Discours 2005-2013 21411

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Messieurs les cardinaux,
recteur magnifique, illustres professeurs,
éminents représentants du personnel, chers étudiants!

Je suis très heureux de vous rencontrer, vous qui formez la grande famille de l’université catholique du Sacré-Coeur, née il y a quatre-vingt dix ans à l’initiative de l’Institut d’études supérieures Giuseppe Toniolo, organisme fondateur et garant de l’université, sur une heureuse intuition du père Agostino Gemelli. Je remercie le cardinal Tettamanzi et le professeur Ornaghi pour les paroles chaleureuses qu’ils m’ont adressées au nom de tous.

Notre époque est une époque qui connaît d’importantes et rapides transformations, qui se reflètent également sur la vie universitaire: la culture humaniste semble frappée par une usure progressive, tandis que l’accent est placé sur les disciplines dites «productives» dans le domaine technologique et économique; on constate la tendance à réduire l’horizon humain au niveau de ce qui est mesurable, à éliminer du savoir systématique et critique la question fondamentale du sens. La culture contemporaine tend également à confiner la religion hors des espaces de la rationalité: dans la mesure où les sciences empiriques monopolisent les territoires de la raison, il semble ne plus y avoir d’espace pour les raisons de croire, et la dimension religieuse est reléguée à la sphère de l’opinion personnelle et du privé. Dans ce contexte, les motivations et les caractéristiques mêmes de l’institution universitaire sont remises radicalement en question.

Quatre-vingt dix ans après sa fondation, l’université catholique du Sacré-Coeur doit vivre ce tournant historique, dans lequel il est important de consolider et d’accroître les raisons pour lesquelles elle est née, en apportant la connotation ecclésiale soulignée par l’adjectif «catholique»; en effet, l’Eglise, «experte en humanité», est promotrice d’humanisme authentique. Dans cette perspective, ressort la vocation originelle de l’université, née de la recherche de la vérité, de toute la vérité de notre être. Et avec son obéissance à la vérité et aux exigences de sa connaissance, elle devient une école d’humanitas dans laquelle se cultive un savoir vital, se forgent de hautes personnalités et se transmettent des connaissances et des compétences de valeur. La perspective chrétienne, comme cadre du travail intellectuel de l’université, ne s’oppose pas au savoir scientifique et aux conquêtes du génie humain, mais au contraire, la foi prolonge l’horizon de notre pensée, elle est le chemin vers la pleine vérité, elle guide vers le développement authentique. Sans être orientée vers la vérité, sans une attitude d’humble et courageuse recherche, toute culture se désagrège, tombe dans le relativisme et se perd dans l’éphémère. Au contraire, lorsqu’elle est soustraite au piège du réductionnisme qui la mortifie et la circonscrit, elle peut s’ouvrir à une interprétation véritablement éclairée du réel, en accomplissant ainsi un service authentique à la vie.

Chers amis, foi et culture sont des grandeurs liées de façon indissoluble, une manifestation de ce desiderium naturale videndi Deum qui est présent en chaque homme. Lorsque ce lien se brise, l’humanité tend à se replier et à se refermer sur ses propres capacités créatives. Il est alors nécessaire que l’université soit empreinte d’une passion authentique pour la question de l’absolu, la vérité même, et donc également pour le savoir théologique qui dans votre université est une partie intégrante du programme de formation. En alliant l’audace de la recherche et la patience de la maturation, l’horizon théologique peut et doit valoriser toutes les ressources de la raison. La question de la Vérité et de l’Absolu, — la Question de Dieu — n’est pas une recherche abstraite, séparée de la réalité quotidienne, mais est la question cruciale, dont dépend radicalement la découverte du sens du monde et de la vie. Dans l’Evangile se fonde une conception du monde et de l’homme qui ne cesse de dévoiler des caractéristiques culturelles, humanistes et éthiques. Le savoir de la foi illumine donc la recherche de l’homme, l’interprète en l’humanisant, l’intègre dans des projets de bien, l’arrachant à la tentation de la pensée calculatrice, qui instrumentalise le savoir et fait des découvertes scientifiques des moyens de pouvoir et d’asservissement de l’homme.

L’horizon qui anime le travail universitaire peut et doit être la passion authentique pour l’homme. Ce n’est que dans le service à l’homme que la science s’exerce pour cultiver et garder véritablement l’univers (cf. Gn
Gn 2,15). Et servir l’homme signifie faire la vérité dans la charité, cela signifie aimer la vie, la respecter toujours, en commençant par les situations dans lesquelles elle est le plus fragile et sans défense. Il s’agit de notre devoir, en particulier dans les temps de crise: l’histoire de la culture montre que la dignité de l’homme a été reconnue véritablement dans son intégralité à la lumière de la foi chrétienne. L’université catholique est appelée à être un lieu dans lequel atteignent un degré d’excellence l’ouverture au savoir, la passion pour la vérité, l’intérêt pour l’histoire de l’homme qui caractérisent l’authentique spiritualité chrétienne. En effet, se placer dans une attitude de fermeture ou de détachement face à la perspective de la foi signifie oublier qu’elle a été tout au long de l’histoire, et qu’elle est encore, un ferment de culture et une lumière pour l’intelligence, un encouragement à en développer toutes les potentialités positives pour le bien authentique de l’homme. Comme l’affirme le Concile Vatican II, la foi est capable de donner lumière à l’existence. Le Concile dit que la foi «éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines» (Gaudium et spes GS 11).

L’université catholique est le lieu dans lequel cela doit avoir lieu avec une efficacité particulière, tant au niveau scientifique que didactique. Ce service particulier à la Vérité est un don de grâce et une expression caractéristique de la charité évangélique. L’attestation de la foi et le témoignage de la charité sont inséparables (cf. 1Jn 3,23). Le noyau profond de la vérité de Dieu est en effet l’amour avec lequel Il s’est penché sur l’homme et, dans le Christ, lui a offert des dons infinis de grâce. En Jésus, nous découvrons que Dieu est amour et que ce n’est que dans l’amour que nous pouvons Le connaître: «Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu... car Dieu est amour» (cf. 1Jn 4,7-8) dit saint Jean. Et saint Augustin affirme: «Non intratur in veritatem nisi per caritatem» (Contra Faustum, 32). Le sommet de la connaissance de Dieu s’atteint dans l’amour; l’amour qui sait aller aux racines, qui ne se contente pas d’expressions philanthropiques occasionnelles, mais illumine le sens de la vie avec la Vérité du Christ, qui transforme le coeur de l’homme et l’arrache aux égoïsmes qui engendrent la misère et la mort. L’homme a besoin d’amour, l’homme a besoin de vérité, pour ne pas perdre le fragile trésor de la liberté et être soumis à la violence des passions et à des conditionnements apparents ou occultes (cf. Jean-Paul II, Enc. Centesimus annus, CA 46). La foi chrétienne ne fait pas de la charité un sentiment vague et compatissant, mais une force capable d’illuminer les sentiers de la vie dans chacune de ses expressions. Sans cette vision, sans cette dimension théologique originelle et profonde, la charité se contente de l’aide occasionnelle et renonce au devoir prophétique, qui lui est propre, de transformer la vie de la personne et les structures mêmes de la société. Il s’agit d’un engagement spécifique que la mission au sein de l’université vous appelle à réaliser en tant que protagonistes passionnés, convaincus que la force de l’Evangile est capable de renouveler les relations humaines et pénétrer au coeur de la réalité.

Chers jeunes universitaires de la «Cattolica», vous êtes la démonstration vivante du caractère de la foi qui change la vie et sauve le monde, avec les problèmes et les espérances, avec les interrogations et les certitudes, avec les aspirations et les engagements que le désir d’une vie meilleure engendre et que la prière alimente. Chers représentants du personnel technique et administratif, soyez fiers des devoirs qui vous sont confiés dans le cadre de la grande famille universitaire en vue de soutenir l’activité diversifiée de formation et professionnelle. Et à vous, chers professeurs, est confié un rôle décisif: montrer que la foi chrétienne est un ferment de culture et de lumière pour l’intelligence, un encouragement à en développer toutes les potentialités positives pour le bien authentique de l’homme. Ce que la raison découvre, la foi l’illumine et le manifeste. La contemplation de l’oeuvre de Dieu révèle au savoir l’exigence de la recherche rationnelle, systématique et critique; la recherche de Dieu renforce l’amour pour les lettres et pour les sciences profanes: «Fides ratione adiuvatur et ratio fide perficitur», affirme Hugues de Saint-Victor (De sacramentis, I, III, 30: PL 176, 232). Dans cette perspective, le coeur et la nourriture constante de la vie universitaire est la chapelle, à laquelle est uni le Centre pastoral où les assistants spirituels des divers sièges sont appelés à accomplir leur précieuse mission sacerdotale, qui est irremplaçable pour l’identité de l’université catholique. Comme l’enseigne le bienheureux Jean-Paul II, la chapelle «est le lieu de l'esprit, où ceux qui croient en Jésus Christ, qui vivent de différentes manières la vie intense de l'université, peuvent s'arrêter pour prier et trouver nourriture, orientation et soutien; elle est l’école des vertus chrétiennes, où la vie baptismale croît et se développe et où elle s'exprime avec une ardeur apostolique; elle est maison accueillante et ouverte, pour tous ceux qui, à l'écoute du Maître intérieur, se font chercheurs de vérité et servent l’homme dans le dévouement incessant à un savoir qui ne se contente pas d'horizons étroits et pragmatiques. Dans le contexte de la modernité déclinante, elle devient de façon marquée un centre vivant et propulseur d'animation chrétienne de la culture: dans le dialogue respectueux et franc, dans la proposition claire et motivée (cf. 1P 3,15), dans le témoignage qui interroge et convainc» (Discours aux aumôniers européens, 1er mai 1998). Ainsi le Pape Jean-Paul II s’exprimait-il en 1998.

1273 Chers amis, je souhaite que l’université catholique du Sacré-Coeur, en union d’intentions avec l’Institut Toniolo, poursuive avec une confiance renouvelée son chemin, en montrant de façon efficace que la lumière de l’Evangile est source de véritable culture, capable de libérer des énergies d’un humanisme nouveau, intégral, transcendant. Je vous confie à Marie, Sedes Sapientiae et je vous donne avec affection de tout coeur ma Bénédiction apostolique.

LIAISON AVEC LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE

ENTRETIEN

AVEC LES ASTRONAUTES


Salle Foconi Samedi 21 mai 2011


Chers astronautes,

Je suis très heureux d’avoir cette opportunité extraordinaire de dialoguer avec vous pendant votre mission. Je suis particulièrement heureux de pouvoir parler à un groupe si nombreux, du fait qu’en ce moment les deux équipages sont présents dans la station spatiale.

L’humanité vit actuellement une période de progrès extrêmement rapide dans le domaine des connaissances scientifiques et des applications techniques. Dans un certain sens, vous êtes nos représentants, le fer de lance de l’humanité qui explore de nouveaux espaces et de nouvelles possibilités pour notre avenir, en allant au-delà des limites de notre vie quotidienne.

Nous admirons tous vraiment votre courage, ainsi que la discipline et l’engagement avec lesquels vous vous êtes préparés pour cette mission. Nous sommes certains que vous êtes inspirés par de nobles idéaux et que vous entendez mettre à disposition de toute l’humanité et du bien commun les résultats de vos recherches et de vos entreprises.

Cette conversation m’offre donc l’opportunité de vous exprimer mon admiration personnelle et mon estime, ainsi qu’à tous ceux qui collaborent pour rendre possible votre mission, et d’unir mes encouragements chaleureux, afin qu’elle puisse être menée à bien avec succès.

Mais c’est une conversation, je ne dois pas être le seul à parler.

Je suis très curieux d’écouter votre expérience et vos réflexions.

Si vous le voulez bien, j’aimerais vous poser quelques questions:

1274 Depuis la station spatiale, vous avez une perspective très différente sur la Terre. Vous survolez plusieurs fois par jour les différents continents et les nations. Je crois qu’il doit être évident pour vous que nous vivons tous sur une seule planète et qu’il est absurde de se battre et de s’entretuer. Je sais que la femme de Mark Kelly a été victime d’une grave agression et j’espère que sa santé continue de s’améliorer. Lorsque vous contemplez la Terre de là-haut, vous arrive-t-il de penser à la manière dont les nations et les peuples vivent ensemble ici-bas, ou à la façon dont la science peut contribuer à la cause de la paix?

«Merci de vos aimables paroles, Votre Sainteté, et merci — a répondu l’américain Mark Kelly — d’avoir mentionné ma femme Gabby. C’est une excellente question. Nous survolons presque toute la terre et on ne voit pas les frontières, mais dans le même temps, nous nous rendons compte que les personnes combattent les unes contre les autres et qu’il y a beaucoup de violence à travers le monde. En général, les personnes se battent pour bien des choses différentes, comme nous pouvons le voir actuellement au Moyen-Orient. Généralement, les peuples se battent pour les ressources. Il est intéressant de penser que, sur la terre, les peuples se battent pour l’énergie, tandis que dans l’espace, nous utilisons l’énergie solaire et des piles à combustibles. La science et la technologie appliquées à la station spatiale pour développer un potentiel d’énergie solaire nous fournissent en réalité une quantité presque illimitée d’énergie. Si ces technologies pouvaient être adoptées sur la terre, nous pourrions réduire un peu cette violence».

L’un des thèmes sur lesquels je reviens souvent dans mes discours est celui de la responsabilité que nous avons tous pour l’avenir de notre planète. Je rappelle les risques sérieux pour l’environnement et pour la survie des futures générations. Les scientifiques nous disent que nous devons être vigilants et, du point de vue éthique, nous devons également développer notre conscience. De votre extraordinaire point d’observation, comment voyez-vous la situation sur la Terre? Voyez-vous des signes ou des phénomènes auxquels nous devons prêter davantage d’attention?

«Votre Sainteté, — dit Ron Garan, un Américain — nous avons vraiment un point d’observation extraordinaire. C’est un grand honneur de parler avec vous et vous avez raison, d’ici on jouit d’un extraordinaire point d’observation. D’une part, nous pouvons voir combien notre planète est incroyablement belle, de l’autre, nous pouvons comprendre combien elle est extrêmement fragile. L’atmosphère, par exemple, vue de l’espace, est mince comme une feuille. Et cela fait réfléchir, car cette épaisseur si fine est ce qui sépare chaque être vivant du vide de l’espace et c’est tout ce qui nous protège. Il nous semble incroyable d’observer la terre qui est suspendue dans l’obscurité de l’espace et penser que nous sommes ici ensemble, voyageant à travers l’univers dans cette belle et fragile oasis. Et cela nous remplit d’espérance de penser que nous tous à bord de cette incroyable station orbitale, construite grâce au partenariat international d’un grand nombre de nations, nous accomplissons cette surprenante entreprise. Cela démontre qu’en travaillant ensemble et en coopérant, nous pouvons surmonter bien des problèmes de notre planète et résoudre bien des défis que ses habitants doivent affronter. Et c’est un endroit superbe pour travailler observer notre très beau travail».

L’expérience que vous êtes en train d’accomplir est extraordinaire et très importante, même si à la fin, vous devrez revenir sur cette terre comme nous tous. Lorsque vous rentrerez, vous serez admirés et traités comme des héros qui parlent et agissent avec autorité. Vous serez invités à raconter vos expériences. Quels seront les messages les plus importants que vous voudriez transmettre, en particulier aux jeunes, qui vivront dans un monde profondément influencé par vos expériences et vos découvertes?

«Votre Sainteté, comme l’ont dit mes collègues, nous pouvons regarder en bas et voir notre belle planète, qui a été créée par Dieu — a répondu Mike Finchke, un Américain — et c’est la plus belle planète de tout le système solaire. Toutefois, si nous regardons vers le haut, nous pouvons voir le reste de l’univers. Et le reste de l’univers est là pour que nous l’explorions. La station spatiale internationale est uniquement un symbole, un exemple de ce que peuvent faire les êtres humains lorsqu’ils travaillent ensemble de manière constructive. Donc l’un de nos messages les plus importants est de faire savoir aux fils de la planète, de faire savoir aux jeunes, qu’il y a tout un univers qu’il nous reste à explorer et si nous nous engageons ensemble il n’y a rien que nous ne puissions faire».

L’exploration de l’espace est une aventure scientifique fascinante. Je sais que vous avez installé de nouveaux instruments pour une recherche scientifique approfondie et l’étude des radiations qui nous viennent des espaces les plus éloignés. Mais je crois qu’il s’agit aussi d’une aventure de l’esprit humain, un puissant stimulant à réfléchir sur les origines et sur le destin de l’univers et de l’humanité. Les croyants tournent souvent leur regard vers le haut et les espaces illimités du ciel et, méditant sur Celui qui a créé tout cela, ils sont frappés par le mystère de sa grandeur. C’est pour cette raison que la médaille que j’ai confiée à Roberto (Vittori), en signe de ma participation à votre mission, représente la création de l’homme, telle que l’a peinte Michel-Ange sur la voûte de la Chapelle Sixtine. Au milieu de votre intense travail et de votre recherche, vous arrive-t-il jamais de vous arrêter pour avoir de telles pensées, et d’adresser peut-être une prière au Créateur? Ou bien vous sera-t-il plus facile de réfléchir sur ces sujets une fois rentrés sur Terre?

«Votre Sainteté, le travail d’astronaute — a dit Vittori — est très intense. Nous avons tous la possibilité de regarder à l’extérieur. Lorsque la nuit vient, nous pouvons regarder en bas, vers notre planète, la planète bleue. Elle est superbe. Le bleu est la couleur de notre planète, le bleu est la couleur du ciel, le bleu est la couleur de l’aéronautique italienne, qui m’a donné l’opportunité de m’unir à l’Agence spatiale européenne. Nous sommes parvenus à voir la beauté tridimensionnelle de notre planète. Je prie pour moi, pour nos familles, pour notre avenir. J’ai apporté cette médaille avec moi pour démontrer l’absence de gravité. Je vous remercie de cette opportunité, et maintenant je vais la laisser flotter vers mon collègue et ami Paolo. Je l’ai apportée avec moi dans l’espace et je la ramènerai pour vous la donner».

Ma dernière question s’adresse à Paolo (Nespoli). Cher Paolo, je sais que ces derniers jours, ta mère nous a quittés et dans quelques jours, lorsque tu rentreras chez toi, tu ne la trouveras plus à t’attendre. Nous avons tous été proches de toi, et j’ai moi aussi prié pour elle... Comment as-tu vécu ce temps de douleur? Dans votre station vous sentez-vous éloignés et isolés et souffrez-vous d’un sentiment de séparation, ou vous sentez-vous unis entre vous et insérés dans une communauté qui vous accompagne avec attention et affection?

Très Saint-Père — a répondu Paolo Nespoli — j’ai entendu vos prièress’élever jusqu’ici: c’est vrai, nous sommes en dehors de ce monde, nous sommes en orbite autour de la terre et nous avons un point d’observation exceptionnel pour regarder la Terre et pour sentir tout ce qui est autour de nous. Mes collègues, ici, à bord de la station — Dmitry, Kelly, Ron, Alexander et Andrei — ont été proches de moi en ce moment important pour moi, très intense, comme mes frères, mes soeurs, mes tantes, mes cousins, mes parents ont été proches de ma mère dans les derniers moments. Je suis reconnaissant pour tout cela. Je me suis senti loin mais aussi très proche, et assurément la pensée de vous sentir tous proches de moi, unis en ce moment, a été un grand soulagement. Je remercie aussi l’Agence spatiale européenne et l’Agence spatiale américaine qui ont mis à disposition les ressources afin que je puisse parler avec elle dans les derniers moments».

Au terme de la conversation, Benoît XVI a souhaité le plein succès de la mission, et a donné la Bénédiction apostolique.

Chers astronautes,

1275 Je vous remercie de tout coeur pour cette très belle occasion de rencontre et de dialogue avec vous. Vous m’avez aidé, ainsi que bien d’autres personnes, à réfléchir ensemble sur des sujets importants qui concernent l’avenir de l’humanité. Je forme les meilleurs voeux pour votre travail et pour le succès de votre grande mission au service de la science, de la collaboration internationale, du progrès authentique et en faveur de la paix dans le monde. Je continuerai à vous suivre par la pensée et la prière et je vous donne avec plaisir la Bénédiction apostolique.

SALUT

À LA DÉLÉGATION DE L'EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

À L'OCCASION DE LA FÊTE DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE


Lundi 23 mai 2010


Monsieur le président,
honorables membres du gouvernement et éminentes autorités,
vénérés frères représentants de l’Eglise orthodoxe et de l’Eglise catholique!

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir et d’adresser à chacun de vous mon salut cordial, en particulier à Monsieur le président de l’ex-République yougoslave de Macédoine. La fête des saints Cyrille et Méthode représente pour nous tous un motif de joie. Ces saints frères envoyés aux peuples slaves annoncèrent l’Evangile parmi de nombreuses difficultés, mais toujours soutenus par une inébranlable confiance dans le Seigneur. Ils ont été animés par la passion de faire connaître l’Evangile du Christ et pour cette raison ils se prodiguèrent pour faire connaître la doctrine chrétienne, la recueillant dans des livres écrits en langue slave. Ce fut sans aucun doute un événement décisif pour la croissance et le développement de la civilisation et de la culture slave en général. Le témoignage et l’enseignement des saints Cyrille et Méthode sont encore actuels, aussi bien pour ceux qui sont au service de l’Evangile que pour ceux qui sont appelés à gouverner le destin des nations.

La vie de ces hommes fut totalement consacrée à l’activité apostolique et l’intuition divine de rendre compréhensible et accessible le message de la Révélation aux populations fut un motif d’unité pour des traditions et des cultures différentes. Dans l’accueil du dessein salvifique de Dieu, les peuples peuvent retrouver les fondements sur lesquels édifier des civilisations et des sociétés imprégnées par l’esprit de réconciliation et de coexistence pacifique. Il ne peut pas y avoir de réelle unité sans le respect pour la dignité de chaque personne humaine et de ses droits inaliénables. L’Evangile du Christ, comme l’avaient bien compris les saints Cyrille et Méthode, est capable d’illuminer chaque milieu et dimension de l’expérience humaine, pour la rendre pleinement humaine. La Parole de Dieu appelle sans cesse à la conversion du coeur, pour que chaque décision, chaque choix, soit purifié des intérêts égoïstes; et c’est précisément de cette conversion permanente à Dieu qu’il est possible de faire naître une humanité nouvelle.

Que votre pèlerinage annuel à Rome soit une occasion pour renouveler les liens d’amitié entre votre nation et l’Eglise catholique et, dans le même temps, pour renforcer et promouvoir l’engagement pour le bien de votre pays. Invoquons l’intercession des saints Cyrille et Méthode, pour que le Seigneur puisse donner sa paix et bénir les populations de l’ex-République yougoslave de Macédoine!

SALUT

À LA DÉLÉGATION BULGARE

EN LA MÉMOIRE LITURGIQUE DES SAINTS CYRILLE ET MÉTHODE


Lundi 23 mai 2010


Madame la présidente du parlement, honorables membres du gouvernement et éminentes autorités,
Vénérés frères de l’Eglise orthodoxe et de l’Eglise catholique!

1276 Je souhaite adresser mes salutations respectueuses à la délégation officielle de Bulgarie — conduite par Madame la présidente du parlement — venue à Rome, comme c’est la tradition, dans le contexte de la fête liturgique des saints Cyrille et Méthode. Cette rencontre appréciée, qui se renouvelle encore cette année, m’offre l’opportunité de réaffirmer l’importance spirituelle et culturelle de ces deux illustres pionniers de grand mérite pour l’évangélisation de l’Europe, dont les figures sont honorées aussi bien en Orient qu’en Occident. Grâce à leur courageuse prédication sur les routes du continent, ils favorisèrent un vaste renouveau spirituel et posèrent les bases pour une promotion authentique de la liberté et de l’unité de l’Europe chrétienne. Cyrille et Méthode furent des «évangiles vivants» et les signes éloquents de la bonté du Seigneur, c’est pourquoi leur témoignage parvint plus facilement aux hommes de leur époque.

Aux peuples européens, qui s’ouvrent ces dernières années à de nouvelles perspectives de coopération, ces deux grands saints rappellent que leur unité sera plus solide si elle se fonde sur leurs racines chrétiennes communes. En effet, dans l’histoire complexe de l’Europe, le christianisme représente un élément central et qualifiant. La foi chrétienne a façonné la culture du vieux continent et s’est mêlée de manière indissoluble à son histoire, au point que celle-ci ne serait pas compréhensible si l’on ne faisait pas référence aux événements qui ont d’abord caractérisé la grande période de l’évangélisation, puis les longs siècles où le christianisme a joué un rôle de plus en plus important.

Il en résulte donc qu’il est important que l’Europe croisse aussi dans la dimension spirituelle, dans le sillage de histoire la plus brillante. L’unité du continent, qui est progressivement en train de mûrir dans les consciences et qui est en train de se définir aussi dans le domaine politique, représente une perspective de grande espérance. Les Européens sont appelés à s’engager pour créer les conditions d’une profonde cohésion et d’une collaboration effective entre les peuples. Pour édifier la nouvelle Europe sur des bases solides, il ne suffit pas de faire appel aux seuls intérêts économiques, mais il est nécessaire de s’appuyer plutôt sur les valeurs authentiques, qui trouvent leur fondement dans la loi morale universelle, inscrite dans le coeur de chaque homme. Je souhaite de tout coeur que l’héritage moral et culturel des saints Cyrille et Méthode nourrisse toujours en chacun de vous le désir de mettre en valeur le patrimoine spirituel de vos terres et, dans le même temps, celui de l’ouverture et de la communion dans le respect réciproque. Puisse notre rencontre être un motif de relations supplémentaires dans la fraternité et dans la solidarité. Que le Seigneur bénisse votre cher pays et tous ses habitants.

RÉCITATION DU ROSAIRE AVEC LES ÉVÈQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ITALIENNE ET ACTE DE CONSÉCRATION DE L'ITALIE À LA VIERGE MARIE

À L'OCCASION DU 150e ANNIVERSAIRE DE SON UNITÉ

Basilique Sainte-Marie-Majeure Jeudi 26 mai 2011

Galerie photographique




Vénérés et chers confrères,
frères et soeurs,

Vous êtes venus dans cette splendide basilique — lieu où la spiritualité et l’art se fondent en une union séculaire — pour partager un intense moment de prière, à travers lequel est confié à la protection maternelle de Marie, Mater unitatis, tout le peuple italien, à cent cinquante ans de l’unité politique du pays. Il est significatif que cette initiative ait été préparée par de semblables rencontres dans les diocèses: de cette manière aussi, vous exprimez l’attention de l’Eglise à se faire proche du destin de cette bien-aimée nation. A notre tour, nous nous sentons en communion avec chaque communauté, même la plus petite, dans laquelle demeure vivante la tradition qui consacre le mois de mai à la dévotion mariale. Elle trouve son expression dans de nombreux signes: sanctuaires, petites églises, oeuvres d’art et, surtout, dans la prière du saint rosaire, par laquelle le peuple de Dieu rend grâce pour le bien qu’il reçoit sans cesse du Seigneur, à travers l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, et le supplie pour ses nombreux besoins. La prière — qui trouve son sommet dans la liturgie, dont la forme est conservée par la tradition vivante de l’Eglise — est toujours une manière de faire une place à Dieu: son action nous fait participer à l’histoire du salut. Ce soir, en particulier, à l’école de Marie, nous avons été envoyés pour partager les pas de Jésus: à descendre avec Lui au fleuve du Jourdain, pour que l’Esprit confirme en nous la grâce du Baptême; à nous asseoir au banquet de Cana, pour recevoir de Lui le «bon vin» de la fête; à entrer dans la synagogue de Nazareth, comme des pauvres auxquels est adressé le message joyeux du Royaume de Dieu; et encore à monter sur le mont Thabor, pour vivre la croix dans la lumière pascale; et, enfin, à participer au Cénacle au sacrifice nouveau et éternel, qui, en anticipant les cieux nouveaux et la terre nouvelle, régénère toute la création.

Cette basilique est la première en Occident consacrée à la Vierge Mère de Dieu. En y entrant, ma pensée s’est dirigée vers le premier jour de l’an 2000, lorsque le bienheureux Jean-Paul II en ouvrit la Porte Sainte, en confiant l’Année jubilaire à Marie, afin qu’elle veille sur le chemin de ceux qui se reconnaissaient pèlerins de grâce et de miséricorde. Nous-mêmes aujourd’hui, nous n’hésitons pas à nous sentir ainsi, désireux de franchir le seuil de cette «Porte» Très Sainte qu’est le Christ et nous voulons demander à la Vierge Marie de soutenir notre chemin et d’intercéder pour nous. En tant que Fils de Dieu, le Christ est forma de l’homme: il en est la vérité la plus profonde, la sève qui féconde une histoire autrement irrémédiablement compromise. La prière nous aide à reconnaître en Lui le centre de notre vie, à demeurer en sa présence, à conformer notre volonté à la sienne, à faire «tout ce qu’il nous dira» (cf. Jn 2,5), sûrs de sa fidélité. C’est là la tâche essentielle de l’Eglise, couronnée par lui comme épouse mystique, telle que nous la contemplons dans la splendeur de la cuvette de l’abside. Marie en constitue le modèle: c’est elle qui nous tend le miroir où nous sommes invités à reconnaître notre identité. Sa vie est un appel à reconduire notre être intérieur à l’écoute et à l’accueil de la Parole, en parvenant dans la foi à magnifier le Seigneur, devant lequel notre unique possibilité de grandeur est celle qui s’exprime dans l’obéissance filiale: «Qu’il m’advienne selon ta parole» (Lc 1,38). Marie a eu confiance: elle est «bénie» (cf. Lc 1,42), et elle l’est car elle a cru (cf. Lc 1,45), jusqu’à s’être ainsi revêtue du Christ pour entrer dans le «septième jour», participant du repos de Dieu. Les dispositions de son coeur — l’écoute, l’accueil, l’humilité, la fidélité, la louange et l’attente — correspondent aux attitudes intérieures et aux gestes qui façonnent le vie chrétienne. L’Eglise se nourrit d’eux, consciente qu’ils expriment ce que Dieu attend d’elle.

Sur le panneau de bronze de la Porte Sainte de cette basilique est sculptée la représentation du Concile d’Ephèse. Le bâtiment lui-même, dont le noyau originel remonte au Ve siècle, est lié à cette assemblée oecuménique, célébrée en l’an 431. A Ephèse, l’Eglise unie défendit et confirma pour Marie le titre de Theotókos, Mère de Dieu: titre au contenu christologique, qui renvoie au mystère de l’incarnation et exprime dans le Fils l’unité de la nature humaine avec la nature divine. Du reste, c’est la personne et la vie de Jésus de Nazareth qui éclaire l’Ancien Testament et le visage même de Marie. En elle, on saisit en filigrane le dessein unitaire qui lie les deux Testaments. Dans son aventure personnelle, il y a la synthèse de l’histoire de tout un peuple, qui place l’Eglise en continuité avec l’antique Israël. A l’intérieur de cette perspective reçoivent un sens les histoires particulières, à partir de celle des grandes femmes de l’Ancienne Alliance, dans la vie desquelles est représenté un peuple humilié, battu et déporté. Ce sont elles aussi, toutefois, qui en personnifient l’espérance; elles sont le «reste saint», signe que le projet de Dieu ne demeure pas une idée abstraite, mais trouve une correspondance dans une réponse pure, dans une liberté qui se donne sans restriction, dans un oui qui est un accueil total et un don parfait. Marie en est l’expression la plus élevée. Sur elle, vierge, descend la puissance créatrice de l’Esprit Saint, celui qui «au commencement» couvrait l’abîme informe (cf. Gn Gn 1,1) et grâce auquel Dieu convoqua l’être à partir du néant; l’Esprit qui féconde et façonne la création. En s’ouvrant à son action, Marie engendre le Fils, présence de Dieu qui vient habiter l’histoire et l’ouvre à un commencement nouveau et définitif, qui est une possibilité pour chaque homme de renaître d’en haut, de vivre dans la volonté de Dieu et donc de se réaliser pleinement.


Discours 2005-2013 21411