Discours 2005-2013 30611

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Messieurs les cardinaux,
vénérés confrères,
Mesdames et Messieurs!

Je voudrais tout d’abord exprimer ma joie et ma gratitude pour le fait que, avec la remise de son prix en théologie, la Fondation qui porte mon nom confère une reconnaissance publique à l’oeuvre accomplie au cours de toute une vie par deux grands théologiens, et offre à un théologien de plus jeune génération un signe d’encouragement en vue de progresser sur le chemin entrepris. Un chemin commun remontant à de nombreuses décennies me lie au professeur González de Cardedal. Nous avons tous deux commencé avec saint Bonaventure et c’est lui qui nous a indiqué la direction. Au cours d’une longue vie consacrée à la recherche, le professeur González a traité tous les grands thèmes de la théologie, pas simplement en y réfléchissant ou en en parlant de façon théorique, mais en étant toujours confronté au drame de notre temps, en vivant et également en souffrant de façon tout à fait personnelle les grandes questions de la foi et ainsi les questions de l’homme d’aujourd’hui. De cette façon, la parole de la foi n’est pas une chose du passé; dans ses oeuvres, elle devient véritablement contemporaine de notre monde. Le professeur Simonetti nous a ouvert de façon nouvelle le monde des Pères. Précisément en nous montrant, du point de vue historique, avec précision et soin ce que nous disent les Pères, qui deviennent pour nous des personnes contemporaines, qui parlent avec nous. Le père Maximilian Heim a été récemment élu abbé du monastère de Heiligenkreuz près de Vienne — un monastère riche de tradition — en assumant ainsi le devoir de rendre actuelle une grande histoire et de la conduire vers l’avenir. En cela, j’espère que le travail sur ma théologie, qu’il nous a présenté, puisse lui être utile, et que l’abbaye de Heiligenkreuz puisse, à notre époque, développer ultérieurement la théologie monastique, qui a toujours accompagné celle universitaire, en formant avec elle l’ensemble de la théologie occidentale.

Ma tâche n’est toutefois pas ici de faire une laudatio des lauréats, qui a déjà été faite de façon compétente par le cardinal Ruini. Mais la remise du prix peut sans doute offrir l’occasion de nous concentrer l’espace d’un moment sur la question fondamentale de ce qu’est véritablement la «théologie». La théologie est une science de la foi, nous dit la tradition. Mais ici, se pose immédiatement la question: Cela est-il véritablement possible? Ou n’est-ce pas en soi une contradiction? La science n’est-elle pas le contraire de la foi? La foi ne cesse-t-elle pas d’être foi lorsqu’elle devient science? Et la science ne cesse-t-elle pas d’être science quand elle est ordonnée ou même subordonnée à la foi? Ces questions, qui représentaient déjà un sérieux problème pour la théologie médiévale, sont devenues, avec le concept moderne de science, encore plus urgentes, à première vue même sans solution. On comprend ainsi pourquoi, à l’époque moderne, la théologie dans de nombreux milieux se soit limitée avant tout au domaine de l’histoire, afin de démontrer son caractère scientifique sérieux. Il faut reconnaître avec gratitude qu’ont ainsi été réalisées des oeuvres grandioses, et le message chrétien a reçu une lumière nouvelle, capable de rendre visible sa richesse intime. Toutefois, si la théologie se retire entièrement dans le passé, elle laisse aujourd’hui la foi dans l’obscurité. Dans une deuxième phase, on s’est ensuite concentré sur la pratique, pour montrer que la théologie, en relation avec la psychologie et la sociologie, est une science utile qui donne des indications concrètes pour la vie. Cela aussi est important, mais si le fondement de la théologie, la foi, ne devient pas dans le même temps objet de la pensée, si la pratique ne se référait qu’à elle-même, ou encore si elle vit uniquement des apports des sciences humaines, alors la pratique devient vide et privée de fondement.

Ces voies ne sont donc pas suffisantes. Bien qu’elles soient utiles et importantes, elles deviendraient des subterfuges si la véritable question restait sans réponse. Celle-ci est: ce en quoi nous croyons est-il vrai ou non? Dans la théologie est en jeu la question en ce qui concerne la vérité; celle-ci est son fondement ultime et essentiel. Une expression de Tertullien peut ici nous faire accomplir un pas en avant; il écrit que le Christ n’a pas dit: Je suis l’habitude, mais: Je suis la vérité - non consuetudo sed veritas (Virg. I, 1). Christian Gnilka a montré que le concept consuetudo peut signifier les religions païennes qui, selon leur nature, n’étaient pas foi, mais étaient «habitude»: on fait ce que l’on a toujours fait; on observe les formes cultuelles traditionnelles et on espère rester ainsi dans le juste rapport avec le domaine mystérieux du divin. L’aspect révolutionnaire du christianisme dans l’antiquité fut précisément la rupture avec l’«habitude» par amour de la vérité. Tertullien parle ici surtout sur la base de l’Evangile de saint Jean, dans lequel se trouve également l’autre interprétation fondamentale de la foi chrétienne, qui s’exprime dans la désignation du Christ comme Logos. Si le Christ est Logos, la vérité, l’homme doit lui correspondre par son propre logos, par sa raison. Pour arriver jusqu’au Christ, il doit être sur la voie de la vérité. Il doit s’ouvrir au Logos, à la Raison créatrice, dont découle sa raison même et à laquelle elle le renvoie. De là on comprend que la foi chrétienne, en raison de sa nature même, doit susciter la théologie, doit s’interroger sur le bien fondé de la foi même si, naturellement, le concept de raison et celui de science embrassent de nombreuses dimensions, et ainsi, la nature concrète du lien entre foi et raison devait et doit toujours être à nouveau approfondi.

Même si dans le christianisme, le lien fondamental entre Logos, vérité et foi se présente donc clairement, la forme concrète de ce lien a suscité et suscite toujours de nouvelles questions. Il est clair qu’en ce moment, cette question, qui a occupé et qui occupera toutes les générations, ne peut être traitée en détails, ni même dans ses grandes lignes. Je voudrais tenter uniquement de soumettre une toute petite remarque. Saint Bonaventure, dans le prologue à son Commentaire sur les Sentences, a parlé d’une double utilisation de la raison — d’une utilisation qui est inconciliable avec la nature de la foi et d’une autre qui appartient, en revanche, précisément à la nature de la foi. Il existe, à ce que l’on dit, la violentia rationis, le despotisme de la raison, qui se fait le juge suprême et ultime de tout. Ce genre d’utilisation de la raison est certainement impossible dans le cadre de la foi. Qu’entend saint Bonaventure par cela? Une expression du Psaume 95, 9 peut nous montrer de quoi il s’agit. Ici, Dieu dit à son peuple: «Dans le désert, où vos pères m'éprouvaient, me tentaient, alors qu'ils me voyaient agir!». On évoque ici une double rencontre avec Dieu: ils ont «vu». Mais cela ne leur suffit pas. Ils mettent Dieu «à l’épreuve». Ils veulent le soumettre à l’expérience. Il est, pour ainsi dire, soumis à un interrogatoire et doit subir un processus d’épreuve expérimentale. Ce mode d’utilisation de la raison, à l’époque moderne, a atteint le somment de son développement dans le domaine des sciences naturelles. La raison expérimentale apparaît aujourd’hui amplement comme l’unique forme de rationalité déclarée scientifique. Ce qui ne peut être scientifiquement vérifié ou démenti se situe en dehors du cadre scientifique. Sur cette base ont été réalisées des oeuvres grandioses, comme nous le savons; personne ne voudra sérieusement mettre en doute que celle-ci est juste et nécessaire dans le domaine de la connaissance de la nature et de ses lois. Il existe toutefois une limite à cette utilisation de la raison: Dieu n’est pas un objet de l’expérimentation humaine. Il est le sujet et se manifeste uniquement dans le rapport de personne à personne: cela fait partie de l’essence de la personne.

Dans cette perspective, Bonaventure évoque une seconde utilisation de la raison, qui vaut pour le domaine du «personnel», pour les grandes questions de la condition même d’hommes. L’amour veut mieux connaître celui qu’il aime. L’amour, le véritable amour, ne rend pas aveugles, mais voyants. De celui-ci fait partie précisément la soif de connaissance, d’une véritable connaissance de l’autre. C’est pourquoi les Pères de l’Eglise ont trouvé les précurseurs et les ancêtres du christianisme — en dehors du monde de la révélation d’Israël — non pas dans le domaine de la religion habituelle, mais chez les hommes à la recherche de Dieu, à la recherche de la vérité, chez les «philosophes»: chez des personnes qui avaient soif de vérité et qui étaient donc sur le chemin vers Dieu. Lorsqu’il n’y a pas cette utilisation de la raison, alors les grandes questions de l’humanité finissent en dehors du domaine de la raison, et sont laissées à l’irrationalisme. C’est pourquoi une théologie authentique est si importante. La foi juste conduit la raison à s’ouvrir au divin, afin que celle-ci, guidée par l’amour pour la vérité, puisse connaître Dieu de plus près. L’initiative de ce chemin se trouve auprès de Dieu, qui a placé dans le coeur de l’homme la recherche de son Visage. Font donc partie de la théologie, d’un côté, l’humilité qui se laisse «toucher» par Dieu et, de l’autre, la discipline qui est liée à l’ordre de la raison, qui préserve l’amour de la cécité et qui aide à développer sa force visuelle.

Je suis bien conscient que tout cela n’a pas apporté de réponse à la question concernant la possibilité et le devoir de la juste théologie, mais qu’a seulement été mise en lumière la grandeur du défi inscrit dans la nature de la théologie. Toutefois, c’est précisément de ce défi que l’homme a besoin, car il nous pousse à ouvrir notre raison en nous interrogeant sur la vérité même, sur le visage de Dieu. C’est pourquoi nous sommes reconnaissants aux lauréats qui ont montré dans leur oeuvre que la raison, en marchant sur la voie tracée par la foi, n’est pas une raison prisonnière, mais la raison qui répond à sa très haute vocation. Merci.


AUX ARCHEVÊQUES MÉTROPOLITAINS AYANT REÇU LE PALLIUM Salle Paul VI Jeudi 30 juin 2011

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Chers frères et soeurs,

Dans l’esprit et le coeur de tous sont encore vivants les sentiments et les émotions que nous avons ressentis hier dans la basilique vaticane, à l’occasion de la célébration de la solennité des saints apôtres Pierre et Paul, pendant laquelle j’ai eu la joie de vous imposer le pallium, à vous archevêques métropolitains nommés au cours de cette dernière année. La rencontre d’aujourd’hui, simple et familiale, m’offre l’opportunité de prolonger le climat de communion ecclésiale et de vous renouveler mon salut cordial, chers frères dans l’épiscopat, ainsi qu’à vos familles et aux personnalités qui ont voulu participer à cet heureux événement. J’étends ma pensée affectueuse à vos Eglises particulières, que je rappelle dans la prière afin qu’elles soient animées par un élan apostolique constant.

Je m’adresse tout d’abord à vous, chers pasteurs de deux diocèses italiens. Je vous salue, Mgr Cesare Nosiglia, archevêque de Turin, et vous, Mgr Vincenzo Bertolone, archevêque de Catanzaro-Squillace. Que le Seigneur vous bénisse toujours et vous aide, dans votre ministère épiscopal quotidien, à faire croître les communautés qui vous sont confiées unies et missionnaires, unanimes dans la charité, fermes dans l’espérance et riches du dynamisme de la foi.

En cette fête des saints apôtres Pierre et Paul, je suis heureux d’accueillir les pèlerins de langue française venus à Rome à l’occasion de la remise du pallium aux nouveaux archevêques métropolitains. J’adresse mes chaleureuses salutations à Mgr Antoine Ganyé, archevêque de Cotonou au Bénin; Mgr Paul Ouédraogo, archevêque de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso; Mgr Jean-Pierre Tafunga Mbayo, archevêque de Lubumbashi, en République démocratique du Congo; Mgr Gérard Lacroix, archevêque de Québec, au Canada, et Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier, en France. Aux évêques, aux prêtres, et à tous les fidèles de vos pays, portez mes cordiales salutations et l’assurance de ma proximité spirituelle. Vous qui avez reçu le pallium, signe liturgique qui exprime le lien de communion qui vous unit de façon particulière au Successeur de Pierre, soyez des témoins joyeux et fidèles de l’amour du Seigneur qui cherche à rassembler ses enfants dans l’unité d’une même famille! Que Dieu vous bénisse!

J’étends mes salutations affectueuses aux archevêques métropolitains auxquels j’ai conféré le pallium hier: James Peter Sartain de Seattle, aux Etats-Unis d’Amérique; Mgr Gustavo Garcia-Siller de San Antonio, aux Etats-Unis d’Amérique; Mgr Jose Serofia Palma de Cebu, aux Philippines; Mgr Thaddeus Cho Hwan-kil de Daegu, en Corée; Mgr Jude Ruwa’ichi de Mwanza, en Tanzanie; Mgr William Slattery de Pretoria, en Afrique du Sud; Mgr Paul S. Coakley d’Oklahoma City, aux Etats-Unis d’Amérique; Mgr Rémi Joseph Gustave Sainte-Marie de Lilongwe, au Malawi; Mgr José Horacio Gómez de Los Angeles, aux Etats-Unis d’Amérique; Mgr Thumma Bala d’Hyderabad, en Inde; Mgr Augustine Obiora Akubeze de Benin City, au Nigeria; Mgr Charles Henry Dufour de Kingston en Jamaïque; Mgr George Stack de Cardiff, au Pays de Galles et Mgr Sergio Lasam Utleg de Tuguegarao, aux Philippines. J’accueille également leurs familles, leurs amis et les fidèles de leurs archidiocèses respectifs qui sont venus à Rome pour prier avec eux et partager leur joie. Le pallium est reçu des mains du Successeur de Pierre et porté par les archevêques comme signe de communion dans la foi et dans l’amour et dans le gouvernement du peuple. En outre, il rappelle aux pasteurs leurs propres responsabilités de pasteurs selon le coeur de Jésus. Je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique en gage de paix et de joie dans le Seigneur.

Je salue avec affection les archevêques de langue espagnole et ceux qui les ont accompagnés pendant la cérémonie significative de l’imposition du pallium, qui les distingue en tant qu’archevêques métropolitains. Je salue en particulier les archevêques de Bogotá, Mgr Rubén Salazar Gómez; de Quito, Mgr Fausto Gabriel Trávez Trávez; du Guatemala, Mgr Óscar Julio Vian Morales; de Manizales, Mgr Gonzalo Restrepo Restrepo; de Paraná, Mgr Juan Alberto Puiggari; de Barranquilla, Mgr Jairo Jaramillo Monsalve; de Santiago du Chili, Mgr Ricardo Ezzati Andrello; de Concepción, Mgr Fernando Natalio Chomali Garib, et de Cali, Mgr Darío de Jesús Monsalve Mejía. Si le pallium leur rappelle leur responsabilité particulière à l’égard des Eglises suffragantes et leur lien spécial d’unité avec saint Pierre, il comporte pour vous qui les accompagnez une plus grande proximité dans la prière et votre collaboration dans le ministère qui leur est confié. En invoquant la protection de la Très Sainte Vierge Marie, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, que j’étends avec plaisir à tous les pasteurs et fidèles de ces Eglises particulières de Colombie, d’Equateur, du Guatemala, d’Argentine et du Chili.

Je salue avec une grande affection les archevêques métropolitains de l’Angola et du Brésil qui ont reçu hier le pallium, insigne liturgique qui exprime l’union singulière de vos archidiocèses avec le Siège de Pierre: Mgr Luís María Pérez d’Onráita, de Malánje; Mgr José Manuél Imbámba, de Saurímo; Mgr Murílo Sebastião Rámos Kríeger, de São Salvadór da Bahía; Mgr Pédro Bríto Guimarães, de Pálmas; Mgr Jacínto Bergmánn, de Pelótas; Mgr Hélio Adelár Rúbert, de Sánta María; Mgr Pédro Ercílio Simão, de Pásso Fúndo; Mgr Dímas Lára Barbósa, de Cámpo Gránde, et Mgr Sérgio da Rócha, de Brasília. Que le Seigneur Jésus qui vous a choisis comme pasteurs de son troupeau vous protège dans votre ministère quotidien et fasse de vous de fidèles annonciateurs de l’Evangile avec la force de l’Esprit Saint. Je souhaite la bienvenue également aux familles, aux amis et aux fidèles de vos Eglises particulières qui vous ont accompagnés jusqu’à Rome. Je vous assure tous, ainsi que vos communautés archidiocésaines de mon souvenir quotidien dans la prière et, du plus profond du coeur, je vous donne ma Bénédiction apostolique.

J’adresse mon salut cordial à Mgr Zbignev Stankevics, archevêque de Riga et aux personnes ceux qui l’accompagnent en formant mes meilleurs voeux pour un ministère fécond.

J’adresse un salut cordial à l’archevêque de Maribor, Mgr Marjan Turnšek, et aux Slovènes qui l’accompagnent, en leur souhaitant un ministère fructueux. Je donne à tous ma Bénédiction apostolique.

Chers amis, rendons grâce au Seigneur qui dans son infinie bonté ne manque pas de donner des pasteurs à son Eglise. Chers archevêques métropolitains, je vous assure de ma proximité spirituelle et de mon soutien dans la prière pour votre service pastoral, dont la qualité nécessaire est l’amour pour le Christ, devant qui on ne doit rien placer. Saint Cyprien, évêque de Carthage, dans son Traité sur le Notre Père, affirme: «Il ne faut absolument rien placer avant le Christ, car Lui-même n’a rien préféré à nous. Il faut avoir la volonté d’être inséparablement unis à son amour, de rester à côté de sa croix avec courage et lui rendre un témoignage solide». Chers frères, que la Vierge Marie, Regina Apostolorum veille toujours sur vous et vous soutienne, et que vous accompagne ma Bénédiction, que je renouvelle de tout coeur à chacun de vous, à vos proches et à ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux.


AUX PARTICIPANTS À LA XXXVIIe CONFÉRENCE DE LA FAO Salle Clémentine Vendredi 1er juillet 2011

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Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur général, Mesdames, Messieurs,

1. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir, vous tous qui participez à la trente-septième Conférence de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, perpétuant une longue et heureuse tradition, inaugurée il y a soixante ans désormais, au moment de l’implantation à Rome de la FAO.

À travers vous, Monsieur le Président, je désire remercier les nombreuses Délégations gouvernementales qui ont tenu à être présentes à cette rencontre, témoignant ainsi de l’universalité effective de la FAO. Je voudrais également renouveler le soutien du Saint-Siège pour l’activité méritoire et irremplaçable de l’Organisation et vous confirmer que l’Église Catholique s’engage à collaborer à vos efforts pour répondre aux nécessités réelles de nombreux frères et soeurs en humanité.

Je saisis cette occasion pour saluer Monsieur Jacques Diouf, Directeur général, qui, avec compétence et dévouement, a permis à la FAO d’affronter les problèmes et les crises suscitées par les réalités globales changeantes qui concernaient, même de manière dramatique, son domaine d’action spécifique.

Au Directeur Général élu, Monsieur José Graziano da Silva, je présente mes voeux les plus sincères pour le succès de son activité à venir, souhaitant que la FAO puisse répondre toujours plus et mieux aux attentes de ses États membres et apporter des solutions concrètes aux personnes qui souffrent à cause de la faim et de la malnutrition.

2. Vos travaux ont indiqué des politiques et des stratégies en mesure de contribuer à la relance importante du secteur agricole, des niveaux de production alimentaire et du développement plus général des superficies rurales. La crise actuelle qui frappe désormais tous les aspects de la réalité économique et sociale requiert, en effet, que tout soit fait pour concourir à éliminer la pauvreté, premier pas pour délivrer de la faim des millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne disposent pas du pain quotidien. Cependant, une réflexion complète impose de rechercher les causes de cette situation sans se limiter aux niveaux de production, à la demande croissante d’aliments ou à la volatilité des prix : facteurs qui, bien qu’importants, risquent de faire lire le drame de la faim en termes exclusivement techniques.

La pauvreté, le sous-développement et donc la faim sont souvent le résultat d’attitudes égoïstes qui, partant du coeur de l’homme, se manifestent dans son activité sociale, dans les échanges économiques, dans les conditions de marché, dans le non-accès à la nourriture et se traduisent par la négation du droit primaire de toute personne à se nourrir et donc à être libérée de la faim. Comment pouvons-nous taire le fait que même la nourriture est devenue objet de spéculations ou bien est liée aux évolutions d’un marché financier qui, privé de règles sûres et pauvre de principes moraux, n’apparaît attaché qu’au seul objectif du profit ? L’alimentation est une condition qui concerne le droit fondamental à la vie. La garantir signifie aussi agir directement et sans délai sur les facteurs qui, dans le secteur agricole, pèsent de manière négative sur la capacité de fabrication, sur les mécanismes de la distribution et sur le marché international. Et ce, alors qu’une production alimentaire globale, selon la FAO et les experts autorisés, est en mesure de nourrir la population mondiale.

1303 3. Le cadre international et les fréquentes appréhensions engendrées par l’instabilité et l’augmentation des prix exigent des réponses concrètes et nécessairement unitaires pour obtenir des résultats que les États ne peuvent garantir individuellement. Cela signifie faire de la solidarité un critère essentiel pour toute action politique et toute stratégie, de façon à faire de l’activité internationale et de ses règles autant d’instruments de service effectif à la famille humaine tout entière et en particulier aux plus nécessiteux. Il est donc urgent d’avoir un modèle de développement qui considère non seulement l’ampleur économique des besoins ou la fiabilité technique des stratégies à poursuivre, mais aussi la dimension humaine de toutes les initiatives et qui soit capable de réaliser une fraternité authentique (cf. Caritas in Veritate, ), en s’appuyant sur la recommandation éthique de « donner à manger aux affamés » qui fait partie du sentiment de compassion et d’humanité inscrit dans le coeur de toute personne et que l’Église compte parmi les oeuvres de miséricorde. Dans cette perspective, les institutions de la Communauté internationale sont appelées à oeuvrer de façon cohérente suivant leur mandat pour soutenir les valeurs propres de la dignité humaine en éliminant les attitudes de fermeture et sans laisser de la place à des instances particulières qui se font passées pour des intérêts généraux.

4. La FAO est aussi appelée à relancer sa structure en la libérant des obstacles qui l’éloignent de l’objectif indiqué par sa Constitution : garantir la croissance nutritionnelle, la disponibilité de la production alimentaire, le développement des aires rurales, afin d’assurer à l’humanité la libération de la faim (cf. FAO, Constitution, Préambule). Dans ce but, une pleine syntonie de l’Organisation et des Gouvernements devient essentielle pour en orienter et en soutenir les initiatives, spécialement dans la conjoncture actuelle, qui voit se réduire la disponibilité des ressources économiques et financières tandis que le nombre des affamés dans le monde ne diminue pas selon les objectifs espérés.

5. Ma pensée va à la situation de millions d’enfants qui, premières victimes de cette tragédie, sont condamnés à une mort précoce, à un retard dans leur croissance physique et psychique ou sont contraints à des formes d’exploitation pour recevoir un minimum de nourriture. L’attention aux jeunes générations peut être une manière de contrer l’abandon des aires rurales et du travail agricole, pour permettre à des communautés entières, dont la survivance est menacée par la faim, d’envisager leur avenir avec une plus grande confiance. Nous devons constater, en effet, que malgré les engagements pris et les obligations conséquentes, l’assistance et les aides concrètes se limitent souvent aux urgences, oubliant qu’une conception cohérente du développement doit être en mesure de dessiner un avenir pour toute personne, famille et communauté en favorisant des objectifs sur une longue période.

Il faut donc soutenir les initiatives que l’on désire prendre aussi au niveau de la Communauté internationale tout entière pour redécouvrir la valeur de l’entreprise familiale rurale et en soutenir le rôle central pour parvenir à une sécurité alimentaire stable. En effet, dans le monde rural, le noyau familial traditionnel s’efforce de favoriser la production agricole grâce à la transmission sage des parents aux enfants non seulement des systèmes de culture ou de conservation et de distribution des aliments, mais aussi des modes de vie, des principes éducatifs, de la culture, de la religiosité, de la conception de la sacralité de la personne à toutes les phases de son existence. La famille rurale est un modèle non seulement de travail, mais de vie et d’expression concrète de la solidarité, où le rôle essentiel de la femme est confirmé.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

6. L’objectif de la sécurité alimentaire est une exigence authentiquement humaine, nous en sommes conscients. La garantir aux générations actuelles et à celles à venir signifie aussi préserver les ressources naturelles d’une exploitation frénétique car la course à la consommation et au gaspillage semble ignorer toute attention au patrimoine génétique et aux diversités biologiques, très importantes pour les activités agricoles. Mais à l’idée d’une appropriation exclusive de ces ressources s’oppose l’appel que Dieu adresse aux hommes et femmes, pour qu’en « cultivant et protégeant » la terre (cf. Gn
Gn 2,8-17), ils promeuvent une participation à l’utilisation des biens de la Création, objectif que l’activité multilatérale et les règles internationales peuvent certainement concourir à réaliser.

À notre époque où, aux nombreux problèmes qui assaillent l’activité agricole, s’ajoutent de nouvelles occasions de contribuer à apaiser le drame de la faim, vous pouvez oeuvrer pour qu’à travers la garantie d’une alimentation correspondant aux besoins, chacun puisse grandir selon sa vraie dimension de créature faite à la ressemblance de Dieu.

C’est le souhait que je désire exprimer, tandis que sur vous tous et sur votre travail, j’invoque l’abondance des bénédictions divines.




AUX MEMBRES DU COLLÈGE CARDINALICE, À L'OCCASION DU 60ème ANNIVERSAIRE DE SON ORDINATION SACERDOTALE Salle Ducale du Palais Apostolique Vendredi 1er juillet 2011

Chers confrères,

1304 Ecce quam bonum et quam iucundum habitares fratres in unum (Ps 133,1): ces paroles du Psaume sont pour moi, en ce moment, une réalité vécue. Nous voyons comme il est beau que les frères soient ensemble et vivent ensemble la joie du sacerdoce, d’être appelés dans la vigne du Seigneur. Je voudrais vous remercier de tout coeur, Monsieur le cardinal doyen, pour vos belles paroles, émouvantes et réconfortantes, et surtout aussi pour le don que vous m’avez fait, car ainsi, notre «être ensemble» s’étend aux pauvres de Rome. Nous ne sommes pas seuls à manger, ici avec nous, il y a ces pauvres qui ont besoin de notre aide et de notre assistance, de notre amour, qui se réalise concrètement dans la possibilité de manger, de bien vivre, dans la mesure où nous pouvons, nous voulons oeuvrer dans ce sens, et cela constitue un signe important pour moi qu’en cette heure solennelle nous ne soyons pas seuls, entre nous; avec nous, il y a les pauvres de Rome, qui sont particulièrement aimés par le Seigneur.

Fratres in unum: l’expérience de la fraternité est une réalité interne au sacerdoce, car quelqu’un n’est jamais ordonné tout seul, mais est inséré dans un presbyterium, ou, en tant qu’évêque, dans le collège épiscopal, ainsi, le «nous» de l’Eglise s’accompagne et s’exprime en cette heure. Cette heure est une heure de gratitude à l’égard du Seigneur qui guide, pour tout ce qu’il m’a donné et pardonné en ces années, mais également un moment de mémoire. En 1951, le monde était complètement différent: il n’y avait pas la télévision, il n’y avait pas internet, il n’y avait pas l’ordinateur, il n’y avait pas le téléphone portable. Le monde dont nous venons semble vraiment un monde préhistorique; et, surtout, nos villes étaient détruites, l’économie détruite, il y avait une grande pauvreté matérielle et spirituelle, mais également une forte énergie et volonté de reconstruire ce pays et de renouveler ce pays, surtout dans la communauté européenne, sur le fondement de notre foi, et de s’insérer dans la grande Eglise du Christ, qui est le Peuple de Dieu et qui nous guide vers le monde de Dieu. Ainsi, nous avons commencé avec un grand enthousiasme et avec joie à ce moment. Le moment du Concile Vatican ii est ensuite venu, où toutes ces espérances que nous avions eues semblaient se réaliser; ensuite le moment de la révolution culturelle de 1968, des années difficiles où la barque du Seigneur semblait faire eau, presque au point de sombrer; et toutefois le Seigneur, qui semblait dormir à ce moment, était présent et nous a guidés de l’avant. C’était les années où j’ai travaillé aux côtés du bienheureux Pape Jean-Paul II: inoubliables! Et ensuite, enfin, l’heure totalement inattendue du 19 avril 2005, lorsque le Seigneur m’a appelé à un nouvel engagement et, seulement en ayant confiance dans sa force, en me remettant à lui, je pus dire «oui» à ce moment.

Au cours de ces soixante ans, presque tout a changé, mais la fidélité au Seigneur est restée. Il est le même hier, aujourd’hui et à jamais: telle est notre certitude, qui nous ouvre la voie vers l’avenir. Le moment de la mémoire, le moment de la gratitude est également le moment de l’espérance: In te Domine speravi, non confundar in aeternum.

Je remercie le Seigneur, en ce moment, pour sa direction. Je vous remercie tous pour votre compagnie fraternelle. Que le Seigneur nous bénisse tous. Et merci pour votre don et pour toute votre collaboration. Avec l’aide du Seigneur, allons de l’avant.

AUX FIDÈLES DU DIOCÈSE ITALIEN

D'ALTAMURA-GRAVINA-ACQUAVIVA DELLE FONTI


Salle Paul VI Samedi 2 juillet 2011

Excellence,
chers frères et soeurs!

Je suis réellement heureux de vous accueillir si nombreux et remplis de l’enthousiasme de la foi. Je vous remercie! Je remercie votre évêque, Mgr Mario Paciello, pour les paroles qu’il m’a adressées au nom de tous. Je salue les autorités civiles, les prêtres, les religieux et les religieuses, les séminaristes et chacun de vous, en étendant ma pensée et mon affection à votre communauté diocésaine, en particulier à ceux qui vivent des situations de souffrance et de difficulté. Je suis reconnaissant au Seigneur, car votre visite m’offre la possibilité de partager un moment du chemin synodal de l’Eglise qui est à Altamura-Gravina-Acquaviva delle Fonti. Le synode est un événement qui fait vivre concrètement l’expérience d’être «Peuple de Dieu» en marche, d’être Eglise, communauté en pèlerinage dans l’histoire vers son accomplissement eschatologique en Dieu. Cela signifie reconnaître que l’Eglise ne possède pas en elle-même le principe vital, mais dépend du Christ, dont elle est le signe et l’instrument efficace. Dans la relation avec le Seigneur Jésus, celle-ci trouve son identité la plus profonde: être un don de Dieu à l’humanité, en prolongeant la présence et l’oeuvre de salut du Fils de Dieu au moyen de l’Esprit Saint. Dans ce cadre, nous comprenons que l’Eglise est essentiellement un mystère d’amour au service de l’humanité, en vue de sa sanctification. Le Concile Vatican II a affirmé sur ce point: «Le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté» (Lumen gentium LG 9). Nous voyons ici que la Parole de Dieu a réellement créé un peuple, une communauté, elle a créé une joie commune, un pèlerinage commun vers le Seigneur. Le fait d’être Eglise ne provient donc pas seulement de notre force d’organisation, d’une force humaine, mais trouve sa source et sa véritable signification dans la communion d’amour du Père, du Fils et de l’Esprit Saint: cet amour éternel est la source dont provient l’Eglise et la Très Sainte Trinité est le modèle d’unité dans la diversité et engendre et façonne l’Eglise comme mystère de communion.

Il est nécessaire de toujours repartir de manière nouvelle de cette vérité, pour comprendre et vivre plus intensément le fait d’être Eglise, «Peuple de Dieu», «Corps du Christ», «Communion». Autrement, on court le risque de réduire le tout à une dimension horizontale qui dénature l’identité de l’Eglise et l’annonce de la foi et qui rendrait plus pauvre notre vie et la vie de l’Eglise. Il est important de souligner que l’Eglise n’est pas une organisation sociale, philanthropique comme il en existe beaucoup: elle est la Communauté de Dieu, elle est la Communauté qui croit, qui aime, qui adore le Seigneur Jésus et ouvre les «voiles» au souffle de l’Esprit Saint, et pour cette raison, elle est une communauté capable d’évangéliser et d’humaniser. La relation profonde avec le Christ, vécue et nourrie par la Parole et par l’Eucharistie, rend l’annonce efficace, motive l’engagement pour la catéchèse et anime le témoignage de la charité. Un grand nombre d’hommes et de femmes de notre temps ont besoin de rencontrer Dieu, de rencontrer le Christ ou de redécouvrir la beauté du Dieu proche, du Dieu qui en Jésus Christ a montré son visage de Père et qui appelle à reconnaître le sens et la valeur de l’existence. Faire comprendre qu’il est bon de vivre en homme. Le moment historique actuel est marqué, nous le savons, par des lumières et des ombres. Nous assistons à des attitudes complexes: repli sur soi, narcissisme, désir de possession et de consommation, sentiments et liens d’affection détachés de toute responsabilité. Nombreuses sont les causes de cette désorientation, qui se manifeste à travers un profond malaise existentiel, mais au fond de tout, on peut entrevoir la négation de la dimension transcendante de l’homme et de la relation fondatrice avec Dieu. C’est pourquoi il est décisif que les communautés chrétiennes promeuvent des parcours valables et des engagements de foi.

Chers amis, il faut porter une attention particulière à la manière de considérer l’éducation à la vie chrétienne, afin que chaque personne puisse accomplir un authentique chemin de foi, à travers les divers âges de la vie; un chemin sur lequel — comme la Vierge Marie — la personne accueille profondément la Parole de Dieu et la met en pratique, devenant un témoin de l’Evangile. Le Concile Vatican II, dans la Déclaration Gravissimum educationis, affirme: «L’éducation chrétienne tend surtout à faire en sorte que les baptisés, introduits pas à pas dans la connaissance du mystère du salut, deviennent chaque jour plus conscients de ce don de la foi qu’ils ont reçu... soient transformés de façon à mener leur vie personnelle selon l’homme nouveau dans la justice et la sainteté de la vérité» (n. 2). Dans cet engagement éducatif, la famille demeure la première responsable. Chers parents, soyez les premiers témoins de la foi! N’ayez pas peur des difficultés dans lesquelles vous êtes appelés à réaliser votre mission. Vous n’êtes pas seuls! La communauté chrétienne est proche de vous et vous soutient. La catéchèse accompagne vos enfants dans leur croissance humaine et spirituelle, mais celle-ci doit être considérée comme une formation permanente, qui n’est pas limitée à la préparation pour recevoir les sacrements; au cours de toute notre vie, nous devons croître dans la connaissance de Dieu, et ainsi dans la connaissance de ce que signifie être un homme. Sachez toujours puiser la force et la lumière à la liturgie: la participation à la célébration eucharistique le Jour du Seigneur est décisive pour la famille, pour toute la communauté, elle est la structure de notre temps. Rappelons-nous toujours que dans les sacrements, en particulier dans l’Eucharistie, le Seigneur Jésus oeuvre en vue de la transformation des hommes, en nous assimilant à Lui. C’est précisément grâce à la rencontre avec le Christ, à la communion avec Lui, que la communauté chrétienne peut témoigner de la communion, en s’ouvrant au service, en accueillant les pauvres et les derniers, en reconnaissant le visage de Dieu chez le malade et toute personne dans le besoin. Je vous invite donc, en partant du contact avec le Seigneur dans la prière quotidienne et surtout dans l’Eucharistie, à valoriser comme il se doit les propositions éducatives et les parcours de volontariat existant dans les diocèses, pour former des personnes solidaires, ouvertes et attentives aux situations de malaise spirituel et matériel. En définitive, l’action pastorale doit viser à former des personnes mûres dans la foi, pour vivre dans des contextes dans lesquels Dieu est souvent ignoré; des personnes cohérentes avec la foi, pour que l’on apporte dans tous les milieux la lumière du Christ; des personnes qui vivent la foi avec joie, pour transmettre la beauté d’être chrétiens.


Discours 2005-2013 30611