à la volonté divine, et dans ce « Oui », répété aussi devant la douleur de la perte de son Fils, elle trouve la béatitude pleine et profonde. Merci à tous pour cette belle soirée !

À LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES CATHOLIQUES

DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (RÉGIONS XIV-XV),

EN VISITE AD LIMINA APOSTOLORUM Vendredi 18 mai 2012


Chers frères évêques,

Je vous salue tous avec une affection fraternelle dans le Seigneur. Notre rencontre d’aujourd’hui conclut la série des visites quinquennales des évêques des États-Unis d’Amérique ad limina Apostolorum. Comme vous le savez, ces derniers mois, j’ai voulu réfléchir avec vous et avec vos frères évêques sur plusieurs défis spirituels et culturels pressants auxquels doit faire face l’Église dans votre pays tandis qu’elle affronte la tâche de la nouvelle évangélisation.

Je suis particulièrement heureux que cette rencontre, notre dernière rencontre, se déroule en présence des évêques des diverses Églises orientales présentes aux États-Unis, car vous et vos fidèles incarnez de manière unique la richesse ethnique, culturelle et spirituelle de la communauté catholique américaine, passée et présente. Historiquement, l’Église qui est en Amérique a lutté pour reconnaître et incorporer cette diversité, et elle y a réussi, non sans difficultés, en forgeant une communion dans le Christ et dans la foi apostolique qui reflète la catholicité, signe indéfectible de l’Église. Dans cette communion, qui a sa source et son modèle dans le mystère du Dieu Un et Trine (cf. Lumen gentium LG 4), l’unité et la diversité sont constamment réconciliées et valorisées comme signe et sacrement de la vocation ultime et du destin de la famille humaine tout entière.

Au cours de nos rencontres, vous et vos frères évêques avez parlé avec insistance de l’importance de préserver, alimenter et promouvoir ce don de l’unité catholique, comme condition fondamentale pour le déroulement de la mission de l’Église dans votre pays. Dans ce discours de conclusion, je voudrais simplement affronter deux points spécifiques qui sont apparus de manière répétée dans nos conversations et que, comme vous, je considère fondamentaux pour l’exercice de votre ministère de guider le troupeau du Christ parmi les difficultés et les opportunités du présent.

Je voudrais commencer en vous félicitant de vos efforts inlassables, dans la meilleure tradition de l’Église qui est en Amérique, pour répondre au phénomène constant de l’immigration dans votre pays. La communauté catholique aux États-Unis continue, avec une grande générosité, à accueillir les vagues de nouveaux immigrants, à leur fournir des soins pastoraux et une assistance caritative, et à promouvoir les possibilités de régulariser leur situation, en particulier au bénéfice de la réunification des familles. Un signe particulier de cette action est l’engagement de longue date des évêques américains en faveur de la réforme de l’immigration. Il s’agit évidemment d’une question difficile et complexe du point de vue civil et politique, ainsi que du point de vue social et économique, mais surtout du point de vue humain. C’est donc une profonde préoccupation pour l’Église, car cela implique la nécessité d’assurer un traitement juste aux immigrants et à en défendre la dignité humaine.

Aujourd’hui aussi, l’Église qui est en Amérique est appelée à embrasser, incorporer et cultiver le riche patrimoine de foi et de culture existant entre les nombreux groupes d’immigrants dans le pays, et pas seulement ceux qui appartiennent à vos rites, mais également le nombre croissant de catholiques hispaniques, asiatiques et africains. La tâche pastorale exigeante de promouvoir une communion de cultures dans vos Églises locales doit être considérée d’une importance particulière dans l’exercice de votre ministère au service de l’unité (cf. Directoire pour le ministère pastoral des évêques ). Cette diaconie de communion implique bien plus que de respecter simplement les diversités linguistiques, de promouvoir de solides traditions et de fournir des programmes et des services sociaux profondément nécessaires. Cela exige également un engagement constant dans la prédication, dans la catéchèse et dans l’activité pastorale visant à inspirer à tous les fidèles un sens plus profond de leur communion dans la foi apostolique et de leur responsabilité pour la mission de l’Église qui est aux États-Unis. On ne peut pas non plus sous-évaluer l’importance de ce défi: l’immense promesse et les énergies vives d’une nouvelle génération de catholiques attendent d’être utilisées pour le renouveau de la vie de l’Église et la reconstruction du tissu de la société américaine.


Discours 2005-2013 1434