Discours 2005-2013 1380

1380 Chers frères et soeurs,

C’est avec une grande joie et une grande émotion que je suis ce matin parmi vous pour une visite qui se situe de façon appropriée à quelques jours de la célébration de la Nativité du Seigneur. J’adresse une salutation chaleureuse à tous, en particulier au ministre de la justice, Mme Paola Severino, et aux aumôniers, que je remercie pour leurs paroles de bienvenue, qui m’ont été adressées aussi en votre nom. Je salue M. Carmelo Cantone, directeur de la Maison d’arrêt, et ses collaborateurs, la police pénitentiaire, et les bénévoles qui se prodiguent pour les activités de cet institut. Et je vous salue de façon spéciale vous tous, détenus, en vous manifestant ma proximité.

«J’étais prisonnier et vous êtes venus me voir» (
Mt 25,36). Telles sont les paroles du jugement dernier, rapporté par l’évangéliste Matthieu, et ces paroles du Seigneur, dans lesquelles Il s’identifie avec les détenus, expriment pleinement le sens de ma visite d’aujourd’hui parmi vous. Partout où il y a quelqu’un qui a faim, un étranger, un malade, un prisonnier, là se trouve le Christ lui-même qui attend notre visite et notre aide. C’est la raison principale qui fait que je suis heureux d’être ici pour prier, dialoguer et écouter. L’Eglise a toujours reconnu, parmi les oeuvres de miséricorde corporelle, la visite aux prisonniers (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, CEC 2447). Et celle-ci, pour être complète, requiert la pleine capacité d’accueillir le détenu, «en lui faisant de la place dans notre temps, nos maisons, nos amitiés, nos lois, nos villes (cf. CEI, Evangélisation et témoignage de la charité, n. 39). Je voudrais en effet pouvoir écouter les histoires personnelles de chacun, or cela ne m’est malheureusement pas possible; mais je suis venu vous dire simplement que Dieu vous aime d’un amour infini, et que vous êtes toujours des fils de Dieu. Le Fils unique de Dieu lui-même, le Seigneur Jésus, a fait l’expérience de la prison, il a été soumis à un jugement devant un tribunal, et il a subi la condamnation la plus terrible, à la peine capitale.

A l’occasion de mon récent voyage apostolique au Bénin, en novembre dernier, j’ai signé une Exhortation apostolique post-synodale dans laquelle j’ai rappelé l’attention de l’Eglise pour la justice dans les Etats, en écrivant: «Il est urgent que soient donc mis en place des systèmes judiciaires et carcéraux indépendants, pour rétablir la justice et pour rééduquer les coupables. Il faut aussi bannir les cas d’erreurs de justice et les mauvais traitements des prisonniers, les nombreuses occasions de non-application de la loi qui correspondent à une violation des droits humains et les incarcérations qui n’aboutissent que tardivement ou jamais à un procès. L’Eglise […] reconnaît sa mission prophétique vis-à-vis de tous ceux et celles qui sont touchés par la criminalité et leur besoin de réconciliation, de justice et de paix. Les prisonniers sont des personnes humaines qui méritent, malgré leur crime, d’être traitées avec respect et dignité. Ils ont besoin de notre sollicitude» (n. 83).

Chers frères et soeurs, la justice humaine et la justice divine sont très différentes. Certes, les hommes ne sont pas en mesure d’appliquer la justice divine, mais ils doivent au moins regarder vers elle, chercher à saisir l’esprit profond qui l’anime, afin qu’elle illumine aussi la justice humaine, pour éviter — comme cela est hélas souvent le cas — que le détenu ne devienne un exclu. En effet, Dieu est celui qui proclame la justice avec force, mais qui, en même temps, soigne les blessures avec le baume de la miséricorde.

La parabole de l’Evangile de Matthieu (20, 1-16) sur les travailleurs embauchés à la journée dans la vigne, nous fait comprendre en quoi consiste cette différence entre la justice humaine et la justice divine, parce qu’elle rend explicite le rapport délicat entre justice et miséricorde. La parabole décrit un agriculteur qui embauche des ouvriers dans sa vigne. Mais il le fait à différentes heures du jour, si bien que l’un travaille toute la journée et l’autre seulement une heure. Au moment de remettre le salaire, le patron suscite la stupéfaction et fait naître une discussion entre les ouvriers. La question porte sur la générosité — considérée par les personnes présentes comme une injustice — du propriétaire de la vigne, qui décide de donner la même paye aux travailleurs du matin et aux derniers travailleurs de l’après-midi. Dans une optique humaine, cette décision est une authentique injustice, dans l’optique de Dieu, c’est un acte de bonté, parce que la justice divine donne à chacun ce qui lui revient, et comprend, en outre, la miséricorde et le pardon.

Justice et miséricorde, justice et charité, piliers de la doctrine sociale de l’Eglise, ne sont deux réalités différentes que pour nous les hommes qui distinguons attentivement un acte juste d’un acte d’amour. Pour nous, ce qui est juste est «ce qui est dû à l’autre», tandis que ce qui est miséricordieux est «ce qui est donné par bonté. Mais pour Dieu, il n’en est pas ainsi: en Lui, la justice et la charité coïncident; il n’y a pas d’action juste qui ne soit aussi un acte de miséricorde et de pardon et, dans le même temps, il n’y a pas d’action miséricordieuse qui ne soit parfaitement juste.

Comme la logique de Dieu est éloignée de la nôtre! Comme sa façon d’agir est différente de la nôtre! Le Seigneur nous invite à saisir et à observer le vrai esprit de la loi, pour lui donner son plein accomplissement dans l’amour envers celui qui se trouve dans le besoin. «La charité est donc la Loi dans sa plénitude», écrit saint Paul (Rm 13,10): notre justice sera d’autant plus parfaite qu’elle sera davantage animée par l’amour de Dieu et de nos frères.

Chers amis, le système de réclusion tourne autour de deux fondements, tous deux importants: d’un côté, protéger la société de menaces éventuelles, d’un autre, réintégrer celui qui a commis une erreur sans fouler aux pieds sa dignité et sans l’exclure de la vie sociale. Ces deux aspects ont leur importance et ils visent à ne pas créer ce «fossé» entre la réalité effective de la prison et celle qui est pensée par la loi, qui prévoit comme élément fondamental la fonction ré-éducatrice de la peine et le respect des droits et de la dignité des personnes. La vie humaine appartient à Dieu seul, qui nous l’a donnée, et elle n’est laissée à la merci de personne, pas même de notre libre arbitre! Nous sommes appelés à veiller sur la perle précieuse de notre vie et de celle des autres.

Je sais que la surpopulation et la dégradation des prisons peuvent rendre la réclusion encore plus amère: j’ai reçu plusieurs lettres de détenus qui le soulignent. Il est important que les institutions promeuvent une analyse attentive de la situation dans les prisons aujourd’hui, vérifient les structures, les moyens, le personnel, de façon à ce que les détenus ne purgent pas une «double» peine; et il est important de promouvoir un développement du système carcéral qui, tout en respectant la justice, soit toujours plus adapté aux exigences de la personne humaine, en ayant également recours à des peines qui ne soient pas de réclusion, ou à des modalités différentes de détention.

Chers amis, c’est aujourd’hui le quatrième dimanche de l’Avent. Que la Nativité du Seigneur, désormais proche, allume à nouveau l’espérance et l’amour dans vos coeurs. La naissance du Seigneur Jésus, dont nous ferons mémoire dans quelques jours, nous rappelle la mission d’apporter le salut à tous les hommes, sans exclure personne. Son salut ne s’impose pas, mais nous rejoint à travers les actes d’amour, de miséricorde, et de pardon que nous savons nous-mêmes accomplir. L’Enfant de Bethléem sera heureux lorsque tous les hommes reviendront à Dieu avec un coeur renouvelé. Demandons-lui dans le silence et dans la prière d’être tous libérés de la prison du péché, de la suffisance et de l’orgueil: chacun a en effet besoin de sortir de cette prison intérieure pour être vraiment libéré du mal, des angoisses et de la mort. Seul cet enfant couché dans la crèche est en mesure de donner à tous la plénitude de la libération!

1381 Je voudrais terminer en vous disant que l’Eglise soutient et encourage tout effort visant à garantir à tous une vie digne. Soyez sûrs que je suis proche de chacun de vous, de vos familles, de vos enfants, de vos jeunes, de vos personnes âgées, et que je vous porte tous dans mon coeur devant Dieu. Que le Seigneur vous bénisse, ainsi que votre avenir!



VISITE PASTORALE À LA PRISON ROMAINE DE REBIBBIA

RÉPONSES

AUX QUESTIONS DES DÉTENUS Rebibbia (Rome) Dimanche 18 décembre 2011

Question

Je m’appelle Rocco. Je voulais avant tout vous adresser nos remerciements et mes remerciements personnels pour cette visite que nous apprécions beaucoup et qui revêt, à un moment si dramatique pour les prisons italiennes, un profond contenu de solidarité, d’humanité et de réconfort. Je désire demander à Votre Sainteté si votre geste sera compris dans sa simplicité, notamment par nos hommes politiques et nos gouvernants, afin que soient restituées à tous les derniers, y compris à nous, les détenus, la dignité et l’espérance qui doivent être reconnues à tout être vivant. Une espérance et une dignité indispensables pour reprendre le chemin vers une vie digne d’être vécue.

Réponse

Merci pour vos paroles. Je sens votre affection pour le Saint-Père, et je suis ému par cette amitié, que je sens chez vous tous. Je voudrais dire que je pense souvent à vous et que je prie toujours pour vous, parce que je sais qu’il s’agit d’une condition très difficile qui souvent, au lieu d’aider à renouveler l’amitié avec Dieu et avec l’humanité, empire la situation, également intérieure. Je suis venu surtout pour vous manifester ma proximité personnelle et intime, dans la communion avec le Christ qui vous aime, comme je vous l’ai dit. Mais cette visite, qui veut d’abord être une visite personnelle pour vous, est également un geste public qui rappelle à nos concitoyens, à notre gouvernement, le fait qu’il existe de grands problèmes et difficultés dans les prisons italiennes. Et certainement, le sens de ces prisons est précisément celui d’aider la justice, et la justice implique en premier lieu le respect de la dignité humaine. Elles doivent donc être construites de sorte que la dignité croisse et soit respectée, et que vous puissiez renouveler en vous-mêmes le sens de votre dignité, afin de mieux répondre à notre vocation intime. Nous avons écouté Madame le ministre de la justice, nous avons entendu qu’elle partage vos sentiments, qu’elle connaît toute votre réalité et ainsi, nous pouvons être convaincus que notre gouvernement et les responsables feront le possible pour améliorer cette situation, pour vous aider à réellement trouver ici une réalisation correcte d’une justice qui vous aide à retourner dans la société avec toute la conviction de votre vocation humaine et avec tout le respect qu’exige votre condition humaine. C’est pourquoi, je voudrais, quant à moi, dans la mesure du possible, donner toujours des signes qu’il est important que ces prisons répondent à leur sens de renouveler la dignité humaine et de ne pas entacher cette dignité, et d’améliorer les conditions. Et espérons que le gouvernement ait la possibilité et toutes les possibilités de répondre à cette vocation. Merci.

Question

Je m’appelle Omar. Très Saint-Père, je voudrais te poser un million de questions, que j’ai toujours pensé te poser, mais aujourd’hui, alors que je le pourrais, j’ai du mal à te poser une question. Je suis ému par cet événement, ta visite ici en prison est très forte pour nous détenus chrétiens catholiques; et c’est pourquoi, plus qu’une question, je préfère te demander de nous permettre de nous agripper à toi avec notre souffrance et celle de nos familles, comme à un câble électrique qui communique avec Notre Seigneur. Je t’aime.

Réponse

Moi aussi je t’aime et je suis reconnaissant pour ces paroles qui me vont droit au coeur. Je pense que ma visite montre que je voudrais suivre les paroles du Seigneur qui me touchent toujours, lorsqu’il dit — je l’ai lu dans mon discours — lors du jugement dernier: «Vous m’avez rendu visite en prison et je vous ai attendu». Cette identification du Seigneur avec les détenus crée en nous un sentiment profond d’obligation, et moi-même, je dois me demander: ai-je agi selon cet impératif du Seigneur? Ai-je gardé à l’esprit cette parole du Seigneur? C’est l’un des motifs pour lequel je suis venu, car je sais qu’en vous, le Seigneur m’attend, que vous avez besoin de cette reconnaissance humaine et que vous avez besoin de cette présence du Seigneur qui, lors du jugement dernier, nous interrogera précisément sur ce point et donc, j’espère qu’ici, puisse être toujours plus réalisé le véritable objectif de ces maisons d’arrêt: celui d’aider à se retrouver soi-même, d’aider à aller de l’avant avec soi-même, dans la réconciliation avec soi-même, avec les autres, avec Dieu, pour revenir à nouveau dans la société, et aider au progrès de l’humanité. Le Seigneur vous aidera. Dans mes prières, je suis toujours avec vous. Je sais que c’est pour moi une obligation particulière de prier avec vous, presque de vous «tirer vers le Seigneur», vers le haut, afin que le Seigneur, à travers votre prière, apporte son aide: la prière est une réalité. J’invite également tous les autres à prier, afin qu’il y ait, pour ainsi dire, un câble solide qui vous «tire vers le Seigneur» et nous relie également entre nous, car en allant vers le Seigneur, nous sommes également liés entre nous. Soyez assurés de cette force de ma prière et j’invite également tous les autres à s’unir à vous dans la prière, et trouver ainsi comme une unique cordée qui va vers le Seigneur.

Question

1382 Je m’appelle Alberto. Sainteté, vous semble-t-il juste que, après avoir perdu l’un après l’autre tous les membres de ma famille, à présent que je suis un homme nouveau, et père depuis deux mois d’une splendide petite fille prénommée Gaia, on ne m’accorde pas la possibilité de rentrer chez moi, bien que j’ai amplement payé ma dette à l’égard de la société?

Réponse

Avant tout, félicitations! Je suis heureux que vous soyez père, que vous vous considériez comme un homme nouveau et que vous ayez une splendide petite fille: c’est un don de Dieu. Bien sûr, je ne connais pas les détails de votre cas, mais j’espère que vous pourrez retourner au plus tôt dans votre famille. Vous savez que pour la doctrine de l’Eglise, la famille est fondamentale, il est important que le père puisse prendre sa fille dans ses bras. Et ainsi, je prie et je forme des voeux afin que vous puissiez réellement au plus tôt prendre votre fille dans vos bras, être aux côtés de votre femme et de votre fille pour construire une belle famille et collaborer ainsi également à l’avenir de l’Italie.

Question

Votre Sainteté, je m’appelle Federico, je parle au nom des personnes détenues dans le secteur g14, qui est la section de l’infirmerie. Que peuvent demander des hommes détenus, malades et séropositifs au Pape? A notre Pape, qui porte déjà le poids de toutes les souffrances du monde, demanderont-ils qu’il prie pour eux? Qu’il les pardonne? Qu’il les garde dans son coeur qui est si grand? Oui, c’est cela que nous voudrions vous demander, mais surtout que vous portiez notre voix là où on ne l’entend pas. Nous sommes absents de nos familles, mais pas de la vie, nous sommes tombés et dans notre chute nous avons fait du mal aux autres, mais nous sommes en train de nous relever. On parle trop peu de nous, souvent de manière si agressive qu’on semble vouloir nous éliminer de la société. Cela nous donne l’impression d’être des sous-hommes. Vous êtes le Pape de tous et nous vous prions de faire en sorte que l’on ne nous arrache pas notre dignité en même temps que notre liberté. Pour que le fait d’être reclus ne signifie plus de manière automatique être exclus pour toujours. Votre présence est pour nous un très grand honneur! Nous adressons à tous nos meilleurs voeux pour un saint Noël.

Réponse

Oui, vous m’avez adressé des paroles vraiment mémorables: nous sommes tombés, mais nous sommes ici pour nous relever. Cela est important, ce courage de se relever, d’aller de l’avant avec l’aide du Seigneur et avec l’aide de tous les amis. Vous avez également dit que l’on parle de vous de manière «agressive». Cela est malheureusement vrai, mais je voudrais dire qu’il n’y a pas seulement cela, il y a également d’autres personnes qui parlent bien de vous et qui pensent du bien de vous. Je pense à ma petite famille papale; je suis entouré de quatre «soeurs laïques» et nous parlons souvent de ce problème; elles ont des amis dans différentes prisons, nous recevons également des dons de leur part et nous leur envoyons des dons à notre tour. Cette réalité est donc présente de manière positive dans ma famille et je pense qu’elle l’est dans tant d’autres. Nous devons supporter que certaines personnes parlent de manière «agressive», elles parlent de manière «agressive» également contre le Pape, et, toutefois, nous allons de l’avant. Il me semble important d’encourager tous ceux qui pensent du bien, qui ont le sens de vos souffrances, qui ont le désir de vous aider dans le processus de relèvement, et, disons-le, je chercherai à participer à ce mouvement pour inviter chacun à penser de cette manière juste, non de manière méprisante, mais de manière humaine, en pensant que chacun peut tomber, mais que Dieu veut que tous arrivent jusqu’à Lui, et que nous devons coopérer dans un esprit de fraternité et de reconnaissance également de la propre fragilité, pour qu’ils puissent réellement se relever et aller de l’avant avec dignité et toujours trouver leur propre dignité respectée, pour qu’elle croisse et qu’ils puissent ainsi trouver de la joie dans la vie, car la vie nous est donnée par le Seigneur, qui a une idée à lui. Et si nous reconnaissons cette idée, Dieu est avec nous, et les pas obscurs ont également leur sens, pour nous donner une plus grande connaissance de nous-mêmes, pour nous aider à devenir toujours plus nous-mêmes, davantage des fils de Dieu et être ainsi réellement heureux d’être des hommes, car créés par Dieu, même dans différentes conditions difficiles. Le Seigneur vous aidera et nous sommes proches de vous.

Question

Je m’appelle Gianni, je viens du secteur g8. Votre Sainteté, on m’a appris que le Seigneur voit et lit en nous, je me demande pourquoi l’absolution a été déléguée aux prêtres? Si je la demandais tout seul, dans une pièce, en m’adressant au Seigneur, est-ce qu’il m’absoudrait? Ou bien est-ce que cela serait une absolution de valeur différente? Quelle serait la différence?

Réponse

Oui: c’est effectivement une grande question profonde que vous me présentez. Je dirais deux choses, la première est que, naturellement, si vous vous agenouillez et, avec un véritable amour pour Dieu, vous priez que Dieu vous pardonne, Il vous pardonne. La doctrine de l’Eglise est que si quelqu’un, en se repentant vraiment, c’est-à-dire pas seulement pour éviter les peines, les difficultés, mais par amour du bien, par amour de Dieu, demande pardon, il reçoit le pardon de Dieu. Cela est la première partie. Si je reconnais réellement que j’ai fait du mal, et si en moi l’amour du bien est né à nouveau, la volonté du bien, le repentir pour ne pas avoir répondu à cet amour, et que je demande à Dieu, qui est le Bien, le pardon, Il me le donne. Mais il y a un deuxième élément: le péché n’est pas seulement une chose «personnelle», individuelle, entre Dieu et moi. Le péché a toujours également une dimension sociale, horizontale. Avec mon péché personnel, même peut-être si personne ne le sait, j’ai également porté atteinte à la communion de l’Eglise, j’ai sali la communion de l’Eglise, j’ai sali l’humanité. Et cette dimension sociale, horizontale du péché, exige donc que je sois absous également au niveau de la communauté humaine, de la communauté de l’Eglise, presque de manière corporelle. Cette seconde dimension du péché, qui n’est pas seulement contre Dieu mais qui concerne donc également la communauté, exige le sacrement, et le sacrement est le grand don dans lequel je peux, dans la confession, me libérer de cette chose et où je peux réellement recevoir le pardon, également en vue d’une pleine réadmission dans la communauté de l’Eglise vivante, du Corps du Christ. Et ainsi, en ce sens, l’absolution nécessaire de la part du prêtre, le sacrement, n’est pas une imposition qui — disons — limite la bonté de Dieu, mais, au contraire, elle est une expression de la bonté de Dieu car elle me démontre que concrètement aussi, dans la communion de l’Eglise, j’ai reçu le pardon et je peux recommencer à nouveau. Je dirais donc de garder présentes à l’esprit ces deux dimensions: la dimension verticale, avec Dieu, et la dimension horizontale, avec la communauté de l’Eglise et de l’humanité. L’absolution du prêtre, l’absolution sacramentelle est nécessaire pour m’absoudre réellement de ce lien du mal et me ré-intégrer dans la volonté de Dieu, dans l’optique de Dieu, totalement dans son Eglise, et me donner la certitude, même presque corporelle, sacramentelle: Dieu me pardonne, il me reçoit dans la communauté de ses fils. Je pense que nous devons apprendre à comprendre le sacrement de la pénitence dans ce sens: une possibilité de trouver, presque corporellement la bonté du Seigneur, l’assurance de la réconciliation.

Question

1383 Votre Sainteté, je m’appelle Nwaihim Ndubuisi, du secteur g11. Très Saint-Père, le mois dernier vous vous êtes rendu en visite pastorale en Afrique, dans le petit pays du Bénin, l’un des pays les plus pauvres du monde. J’ai vu la foi et la passion de ces hommes pour Jésus Christ. J’ai vu des personnes souffrir pour différentes raisons: le racisme, la faim, le travail des enfants... Je vous le demande: ils placent leur espérance et leur foi en Dieu et ils meurent au milieu de la pauvreté et des violences. Pourquoi Dieu ne les écoute-t-il pas? Peut-être Dieu n’écoute-t-il que les riches et les puissants qui en revanche n’ont pas la foi? Merci Très Saint-Père.

Réponse

Je voudrais dire tout d’abord que j’ai été très heureux sur votre terre; l’accueil réservé par les africains a été très chaleureux, j’ai senti cette cordialité humaine qui en Europe est un peu voilée, parce que nous avons beaucoup d’autres choses dans notre coeur qui rendent aussi notre coeur un peu plus dur. Là [au Bénin] il y avait une cordialité pour ainsi dire exubérante, j’ai aussi senti la joie de vivre, et cela a été l’une de mes plus belles impressions: malgré la pauvreté et toutes les grandes souffrances que j’ai vues aussi — j’ai salué les lépreux, les malades du sida, etc. —, malgré tous ces problèmes et la grande pauvreté, il y a une joie de vivre, une joie d’être une créature humaine parce qu’il y a une conscience originelle que Dieu est bon et qu’il m’aime, et qu’être un homme c’est être aimé de Dieu. Cela a donc été pour moi l’impression, disons, prépondérante, forte: voir, dans un pays qui souffre, la joie, l’allégresse, plus que dans les pays riches. Et cela me fait aussi penser que dans les pays riches la joie est souvent absente; nous sommes tous entièrement occupés à tant de problèmes: comment faire ceci, comment préparer cela, comment conserver cela, acheter encore. Et avec la masse des choses que nous avons, nous nous éloignons toujours plus de nous-mêmes et de cette expérience originelle que Dieu existe et que Dieu m’est proche. C’est pour cela que je dirais qu’avoir de grandes propriétés et avoir du pouvoir ne rend pas nécessairement heureux, ce n’est pas le plus grand don. Ce peut aussi être, dirais-je, quelque chose de négatif, qui m’empêche de vivre réellement. Les mesures de Dieu, les critères de Dieu, sont différents des nôtres. Dieu donne aussi à ces pauvres la joie, la reconnaissance de sa présence, il fait sentir qu’il est proche d’eux même dans la souffrance, dans les difficultés et, naturellement, il nous appelle tous afin que nous faisions tout pour pouvoir sortir de cette obscurité des maladies, de la pauvreté. C’est une tâche qui nous revient et ainsi, en faisant cela, nous pouvons nous aussi devenir plus heureux. Les deux parties doivent donc se compléter: nous devons aider à ce que l’Afrique aussi, ces pays pauvres, puissent trouver le dépassement de ces problèmes, de la pauvreté, les aider à vivre, et eux peuvent nous aider à comprendre que les choses matérielles n’ont pas le dernier mot. Et nous devons prier Dieu: montre-nous, aide-nous, pour qu’il y ait la justice, pour que tous puissent vivre dans la joie d’être tes fils.

Au terme de l’entretien, un détenu prénommé Stefano, du secteur g11, a lu la prière suivante:

O Dieu, donne-moi le courage de t’appeler Père.
Tu sais que je n’arrive pas toujours à penser à toi avec l’attention que tu mérites.
Ce n’est pas que je t’ai oublié, même si je vis souvent loin de la lumière de ton visage.
Fais sentir ta présence, malgré tout, malgré mon péché, qu’il soit grand ou petit, secret ou public.
Donne-moi la paix intérieure, celle que toi seul sait donner.
Donne-moi la force d’être vrai, sincère; arrache de mon visage les masques qui obscurcissent la conscience que je vaux quelque chose uniquement parce que je suis ton fils. Pardonne mes fautes et donne-moi la possibilité de faire le bien.
Ecourte mes nuits sans sommeil; donne-moi la grâce de la conversion du coeur.
1384 Rappelle-toi, Père, de ceux qui sont hors d’ici et qui m’aiment encore, pour qu’en pensant à eux, je me souvienne que seul l’amour donne la vie, tandis que la haine détruit et la rancoeur transforme en enfer les longues et interminables journées.
Souviens-toi de moi, ô Dieu. Amen.

Après la prière, le Pape a dit:

Chers amis, j’ai dit que nous sommes tous des fils de Dieu, en fils, prions avec notre Père, comme le Seigneur nous a enseigné à prier: Notre Père...

Au terme de sa visite, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes:

Chers amis, je vous remercie chaleureusement pour cet accueil, je vous souhaite à tous un bon Noël. Qu’un peu de la lumière du Seigneur nous arrive. L’Avent est toujours un temps d’attente: nous ne sommes pas encore arrivés, mais nous savons que nous allons vers la lumière et que Dieu nous aime. En ce sens, bon dimanche et aussi joyeux Noël. Mes meilleurs voeux! Merci.






À UNE DÉLÉGATION D'ENFANTS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE, POUR LES VOEUX DE NOËL Salle du Consistoire Lundi 19 décembre 2011

Chers enfants et éducateurs de l’Action catholique des enfants,

Je suis moi aussi très content de vous accueillir et de voir la joie et la vie que vous apportez dans la maison du Pape. Je vous remercie beaucoup des voeux que vous m’avez adressés, également au nom de toute l’Action catholique italienne. Je voudrais ensuite vous dire sincèrement : « Bravo ! » pour l’initiative que vous avez lancée au mois de janvier ; vous démontrez également de cette manière que vous êtes un groupe de garçons et de filles de valeur, car votre attention ne s’arrête pas seulement à vos camarades de classe ou de jeux, mais désire arriver là où tant d’enfants de votre âge ne peuvent pas être en bonne santé et heureux comme vous, car ils manquent du nécessaire pour vivre de manière digne. Vous avez toujours été sensibles envers ceux qui ont besoin d’aide; faites comme Jésus qui ne laissait aucune personne seule avec ses problèmes, mais qui l’accueillait toujours, partageait ses difficultés, l’aidait et lui donnait la force et la paix de Dieu.

Je sais que cette année, vous réfléchissez sur l’invitation adressée à Bartimée : « Lève-toi, il t’appelle ». Vous devez l’entendre chaque jour vous aussi. Lorsque votre mère ou votre père vous réveillent le matin pour aller à l’école, c’est toujours un nouveau : lève-toi !. Parfois, il est vrai, cela n’est pas aussi facile à entendre et la réponse n’est pas toujours immédiate. Quant à moi, je ne vous invite pas seulement à être prêts, mais à voir qu’à l’intérieur de cette parole quotidienne, il y a l’appel de quelqu’un d’autre qui vous aime, il y a un appel de Dieu à la vie, à être des garçons et des filles chrétiens, à commencer un nouveau jour, qui est un de ses grands dons, pour rencontrer de nombreux amis, comme vous l’êtes, pour apprendre, pour faire du bien et aussi pour dire à Jésus: merci pour tout ce que tu me donnes. Le matin, lorsque vous vous levez, rappelez-vous également du grand Ami qu’est Jésus avec une prière. J’espère que vous le faites tous les jours !

1385 L’invitation « Lève-toi, il t’appelle » a déjà été répétée de nombreuses fois dans votre vie et se renouvelle aujourd’hui aussi. Le premier appel, vous l’avez reçu avec le don de la vie ; soyez toujours attentifs à ce grand don, appréciez-le, soyez-en reconnaissants au Seigneur, demandez-lui qu’il donne une vie joyeuse à chaque petit garçon et petite fille du monde : que tous soient respectés, toujours, et que le nécessaire pour vivre ne manque à personne.

Vous avez reçu un autre appel important avec le Baptême, même si vous ne vous en souvenez pas; à ce moment, vous êtes devenus des frères de Jésus, qui vous aime plus que quiconque et qui veut vous aider à grandir. Un autre appel, enfin, a eu lieu lorsque vous avez reçu la communion: en ce jour, l’amitié avec Jésus est devenue profonde et intime, et Il vous accompagne toujours sur le chemin de votre vie. Chers garçons et filles de l’Action catholiques des enfants, répondez avec générosité au Seigneur qui vous appelle à son amitié: il ne vous décevra jamais ! Il pourra vous appeler à être un don d’amour à une personne pour former une famille, ou il pourra vous appeler à faire de votre vie un don pour Lui et pour d’autres, en tant que prêtres, religieuses ou missionnaires. Donnez-lui une réponse courageuse, comme vous avez dit: «Visez haut»; vous en serez heureux pour toute votre vie !

Mais en ce moment, je voudrais également saisir l’occasion pour remercier tous vos éducateurs, en particulier ceux de l’Action catholique, et vos parents; ils sont précieux car ils vous ont aidés et ils vous aident à répondre au Seigneur, à accomplir ce chemin, ils le font même avec vous ! Et je suis particulièrement heureux que notre évêque Mgr Sigalini soit revenu: il était tombé — comme vous le savez — et il était très malade. Mais le Seigneur a besoin de lui. Ainsi, je rends grâce pour son retour.

Chers amis, je voudrais vous demander de faire une chose: apportez aussi à vos camarades cette belle invitation — lève-toi, il t’appelle — et dites-leur: regarde, moi j’ai répondu à l’appel de Jésus et je suis content, parce que j’ai trouvé en Lui un grand Ami, que je rencontre dans la prière, que je vois parmi mes amis, que j’écoute dans l’Evangile. Le Noël que je vous souhaite est celui-ci : lorsque vous ferez la crèche, pensez que vous êtes en train de dire à Jésus : viens dans ma vie et je t’écouterai toujours.

Bon Noël à vous, à votre assistant, qui guérit peu à peu — comme je l’ai dit — d’un grave accident, à votre président et à toute l’Action catholique italienne.





AUX CARDINAUX, À LA CURIE ROMAINE ET À LA FAMILLE PONTIFICALE, POUR LA PRÉSENTATION DES VOEUX DE NOËL Salle Clémentine Jeudi 22 décembre 2011

[Vidéo]


Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

1386 C’est toujours un moment particulièrement intense que nous vivons aujourd’hui. Désormais Noël est proche et pousse aussi la grande famille de la Curie romaine à se retrouver pour accomplir ce beau geste de l’échange des voeux qui renferment le souhait réciproque de vivre dans la joie et avec un véritable fruit spirituel la fête de Dieu qui s’est fait chair et a établi sa demeure au milieu de nous (cf. Jn 1,14). C’est pour moi l’occasion, non seulement de vous présenter mes voeux personnels, mais aussi d’exprimer à chacun de vous mes remerciements et ceux de l’Église pour votre service généreux ; je vous prie de les transmettre également à tous les collaborateurs de notre grande famille. Je remercie de façon particulière le Cardinal Doyen, Angelo Sodano, qui s’est fait l’interprète des sentiments de ceux qui sont présents et de ceux qui travaillent dans les différentes Bureaux de la Curie, du Gouvernorat, y compris ceux qui accomplissent leur ministère dans les Représentations pontificales disséminées dans le monde entier. Nous travaillons tous afin que l’annonce que les anges ont proclamé dans la nuit de Bethléem, « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2,14), retentisse sur toute la terre pour porter la joie et l’espérance.

À la fin de cette année, l’Europe connaît une crise économique et financière qui, en dernière analyse, se fonde sur la crise éthique qui menace le vieux continent. Même si des valeurs comme la solidarité, l’engagement pour les autres, la responsabilité envers les pauvres et ceux qui souffrent sont en général indiscutés, il manque souvent la force stimulante, capable d’inciter les personnes individuelles et les grands groupes sociaux à des renoncements et à des sacrifices. La connaissance et la volonté ne vont pas nécessairement de pair. La volonté qui défend l’intérêt personnel obscurcit la connaissance et la connaissance affaiblie n’est plus en mesure de revigorer la volonté. C’est pourquoi, de cette crise émergent des questions vraiment fondamentales : où est la lumière qui peut éclairer notre connaissance non seulement avec des idées générales, mais avec des impératifs concrets ? Où est la force qui élève notre volonté ? Ce sont des questions auxquelles notre annonce de l’Évangile, la nouvelle évangélisation, doit répondre, afin que le message devienne événement, que l’annonce devienne vie.

La grande thématique de cette année comme aussi des années à venir est en effet : comment annoncer l’Évangile aujourd’hui ? De quelle manière la foi, force vive et vitale, peut-elle devenir aujourd’hui une réalité ? Les événements ecclésiaux de l’année qui est sur le point de se conclure, se rapportent tous, en fin de compte, à ce thème. Il y a eu des voyages en Croatie, en Espagne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse, dans mon pays, l’Allemagne et, enfin, en Afrique, au Bénin, pour la remise du Document post-synodal sur la justice, la paix et la réconciliation, un document dont doit naître une réalité concrète dans les différentes Églises particulières. Les voyages à Venise, à Saint-Marin, à Ancône pour le Congrès eucharistique et en Calabre sont aussi inoubliables. Et, il y a eu enfin l’importante journée de rencontre entre les religions et entre les personnes en recherche de vérité et de paix, à Assise, journée conçue comme un nouvel élan dans le pèlerinage vers la vérité et la paix. L’institution du Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation est en même temps un renvoi par avance au Synode sur le même thème qui aura lieu l’année prochaine. L’Année de la Foi, en mémoire du début du Concile, il y a cinquante ans, s’insère aussi dans ce contexte. Chacun de ces événements a eu ses propres accentuations. En Allemagne, le pays d’origine de la Réforme, la question oecuménique avec toutes ses difficultés et ses espérances a eu bien sûr une importance particulière. Inséparablement liée à celle-ci, revient toujours au centre de la discussion la question : Qu’est ce qu’une réforme de l’Église ? Comment arrive-t-elle ? Quelles sont ses chemins et ses objectifs ? Avec préoccupation, non seulement les croyants, mais aussi les personnes extérieures, observent que les personnes qui vont régulièrement à l’église deviennent toujours plus âgées et que leur nombre diminue continuellement ; qu’il y a une stagnation des vocations au sacerdoce ; que le scepticisme et l’incroyance augmentent. Que devenons donc faire ? Il y a des discussions sans fin sur ce qu’il faut faire pour inverser cette tendance. Et certainement, il faut faire beaucoup de choses ! Mais uniquement le faire ne résout pas le problème. Le centre de la crise de l’Église en Europe est la crise de la foi. Si nous ne trouvons pas une réponse à celle-ci, si la foi ne retrouve pas une nouvelle vitalité, en devenant une conviction profonde et une force réelle grâce à la rencontre de Jésus Christ, toutes les autres réformes resteront inefficaces.

En ce sens, la rencontre en Afrique avec sa joyeuse passion pour la foi a été un grand encouragement. Là ne se percevait aucun signe de cette fatigue de la foi, si répandue parmi nous, rien de cette lassitude de l’être chrétiens toujours à nouveau perceptible chez nous. Avec tous les problèmes, les souffrances et les peines qui assurément se rencontrent justement en Afrique, on expérimentait toujours la joie d’être chrétiens, le fait d’être soutenus par le bonheur intérieur de connaître le Christ et d’appartenir à son Église. De cette joie naissent aussi les énergies pour servir le Christ dans les situations opprimantes de souffrance humaine, pour se mettre à sa disposition sans se replier sur son propre bien-être. Rencontrer cette foi prête au sacrifice, et précisément en cela joyeuse, est un grand remède contre la fatigue du fait d’être chrétiens que nous expérimentons en Europe.

Un remède contre la fatigue de croire a été aussi la magnifique expérience des Journées Mondiales de la Jeunesse à Madrid. Cela a été une nouvelle évangélisation vécue. Dans les Journées Mondiales de la Jeunesse, se dessine toujours plus clairement une nouvelle manière, rajeunie, du fait d’être chrétiens que je voudrais tenter de caractériser en cinq points.

1- En premier lieu, il y a une nouvelle expérience de la catholicité, de l’universalité de l’Église. C’est ce qui a touché tout de suite les jeunes et tous ceux qui étaient présents : nous venons de tous les continents et même si nous ne nous étions jamais vus avant, nous nous connaissons. Nous parlons des langues diverses et nous avons des habitudes de vie différentes, des formes culturelles différentes, et pourtant, nous nous trouvons tout de suite unis ensemble comme une grande famille. Séparation et diversité extérieures sont relativisées. Nous sommes tous touchés par l’unique Seigneur Jésus Christ, dans lequel nous est manifesté l’être véritable de l’homme et, en même temps, le Visage même de Dieu. Nos prières sont les mêmes. En vertu de la même rencontre intérieure avec Jésus Christ, nous avons reçu dans notre être intime la même formation de la raison, de la volonté et du coeur. Et, enfin, la liturgie commune est comme une patrie du coeur et nous unit dans une grande famille. Le fait que tous les êtres humains sont frères et soeurs, est ici non seulement une idée, mais devient une réelle expérience commune qui crée la joie. Et ainsi, nous avons compris aussi très concrètement que, malgré toutes les peines et les obscurités, il est beau d’appartenir à l’Église universelle, à l'Eglise catholique, que le Seigneur nous a donnée.

2- De là provient une nouvelle manière de vivre le fait d’être hommes, le fait d’être chrétiens. Une des expériences les plus importantes de ces journées a été pour moi, la rencontre avec les volontaires des Journées Mondiales de la Jeunesse : ils étaient environ 20.000 jeunes qui, sans exception, avaient mis à disposition des semaines ou des mois de leur vie pour collaborer à la préparation technique et organisationnelle, et au contenu des JMJ. Ils avaient ainsi rendu possible le déroulement harmonieux de l’ensemble. Avec son temps, l’homme donne toujours une partie de sa vie. À la fin, ces jeunes étaient visiblement et « tangiblement » comblés d’une grande sensation de bonheur : leur temps donné avait un sens ; en donnant justement de leur temps et de leurs forces de travail, ils avaient trouvé le temps, la vie. Et alors, une chose fondamentale est devenue évidente pour moi : ces jeunes avaient offert dans la foi une partie de leur vie, non pas parce que cela a été commandé et non pas parce qu’avec cela on gagne le ciel ; non pas non plus parce qu’on échappe ainsi au péril de l’enfer. Ils ne l’avaient pas fait parce qu’ils voulaient être parfaits. Ils ne regardaient pas en arrière, vers eux-mêmes. Il m’est venu à l’esprit, l’image de la femme de Lot qui, regardant en arrière, devint une colonne de sel. Combien de fois la vie des chrétiens est caractérisée par le fait qu’ils regardent surtout vers eux-mêmes, ils font le bien, pour ainsi dire, pour eux-mêmes ! Et combien est grande la tentation pour tous les hommes d’être préoccupés surtout d’eux-mêmes, de regarder en arrière vers eux-mêmes, devenant ainsi intérieurement vides, “des colonnes de sel” ! Ici, au contraire, il ne s’agissait pas de se perfectionner soi-même ou de vouloir avoir sa propre vie pour soi-même. Ces jeunes ont fait du bien – même si cela a été rude et a requis des sacrifices –, simplement parce que faire le bien est beau, être pour les autres est beau. Il suffit seulement d’oser faire le saut. Tout cela est précédé de la rencontre avec Jésus Christ, une rencontre qui allume en nous l’amour pour Dieu et pour les autres et nous libère de la recherche de notre propre “moi”. Une prière attribuée à saint François Xavier dit : Je fais le bien non parce qu’en retour j’entrerai au ciel et non plus parce que tu pourrais m’envoyer en enfer. Je le fais, parce que Tu es Toi, mon Roi et mon Seigneur. J’ai rencontré cette même attitude aussi en Afrique, par exemple chez les soeurs de Mère Teresa qui se dépensent pour les enfants abandonnés, malades, pauvres et souffrants, sans se poser des questions sur elles-mêmes, et pour cela, elles deviennent intérieurement riches et libres. C’est cela l’attitude proprement chrétienne. La rencontre avec les jeunes handicapés à la fondation San José à Madrid demeure aussi inoubliable pour moi, où j’ai rencontré à nouveau la même générosité à se mettre à la disposition des autres – une générosité du don de soi qui, en définitive, naît de la rencontre avec le Christ qui s’est donné lui-même pour nous.

3- Un troisième élément qui, d’une manière toujours plus naturelle et centrale, fait partie des Journées Mondiales de la Jeunesse et de la spiritualité qui en découle, est l’adoration. Inoubliable, demeure pour moi le moment où, durant mon voyage au Royaume-Uni, dans Hyde Park, des dizaines de milliers de personnes, en majorité des jeunes, ont répondu par un silence intense à la présence du Seigneur dans le Très Saint Sacrement, en l’adorant. La même chose est arrivée, dans une moindre mesure, à Zagreb et, de nouveau, à Madrid après la tempête qui menaçait de gâcher l’ensemble de la veillée à cause d’une panne des microphones. Dieu est omniprésent, oui. Mais la présence corporelle du Christ ressuscité est encore quelque chose d’autre, quelque chose de nouveau. Le Ressuscité entre au milieu de nous. Et alors, nous ne pouvons que dire avec l’apôtre Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu ! L’adoration est avant tout un acte de foi – l’acte de foi comme tel. Dieu n’est pas une quelconque hypothèse possible ou impossible sur l’origine de l’univers. Il est là. Et s’Il est présent, je m’incline devant Lui. Alors la raison, la volonté et le coeur s’ouvrent à Lui et à partir de Lui. Dans le Christ ressuscité est présent le Dieu qui s’est fait homme, qui a souffert pour nous parce qu’il nous aime. Nous entrons dans cette certitude de l’amour incarné de Dieu pour nous, et nous le faisons en aimant avec Lui. C’est cela l’adoration, et cela donne ensuite une empreinte à ma vie. C’est seulement ainsi que je peux célébrer aussi l’Eucharistie d’une manière juste et recevoir le Corps du Seigneur avec droiture.

4- Un autre élément important des Journées Mondiales de la Jeunesse est la présence du Sacrement de la Pénitence qui fait partie de l’ensemble avec toujours plus d’évidence. Par là, nous reconnaissons que nous avons continuellement besoin de pardon et que pardon signifie responsabilité. Il existe dans l’homme, provenant du Créateur, la disponibilité à aimer et la capacité de répondre à Dieu dans la foi. Mais il existe aussi, provenant de l’histoire peccamineuse de l’homme (la doctrine de l’Église parle du péché originel), la tendance contraire à l’amour : la tendance à l’égoïsme, à se renfermer sur soi-même, ou plutôt, la tendance au mal. Mon âme est sans cesse souillée par cette force de gravité en moi qui m’attire vers le bas. C’est pourquoi nous avons besoin de l’humilité qui toujours à nouveau demande pardon à Dieu ; qui se laisse purifier et qui réveille en nous la force contraire, la force positive du Créateur, qui nous attire vers le haut.

5- Enfin, comme dernière caractéristique à ne pas négliger dans la spiritualité des Journées mondiales de la jeunesse je voudrais mentionner la joie. D’où vient-elle ? Comment s’explique-t-elle ? Il y a certainement de nombreux facteurs qui agissent ensemble. Mais celui qui est décisif est, à mon avis, la certitude qui provient de la foi : je suis voulu. J’ai une mission dans l'histoire. Je suis accepté, je suis aimé. Josef Pieper, dans son livre sur l’amour, a montré que l’homme peut s’accepter lui-même seulement s’il est accepté de quelqu’un d’autre. Il a besoin qu’il y ait un autre qui lui dise, et pas seulement en paroles : il est bien que tu existes. C’est seulement à partir d’un « tu » que le « je » peut se trouver lui-même. C’est seulement s’il est accepté que le « je » peut s’accepter lui-même. Celui qui n’est pas aimé ne peut pas non plus s’aimer lui-même. Ce fait d’être accueilli vient d’abord de l’autre personne. Mais tout accueil humain est fragile. En fin de compte, nous avons besoin d’un accueil inconditionnel. C’est seulement si Dieu m’accueille et que j’en deviens sûr, que je sais définitivement: il est bien que j’existe. Il est bien d’être une personne humaine. Là où l’homme a moins la perception d’être accueilli par Dieu, d’être aimé de lui, la question de savoir s’il est vraiment bien d’exister comme personne humaine ne trouve plus aucune réponse. Le doute à propos de l’existence humaine devient toujours plus insurmontable. Là où le doute au sujet de Dieu devient dominant, le doute au sujet de l’être même des hommes suit inévitablement et nous voyons aujourd’hui comment ce doute se répand. Nous le voyons dans le manque de joie, dans la tristesse intérieure qui peut se lire sur tant de visages humains. Seule la foi me donne la certitude : il est bien que j’existe. Il est bien d’exister comme personne humaine, même dans des temps difficiles. La foi rend heureux à partir de l’intérieur. C’est une des expériences merveilleuses des Journées mondiales de la Jeunesse.

Cela conduirait trop loin de parler aussi maintenant de façon détaillée de la rencontre d’Assise, comme l’importance de l’événement le mériterait. Remercions simplement Dieu parce que nous – représentants des religions du monde et aussi représentants de la pensée en recherche de la vérité – nous avons pu nous rencontrer ce jour-là dans un climat d’amitié et de respect réciproque, dans l’amour pour la vérité et dans la responsabilité commune pour la paix. Nous pouvons donc espérer que de cette rencontre soit née une nouvelle disponibilité à servir la paix, la réconciliation et la justice.

1387 Enfin, je voudrais vous remercier tous de tout coeur pour votre soutien afin de faire progresser la mission que le Seigneur nous a confiée comme témoins de sa vérité, et je vous souhaite à tous la joie que Dieu, dans l’incarnation de son Fils, a voulu nous donner. Joyeux Noël à vous tous ! Merci.



Discours 2005-2013 1380