Discours 2005-2013 1440

1440 Cet engagement en vue de promouvoir l’unité catholique est nécessaire non seulement pour faire face aux défis positifs de la nouvelle évangélisation, mais également pour s’opposer aux forces de désagrégation dans l’Église, qui représentent un obstacle toujours plus grand à sa mission aux États-Unis. J’apprécie les efforts qui sont accomplis pour encourager les fidèles, individuellement et dans les multiples associations ecclésiales, à avancer ensemble, en parlant d’une seule voix pour affronter les problèmes urgents du présent. Je voudrais répéter ici l’appel pressant que j’ai adressé aux catholiques américains au cours de ma visite pastorale : « Nous ne pouvons avancer que si nous fixons ensemble notre regard sur le Christ ! » et de cette manière nous réalisons « le véritable renouveau spirituel que voulait le Concile, un renouveau qui ne peut que renforcer l’Église dans la sainteté et dans l'unité indispensables pour la proclamation de l’Évangile dans le monde d’aujourd'hui » (Homélie dans la cathédrale Saint Patrick, New York, 19 avril 2008).

Au cours de nos entretiens, un grand nombre d’entre vous ont parlé de la préoccupation de construire des relations toujours plus étroites d’amitié, de coopération et de confiance avec vos prêtres. À présent également, je vous exhorte à rester particulièrement proches des hommes et des femmes dans vos Églises locales, qui sont engagés à suivre le Christ de manière toujours plus parfaite, en suivant généreusement les conseils évangéliques. Je désire réaffirmer ma profonde gratitude pour l’exemple de fidélité et de sacrifice donné par de nombreuses femmes consacrées dans votre pays, et m’unir à elles pour prier afin que ce moment de discernement porte d’abondants fruits spirituels pour raviver leurs communautés et les renforcer dans la fidélité au Christ et à l’Église, ainsi qu’à leurs charismes de fondation. À l’heure actuelle, l’urgente nécessité d’un témoignage crédible et attirant du pouvoir de rédemption et de transformation de l’Évangile, rend fondamental de reconquérir le sens de la dignité sublime et de la beauté de la vie consacrée, de prier pour les vocations religieuses et de les promouvoir activement, en renforçant dans le même temps les canaux de communication et de coopération existant, en particulier à travers le travail du vicaire ou du délégué pour les religieux dans chaque diocèse.

Chers frères évêques, mon souhait est que l’Année de la foi, qui commencera le 12 octobre prochain, à l’occasion du 50e anniversaire de la convocation du Concile Vatican ii, puisse réveiller le désir, de la part de toute la communauté catholique en Amérique, de se réapproprier avec joie et gratitude l’incommensurable trésor de notre foi. Avec l’affaiblissement progressif des valeurs chrétiennes traditionnelles et la menace d’une époque où notre fidélité à l’Evangile peut nous coûter cher, la vérité du Christ n’a pas seulement besoin d’être comprise, articulée et défendue, mais également d’être proposée avec joie et confiance comme clef de la réalisation humaine authentique et du bien-être de la société dans son ensemble.
À présent, en conclusion de ces rencontres, je m’unis volontiers à vous pour rendre grâce à Dieu tout-puissant pour les signes de vitalité et d’espérance nouvelles avec lesquels il a béni l’Église qui est aux États-Unis d’Amérique. Dans le même temps, je lui demande de vous confirmer, ainsi que vos frères évêques, dans la mission délicate de guider la communauté catholique dans votre pays sur les voies de l’unité, de la vérité et de la charité, alors qu’elle affronte les défis du futur. Avec les paroles de l’antique prière, demandons au Seigneur d’orienter nos coeurs et ceux de notre peuple, afin que le troupeau ne manque jamais d’obéir à ses pasteurs, et que les pasteurs ne manquent pas au soin de leur troupeau (cf. Sacramentarium Veronense, « Missa de natale Episcoporum »). Avec une grande affection, je vous confie, ainsi que le clergé, les religieux et les fidèles laïcs confiés à vos soins pastoraux, à l’intercession pleine d’amour de Marie Immaculée, patronne des Etats-Unis, et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, en gage de joie et de paix dans le Seigneur.

MOUVEMENT ECCLÉSIAL D'ENGAGEMENT CULTUREL,

FÉDÉRATION DES ORGANISMES CHRÉTIENS DE

SERVICE INTERNATIONAL VOLONTAIRE,

MOUVEMENT CHRÉTIEN DES TRAVAILLEURS Salle Paul VI Samedi 19 mai 2012



Chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous accueillir ce matin au cours de cette rencontre qui voit réunis le Mouvement ecclésial d’engagement culturel, la Fédération des organismes chrétiens de service international volontaire et le Mouvement chrétien des travailleurs. Je salue avec affection mes frères dans l’épiscopat qui vous soutiennent et vous orientent, les dirigeants et les responsables, les assistants ecclésiastiques et tous les membres et les sympathisants. Cette année, vos associations fêtent leurs anniversaires de fondation: quatre-vingts ans pour le Mouvement ecclésial d’engagement culturel, quarante ans pour la Fédération des organismes chrétiens de service international volontaire et le Mouvement chrétiens des travailleurs. Ces trois institutions doivent toutes beaucoup à l’oeuvre sage du serviteur de Dieu Paul VI, qui, en qualité d’assistant national, a soutenu les premiers pas du Mouvement des jeunes diplômés universitaires de l’Action catholique en 1932, et, lorsqu’il était Pape, la reconnaissance de la Fédération des organismes chrétiens de volontariat et la naissance du Mouvement chrétien des travailleurs, en 1972. Notre souvenir reconnaissant va à mon vénéré prédécesseur pour l’impulsion donnée à ces importantes associations ecclésiales.

Les anniversaires sont des occasions propices pour repenser à son charisme avec gratitude et également avec un regard critique, attentif aux origines historiques et aux nouveaux signes des temps. Culture, volontariat et travail constituent un trinôme indissoluble de l’engagement quotidien du laïcat catholique, qui entend rendre incisive l’appartenance au Christ et à l’Eglise, aussi bien dans le domaine privé que dans la sphère publique de la société. Le fidèle laïc se met véritablement en jeu lorsqu’il aborde l’un ou l’autre de ces domaines et, dans le service culturel, dans l’action solidaire avec celui qui est dans le besoin et dans le travail, il s’efforce de promouvoir la dignité humaine. Ces trois domaines sont liés par un dénominateur commun: le don de soi.L’engagement culturel, en particulier scolaire et universitaire, visant à la formation des futures générations, ne se limite pas en effet à la transmission de notions techniques et théoriques, mais implique le don de soi à travers la parole et l’exemple. Le volontariat, ressource irremplaçable de la société, ne comporte pas tant de donner des choses, mais de se donner soi-même à travers une aide concrète envers les plus démunis. Enfin, le travail n’est pas seulement un instrument de profit individuel, mais un temps où exprimer sa propre capacité en se prodiguant, dans un esprit de service, dans l’activité professionnelle, qu’elle soit de type ouvrier, agricole, scientifique ou d’un autre genre.

Mais tout cela prend pour vous une connotation particulière, une connotation chrétienne: votre action doit être animée par la charité; cela signifie apprendre à voir avec les yeux du Christ et donner à l’autre bien plus que les choses extérieurement nécessaires, lui donner le regard, les gestes d’amour dont il a besoin. Cela naît de l’amour qui provient de Dieu, qui nous a aimés le premier, cela naît de la rencontre intérieure avec Lui (cf. Deus caritas est ). Saint Paul, dans son discours de congé des anciens d’Ephèse, rappelle une vérité exprimée par Jésus: «Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir» (Ac 20,35). Chers amis, c’est la logique du don, une logique souvent ignorée, que vous valorisez et dont vous témoignez: donner son temps, ses qualités et compétences, son instruction, son professionnalisme; en un mot, donner son attention à l’autre, sans attendre quelque chose en retour dans ce monde; et je vous remercie de ce grand témoignage. En agissant ainsi, non seulement on accomplit le bien de l’autre, mais on découvre le bonheur profond, selon la logique du Christ, qui s’est entièrement donné.

La famille est le premier lieu dans lequel on fait l’expérience de l’amour gratuit; et lorsque cela n’arrive pas, la famille se dénature, entre en crise. Lorsqu’il est vécu en famille, le don sans réserve pour le bien de l’autre est un moment éducatif fondamental pour apprendre à vivre en chrétiens également le rapport avec la culture, le volontariat et le travail. Dans l’encyclique Caritas in veritate, j’ai voulu étendre le modèle familial de la logique de la gratuité et du don à une dimension universelle. De fait, la justice n’est pas suffisante à elle seule. Pour qu’il y ait une véritable justice, il y a besoin de ce «surplus» que seules la gratuité et la solidarité peuvent donner: «La solidarité signifie avant tout se sentir tous responsables de tous, elle ne peut donc être déléguée seulement à l’Etat. Si hier on pouvait penser qu’il fallait d’abord rechercher la justice et que la gratuité devait intervenir ensuite comme un complément, aujourd’hui, il faut dire que sans la gratuité on ne parvient même pas à réaliser la justice» (n. 38). La gratuité ne s’acquiert pas sur le marché, et on ne peut pas la prescrire par la loi. Toutefois, aussi bien l’économie que la politique, ont besoin de la gratuité, de personnes capables du don réciproque (cf. ibid. 39).

1441 La rencontre d’aujourd’hui souligne deux éléments: l’affirmation de votre part de la nécessité de continuer à marcher sur la voie de l’Evangile, en fidélité à la doctrine sociale de l’Eglise et de manière loyale envers les pasteurs; et mon encouragement, l’encouragement du Pape, qui vous invite à poursuivre avec constance l’engagement en faveur de vos frères. A cet engagement appartient également la tâche de souligner les injustices et de témoigner des valeurs sur lesquelles se fonde la dignité de la personne, en promouvant les formes de solidarité qui favorisent le bien commun. Le Mouvement ecclésial d’engagement culturel, à la lumière de son histoire, est appelé à un service renouvelé dans le monde de la culture, marqué par des défis urgents et complexes, pour la diffusion de l’humanisme chrétien: raison et foi sont alliées sur le chemin vers la Vérité. Que la Fédération des Organismes chrétiens de service international volontaire continue à avoir surtout confiance dans la force de la charité qui vient de Dieu, en menant de l’avant son engagement contre toute forme de pauvreté et d’exclusion, en faveur des populations les plus défavorisées. Que le Mouvement chrétien des travailleurs sache apporter la lumière et l’espérance chrétienne dans le monde du travail, pour parvenir à une justice sociale toujours plus grande. En outre, qu’il tienne toujours compte du monde des jeunes, qui, aujourd’hui plus que jamais, cherche des voies d’engagement qui allient les idéaux et les actions concrètes.

Chers amis, je souhaite à chacun de vous de poursuivre avec joie votre engagement personnel et associatif, en témoignant de l’Evangile du don et de la gratuité.J’invoque sur vous l’intercession maternelle de la Vierge Marie et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, que j’étends à tous les membres et à leurs familles. Merci pour votre engagement, pour votre présence.

AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE ORGANISÉE PAR

LE RENOUVEAU DANS L'ESPRIT SAINT Place Saint-Pierre Samedi 26 mai 2012



Chers frères et soeurs,

C’est avec une grande joie que je vous accueille à l’occasion du quarantième anniversaire de la naissance du Renouveau dans l’Esprit Saint en Italie, expression du plus vaste mouvement de renouveau charismatique qui a traversé l’Eglise catholique au lendemain du Concile oecuménique Vatican II. Je vous salue tous avec affection, à commencer par le président national, que je remercie des paroles courtoises qu’il vient de m’adresser en votre nom à tous. Je salue le conseiller spirituel, les membres du comité et du conseil, les responsables et les animateurs des groupes et des communautés présentes en Italie. Dans votre pèlerinage, qui vous offre l’occasion de vous arrêter pour prier auprès du tombeau de saint Pierre, puissiez-vous fortifier votre foi, grandir dans le témoignage chrétien, et faire face, sans crainte, guidés par le Saint Esprit, aux devoirs exigeants de la nouvelle évangélisation.

Je suis heureux de vous rencontrer en cette veille de Pentecôte, une fête fondamentale pour l’Eglise et très significative pour votre mouvement, et je vous exhorte à accueillir l’amour de Dieu qui se communique à nous grâce au don de l’Esprit Saint, principe unificateur de l’Eglise. Pendant ces décennies — quarante ans —, vous vous êtes efforcés d’offrir votre contribution spécifique à la diffusion du Royaume de Dieu et à l’édification de la communauté chrétienne, en nourrissant la communion avec le Successeur de Pierre, avec les pasteurs et avec toute l’Eglise. Vous avez affirmé de différentes façons le primat de Dieu auquel nous devons notre adoration, toujours et par-dessus tout. Et vous avez cherché à proposer cette expérience aux nouvelles générations, en manifestant la joie de la vie nouvelle dans l’Esprit, grâce à une vaste opération de formation et de multiples activités liées à la nouvelle évangélisation et à la missio ad gentes. Votre oeuvre apostolique a ainsi contribué à la croissance de la vie spirituelle dans le tissu ecclésial et social italien, à travers des chemins de conversion qui ont conduit de nombreuses personnes à être profondément guéries par l’amour de Dieu, et de nombreuses familles à surmonter des périodes de crise. Dans vos groupes, des jeunes ont généreusement répondu à la vocation d’une consécration spéciale à Dieu dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée. Je rends grâce à vous et au Seigneur pour tout cela!

Chers amis, continuez à témoigner de la joie de la foi dans le Christ, de la beauté d’être des disciples de Jésus, de la puissance d’amour que son Evangile libère dans l’histoire, ainsi que de l’incomparable grâce dont tout chrétien peut faire l’expérience dans l’Eglise par la pratique sanctifiante des sacrements et l’exercice humble et désintéressé des charismes, qui, comme le dit saint Paul, doivent être toujours exercés pour le bien commun. Ne cédez pas à la tentation de la médiocrité et de l’habitude! Cultivez dans votre âme des désirs élevés et généreux! Que les pensées, les sentiments, les actions de Jésus deviennent les vôtres! Oui, le Seigneur appelle chacun de vous à être des collaborateurs inlassables de son dessein de salut qui transforme les coeurs. Il a aussi besoin de vous pour faire de vos familles, de vos communautés et de vos villes des lieux d’amour et d’espérance.

Nous vivons dans la société actuelle une situation sous certains aspects précaire, caractérisée par l’insécurité et par la fragmentation des choix. On manque souvent de points de référence valables auxquels inspirer son existence. Il devient par conséquent de plus en plus important de construire l’édifice de la vie et l’ensemble des relations sociales sur le roc stable de la Parole de Dieu, en se laissant conduire par le Magistère de l’Eglise. On comprend de plus en plus la valeur déterminante de cette affirmation de Jésus: «Quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n’a pas croulé: c’est qu’elle avait été fondée sur le roc» (Mt 7,24-25).

Le Seigneur est avec nous, il agit par la force de son Esprit. Il nous invite à grandir dans la confiance et dans l’abandon à sa volonté, dans la fidélité à notre vocation et dans l’engagement à devenir des adultes dans la foi, dans l’espérance et dans la charité. L’adulte, selon l’Evangile, ce n’est pas celui qui n’est soumis à personne et n’a besoin de personne. Seul celui qui se fait petit, humble et serviteur devant Dieu et qui ne suit pas seulement les courants de l’époque peut être adulte, c’est-à-dire mûr et responsable. Il est par conséquent nécessaire de former les consciences à la lumière de la Parole de Dieu et donner ainsi fermeté et une véritable maturité; la Parole de Dieu où tout projet ecclésial et humain tire son sens et son impulsion, même en ce qui concerne l’édification de la cité terrestre (cf. Ps Ps 127,1). Il faut renouveler l’âme des institutions et féconder l’histoire par des semences de vie nouvelle. Aujourd’hui, les croyants sont appelés à un témoignage de foi convaincu, sincère et crédible, étroitement uni à l’engagement de la charité. En effet, grâce à la charité, même des personnes qui sont éloignées du message de l’Evangile, ou indifférentes, réussissent à s’approcher de la vérité et à se convertir à l’amour miséricordieux du Père céleste. A ce propos, je me réjouis de ce que vous faites pour diffuser une «culture de la Pentecôte» dans les milieux sociaux, en proposant une animation spirituelle comprenant des initiatives en faveur de ceux qui souffrent de situations de détresse et de marginalisation. Je pense en particulier à votre travail en faveur de la renaissance spirituelle et matérielle des détenus et des anciens détenus. Je pense au «Pôle d’excellence de la promotion humaine et de la solidarité Mario et Luigi Sturzo», de Caltagirone, ainsi qu’au «Centre international pour la famille», de Nazareth, dont j’ai eu la joie de bénir la première pierre. Poursuivez votre engagement en faveur de la famille, lieu incontournable de l’éducation à l’amour et au sacrifice de soi.

Chers amis du Renouveau dans l’Esprit Saint, ne vous lassez pas de vous tourner vers le Ciel: le monde a besoin de prière. On a besoin d’hommes et de femmes qui se sentent attirés par le Ciel dans leur vie, qui fassent de la louange du Seigneur un style de vie nouvelle. Je vous confie tous à la Très Sainte Vierge Marie, présente au Cénacle lors de l’événement de la Pentecôte. Persévérez avec elle dans la prière, marchez guidés par la lumière de l’Esprit Saint, en vivant et en proclamant l’annonce du Christ. Que la Bénédiction apostolique, que je vous accorde avec affection, en l’étendant à tous vos membres et à vos familles, vous accompagne. Merci!

CLÔTURE DU MOIS DE MARIE Grotte de Lourdes dans les jardins du Vatican Jeudi 31 mai 2012

31512


Chers frères et soeurs,

Je suis toujours très heureux de participer à cette veillée mariale au Vatican, qui est un moment qui, même en présence de tant de personnes, revêt toujours un caractère intime et familier. Le mois que la dévotion des fidèles consacre de façon toute particulière au culte de la Mère de Dieu se conclut par la fête liturgique qui rappelle le «deuxième mystère joyeux»: la visite de Marie à sa cousine Elisabeth. Cet événement est caractérisé par la joie exprimée dans les paroles avec lesquelles la Sainte Vierge glorifie le Tout-puissant pour les grandes choses qu’Il a accomplies en contemplant l’humilité de sa servante: «Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur» (
Lc 1,46). Le Magnificat est le chant de louange qui s’élève de l’humanité rachetée par la divine miséricorde, qui s’élève de tout le peuple de Dieu; dans le même temps, c’est l’hymne qui dénonce l’illusion de ceux qui se croient être les seigneurs de l’histoire et les arbitres de leur propre destin.

Marie, au contraire, a placé Dieu au centre de sa vie, et s’est abandonnée confiante à sa volonté, dans une attitude d’humble docilité à son dessein d’amour. En raison de cette pauvreté d’esprit et d’humilité de coeur, elle a été choisie pour être le temple qui porte en elle le Verbe, le Dieu fait homme. La figure en est donc la «Fille de Sion», que le prophète invite à se réjouir, à exulter dans la joie (cf. So So 3,14).

Chers amis, ce soir, nous voulons tourner notre regard vers Marie avec une affection filiale renouvelée. Nous avons tous toujours quelque chose à apprendre de notre Mère céleste: sa foi nous invite à regarder au-delà des apparences et à croire fermement que les difficultés quotidiennes préparent un printemps qui a déjà commencé en Jésus Ressuscité. Nous voulons puiser ce soir au Coeur immaculée de Marie avec une confiance renouvelée pour nous laisser contaminer par sa joie, qui trouve sa source la plus profonde dans le Seigneur. La joie, fruit de l’Esprit Saint, est la marque fondamentale du chrétien: elle se fonde sur l’espérance en Dieu, elle tire sa force de la prière incessante, elle permet d’affronter avec sérénité les épreuves. Saint Paul nous rappelle: «Avec la joie de l'espérance, constants dans la tribulation, assidus à la prière» (Rm 12,12). Ces paroles de l’Apôtre sont comme un écho au Magnificat de Marie et nous exhortent à reproduire en nous- mêmes, dans la vie de tous les jours, les sentiments de joie dans la foi propres au cantique marial.

Je voudrais souhaiter à tous, et à chacun de vous, chers frères et soeurs, vénérés cardinaux, évêques, prêtres, personnes consacrées et tous les fidèles, que cette joie spirituelle, qui a jailli du coeur débordant de gratitude de la Mère du Christ et notre Mère, soit au terme de ce mois de mai plus forte dans nos âmes, dans notre vie personnelle et familiale, dans tous les milieux, en particulier dans la vie de cette famille qui sert ici au Vatican l’Eglise universelle. Merci à tous!
Juin 2012

VISITE PASTORALE À L’ARCHIDIOCÈSE DE MILAN

ET VIIe RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES

(1-3 JUIN 2012)

RENCONTRE AVEC LA POPULATION Piazza del Duomo, Milan Vendredi 1er juin 2012

10612
Monsieur le maire,
Eminentes autorités,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs de l’archidiocèse de Milan !

Je vous salue cordialement, vous tous qui êtes venus si nombreux, tout comme je salue ceux qui suivent cet événement à la radio et à la télévision. Merci de votre accueil chaleureux ! Je remercie monsieur le maire des paroles courtoises de bienvenue qu’il m’a adressées au nom de la communauté citadine. Je salue respectueusement le représentant du gouvernement, le président de la région, le président de la province, ainsi que les autres représentants des institutions civiles et militaires, et je veux vous dire combien j’apprécie la collaboration offerte pour les différents moments de cette visite. Et merci à vous, Eminence, pour votre salutation cordiale !

Je suis très heureux d’être aujourd’hui parmi vous et je rends grâce à Dieu qui m’offre l’opportunité de visiter votre illustre ville. Ma première rencontre avec les Milanais a lieu ici sur la Piazza del Duomo, le coeur de Milan, où s’élève l’impressionnant monument symbole de la ville. Avec sa forêt de flèches, il invite à regarder vers le haut, vers Dieu. C’est précisément cet élan vers le ciel qui a toujours caractérisé Milan et a permis au fil du temps de répondre de manière fructueuse à sa vocation: être un carrefour — Mediolanum — de peuples et de cultures. La ville a ainsi su conjuguer avec sagesse la fierté de son identité avec la capacité à accueillir chaque contribution positive qui, au cours de l’histoire, a pu lui être offerte. Aujourd’hui encore, Milan est appelée à redécouvrir ce rôle positif qui est le sien, source de développement et de paix pour toute l’Italie. Mes remerciements chaleureux vont, encore une fois, au pasteur de cet archidiocèse, le cardinal Angelo Scola, pour l’accueil et les paroles qu’il m’a adressées au nom de toute la communauté diocésaine ; avec lui, je salue les évêques auxiliaires et ceux qui l’ont précédé sur cette chaire antique et glorieuse, le cardinal Dionigi Tettamanzi et le cardinal Carlo Maria Martini.

J’adresse un salut particulier aux représentants des familles — provenant du monde entier — qui participent à la VIIe Rencontre mondiale. J’exprime ensuite une pensée affectueuse à tous ceux qui ont besoin d’aide et de réconfort, et sont affligés par diverses préoccupations : aux personnes seules ou en difficulté, aux chômeurs, aux malades, aux prisonniers, à ceux qui sont sans abri ou privés de l’indispensable nécessaire à une vie digne. Que ne manque à aucun de nos frères et soeurs l’intérêt solidaire et constant de la collectivité. À cet égard, je me réjouis de ce que le diocèse de Milan a accompli et continue d’accomplir pour aller concrètement au-devant des nécessités des familles les plus touchées par la crise économique et financière, et pour s’être mis à l’oeuvre immédiatement, au côté de toute l’Église et de la société civile en Italie, pour secourir les populations frappées par le tremblement de terre en Émilie-Romagne, qui sont dans notre coeur et dans nos prières et pour lesquelles j’invite encore une fois à une généreuse solidarité.

La VIIe Rencontre mondiale des familles m’offre l’heureuse occasion de rendre visite à votre ville et de renouveler les liens étroits et constants qui lient la communauté ambrosienne à l’Église de Rome et au Successeur de Pierre. Comme chacun sait, saint Ambroise venait d’une famille romaine et a toujours conservé vivant son lien avec la Ville éternelle et avec l’Église de Rome, en manifestant et en louant le primat de l’Évêque qui la préside. C’est en Pierre — affirme-t-il — que « se trouve le fondement de l’Église et le magistère de la discipline » (De virginitate, 16, 105) ; ou encore la célèbre affirmation : « Là où Pierre se trouve, là se trouve l’Église » (Explanatio Psalmi 40, 30, 5). La sagesse pastorale et le magistère d’Ambroise sur l’orthodoxie de la foi et sur la vie chrétienne laissèrent une empreinte indélébile dans l’Église universelle et, en particulier, marquèrent l’Église de Milan, qui n’a jamais cessé d’en cultiver la mémoire et d’en conserver l’esprit. L’Église ambrosienne, en protégeant les prérogatives de son rite et ses expressions propres de foi, est appelée à vivre pleinement la catholicité de l’Église une, à en témoigner et à contribuer à l’enrichir.

Le sens ecclésial profond et l’affection sincère de communion avec le Successeur de Pierre, font partie de la richesse et de l’identité de votre Église tout au long de son chemin, et s’expriment de manière lumineuse dans les figures des grands pasteurs qui l’ont guidée. Tout d’abord saint Charles Borromée, fils de votre terre. Il fut, comme dit le Serviteur de Dieu Paul VI, « un artisan de la conscience et des moeurs du peuple » (Discours aux Milanais, 18 mars 1968) ; et il le fut avant tout à travers l’application élargie, tenace et rigoureuse des réformes du Concile de Trente, à travers la création d’institutions rénovatrices, à commencer par les séminaires, et à travers la charité pastorale sans limite enracinée dans une profonde union avec Dieu, accompagnée d’une austérité de vie exemplaire. Mais, à côté des saints Ambroise et Charles, je souhaite rappeler deux excellents pasteurs plus proches de nous, qui ont enrichi par la sainteté et la doctrine l’Église de Milan : le bienheureux cardinal Andrea Carlo Ferrari, apôtre de la catéchèse et des oratoires et promoteur du renouveau social dans un sens chrétien ; le bienheureux Alfredo Ildefonso Schuster, « cardinal de la prière », pasteur inlassable, jusqu’à s’être totalement consumé pour ses fidèles. Par ailleurs, je souhaite rappeler deux archevêques de Milan qui devinrent Pape : Achille Ratti, le Pape Pie XI ; c’est à sa détermination que l’on doit la conclusion positive de la Question romaine et la constitution de l’État de la Cité du Vatican ; et le Serviteur de Dieu Giovanni Battista Montini, Paul VI, bon et sage, qui, d’une main experte, sut guider et conduire à une heureuse conclusion le Concile Vatican II. Dans l’Église ambrosienne ont également mûri des fruits spirituels particulièrement significatifs pour notre temps. Entre tous, je voudrais aujourd’hui rappeler, en pensant aux familles, sainte Gianna Beretta Molla, épouse et mère, femme engagée dans le milieu ecclésial et civil, qui fit resplendir la beauté et la joie de la foi, de l’espérance et de la charité.

1444 Chers amis, votre histoire est extrêmement riche de culture et de foi. Une telle richesse a nourri l’art, la musique, la littérature, la culture, l’industrie, la politique, le sport, les initiatives de solidarité de Milan et de tout l’archidiocèse. C’est à présent à vous, héritiers d’un glorieux passé et d’un patrimoine spirituel d’une valeur inestimable, à vous engager pour transmettre aux générations futures le flambeau d’une tradition si lumineuse. Vous savez bien combien il est urgent d’ajouter dans le contexte culturel actuel le levain évangélique. La foi en Jésus Christ, mort et ressuscité pour nous, vivant au milieu de nous, doit animer tout le tissu de la vie, personnelle et communautaire, publique et privée, afin de consentir un « bien être » stable et authentique, à commencer par la famille, qu’il faut redécouvrir comme patrimoine principal de l’humanité, coefficient et signe d’une culture véritable et stable au service de l’homme. L’identité singulière de Milan ne doit ni l’isoler ni la séparer, en l’enfermant en elle-même. Au contraire, en conservant la sève de ses racines et les traits caractéristiques de son histoire, elle est appelée à regarder vers l’avenir avec espérance, en cultivant un lien intime et actif avec la vie de toute l’Italie et de l’Europe. Dans la distinction claire des rôles et des finalités, Milan positivement « laïque » et Milan de la foi sont appelées à concourir au bien commun.

Chers frères et soeurs, merci encore de votre accueil. Je vous confie à la protection de la Vierge Marie, qui de la plus haute flèche de la cathédrale veille maternellement jour et nuit sur cette ville. À vous tous, que je serre tous largement dans mes bras, je donne mon affectueuse bénédiction.

Merci !

VISITE PASTORALE À L’ARCHIDIOCÈSE DE MILAN

ET VIIe RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES

(1-3 JUIN 2012)

CONCERT EN L'HONNEUR DU SAINT-PÈRE

ET DES DÉLÉGATIONS OFFICIELLES DE LA RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES


Théâtre de la Scala de Milan Vendredi 1er juin 2012
[Vidéo]

Messieurs les cardinaux,
Eminentes autorités,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chères délégations de la VIIe Rencontre mondiale des familles !

1445 Dans ce lieu historique, je voudrais tout d’abord rappeler un événement : c’était le 11 mai 1946 et Arturo Toscanini leva la baguette pour diriger un concert mémorable dans la Scala reconstruite après les horreurs de la guerre. On raconte que le Maestro à peine arrivé à Milan se rendit immédiatement dans ce Théâtre et, au centre de la salle, il commença à taper dans ses mains pour vérifier qu’avait été conservée intacte l’acoustique proverbiale et entendant qu’elle était parfaite, il s’exclama : « C’est la Scala, c’est toujours ma Scala ! ». Et ces mots, « C’est la Scala ! », renferment tout le sens de ce lieu, temple de l’Opéra, point de référence musical et culturel non seulement pour Milan et pour l’Italie, mais pour le monde entier. Et la Scala est liée à Milan de manière profonde, c’est l’une de ses gloires les plus grandes et j’ai voulu rappeler ce mois de mai 1946 parce que la reconstruction de la Scala fut un signe d’espérance pour la reprise de la vie de toute la ville après les destructions de la guerre. C’est donc pour moi un honneur d’être ici avec vous tous et d’avoir vécu, avec ce splendide concert, un moment d’élévation de l’esprit. Je remercie le maire, M. Giuliano Pisapia, le surintendant, M. Stéphane Lissner, également pour avoir introduit cette soirée, mais surtout l’orchestre et le choeur du Théâtre de la Scala, les quatre solistes et le maestro Daniel Barenboim pour l’interprétation intense et émouvante de l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de l’histoire de la musique. La gestation de la Neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven fut longue et complexe, mais dès les célèbres seize premières mesures du premier mouvement, s’installe un climat d’attente de quelque chose de grandiose et l’attente n’est pas déçue.

Beethoven tout en suivant substantiellement les formes et le langage traditionnel de la symphonie classique, laisse percevoir quelque chose de nouveau déjà dans l’ampleur sans précédents de tous les mouvements de l’oeuvre, qui se confirme dans la partie finale introduite par une terrible dissonance, sur laquelle se détache le récitatif avec les célèbres mots : « Mes amis, cessons nos plaintes ! Qu'un cri joyeux élève aux cieux nos chants de fêtes », des mots qui, en un certain sens, « tournent la page » et introduisent le thème principal de l’Hymne à la joie.C’est une vision idéale de l’humanité que Beethoven trace avec sa musique : « La joie active dans la fraternité et dans l’amour réciproque, sous le regard paternel de Dieu » (Luigi Della Croce). Ce n’est pas une joie proprement chrétienne que chante Beethoven, mais c’est la joie de la coexistence fraternelle des peuples, de la victoire sur l’égoïsme, et c’est le désir que le chemin de l’humanité soit marqué par l’amour, presque une invitation qu’il adresse à tous au-delà de toute barrière et conviction.

Sur ce concert, qui devait être une fête joyeuse à l’occasion de cette rencontre de personnes provenant de presque toutes les nations du monde, plane l’ombre du séisme qui a apporté une grande souffrance à tant d’habitants de notre pays. Les paroles reprises de l’Hymne à la joie de Schiller sonnent creux pour nous, plus encore, elles ne semblent même pas vraies. Nous n’éprouvons pas du tout les étincelles divines de l’Élysée. Nous ne sommes pas enivrés de flammes, mais plutôt paralysés par la douleur causée par une telle incompréhensible destruction qui a coûté des vies humaines, qui a emporté la maison et l’abri de si nombreuses personnes. Même l’hypothèse qu’au-dessus du ciel étoilé puisse habiter le père bon, nous semble discutable. Le père bon n’est-il qu’au-dessus du ciel étoilé ? Sa bonté n’arrive-t-elle pas ici-bas jusqu’à nous ? Nous ne cherchons pas un Dieu qui trône loin de nous, mais qui entre dans notre vie et dans nos souffrances.

En ce moment, les paroles de Beethoven, « Mes amis, cessons... », nous voudrions presque les appliquer plutôt à celles de Schiller. Cessons ces discours. Nous n’avons pas besoin d’un discours irréel d’un Dieu lointain et d’une fraternité sans engagement. Nous sommes à la recherche du Dieu proche. Nous cherchons une fraternité qui, au milieu des souffrances, soutient l’autre et ainsi aide à aller de l’avant. Après ce concert, beaucoup se rendront à l’adoration eucharistique — au Dieu qui participe à nos souffrances et continue de le faire, au Dieu qui souffre avec nous et pour nous et ainsi a rendu les hommes et les femmes capables de partager la souffrance de l’autre et de la transformer en amour. C’est précisément à cela que nous nous sentons appelés par ce concert.

Merci, alors, encore une fois à l’orchestre et au choeur du Théâtre de la Scala, aux solistes et à tous ceux qui ont rendu possible cet événement. Merci au maestro Daniel Barenboim également pour le choix de la Neuvième symphonie qui nous permet de lancer un message avec la musique qui affirme la valeur fondamentale de la solidarité, de la fraternité et de la paix. Et il me semble que ce message est précieux aussi pour la famille, parce c’est dans la famille que l’on fait pour la première fois l’expérience que la personne humaine n’est pas créée pour vivre enfermée sur elle-même, mais en relation avec les autres. C’est en famille que l’on comprend que la réalisation de soi ne signifie pas se mettre au centre de tout, conduits par l’égoïsme, mais se trouve dans le don de soi. C’est en famille que commence à s’allumer dans notre coeur la lumière de la paix pour qu’elle éclaire notre monde. Et merci à vous tous pour le moment que nous avons vécu ensemble. Merci de tout coeur !

Discours 2005-2013 1440