Discours 2005-2013 10111

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Votre Béatitude, Vos Excellences, chers amis,

C'est pour moi un grand plaisir de vous accueillir, chers membres de l'« Israeli Religious Council », qui représentez les communautés religieuses présentes en Terre Sainte, et je vous remercie des paroles courtoises que vous m'avez adressées au nom de tous les présents.

En ces temps troublés, le dialogue entre les différentes religions devient de plus en plus important en vue d'établir un climat de compréhension et de respect mutuels qui puisse conduire à l'amitié et à une confiance solide les uns à l'égard des autres. C’est un devoir pressant pour les responsables religieux de Terre Sainte qui, tout en vivant dans un lieu riche de mémoires sacrées pour nos traditions, sont quotidiennement mis à l'épreuve par les difficultés de vivre ensemble en harmonie.

Comme je l'ai souligné lors de ma récente rencontre avec les responsables religieux à Assise, nous nous trouvons aujourd'hui confrontés à deux types de violence: d'une part, le recours à la violence au nom de la religion et, de l'autre, la violence qui est la conséquence du refus de Dieu qui caractérise souvent la vie dans les sociétés modernes. Dans cette situation, en tant que responsables religieux, nous sommes appelés à réaffirmer que la relation de l'homme avec Dieu, lorsqu'elle est vécue correctement, est une force pour la paix. C'est une vérité qui doit devenir toujours plus visible dans la manière dont nous vivons les uns avec les autres au quotidien. Je souhaite donc vous encourager à promouvoir un climat de confiance et de dialogue parmi les responsables et les membres de toutes les traditions religieuses présentes en Terre Sainte.

Nous partageons la grave responsabilité d’éduquer les membres de nos communautés religieuses respectives, dans la perspective de cultiver une compréhension plus profonde les uns des autres et en développant une ouverture à la coopération avec des personnes de traditions religieuses différentes de la nôtre. Malheureusement, la réalité de notre monde est souvent fragmentaire et imparfaite, même en Terre Sainte. Nous sommes tous appelés à nous engager à nouveau dans la promotion d'une plus grande justice et dignité, en vue d'enrichir notre monde et de lui donner une dimension pleinement humaine. La justice, avec la vérité, l’amour et la liberté, est une nécessité fondamentale pour une paix sûre et durable dans le monde. Le mouvement vers la réconciliation exige du courage et de la clairvoyance, ainsi que la confiance que c'est Dieu lui-même qui nous montrera le chemin. Nous ne pouvons pas parvenir à nos objectifs si Dieu ne nous donne pas la force de le faire.

Lorsque je me suis rendu à Jérusalem en mai 2009, je me suis recueilli devant le Mur Occidental et, dans ma prière écrite placée entre les pierres du Mur, j'ai demandé à Dieu la paix en Terre Sainte. J'ai écrit : « Dieu de toute éternité, au cours de ma visite à Jérusalem, la “Ville de la Paix”, patrie spirituelle pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, je te présente les joies, les espérances et les aspirations, les épreuves, la souffrance et la peine de tout ton peuple répandu à travers le monde. Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, entends le cri de l’affligé, de celui qui a peur, du désespéré ; envoie ta paix sur cette Terre Sainte, sur le Moyen-Orient, sur la famille humaine tout entière ; éveille le coeur de tous ceux qui invoquent ton nom afin qu’ils marchent humblement sur le chemin de la justice et de la compassion. “Le Seigneur est bon pour qui se tourne vers lui, pour celui qui le recherche! ” (
Lm 3,25)».

Puisse le Seigneur entendre aujourd'hui ma prière pour Jérusalem et remplir vos coeurs de joie lors de cette visite à Rome. Puisse-t-il entendre la prière de tous les hommes et les femmes qui lui demandent la paix de Jérusalem. En effet, ne cessons jamais de prier pour la paix en Terre Sainte, confiants en Dieu qui est lui-même la paix et le réconfort. En vous confiant, ainsi que tous ceux que vous représentez, à l'attention miséricordieuse du Tout-Puissant, j’invoque de tout coeur sur vous tous les bénédictions divines de joie et de paix.



AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE ORGANISÉE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL « COR UNUM » Salle Clémentine Vendredi 11 novembre 2011

Eminences,
1356 Chers frères dans l’épiscopat,
chers amis,

Je suis reconnaissant pour l’opportunité qui m’est donnée de vous saluer, à l’occasion de votre rencontre placée sous les auspices du Conseil pontifical « Cor Unum », en cette année européenne du volontariat.

Je voudrais tout d’abord remercier le cardinal Robert Sarah pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Je voudrais également vous exprimer ma profonde gratitude et l’étendre aux millions de volontaires catholiques qui contribuent régulièrement et généreusement à la mission caritative de l’Eglise à travers le monde. En ce moment actuel, caractérisé par la crise et l’incertitude, votre engagement est un motif de confiance, car il montre que la bonté existe et qu’elle croît parmi nous. La foi de tous les catholiques sort assurément renforcée de voir le bien qui est fait au nom du Christ (cf. Phm
Phm 6).

Pour les chrétiens, le volontariat n’est pas seulement une expression de bonne volonté. Il se fonde sur une expérience personnelle du Christ. Il a été le premier à servir l’humanité, il a donné librement sa vie pour le bien de tous. Ce don ne se fondait pas sur nos mérites. A partir de cela, nous apprenons que Dieu se donne à nous. Plus encore, Deus caritas est — Dieu est amour, pour citer une phrase de la première Lettre de saint Jean (4, 8), que j’ai reprise comme titre de ma première Lettre encyclique. L’expérience de l’amour généreux de Dieu nous interpelle et nous libère en vue d’adopter la même attitude envers nos frères et soeurs: «Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement» (Mt 10,8). Nous en faisons l’expérience en particulier dans l’Eucharistie, lorsque le Fils de Dieu, en rompant le pain, unit la dimension verticale de son don divin avec la dimension horizontale de notre service à nos frères et soeurs.

La grâce du Christ nous aide à découvrir en nous-mêmes un désir humain de solidarité et une vocation fondamentale à l’amour. Sa grâce perfectionne, renforce et élève cette vocation et nous permet de servir les autres sans récompense, satisfaction ou aucun type de contrepartie. Nous percevons quelque chose de la grandeur de notre appel humain: servir les autres avec la même liberté et générosité qui caractérisent Dieu lui-même. Nous devenons nous aussi des instruments visibles de son amour dans un monde qui aspire encore profondément à l’amour au milieu de la pauvreté, la solitude, l’exclusion et l’ignorance que nous voyons autour de nous.

Bien sûr, le volontariat catholique ne peut pas répondre à tous ces besoins, mais cela ne nous décourage pas. Nous ne devons pas non plus nous laisser séduire par des idéologies qui veulent changer le monde selon une vision purement humaine. Le peu que nous réussissons à faire en vue de soulager les besoins humains peut être considéré comme une bonne semence qui grandira et portera beaucoup de fruit; il s’agit d’un signe de la présence et de l’amour du Christ qui, comme l’arbre dans l’Evangile, croît pour offrir abri, protection et force à tous ceux qui en ont besoin.

Telle est la nature du témoignage que vous offrez en toute humilité et conviction. Bien qu’il soit du devoir des autorités publiques de reconnaître et d’apprécier cette contribution sans la déformer, votre rôle en tant que chrétiens consiste à prendre une part active dans la vie de la société, en vous efforçant de la rendre toujours plus humaine, toujours plus marquée par la liberté authentique, la justice et la solidarité.

Notre rencontre d’aujourd’hui a lieu en la mémoire liturgique de saint Martin de Tours. Souvent représenté dans l’acte de partager son manteau avec un pauvre, Martin est devenu un modèle de charité à travers l’Europe et même dans le monde entier. De nos jours, le volontariat en tant que service de charité est devenu un élément universellement reconnu de notre culture moderne. Toutefois, ses origines sont encore visibles dans la préoccupation typiquement chrétienne de protéger, sans aucune discrimination, la dignité de la personne humaine créée à l’image et ressemblance de Dieu. Si ces racines spirituelles sont niées ou voilées et que les critères de notre collaboration deviennent purement utilitaristes, ce qu’il y a de plus caractéristique dans votre service risque de se perdre, au détriment de la société tout entière.

Chers amis, je voudrais conclure en encourageant les jeunes à découvrir dans le volontariat un moyen de mûrir dans l’amour généreux qui donne à la vie sa signification la plus profonde. Les jeunes réagissent volontiers à l’appel de l’amour. Aidons-les à entendre le Christ qui fait retentir son appel dans leurs coeurs et les attire plus près de lui. Nous ne devons pas avoir peur de leur présenter un défi radical et qui transforme la vie, en les aidant à comprendre que nos coeurs sont faits pour aimer et être aimés. C’est dans le don de soi que nous pouvons vivre la vie en plénitude.

Avec ces sentiments, je vous renouvelle à tous ma gratitude, ainsi qu’à tous ceux que vous représentez. Je demande à Dieu de veiller sur vos nombreuses oeuvres de service et de les rendre toujours plus riches en fruits spirituels pour le bien de l’Eglise et du monde entier. A vous et à vos volontaires, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.



AUX PARTICIPANTS À UNE CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES CELLULES SOUCHES ORGANISÉE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTURE Salle Clémentine Samedi 12 novembre 2011

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Eminence,
Chers frères évêques,
Excellences, éminents hôtes, chers amis,

Je désire remercier le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, pour ses paroles cordiales et pour avoir organisé cette conférence internationale sur le thème Cellules souches adultes: la science et l’avenir de l’homme et de la culture. Je désire également remercier S.Exc. Mgr Zygmunt Zimowski, président du Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé et S.Exc. Mgr Ignacio Carrasco de Paula, président de l’Académie pontificale pour la vie, de leur contribution à cet effort spécial. Une pensée reconnaissante particulière va aux nombreux bienfaiteurs dont le soutien a rendu possible cet événement. A cet égard, je désire exprimer la satisfaction du Saint-Siège pour tout le travail accompli par les diverses institutions pour promouvoir des initiatives culturelles et de formation en vue de soutenir une recherche au plus haut niveau sur les cellules souches adultes et d’étudier les implications culturelles, éthiques et anthropologiques de leur utilisation.

La recherche scientifique offre une opportunité unique d’explorer les merveilles de la vie, la complexité de la nature et la beauté particulière de la vie, y compris la vie humaine. Toutefois, étant donné que les êtres humains sont dotés d’une âme immortelle et sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, il existe des dimensions de l’existence humaine qui sont au-delà de ce que les sciences naturelles sont en mesure de déterminer. Si ces limites sont franchies, on court le grave danger que la dignité unique et l’inviolabilité de la vie humaine puissent être subordonnées à des considérations purement utilitaristes. Toutefois, si ces limites sont en revanche respectées comme il se doit, la science peut apporter une contribution vraiment importante à la promotion et à la sauvegarde de la dignité de l’homme: en effet, c’est en cela que réside son utilité authentique. L’homme, l’agent de la recherche scientifique, sera parfois l’objet de cette recherche dans sa nature biologique. Malgré cela, sa dignité transcendante lui donne le droit de toujours rester le bénéficiaire ultime de la recherche scientifique et de ne jamais être réduit à devenir son instrument.

Dans ce sens, les bénéfices potentiels de la recherche sur les cellules souches adultes sont considérables, car celle-ci ouvre des possibilités de guérir des maladies dégénératives chroniques en réparant le tissu endommagé et en rétablissant sa capacité de se régénérer. L’amélioration que ces thérapies promettent, constituerait un pas en avant significatif dans la science médicale, en apportant une espérance renouvelée aux malades et à leurs familles. C’est pourquoi l’Eglise offre naturellement son encouragement à ceux qui sont engagés dans le déroulement et le soutien de recherches de ce genre, si elles sont conduites avec le respect dû au bien intégral de la personne humaine et au bien commun de la société.

Cette condition est de la plus haute importance. La mentalité pragmatique qui influence si souvent le processus décisionnel dans le monde d’aujourd’hui est déjà trop disposée à approuver tout instrument disponible pour obtenir l’objectif désiré, bien qu’il existe de multiples preuves des conséquences désastreuses de cette façon de penser. Lorsque l’objectif fixé est aussi désirable que la découverte d’une thérapie pour les maladies dégénératives, c’est une tentation pour les scientifiques et pour les responsables politiques d’ignorer toute les objections éthiques et de poursuivre toute recherche qui semble offrir la perspective d’un succès. Ceux qui défendent la recherche sur les cellule souches embryonnaires dans l’espérance d’atteindre ce résultat commettent la grave erreur de nier le droit inaliénable à la vie de tous les êtres humains, à partir du moment de la conception jusqu’à la mort naturelle. La destruction, ne serait-ce que d’une seule vie humaine, ne peut jamais être justifiée en termes du bénéfice qui pourrait de manière présumée en découler pour une autre vie. Toutefois, en général, aucun problème éthique n’apparaît lorsque les cellules souches sont issues des tissus d’un organisme adulte, du sang du cordon ombilical au moment de la naissance ou de foetus qui sont morts de causes naturelles (cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, instruction Dignitas personae,n. 32).

Il s’ensuit que le dialogue entre science et éthique est de la plus haute importance pour garantir que les progrès médicaux ne soient jamais accomplis à un prix humain inacceptable. L’Eglise contribue à ce dialogue en aidant à former les consciences selon la juste raison et à la lumière de la vérité révélée. En agissant ainsi, elle ne cherche pas à empêcher le progrès scientifique, mais au contraire, à le guider dans une direction qui soit véritablement féconde et bénéfique pour l’humanité. En effet, l’Eglise est convaincue que tout ce qui est humain, y compris la recherche scientifique, «non seulement est accueilli et respecté par la foi, mais est aussi purifié par celle-ci, élevé et perfectionné» (ibid., n. 7). De cette manière, la science peut être aidée à servir le bien commun de toute l’humanité, avec un égard particulier pour les plus faibles et les plus vulnérables.

En attirant l’attention sur les besoins de ceux qui sont sans défense, l’Eglise ne pense pas seulement aux enfants à naître, mais également à ceux qui ne peuvent pas avoir accès facilement à des traitements médicaux coûteux. La maladie ne fait pas de distinction entre les personnes et la justice demande que tout effort possible soit accompli pour mettre les fruits de la recherche scientifique à la disposition de tous ceux qui en ont besoin, indépendamment de leurs possibilités économiques. Outre des considérations purement éthiques, il faut affronter des questions de nature sociale, économique et politique pour garantir que les progrès de la science médicale aillent de pair avec une offre juste et équitable des services de santé. Dans ce domaine, l’Eglise est en mesure d’offrir une assistance concrète à travers son vaste apostolat dans le domaine de la santé, actif dans de si nombreux pays dans le monde et avec une sollicitude particulière pour les besoins des pauvres du monde.

1358 Chers amis, en concluant mes considérations, je désire vous assurer de mon souvenir spécial dans la prière et je vous confie tous à l’intercession de Marie, Salus infirmorum, vous qui travaillez avec tant d’ardeur pour apporter la guérison et l’espérance à ceux qui souffrent. Je prie afin que votre engagement dans la recherche sur les cellules souches adultes apporte de grandes bénédictions pour l’avenir de l’homme et un enrichissement authentique à sa culture. A vous, à vos familles et à vos collaborateurs, ainsi qu’à tous les patients qui peuvent bénéficier de votre généreuse compétence et des résultats de votre travail, je donne volontiers de tout coeur ma Bénédiction apostolique. Merci beaucoup!


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

ENTRETIEN ACCORDÉ PAR LE PAPE BENOÎT XVI

AUX JOURNALISTES AU COURS DU VOL VERS LE BÉNIN


Vol Papal Vendredi 18 novembre 2011



P. Lombardi : Sainteté, bienvenue parmi nous, parmi ce groupe des journalistes qui vous accompagnent vers l’Afrique. Nous vous sommes très reconnaissants de nous consacrer un peu de temps cette fois aussi. Ici, sur cet avion, il y a une quarantaine de journalistes, photographes et cameramen de diverses agences et télévisions, puis il y a aussi les media du Vatican qui vous accompagnent : une cinquantaine de personnes. À Cotonou nous attend un millier de journalistes qui suivront le voyage sur place. Comme d’habitude, nous vous adressons quelques questions recueillies ces jours-ci parmi les collègues. La première demande je la fais en français, en pensant que cela peut aussi être très apprécié des auditeurs et des téléspectateurs du Bénin, quand ils pourront en profiter, à l’arrivée.

P. Lombardi (en français) : Saint-Père, ce voyage nous amène au Bénin. Mais c’est un voyage très important pour l’entier continent africain. Pourquoi avez-vous pensé que le Bénin soit le pays apte pour un message pour toute l’Afrique d’aujourd’hui et de demain ?

Saint-Père (en français) : Il y a différentes raisons. La première, le Bénin est un pays en paix, en paix extérieure et intérieure. Il y a des institutions démocratiques qui fonctionnent, qui sont réalisées dans l’esprit de liberté et responsabilité, et donc la justice et le travail pour le bien commun sont possibles et garantis par le fonctionnement des institutions démocratiques et le sens des responsabilités dans la liberté. La 2° raison est qu’il y a, comme dans la majeure partie des pays africains, une présence des différentes religions et une convivence pacifique des religions. Il y a des chrétiens dans leur diversité – pas facile toujours, il y a les musulmans, il y a finalement les religions traditionnelles, toutes les 3 religions, différentes, vivent ensemble dans le respect réciproque et dans la commune responsabilité pour la paix, pour la réconciliation intérieure et extérieure. Il me semble que cette convivence des religions, le dialogue interreligieux comme facteur de paix et de liberté est très important et est une partie importante aussi de l’Exhortation apostolique du Synode. Et finalement la 3° raison est que c’est le pays de mon cher ami, le Cardinal Gantin. J’avais toujours le désir de prier, un jour, sur sa tombe. Il est réellement un grand ami – on en parlera à la fin peut-être, et donc visiter le pays du Cardinal Gantin, comme un grand représentant de l’Afrique catholique, de l’Afrique humaine et civilisée, est pour moi aussi une raison d’aller dans ce pays.

P. Lombardi : Alors que les Africains font l’expérience de l’affaiblissement de leurs communautés traditionnelles, l’Église catholique se trouve confrontée au succès croissant d’Églises évangéliques ou pentecôtistes, parfois auto-créées en Afrique, qui proposent une foi attrayante, une grande simplification du message chrétien : elles insistent sur les guérisons, mélangent leurs cultes avec les cultes traditionnels. Comment l’Église catholique se situe-t-elle par rapport à ces communautés, agressives à son égard ? Et comment peut-elle être attirante, quand ces communautés se présentent comme joyeuses, chaleureuses ou inculturées ?

Saint-Père : Ces communautés sont un phénomène mondial, sur tous les continents, elles sont surtout hautement présentes de façons diverses en Amérique latine et en Afrique. Je dirais que leurs éléments caractéristiques sont peu d’institutionnalité, peu d’institutions, un poids léger d’instruction, un message facile, simple, compréhensible, apparemment concret et ensuite – comme vous l’avez dit – une liturgie participative avec l’expression de ses propres sentiments, de sa propre culture et aussi des combinaisons syncrétistes entre religions. Tout ceci garantit, d’une part, du succès, mais implique aussi peu de stabilité. Nous savons aussi que beaucoup reviennent à l’Église catholique ou passent d’une de ces communautés à l’autre. Par conséquent, nous ne devons pas imiter ces communautés, mais nous demander ce que nous pouvons faire nous pour donner une nouvelle vitalité à la foi catholique. Et je dirais qu’un premier point est certainement un message simple, profond, compréhensible ; il est important que le christianisme n’apparaisse pas comme un système difficile, européen, que quelqu’un d’autre ne peut pas comprendre et réaliser, mais comme un message universel que Dieu existe, que Dieu nous concerne, que Dieu nous connaît et nous aime et que la religion concrète provoque collaboration et fraternité. Donc un message simple et concret est très important. Ensuite, il est toujours très important que l’institution ne soit pas trop lourde, que, disons, l’initiative de la communauté et de la personne soit dominante. Et je dirais aussi une liturgie participative, mais non sentimentale : elle ne doit pas être fondée seulement sur l’expression des sentiments, mais caractérisée par la présence du mystère dans laquelle nous entrons, par laquelle nous nous laissons façonner. Et enfin je dirais qu’il est important dans l’inculturation de ne pas perdre l’universalité. Je préfèrerais parler d’interculturalité plutôt que d’inculturation, c’est-à-dire d’une rencontre des cultures dans la vérité commune de notre être humain, dans notre temps, et ainsi grandir dans la fraternité universelle ; ne pas perdre cette grande chose qu’est la catholicité, que dans toutes les parties du monde nous sommes frères, nous sommes une famille qui se connaît et qui collabore en esprit de fraternité.

P. Lombardi : Sainteté, au cours des dernières décennies il y a eu en terre africaine de nombreuses opérations de peace-keeping, des conférences pour les reconstructions nationales, des commissions de vérité et réconciliation avec des résultats parfois bons et parfois décevants. Durant l’assemblée synodale, les évêques ont eu des paroles fortes sur les responsabilités des hommes politiques dans les problèmes du continent. Quel message pensez-vous adresser aux responsables politiques de l’Afrique, et quelle est la contribution spécifique que l’Église peut apporter à la construction d’une paix durable dans le continent ?

Saint-Père : Le message se trouve dans le texte que je remettrai à l’Église en Afrique : je ne peux pas le résumer maintenant en quelques paroles. Il est vrai qu’il y a eu de nombreuses conférences internationales justement pour l’Afrique, pour la fraternité universelle. Il se dit de bonnes choses, et quelquefois aussi de bonnes choses se font réellement : nous devons le reconnaître ; mais certainement les paroles sont plus grandes, les intentions et même la volonté sont plus grandes que la réalisation et nous devons nous demander pourquoi la réalité ne correspond pas aux paroles et aux intentions. Il me semble qu’un facteur fondamental est que ce renouveau, cette fraternité universelle exigent des renoncements, exigent aussi de dépasser l’égoïsme et d’être pour l’autre. Et ceci est facile à dire mais difficile à réaliser. L’homme, comme il est après le péché originel, veut se posséder lui-même, avoir la vie et non donner la vie. Ce que j’ai, je voudrais le conserver. Mais avec cette mentalité, selon laquelle je ne veux pas donner, mais avoir, naturellement les grandes intentions ne peuvent pas fonctionner. Et c’est seulement avec l’amour et la connaissance d’un Dieu qui nous aime, qui nous donne, que nous pouvons arriver à ceci : nous osons perdre notre vie, nous osons nous donner parce que nous savons que c’est justement ainsi que nous y gagnons. Ensuite, aujourd’hui les détails qui se trouvent dans le document du Synode concernent cette position fondamentale : en aimant Dieu et en étant en amitié avec ce Dieu qui se donne, nous aussi nous pouvons oser et implorer donner, non seulement avoir ; renoncer, être pour l’autre, perdre notre vie dans la certitude que oui, justement ainsi, nous la gagnons.

P. Lombardi : Sainteté, à l’ouverture du Synode africain à Rome, vous avez parlé de l’Afrique comme d’un grand « poumon spirituel pour une humanité en crise de la foi et de l’espérance ». Pensant aux grands problèmes de l’Afrique, cette expression apparaît presque déconcertante. En quel sens pensez-vous vraiment que de l’Afrique puissent venir foi et espérance pour le monde ? Pensez-vous aussi à un rôle de l’Afrique dans l’évangélisation du reste du monde ?

1359 Saint-Père : Naturellement l’Afrique a de grands problèmes et des difficultés, toute l’humanité a de grands problèmes. Si je pense à ma jeunesse, c’était un monde totalement différent de celui d’aujourd’hui et quelquefois je pense vivre sur une autre planète par rapport à quand j’étais enfant. Ainsi l’humanité se trouve dans un processus toujours plus rapide de transformation. Pour l’Afrique ce processus des dernières 50-60 années – depuis l’indépendance, après la colonisation, jusqu’à aujourd’hui – a été un processus très exigeant, naturellement très difficile, avec de grandes difficultés et des problèmes, et ces problèmes ne sont pas encore résolus. Avec ce processus de l’humanité les difficultés continuent aussi. Toutefois cette fraîcheur du oui à la vie qu’il y a en Afrique, cette jeunesse qui existe, qui est pleine d’enthousiasme et d’espérance, et aussi d’humour et de joie, nous montre qu’ici il y a une réserve humaine, il y a encore une fraîcheur du sens religieux et de l’espérance ; il y a encore une perception de la réalité métaphysique, de la réalité dans sa totalité avec Dieu : il n’y a pas cette réduction au positivisme, qui rétrécit notre vie, la rend un peu aride, et qui éteint aussi l’espérance. Je dirais donc qu’un humanisme frais qui se trouve dans l’âme jeune de l’Afrique, malgré tous les problèmes qui existent et qui existeront, montre qu’ici il y a encore une réserve de vie et de vitalité pour l’avenir, sur laquelle nous pouvons compter.

P. Lombardi : Une dernière question, Sainteté, revenons un instant sur un point que vous avez touché parmi les motifs de ce voyage vers le Bénin : nous savons que dans ce voyage le souvenir de la figure du cardinal Gantin a une place très importante. Vous l’avez très bien connu : il a été votre prédécesseur comme Doyen du Sacré Collège et l’estime qui l’entoure universellement est très grande. Voulez-vous nous donner encore un bref témoignage personnel sur lui ?

Saint-Père : J’ai vu le cardinal Gantin pour la première fois à mon ordination comme archevêque de Munich en 77. Il était venu parce qu’un de ses élèves était mon disciple : ainsi idéalement existait déjà entre nous une amitié, sans nous être encore vus. En ce jour important de mon ordination épiscopale il a été beau pour moi de rencontrer ce jeune Évêque africain, plein de foi, de joie et de courage. Ensuite nous avons énormément collaboré, surtout quand il était Préfet de la Congrégation pour les Évêques et puis au Sacré Collège. J’ai toujours admiré son intelligence pratique et profonde; son sens du discernement pour ne pas tomber dans certaines phraséologies mais pour comprendre ce qui était l’essentiel et ce qui n’avait pas de sens. Et puis son vrai sens de l’humour qui était très beau. Et surtout c’était un homme d’une foi profonde et de prière. Tout ceci a fait du cardinal Gantin non seulement un ami, mais aussi un exemple à suivre, un grand Évêque africain, catholique. Je suis vraiment heureux de pouvoir maintenant prier sur sa tombe et sentir sa proximité et sa grande foi, qui le rend – toujours pour moi – un exemple et un ami.

P. Lombardi : Merci, Sainteté. Si vous me permettez, j’ajoute que « votre disciple » qui avait invité le cardinal Gantin est présent aussi ici avec nous dans ce voyage, parce que c’est Mgr Barthélémy Adoukonou et lui aussi est donc présent à ce si beau moment. Alors, nous vous remercions de ce temps que vous nous avez donné. Nous vous souhaitons un bon voyage et, comme d’habitude, nous chercherons à collaborer à une bonne diffusion de vos messages pour l’Afrique au cours de ces jours. Merci encore et au revoir.


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international "Card. Bernardin Gantin" de Cotonou Vendredi 18 novembre 2011
[Vidéo]




Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Cardinaux,
Monsieur le Président de la Conférence Épiscopale du Bénin,
Autorités civiles, ecclésiales et religieuses présentes,
Chers amis,

1360 Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos chaleureuses paroles d’accueil. Vous savez l’affection que je porte à votre continent et à votre pays. Je désirais revenir en Afrique, et une triple motivation m’a été fournie pour réaliser ce voyage apostolique. Il y a tout d’abord, Monsieur le Président, votre aimable invitation à visiter votre pays. Votre initiative est allée de pair avec celle de la Conférence épiscopale du Bénin. Elles sont heureuses, car elles se situent dans l’année où le Bénin célèbre le 40ème anniversaire de l’établissement de ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ainsi que le 150ème anniversaire de son évangélisation. Étant parmi vous, j’aurai l’occasion de faire d’innombrables rencontres. Je m’en réjouis. Elles seront toutes différentes et elles culmineront dans l’Eucharistie que je célébrerai avant mon départ.

Se réalise également mon désir de remettre sur le sol africain l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus. Ses réflexions guideront l’action pastorale de nombreuses communautés chrétiennes durant les prochaines années. Ce document pourra y germer, y grandir et y porter du fruit « à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un », comme le dit l'Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ (
Mt 13,23).

Enfin, il existe une troisième raison qui est plus personnelle ou plus sentimentale. J’ai toujours tenu en haute estime un fils de ce pays, le Cardinal Bernardin Gantin. Durant d’innombrables années, nous avons tous les deux oeuvré, chacun selon ses compétences propres, au service de la même Vigne. Nous avons aidé au mieux mon prédécesseur, le bienheureux Jean-Paul II, à exercer son ministère pétrinien. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer bien des fois, de discuter profondément et de prier ensemble. Le Cardinal Gantin s’était gagné le respect et l’affection de beaucoup. Il m’a donc semblé juste de venir dans son pays natal pour prier sur sa tombe et pour remercier le Bénin d’avoir donné à l’Église ce fils éminent.

Le Bénin est une terre d’anciennes et de nobles traditions. Son histoire est prestigieuse. Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer les Chefs traditionnels. Leur contribution est importante pour construire le futur de ce pays. Je désire les encourager à contribuer par leur sagesse et leur intelligence des coutumes, au délicat passage qui s’opère actuellement entre la tradition et la modernité.

La modernité ne doit pas faire peur, mais elle ne peut se construire sur l’oubli du passé. Elle doit être accompagnée avec prudence pour le bien de tous en évitant les écueils qui existent sur le continent africain et ailleurs, par exemple la soumission inconditionnelle aux lois du marché ou de la finance, le nationalisme ou le tribalisme exacerbé et stérile qui peuvent devenir meurtriers, la politisation extrême des tensions interreligieuses au détriment du bien commun, ou enfin l’effritement des valeurs humaines, culturelles, éthiques et religieuses. Le passage à la modernité doit être guidé par des critères sûrs qui se basent sur des vertus reconnues, celles qu’énumère votre devise nationale, mais également celles qui s’ancrent dans la dignité de la personne, la grandeur de la famille et le respect de la vie. Toutes ces valeurs sont en vue du bien commun qui seul doit primer, et qui seul doit constituer la préoccupation majeure de tout responsable. Dieu fait confiance à l’homme et il désire son bien. C’est à nous de Lui répondre avec honnêteté et justice à la hauteur de sa confiance.

L’Église, pour sa part, apporte sa contribution spécifique. Par sa présence, sa prière et ses différentes oeuvres de miséricorde, spécialement dans le domaine éducatif et sanitaire, elle souhaite donner ce qu’elle a de meilleur. Elle veut se montrer proche de celui qui est dans le besoin, de celui qui cherche Dieu. Elle désire faire comprendre que Dieu n’est pas inexistant ou inutile comme on cherche à le faire croire, mais qu’Il est l’ami de l’homme. C’est dans cet esprit d’amitié et de fraternité que je viens dans votre pays, Monsieur le Président.

(en fon) AC? MAWU T?N NI K?N DO BENIN TO ? BI JI (Que Dieu bénisse le Bénin!)


Discours 2005-2013 10111