Discours 2005-2013 1398

1398 En conclusion de cette réflexion, je souhaite une collaboration étroite et fraternelle de la Congrégation avec le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens compétent, dans le but de promouvoir efficacement le rétablissement de la pleine unité entre tous les chrétiens. La division entre les chrétiens, en effet, non seulement «s’oppose ouvertement à la volonté du Christ [mais] elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature » (Décr. Unitatis redintegratio UR 1). L’unité est donc non seulement le fruit de la foi, mais également un moyen et presque un présupposé pour annoncer de manière toujours plus crédible la foi à ceux qui ne connaissent pas encore le Sauveur. Jésus a prié : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (Jn 17,21).

En renouvelant ma gratitude pour votre service, je vous assure de ma constante proximité spirituelle et je donne de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique. Merci.



Février 2012



AUX MEMBRES DE LA FONDATION JEAN-PAUL II POUR LE SAHEL Salle des Papes Vendredi 10 février 2012

Chers Amis,

C'est pour moi, une joie de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue. Je remercie le Cardinal Sarah, représentant légal de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel en tant que Président du Conseil Pontifical Cor Unum, pour les belles paroles qu’il vient de m’adresser. Je salue le Président du Conseil d'Administration, Monseigneur Bassène, ainsi que vous tous qui coopérez à cette grande oeuvre de charité. Mes salutations et mes remerciements vont également aux représentants des Conférences épiscopales allemande et italienne, qui contribuent de façon importante au fonctionnement de la Fondation.

Dieu s’est fait chair. Y a-t-il jamais eu geste d'amour et de charité plus grand que celui-là ? Tout ce qui se passe aujourd'hui et qui continue de se produire depuis le jour où Dieu s'est fait homme, en est bien le signe. Dieu ne cesse de nous aimer et de s'incarner par son Eglise, dans toutes les parties du monde. Née il y a presque trente ans, et souhaitée par mon bienheureux prédécesseur, la Fondation Jean Paul II pour le Sahel n'a cessé de poursuivre ce but elle-aussi : être signe d'une charité chrétienne qui s'incarne et qui devient témoignage du Christ. La Fondation veut également manifester la présence du Pape auprès de nos frères africains qui vivent au Sahel. C'est l'esprit de cette institution ! Elle a réalisé pendant des années d’innombrables projets pour contrer la désertification. L’existence de cette Fondation démontre la grande humanité de mon bienheureux prédécesseur qui en a eu l’intuition. Mais, cette oeuvre ne sera pleinement efficace que si elle est irriguée par la prière. Car, c’est Dieu seul qui est source et puissance de vie. C’est lui le créateur des eaux (cf. Gn Gn 1,6-9). Malheureusement, le Sahel a été gravement menacé de nouveau pendant ces derniers mois par une diminution importante de ressources alimentaires et par la famine à cause du manque de pluie et de l'avancée constante du désert qui en résulte. J’exhorte la communauté internationale à se pencher sérieusement sur l'extrême pauvreté de ces populations dont les conditions de vie se détériorent. Je désire aussi encourager et soutenir les efforts des organismes ecclésiaux qui oeuvrent dans ce domaine.

La charité doit promouvoir toutes nos actions. Il ne s'agit pas de vouloir faire un monde « sur mesure », mais il s’agit de l'aimer. C'est pourquoi l'Eglise n'a pas comme vocation première de transformer l'ordre politique ou de changer le tissu social. Elle veut apporter la lumière du Christ. C’est lui qui transformera tout et tous. C’est à cause de et pour Jésus-Christ que l’apport chrétien est si spécifique. Dans certains pays que vous représentez, l’islam existe. Je sais que vous entretenez de bons rapports avec les musulmans et je m'en réjouis. Témoigner que le Christ est vivant et que son amour va au-delà de toute religion, race et culture, est important à leur égard aussi.

On décrit de manière réductrice et souvent humiliante, l'Afrique comme le continent des conflits et des problèmes infinis et insolubles. Au contraire, l'Afrique qui accueille aujourd'hui la Bonne Nouvelle, est pour l’Eglise le continent de l'espérance. Pour nous, pour vous, l'Afrique est le continent du futur. Je redis l’exhortation prononcée lors de mon récent voyage au Bénin : « Afrique, Bonne Nouvelle pour l'Eglise, deviens-le pour le monde entier ! ». La Fondation Jean Paul II pour le Sahel en est un grand témoignage.

Pour réaliser cette oeuvre et après 28 ans d'activités, la Fondation a besoin de se remettre à jour et de se renouveler. Elle est aidée en cela par le Conseil Pontifical Cor Unum. Ce renouvellement doit concerner en premier lieu la formation chrétienne et professionnelle des personnes qui oeuvrent sur le terrain, car elles sont en quelque sorte les instruments du Saint-Père dans ces régions. Je considère comme prioritaire l'éducation et la formation chrétiennes de tous ceux qui - d'une façon ou d'une autre - coopèrent à rendre plus visible le grand signe de charité qu'est la Fondation Jean Paul II pour le Sahel. Pour être effectif, ce renouvellement devra commencer par la prière et la conversion personnelle. Que la Vierge Marie et le bienheureux Jean-Paul II nous assistent ! Merci !


VISITE AU GRAND SÉMINAIRE PONTIFICAL ROMAIN À L'OCCASION DE LA FÊTE DE LA VIERGE DE LA CONFIANCE

« LECTIO DIVINA » Chapelle du Séminaire Mercredi 15 février 2012

15212

Eminence,
chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

C’est toujours une grande joie pour moi de rencontrer, le jour de la Vierge de la Confiance, mes séminaristes, les séminaristes de Rome, en chemin vers le sacerdoce, et voir ainsi l’Eglise de demain, l’Eglise qui vit toujours.

Aujourd’hui, nous avons écouté un texte — nous l’écoutons et nous le méditons — de la Lettre aux Romains et c’est donc de nous qu’il parle, parce qu’il parle aux Romains de tous les temps. Cette Lettre n’est pas seulement la plus longue que saint Paul ait écrite, mais elle est également extraordinaire par son poids doctrinal et spirituel. Elle est extraordinaire également parce que c’est une lettre écrite à une communauté qu’il n’avait pas fondée et à laquelle il n’avait pas même rendu visite. Il lui écrit pour annoncer sa visite et exprimer son désir de se rendre à Rome, et il préannonce les contenus essentiels de son Kerygma; il prépare ainsi la ville à sa visite. Il écrit à cette communauté qu’il ne connaît pas personnellement, parce qu’il est l’Apôtre des païens — du passage de l’Evangile des juifs aux païens — et Rome est la capitale des païens et donc le centre, en fin de compte, aussi de son message. C’est ici que doit parvenir son Evangile, pour qu’il parvienne réellement dans le monde païen. Il y parviendra, mais pas de la façon qu’il avait imaginée. Paul arrivera enchaîné à cause du Christ et ce sont justement ces chaîne qui feront qu’il se sentira libre d’annoncer l’Evangile.

Dans le premier chapitre de la Lettre aux Romains, il dit aussi: de votre foi, de la foi de l’Eglise de Rome, on parle dans le monde entier (cf. 1, 8). Ce qu’il y a de mémorable dans la foi de cette Eglise est que l’on en parle dans le monde entier, et nous pouvons réfléchir à ce qu’il en est aujourd’hui. Aujourd’hui encore, on parle beaucoup de l’Eglise de Rome, de beaucoup de choses, mais espérons que l’on parle aussi de notre foi, de la foi exemplaire de cette Eglise, et prions le Seigneur pour que nous puissions faire en sorte que l’on ne parle pas de tant de choses, mais de la foi de l’Eglise de Rome.

Le texte que l’on a lu (
Rm 12,1-2) est le début de la quatrième et dernière partie de la Lettre aux Romains et elle commence par les mots «Je vous exhorte» (v. 1). Normalement, on dit qu’il s’agit de la partie morale qui suit la partie dogmatique, mais dans la pensée de saint Paul, et dans son langage également, on ne peut pas diviser ainsi les choses: cette parole «j’exhorte», en grec parakalo, contient le mot paraklesisparakletos, elle a une profondeur qui va bien au-delà de la moralité; c’est une parole qui contient assurément une admonestation, mais aussi une consolation, une attention pour l’autre, une tendresse paternelle, plus encore, maternelle; ce mot «miséricorde» — en grec oiktirmon et en hébreux rachamim, sein maternel — exprime la miséricorde, la bonté, la tendresse d’une mère. Et si Paul exhorte, tout cela est implicite: il parle avec le coeur, il parle avec la tendresse de l’amour d’un père et il n’est pas seul à parler. Paul dit «par la miséricorde de Dieu» (v. 1): il se fait l’instrument du langage de Dieu, il se fait l’instrument du langage du Christ; le Christ s’adresse à nous avec cette tendresse, avec cet amour paternel, avec cette attention pour nous. Et ainsi aussi, il ne fait pas appel seulement à notre moralité et à notre volonté, mais aussi à la Grâce qui est en nous, qui laissons opérer la Grâce. C’est presque un acte dans lequel la Grâce donnée dans le Baptême devient opérante en nous, devrait être opérante en nous; ainsi la Grâce, le don de Dieu, et notre coopération vont de pair.

Quel est, en ce sens, l’objet de l’exhortation de Paul? «Offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu» (cf. v. 1). «Offrir vos corps»: il parle de la liturgie, il parle de Dieu, de la priorité de Dieu, mais il ne parle pas de la liturgie comme cérémonie, il parle de la liturgie comme vie. Nous-mêmes, nos corps: nous dans notre corps, et comme corps devons être liturgie. Telle est la nouveauté du Nouveau Testament, et nous le verrons encore par la suite: le Christ s’offre lui-même et remplace ainsi tous les autres sacrifices. Il veut nous «tirer» nous-mêmes dans la communion de son Corps: notre corps avec le sien devient gloire de Dieu, devient liturgie. Ainsi ce terme «offrir» — en grec parastesai — n’est pas seulement une allégorie; allégoriquement aussi, notre vie serait une liturgie, mais au contraire, la vraie liturgie est celle de notre corps, de notre être dans le Corps du Christ, comme le Christ lui-même a fait la liturgie du monde, la liturgie de l’univers, qui tend à attirer tous à soi.

«Dans votre corps, offrir le corps»; cette parole indique l’homme dans sa totalité, indivisible — en fin de compte — entre l’âme et le corps, l’esprit et le corps; dans le corps, nous sommes nous-mêmes et le corps animé par l’âme, le corps lui-même, doit être la réalisation de notre adoration. Et nous pensons — peut-être dirais-je que chacun de nous devrait réfléchir sur cette parole — que notre vie quotidienne dans notre corps, dans les petites choses, devrait être inspirée, donnée, plongée dans la réalité divine, devrait devenir une action avec Dieu. Cela ne veut pas dire que nous devons toujours penser à Dieu, mais que nous devons être réellement pénétrés par la réalité de Dieu, afin que toute notre vie — et pas seulement certaines pensées — soient liturgie, soient adoration. Paul dit ensuite: «Offrir vos corps en sacrifice vivant» (cf. v. 1): le terme grec est logike latreia et il apparaît ensuite dans le Canon romain, dans la Première Prière eucharistique rationabile obsequium. C’est une définition nouvelle du culte, mais préparée à la fois dans l’Ancien Testament et dans la philosophie grecque: ce sont deux fleuves — pour ainsi dire — qui guident vers ce point et s’unissent dans la nouvelle liturgie des chrétiens et du Christ. Ancien Testament: depuis le début ils ont compris que Dieu n’a pas besoin de taureaux, de béliers, de ces choses-là. Dans le Psaume 50 [49], Dieu dit: Pensez-vous que je mange des taureaux, que je boive le sang des béliers? Je n’ai pas besoin de ces choses-là, elles ne me plaisent pas. Je ne bois pas ni ne mange ces choses-là. Ce ne sont pas des sacrifices pour moi. Le sacrifice est la louange de Dieu, si vous venez à moi c’est une louange de Dieu (cf. vv. 13-15.23). Ainsi la route de l’Ancien Testament va vers un point où ces choses extérieures, symboles, substitutions, disparaissent et l’homme lui-même devient louange de Dieu.

1400 Il advient la même chose dans le monde de la philosophie grecque. Ici aussi, on comprend toujours plus que l’on ne peut pas glorifier Dieu à travers ces choses-là — avec des animaux et des offrandes —, mais que seul le «logos» de l’homme, sa raison devenue gloire de Dieu, est réellement adoration, et l’idée est que l’homme devrait sortir de lui-même et s’unir au «Logos», à la grande Raison du monde et ainsi être vraiment adoration. Mais il manque ici quelque chose: l’homme, selon cette philosophie, devrait abandonner — pour ainsi dire — le corps, se spiritualiser; seul l’esprit serait adoration. Le christianisme, en revanche, n’est pas simplement une spiritualisation ou une moralisation; il est incarnation, c’est-à-dire que le Christ est le «Logos», c’est la Parole incarnée, et Il nous rassemble tous, afin qu’en Lui et avec Lui, dans son Corps, comme membres de ce Corps, nous devenions réellement glorification de Dieu. Ayons cela à l’esprit: d’un côté, assurément, sortir de ces choses matérielles pour une conception plus spirituelle de l’adoration de Dieu, mais arriver à l’incarnation de l’esprit, arriver au point où notre corps est réassumé dans le Corps du Christ et notre louange à Dieu ne soit plus une simple parole, une simple activité, mais soit réellement de toute notre vie. Je pense que nous devons réfléchir sur cela et prier Dieu, pour qu’il nous aide afin que l’esprit devienne chair en nous aussi, et la chair devienne pleine de l’Esprit de Dieu.

Nous trouvons également la même réalité dans le quatrième chapitre de l’Evangile de saint Jean, où le Seigneur dit à la Samaritaine: A l’avenir on n’adorera pas sur cette montagne ni sur une autre, avec ces rites ou d’autres; on adorera dans l’esprit et en vérité (cf.
Jn 4,21-23). Il s’agit assurément d’une spiritualisation, d’une façon de sortir de ces rites charnels, mais cet esprit, cette vérité n’est pas un esprit abstrait quelconque: l’esprit est l’Esprit Saint, et la vérité est le Christ. Adorer en esprit et en vérité signifie réellement entrer à travers l’Esprit Saint dans le Corps du Christ, dans la vérité de l’être. Et ainsi, nous devenons vérité et nous devenons glorification de Dieu. Devenir vérité en Christ exige notre participation totale.

Et ensuite, nous poursuivons: «saint, agréable à Dieu: c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre» (cf. Rm 12,1). Deuxième verset: après cette définition fondamentale de notre vie comme liturgie de Dieu, incarnation de la Parole en nous, chaque jour, avec le Christ — la Parole incarnée —, saint Paul continue: «Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme» (v. 2). «Ne vous modelez pas sur le monde présent». Il existe un anticonformisme du chrétien, qui ne se laisse pas conformer. Cela ne signifie pas que nous voulons fuir le monde, que le monde ne nous intéresse pas; au contraire, nous voulons nous transformer nous-mêmes et nous laisser transformer, en transformant ainsi le monde. Et nous devons garder à l’esprit que dans le Nouveau Testament, en particulier dans l’Evangile de saint Jean, le mot «monde» possède deux significations et indique donc le problème et la réalité dont il s’agit. D’une part, le monde créé par Dieu, aimé de Dieu, arrivé au point de se donner lui-même et de donner son Fils pour ce monde; le monde est une créature de Dieu, Dieu l’aime et veut se donner lui-même afin qu’il soit réellement création et réponse à son amour. Mais il y a également l’autre concept du «monde», kosmos houtos: le monde qui se trouve dans le mal, qui est au pouvoir du mal, qui reflète le péché originel. Nous constatons ce pouvoir du mal aujourd’hui, par exemple, dans deux grands pouvoirs, qui en eux-mêmes sont bons et utiles, mais dont on peut facilement abuser: le pouvoir de la finance et le pouvoir des médias. Tous les deux sont nécessaires, car ils peuvent être utiles, mais on peut tellement en abuser qu’ils deviennent souvent le contraire de leurs véritables intentions.

Nous voyons que le monde de la finance arrive à dominer l’homme, que le fait de posséder et d’apparaître dominent le monde et l’esclavagisent. Le monde de la finance ne représente plus un instrument pour favoriser le bien-être, pour favoriser la vie de l’homme, mais il devient un pouvoir qui l’opprime, qui doit être presque adoré: «Mammon, la véritable fausse divinité qui domine le monde. Contre ce conformisme de la soumission à ce pouvoir, nous devons être anticonformistes: avoir ne compte pas, mais ce qui compte est être! Ne nous soumettons pas à cela, utilisons-le comme moyen, mais avec la liberté des fils de Dieu.

Il y a ensuite l’autre pouvoir, le pouvoir de l’opinion publique. Nous avons certainement besoin d’informations, de connaissance des réalités du monde, mais cela peut ensuite devenir un pouvoir de l’apparence; à la fin, ce qui est dit compte plus que la réalité elle- même. Une apparence se superpose à la réalité, devient plus importante, et l’homme ne suit plus la vérité de son être, mais veut surtout apparaître, être conforme à cette réalité. Et contre cela également, il existe l’anticonformisme chrétien: nous ne voulons pas toujours «être conformés», loués, nous ne voulons pas l’apparence, mais la vérité et cela nous donne la liberté et la véritable liberté chrétienne: se libérer de cette nécessité de plaire, de parler de façon conforme à ce que la masse pense, et avoir la liberté de la vérité, et ainsi recréer le monde de manière à ce qu’il ne soit pas opprimé par l’opinion, par l’apparence qui ne laisse plus apparaître la réalité elle-même; le monde virtuel devient plus vrai, plus fort et on ne voit plus le monde réel de la création de Dieu. L’anticonformisme du chrétien nous rachète, nous restitue à la vérité. Prions le Seigneur pour qu’il nous aide à être des hommes libres dans cet anticonformisme qui n’est pas contre le monde, mais qui est le véritable amour du monde.

Et saint Paul poursuit: «Que le renouvellement de votre jugement vous transforme» (v. 2). Deux mots très importants: «transformer», du grec metmorphon, et «renouveler», en grec anakainosis. Nous transformer nous-mêmes, nous laisser transformer par le Seigneur sous la forme de l’image de Dieu, nous transformer chaque jour de nouveau, à travers sa réalité, dans la vérité de notre être. Et ce mot «renouvellement»; telle est la véritable nouveauté: que nous ne nous soumettions pas aux opinions, aux apparences, mais à la Grâce de Dieu, à sa révélation. Laissons-nous former, façonner pour qu’apparaisse réellement dans l’homme l’image de Dieu.

«Que le renouvellement de votre jugement — dit Paul de manière surprenante pour moi — vous transforme». Ce renouvellement, cette transformation commence donc avec le renouvellement de la pensée. Saint Paul dit «o nous»: toute la manière de notre façon de raisonner, la raison même doit être renouvelée. Elle ne doit pas être renouvelée selon les catégories habituelles, mais renouveler signifie se laisser réellement illuminer par la Vérité qui nous parle dans la Parole de Dieu. Et ainsi, finalement, apprendre la nouvelle manière de penser, qui est une manière qui n’obéit pas au pouvoir et à l’avoir, à l’apparence etc., mais qui obéit à la vérité de notre être qui demeure profondément en nous et qui nous est redonnée dans le Baptême.

«Que le renouvellement de votre jugement vous transforme»: c’est précisément chaque jour une tâche dans le chemin de l’étude de la théologie, de la préparation à la prêtrise. Bien étudier la théologie, spirituellement, la penser jusqu’au bout, méditer l’Ecriture chaque jour; cette manière d’étudier la théologie, avec l’écoute de Dieu lui- même qui nous parle, est le chemin de renouvellement de la pensée, de transformation de notre être et du monde.

Et, enfin, «Faisons tout — selon saint Paul — pour pouvoir discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, qui lui plaît et ce qui est parfait» (cf. v. 2). Discerner la volonté de Dieu: nous ne pouvons apprendre cela qu’en suivant un chemin obéissant, humble, avec la Parole de Dieu, avec l’Eglise, avec les sacrements, avec la méditation de l’Ecriture Sainte. Connaître et discerner la volonté de Dieu, combien il est bon. Cela est fondamental dans notre vie.

Et, le jour de la Vierge de la Confiance, nous voyons précisément en Elle la réalité de tout cela, une personne qui est réellement nouvelle, qui est réellement transformée, qui est réellement sacrifice vivant. La Vierge voit la volonté de Dieu, elle vit dans la volonté de Dieu, elle dit «oui», et ce «oui» de la Vierge est tout son être, et ainsi elle nous montrer la route, elle nous aide.

En ce jour, nous prions donc la Vierge, qui est l’icône vivante de l’homme nouveau. Qu’Elle nous aide à transformer, à laisser transformer notre être, à être réellement des hommes nouveaux, à être également ensuite, si Dieu le veut, des pasteurs de son Eglise. Merci.

AUX PARTICIPANTS AU SYMPOSIUM DES ÉVÊQUES D'AFRIQUE ET D'EUROPE

#16212

Salle Clémentine Jeudi 16 février 2012



Messieurs les cardinaux,
chers frères dans l’épiscopat,
chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous accueillir au terme du symposium des évêques d’Afrique et d’Europe, et je vous salue tous avec une grande affection, en particulier le cardinal Péter Erdo, président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, et le cardinal Polycarp Pengo, président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, en les remerciant pour les aimables paroles avec lesquelles ils ont introduit notre rencontre. J’exprime ma profonde satisfaction à tous ceux qui ont promu les journées d’étude, au cours desquelles vous avez débattu sur le thème de l’évangélisation actuelle de vos terres, à la lumière de la communion réciproque et de la collaboration pastorale qui s’est instaurée au cours du premier symposium de l’année 2004.

Avec vous, je rends grâce à Dieu pour les fruits spirituels produits par les relations d’amitié et par la coopération entre les communautés ecclésiales de vos continents au cours de ces années. A partir de milieux culturels, sociaux et économiques différents, vous avez valorisé la tension apostolique commune pour annoncer à votre peuple Jésus Christ et son Evangile, dans le style de l’«échange de dons». Continuez sur cette voie féconde de fraternité active et d’unité d’intentions, en élargissant toujours plus les horizons de l’évangélisation. Pour l’Eglise qui est en Europe, en effet, la rencontre avec l’Eglise qui est en Afrique est toujours un moment de grâce en raison de l’espérance et de la joie avec lesquelles les communautés ecclésiales africaines vivent et communiquent la foi, comme j’ai pu le constater au cours de mes voyages apostoliques. D’autre part, il est beau de voir que l’Eglise qui est en Afrique, bien que vivant au milieu de tant de difficultés et ayant besoin de paix et de réconciliation, est disponible à partager sa foi.

Dans les rapports entre Eglise en Afrique et Eglise en Europe, ayez soin de garder à l’esprit le lien fondamental entre foi et charité, afin que celles-ci s’illuminent réciproquement dans leur vérité. La charité favorise l’ouverture et la rencontre avec l’homme d’aujourd’hui, dans sa réalité concrète, pour lui apporter le Christ et son amour pour chaque personne et chaque famille, en particulier pour ceux qui sont pauvres et seuls. «Caritas Christi urget nos» (2Co 5,14): c’est en effet l’amour du Christ qui emplit les coeurs et pousse à évangéliser. Le divin Maître, aujourd’hui comme alors, envoie ses disciples sur les routes du monde pour proclamer son message de salut à tous les peuples de la terre (cf. Lettre apostolique Porta fidei, n. 7).

Les défis d’aujourd’hui que vous avez devant vous, chers frères, sont exigeants. Je pense en premier lieu à l’indifférence religieuse, qui conduit de nombreuses personnes à vivre comme si Dieu n’existait pas ou à se contenter d’une vague religiosité, incapable de se mesurer avec la question de la vérité et le devoir de la cohérence. Aujourd’hui, en particulier en Europe, mais également dans certaines parties d’Afrique, on sent le poids du milieu sécularisé et souvent hostile à la foi chrétienne. Un autre défi pour l’annonce de l’Evangile est l’hédonisme, qui a contribué à faire pénétrer la crise des valeurs dans la vie quotidienne, dans la structure de la famille, dans la façon même d’interpréter le sens de l’existence. La diffusion de phénomènes sociaux tels que la pornographie et la prostitution sont également des symptômes d’une situation de grave malaise social. Vous êtes bien conscients de ces défis, qui provoquent votre conscience pastorale et votre sens des responsabilités. Ils ne doivent pas vous décourager, mais plutôt créer des occasions de renouveler l’engagement et l’espérance, l’espérance qui naît de la conscience que la nuit est avancée, et le jour est proche (cf. Rm 13,12), car le Christ ressuscité est toujours avec nous. Dans les sociétés d’Afrique et d’Europe, sont présentes de nombreuses forces positives, dont un grand nombre dépendent des paroisses et se distinguent par l’engagement de sanctification personnelle et d’apostolat. Je souhaite que, avec votre aide, elles puissent devenir toujours plus des cellules vivantes et vitales de la nouvelle évangélisation.

Que la famille soit au centre de vos attentions de pasteurs: Eglise domestique, elle est également la garantie la plus solide pour le renouveau de la société. C’est dans la famille, qui conserve les usages, les traditions, les coutumes, les rites empreints de foi, que se trouve le terrain le plus adapté pour l’épanouissement des vocations. La mentalité consumiste actuelle peut avoir des répercussions négatives sur l’apparition et le soin des vocations; d’où la nécessité de prêter une attention particulière à la promotion des vocations sacerdotales et de consécration spéciale. La famille est également le foyer de formation de la jeunesse. L’Europe et l’Afrique ont besoin de jeunes généreux, qui sachent assumer de façon responsable leur avenir, et toutes les institutions doivent bien avoir à l’esprit que c’est dans ces jeunes qu’est renfermé l’avenir et qu’il est important de faire tout le possible, afin que leur chemin ne soit pas marqué par l’incertitude et par l’obscurité. Chers frères, suivez avec une attention particulière leur croissance humaine et spirituelle, en encourageant également les initiatives de volontariat qui peuvent avoir une valeur éducative.

Dans la formation des nouvelles générations, la dimension culturelle assume un rôle important. Vous savez combien l’Eglise estime et promeut toute forme authentique de culture, à laquelle elle offre la richesse de la Parole de Dieu et de la grâce qui jaillit du Mystère pascal du Christ. L’Eglise respecte toute découverte de la vérité, car toute la vérité vient de Dieu, mais elle sait que le regard de la foi fixé sur le Christ ouvre l’esprit et le coeur de l’homme à la Vérité Première, qui est Dieu. Ainsi, la culture nourrie par la foi conduit à la véritable humanisation, tandis que les fausses cultures finissent par conduire à la déshumanisation: en Europe et en Afrique, nous en avons de tristes exemples. La culture doit donc représenter une préoccupation constante qui rentre dans votre action pastorale, en gardant toujours bien à l’esprit que la lumière de l’Evangile s’insère dans le tissu culturel en l’élevant et en faisant fructifier les richesses.

1402 Chers amis, votre symposium vous a offert l’occasion de réfléchir sur les problèmes de l’Eglise sur les deux continents. Certes, ceux-ci ne manquent pas et sont parfois importants; mais, d’autre part, ils sont également la preuve que l’Eglise est vivante, croît, et n’a pas peur d’accomplir sa mission évangélisatrice. C’est pourquoi elle a besoin de la prière et de l’engagement de tous les fidèles; en effet, l’évangélisation est une partie intégrante de la vocation de tous les baptisés, qui est une vocation à la sainteté. Les chrétiens qui ont une foi vivante et sont ouverts à l’action de l’Esprit Saint deviennent des témoins par la parole et par la vie de l’Evangile du Christ. Mais aux pasteurs est confiée une responsabilité particulière. C’est pourquoi «votre sainteté personnelle doit rejaillir au bénéfice de ceux qui ont été confiés à votre sollicitude pastorale, et que vous devez servir. Votre vie de prière irriguera de l’intérieur votre apostolat. Un évêque doit être un amoureux du Christ. Votre autorité morale et votre prestance qui soutiennent l’exercice de votre pouvoir juridique, ne proviendront que de la sainteté de votre vie» (Exhortation apostolique post-synodale Africae munus, n. 100).

Je confie vos intentions spirituelles et vos projets pastoraux à l’intercession de Marie, Etoile de l’évangélisation, tandis que je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux Conférences épiscopales d’Afrique et d’Europe et à tous vos prêtres et fidèles.

CONSISTOIRE ORDINAIRE PUBLIQUE

POUR LA CRÉATION DE NOUVEAUX CARDINAUX

ET POUR LE VOTE SUR QUELQUES CAUSES DE CANONISATION

ALLOCUTION Basilique vaticane Samedi 18 février 2012

[Vidéo]

Galerie photographique


« Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam ».

Vénérés Frères,
Chers frères et soeurs,

C’est en ces termes que le chant d’entrée nous a introduits dans le rite solennel et suggestif du Consistoire ordinaire public pour la création des nouveaux Cardinaux, l’imposition de la barrette, la remise de l’anneau et l’attribution du titre. C’est par ces paroles efficaces que Jésus a constitué Pierre comme fondement solide de l’Église. De ce fondement, la foi représente le facteur qualificatif: en effet, Simon devient Pierre – roc – car il a professé sa foi en Jésus Messie et Fils de Dieu. En annonçant le Christ, l’Église est liée à Pierre et Pierre est établi dans l’Église comme roc ; cependant celui qui édifie l’Église, c’est le Christ lui-même, Pierre doit être un élément particulier de la construction. Il doit l’être à travers sa fidélité à la confession faite à Césarée de Philippe, en vertu de l’affirmation : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

Les paroles que Jésus adresse à Pierre mettent bien en évidence le caractère ecclésial de l’événement d’aujourd’hui. Les nouveaux Cardinaux, en effet, par l’attribution du titre d’une église de cette ville ou d’un diocèse suburbicaire, sont insérés à tous les effets dans l’Église de Rome, guidée par le Successeur de Pierre, pour coopérer étroitement avec lui au gouvernement de l’Église universelle. Ces chers confrères qui dans quelques instants feront partie du Collège cardinalice, s’uniront par des liens nouveaux et plus forts non seulement au Pontife Romain, mais aussi à la communauté des fidèles tout entière, disséminée dans le monde entier. En accomplissent leur service propre comme soutien au ministère pétrinien, les nouveaux cardinaux seront en effet appelés à considérer et à apprécier les situations, les problèmes et les critères pastoraux qui touchent la mission de toute l’Église. Dans cette tâche délicate, le témoignage de foi donné à travers sa vie et sa mort par le Prince des Apôtres, qui, par amour du Christ, s’est donné totalement lui-même jusqu’au sacrifice ultime, sera pour eux un exemple et une aide.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre aussi l’imposition de la barrette rouge. Aux nouveaux Cardinaux est confiée le service de l’amour : amour pour Dieu, amour pour son Église, amour pour le prochain avec un dévouement absolu et sans condition, jusqu’à l’effusion du sang, si nécessaire, comme le dit la formule de l’imposition de la barrette et comme l’indique la couleur rouge des habits revêtus. En outre, il leur est demandé de servir l’Église avec amour et vigueur, avec la clarté et la sagesse des maîtres, avec l’énergie et la force morale des pasteurs, avec la fidélité et le courage des martyrs. Il s’agit d’être d’éminents serviteurs de l’Église qui trouve en Pierre le fondement visible de l’unité.


Discours 2005-2013 1398