Discours 2005-2013 1360


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

VISITE À LA CATHÉDRALE DE COTONOU

Cotonou Vendredi 18 novembre 2011
[Vidéo]




Messieurs les Cardinaux,
1361 Monseigneur l’Archevêque et chers frères dans l’Épiscopat,
Monsieur le Recteur de la cathédrale,
chers frères et soeurs,

L’hymne antique, le Te Deum, que nous venons de chanter exprime notre louange au Dieu trois fois saint qui nous rassemble dans cette belle cathédrale Notre-Dame de la Miséricorde. Nous rendons hommage avec reconnaissance aux anciens archevêques qui y reposent : Monseigneur Christophe Adimou et Monseigneur Isidore de Sousa. Ils ont été de valeureux ouvriers dans la Vigne du Seigneur, et leur mémoire reste encore vivante dans le coeur des catholiques et de nombreux Béninois. Ces deux Prélats étaient, chacun à sa manière, des pasteurs pleins de zèle et de charité. Ils se sont dépensés sans compter au service de l’Évangile et du peuple de Dieu, surtout des personnes les plus vulnérables. Vous savez tous que Monseigneur de Sousa a été un ami de la vérité et qu’il a joué un rôle déterminant dans la transition démocratique de votre pays.

Alors que nous louons Dieu pour les merveilles dont il ne cesse de combler l’humanité, je vous invite à méditer un instant sur sa miséricorde infinie. Cette cathédrale s’y prête providentiellement. L’Histoire du Salut, qui culmine dans l’Incarnation de Jésus et trouve son accomplissement plénier dans le Mystère pascal, est une révélation éclatante de la miséricorde de Dieu. Dans le Fils est rendu visible le «Père des miséricordes » (
2Co 1,3), qui, toujours fidèle à sa paternité, « se penche sur chaque enfant prodigue, sur chaque misère humaine, et surtout sur chaque misère morale, sur le péché » (Jean-Paul II, Dives in misericordia DM 6). La miséricorde divine ne consiste pas seulement en la rémission de nos péchés; elle consiste aussi dans le fait que Dieu, notre Père, nous ramène, parfois non sans douleur ni affliction ni crainte de notre part, sur le chemin de la vérité et de la lumière, car il ne veut pas que nous nous perdions (cf. Mt 18,14 Jn 3,16). Cette double expression de la miséricorde divine montre combien Dieu est fidèle à l’alliance scellée avec chaque chrétien dans le baptême. En relisant l’histoire personnelle de chacun et celle de l’évangélisation de nos pays, nous pouvons dire à la suite du psalmiste : « Je chanterai sans fin les miséricordes du Seigneur » (Ps 89 [88], 2).

La Vierge Marie a expérimenté au plus haut point le mystère de l’amour divin : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1,50), s’exclame-t-elle dans son Magnificat. Par son OUI à l’appel de Dieu, elle a contribué à la manifestation de l’amour divin parmi les hommes. En ce sens, elle est Mère de Miséricorde par participation à la mission de son Fils; elle a reçu le privilège de pouvoir nous secourir toujours et partout. « Par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse » (Lumen gentium LG 62). Sous l’abri de sa miséricorde, les coeurs meurtris guérissent, les pièges du Malin sont déjoués et les ennemis se réconcilient. En Marie, nous avons non seulement un modèle de perfection, mais aussi une aide pour réaliser la communion avec Dieu et avec nos frères et nos soeurs. Mère de miséricorde, elle est un guide sûr des disciples de son Fils qui veulent être au service de la justice, de la réconciliation et de la paix. Elle nous indique, avec simplicité et avec un coeur maternel, la seule Lumière et la seule Vérité: son Fils, le Christ Jésus qui conduit l’humanité vers sa pleine réalisation dans son Père. N’ayons pas peur d’invoquer avec confiance celle qui ne cesse de dispenser à ses enfants les grâces divines :

Ô Mère de Miséricorde,
Nous te saluons, Mère du Rédempteur;
Nous te saluons, Vierge glorieuse;
Nous te saluons, notre Reine !

Ô Reine de l’espérance,
1362 Montre-nous le visage de ton divin Fils ;
Guide-nous sur les chemins de la sainteté ;
Donne-nous la joie de ceux qui savent dire Oui à Dieu !

Ô Reine de la paix,
Comble les plus nobles aspirations des jeunes d’Afrique ;
Comble les coeurs assoiffés de justice, de paix et de réconciliation ;
Comble les espoirs des enfants victimes de la faim et de la guerre !

Ô Reine de la justice,
Obtiens-nous l’amour filial et fraternel ;
Obtiens-nous d’être amis des pauvres et des petits ;
Obtiens pour les peuples de la terre l’esprit de fraternité !

1363 Ô Notre Dame d’Afrique,
Obtiens de ton divin Fils la guérison pour les malades, la consolation pour les affligés, le pardon pour les pécheurs ;
Intercède pour l’Afrique auprès de ton divin Fils ;
et obtiens pour toute l’humanité le salut et la paix ! Amen.


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT,

LES REPRÉSENTANTS DES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE, LE CORPS DIPLOMATIQUE ET LES REPRÉSENTANTS DES PRINCIPALES RELIGIONS


Palais présidentiel de Cotonou Samedi 19 novembre 2011
[Vidéo]




Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités civiles, politiques et religieuses,
Mesdames et Messieurs les Chefs de mission diplomatique,
Chers frères dans l’Épiscopat, Mesdames, Messieurs, chers amis,

1364 DOO NUMI ! (salut solennel en fon)Vous avez désiré, Monsieur le Président, m’offrir l’occasion de cette rencontre devant une assemblée prestigieuse de personnalités. C’est un privilège que je sais apprécier, et je vous remercie de grand coeur pour les aimables paroles que vous venez de m’adresser au nom de l’ensemble du peuple béninois. Je remercie également Madame la représentante des Corps Constitués pour ses mots de bienvenue. Je forme les voeux les meilleurs à l’intention de toutes les personnalités présentes qui sont des acteurs de premier ordre, et à différents niveaux, de la vie nationale béninoise.

Souvent, dans mes interventions antérieures, j’ai uni au mot Afrique celui d’espérance. Je l’ai fait à Luanda voici deux ans et déjà dans un contexte synodal. Le mot espérance figure d’ailleurs plusieurs fois dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus que je vais signer tout à l’heure. Lorsque je dis que l’Afrique est le continent de l’espérance, je ne fais pas de la rhétorique facile, mais j’exprime tout simplement une conviction personnelle, qui est également celle de l’Église. Trop souvent, notre esprit s’arrête à des préjugés ou à des images qui donnent de la réalité africaine une vision négative, issue d’une analyse chagrine. Il est toujours tentant de ne souligner que ce qui ne va pas ; mieux encore, il est facile de prendre le ton sentencieux du moralisateur ou de l’expert, qui impose ses conclusions et propose, en fin de compte, peu de solutions adaptées. Il est tout aussi tentant d’analyser les réalités africaines à la manière d’un ethnologue curieux ou comme celui qui ne voit en elles qu’un énorme réservoir énergétique, minéral, agricole et humain facilement exploitable pour des intérêts souvent peu nobles. Ce sont là des visions réductrices et irrespectueuses, qui aboutissent à une chosification peu convenable de l’Afrique et de ses habitants.

J’ai conscience que les mots n’ont pas partout le même sens. Mais, celui d’espérance varie peu selon les cultures. Il y a quelques années déjà, j’ai consacré une Lettre encyclique à l’espérance chrétienne. Parler de l’espérance, c’est parler de l’avenir, et donc de Dieu ! L’avenir s’enracine dans le passé et le présent. Le passé, nous le connaissons bien, regrettant ses échecs et saluant ses réalisations positives. Le présent, nous le vivons comme nous le pouvons. Au mieux j’espère, et avec l’aide de Dieu ! C’est sur ce terreau composé de multiples éléments contradictoires et complémentaires qu’il s’agit de construire avec l’aide de Dieu.

Chers amis, je voudrais lire, à la lumière de cette espérance qui doit nous animer, deux réalités africaines qui sont d’actualité. La première se réfère plutôt de manière générale à la vie sociopolitique et économique du continent, la seconde au dialogue interreligieux. Ces réalités nous intéressent tous, car notre siècle semble naître dans la douleur et avoir du mal à faire grandir l’espérance dans ces deux domaines particuliers.

Ces derniers mois, de nombreux peuples ont manifesté leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre harmonieusement dans la différence des ethnies et des religions. Un nouvel État est même né sur votre continent. Nombreux ont été également les conflits engendrés par l’aveuglement de l’homme, par sa volonté de puissance et par des intérêts politico-économiques qui font fi de la dignité des personnes ou de celle de la nature. La personne humaine aspire à la liberté ; elle veut vivre dignement ; elle veut de bonnes écoles et de la nourriture pour les enfants, des hôpitaux dignes pour soigner les malades ; elle veut être respectée ; elle revendique une gouvernance limpide qui ne confonde pas l’intérêt privé avec l’intérêt général ; et plus que tout, elle veut la paix et la justice. En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort. Ces maux affligent certes votre continent, mais également le reste du monde. Chaque peuple veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer à la bonne gouvernance. Nous savons qu’aucun régime politique humain n’est idéal, qu’aucun choix économique n’est neutre. Mais ils doivent toujours servir le bien commun. Nous nous trouvons donc en face d’une revendication légitime qui touche tous les pays, pour plus de dignité, et surtout pour plus d’humanité. L’homme veut que son humanité soit respectée et promue. Les responsables politiques et économiques des pays se trouvent placés devant des décisions déterminantes et des choix qu’ils ne peuvent plus éviter.

De cette tribune, je lance un appel à tous les responsables politiques et économiques des pays africains et du reste du monde. Ne privez pas vos peuples de l’espérance ! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse ! Cette sagesse vous fera comprendre qu’étant les promoteurs de l’avenir de vos peuples, il faut devenir de vrais serviteurs de l’espérance. Il n’est pas facile de vivre la condition de serviteur, de rester intègre parmi les courants d’opinion et les intérêts puissants. Le pouvoir, quel qu’il soit, aveugle avec facilité, surtout lorsque sont en jeu des intérêts privés, familiaux, ethniques ou religieux. Dieu seul purifie les coeurs et les intentions.

L’Église n’apporte aucune solution technique et n’impose aucune solution politique. Elle répète : n’ayez pas peur ! L’humanité n’est pas seule face aux défis du monde. Dieu est présent. C’est là un message d’espérance, une espérance génératrice d’énergie, qui stimule l’intelligence et donne à la volonté tout son dynamisme. Un ancien archevêque de Toulouse, le Cardinal Saliège disait : « Espérer, ce n’est pas abandonner ; c’est redoubler d’activité ». L’Église accompagne l’État dans sa mission ; elle veut être comme l’âme de ce corps en lui indiquant inlassablement l’essentiel : Dieu et l’homme. Elle désire accomplir, ouvertement et sans crainte, cette tâche immense de celle qui éduque et soigne, et surtout de celle qui prie sans cesse (cf.
Lc 18,1), qui montre où est Dieu (cf. Mt 6,21) et où est l’homme véritable (cf. Mt 20,26 et Jn 19,5). Le désespoir est individualiste. L’espérance est communion. N’est-ce pas là une voie splendide qui nous est proposée ? J’y invite tous les responsables politiques, économiques, ainsi que le monde universitaire et celui de la culture. Soyez, vous aussi, des semeurs d’espérance !

Je voudrais maintenant aborder le second point, celui du dialogue interreligieux. Il ne me semble pas nécessaire de rappeler les récents conflits nés au nom de Dieu, et les morts données au nom de Celui qui est la Vie. Toute personne de bon sens comprend qu’il faut toujours promouvoir la coopération sereine et respectueuse des diversités culturelles et religieuses. Le vrai dialogue interreligieux rejette la vérité humainement égocentrique, car la seule et unique vérité est en Dieu. Dieu est la Vérité. De ce fait, aucune religion, aucune culture ne peut justifier l’appel ou le recours à l’intolérance et à la violence. L’agressivité est une forme relationnelle assez archaïque qui fait appel à des instincts faciles et peu nobles. Utiliser les paroles révélées, les Écritures Saintes ou le nom de Dieu, pour justifier nos intérêts, nos politiques si facilement accommodantes, ou nos violences, est une faute très grave.

Je ne peux connaître l’autre que si je me connais moi-même. Je ne peux l’aimer, que si je m’aime moi-même (cf. Mt 22,39). La connaissance, l’approfondissement et la pratique de sa propre religion sont donc essentielles au vrai dialogue interreligieux. Celui-ci ne peut que commencer par la prière personnelle sincère de celui qui désire dialoguer. Qu’il se retire dans le secret de sa chambre intérieure (cf. Mt 6,6) pour demander à Dieu la purification du raisonnement et la bénédiction pour la rencontre désirée. Cette prière demande aussi à Dieu le don de voir dans l’autre un frère à aimer, et dans la tradition qu’il vit, un reflet de la vérité qui illumine tous les hommes (Nostra Aetate NAE 2). Il convient donc que chacun se situe en vérité devant Dieu et devant l’autre. Cette vérité n’exclut pas, et elle n’est pas une confusion. Le dialogue interreligieux mal compris conduit à la confusion ou au syncrétisme. Ce n’est pas ce dialogue qui est recherché.

Malgré les efforts accomplis, nous savons aussi que, parfois, le dialogue interreligieux n’est pas facile, ou même qu’il est empêché pour diverses raisons. Cela ne signifie en rien un échec. Les formes du dialogue interreligieux sont multiples. La coopération dans le domaine social ou culturel peut aider les personnes à mieux se comprendre et à vivre ensemble sereinement. Il est aussi bon de savoir qu’on ne dialogue pas par faiblesse, mais nous dialoguons parce que nous croyons en Dieu, le créateur et le père de tous les hommes. Dialoguer est une manière supplémentaire d’aimer Dieu et le prochain dans l'amour de la vérité (cf. Mt 22,37).

Avoir de l’espérance, ce n’est pas être ingénu, mais c’est poser un acte de foi en Dieu, Seigneur du temps, Seigneur aussi de notre avenir. L’Église catholique met ainsi en oeuvre l’une des intuitions du Concile Vatican II, celle de favoriser les relations amicales entre elle et les membres de religions non-chrétiennes. Depuis des décennies, le Conseil Pontifical qui en a la gestion, tisse des liens, multiplie les rencontres, et publie régulièrement des documents pour favoriser un tel dialogue. L’Église tente de la sorte de réparer la confusion des langues et la dispersion des coeurs nées du péché de Babel (cf. Gn 11). Je salue tous les responsables religieux qui ont eu l’amabilité de venir ici me rencontrer. Je veux les assurer, ainsi que ceux des autres pays africains, que le dialogue offert par l’Église catholique vient du coeur. Je les encourage à promouvoir, surtout parmi les jeunes, une pédagogie du dialogue, afin qu’ils découvrent que la conscience de chacun est un sanctuaire à respecter, et que la dimension spirituelle construit la fraternité. La vraie foi conduit invariablement à l’amour. C’est dans cet esprit que je vous invite tous à l’espérance.

1365 Ces considérations générales s’appliquent de façon particulière à l’Afrique. Sur votre continent, nombreuses sont les familles dont les membres professent des croyances différentes, et pourtant les familles restent unies. Cette unité n’est pas seulement voulue par la culture, mais c’est une unité cimentée par l’affection fraternelle. Il y a naturellement parfois des échecs, mais aussi beaucoup de réussites. Dans ce domaine particulier, l’Afrique peut fournir à tous matière à réflexion et être ainsi une source d’espérance.

Pour finir, je voudrais utiliser l’image de la main. Cinq doigts la composent, et ils sont bien différents. Chacun d’eux pourtant est essentiel, et leur unité forme la main. La bonne entente entre les cultures, la considération non condescendante des unes pour les autres, et le respect des droits de chacune sont un devoir vital. Il faut l’enseigner à tous les fidèles des diverses religions. La haine est un échec, l’indifférence une impasse, et le dialogue une ouverture ! N’est-ce pas là un beau terrain où seront semées des graines d’espérance ? Tendre la main signifie espérer pour arriver, dans un second temps, à aimer. Quoi de plus beau qu’une main tendue ? Elle a été voulue par Dieu pour offrir et recevoir. Dieu n’a pas voulu qu’elle tue (cf. Gn
Gn 4, 1ss) ou qu’elle fasse souffrir, mais qu’elle soigne et qu’elle aide à vivre. À côté du coeur et de l’intelligence, la main peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue. Elle peut faire fleurir l’espérance, surtout lorsque l’intelligence balbutie et que le coeur trébuche.

Selon les Saintes Écritures, trois symboles décrivent l’espérance pour le chrétien : le casque, car il protège du découragement (cf. 1Th 5,8), l’ancre sûre et solide qui fixe en Dieu (cf. Hb He 6,19), et la lampe qui permet d’attendre l’aurore d’un jour nouveau (cf. Lc 12,35-36). Avoir peur, douter et craindre, s’installer dans le présent sans Dieu, ou encore n’avoir rien à attendre, sont autant d’attitudes étrangères à la foi chrétienne (cf. saint Jean Chrysostome, Homélie XIV sur l’Epitre aux Rm 6, PG 45, 941C) et, je crois, à toute autre croyance en Dieu. La foi vit le présent, mais attend les biens futurs. Dieu est dans notre présent, mais il vient aussi de l’avenir, lieu de l’espérance. La dilatation du coeur est non seulement l’espérance en Dieu, mais aussi l’ouverture au souci des réalités corporelles et temporelles pour glorifier Dieu. À la suite de Pierre dont je suis le successeur, je souhaite que votre foi et votre espérance soient en Dieu (cf. 1P 1,21). C’est là le voeu que je formule pour l’Afrique tout entière, elle qui m’est si chère ! Aie confiance, Afrique, et lève toi ! Le Seigneur t’appelle. Que Dieu vous bénisse ! Merci.


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES SÉMINARISTES,

LES RELIGIEUX, LES RELIGIEUSES ET LES LAÏCS


Cour du Séminaire St Gall - Ouidah Basilique de l’Immaculée Conception Samedi 19 novembre 2011
[Vidéo]




Messieurs les Cardinaux,
Monseigneur N’Koué, responsable de la formation sacerdotale,
chers frères dans l’épiscopat et le sacerdoce,
chers religieux et religieuses,
1366 chers séminaristes et chers fidèles laïcs,

Merci Monseigneur N’Koué pour vos belles paroles, et merci cher séminariste pour les vôtres qui sont si accueillantes et déférentes. C’est une grande joie pour moi de me retrouver au milieu de vous ici, à Ouidah, et plus particulièrement dans ce séminaire mis sous la protection de sainte Jeanne d’Arc et dédié à saint Gall, homme aux vertus éclatantes, moine désireux de perfection, pasteur plein de douceur et d’humilité. Quoi de plus noble que d’avoir comme modèle sa figure, ainsi que celle de Monseigneur Louis Parisot, apôtre infatigable des pauvres et promoteur du clergé local, celle du Père Thomas Moulero, premier prêtre du Dahomey d’antan, et celle du Cardinal Bernardin Gantin, fils éminent de votre terre et humble serviteur de l’Église ?

Notre rencontre de ce matin me donne l’occasion de vous exprimer directement ma gratitude pour votre engagement pastoral. Je rends grâce à Dieu pour votre zèle, malgré les conditions parfois difficiles dans lesquelles vous êtes appelés à témoigner de son amour. Je le remercie pour tant d’hommes et de femmes qui ont annoncé l’Évangile en terre béninoise, comme dans toute l’Afrique.

Tout à l’heure, je vais signer l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus. Il y sera question de paix, de justice et de réconciliation. Ces trois valeurs s’imposent comme un idéal évangélique fondamental à la vie baptismale et elles requièrent une saine acceptation de votre identité de prêtre, de personne consacrée et de fidèle laïc.

Chers prêtres, la responsabilité de la promotion de la paix, de la justice et de la réconciliation, vous incombe d’une manière toute particulière. À cause de l’Ordre sacré reçu et des Sacrements célébrés, vous êtes appelés en effet à être des hommes de communion. De même que le cristal ne retient pas la lumière, mais la réfléchit et la redonne, de même le prêtre doit laisser transparaître ce qu’il célèbre et ce qu’il reçoit. Je vous encourage donc à laisser transparaître le Christ dans votre vie par une vraie communion avec l’Évêque, par une réelle bonté pour vos confrères, par une profonde sollicitude pour chaque baptisé et par une grande attention pour toute personne. En vous laissant modeler par le Christ, vous ne substituerez jamais à la beauté de votre être sacerdotal des réalités éphémères parfois malsaines que la mentalité contemporaine tente d’imposer à toutes les cultures. Je vous exhorte, chers prêtres, à ne pas sous-estimer la grandeur insondable de la grâce divine déposée en vous et qui vous habilite à vivre au service de la paix, de la justice et de la réconciliation.

Chers religieux et religieuses, de vie active ou contemplative, la vie consacrée est une suite radicale de Jésus. Que votre choix inconditionnel du Christ vous conduise à un amour sans frontière pour le prochain! La pauvreté et la chasteté vous rendent vraiment libres pour obéir inconditionnellement au seul Amour qui, quand il vous saisit, vous porte à le répandre partout. Pauvreté, obéissance et chasteté creusent en vous la soif de Dieu et la faim de sa Parole, qui, en grandissant, se muent en faim et soif pour servir le prochain en mal de justice, de paix et de réconciliation. Fidèlement vécus, les conseils évangéliques vous transforment en frère universel ou en soeur de tous, et vous aident à marcher résolument sur la voie de la sainteté. Vous y arriverez si, convaincus que, pour vous, vivre, c’est le Christ (cf.
Ph 1,21), vous faites de vos communautés des reflets de la gloire de Dieu et des lieux où vous n’avez de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel (cf. Rm 13,8). Par vos charismes propres vécus avec un esprit d’ouverture à la catholicité de l’Église, vous pourrez contribuer à une expression harmonieuse de l’immensité des dons divins au service de toute l’humanité !

M’adressant maintenant à vous, chers séminaristes, je vous encourage à vous mettre à l’école du Christ pour acquérir les vertus qui vous aideront à vivre le sacerdoce ministériel comme le lieu de votre sanctification. Sans la logique de la sainteté, le ministère n’est qu’une simple fonction sociale. La qualité de votre vie future dépend de la qualité de votre relation personnelle avec Dieu en Jésus-Christ, de vos sacrifices, de l’heureuse intégration des exigences de votre formation actuelle. Face aux défis de l’existence humaine, le prêtre d’aujourd’hui comme celui de demain - s’il veut être un témoin crédible au service de la paix, de la justice et de la réconciliation - doit être un homme humble et équilibré, sage et magnanime. Après 60 ans de vie sacerdotale, je peux vous confier, chers séminaristes, que vous ne regretterez pas d’avoir accumulé durant votre formation des trésors intellectuels, spirituels et pastoraux.

Quant à vous, chers fidèles laïcs qui, au coeur des réalités quotidiennes de la vie, êtes appelés à être le sel de la terre et la lumière du monde, je vous exhorte à renouveler vous aussi votre engagement pour la justice, la paix et la réconciliation. Cette mission requiert d’abord une foi en la famille bâtie selon le dessein de Dieu et une fidélité à l’essence même du mariage chrétien. Elle exige aussi que vos familles soient comme de véritables « églises domestiques ». Grâce à la force de la prière, « la vie personnelle et familiale se transforme et s’améliore, le dialogue s’enrichit, la foi se transmet aux enfants, la joie d’être ensemble s’amplifie, le foyer se rassemble et se consolide sans cesse » (Message pour la rencontre mondiale des familles à Mexico , le LE 17 janvier 2009, n. 3). En faisant régner dans vos familles l’amour et le pardon, vous contribuerez à l’édification d’une Église belle et forte, et à l’avènement de plus de justice et de paix dans la société entière. En ce sens, je vous encourage, chers parents, à avoir un respect profond pour la vie et à témoigner devant vos enfants de valeurs humaines et spirituelles. Et il me plaît de rappeler ici que, voici 10 ans, le Pape Jean-Paul II a fondé à Cotonou une section pour l’Afrique francophone de l’Institut qui porte son nom, afin de contribuer à la réflexion théologique et pastorale sur le mariage et la famille. Enfin, j’exhorte spécialement les catéchistes, ces vaillants missionnaires au coeur des réalités les plus humbles, à offrir toujours, avec une espérance et une détermination indéfectibles, leur aide singulière et absolument nécessaire à l’expansion de la foi dans la fidélité à l’enseignement de l’Église (cf. Ad gentes AGD 17).

Pour conclure mon entretien avec vous, je voudrais vous exhorter tous à une foi authentique et vivante, fondement inébranlable d’une vie chrétienne sainte et au service de l’édification d’un monde nouveau. L’amour pour le Dieu révélé et pour sa Parole, l’amour pour les sacrements et pour l’Église, sont un antidote efficace contre des syncrétismes qui égarent. Cet amour favorise une juste intégration des valeurs authentiques des cultures dans la foi chrétienne. Il libère de l’occultisme et vainc les esprits maléfiques, car il est mû par la puissance même de la Sainte Trinité. Vécu profondément, cet amour est aussi un ferment de communion qui brise toute barrière, favorisant ainsi l’édification d’une Église dans laquelle il n’y a pas de ségrégation entre les baptisés, car tous ne font qu’un dans le Christ Jésus (cf. Ga 3,28). Avec grande confiance, je compte sur chacun de vous, prêtres, religieux et religieuses, séminaristes et fidèles laïcs, pour faire vivre une telle Église. En gage de ma proximité spirituelle et paternelle, et vous confiant à la Vierge Marie, j’invoque sur vous tous, sur vos familles, les jeunes et les malades, l’abondance des Bénédictions divines !

(en fon) AKLUN? NI K?N F?NU T?N L? DO MI JI (Que le Seigneur vous comble de ses grâces !)


VOYAGE APOSTOLIQUE AU BÉNIN

18-20 NOVEMBRE 2011

VISITE À LA BASILIQUE DE L’IMMACULÉE CONCEPTION DE MARIE DE OUIDAH ET SIGNATURE DE L’EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE, 19 novembre 2011

19111
Ouidah
Samedi 19 novembre 2011



[Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

Je remercie vivement le Secrétaire général du Synode des Évêques, Mgr Nikola Eterovic, pour ses mots de bienvenue et de présentation, ainsi que tous les membres du Conseil Spécial pour l’Afrique qui ont contribué à rassembler les résultats de l’Assise synodale en vue de la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale.

1368 Aujourd’hui, avec la signature de l’Exhortation Africae munus, se conclut la célébration de l’événement synodal. Celui-ci a mis en mouvement l’Église catholique en Afrique qui a prié, réfléchi et débattu sur le thème de la réconciliation, de la justice et de la paix. Dans ce processus, il y a eu une singulière proximité entre le Successeur de Pierre et les Églises particulières en Afrique. Des Évêques, mais aussi des experts, des auditeurs, des invités spéciaux et des délégués fraternels, sont venus à Rome pour célébrer cet important événement ecclésial. Je me suis rendu à Yaoundé, pour offrir l’Instrumentum laboris de l’Assise synodale aux Présidents des Conférences épiscopales et montrer ainsi ma sollicitude envers toutes les populations du continent africain et des îles adjacentes. J’ai maintenant la joie de revenir en Afrique, et plus spécialement au Bénin, pour remettre le Document final des travaux où est reprise la réflexion des Pères synodaux, pour en présenter une vision synthétique, avec divers aspects pastoraux.]

La Deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques a bénéficié de l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa du Bienheureux Jean-Paul II, dans laquelle a été soulignée fortement l’urgence de l’évangélisation du continent, qui ne peut être dissociée de la promotion humaine. Par ailleurs, le concept d’Église-famille de Dieu y a été développé. Ce dernier a produit beaucoup de fruits spirituels pour l’Église catholique et pour l’action d’évangélisation et de promotion humaine qu’elle a mise en oeuvre, pour la société africaine dans son ensemble. En effet, l’Église est appelée à se découvrir toujours plus comme une famille. Pour les chrétiens, il s’agit de la communauté des croyants qui loue Dieu Un et Trine, célèbre les grands mystères de notre foi et anime avec charité les rapports entre les personnes, les groupes et les nations, au-delà des diversités ethniques, culturelles et religieuses. Dans ce service rendu à chaque personne, l’Église est ouverte à la collaboration avec toutes les composantes de la société, en particulier avec les représentants des Églises et des Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique, tout comme avec les représentants des religions non chrétiennes, surtout ceux des Religions Traditionnelles et de l’Islam.

Prenant en compte cet horizon ecclésial, la Deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique s’est concentrée sur le thème de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il s’agit de points importants pour le monde en général, mais ils acquièrent une actualité toute particulière en Afrique. Il suffit de rappeler les tensions, les violences, les guerres, les injustices, les abus de toutes sortes, nouveaux et anciens, qui ont marqué cette année. Le thème principal concernait la réconciliation avec Dieu et avec le prochain. Une Église réconciliée en son sein et entre tous ses membres pourra devenir signe prophétique de réconciliation au niveau de la société, de chaque pays et du continent tout entier. Saint Paul écrit : « Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation » (
2Co 5,18). Le fondement de cette réconciliation se trouve dans la nature même de l’Église qui est « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain » (LG 1). Sur cette assise, l’Église en Afrique est appelée à promouvoir la paix et la justice.La Porte du Non-retour et celle du Pardon nous rappellent ce devoir et nous poussent à dénoncer et à combattre toute forme d’esclavage.



[Il ne faut jamais se lasser de chercher les voies de la paix ! La paix est un bien des plus précieux ! Pour l’atteindre, il faut avoir le courage de la réconciliation qui vient du pardon, de la volonté de recommencer la vie commune, de la vision solidaire de l’avenir, de la persévérance pour dépasser les difficultés. Réconciliés et en paix avec Dieu et le prochain, les hommes peuvent oeuvrer pour une plus grande justice au sein de la société. Il ne faut pas oublier que la première justice selon l’Évangile est d’accomplir la volonté de Dieu. De cette option de base proviennent d’innombrables initiatives visant à promouvoir la justice en Afrique, et le bien de tous les habitants du continent, surtout de ceux qui sont les plus démunis et qui ont besoin d’emplois, d’écoles et d’hôpitaux.

Afrique, terre d’une Nouvelle Pentecôte, aie confiance en Dieu ! Animée par l’Esprit de Jésus-Christ ressuscité, deviens la grande famille de Dieu, généreuse avec tous tes fils et filles, acteurs de réconciliation, de paix et de justice ! Afrique, Bonne Nouvelle pour l’Église, deviens-le pour le monde entier ! Merci !]


Discours 2005-2013 1360