Discours 2005-2013 1338


VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS

DU CONSEIL DE L'ÉGLISE ÉVANGÉLIQUE EN ALLEMAGNE

Salle du Chapitre de l'ex-couvent augustinien de Erfurt Vendredi 23 septembre 2011




Mesdames et Messieurs,

Prenant la parole, je voudrais tout d’abord remercier de tout coeur parce que nous pouvons nous rencontrer ici. Ma gratitude va particulièrement à vous, chère frère et Président Schneider qui, par vos paroles, m’a donné la bienvenue et m’a reçu parmi vous. Vous avez ouvert votre coeur, et exprimé la foi vraiment commune, votre désir sincère d’unité. Et nous nous réjouissons également, que cette rencontre, notre rencontre commence comme la fête de la foi que nous avons en commun. Je désire vous remercier, vous tous, pour le cadeau que représente le fait de pouvoir parler ensemble dans ce lieu historique.

Pour moi, en tant qu’Évêque de Rome, c’est un moment d’émotion de vous rencontrer ici, dans l’antique couvent augustinien d’Erfurt. Nous avons entendu précédemment que Luther a étudié ici. Ici, il a célébré sa première messe en 1507. Contre le désir de son père, il ne continua pas ses études de droit, mais il étudia la théologie et se mit en marche vers le sacerdoce dans l’Ordre de saint Augustin. Sur ce chemin, ce n’était pas ceci ou cela qui lui importait. Ce qui l’a animé, c’était la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Cette question lui pénétrait le coeur et se trouvait derrière chacune de ses recherches théologiques et chaque lutte intérieure. Pour Luther, la théologie n’était pas une question académique, mais la lutte intérieure avec lui-même, et ensuite c’était une lutte par rapport à Dieu et avec Dieu.

1339 « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Que cette question ait été la force motrice de tout son chemin, me touche toujours à nouveau profondément. Qui, en effet, se préoccupe aujourd’hui de cela, même parmi les chrétiens ? Que signifie la question de Dieu dans notre vie ? Dans notre annonce ? La plus grande partie des gens, même des chrétiens, tient aujourd’hui pour acquis que Dieu, en dernière analyse, ne s’occupe plus de nos péchés et de nos vertus. Il sait, en effet, que nous sommes tous que chair. Et si on croit encore en un au-delà et en un jugement de Dieu, alors presque tous nous présupposons en pratique que Dieu doit être généreux, et, qu’à la fin, dans sa miséricorde, il ignorera nos petites fautes. La question ne nous préoccupe plus. Mais nos fautes sont-elles vraiment si petites ? Le monde n’est-il pas dévasté à cause de la corruption des grands, mais aussi à cause de celle des petits, qui pensent seulement à leurs propres intérêts ? N’est-il pas dévasté par le pouvoir des drogues, qui vit du désir de vie et d’argent d’une part, et de l’autre, par l’addiction à la jouissance des personnes qui lui sont adonnées ? N’est-il pas menacé par la disposition croissante à la violence qui se revêt souvent de la religiosité ? La faim et la pauvreté pourraient-elles dévaster autant de parties entières du monde si, en nous, l’amour de Dieu et, à partir de Lui, l’amour pour le prochain, pour les créatures de Dieu, les hommes, étaient plus vivants ? Les questions en ce sens pourraient continuer. Non, le mal n’est pas une bagatelle. Et il ne pourrait être aussi puissant si nous mettions vraiment Dieu au centre de notre vie. La question : quelle est la position de Dieu à mon égard, comment je me situe moi devant Dieu ? - cette question brûlante de Luther doit devenir de nouveau, et certainement sous une forme nouvelle également notre question, non de manière académique mais réellement. Je pense que c’est là le premier appel que nous devrions entendre dans la rencontre avec Martin Luther.

Et alors, est important : Dieu, le Dieu unique, le Créateur du ciel et de la terre, est quelque chose d’autre qu’une hypothèse philosophique sur les origines du cosmos. Ce Dieu a un visage et il nous a parlé. Dans l’homme Jésus Christ, il est devenu l’un de nous – à la fois vrai Dieu et vrai homme. La pensée de Luther, sa spiritualité tout entière était complètement christocentrique : « Ce qui promeut la cause du Christ » était pour Luther le critère herméneutique décisif dans l’interprétation de la Sainte Écriture. Cela suppose toutefois que le Christ soit le centre de notre spiritualité et que l’amour pour Lui, le vivre ensemble avec Lui oriente notre vie.

Maintenant pourrait-on peut-être dire : c’est bien et bon ! Mais qu’a à voir tout cela avec notre situation oecuménique ? Tout cela n’est peut-être seulement qu’une tentative d’éluder, avec tant de paroles, les problèmes urgents dans lesquels nous attendons des progrès pratiques, des résultats concrets ? A ce sujet, je réponds : la chose la plus nécessaire pour l’oecuménisme est par-dessus tout que, sous la pression de la sécularisation, nous ne perdions pas presque par inadvertance les grandes choses que nous avons en commun, qui en elles-mêmes nous rendent chrétiens et qui sont restées comme don et devoir. C’était l’erreur de l’âge confessionnel d’avoir vu en majeure partie seulement ce qui sépare, et de ne pas avoir perçu de façon existentielle ce que nous avons en commun dans les grandes directives de la Sainte Écriture et dans les professions de foi du christianisme antique. Le grand progrès oecuménique des dernières décennies est pour moi, que nous nous soyons rendu compte de cette communion, que nous pouvons la reconnaître comme notre fondement commun et impérissable dans la prière et le chant communs, dans l’engagement commun pour l’ethos chrétien face au monde, dans le témoignage commun du Dieu de Jésus Christ en ce monde.

Le danger de la perdre n’est pas irréel, bien sûr. Je voudrais faire remarquer rapidement deux aspects. Ces derniers temps, la géographie du christianisme a profondément changé et est en train de continuer à changer. Devant une forme nouvelle de christianisme, qui se diffuse avec un immense dynamisme missionnaire, parfois préoccupant dans ses formes, les Églises confessionnelles historiques restent souvent perplexes. C’est un christianisme de faible densité institutionnelle, avec peu de bagage rationnel et encore moins de bagage dogmatique et aussi avec peu de stabilité. Ce phénomène mondial –dont me parlent toujours des Évêques du monde entier- nous place tous devant la question : Qu’est-ce-que cette nouvelle forme de christianisme a à nous dire de positif et de négatif ? En tous cas, elle nous met de nouveau face à la question de savoir ce qui demeure toujours valable, et ce qui peut ou doit être changé, par rapport à la question de notre choix fondamental dans la foi.

Plus profond et plus sensible dans notre Pays, est le second défi pour la chrétienté tout entière, dont je voudrais vous parler. Il s’agit du contexte du monde sécularisé, dans lequel nous devons vivre et témoigner aujourd’hui notre foi. L’absence de Dieu dans notre société se fait plus pesante, l’histoire de sa Révélation, dont nous parle l’Écriture, semble reléguée dans un passé qui s’éloigne toujours davantage. Faut-il peut-être céder à la pression de la sécularisation, devenir modernes moyennant une édulcoration de la foi ? La foi doit être repensée, naturellement, et surtout elle doit être vécue aujourd’hui d’une manière nouvelle pour devenir quelque chose qui appartient au présent. Mais ce n’est pas l’édulcoration de la foi qui aide, mais seulement le fait de la vivre entièrement dans notre aujourd’hui. C’est une tâche oecuménique centrale dans laquelle nous devrions nous entraider à croire de façon plus profonde et plus vivante. Ce ne seront pas les tactiques qui nous sauveront, qui sauveront le christianisme, mais une foi repensée et vécue d’une façon nouvelle, par laquelle le Christ, et avec Lui le Dieu vivant, entre dans notre monde. Comme les martyrs de l’époque nazie nous ont conduits les uns vers les autres, et ont suscité la première grande ouverture oecuménique, ainsi aujourd’hui encore, la foi, vécue à partir du plus profond de nous-mêmes, dans un monde sécularisé, est la force oecuménique la plus forte qui nous réunit, nous guidant vers l’unité dans l’unique Seigneur. Et nous le prions afin que nous puissions apprendre à vivre la foi à neuf, et afin qu’ainsi nous puissions devenir un.

VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

CÉLÉBRATION OECUMÉNIQUE Eglise de l'ex-couvent augustinien de Erfurt Vendredi 23 septembre 2011





Chers Frères et Soeurs dans le Seigneur,

« Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi » (Jn 17,20) : ainsi, a parlé Jésus à son Père, au Cénacle. Il prie pour les générations futures de croyants. Il regarde au-delà du Cénacle vers l’avenir. Il a prié aussi pour nous. Et il prie pour notre unité. Cette prière de Jésus n’est pas simplement quelque chose du passé. Il se tient toujours devant le Père, intercédant pour nous, et ainsi en ce moment il se tient au milieu de nous et il veut nous attirer dans sa prière. Dans la prière de Jésus se trouve le lieu intérieur de notre unité. Nous deviendrons un si nous nous laissons attirer dans cette prière. Chaque fois que, comme chrétiens, nous nous trouvons réunis dans la prière, cette lutte de Jésus pour nous et avec le Père pour nous, devrait toucher profondément notre coeur. Plus nous nous laissons entraîner dans cette dynamique, plus se réalise l’unité.

La prière de Jésus est-elle demeurée sans être écoutée ? L’histoire du christianisme est, pour ainsi dire, le côté visible de ce drame, dans lequel le Christ lutte et souffre avec nous, êtres humains. Toujours de nouveau il doit supporter l’opposition à l’unité et toutefois toujours de nouveau se réalise aussi l’unité avec lui et ainsi avec le Dieu trinitaire. Nous devons voir les deux choses : le péché de l’homme, qui se refuse à Dieu et se retire en lui-même, mais aussi les victoires de Dieu que soutient l’Église malgré sa faiblesse et attire continuellement des hommes en elle-même, les rapprochant ainsi les uns des autres. Pour cela, dans une rencontre oecuménique, nous ne devrions pas seulement déplorer les divisions et les séparations, mais bien remercier Dieu pour tous les éléments d’unité qu’il a conservés pour nous et qu’il nous donne toujours de nouveau. Et cette gratitude doit en même temps être disponibilité à ne pas perdre, dans une époque de tentation et de périls, l’unité ainsi donnée.

1340 L’unité fondamentale consiste dans le fait que nous croyons en Dieu, le Père tout-puissant, le Créateur du ciel et de la terre. Que nous le professons comme le Trine – le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L’unité suprême n’est pas solitude d’une monade mais unité par l’amour. Nous croyons en Dieu – dans le Dieu concret. Nous croyons dans le fait que Dieu nous a parlé et s’est fait l’un de nous. Témoigner de ce Dieu vivant est notre tâche commune à l’époque actuelle.

L’homme a-t-il besoin de Dieu, ou les choses vont-elles assez bien aussi sans lui ? Quand, dans une première phase de l’absence de Dieu, sa lumière continue encore à illuminer et tient ensemble l’ordre de l’existence humaine, on a ainsi l’impression que cela va aussi très bien sans Dieu. Mais plus le monde s’éloigne de Dieu, plus il devient clair que l’homme, dans l’hybris du pouvoir, dans le vide du coeur et dans le désir de satisfaction et de bonheur, perd toujours plus sa vie. La soif d’infini est présente dans l’homme de façon indéracinable. L’homme a été créé pour la relation avec Dieu et a besoin de lui. Notre premier service oecuménique en ce temps doit être de témoigner ensemble de la présence du Dieu vivant et par là de donner au monde la réponse dont il a besoin. Naturellement, de ce témoignage fondamental rendu à Dieu, fait ensuite partie, de façon absolument centrale, le témoignage rendu à Jésus Christ, vrai homme et vrai Dieu, qui a vécu avec nous, a souffert pour nous, est mort pour nous et, dans sa résurrection, a ouvert tout grand la porte de la mort. Chers amis, fortifions-nous dans cette foi ! Aidons-nous mutuellement à la vivre ! Ceci est une grande tâche oecuménique qui nous introduit au coeur de la prière de Jésus.

Le sérieux de la foi en Dieu se manifeste dans le fait de vivre sa parole. Il se manifeste très concrètement, en notre temps, dans l’engagement pour cette créature qu’il a voulue à son image, pour l’homme. Nous vivons dans un temps où les critères de l’être homme sont devenus questionnables. L’éthique est remplacée par le calcul des conséquences. Face à cela, comme chrétiens, nous devons défendre la dignité inviolable de l’homme, de la conception à la mort – dans les questions du diagnostic préimplantatoire jusqu’à l’euthanasie. « Seul celui qui connaît Dieu, connaît l’homme », a dit un jour Romano Guardini. Sans la connaissance de Dieu, l’homme devient manipulable. La foi en Dieu doit se concrétiser dans notre engagement commun pour l’homme. De cet engagement pour l’homme, font partie non seulement ces critères fondamentaux d’humanité, mais surtout et très concrètement l’amour que Jésus Christ nous enseigne dans la description du jugement dernier (
Mt 25) : le Dieu juge nous jugera selon la façon dont nous nous serons comportés à l’égard de ceux qui nous sont proches, à l’égard des plus petits de ses frères. La disponibilité à aider, dans les nécessités de ce temps, au-delà de son propre milieu de vie est une tâche essentielle du chrétien.

Comme dit, ceci vaut avant tout dans le domaine de la vie personnelle de chacun. Ceci vaut ensuite dans la communauté d’un peuple et d’un État, où tous doivent se prendre en charge les uns les autres. Ceci vaut pour notre continent, où nous sommes appelés à la solidarité européenne. Et, enfin, ceci vaut au-delà de toutes les frontières : la charité chrétienne exige aussi aujourd’hui notre engagement pour la justice dans le vaste monde. Je sais que de la part des Allemands et de l’Allemagne beaucoup est fait pour rendre possible à tous les hommes une existence digne de l’homme, et pour cela je voudrais dire une parole de vive gratitude.

Enfin, je voudrais encore faire allusion à une dimension plus profonde de notre obligation d’aimer. Le sérieux de la foi se manifeste surtout aussi quand elle inspire certaines personnes à se mettre totalement à la disposition de Dieu, et à partir de Dieu, des autres. Les grandes aides deviennent concrètes seulement quand sur place existent ceux qui sont totalement à la disposition de l’autre et, par là, rendent crédibles l’amour de Dieu. Des personnes de ce genre sont un signe important pour la vérité de notre foi.

À la veille de ma visite on a parlé plusieurs fois d’un don oecuménique de l’hôte, que l’on attendait d’une telle visite. Il n’est pas nécessaire que je spécifie les dons mentionnés dans ce contexte. À ce sujet je voudrais dire que ceci, me semble-t-il, constitue une mauvaise compréhension politique de la foi et de l’oecuménisme. Quand un Chef d’État visite un pays ami, généralement, des contacts entre les instances précèdent, pour préparer la passation d’un ou même de plusieurs accords entre les deux États : dans l’évaluation des avantages et des désavantages on arrive au compromis qui, à la fin, apparaît avantageux pour les deux parties, si bien qu’ensuite le traité peut être signé. Mais la foi des chrétiens ne se base pas sur une évaluation de nos avantages et désavantages. Une foi auto-construite est privée de valeur. La foi n’est pas quelque chose que nous concoctons et déterminons. Elle est le fondement sur lequel nous vivons. L’unité grandit non grâce à l’évaluation d’avantages et de désavantages, mais seulement en pénétrant toujours plus profondément dans la foi grâce à la pensée et à la vie. De cette manière, au cours des 50 dernières années -et en particulier aussi à partir de la visite du Pape Jean-Paul II, il y a 30 ans - s’est développée une plus grande entente, dont nous ne pouvons qu’être reconnaissants. J’aime rappeler la rencontre avec la commission conduite par l’Évêque [luthérien] Lohse, où nous nous sommes exercés ensemble à pénétrer profondément dans la foi grâce à la pensée et à la vie. À tous ceux qui y ont collaboré – pour la partie catholique en particulier au Cardinal Lehmann – je voudrais exprimer mes vifs remerciements. Je ne mentionne pas d’autres noms – le Seigneur les connaît tous. Ensemble nous pouvons tous seulement remercier le Seigneur pour les chemins de l’unité sur lesquels il nous a conduits et nous associer à sa prière dans une humble confiance : fais que nous devenions un, comme tu es un avec le Père, pour que le monde croie qu’il t’a envoyé (cf. Jn 17,21).

VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

VÊPRES MARIALES

Wallfahrtskapelle de Etzelsbach Vendredi 23 septembre 2011




Chers soeurs et frères,

Je voudrais vous saluer très cordialement, vous qui avez voyagé vers Etzalsbach pour cette heure de prière. J’ai entendu parlé souvent dans ma jeunesse de l’Eichsfeld, et j’ai pensé qu’il fallait que je le vois un jour et que je vienne prier avec vous. Je remercie chaleureusement Monseigneur Wanke qui m’a présenté votre région durant mon vol d’arrivée, et je remercie vos orateurs et vos représentants qui m’ont offert des dons significatifs de votre région. Ils m’ont ainsi permis de constater la diversité qui existe dans cette région.

1341 Je suis ainsi très heureux que mon souhait de visiter l’Eichsfeld ait pu se réaliser, et de pouvoir remercier Marie avec vous, ici, à Etzelsbach. « Ici, dans la vallée intime et calme », comme le dit un cantique de pèlerinage, et « sous les tilleuls vénérables », Marie nous offre sécurité et force nouvelle. Sous deux dictatures sans Dieu pour lesquelles il importait de prendre aux hommes leur foi ancestrale, les habitants de l’Eichsfeld ont eu conscience de trouver ici à Etzelsbach une porte ouverte et un lieu de paix intérieure. Par les Vêpres mariales d’aujourd’hui, nous voulons continuer à cultiver l’amitié particulière avec Marie qui en a surgi.

Quand les chrétiens en tous les temps et en tous les lieux se tournent vers Marie, ils se laissent guider par la certitude spontanée que Jésus ne peut refuser les demandes que sa Mère lui présente ; et ils s’appuient sur la confiance inébranlable que Marie est, en même temps aussi notre Mère – une Mère qui a fait l’expérience de la souffrance la plus grande de toutes, qui perçoit avec nous toutes nos difficultés et pense de façon maternelle à leur dépassement. Combien de personnes au cours des siècles sont allées en pèlerinage vers Marie pour trouver devant l’image de Notre-Dame des Douleurs – comme ici à Etzelsbach – consolation et réconfort !

Regardons son image ! Une femme d’âge moyen avec les paupières alourdies de beaucoup de pleurs et en même temps le regard dirigé vers le lointain, comme si elle était en train de méditer dans son coeur sur tout ce qui était arrivé. Sur ses genoux repose le corps inanimé du Fils ; elle l’étreint délicatement et avec amour, comme un don précieux. Sur le corps dénudé de son Fils, nous voyons les signes de la crucifixion. Le bras gauche du Crucifié tombe verticalement vers le bas. Peut-être cette sculpture de la Pietà – comme était souvent l’usage – était placée à l’origine au-dessus d’un autel. Ainsi le Crucifié renvoie avec son bras allongé à ce qui se passe sur l’autel où le Saint Sacrifice accompli par lui est rendu présent dans l’Eucharistie.

La position du Crucifié est une particularité de l’image miraculeuse d’Etzelsbach. Dans la plupart des représentations de la Pietà, Jésus mort gît avec la tête vers la gauche. Ainsi, l’observateur peut voir la blessure du côté du Crucifié. Ici, à Etzelsbach, au contraire, la blessure du côté est cachée, puisque le corps, précisément, est orienté vers l’autre côté. Il me semble que dans cette représentation se cache une signification profonde, qui se révèle seulement dans une contemplation attentive : dans l’image miraculeuse d’Etzelsbach, les coeurs de Jésus et de sa Mère sont tournés l’un vers l’autre. Les coeurs s’approchent l’un de l’autre. Ils échangent mutuellement leur amour. Nous savons que le coeur est l’organe de la sensibilité plus profonde pour l’autre comme il est également l’organe de la compassion profonde. Dans le coeur de Marie se trouve l’espace pour l’amour que son divin Fils veut donner au monde.

La dévotion mariale se concentre dans la contemplation de la relation entre la Mère et son divin fils. En priant, en souffrant, en remerciant et en étant heureux, les fidèles ont toujours trouvé de nouveaux aspects et titres qui peuvent mieux entrouvrir pour nous ce mystère, par exemple l’image du Coeur immaculé de Marie comme symbole de l’unité profonde et sans réserve avec le Christ dans l’amour. Ce n’est pas l’autoréalisation, le vouloir se faire et s’accomplir tout seul, qui procure le vrai développement de la personne, tel que cela est proposée aujourd’hui comme modèle de la vie moderne, mais qui se change en une forme d’égoïsme raffiné. C’est plutôt l’attitude de don, du don de soi, qui s’oriente vers le coeur de Marie et par là oriente aussi vers le coeur du Rédempteur, et vers le prochain nous permettant ainsi de nous trouver d’abord nous-mêmes.

« Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein » (
Rm 8,28) : c’est ce que nous venons d’entendre dans la lecture tirée de la Lettre aux Romains. En Marie, Dieu a fait tout concourir au bien et ne cesse de faire en sorte qu’à travers Marie, le bien se diffuse par la suite dans le monde. De la Croix, du trône de la grâce et de la Rédemption, Jésus a donné aux hommes comme Mère sa propre Mère Marie. Au moment de son sacrifice pour l’humanité, Il rend Marie, d’une certaine façon, médiatrice du flux de grâce qui vient de la Croix. Sous la Croix, Marie devient compagne et protectrice des hommes sur leur chemin de vie. Comme l’a formulé le Second Concile du Vatican : « Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse » (Lumen gentium LG 62). Oui, dans la vie nous passons par des hauts et des bas, mais Marie intercède pour nous auprès de son Fils et nous aide à trouver et à nous ouvrir à la force de l’amour divin.

Notre confiance dans l’intercession efficace de la Mère de Dieu et notre gratitude pour l’aide dont nous faisons toujours de nouveau l’expérience portent en elles d’une certaine façon, l’impulsion à pousser la réflexion au-delà des nécessités du moment. Que veut nous dire vraiment Marie, quand elle nous sauve du danger ? Elle veut nous aider à comprendre l’étendue et la profondeur de notre vocation chrétienne. Avec une délicatesse maternelle, elle veut nous faire comprendre que toute notre vie doit être une réponse à l’amour riche en miséricorde de notre Dieu. Comme si elle nous disait : comprends que Dieu, qui est la source de tout bien et ne veut rien d’autre que ton vrai bonheur, a le droit d’exiger de toi une vie qui s’abandonne entièrement et avec joie à sa volonté et qui mette tout en oeuvre pour que les autres fassent de même. « Là où il y a Dieu, là il y a un avenir » ! En effet : là où nous laissons l’amour de Dieu agir totalement sur et dans notre vie ; là, le ciel est ouvert. Là, il est possible de modeler le présent de façon à ce qu’il corresponde toujours plus à la Bonne Nouvelle de Notre Seigneur Jésus Christ. Là, les petites choses de la vie quotidienne ont leur sens, et là, les grands problèmes trouvent leur solution.

Avec cette certitude nous invoquons Marie, avec cette certitude nous croyons en Jésus Christ, notre Seigneur et Dieu. Amen.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

SALUT À LA POPULATION

Münsterplatz de Freiburg im Breisgau Samedi 24 septembre 2011


Chers amis,

1342 C’est avec beaucoup de joie que je vous salue tous et que je vous remercie de l’accueil cordial que vous m’avez réservé. Après les belles rencontres à Berlin et à Erfurt, je suis maintenant heureux de pouvoir être avec vous, à Fribourg, illuminé et réchauffé par le soleil. Je remercie tout spécialement votre cher Archevêque Monseigneur Robert Zollitsch de l’invitation et de son aimable adresse de bienvenue. Il a insisté tellement que, finalement, j’ai du dire : je dois vraiment aller à Fribourg !

« Là où il y a Dieu, là il y a un avenir » est le thème de ces journées. Comme Successeur de l’Apôtre Pierre, auquel le Seigneur a confié justement, au Cénacle, la tâche d’affermir ses frères (cf.
Lc 22,32), je suis venu volontiers chez vous, dans cette belle ville, pour prier avec vous, pour proclamer la parole de Dieu et pour célébrer ensemble l’Eucharistie. Je vous demande de prier pour que ces jours soient fructueux, afin que Dieu affermisse notre foi, renforce notre espérance et augmente notre amour. Qu’en ces jours nous puissions comprendre à nouveau combien Dieu nous aime et qu’il est vraiment bon. Et ainsi nous devons être remplis de la confiance qu’il est bon envers nous, qu’il a un bon pouvoir, et qu’il nous porte entre ses mains, ainsi que tout ce qui anime notre coeur et qui est important pour nous ! Et consciemment nous voulons mettre cela entre ses mains. En lui, notre avenir est assuré ; Il donne sens à notre vie et il peut la conduire à la plénitude. Que le Seigneur vous accompagne dans la paix et fasse de nous des messagers de sa paix ! Merci beaucoup pour votre accueil !



VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DES ÉGLISES ORTHODOXES ET ORTHODOXES ORIENTALES

Séminaire de Freiburg im Breisgau Samedi 24 septembre 2011




Éminences, Excellences,
Vénérés Représentants des Églises orthodoxes et orthodoxes orientales,

C’est avec une grande joie que nous nous rencontrons ici aujourd’hui. Je vous remercie tous de grand coeur pour votre présence et pour la possibilité de cet échange amical. Je vous remercie en particulier, cher Métropolite Augustinos pour vos paroles qui vont en profondeur. Je suis surtout ému par ce que vous avez dit sur la Mère de Dieu et sur les saints qui embrassent et unissent tous les siècles. Et en cette circonstance, je répète volontiers ce que j’ai dit ailleurs : parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l’Orthodoxie est, sans doute, théologiquement la plus proche de nous ; catholiques et orthodoxes ont conservé la même structure de l’Église des origines ; en ce sens, nous sommes toutes « Église des origines » qui, toutefois, est toujours présente et nouvelle. Et ainsi nous osons espérer, même si humainement nous rencontrons sans cesse des difficultés, que ne soit pas pourtant si loin le jour où nous pourrons de nouveau célébrer l’Eucharistie ensemble (cf. Lumière du Monde. Entretien avec Peter Seewald , pp. PP 119 et ss.).

Avec intérêt et sympathie, l’Église catholique –et moi personnellement- suit le développement des communautés orthodoxes en Europe occidentale qui, en ces dernières décennies, ont enregistré une croissance remarquable. Environ un million six cents mille chrétiens orthodoxes et orthodoxes orientaux –ai-je appris- vivent aujourd’hui en Allemagne. Ils sont devenus une partie constitutive de la société, qui contribue à rendre plus vivant le patrimoine des cultures chrétiennes et de la foi chrétienne en Europe. Je me félicite de l’intensification de la collaboration panorthodoxe qui en ces dernières années a fait des progrès essentiels. La fondation des Conférences Épiscopales Orthodoxes là où les Églises orthodoxes sont en diaspora –dont vous avez parlé-, est l’expression des relations solides à l’intérieur de l’orthodoxie. Je me réjouis qu’un tel pas ait été fait en Allemagne l’année dernière. Puissent les expériences vécues au sein de ces Conférences Épiscopales renforcer l’union entre les Églises orthodoxes et faire progresser les efforts vers un concile panorthodoxe.

Depuis le temps où j’étais professeur à Bonn, et ensuite, particulièrement comme Archevêque de Munich et Freising, grâce à l’amitié personnelle avec des représentants des Églises orthodoxes, j’ai pu connaître et apprécier l’Orthodoxie d’une manière toujours plus profonde. En ce temps-là, a aussi commencé le travail de la Commission conjointe de la Conférence Épiscopale Allemande et de l’Église orthodoxe. Depuis lors, par ses textes sur des questions pastorales et pratiques, elle promeut la compréhension réciproque et contribue à renforcer et à développer les relations entre les catholiques et les orthodoxes en Allemagne.

De même la continuation du travail pour élucider les différences théologiques demeure importante, car leur dépassement est indispensable pour le rétablissement de la pleine unité, que nous désirons et pour laquelle nous prions. Nous savons que c’est surtout sur la question du primat que nous devons continuer nos efforts en vue de sa juste compréhension, avec patience et humilité. Je pense qu’ici, les réflexions sur le discernement entre la nature et la forme de l’exercice du primat comme les a faites le Pape Jean-Paul II dans l’Encyclique Ut unum sint (n. 95), peuvent encore nous donner des impulsions fructueuses.

1343 J’observe avec gratitude aussi le travail de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église Catholique et les Églises orthodoxes orientales. Je suis content, Vénérées Éminences et Vénérés Représentants des Églises orthodoxes orientales, de rencontrer avec vous les représentants des Églises impliquées dans ce dialogue. Les résultats obtenus font croître la compréhension mutuelle et le rapprochement les uns des autres.

Dans la tendance actuelle de notre temps, où un nombre non négligeable de personnes veulent, pour ainsi dire, « libérer » la vie publique de Dieu, les Églises chrétiennes en Allemagne - parmi lesquelles également les chrétiens orthodoxes et orthodoxes orientaux -, sur la base de la foi dans l’unique Dieu et Père de tous les hommes, marchent ensemble sur le chemin d’un témoignage pacifique pour la compréhension et la communion entre les peuples. En faisant cela, elles n’omettent pas de mettre le miracle de l’incarnation de Dieu au centre de l’annonce. Conscientes que toute dignité de la personne est fondée sur ce miracle, elles s’engagent ensemble pour la protection de la vie humaine, de sa conception jusqu’à sa mort naturelle. La foi en Dieu, le Créateur de la vie, et l’absolue fidélité à la dignité de chaque personne confortent les chrétiens dans leur opposition résolue à toute intervention manipulatrice et sélective par rapport à la vie humaine. En outre, connaissant la valeur du mariage et de la famille, comme chrétiens, il nous tient beaucoup à coeur, comme une chose importante, de protéger l’intégrité et la singularité du mariage entre un homme et une femme contre toute interprétation erronée. Ici, l’engagement commun des chrétiens, parmi lesquels les fidèles orthodoxes et orthodoxes orientaux, donne une contribution précieuse à l’édification d’une société qui peut avoir un avenir, et où est porté à la personne humaine le respect dû.

Je voudrais, enfin, tourner mon regard vers Marie - vous nous l’avez présentée comme Panaghi -, vers la Hodegetria, celle qui montre le chemin, et qui est vénérée aussi en Occident sous le titre « Notre Dame du Chemin ». La Sainte Trinité a donné à l’humanité Marie, la Vierge Mère, afin que, par son intercession, Elle nous guide à travers le temps et nous indique le chemin vers l’accomplissement. Nous voulons nous confier à elle et lui présenter notre désir de devenir, en Christ, une communauté toujours plus intimement unie, pour la louange et la gloire de son nom. Que Dieu vous bénisse tous ! Merci.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN ALLEMAGNE

22-25 SEPTEMBRE 2011

RENCONTRE AVEC LES SÉMINARISTES

Chapelle Saint-Charles Borromée du Séminaire de Freiburg im Breisgau Samedi 24 septembre 2011


Chers Séminaristes,
Chers frères et soeurs,

Cela m’est une grande joie de pouvoir me retrouver ici avec des jeunes gens, qui se sont mis en route pour servir le Seigneur et qui veulent répondre à son appel en le suivant. Je voudrais remercier particulièrement pour la belle lettre que Monsieur le Recteur et les séminaristes m’ont écrite. Elle m’a touché profondément car vous avez réfléchi sur ma lettre et, à partir d’elle, vous avez exposé vos questions et vos réponses. M’a touché aussi le sérieux avec lequel vous avez accueilli ce que j’ai cherché à y exposer et, de là, vous développez votre propre itinéraire.

Le plus beau serait naturellement, de pouvoir mener ensemble un dialogue, mais le programme du voyage auquel je suis tenu et auquel je dois obéir, ne permet malheureusement pas une telle chose. Ainsi en lien avec cela, je ne peux que chercher à mettre en évidence quelques pensées à propos de ce que vous avez écrit et de ce que j’avais écrit.

À propos de la question : à quoi sert le séminaire, que signifie ce temps ? La manière dont saint Marc, au chapitre 3 de son Évangile, décrit la constitution de la communauté des Apôtres, m’émeut particulièrement toujours. Il dit : « le Seigneur fit les douze ». Il crée quelque chose, Il fait quelque chose, c’est un acte créateur. Et Il les institua « pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (cf. 3, 14). Il s’agit d’une double volonté qui semble être en contradiction dans un certain sens : « Pour être ses compagnons », ils doivent être avec Lui pour Le connaître, pour L’écouter et se laisser former par Lui ; ils doivent allez avec Lui, avec Lui sur le chemin, autour de Lui et à sa suite. Mais, en même temps, ils doivent être des envoyés qui partent et portent à l’extérieur ce qu’ils ont appris, qui le portent aux autres hommes, qui sont en chemin, à la périphérie, dans le lointain, même dans le lieu qui est loin de Lui. Et ces paradoxes vont ensemble : s’ils sont vraiment avec Lui, ils sont toujours en chemin vers les autres, puis, ils sont à la recherche de la brebis perdue, puis ils y vont, puis ils doivent transmettre ce qu’ils ont trouvé, puis ils doivent le faire connaître, devenir de vrais messagers. Et vice versa, s’ils veulent être de vrais messagers, ils doivent être toujours avec Lui. Saint Bonaventure a dit une fois : Les Anges où qu’ils aillent, même loin, se meuvent toujours dans l’intimité de Dieu. Il en est ainsi ici également : comme prêtres, nous devons aller à l’extérieur, sur les multiples routes, être avec les hommes que nous devons inviter à son Festin nuptial. Mais nous ne pouvons le faire, qu’en demeurant toujours avec Lui. Et pour apprendre cela, cet être ensemble pour aller vers l’extérieur, pour la mission et pour l’être-avec-Lui, pour rester-avec-Lui, c’est - je pense - ce dont nous devons faire l’expérience au séminaire. Le véritable fait de demeurer avec Lui, l’enracinement profond en Lui –être toujours plus avec Lui, Le connaître toujours davantage, et ne pas se séparer de Lui à jamais-, et en même temps, aller toujours plus vers l’extérieur, porter et transmettre la Bonne Nouvelle, non pour la garder pour soi, mais pour porter la Parole à ceux qui sont au loin et, aussi à tous ceux qui, comme créatures de Dieu et comme des êtres aimés par le Christ, en portent le désir dans le coeur.


Discours 2005-2013 1338