Discours 2005-2013 1328


VISITE PASTORALE À ANCÔNE

RENCONTRE AVEC LES FAMILLES ET AVEC LES PRÊTRES

Cathédrale Saint-Cyriaque, Ancône Dimanche 11 septembre 2011
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Chers prêtres et chers époux!

La colline sur laquelle est construite cette cathédrale nous a permis d’avoir une très belle vue sur la ville et sur la mer: mais en franchissant le majestueux portail, notre âme est fascinée par l’harmonie du style roman, enrichi par un mélange d’influences byzantines et d’éléments gothiques. En votre présence également — prêtres et époux provenant de divers diocèses italiens — on saisit la beauté de l’harmonie et de la complémentarité de vos différentes vocations. La connaissance mutuelle et l’estime réciproque, dans le partage de la même foi, conduisent à apprécier le charisme d’autrui et à se reconnaître au sein de l’unique «édifice spirituel» (1P 2,5) qui, ayant comme pierre angulaire le Christ Jésus lui-même, grandit de façon ordonnée pour être un temple saint dans le Seigneur (cf. Ep Ep 2,20-21). Je remercie donc pour cette rencontre le cher Mgr Edoardo Menichelli — notamment pour les paroles par lesquelles il l’a introduite — et chacun de vous.

Je voudrais m’arrêter brièvement sur la nécessité de reconduire ordre sacré et mariage à l’unique source eucharistique. Ces deux états de vie ont, en effet, la même racine dans l’amour du Christ, qui se donne pour le salut de l’humanité; ils sont appelés à une mission commune: celle de témoigner et de rendre présent cet amour au service de la communauté pour l’édification du Peuple de Dieu (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique CEC 1534). Cette perspective permet avant tout de surmonter une vision réductrice de la famille, qui la considère comme simple destinataire de l’action pastorale. Il est vrai que, en cette période difficile, elle a besoin d’attentions particulières. Mais ce n’est pas une raison pour en affaiblir l’identité et en rabaisser la responsabilité spécifique. La famille est une richesse pour les époux, un bien irremplaçable pour les enfants, un fondement indispensable de la société, une communauté vitale pour le chemin de l’Eglise.

1329 Au niveau ecclésial, valoriser la famille signifie en reconnaître l’importance dans l’action pastorale. Le ministère qui naît du sacrement du mariage est important pour la vie de l’Eglise: la famille est le lieu privilégié de l’éducation humaine et chrétienne et demeure, dans ce but, la meilleure alliée du ministère sacerdotal; elle est un don précieux pour l’édification de la communauté. La proximité du prêtre avec la famille, à son tour, l’aide à prendre conscience de sa réalité profonde et de sa mission, en favorisant le développement d’une forte sensibilité ecclésiale. Aucune vocation n’est une question privée, encore moins celle au mariage, car son horizon est l’Eglise tout entière. Il s’agit donc de savoir intégrer et harmoniser, dans l’action pastorale, le ministère sacerdotal avec l’«authentique Evangile du mariage et de la famille» (Directoire de pastorale familiale, Conférence épiscopale italienne, 25 juillet 1993, n. 8) en vue d’une communion réelle et fraternelle. Et l’Eucharistie est le centre et la source de cette unité qui anime toute l’action de l’Eglise.

Chers prêtres, en vertu du don que vous avez reçu dans l’ordination, vous êtes appelés à servir en tant que pasteurs la communauté ecclésiale, qui est «une famille de familles», et donc à aimer chacun avec un coeur paternel, avec un détachement authentique de vous-mêmes, avec un dévouement total, permanent et fidèle: vous êtes le signe vivant qui renvoie au Christ Jésus, l’unique Bon Pasteur. Conformez-vous à Lui, à son style de vie, à travers le service total et exclusif dont le célibat est l’expression. Le prêtre possède lui aussi une dimension sponsale; c’est l’identification au coeur du Christ Epoux, qui donne la vie pour l’Eglise son épouse (cf. Exhort. apost. post-syn. Sacramentum caritatis, n. 24). Cultivez une profonde familiarité avec la Parole de Dieu, lumière sur votre chemin. Que la célébration quotidienne et fidèle de l’Eucharistie soit le lieu où puiser la force pour vous donner vous-mêmes chaque jour dans le ministère et vivre constamment en présence de Dieu: c’est Lui votre demeure et votre héritage. Vous devez être témoins de cela pour la famille et pour chaque personne que le Seigneur place sur votre chemin, même dans les circonstances les plus difficiles (cf. ibid., n. 80). Encouragez les époux, partagez avec eux leurs responsabilités éducatives, aidez-les à renouveler continuellement la grâce de leur mariage. Faites de la famille un acteur de premier plan dans l’action pastorale. Soyez accueillants et miséricordieux, même avec ceux qui ont le plus de difficultés à remplir les engagements pris avec le lien matrimonial et avec ceux qui, malheureusement, ne les ont pas respectés.

Chers époux, votre mariage s’enracine dans la foi selon laquelle «Dieu est amour» (
1Jn 4,8) et suivre le Christ signifie «demeurer dans l’amour» (cf. Jn 15,9-10). Votre union — comme l’enseigne saint Paul — est le signe sacramentel de l’amour du Christ pour l’Eglise (cf. Ep Ep 5,32), un amour qui culmine dans la Croix et qui est «signifié et mis en oeuvre dans l'Eucharistie» (Exhort. apost. Sacramentum caritatis, n. 29). Que le mystère eucharistique ait une influence toujours plus profonde dans votre vie quotidienne: tirez inspiration et force de ce sacrement pour votre relation conjugale et pour la mission éducative à laquelle vous êtes appelés; édifiez vos familles dans l’unité, don qui vient d’en haut et qui nourrit votre engagement dans l’Eglise et dans la promotion d’un monde plus juste et fraternel. Aimez vos prêtres, exprimez-leur votre reconnaissance pour le service généreux qu’ils accomplissent. Sachez en supporter également les limites, sans jamais renoncer à leur demander qu’ils soient parmi vous des ministres exemplaires qui vous parlent de Dieu et qui vous conduisent à Dieu. Votre fraternité est pour eux une aide spirituelle précieuse et un soutien dans les épreuves de la vie.

Chers prêtres et chers époux, sachez trouver toujours dans la Messe la force de vivre l’appartenance au Christ et à son Eglise dans le pardon, dans le don de soi et dans la gratitude. Que votre action quotidienne trouve dans la communion sacramentelle son origine et son centre, afin que tout soit fait pour la gloire de Dieu. De cette façon, le sacrifice d’amour du Christ vous transformera, jusqu’à faire de vous «un seul corps et un seul esprit» (cf. Ep Ep 4,4-6) en Lui. L’éducation à la foi des nouvelles générations passe également à travers votre cohérence. Apportez-leur le témoignage de la beauté exigeante de la vie chrétienne, avec la confiance et la patience de celui qui connaît la force de la semence jetée dans la terre. Comme dans l’épisode évangélique que nous avons écouté (Mc 5,21-24 Mc 5,35-43), soyez, pour ceux qui sont confiés à votre responsabilité, un signe de la bienveillance et de la tendresse de Jésus: en Lui est visible la façon dont le Dieu qui aime la vie n’est pas étranger ni éloigné de la vie des hommes, mais est l’Ami qui n’abandonne jamais. Et dans les moments où s’insinue la tentation que chaque effort éducatif est vain, puisez dans l’Eucharistie la lumière pour renforcer la foi, certains que la grâce et la puissance de Jésus Christ peuvent atteindre l’homme en toute situation, même la plus difficile.

Chers amis, je vous confie tous à la protection de Marie, vénérée dans cette cathédrale sous le titre de «Reine de tous les saints». La tradition en lie l’image à l’ex voto d’un marin, comme action de grâce pour le salut de son fils, sorti sain et sauf d’une tempête en mer. Que le regard maternel de Marie accompagne également vos pas dans la sainteté vers un havre de paix. Merci.



VISITE PASTORALE À ANCÔNE

RENCONTRE AVEC LES JEUNES FIANCÉS

Place du Plébiscite, Ancône Dimanche 11 septembre 2011
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Chers fiancés!

Je suis heureux de conclure cette intense journée, point culminant du Congrès eucharistique national, en vous rencontrant, comme pour confier l’héritage de cet événement de grâce à vos jeunes vies. D’ailleurs, l’Eucharistie, don du Christ pour le salut du monde, indique et contient l’horizon le plus authentique de l’expérience que vous vivez: l’amour du Christ comme plénitude de l’amour humain. Je remercie l’archevêque d’Ancône-Osimo, Mgr Edoardo Menichelli, pour son cordial et profond salut, et vous tous, pour votre participation animée; merci encore pour les questions que vous m’avez adressées et que j’accueille, confiant dans la présence parmi nous du Seigneur Jésus: Lui seul possède les paroles de vie éternelle, paroles de vie pour vous et pour votre avenir!

Les questions que vous posez assument, dans le contexte social actuel, une importance encore plus grande. Je voudrais vous offrir seulement quelques orientations pour une réponse. Sous certains aspects, notre époque n’est pas facile, surtout pour vous, les jeunes. La table est dressée et offre de nombreux mets exquis, mais, comme dans l’épisode évangélique des noces de Cana, il semble que manque le vin de la fête. En particulier la difficulté de trouver un travail stable recouvre l’avenir d’un voile d’incertitude. Cette situation contribue à renvoyer le moment de prendre des décisions définitives, et influence de façon négative la croissance de la société, qui ne réussit pas à mettre pleinement en valeur la richesse d’énergies, de compétences et de créativité de votre génération.

1330 Le vin de la fête manque également à une culture qui tend à se passer de critères moraux clairs: dans la désorientation, chacun est poussé à agir de façon individuelle et autonome, souvent dans les seules limites du présent. La fragmentation du tissu communautaire se reflète dans un relativisme qui porte atteinte aux valeurs essentielles; les affinités de sensations, d’états d’âme et d’émotions semblent plus importantes que le partage d’un projet de vie. Les choix fondamentaux deviennent alors eux aussi fragiles, courant éternellement le risque d’être révoqués, ce qui est souvent considéré comme une expression de liberté, tandis qu’en réalité, cela en manifeste plutôt le manque. L’apparente exaltation du corps appartient également à une culture privée du vin de la fête, car en réalité, elle banalise la sexualité et tend à la faire vivre en dehors d’un contexte de communion de vie et d’amour.

Chers jeunes, n’ayez pas peur d’affronter ces défis! Ne perdez jamais l’espérance. Soyez courageux, même dans les difficultés, en demeurant fermes dans la foi. Soyez certains que, en toute circonstance, vous êtes aimés et protégés par l’amour de Dieu qui est notre force. Dieu est bon. C’est pourquoi il est important que la rencontre avec Dieu, surtout dans la prière personnelle et communautaire, soit permanente, fidèle, précisément comme l’est le chemin de votre amour: aimer Dieu et sentir qu’Il m’aime. Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu! De plus, soyez certains que l’Eglise aussi est proche de vous, vous soutient, ne cesse de vous regarder avec une grande confiance. Elle sait que vous avez soif de valeurs, des vraies valeurs, sur lesquelles il vaut la peine de construire votre maison! La valeur de la foi, de la personne, de la famille, des relations humaines, de la justice. Ne vous découragez pas devant les manques qui semblent effacer la joie de la table de la vie. Aux noces de Cana, lorsque le vin vint à manquer, Marie invita les serviteurs à s’adresser à Jésus et leur donna une indication précise: «Tout ce qu’il vous dira, faites-le» (
Jn 2,5). Conservez précieusement ces paroles, les dernières de Marie rapportées dans les Evangiles, presque son testament spirituel, et vous aurez toujours la joie de la fête: Jésus est le vin de la fête!

En tant que fiancés, vous vivez une période unique, qui ouvre à la merveille de la rencontre et fait découvrir la beauté d’exister et d’être précieux pour quelqu’un, de pouvoir vous dire mutuellement: tu es important pour moi. Vivez ce chemin de façon intense, graduelle et authentique. Ne renoncez pas à poursuivre un idéal élevé d’amour, de reflet et de témoignage de l’amour de Dieu! Mais comment vivre cette étape de votre vie, témoigner de l’amour dans la communauté? Je voudrais vous dire avant tout d’éviter de vous enfermer dans des relations intimistes, faussement rassurantes; faites plutôt en sorte que votre relation devienne le levain d’une présence active et responsable dans la communauté. N’oubliez pas non plus que, pour être authentique, l’amour exige également un chemin de maturation: à partir de l’attraction initiale et de la sensation de se «sentir bien» avec l’autre, éduquez-vous à «aimer» l’autre, à «vouloir le bien» de l’autre. L’amour vit de gratuité, de sacrifice de soi, de pardon et de respect de l’autre.

Chers amis, chaque amour humain est signe de l’Amour éternel qui nous a créés, et dont la grâce sanctifie le choix d’un homme et d’une femme de se confier réciproquement leur vie dans le mariage. Vivez ce temps de fiançailles dans l’attente confiante de ce don, qui doit être accueilli en parcourant une route de connaissance, de respect, d’attentions que vous ne devez jamais perdre: ce n’est qu’à cette condition que le langage de l’amour prendra toute sa signification également au fil des années. Eduquez-vous également dès à présent à la liberté de la fidélité, qui conduit à prendre soin l’un de l’autre, jusqu’à vivre l’un pour l’autre. Préparez-vous à choisir avec conviction le «pour toujours» qui caractérise l’amour: l’indissolubilité, plus qu’une condition, est un don qui doit être désiré, demandé et vécu, au-delà de l’incertitude de toute situation humaine. Et ne pensez pas, selon une mentalité diffuse, que le concubinage soit une garantie pour l’avenir. Brûler les étapes finit par «brûler» l’amour, qui a besoin au contraire de respecter les temps et les différentes étapes de ses expressions; il a besoin de laisser un espace au Christ, qui est capable de rendre un amour humain fidèle, heureux et indissoluble. La fidélité et la continuité de votre amour vous rendront capables également d’être ouverts à la vie, d’être parents: la stabilité de votre union dans le sacrement du mariage permettra aux enfants que Dieu voudra vous donner de grandir en ayant confiance dans la bonté de la vie. La fidélité, l’indissolubilité et la transmission de la vie sont les piliers de toute famille, le véritable bien commun, un patrimoine précieux pour toute la société. Dès à présent, fondez sur eux votre chemin vers le mariage et témoignez-en également auprès des jeunes de votre âge: il s’agit d’un service précieux! Soyez reconnaissants à ceux qui, avec engagement, compétence et disponibilité, vous accompagnent dans votre formation: ce sont des signes de l’attention et du soin que la communauté chrétienne vous réserve. Vous n’êtes pas seuls: recherchez et accueillez avant tout la compagnie de l’Eglise.

Je voudrais revenir encore sur un point essentiel: l’expérience de l’amour possède en soi la tension vers Dieu. L’amour véritable promet l’infini! Faites donc de votre temps de préparation au mariage un itinéraire de foi: redécouvrez pour votre vie de couple la place centrale de Jésus Christ et du chemin dans l’Eglise. Marie nous enseigne que le bien de chacun dépend de l’écoute docile de la parole de son Fils. Pour celui qui se fie à Lui, l’eau de la vie quotidienne se change en vin, le vin d’un amour qui rend la vie bonne, belle et féconde. En effet, Cana est l’annonce et l’anticipation du don du vin nouveau de l’Eucharistie, sacrifice et banquet dans lequel le Seigneur nous touche, nous renouvelle et nous transforme. Et ne perdez pas de vue l’importance vitale de cette rencontre. Que l’assemblée liturgique du dimanche vous trouve pleinement actifs: de l’Eucharistie jaillit le sens chrétien de l’existence et une nouvelle façon de vivre (cf. Exhort. apost. post-syn. Sacramentum caritatis, nn. 72-73). Vous n’aurez alors pas peur d’assumer la responsabilité exigeante du choix conjugal; vous ne craindrez pas d’entrer dans ce «grand mystère», dans lequel deux personnes deviennent une seule chair (cf. Ep Ep 5,31-32).

Très chers jeunes, je vous confie à la protection de saint Joseph et de la Très Sainte Vierge Marie; en suivant l’invitation de la Vierge Mère — «Tout ce qu’il vous dira, faites-le» — le goût de la véritable fête ne vous manquera pas et vous saurez apporter le «vin» meilleur, celui que le Christ donne pour l’Eglise et pour le monde. Je voudrais vous dire que je suis moi aussi proche de vous et de tous ceux qui, comme vous, vivent ce chemin merveilleux d’amour. Je vous bénis de tout coeur!

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE D'INDE

IN VISITA "AD LIMINA APOSTOLORUM" Sallle du Consistoire, Palais Apostolique de Castel Gandolfo Lundi 19 septembre 2011

Chers frères dans l’épiscopat,

Je vous souhaite une chaleureuse bienvenue à l’occasion de votre visite ad limina Apostolorum, une heureuse occasion de renforcer les liens de communion qui unissent l’Eglise qui est en Inde et le Siège de Pierre. Je tiens à remercier Mgr Vincent Concessao des paroles courtoises qu’il m’a adressées en votre nom et au nom de ceux qui sont confiés à votre attention pastorale. Mes salutations cordiales vont aussi aux prêtres, aux religieux et religieuses, et aux laïcs de vos différents diocèses. Veuillez les assurer de mes prières et de ma sollicitude spirituelle.

Les ressources concrètes les plus significatives des Eglises à la tête desquelles vous vous trouvez ne sont pas à chercher dans les bâtiments qu’elles possèdent, leurs écoles, orphelinats, couvents et presbytères, mais dans les hommes, les femmes et les enfants de l’Eglise qui est en Inde, qui donnent vie à la foi, qui rendent témoignage de la présence pleine d’amour de Dieu à travers leur vie de sainteté. Une part de l’ancien et riche héritage de l’Inde est constitué par la longue et noble présence chrétienne qui a apporté sa contribution à la société indienne et dont votre culture a bénéficié d’innombrables manières, en enrichissant les vies d’un très grand nombre de vos concitoyens, pas seulement catholiques. L’immense bénédiction de foi en Dieu et en son Fils, Jésus Christ, dont les membres de l’Eglise rendent témoignage dans votre pays, les engagent à des actions de générosité, de bonté, d’amour et de charité (cf. 2Co 5,14). Plus important encore, l’Eglise qui est en Inde proclame sa foi et son amour à la société dans son ensemble, et elle les met en oeuvre à travers une sollicitude à l’égard de tous, sous tous les aspects de leurs vies spirituelles et matérielles. Que ses membres soient riches ou pauvres, jeunes ou âgés, hommes ou femmes, d’ancienne tradition chrétienne ou nouvellement accueillies dans la foi, l’Eglise ne peut manquer de voir dans la foi de ses membres, à l’échelle individuelle et collective, un important signe d’espérance pour l’Inde et pour son avenir.

1331 L’Eglise catholique est en particulier l’amie des pauvres. Comme le Christ, elle accueille sans exception tous ceux qui viennent à sa rencontre pour écouter le message divin de paix, d’espérance et de salut. Plus encore, en obéissance au Seigneur, elle continue de le faire pour les «hommes de toute race, langue, peuple et nation» (cf. Ap Ap 5,9), car dans le Christ, «nous ne formons qu’un seul corps» (cf. Rm 12,5). Il est donc impératif que le clergé, les religieux et les catéchistes dans vos diocèses soient attentifs aux diverses situations linguistiques, culturelles et économiques de ceux qu’ils servent.

De plus, si les Eglises locales s’assurent qu’une formation appropriée soit dispensée à ceux qui, authentiquement motivés par l’amour de Dieu et de leur prochain, souhaitent devenir chrétiens, elles seront fidèles au commandement du Christ de «faire des disciples de toutes les nations» (cf. Mt 28,19). Chers frères, même si vous devez prendre en compte les défis qu’implique la nature missionnaire de l’Eglise, vous devez toujours être prêts à élargir le Royaume de Dieu et à marcher dans les pas du Christ, qui fut lui aussi incompris, méprisé, faussement accusé et qui souffrit pour le bien de la vérité. Ne vous découragez face à de telles épreuves dans le cadre de votre ministère ou à celles que traversent les prêtres et les personnes consacrées de votre diocèse. Notre foi dans la certitude de la résurrection du Christ nous donne confiance et courage pour affronter tout ce qui peut arriver et pour aller de l’avant, en bâtissant le Royaume de Dieu, toujours soutenus par la grâce des sacrements et à travers la méditation des Ecritures dans la prière. Dieu accueille chacun, sans distinction, dans l’union avec Lui à travers l’Eglise. Je prie donc moi aussi pour que l’Eglise qui est en Inde continue d’accueillir chacun, et en priorité les pauvres, et d’être un pont exemplaire entre les hommes et Dieu.

Enfin, mes chers frères dans l’épiscopat, je remarque avec gratitude les divers efforts que les Eglises locales ont faits en Inde pour commémorer le vingt-cinquième anniversaire de la première visite apostolique du Pape Jean-Paul II dans votre pays. Au cours de ces jours mémorables, il eut de nombreux entretiens importants avec les chefs d’autres traditions religieuses. Manifestant son respect personnel pour ses interlocuteurs, ce Pape béni donna un témoignage authentique de la valeur du dialogue interreligieux. Je renouvelle les sentiments qu’il exprima si bien: «Se prodiguer pour réaliser et protéger tous les droits humains, y compris le droit fondamental de rendre un culte à Dieu selon les impératifs d’une droite conscience et de professer la foi extérieurement doit faire toujours plus l’objet de la collaboration à tous les niveaux entre les religions» (Jean-Paul II, Rencontre avec les représentants des différentes traditions religieuses et culturelles et avec les jeunes au Stade Indira Gandhi, 2 février 1986; cf. orlf n. 6 du 11 février 1986). Chers frères, je vous encourage à prendre en charge les progrès des efforts de l’Eglise pour promouvoir le bien-être de la société indienne à travers une attention continuelle à la promotion des droits fondamentaux — les droits communs à toute l’humanité — et en invitant vos frères chrétiens et les disciples d’autres traditions religieuses à relever le défi d’affirmer la dignité de toute personne humaine. Cette dignité, exprimée en vue de respecter et de promouvoir des droits moraux, spirituels et matériels innés de la personne, n’est pas seulement une concession accordée par une quelconque autorité terrestre. C’est le don du Créateur, et elle découle du fait que nous sommes créés à son image et ressemblance. Je prie pour que les disciples du Christ en Inde continuent de se faire des promoteurs de justice, des artisans de paix, des personnes respectueuses du dialogue, et des amants de la vérité sur Dieu et sur l’homme.

Chers frères, avec ces pensées, je vous renouvelle mes sentiments d’affection et d’estime. Je recommande chacun de vous à l’intercession du bienheureux Jean-Paul II qui, devant le trône de notre Père dans les cieux, transmet, nous en sommes sûrs, son affection pour l’Inde. En vous assurant de mes prières pour vous et pour ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux, je vous donne avec plaisir la Bénédiction apostolique en gage de grâce et de paix dans le Seigneur.

VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

RENCONTRE DE BENOÎT XVI AVEC LES JOURNALISTES

AU COURS DU VOL VERS L'ALLEMAGNE


Jeudi 22 septembre 2011
P. Lombardi : Sainteté, bienvenu parmi nous. Nous sommes le groupe habituel de journalistes qui vous accompagnent et se préparent à donner un écho de votre voyage dans la presse mondiale. Nous sommes très reconnaissants que, dès le début, vous preniez du temps pour nous, pour nous aider à bien comprendre la signification de ce voyage qui est un voyage particulier puisque nous allons dans votre patrie et vous parlerez votre langue. Il y a en Allemagne environ 4.000 journalistes accrédités aux différentes étapes du voyage. Ici, dans l'avion, nous en avons 68, dont une vingtaine d'Allemands. Je vous propose quelques questions. La première, en allemand, afin que vous puissiez vous adresser à nos collègues allemands dans leur et votre langue. J'explique aux Italiens que c'est une question qui demande dans quelle mesure le Pape se sent encore allemand.

Q : Sainteté, permettez-nous, pour commencer, une question très personnelle. Dans quelle mesure le Pape Benoît XVI se sent-il encore allemand ? Et comment vous rendez-vous compte de l'influence, réelle ou décroissante, de votre origine allemande ?

Benoît XVI : Hölderlin disait: «La naissance est ce qu'il y a de plus décisif», et je ressens bien sûr aussi cela. Je suis né en Allemagne et mes racines ne peuvent et ne doivent pas être coupées. J'ai reçu ma formation culturelle en Allemagne, l'allemand est ma langue et la langue est la manière dont l'esprit vit et agit, et toute ma formation culturelle s'est faite là-bas ! Quand je me consacre à la théologie, je le fais en partant de la forme intérieure que j'ai apprise dans les universités allemandes et je dois malheureusement admettre que je continue à lire plus de livres en allemand que dans les autres langues. Par conséquent, dans ma façon d'être, mon identité allemande est très forte. On ne peut pas et on ne doit pas effacer l'appartenance à son histoire avec sa grandeur et ses faiblesses. Mais pour un chrétien, il faut ajouter quelque chose. Par le baptême, il naît de nouveau, il naît dans un peuple nouveau composé de tous les peuples, un peuple qui comprend tous les peuples et toutes les cultures et auquel il appartient vraiment désormais, sans pour autant perdre son origine naturelle. Quand on assume en plus une grande responsabilité, comme c'est mon cas, puisque j'ai la responsabilité suprême dans ce nouveau peuple, il est évident que l'on s'identifie toujours davantage à ce peuple. La racine devient un arbre qui s'étend dans différentes directions et le sentiment d'appartenir à cette grande communauté de l’Église catholique, d'un peuple composé de tous les peuples, devient de plus en plus vif et profond, façonne toute l'existence sans qu'il y ait pour autant un renoncement au passé. Je dirais donc que l'origine demeure, que l'identité culturelle demeure et bien sûr aussi l'amour particulier et la responsabilité particulière, mais inséré et amplifié dans une appartenance plus grande, dans la civitas Dei comme dirait saint Augustin, dans le peuple de tous les peuples dans lequel nous sommes tous frères et soeurs.

Q : Merci beaucoup, Très Saint-Père. Et à présent poursuivons en italien. Saint-Père, ces dernières années, il y a eu dans l’Église en Allemagne une augmentation croissante de l’abandon de l’Église par des fidèles, notamment à cause des abus commis sur des mineurs par des membres du clergé. Quel est votre sentiment à propos de ce phénomène ? Et que diriez-vous à ceux qui veulent quitter l’Église ?

Benoît XVI : Il faut distinguer peut-être avant tout la motivation spécifique de ceux qui se sentent scandalisés par les crimes révélés ces derniers temps. Je peux comprendre qu'à la lumière de ces informations, surtout s'il s'agit de personnes proches, on puisse dire: « Cette Église n'est plus la mienne. L’Église était pour moi une force de l'humanisation et de la moralisation. Si les représentants de l’Église font le contraire, je ne peux plus vivre avec cette Église ». Il s'agit là d'une situation spécifique. Généralement, les motivations sont multiples dans le contexte de la sécularisation de notre société. En général, ces départs sont le dernier pas d'une longue chaîne d'éloignement de l’Église. Dans ce contexte, il me semble important de se demander, de réfléchir: « Pourquoi suis-je dans l’Église? Suis-je dans l’Église comme dans une association sportive, comme dans une association culturelle, etc. où je trouve mes intérêts et s'ils ne trouvent plus d'écho, je m'en vais, ou être dans l’Église est-ce une chose plus profonde? ». Je dirais qu'il est important de reconnaître qu'être dans l’Église ne signifie pas faire partie d'une association mais être dans le filet du Seigneur qui pêche de bons et de mauvais poissons des eaux de la mort à la terre de la vie. Il se peut que dans ce filet, je me trouve justement à côté des mauvais poissons et que je le sente, mais le fait est que je ne suis là ni pour les uns ni pour les autres, mais parce que c'est le filet du Seigneur, qui n'a rien à voir avec toutes les associations humaines, une réalité qui touche le fondement de mon être. En parlant avec ces personnes je crois qu'il faut aller au fond de la question: qu'est-ce que l’Église ? En quoi est-elle différente ? Pourquoi suis-je dans l’Église même s'il y a des scandales et des formes de pauvretés humaines terribles ? Et ainsi reprendre conscience de la spécificité d'être Église, du peuple de tous les peuples, qui est Peuple de Dieu, et ainsi apprendre à supporter aussi les scandales et oeuvrer contre ces scandales en étant justement à l’intérieur, dans ce grand filet du Seigneur.

Q: Merci, Votre Sainteté. Ce n'est pas la première fois que des groupes de personnes expriment leur opposition à votre venue dans un pays. La relation de l'Allemagne avec Rome était traditionnellement critique, notamment en partie au sein même du monde catholique. Les thèmes controversés sont connus depuis longtemps: le préservatif, l'eucharistie, le célibat. Avant votre voyage, même certains parlementaires ont adopté des positions critiques. Mais avant votre voyage en Grande-Bretagne le climat ne semblait pas non plus amical et en définitive, les choses se sont bien passées. Dans quel état d'esprit vous rendez-vous à présent dans votre ancienne patrie et vous adresserez-vous aux Allemands ?

1332 Benoît XVI : Je dirais tout d'abord qu'il est normal que dans une société libre et à une époque sécularisée, certains s'opposent à une visite du Pape. Il est aussi juste qu'on exprime – je les respecte tous – sa contrariété: cela fait partie de notre liberté et nous devons accepter le fait que le sécularisme est fort dans nos sociétés et aussi justement l'opposition au catholicisme. Quand ces oppositions se manifestent de façon civile, il n'y a rien à en dire. D'un autre côté, il est aussi vrai qu'il y a une grande attente et un grand amour pour le Pape. Mais peut-être dois-je encore ajouter qu’en Allemagne, cette opposition a plusieurs dimensions: la vieille opposition entre culture germanique et romane, les conflits de l'histoire, et puis nous sommes le pays de la Réforme, qui a accentué encore ces oppositions. Mais il y a aussi une grande appréciation de la foi catholique, une conviction croissante qu'à notre époque, nous avons besoin de conviction, d'une force morale. À notre époque, nous avons besoin d'une présence de Dieu. Ainsi, parallèlement à l'opposition, que je trouve naturelle et à laquelle il faut s'attendre, il y a beaucoup de monde qui m'attend avec joie, qui attend une fête de la foi, le fait d'être ensemble, et qui veut attendre la joie de connaître Dieu et de vivre ensemble dans l'avenir, que Dieu nous prend par la main et nous montre le chemin. C'est pour cela que je pars avec joie en Allemagne et je suis heureux d'apporter le message du Christ dans mon pays.

Q: Saint-Père, une dernière question. Vous allez visiter, à Erfurt, l'ancien couvent du réformateur Martin Luther. Les chrétiens évangéliques et les catholiques, en dialogue avec eux, se préparent à commémorer le cinquième centenaire de la Réforme. Avec quel message, quelles pensées, vous préparez-vous à la rencontre ? Votre voyage doit-il être également vu comme un geste fraternel à l'égard des frères et soeurs séparés de Rome ?

Benoît XVI : Quand j'ai accepté l'invitation à faire ce voyage, il était évident pour moi que l'oecuménisme avec nos amis évangéliques devait être un point fort et central de ce voyage. Nous vivons à une époque de sécularisme comme je l'ai déjà dit, au cours de laquelle les chrétiens ensemble, ont pour mission de rendre présent le message de Dieu, le message du Christ, de faire qu'il soit possible de croire, d'aller de l'avant avec ces grandes idées, ces vérités. Il est donc fondamental pour notre époque que les catholiques et les évangéliques soient ensemble, même si sur le plan institutionnel, nous ne sommes pas parfaitement unis et même s'il reste des problèmes importants, des problèmes relatifs au fondement de la foi en Jésus Christ, en Dieu trinitaire et en l'homme comme image de Dieu. Nous sommes unis et il est essentiel de montrer cela au monde et d'approfondir cette unité, en ce moment historique. Je suis par conséquent très reconnaissant à nos amis, frères et soeurs, protestants, qui ont rendu possible un signe très significatif: la rencontre dans le monastère où Luther commença son cheminement théologique, la prière dans l'église où il fut ordonné prêtre et le dialogue ensemble sur notre responsabilité de chrétiens aujourd'hui. Je suis très heureux de pouvoir montrer ainsi cette unité fondamentale, que nous sommes frères et soeurs et que nous travaillons ensemble pour le bien de l'humanité, en annonçant la bonne nouvelle du Christ, du Dieu qui a un visage humain et qui nous parle.

Discours 2005-2013 1328